Mme la présidente. La parole est à Mme Elisabeth Doineau.
Mme Elisabeth Doineau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je tiens à saluer la proposition de loi de Mme Procaccia, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, elle traite d’un sujet majeur, celui du régime de sécurité sociale des étudiants, dont dépendent, cela a déjà été souligné, 1 700 000 jeunes.
Ensuite, elle s’intéresse à un système ancien, et original de par sa structure. La loi du 23 septembre 1948 rend obligatoire pour les étudiants l’affiliation au régime général de la sécurité sociale. Mais la gestion des prestations est déléguée à des organismes spécifiques, les mutuelles étudiantes, qui forment depuis 1971 un duopole. Il s’agit là d’un système unique en Europe : il ne semble pas que nous ayons été copiés.
Enfin, cette proposition de loi s’attache à clarifier un système mis à mal par les affaires et perçu comme très obscur non seulement par les étudiants, et pas seulement par eux.
Autant dire que l’objectif initial du système – favoriser la citoyenneté sociale des jeunes et l’apprentissage progressif de l’autonomie – n’est plus atteint aujourd’hui.
Ce système a été créé pour répondre aux demandes et aux besoins d’une époque, qui n’est pas celle que nous vivons aujourd’hui. Par exemple, le nombre d’étudiants a doublé en trente ans.
Si ce système est ancien et original, il n’est pas pour autant immuable. Aujourd’hui, tout semble même indiquer qu’une remise à plat s’impose. Les étudiants constatent quotidiennement les limites d’un dispositif devenu inutilement complexe, coûteux, et il est soumis à de nombreux dysfonctionnements. La Cour des comptes et l’UFC-Que Choisir ont récemment remis en cause l’opportunité du maintien d’un système spécifique de sécurité sociale pour les étudiants.
D’une part, celui est jugé trop complexe du fait de sa dénomination. Le terme « mutuelle » crée de la confusion chez les assurés. S’agit-il d’une assurance maladie obligatoire ou d’une couverture complémentaire ?
D’autre part, la sécurité sociale étudiante est intrinsèquement un régime transitoire. Un étudiant, en moyenne, y reste affilié pendant trois ans. De plus, la législation oblige ceux qui sont en alternance, en apprentissage ou salariés à un va-et-vient permanent entre le régime social de l’entreprise dans laquelle ils travaillent et le régime étudiant. Cette complexité est supportée à la fois par les étudiants et les régimes concernés, qui doivent réaliser les radiations, puis les réinscriptions.
À cela s’ajoute une procédure d’affiliation laborieuse. Le temps de délivrance de la carte Vitale, même si les mutuelles étudiantes ne sont pas les premières responsables de cette situation, est souvent aléatoire, entraînant des procédures supplémentaires dans l’attente dudit document. Les conséquences pour l’assuré en sont l’avance des frais ou le report sine die des soins, ce qui ne peut être toléré.
La qualité du service n’est donc pas au rendez-vous. En témoignent les files d’attente devant les agences des mutuelles étudiantes, les délais de remboursement souvent trop longs ou encore les pièces de dossier perdues.
Faute de temps, je ne peux dresser ici la liste des dysfonctionnements ni évoquer tous les coûts que ce système engendre. Je vous renvoie donc, mes chers collègues, au très bon rapport d’information élaboré, en 2012, par M. Ronan Kerdraon et Mme Catherine Procaccia, ainsi qu’à celui de la Cour des comptes datant de l’année dernière.
En résumé, que de complexité pour une phase transitoire ! Il est clair que le système ne répond clairement plus aux exigences de notre temps !
Il faut donc agir. Mais comment ?
Deux solutions s’offrent à nous.
D’un côté, la proposition de loi de Mme Procaccia vise « à simplifier le système […] afin d’améliorer la lisibilité et la qualité du service, tout en suscitant des économies de gestion », grâce à une affiliation indépendante des étudiants au régime de sécurité sociale de leurs parents et à la suppression des mutuelles étudiantes. Cette solution porte sur l’ensemble du système.
De l’autre, la LMDE propose de s’adosser à la caisse nationale d’assurance maladie, à qui elle déléguerait sa fonction de gestion afin de pouvoir se concentrer sur ses fonctions mutualistes. Il n’est donc nullement question d’une réintégration du régime étudiant par la sécurité sociale. Dans cette hypothèse, la CNAM assurerait l’infogérance informatique. Pour la simplicité et la clarification, on repassera !
Cette solution est d’ailleurs incomplète puisqu’elle porte sur la seule LMDE, et non sur les mutuelles régionales. Elle est en outre purement hypothétique. En effet, nous ne savons pas où en sont les négociations ou, à tout le moins, nous ne disposons pas de toutes les informations sur le sujet
C’est pourquoi le groupe UDI-UC estime que la proposition de loi de Mme Procaccia s’avère être la meilleure solution à l’heure actuelle.
Je tiens à féliciter chaleureusement Mme Procaccia et M. Kerdraon pour leur travail. Ce texte est issu d’une longue réflexion entamée voilà plusieurs années, qui ne peut faire l’objet d’aucune accusation partisane.
Par ailleurs, la situation de la LMDE nous pousse à agir dès à présent. Nous ne pouvons pas perdre de temps. L’organisme est en effet placé sous administration provisoire depuis juillet et sa situation financière est dramatique, avec une dette estimée à plusieurs dizaines de millions d’euros. La question est désormais posée de sa disparition à l’horizon de la rentrée prochaine.
Cette perspective me permet d’évoquer une troisième solution. Si la LMDE disparaît, seules les mutuelles régionales auraient la charge de couvrir les étudiants. Pourquoi ces dernières, ayant globalement un niveau de qualité de service supérieur et une situation financière bien meilleure, ne pourraient-elles pas absorber la LMDE et reprendre ses affiliés ? C’est une piste à envisager.
Le réseau des mutuelles régionales, qui n’est certes pas parfait, doit-il supporter le poids des erreurs de son concurrent et disparaître également ? Comme cela a déjà été dit, la proposition de loi de Mme Procaccia est sans doute quelque peu radicale sur ce point et une voie intermédiaire d’amélioration du système existant aurait pu être trouvée.
Néanmoins, cette proposition de loi va dans le bon sens. Elle offre une solution crédible de simplification, de clarification et de meilleure gestion, ce qui permet de répondre aux principaux maux du système actuel.
J’ai fait part, en commission, de quelques réserves au regard de la confidentialité des soins dans un tel dispositif. En effet, un tiers des étudiants résident toujours au domicile familial. Le recours exclusif à la dématérialisation des feuilles de remboursement et aux espaces personnels en ligne permettrait de garantir cette confidentialité nécessaire à l’autonomie des jeunes.
Enfin, durant la phase transitoire proposée par Mme Procaccia, il faudra instaurer le fameux plan B de la LMDE. Si celui-ci est concluant, pourquoi ne pas l’appliquer à l’ensemble des mutuelles étudiantes ?
Dans tous les cas, il est important que la question de l’efficience et de la transparence soit au cœur de ce nouveau système, en garantissant une publication régulière des mesures de qualité de service. Il est essentiel de délivrer un service efficace et clair aux étudiants, notamment aux étudiants les plus précaires. Nous pensons, au sein du groupe UDI-UC, que ce texte pourra y contribuer. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, je vais rappeler une fois de plus que, depuis 1948, les étudiants sont rattachés au régime obligatoire de base de la sécurité sociale et bénéficient des mêmes prestations que tout autre affilié du régime général.
Lors de leur inscription dans un établissement d’enseignement supérieur, ils doivent choisir leur centre de sécurité sociale. Il peut s’agir de la LMDE, la seule mutuelle compétente sur l’ensemble du territoire, ou de l’une des dix mutuelles régionales regroupées dans le réseau emeVia.
Depuis plusieurs années, ce système fait l’objet de critiques de la part des étudiants eux-mêmes, de leurs parents et des associations de consommateurs, mais aussi de la part de la Cour des comptes, qui, dans un rapport présenté l’an dernier, a trouvé à redire à ce dispositif aujourd’hui confronté à de profondes difficultés. Un constat similaire avait également été dressé par Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon, tous deux coauteurs d’un excellent rapport sénatorial sur la sécurité sociale et la santé des étudiants.
Un net contraste est apparu entre les résultats des observations de la Cour des comptes et ceux des enquêtes de satisfaction autoproduites par les mutuelles étudiantes. La LMDE, par exemple, faisait état en 2010 et 2011 de 88 % de personnes satisfaites, se classant ainsi parmi les plus appréciées des mutuelles, alors qu’elle ressort comme la plus mal notée dans l’enquête de la Cour des comptes. D’ailleurs, la surestimation de la satisfaction des étudiants dans les enquêtes réalisées par les mutuelles est générale.
L’insatisfaction réelle des étudiants a des causes objectives.
On peut noter des dysfonctionnements liés à la carte Vitale. Selon l’enquête de la Cour des comptes, seulement un quart des étudiants déclarent avoir bénéficié d’une carte Vitale en état de fonctionnement moins d’un mois après leur affiliation, quand 10 % n’en étaient toujours pas dotés neuf mois plus tard !
Les relations avec les affiliés paraissent également difficiles. Alors que le nombre d’appels téléphoniques entrants ne cesse de croître, le nombre d’appels traités se réduit. Les courriels ne représentent encore qu’une faible partie des échanges entre les mutuelles étudiantes et leurs affiliés. Quant au traitement des courriers, la Cour des comptes a relevé un certain nombre de pratiques en contradiction avec les principes de service public applicables à la LMDE !
S’agissant des coûts de gestion, la Cour des comptes a dressé un constat accablant, que j’avais eu l’occasion de mentionner, voilà un an, lors du débat consacré à la sécurité sociale des étudiants. D’après ses observations, les remises de gestion versées par la CNAMTS aux mutuelles étudiantes ont augmenté de plus de 8,1 % entre 2006 et 2011. De même, après prise en compte de l’évolution des effectifs, les frais de gestion unitaire des mutuelles étudiantes ont progressé de 7,2 % entre 2005 et 2011, contre une hausse de 5 % pour l’ensemble des caisses primaires. Par ailleurs, les mutuelles étudiantes paraissent significativement moins productives que les caisses primaires pour les remboursements par salarié.
L’UFC-Que Choisir note également qu’en 2011, les mutuelles étudiantes ont dépensé 93 millions d’euros en frais de gestion pour remplir leur mission de sécurité sociale. Cette somme représente près de 14 % du montant des prestations versées, soit trois fois plus que le niveau atteint par l’assurance maladie !
Le constat de la Cour des comptes est sans appel : au total, les coûts de gestion de l’assurance maladie obligatoire par les mutuelles étudiantes sont très supérieurs à ceux qui seraient supportés dans le cas d’une gestion directe par les CPAM.
En résumé, un mode de gestion très spécifique, une gouvernance peu satisfaisante, une qualité de service globalement très insuffisante et des coûts de gestion exorbitants ont conduit la Cour des comptes à formuler une recommandation visant à « reconsidérer le maintien de la gestion déléguée de l’assurance maladie des étudiants ».
C’est ce constat qui a conduit notre collègue Catherine Procaccia, dont je reconnais ici le pragmatisme, à proposer, dans la lignée de son rapport d’information, le texte examiné ce jour.
La proposition de loi tend à prévoir que les étudiants demeurent affiliés au régime de sécurité sociale de leurs parents. Mais cette affiliation est mise en place de manière indépendante, afin de régler les problèmes d’autonomie et de confidentialité que nous avons pu évoquer. C’est l’objet de l’article 1er, et cette solution me paraît tout à fait correcte et raisonnable. En outre, elle est d’application simple au regard de l’implication des parents : ces derniers sont encore derrière leurs enfants quand, à 18 ans, ceux-ci entament des études supérieures. Le maintien de l’affiliation au régime de sécurité sociale des parents est donc tout à fait normal.
L’article 2 vise à maintenir le versement, par les étudiants, hormis les étudiants boursiers, d’une cotisation forfaitaire au début de chaque année universitaire. Celle-ci constitue une participation au coût de fonctionnement de la sécurité sociale française. Catherine Procaccia nous présentera un amendement tendant à introduire une exception pour les étudiants salariés.
Les articles 3 et 4 ont pour objet de supprimer les mutuelles étudiantes.
Je signalerai en dernier lieu l’adoption, en commission des affaires sociales, de deux amendements significatifs.
Le premier, qui répond aux craintes importantes des personnels des mutuelles, a permis d’introduire un nouvel article pour éviter que la suppression des mutuelles étudiantes ne conduise au licenciement de leur personnel. En effet, les salariés travaillant actuellement dans ces mutuelles verront leur contrat de travail transféré automatiquement vers leur nouvel employeur.
Par ailleurs, la date d’entrée en vigueur de la loi a été repoussée au 1er septembre de la troisième année suivant la promulgation. Ce délai permettra de préparer au mieux l’échéance de rattachement des étudiants au régime de leurs parents.
Dans le contexte de crise économique que nous connaissons aujourd’hui, il me paraît nécessaire de reconsidérer un système devenu coûteux et inefficace. Cette proposition de loi tend, certes, à faire disparaître la spécificité des mutuelles étudiantes au titre du régime général, mais son adoption permettra d’améliorer le fonctionnement et de réduire les coûts par une simplification des procédures. C’est donc un texte d’importance, en cette époque où la simplification est tant mise en avant, ne déniant ni la possibilité d’une couverture complémentaire ni celle d’un travail de prévention.
Le système actuel a été critiqué sur toutes les travées, notamment pour sa complexité. L’une de nos collègues a d’ailleurs décrit de manière très percutante ce que peut être le parcours d’inscription d’un étudiant. Tout le monde s’accorde à dire que le dispositif ne fonctionne pas !
La proposition de loi que nous examinons apporte une solution claire, simple et juste. Bien sûr, on peut évoquer la spécificité du régime étudiant, mais, s’agissant des besoins particuliers de ce public jeune en matière de prévention, la situation des étudiants ne diffère guère de celle des jeunes qui commencent à travailler à l’âge de 18 ans.
C’est donc avec beaucoup de conviction que notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc de la commission.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été rappelé précédemment, le système français de sécurité sociale étudiante est une expérience unique et nullement comparable à ce qui se fait dans les autres pays européens.
Mis en place en 1948, son principe initial était louable : donner davantage d’autonomie aux jeunes étudiants grâce à un statut intermédiaire et transitoire de régime obligatoire entre une affiliation parentale et l’affiliation liée à leur futur statut.
Malheureusement, ce dispositif s’est essoufflé au fil des années et la présente proposition de loi vise à rationaliser et à moderniser ce système. Plusieurs éléments objectifs ont permis de rédiger ce texte, dont l’élaboration et la réflexion remontent à 2012.
Il ne s’agit nullement d’une atteinte aux droits des étudiants, contrairement à ce que dénoncent les fervents opposants à cette proposition de loi. De nombreuses associations estudiantines, dont la FAGE – Fédération des associations générales étudiantes –, qui regroupe environ 2 000 associations, demandent ce changement.
De son côté, l’UFC-Que Choisir dressait déjà, en 2012, un bilan critique de la gestion des mutuelles étudiantes, notamment en ce qui concerne les longs délais de remboursement et le faible taux de réponse des conseillers.
Quant au constat fait par la Cour des comptes dans le rapport de 2013, il est sans appel ; il est même édifiant. Si la Cour reconnaît l’originalité du dispositif, elle n’en recommande pas moins de « reconsidérer le maintien de la gestion déléguée de l’assurance maladie des étudiants ».
En effet, contrairement à ce qu’avancent les actuelles mutuelles étudiantes délégataires, LMDE et emeVia, la présente proposition de loi ne prive pas les étudiants d’une quelconque autonomie. Elle fait toute sa place au statut indépendant de l’étudiant à l’égard du foyer parental et familial. Ainsi, la confidentialité du suivi médical, des prescriptions et des traitements sera parfaitement assurée. Je puis témoigner, comme professionnelle de la santé, qu’il est essentiel de la préserver. Cette proposition de loi garantit pleinement la séparation des dossiers médicaux de l’étudiant de ceux de sa famille.
L’actuel système n’est plus un vecteur d’assurance satisfaisant pour les étudiants. Il est trop complexe et trop coûteux. Plusieurs études ont fait ressortir des problèmes liés à l’établissement des cartes vitales, qui mettent plusieurs mois à parvenir aux nouveaux affiliés, ou au manque de synergie entre les régimes étudiants et le régime général lorsque l’étudiant travaille. À cet égard, je citerai le cas des étudiants en pharmacie, qui, lors de l’année de stage hospitalier prévue par leur cursus, sont affiliés, en tant que salariés du centre hospitalier universitaire, à une CPAM. Malgré le transfert du dossier, qui parfois se perd dans les méandres du régime de sécurité sociale étudiante, il est impossible de mettre à jour la carte Vitale, et celle-ci doit être refaite !
De plus, et c’est à mon sens le véritable point noir du dispositif actuel dans son application, le régime de sécurité sociale étudiante mélange allègrement la délégation de service publique avec l’activité commerciale de complémentaire santé, à laquelle les étudiants n’ont pas à souscrire systématiquement, contrairement au régime obligatoire, ce qui sème une certaine confusion. Les étudiants sont souvent couverts, et mieux couverts, par les mutuelles souscrites par leurs parents. Ce n’est pas le principe de la délégation de service public qui est remis en cause, mais le mélange avec une activité commerciale, parfois très opaque.
Il convient aussi de prendre en compte le fait que, le 1er janvier 2016, la loi imposera à chaque employeur d’affilier systématiquement chaque salarié à une complémentaire santé. Dans certains cas, cela vaudra également pour les ayants droit, et donc pour les enfants étudiants.
Le maintien du régime de sécurité sociale étudiante serait cohérent s’il était source d’économies et donnait des résultats probants. Les études et les rapports de tous horizons montrent, là encore, que c’est tout le contraire.
Ce système s’avère bien plus cher que le régime général. La Cour des comptes estime à 69 millions d’euros l’économie qui serait réalisée uniquement en frais de gestion si la CNAM reprenait en charge le public étudiant.
Pour comprendre cette dérive, il faut remettre dans son contexte la loi de 1948 : ce qui était valable à l’époque pour quelques milliers d’étudiants ne l’est clairement plus aujourd'hui avec l’augmentation de leur nombre.
Enfin, il faut rassurer l’ensemble des salariés du régime obligatoire des mutuelles étudiantes. Dans sa sagesse, la commission des affaires sociales a adopté ce texte en ajoutant un article 4 bis qui prévoit le transfert automatique de l’ensemble de ces personnels vers les services des différentes caisses d’assurance maladie.
La commission a, par ailleurs, retardé de trois ans l’application de cette proposition de loi par rapport à ce qui était prévu dans le texte initial.
Mes chers collègues, je voudrais conclure mon intervention en vous disant simplement que voter ce texte, c’est voter pour un système plus équilibré, plus juste, plus simple, plus sécurisant pour les étudiants. Cette proposition de loi va au-delà des clivages partisans. C’est un texte de bon sens et de simplification. Ce texte apporte aussi la garantie de faire des économies substantielles en matière de santé publique. En ces temps difficiles, il est important d’oser réformer pour concentrer notre effort sur d’autres politiques publiques probablement tout aussi nécessiteuses.
Ce texte, c’est tout simplement l’assurance d’un meilleur fonctionnement, adapté à la réalité du monde étudiant tel qu’il est aujourd’hui. À cet égard, je tiens à saluer le travail de Catherine Procaccia.
Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai, avec le groupe UMP, cette proposition de loi, la santé des jeunes restant au cœur de nos préoccupations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, nous abordons un sujet récurrent. Il s’agit de s’interroger sur l’intérêt de ce régime obligatoire étudiant, unique en Europe, créé en 1948.
Les problèmes dits « des mutuelles étudiantes » sont nombreux, connus et analysés. Quelle famille ayant eu ses enfants dans l’enseignement supérieur ne connaît pas les délais de remboursement interminables, l’absence de tiers payant faute de carte Vitale délivrée ? Qui ne déplore le spectacle des queues lors des inscriptions à la rentrée qui ont encore fait la une de la presse, lorsque deux acteurs de la mutualité étudiante en sont venus aux mains ? Pour autant, je le dis sans détour, le groupe politique auquel j’appartiens peut-il endosser le soupçon d’inertie qu’on entend porter sur lui ?
Le statu quo serait une impasse, cela a été dit par tous les intervenants. Nous devons en sortir, dans l’intérêt des étudiants, au nom de la transparence et de la responsabilité partagée.
Concernant la qualité de service, le constat critique est posé. L’excellent rapport sénatorial de nos collègues Kerdraon et Procaccia, le rapport de la Cour des comptes, l’enquête de l’UFC-Que Choisir affirment tous que le régime est décrié par son public. En témoigne aussi la pétition lancée par la FAGE, qui a récolté immédiatement 24 000 signatures pour demander une réforme en profondeur du régime de sécurité sociale des étudiants.
Les mutuelles étudiantes et l’Observatoire de la vie étudiante dressent le même constat : le renoncement aux soins chez les étudiants est en augmentation. Pourquoi cela ? Les mutuelles étudiantes ont pourtant une mission d’information, de prévention et d’éducation au parcours de soin. La raison financière serait-elle la cause principale de ce renoncement ? Pourtant, le Gouvernement a fait des efforts afin d’améliorer les conditions de vie des étudiants en investissant massivement dans les aides sociales directes. Cela devrait contribuer à l’accès aux soins des étudiants. Seraient-ce les délais d’attente pour être remboursé, l’absence de carte Vitale pendant plusieurs mois qui provoquent ces difficultés financières pour les étudiants, la complexité administrative qui les conduit à ne pas adhérer au parcours de soin voire à rejeter l’éducation pour la santé ?
Une politique de prévention spécifique en direction des jeunes est pourtant indispensable. Plus que des actions éparses, une réflexion stratégique doit définir des axes, déclinés sur les territoires, en fonction des spécificités des populations visées.
La loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche renforce la place des CROUS – centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – dans le cadre des politiques de sites. Je suis persuadée que les CROUS, les services de santé universitaire, les agences régionales de santé et les comités départementaux d’éducation pour la santé ont un rôle particulier à jouer afin de déployer et de coordonner des programmes de prévention et de promotion de la santé sur les campus. Les étudiants étant représentés dans les instances des CROUS et des universités, c’est à ce niveau qu’ils peuvent agir pour l’adéquation entre les besoins des usagers qu’ils représentent et l’action des établissements.
Le Président de la République ayant rappelé son attachement au service civique, ne peut-on imaginer des jeunes en service civique jouant un rôle de « médiateur de la santé », intégrés aux campus santé voulus par vous, madame la secrétaire d'État, et qui commencent à se mettre en place ? Ce serait permettre, dans le cadre d’une stratégie coordonnée avec le ministère de la santé, une définition et un renforcement de la prévention des jeunes par leurs pairs.
Enfin, la situation de la LMDE, l’un des acteurs principaux de la mutualité étudiante, oblige à repenser le système, dans un délai désormais fixé par l’autorité de contrôle, d’ici à juin 2015.
Les étudiants ont perdu la main sur l’outil, alors qu’un adossement à la MGEN devait renforcer leur autonomie en même temps qu’apurer les comptes et les délais de réponse. Toutefois, l’administratrice provisoire qui a été nommée n’a pas suivi les préconisations émises par le comité de surveillance. La trésorerie de la LMDE en est encore plus fragilisée, alors même que l’équilibre du modèle économique n’était pas encore trouvé.
Depuis des années, les salariés subissent des plans sociaux, des plans de restructuration, des critiques publiques qui tendent le climat social. S’il s’avère que les difficultés financières de la LMDE sont structurelles, des solutions doivent rapidement être envisagées pour ces salariés.
Alors, bien que souscrivant à l’exposé des motifs de la proposition de loi, je pense que le véhicule législatif qui nous est présenté ce soir n’est pas le bon. Un travail complet sur l’impact d’une réforme définitive doit être mené afin de ne pas plonger les étudiants dans une précarité sanitaire encore plus grande.
En juillet et en décembre 2013, le sujet des mutuelles étudiantes a été abordé dans cette même assemblée. Des engagements avaient été pris, mais force est de constater que la situation est de plus en plus critique pour les étudiants.
C’est pourquoi, aujourd’hui, alors que l’administratrice provisoire rendra ses conclusions d’ici au mois de juin 2015, je demande que le Gouvernement prenne la main sur ce dossier qui concerne la santé de centaines de milliers de jeunes et qui conditionne aussi leur comportement sanitaire, leur adhésion et leur confiance dans un système de santé auquel tout citoyen a droit.
Le Gouvernement doit réunir les acteurs et annoncer avant juin 2015 une réforme structurelle traduisant les orientations fixées par le Président de la République : « Priorité jeunesse », transparence et accès au droit commun pour tous.
C’est l’intérêt des étudiants, mais aussi des stagiaires, des alternants, des apprentis, qui doit être la boussole de la réforme attendue, madame la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mlle Sophie Joissains applaudit également.)