M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles, sur laquelle nous sommes invités à nous prononcer, a été déposée par Aline Archimbaud et nos collègues du groupe écologiste.
L’esprit de ce texte rejoint celui d’initiatives précédentes des mêmes auteurs ; elles méritent d’être rappelées afin de mettre en lumière les ressemblances et les contrastes entre ces différents textes.
Je pense, tout d’abord, à la proposition de loi relative à la nocivité du diesel pour la santé, déposée en mai 2014, dont le rapporteur au nom de la commission des finances était Gérard Miquel.
Pour mémoire, ce texte, qui n’a pas été débattu en séance plénière, vise à instituer une taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation des véhicules dont le moteur fonctionne au gazole. Cette taxe additionnelle était d’un montant de 500 euros, revalorisé de 10 % au 1er janvier de chaque année. Les auteurs se fondaient principalement sur les émissions de particules des véhicules diesel.
La commission des finances n’avait néanmoins pas adopté l’article unique de cette proposition de loi, justement en raison de sa focalisation sur les seuls véhicules diesel, et parce que, par construction, il risquait de décourager, paradoxalement, l’achat de véhicules neufs, bien moins polluants que les anciens.
Puis, lors de l’examen de la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014, Aline Archimbaud et Gérard Miquel avaient proposé au Sénat des amendements tendant à prévoir l’instauration d’une taxe additionnelle au malus sur les émissions de C02, assise sur les émissions de particules. La commission et le Gouvernement avaient demandé le retrait de ces amendements, notamment parce qu’ils alourdissaient la charge pesant sur les automobilistes.
Cette fois, nous le verrons, nos collègues nous proposent un système plus complet, ne se limitant pas au seul outil fiscal. Comme leurs initiatives précédentes, celle-ci est motivée par la lutte contre la nocivité des émissions de particules et d’oxydes d’azote.
Qu’il soit bien clair que la commission des finances ne conteste pas le diagnostic de nos collègues. Il a été rappelé dans le rapport écrit rédigé par Jean-François Husson et moi-même que plusieurs travaux de fond, menés notamment par l’OMS, ont montré la dangerosité de cette pollution diffuse : la pollution par les particules PM10 serait ainsi à l’origine de 19 200 à 44 400 morts prématurées chaque année en France, c'est-à-dire à l’origine d’une baisse d’espérance de vie pour un adulte de plus de 30 ans, hors mort accidentelle ou violente. Cela représenterait donc 6 % des décès en moyenne, dont la moitié attribuée aux émissions du trafic routier.
Les auteurs de la proposition de loi mettent donc l’accent sur un vrai enjeu sanitaire et environnemental, que nous ne contestons pas. (Bravo ! sur les travées du groupe écologiste.)
De surcroît, la commission des finances ne saurait négliger l’enjeu financier de la question. En effet, depuis 2011, la France est sous le coup de poursuites de la Commission européenne devant la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect des valeurs limites de qualité de l’air applicables aux particules PM10 définies dans la directive 2008/50/CE concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe. Rappelons que ce texte impose aux États membres de limiter l’exposition de la population à ces microparticules, ce que la France ne fait pas dans seize zones de son territoire.
Notre pays se trouve donc sous la menace d’une prochaine condamnation par la CJUE, qui pourrait être lourde. (Marques d’approbation sur les travées du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Comme Aline Archimbaud l’a rappelé, Delphine Batho, alors ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, avait d’ailleurs estimé, dans une réponse écrite à la Cour des comptes, que « ce contentieux pourrait aboutir à des sanctions pécuniaires de l’ordre de 100 millions d’euros par an. »
Je le répète, nos collègues du groupe écologiste ont raison de nous pousser à agir afin que la pollution due aux émissions de particules et d’oxyde d’azote diminue.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin. Bravo !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Pour autant (Aïe ! sur les travées du groupe écologiste. – Mme la rapporteur sourit.), la commission des finances n’a pas adopté les trois articles de ce texte, pour des raisons qu’il importe d’expliciter.
L’article 1er a pour objet d’instaurer une taxe additionnelle à l’actuel malus sur les émissions de C02. Comme le malus, elle serait due sur le premier certificat d’immatriculation délivré en France pour un véhicule de tourisme.
Elle serait assise sur le nombre de grammes d’oxyde d’azote et de particules fines émis par kilomètre. La fixation du barème de l’imposition ainsi que des modalités de son application serait renvoyée à un décret.
La commission des finances n’a pas adopté cet article et appelle le Sénat à confirmer cette position.
Tout d’abord, sa conséquence immédiate serait un alourdissement de la fiscalité pesant sur les automobilistes. Je rappelle que ceux-ci devraient déjà subir une nouvelle augmentation des taxes sur le diesel prévue à l’article 20 du projet de loi de finances pour 2015. Sans doute n’est-il pas opportun de charger une nouvelle fois la barque, au risque d’associer trop étroitement respect de l’environnement et matraquage fiscal dans l’esprit de nos concitoyens.
Ensuite, du fait de cet alourdissement, la mesure proposée risque d’inciter les propriétaires des véhicules les plus anciens, et donc les plus polluants, à les conserver afin de ne pas subir la nouvelle imposition. Ce serait du gâchis, au vu de l’évolution des normes communautaires en matière d’émissions. Ainsi, je vous le rappelle, un seul véhicule diesel Euro 3, datant de la période 2000-2005, émet autant de particules que 200 véhicules diesel répondant aux normes Euro 5 et Euro 6, en vigueur depuis 2011.
Il n’y a donc pas photo, mes chers collègues : la rénovation du parc automobile apporterait, au contraire, une réponse puissante au problème posé.
M. Jean Desessard. Il n’y a rien de puissant là-dedans !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. De plus, disons, par euphémisme, que la constitutionnalité de cet article 1er n’est pas vraiment assurée. En renvoyant à un décret pour la définition du barème, le législateur n’épuiserait pas sa compétence et encourrait, pour ce motif, une censure du Conseil constitutionnel.
Selon moi, il est une formule qu’il serait intéressant d’étudier afin d’aller dans le sens des auteurs de cette proposition de loi : l’introduction d’une composante « particules » au sein de l’actuel « malus C02 », à rendement constant, c’est-à-dire en diminuant le « barème C02 » à due concurrence du poids du nouveau « barème particules fines ».
C’est une idée que j’avance, mais, dans un tel système, il ne faudrait sans doute pas lier complètement les deux types d’émissions, chacun apportant son lot de nuisances indépendamment l’un de l’autre. Pour dire les choses simplement, un véhicule émettant très peu de C02, et n’étant donc pas frappé par le malus, mais émettant beaucoup de particules fines, devrait être, à mon sens, frappé par la composante « particules fines » de ce malus rénové.
Cette attitude permettrait d’envoyer un message adéquat sur ce type de pollution sans pénaliser excessivement les consommateurs ou l’industrie. Peut-être pourrons-nous poursuivre une réflexion en ce sens dans les prochains mois ? Peut-être même aurions-nous intérêt à aller dans ce sens avant une éventuelle condamnation par la CJUE…
Dans l’immédiat, cette proposition de loi n’aboutit pas à ce résultat. Au contraire, elle tend à alourdir, sans compensation, la fiscalité des seuls véhicules frappés par le malus C02. Elle conduirait donc à une hausse d’impôt qui ne serait pas pleinement efficace au regard de l’objectif recherché.
L’article 2 de la proposition de loi a pour objet de prévoir la remise au Parlement d’un rapport sur l’indépendance de l’expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles.
Il s’agit donc d’une demande d’information visant à permettre au législateur de s’assurer de la fiabilité des mesures affichées au moment de la vente des véhicules.
Comme Jean-François Husson et moi-même l’avons dit lors de la réunion de la commission, nous n’émettons pas d’objection de principe à une telle demande. Toutefois, la commission des finances a rejeté cet article. En effet, étant donné qu’elle n’a pas adopté les autres articles de ce texte, il ne lui a pas semblé opportun de transmettre à l’Assemblée nationale une proposition de loi se limitant à une demande de rapport, d’autant que la prochaine discussion par notre assemblée du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte – normalement dans le courant du premier trimestre de 2015 – fournira l’occasion de débattre d’une telle demande.
Enfin, l’article 3 de la proposition de loi porte sur la création d’un certificat de diagnostic d’éco-entretien. Il s’agirait, en quelque sorte, d’un complément à l’actuel contrôle technique, à la différence près que ce diagnostic n’aurait pas à être réalisé à intervalles réguliers, mais dans l’année précédant la revente d’un véhicule de plus de quatre ans. Cette proposition est intéressante, mais elle figure déjà, comme nous l’avons souligné en commission, dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, dont elle constitue, dans une rédaction un peu différente mais de même esprit, l’article 17 bis. Il ne nous a donc pas paru adéquat de faire circuler dans deux textes en navette des dispositions similaires, les auteurs de la proposition de loi devant normalement avoir satisfaction d’ici à quelques semaines.
En conclusion, la commission des finances n’a donc pas adopté de texte. Elle propose à présent au Sénat de ne pas adopter non plus les trois articles de cette proposition de loi. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce choix n’est pas l’expression d’une divergence profonde avec Mme Archimbaud et nos collègues du groupe écologiste quant au diagnostic qu’ils formulent ni même quant à la nécessité d’avancer sur cette question. En revanche, les mesures précises qu’ils proposent ne nous ont pas semblé satisfaisantes ni de nature à répondre de la manière la plus efficace au problème posé par les émissions de particules fines et de dioxydes d’azote.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Odette Herviaux, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons enfin, ce soir, la proposition de loi du groupe écologiste relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.
Enfin, disais-je, car il s’agit d’une version « remaniée » d’un premier texte, la proposition de loi relative à la nocivité du diesel pour la santé. Ce texte, qui avait été rejeté par la commission des finances et sur laquelle la commission du développement durable avait émis un avis défavorable, n’avait pas pu être examiné en séance publique, faute de temps.
Nous y voici donc ce soir, et je salue la persévérance de mes collègues qui ont su faire en sorte que ce débat important ait finalement lieu dans l’hémicycle.
Cette proposition de loi, qui résonne comme un signal d’alarme, s’inscrit effectivement dans un contexte préoccupant.
Tout d’abord, la « diésélisation » de notre parc automobile ne faiblit pas. Malgré un fort recul des ventes en 2013, les véhicules fonctionnant au gazole représentent encore en France plus de 60 % du parc automobile total et environ 67 % des ventes de nouveaux véhicules. Plus important, la part du gazole dans le total des consommations de carburants dépasse 80 %.
Face à cela, nous disposons aujourd’hui d’un grand nombre d’informations que je n’hésite pas à qualifier d’inquiétantes.
L’Organisation mondiale de la santé a classé en septembre 2012 les fumées émises par les moteurs diesel comme « agents cancérogènes certains », mais elles ne sont pas les seules, j’y reviendrai.
Dans un avis récent de juin 2014 sur les émissions de particules et d’oxydes d’azote par les véhicules routiers, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a clairement fait valoir que 56 % des émissions nationales d’oxydes d’azote sont liées aux transports et que 89 % d’entre elles proviennent des véhicules diesel. On lit également dans cet avis que 61 % des véhicules légers sont des diesels, dont seulement sept millions sont équipés d’un filtre à particules, tandis que douze millions n’en ont pas.
Enfin, et j’en aurai fini avec les mises en garde les plus récentes, mais elles montrent à quel point nous parlons d’un vrai problème de santé publique, le 30 septembre 2014, l’OCDE, qui a réalisé deux études sur le sujet dans l’année, a publié un communiqué où elle « demande aux pouvoirs publics de cesser de subventionner les véhicules de société et de supprimer progressivement l’avantage fiscal en faveur du gazole ». La réduction de cet écart de fiscalité entre l’essence et le gazole est une demande récurrente. Elle était d’ailleurs préconisée par Christian de Perthuis, l’ancien président du Comité pour la fiscalité écologique, auditionné ce matin même par notre commission.
Aujourd’hui, chacun de vous sur ces travées en est certainement convaincu, la nocivité pour notre santé des fumées émises par les moteurs de véhicules diesel est avérée.
Savez-vous cependant, mes chers collègues, que la quantité de particules fines au kilomètre parcouru résultant de l’abrasion des plaquettes de frein de tous les véhicules se révèle, elle, six fois supérieure à celle provenant des pots d’échappement des véhicules diesel ? Principalement constituées de métaux lourds et hautement toxiques, les poussières issues du freinage sont ainsi responsables de 50 % de la pollution de l’air par le cuivre et d’un quart de cette pollution par le zinc ou le plomb...
Il conviendrait donc de s’assurer que les futurs dispositifs de réduction des particules fines dans l’atmosphère intègrent pleinement cet enjeu de santé publique encore trop méconnu et dont l’ADEME a évalué le coût externe global à plus de 2,8 milliards d’euros.
Nous connaissons les conséquences pour la santé humaine d’une exposition à ces particules fines : pathologies pulmonaires, risque aggravé de cancers du poumon ou de la vessie, vieillissement prématuré, impact sur les naissances prématurées et le faible poids de naissance.
Au-delà de cet aspect, que l’on ne saurait passer sous silence, se pose aussi la question du modèle économique de notre filière automobile. La diésélisation du parc automobile, favorisée par une fiscalité préférentielle, a conduit les constructeurs à investir dans des techniques de « dépollution » de leurs moteurs très coûteuses, pour se conformer à la réglementation européenne.
Que faire, dans ces conditions ?
Nos collègues du groupe écologiste ont d’abord préconisé la création d’une nouvelle taxe additionnelle de 500 euros sur les véhicules diesel. Notre commission, en juin dernier, avait émis un avis défavorable à son adoption, regrettant le caractère déconnecté d’une telle mesure par rapport à une réforme globale de plus grande ampleur et plus progressive de la fiscalité des carburants ainsi que l’absence de mesures d’accompagnement pour la filière industrielle automobile, que la création d’une telle taxe n’aurait pas manqué de déstabiliser profondément.
La présente proposition de loi conserve les mêmes objectifs, mais modifie les moyens pour y parvenir, en tenant compte des remarques que les commissions des finances et du développement durable avaient formulées, en évoquant notamment la piste d’un élargissement du bonus-malus écologique aux particules fines.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui comporte trois articles et son exposé des motifs indique que l’objectif du texte est d’intégrer les émissions de polluants atmosphériques dans les critères du malus automobile, qui ne repose actuellement que sur les émissions de dioxyde de carbone.
Le dispositif de l’article 1er ne traduit toutefois pas exactement cette ambition. Il crée un nouveau malus pour les véhicules les plus émetteurs d’oxydes d’azote et de particules fines et renvoie la fixation du barème de cette nouvelle taxe au pouvoir réglementaire. De cette manière, le législateur pourrait se voir reprocher de ne pas avoir épuisé sa compétence, comme l’a relevé Mme Des Esgaulx.
L’article 2 prévoit la remise au Parlement d’un rapport portant sur l’indépendance de l’expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles. Ce rapport devrait être remis par le Gouvernement avant le 31 mai 2015.
Enfin, l’article 3 crée un certificat de diagnostic d’éco-entretien qui devrait être fourni par tout vendeur d’un véhicule diesel d’occasion de plus de quatre ans à son acquéreur. Ce certificat, qui sera obligatoire à compter du 1er janvier 2016, portera sur l’ensemble des émissions polluantes du véhicule.
L’auteur de la proposition de loi a déposé deux amendements visant à réécrire les articles 1er et 3. Nous avons donc en quelque sorte une « troisième mouture » du dispositif, ce qui montre que ce débat mériterait certainement d’être davantage approfondi. Je profite donc de cette tribune pour vous proposer, mes chers collègues, de poursuivre la réflexion et les échanges, afin de pouvoir arrêter des mesures concrètes prenant en compte toutes les sources d’émissions de particules fines des automobiles et de faire du véhicule propre une réalité.
Mes chers collègues, l’avis de la commission du développement durable a été unanime sur ce texte.
En premier lieu, elle a souligné l’importance du problème de santé publique mis en avant par l’exposé des motifs : il est essentiel.
Sur le fond, je partage donc totalement l’esprit de cette initiative du groupe écologiste. Sur ces enjeux, nous avons le devoir de faire preuve de volonté politique et de responsabilité. Pour autant, la commission du développement durable n’a pas estimé que la solution proposée par cette nouvelle mouture, avant le dépôt des amendements, était adaptée, d’autant moins qu’elle omet certaines sources d’émission de particules fines.
Sur la forme, il serait peut-être plus pertinent d’envisager une réforme graduée, sur la durée, ne reposant pas forcément uniquement sur une taxation supplémentaire et comportant des mesures d’accompagnement en faveur de la filière automobile et des ménages les plus modestes, pour aider ces derniers à changer de véhicule.
En effet, une telle taxation aurait à n’en pas douter un fort coût social : en termes de pouvoir d’achat pour les ménages et en termes de compétitivité pour les constructeurs automobiles français.
Le véritable enjeu, nous le savons, c’est le parc automobile diesel existant, mais n’oublions pas que d’autres systèmes de transport, y compris le train ou le métro, se révèlent également fortement générateurs de particules fines, du fait de l’abrasion des plaquettes de frein que j’évoquais.
De surcroît, nous ne pouvons pas ignorer les autres rendez-vous législatifs imminents : le projet de loi de finances pour 2015, qui comprend des mesures relatives à la fiscalité des carburants – avec, par exemple, le relèvement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques en faveur du financement des infrastructures de transport, à hauteur de quatre centimes d’euros par litre de gazole –, ou encore le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Ces deux textes vont être discutés très prochainement par notre assemblée et nous pourrions en tirer profit pour avancer efficacement, comme je l’ai suggéré.
Dans son examen des articles, notre commission a considéré que le dispositif de l’article 1er n’était pas efficace en l’état et que les effets pervers de la taxation proposée seraient nombreux. Elle a donc émis un avis défavorable à l’adoption de cet article.
À l’article 2, la proposition d’un rapport sur l’indépendance de l’expertise technique est intéressante et la commission a donné un avis favorable à l’adoption de cet article, même s'il semble qu'une telle disposition gagnerait à être intégrée dans une réforme plus globale. Sur ce point, je souhaiterais d’ailleurs vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur l’appréciation que vous portez sur les modalités actuelles de l’expertise.
Enfin, je souscris pour ma part pleinement à l’introduction du certificat de diagnostic d’éco-entretien prévue à l’article 3, mais la commission a émis un avis défavorable, car la mesure est déjà contenue dans le projet de loi relatif à la transition énergétique. Malgré un amendement de l’auteur de la proposition de loi visant à aligner la rédaction de cet article sur celle de ce projet de loi, il serait préférable de ne pas adopter deux dispositions analogues dans deux textes différents, l’un et l’autre en cours de navette.
Outre ceux de l’auteur de la proposition de loi, plusieurs amendements ont été déposés par notre collègue Chantal Jouanno. Certains me semblent particulièrement intéressants, mais je crois que nous devrons étudier plus précisément l’impact des mesures proposées.
En résumé, mes chers collègues, je comprends l’appel lancé par le groupe écologiste au moyen de cette proposition de loi et j’y adhère. Nous devons en effet prendre en compte les problématiques sanitaire et écologique liées aux particules fines, mais dans leur globalité et avec des modalités affinées.
Le véhicule doit être considéré comme un tout et rappelons à cet égard que les particules fines émises par l’abrasion des plaquettes de frein peuvent représenter jusqu’à 21 % du total des particules émises par le trafic routier.
La commission du développement durable maintiendra donc une grande vigilance sur ce sujet et sera force de proposition afin d’accompagner notre pays sur la voie d’une transition nécessaire réconciliant le développement de notre économie, la protection de la santé publique et la préservation de l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les problématiques soulevées par les sénateurs écologistes à l’origine de la proposition de loi que votre assemblée examine aujourd’hui sont tout à fait pertinentes.
M. Jean Desessard. Cela commence bien ! (Sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je voudrais saluer le travail réalisé en commission. L’auteur de la proposition de loi et les rapporteurs ont rappelé l’importance du sujet, sa gravité, les travaux antérieurs, les travaux en cours, les mesures prises ou sur le point d’être prises. Après de tels exposés, vous me permettrez d’être assez rapide.
Le diesel constitue un enjeu fort, non seulement pour la lutte contre le réchauffement climatique, mais également pour des impératifs de santé publique. À ce titre, cette question est pleinement intégrée au chantier de la transition énergétique mené par le Gouvernement, que je voudrais détailler.
Le Gouvernement a mis en œuvre et proposé plusieurs dispositions visant à lutter contre les nuisances liées à la consommation de carburant, de diesel, en particulier.
La loi de finances pour 2014 a notamment prévu la révision du barème de la taxe sur les véhicules de société, pour renforcer son ciblage sur les moteurs diesel, ainsi que l’extension de la composante « air » de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, à de nouvelles substances polluantes.
Le projet de loi de finances pour 2015, adopté hier en première lecture par l’Assemblée nationale, prévoit la majoration de quatre centimes par litre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sur le diesel. Cela résulte notamment de la mise en place d’une « composante carbone » de la fiscalité au travers de la contribution climat-énergie.
Le dispositif de bonus-malus automobile, que vous proposez de modifier, a lui-même été réformé dans sa « composante malus » en 2014 pour accentuer le « verdissement » du parc automobile français. Pour 2015, le Gouvernement souhaite que la « composante bonus » soit désormais ciblée sur les seuls véhicules électriques et hybrides, avec un montant qui demeurera très attractif – jusqu’à 6 300 euros par véhicule électrique.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit la mise en place, au sein du dispositif de bonus-malus automobile, d’une prime à la conversion, qui portera jusqu’à 10 000 euros le bonus à l’achat d’un véhicule « propre » lorsqu’il s’accompagnera de la mise au rebut d’un vieux véhicule diesel polluant, en fonction de critères géographiques et sociaux. Ce dispositif sera financé sans augmentation du malus.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, que d’aucuns d’entre vous ont évoqué et que votre assemblée examinera dans les prochaines semaines, consacre un titre entier à la question du développement des transports propres. Il prévoit des mesures ambitieuses et concrètes afin de réduire significativement la pollution due aux transports routiers telles que le déploiement de bornes de rechargement des véhicules électriques, le développement de l’achat public de véhicules propres, la mise en place de mesures de restriction de la circulation en cas de mauvaise qualité de l’air ou encore le développement du covoiturage. Enfin, des sanctions seront mises en place contre la pratique de retrait des filtres à particules.
Venons-en à vos propositions. La première d’entre elles, qui vise à ajouter au malus automobile une composante reposant sur les émissions des polluants atmosphériques, n’est pas nouvelle. Elle avait notamment déjà été examinée par l’Assemblée nationale, sous une forme similaire, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. À l’époque, des avis défavorables avaient été émis par le rapporteur général du budget – que j’ai bien connu (Sourires.) – et par le Gouvernement.
Cet avis n’a pas évolué, pour différentes raisons.
D’abord, sur le fond, j’ai eu l’occasion d’exposer les mesures que le Gouvernement est en train de mettre en œuvre pour lutter contre les problèmes que vous soulevez. Taxer encore davantage l’achat de véhicules diesel, comme vous le proposez, aurait pour conséquence de renchérir l’acquisition des véhicules diesel nouveaux qui sont pourtant beaucoup moins polluants. Cela aurait pour effet de rendre plus difficile la mise sur le marché de ces véhicules et encouragerait la conservation des vieux diesels. (Exclamations sur les travées du groupe écologiste.)
Ensuite, sur un plan industriel, nous ne pouvons pas non plus ignorer les conséquences à court terme pour les constructeurs français dans le contexte économique que vous connaissez.
Par ailleurs, sur les plans juridique et technique, votre proposition soulève plusieurs difficultés.
En premier lieu, elle déroge au principe du monopole fiscal des lois de finances, auquel vous comprendrez que le secrétaire d’État chargé du budget soit attaché.
En second lieu, le renvoi à un décret des éléments d’assiette et de taux de la taxe proposée entraîne un problème d’incompétence négative du législateur bien connu du Conseil constitutionnel. J’ai bien sûr noté que vous proposez de corriger ce point par amendement. Encore faudrait-il avoir la capacité d’en évaluer la portée financière.
Enfin, en troisième lieu, je signale que la mise en œuvre pratique de votre proposition se heurterait à des éléments techniques liés, par exemple, à l’absence d’information systématique relative aux émissions de particules sur la carte grise des véhicules neufs. Elle nécessiterait donc la définition de protocoles et d’instruments de mesure nouveaux, qui relèvent, à l’évidence, du niveau communautaire.