Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je laisse à mon collègue Jean Desessard le soin de le défendre ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 191.
M. Jean Desessard. J’aurais bien laissé à mon collègue Jacques Mézard le soin de le faire, mais il n’est pas là pour défendre son amendement ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le rapporteur général, lorsque, conjointement avec ma collègue Marie-Noëlle Lienemann, j’ai suggéré d’ouvrir les emplois d’avenir aux chômeurs, vous m’avez répondu que ces derniers n’avaient pas besoin de ce dispositif, réservé aux jeunes, mais plutôt de formations qualifiantes pour se réinsérer durablement dans l’emploi. Cet amendement a précisément pour objet de répondre à ce besoin.
Nous proposons en effet d’étendre le bénéfice des contrats de professionnalisation aux chômeurs de plus de 45 ans. Ces contrats permettent à des personnes de bénéficier d’une formation en alternance entre un organisme de formation et une entreprise, dans le cadre de la formation continue. Ils permettent de bénéficier à la fois d’une formation qualifiante et d’une rémunération, au moins égale au SMIC ou à 80 % du salaire défini par convention collective.
Nous le savons, le manque de formation est l’une des raisons qui empêchent les chômeurs de retrouver un emploi. Il en existe bien sûr d’autres, comme le manque d’attractivité, réel ou supposé, des postes, les conditions de travail proposées ou encore les salaires. Lors d’une question orale avec débat, j’avais souligné devant le ministre du travail que nous ne connaissions pas la part respective de chacune de ces causes.
Néanmoins, le manque de formation peut être une cause de chômage de longue durée et il nous faut utiliser tous les outils à notre disposition pour lutter efficacement contre ce fléau.
M. le président. L’amendement n° 315 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 8 rectifié et 191 ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements ont pour objet l’extension aux chômeurs de longue durée de plus de 45 ans du bénéfice des contrats de professionnalisation. Cela peut contribuer au développement souhaité des contrats en alternance ; pour autant, est-ce la bonne solution ? Il importe qu’une formation qualifiante soit apportée. Un amendement relatif aux contrats d’avenir a déjà été examiné.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas le même !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas tout à fait le même.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas du tout le même !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Même si je comprends parfaitement la démarche des auteurs des amendements, j’aimerais entendre l’avis du Gouvernement, sachant que celui de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié et 191.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 67 (nouveau)
L’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième phrases du troisième alinéa sont supprimées ;
2° Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Au 1er janvier 2016, il contient également le montant des prestations en espèces servies par les organismes mentionnés au premier alinéa. »
M. le président. L'amendement n° 268, présenté par M. Daudigny, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La troisième phrase du troisième alinéa est supprimée ;
2° Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il donne également directement accès en tant que de besoin aux montants des prestations en espèces mis à disposition par les organismes mentionnés au premier alinéa. »
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. L’amendement est retiré, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 268 est retiré.
Je mets aux voix l'article 67.
(L'article 67 est adopté.)
Article 68 (nouveau)
Au premier alinéa de l’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, les mots : « sans qu’il soit tenu d’en faire une demande préalable » sont supprimés. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 68
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mmes Lienemann, Claireaux et Emery-Dumas.
L'amendement n° 187 rectifié est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 236 rectifié est présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 68
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale, les mots : « 25 % en cas de constat de l’infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail » sont remplacés par les mots : « 40 % en cas de constat de l’infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ou de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ».
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Là encore, je laisse à mon collègue Jean Desessard le soin de présenter le dispositif !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 187 rectifié.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de lutter plus efficacement contre la fraude aux cotisations sociales. Aujourd’hui, l’opinion publique, guidée par les médias, se focalise sur la fraude aux prestations sociales par les particuliers. Celle-ci est réelle, nous ne le nions pas, mais la fraude aux cotisations imputable aux employeurs est beaucoup plus importante. À titre de comparaison, si la fraude aux prestations représentait 290 millions d’euros en 2012, celle aux cotisations aurait été de l’ordre de 20 milliards à 25 milliards d’euros cette même année, selon la Cour des comptes, soit un rapport de 1 à 100 !
Pour lutter plus efficacement contre la fraude aux cotisations sociales, nous proposons de rendre les majorations des sommes recouvrées plus dissuasives, notamment dans le cas de manœuvres frauduleuses. Aujourd’hui, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle est majoré de 25 %. Nous souhaitons porter ce taux à 40 %, et même à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses.
Cette majoration des sanctions permettra de s’attaquer à une partie du problème, mais l’enjeu principal reste le taux de redressement. À titre d’exemple, le taux de redressement de la fraude liée au travail illégal n’est que de 1,4 % à 1,7 %. Le renforcement des moyens d’investigation fait l’objet d’un amendement qui a été déposé par ma collègue Aline Archimbaud et que je défendrai dans quelques instants.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 236 rectifié.
Mme Annie David. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements identiques visent à faire passer le taux de majoration des sommes recouvrées de 25 % à 40 %, voire à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses, pour les cas de travail dissimulé par dissimulation d’activité ou par dissimulation d’emploi salarié.
Fixer un taux de majoration de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses paraît excessif. En outre, il faut l’avouer, la notion même de « manœuvres frauduleuses » est un peu vague.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme Annie David. Quel dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. La majoration de redressement en cas de constat de travail dissimulé a déjà été renforcée par l’Assemblée nationale en première lecture. En outre, au cours des dernières années, le Gouvernement a considérablement renforcé les dispositifs de sanction et de contrôle à l’encontre du travail dissimulé.
Cela étant dit, je m’interroge : si le recours au travail dissimulé continue d’être aussi important, est-ce parce que les sanctions ne sont pas assez lourdes ou parce que les délinquants échappent trop souvent à la détection ?
J’ai plutôt tendance à privilégier la seconde hypothèse. Plutôt que d’aggraver les sanctions, il conviendrait donc de mettre en place les dispositifs nécessaires pour mieux identifier le travail dissimulé et procéder aux recouvrements dans les meilleurs délais. Comme dans d’autres domaines, le Gouvernement n’est pas du tout convaincu que la dissuasion résulte de l’augmentation des peines.
En conséquence, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur ces amendements identiques s’ils sont maintenus.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 rectifié bis, 187 rectifié et 236 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 281 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 68
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport étudiant les moyens d’actions des organismes sociaux contre la fraude aux cotisations, en renforçant notamment leurs pouvoirs d’investigation, en les dotant de nouveaux outils plus efficaces en matière de recouvrement des montants redressés et en augmentant fortement les pénalités.
Ce rapport estime par ailleurs le coût, mais aussi les bénéfices que pourrait rapporter la constitution d’équipes inter-régionales de lutte contre la fraude et la création d’une direction nationale d’enquête chargée de combattre la grande fraude, celle qui concerne les grandes entreprises.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je dois dire que je n’ai pas très bien compris l’argumentation de Mme la secrétaire d’État, mais peut-être cela allait-il trop vite à cette heure de la nuit…
Force est de constater que lorsqu’on parle de fraude, on pense toujours qu’elle est le fait de particuliers.
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Or j’ai pourtant démontré que la fraude était avant tout le fait des employeurs. Ni M. le rapporteur général ni Mme la secrétaire d’État n’ont contesté mes chiffres ! C’est donc qu’ils sont exacts ! Je le répète, le rapport entre la fraude des particuliers et celle des employeurs est de 1 à 100.
Vous dites, madame la secrétaire d’État, que ce n’est pas en alourdissant les amendes que l’on réglera le problème. Pour notre part, nous pensons néanmoins que cela peut permettre d’envoyer un signal utile, mais nous tenons compte de votre avis. Selon vous, il vaut mieux renforcer les contrôles et les moyens d’investigation afin de mieux repérer les fraudeurs : tel est précisément l’objet de l’amendement n° 281 rectifié, madame la secrétaire d’État ! Vous m’avez devancé…
Le présent amendement vise à accroître les moyens de contrôle. Toutefois, l’article 40 de la Constitution nous empêchant de chiffrer exactement ces moyens, nous demandons au Gouvernement la remise d’un rapport sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous demandez un rapport de plus, cher collègue, en l’occurrence sur les moyens d’action des organismes sociaux contre la fraude aux cotisations sociales.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, mais, pour ma part, je trouve qu’il serait effectivement intéressant de connaître les moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs en matière de lutte contre la fraude. Pour autant, l’élaboration d’un rapport sur ce sujet ne nous paraît pas absolument nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Une partie des informations souhaitées figure déjà dans les rapports régulièrement établis par les organismes, en particulier par les URSSAF. Un autre rapport n’est donc pas nécessaire. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 69 (nouveau)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 8224-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de méconnaître les interdictions définies au même article L. 8221-1 en commettant les faits à l’égard de plusieurs personnes ou d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 €. » ;
2° Après le premier alinéa des articles L. 8234-1 et L. 8243-1, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende :
« 1° Lorsque l’infraction est commise à l’égard de plusieurs personnes ;
« 2° Lorsque l’infraction est commise à l’égard d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La section 2 ter du chapitre III bis du titre III du livre Ier est complétée par un article L. 133-6-8-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-6-8-4. – Le travailleur indépendant qui a opté pour l’application de l’article L. 133-6-8 est tenu de dédier un compte ouvert dans un des établissements mentionnés à l’article L. 123-24 du code de commerce à l’exercice de l’ensemble des transactions financières liées à son activité professionnelle. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 243-7-7, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La majoration est portée à 40 % dans les cas mentionnés à l’article L. 8224-2 du code du travail. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° A la première phrase du premier alinéa de l’article L. 243-7-6, le pourcentage : « 10 % » est remplacé par le pourcentage : « 20 % » ;
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission des finances.
Selon la Cour des comptes, les majorations existantes restent relativement modestes et sont donc peu dissuasives. Elle affirme que le manque à gagner, pour la sécurité sociale, est de l’ordre de 20 milliards d’euros.
L’amendement n° 16 rectifié vise donc à porter de 10 % à 20 % la majoration de redressement en cas de récidive d’une pratique non conforme à la législation en vigueur en matière de cotisations sociales. Au regard de la jurisprudence qui s’est dégagée, on peut considérer que la récidive d’une pratique non conforme à la législation en vigueur peut être assimilée à une fraude.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 11 et 12
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Au premier alinéa de l’article L. 243-7-7, le pourcentage : « 25 % » est remplacé par le pourcentage : « 40 % ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. L’amendement n° 15 tend à porter de 25 % à 40 % la majoration de redressement due en cas de constat de travail dissimulé.
En pratique, le travail dissimulé est rarement sanctionné pénalement. Il est pourtant en pleine explosion ! Ainsi, dans ma commune, tous les matins, à partir de 7 heures, une trentaine de personnes d’origine incertaine attendent devant un café qu’un employeur vienne les chercher en camionnette. Cela fait deux ans que j’alerte le préfet et les services compétents, mais personne n’est même jamais venu voir ce qu’il se passe ! Je vous laisse imaginer l’effet que produit cette situation dans l’opinion…
Puisque nous n’avons pas les moyens, ou la volonté, de mettre fin à ces pratiques, la dissuasion pourrait être une voie intéressante. On sait très bien que, au pénal, avec de bons avocats, on s’en tire toujours à bon compte. En revanche, la perspective d’une forte amende peut donner à réfléchir…
Je souligne que mes deux amendements ne visent que les cas de récidive. Augmenter les majorations serait sûrement un bon moyen de lutter contre le travail dissimulé que, sur le terrain, on voit se développer de manière totalement ouverte et anarchique aujourd'hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur ces deux amendements, considérant que si l’on voulait renforcer la lutte contre la fraude, il fallait effectivement s’en donner les moyens et instaurer des majorations dissuasives.
Permettez-moi néanmoins une remarque, monsieur Delattre : dans l’objet de l’amendement n° 15, l’estimation à 20 milliards d’euros du montant de la fraude aux cotisations sociales est attribuée à l’ACOSS. Or le directeur de cet organisme, que nous avons auditionné, a formellement démenti ce chiffre. Selon ses propres mots, c’est « n’importe quoi ! »
Si le coût de la fraude était aussi élevé, cela signifierait que notre pays compte plus d’un million de travailleurs clandestins, auquel cas le petit bistrot que vous évoquez serait plutôt une grande surface !
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ils sont trente ou quarante à attendre tous les jours !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Quand le travail dissimulé constitue la structure de l’entreprise et son mode de fonctionnement, il n’y a aucune raison d’éprouver la moindre empathie pour elle et de chercher d’une quelconque façon à la préserver. Si le montant des pénalités imposées la conduit à fermer, ce n’est pas grave, car ce modèle social et économique ne mérite pas de survivre.
Quand le travail dissimulé n’est pas le mode ordinaire d’organisation du travail, il doit néanmoins être sanctionné. Cependant, s’il peut être tentant d’augmenter les pénalités, j’attire votre attention sur le fait que celles-ci sont déjà relativement importantes : leur montant, forfaitaire, correspond à six mois de cotisations salariales en cas de travail dissimulé, quelle que soit la durée effective de ce dernier. Si une entreprise sanctionnée ne recourant pas de manière habituelle au travail dissimulé ne peut pas payer, on ne recouvrera pas les pénalités : à quoi sert-il alors de les augmenter ? De plus, si l’entreprise est amenée à cesser son activité, ce n’est pas non plus une bonne opération.
Le Gouvernement ne pense donc pas que la surenchère en matière de pénalités soit une bonne solution pour accroître l’efficacité de la lutte contre la fraude aux cotisations et le travail dissimulé, dans laquelle nous sommes déjà très engagés. En conséquence, il émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne voudrais pas prolonger le débat à cette heure tardive, même s’il retrouve un peu de vivacité…
Force est de reconnaître que Mme la secrétaire d’État est cohérente : elle a émis un avis défavorable tant sur mon amendement n° 187 rectifié que sur ceux de M. Delattre, qui ont le même objet. C’est d’ailleurs pour cette raison que je les voterai.
Il y a cependant une chose qui me gêne un peu dans votre discours, madame la secrétaire d’État : vous semblez dire qu’il ne faut pas aggraver la situation des entreprises en difficulté et que, dans ce cas, le contrôle se doit d’être léger.
M. Jean Desessard. Peut-être est-ce la raison pour laquelle vous vous êtes opposée à ma demande de remise d’un rapport sur les moyens de contrôle…
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d’État, j’attire votre attention sur le fait que les entreprises qui battent de l’aile tirent souvent sur les prix et peuvent provoquer la faillite de sous-traitants. Il n’est donc pas sans risques de vouloir à tout prix maintenir en vie des entreprises en mauvaise santé.
Monsieur le rapporteur général, je suis surpris de votre position. Déjà, lorsque nous avons évoqué les contrats d’avenir, vous vous étiez opposé à nos propositions au motif qu’il fallait plutôt apporter des formations qualifiantes. En bon élève, j’ai donc présenté un amendement en ce sens, mais vous ne vous y êtes pas montré favorable non plus. Alors que faut-il faire pour obtenir votre accord ?
Dans la même veine, vous venez d’émettre un avis favorable sur les amendements de M. Delattre, après avoir donné un avis défavorable à mon amendement n° 187 rectifié, qui avait pourtant le même objet ! Il y a de quoi se demander si ce n’est pas un délit de…
Mme Laurence Cohen. Faciès ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. C’est une forme de discrimination ! Je suis un peu déçu : j’aurais aimé que vous émettiez également un avis favorable sur mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je n’avais pas remarqué, monsieur Desessard, que votre amendement était exactement identique à ceux de M. Delattre. Il me semblait qu’il y avait quelques légères différences. Mettons cela sur le compte de la fatigue… En tout état de cause, l’essentiel, c’est que la disposition soit votée.
En revanche, concernant les contrats de professionnalisation, je vous ai dit que, à titre personnel, les exonérer de cotisations sociales ne me choquerait pas, mais mon rôle est de représenter la commission, qui en l’occurrence avait émis un avis défavorable, peut-être à tort. Il faudra, le cas échéant, y revenir plus tard, par exemple à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances.
M. Jean Desessard. Merci, monsieur le rapporteur général.
M. le président. Je mets aux voix l'article 69, modifié.
(L'article 69 est adopté.)
Vote sur l'ensemble de la quatrième partie
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la quatrième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
(La quatrième partie du projet de loi est adoptée.)
Vote sur l'ensemble du projet de loi
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. En début de semaine, nous soulignions le caractère responsable de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, au regard tant du redressement des comptes sociaux que du respect des engagements pris en matière de compensation des pertes de recettes induites par la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.
Nous saluions également un projet ambitieux et volontariste de modernisation de notre système de santé, marqué par des axes forts : le financement des soins, la maîtrise des dépenses de médicament, l’évolution de l’organisation hospitalière vers plus de proximité, le virage vers les soins ambulatoires.
Enfin, nous faisions valoir un projet de justice sociale, ne prévoyant aucun transfert de charges ni nouvelle franchise, instaurant la modulation des allocations familiales et des dispositions facilitant l’accès des foyers en difficulté à des soins de qualité.
Or, ce soir, après trois jours et trois nuits de travaux de qualité, conduits dans un esprit de respect mutuel, le texte soumis à notre vote n’est plus exactement celui du projet de loi initial. La nouvelle majorité sénatoriale a légitimement voulu le marquer de son empreinte, et l’a donc modifié en affirmant ses valeurs, en déclinant sa vision de la société au fur et à mesure de la discussion des articles. Je le dis nettement : ses valeurs, sa vision de l’avenir ne sont pas les nôtres !
Ainsi, vous avez inscrit une réduction supplémentaire des dépenses de santé de 1 milliard d’euros. On ne peut prendre une telle mesure sans mettre en péril la qualité de notre système de soins, sans accentuer les inégalités territoriales et les inégalités d’accès aux soins que subissent les plus défavorisés de nos concitoyens.
Vous avez décidé, un peu à la surprise générale, de supprimer les exonérations de franchise dont bénéficient les allocataires de l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé, l’ACS, ce qui pénalisera les familles les plus fragiles de notre pays.
Que vous supprimiez la modulation des allocations familiales ou que vous rétablissiez des jours de carence témoigne que vous n’avez pas le même idéal de justice que nous.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vraiment ?
M. Yves Daudigny. De même, lorsque vous modifiez très fortement, au détour de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, les modalités d’accès à la retraite, nous ne pouvons pas vous suivre.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que le groupe socialiste votera contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu’il est issu de nos travaux.
Cela étant précisé, je voudrais maintenant m’adresser à notre collègue Francis Delattre.
Monsieur Delattre, vous avez souvent évoqué la question de la dette sociale. Nous pouvons partager l’inquiétude que vous inspire l’évolution possible des taux d’intérêt dans les mois et les années à venir. Nous sommes d’accord avec vous sur le fait qu’il est scandaleux de reporter sur nos enfants et petits-enfants la charge de nos dépenses de santé. Mais ne payons-nous pas aujourd’hui, pour partie en tout cas, le fait que des décisions qui auraient dû être prises en d’autres temps ne l’ont pas été ?
À l’époque où notre ancien collègue Alain Vasselle était rapporteur général de la commission des affaires sociales, il avait proposé plusieurs années de suite d’augmenter la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale. Or cette question est au cœur du débat sur la résorption des déficits ! Des amendements portant sur ce sujet ont d’ailleurs été très bien défendus en commission, mais ils n’ont pas survécu à la discussion en séance plénière.
Je rappelle en outre que, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, une majorité, qui n’était pas de gauche, avait décidé d’allonger la durée de vie de la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, jusqu’en 2024.
Par conséquent, si la dette sociale est ce qu’elle est aujourd’hui, si elle nous inquiète tant, cela tient non pas aux choix opérés par le Gouvernement depuis 2012, mais au fait que certains n’ont pas su prendre leurs responsabilités en d’autres temps. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)