M. le président. L'amendement n° 155 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Castelli, Collin et Esnol, Mme Laborde, M. Fortassin, Mme Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. L’alinéa 8 dispose que le contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, destiné aux médecins libéraux, prévoit des engagements individualisés, qui peuvent porter, à la demande des agences régionales de santé, sur les modalités d'exercice, sur des actions d'amélioration des pratiques, sur des actions de dépistage ou encore de prévention. Ces engagements risquent de nuire à l'attractivité du dispositif.
Notre système de santé ambulatoire est fondé sur une politique conventionnelle, discutée avec les représentants de la corporation, qui signent des accords. Bien entendu, ces représentants sont quelque peu irrités par le fait que l'on puisse intervenir directement auprès d'un certain nombre de praticiens et discuter avec eux pour leur faire signer des contrats individualisés, comportant un certain nombre d’engagements, notamment sur les dépassements d'honoraires.
C'est la raison pour laquelle je propose la suppression de l’alinéa 8.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les ARS auront une large marge d’appréciation pour juger des engagements qu’elles peuvent demander sans nuire au dispositif.
Je note, par ailleurs, que la Cour des comptes est très réservée quant à l’octroi d’avantages aux praticiens lorsque les contreparties sont insuffisantes, ce qui est, selon elle, souvent le cas.
Dès lors, la commission ne considère pas qu’il soit utile de supprimer l’alinéa 8 et émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Nous parlons ici de dispositifs qui permettront à de jeunes médecins spécialistes de s'installer dans des territoires sous-dotés en médecins. Que fait-on pour les inciter à venir ? On leur propose une couverture sociale renforcée par rapport à celle qui existe pour les autres professionnels de santé. En particulier, on propose aux jeunes femmes médecins une couverture maternité nettement meilleure.
Tous les généralistes, hommes et femmes, qui ont opté pour le bénéfice d’un tel dispositif reconnaissent que cette couverture sociale améliorée est l’élément qui les a amenés à faire le choix de s'installer dans ces territoires.
Les professionnels de santé et leurs représentants sont-ils opposés au dispositif proposé ? Non.
Les objectifs que l'on demande aux jeunes médecins d’atteindre sont-ils nouveaux ? Non. Les praticiens territoriaux de médecine générale se sont vu proposer les mêmes, sans que cela pose aucune difficulté.
La pratique conventionnelle est-elle remise en cause ? Nullement. D'ailleurs, aucun acteur n’a émis une telle idée.
Enfin, je veux dire à M. le rapporteur général que la Cour des comptes ne s'est pas prononcée sur ce dispositif, qui va exactement dans le sens qu’elle appelle de ses vœux. En effet, la haute juridiction a contesté, notamment, le fait que l'on baisse les cotisations sociales des médecins ou qu’on les en exonère, qu’on leur accorde des avantages – en termes, par exemple, d'objectifs de santé publique – sans contrepartie en matière d'installation dans les territoires désertifiés. Or l’article 37 a précisément pour objet de prévoir une telle contrepartie. Nous répondons donc à l'ensemble des préoccupations qui ont été exprimées.
Très concrètement, le système des praticiens territoriaux de médecine générale fonctionne puisque, parmi les 400 postes que nous avons ouverts, près de 350 seront pourvus d'ici à la fin du mois de décembre, et les autres le seront dès janvier ou février prochains.
Je suis certaine que les habitants des territoires désertifiés se réjouiront de voir s'installer prochainement près de chez eux des médecins spécialistes, sachant combien il est parfois difficile d'obtenir un rendez-vous dans des délais raisonnables auprès de ceux qui exercent dans les alentours, mais parfois assez loin de leur domicile.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Bien sûr, les pratiques de certains médecins peuvent être discutées. Mais ne serait-il pas préférable, madame la ministre, qu’elles le soient avec les représentants élus des médecins, avec leurs syndicats ?
Ce qui me pose un problème, c’est que l’on essaie, petit à petit, de détacher en quelque sorte un certain nombre de praticiens de l’ensemble de la profession, en les faisant bénéficier de dispositions particulières. Je crois qu’il faut plutôt discuter avec la profession de manière globale.
Tel est le sens de mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 38.
(L'article 38 est adopté.)
Article 39
Après l’article L. 1435-4-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1435-4-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 1435-4-4. – I. – Les agences régionales de santé peuvent conclure avec un médecin conventionné, régi par les articles L. 162-5 et L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale et spécialisé en médecine générale, un contrat en application duquel il perçoit une rémunération complémentaire aux revenus de ses activités de soins exercées en qualité de médecin généraliste. La durée du contrat, qui est fixée par ce dernier, ne peut être inférieure à trente-six mois et supérieure à soixante-douze mois.
« Le médecin bénéficie de cette rémunération s’il satisfait à l’ensemble des conditions suivantes :
« 1° Exercer dans un territoire isolé ;
« 2° Avoir une activité marquée par une forte saisonnalité ;
« 3° Avoir un revenu tiré de son activité régie par les mêmes articles L. 162-5 et L. 162-14-1 inférieur à un seuil fixé par rapport au revenu moyen pour la même spécialité ;
« 4° Respecter les tarifs opposables ;
« 5° Ne pas bénéficier du dispositif mentionné à l’article L. 1435-4-2 du présent code.
« II. – Le contrat prévoit des engagements individualisés qui peuvent porter sur des actions de prévention, des actions destinées à favoriser l’accès aux soins, la continuité de la coordination des soins ou la permanence des soins ainsi que sur des actions de collaboration auprès d’autres médecins et de formation en faveur d’étudiants ou d’internes en médecine comme de professionnels non médicaux.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment les critères caractérisant le territoire isolé, liés à sa situation géographique et à la densité de population des zones dans lesquelles exercent les médecins qui y sont installés, les modalités de cumul avec les mesures prévues au 20° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, ainsi que le seuil de revenu mentionné au 3° du I du présent article. »
M. le président. L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Compte tenu de ce qui vient de se passer, je retire mon amendement, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 158 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 39.
(L'article 39 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 39
M. le président. L'amendement n° 248, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-... – Dans un délai de trois mois à compter de la délivrance de leur diplôme d’État de docteur de médecine, les médecins désireux d’exercer leurs fonctions à titre libéral en font la déclaration auprès de l’agence régionale de santé de la région dans laquelle ils souhaitent exercer. Ils doivent s’installer pour une durée au moins égale à deux ans dans un territoire isolé où l’offre de soins de premier recours ne suffit pas à répondre aux besoins de santé de la population.
« Le premier alinéa précédent s’applique également aux médecins titulaires des titres de formation mentionnés à l’article L. 4131-1 et à ceux mentionnés à l’article L. 4131-1-1, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Au 1er janvier 2009, selon l'INSEE, la France comptait 101 667 médecins généralistes et 107 476 médecins spécialistes. Pourtant, en 2012, les agences régionales de santé estimaient à 2,3 millions le nombre de personnes vivant dans 643 zones identifiées comme « en difficulté » ou « fragiles » en termes d'accès aux soins.
En effet, les médecins sont inégalement répartis sur le territoire. À titre d'exemple, on compte 419 médecins pour 100 000 habitants en région PACA, contre 260 pour 100 000 en région Picardie.
L'accès aux soins est donc difficile pour de nombreux Français, notamment en termes de temps de parcours. Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – DREES – parue en 2011, 600 000 personnes mettent plus de quinze minutes pour se rendre chez un généraliste, 20 % des personnes résidant en Corse, dans le Limousin, en Bourgogne ou en Auvergne doivent faire plus de trente minutes de trajet pour consulter un spécialiste et 31 % des femmes âgées de quinze à quarante-neuf ans résidant en Corse ou dans le Limousin mettent plus de quarante-cinq minutes pour rejoindre une maternité.
Et ce phénomène tend à s'accentuer. Dans la même étude, la DREES estimait que, d’ici à 2030, le nombre de médecins allait diminuer de 25 % en zones rurales et de 10,5 % en zones périurbaines.
Dans ce contexte, il est important d'agir avec force pour garantir le respect de l'accès aux soins pour toutes et tous sur l'ensemble du territoire national.
En outre, rappelons qu'il ne s'agit pas seulement de garantir le droit à la santé : il s’agit également de redynamiser nos territoires ruraux ou de montagne, l'accès à des soins de qualité et de proximité constituant un élément essentiel d'attractivité et de dynamisme local.
C’est pourquoi, au-delà des mesures incitatives qui sont présentées et que nous venons d’adopter, nous proposons une mesure plus coercitive, consistant à obliger tout médecin qui souhaite s'installer à titre libéral à l'issue de sa formation à rejoindre, pour une durée minimale de deux ans, un secteur géographique souffrant d'un nombre insuffisant de médecins.
Cette mesure est issue des travaux de l'Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, et figure dans la proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire, ainsi que dans une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par nos collègues de l’ANEM, dont Frédérique Massat ou encore François Brottes, et visant à garantir un égal accès aux soins des citoyens en tout point du territoire.
Le coût, pour la collectivité nationale, des études de médecine étant estimé, en moyenne, à 200 000 euros, celle-ci est en droit d'attendre de leur part un acte de solidarité, à savoir, pour ceux qui souhaitent s’installer à titre libéral, leur installation provisoire dans un secteur sous-médicalisé. Compte tenu de la discussion à laquelle ce sujet a donné lieu en commission, j’insiste sur ce caractère provisoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’amendement vise à instaurer une obligation de service de deux ans dans une zone sous-dense pour les jeunes diplômés désirant exercer à titre libéral.
La question a été soulevée à de nombreuses reprises. Cela étant, l'application immédiate d’une mesure allant en ce sens ne paraît pas opportune. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, nous débattons de ce point depuis au moins deux ans !
Le Gouvernement a fait le choix de pousser à leur maximum toutes les modalités incitatives.
Comme je n’ai de cesse de le répéter depuis deux ans, car la démarche est parfois faussement interprétée, il ne s’agit pas ici d’incitation financière, même si les dispositifs peuvent comporter des éléments de cette nature. Le but est de renforcer l’attractivité du mode d’exercice de la médecine dans les zones visées.
D’où le déploiement volontariste des maisons de santé, dont nous aurons multiplié par quatre le nombre en deux ans. Cela fonctionne, tout comme fonctionne le dispositif des praticiens territoriaux de médecine générale, qui va désormais concerner tous les praticiens territoriaux de médecine ambulatoire, dispositif qui offre aux bénéficiaires un niveau garanti de couverture sociale.
J’ai également développé les contrats d’engagement de service public, qui sont des bourses offertes à des étudiants – il s’agit certes là d’un avantage financier – en échange d’une installation dans les secteurs sous-dotés. Ce dispositif, qui n’existait pas auparavant, produit des résultats. J’ai fixé un objectif de 1 500 contrats signés d’ici à 2017. Nous l’atteindrons, puisque nous en sommes à 881 contrats en 2014. Près de 300 nouveaux contrats ont été conclus cette année, et 76 avec des étudiants en odontologie, car nous avons aussi besoin de dentistes.
Cette logique me semble donc porter ses fruits. Évidemment, je ne prétends pas que nous soyons parvenus au but, mais une dynamique est engagée. Pour la première fois depuis des années, on peut considérer que la situation de ces territoires évolue !
Je précise que près de la moitié des médecins souscrivant au dispositif des praticiens territoriaux de médecine générale effectuaient précédemment des remplacements, ce qui démontre la pertinence de notre logique de sécurisation de l’installation. Ainsi de jeunes médecins jusqu’alors remplaçants sont-ils prêts à « planter leur tente » plus durablement, si je puis m’exprimer ainsi, à s’installer sur un territoire leur offrant un environnement sécurisé. Cela ne signifie pas qu’ils toucheront plus d’argent ; du reste, ce n’est pas ce qui les intéresse ! Au fond, ils souhaitent simplement être protégés contre les risques qu’ils associent, de manière objective ou subjective, à l’installation.
C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je vais répéter ce que j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer en commission, recoupant ainsi l’intervention de Mme la ministre.
Effectivement, nous évoquons ce sujet depuis maintenant plusieurs années. Nous en avions longuement débattu avec François Autain à l’occasion de l’examen de la loi HPST, mais aussi, comme je l’ai rappelé en commission, avec un sénateur centriste, qui avait proposé un amendement se rapprochant sensiblement de cet amendement n° 248.
Mme la ministre a énuméré les différentes mesures mises en œuvre depuis plusieurs années : maisons de santé, bourses, etc.
Je précise, à cet égard, que le système de bourse avait été créé dans le cadre de la loi HPST, mais la ministre de l’époque, malgré son accord sur le dispositif, n’avait pas réussi à obtenir les financements correspondants. Il s’agit là d’un autre problème, que la ministre actuelle est parvenue à surmonter, et nous disposons donc des financements permettant cette installation de médecins dans les zones sous-denses.
Madame David, je regrette de devoir vous le dire, mais c’est ainsi que je le ressens : votre proposition revient à une sorte de service du travail obligatoire, un STO !
Mme Nicole Bricq. C’est coercitif !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Parce que les études de médecine coûtent cher à l’État, les jeunes qui suivent ce cursus devraient rendre à l’État ce que celui-ci leur a donné !
Mme Laurence Cohen et M. Dominique Watrin. Et les enseignants ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Le système n’est pas le même ! Les enseignants sont salariés de l’éducation nationale ; les médecins ne sont salariés ni de la sécurité sociale ni de l’État.
Nous pourrions envisager de changer la nature du contrat dès le début des études de médecine, en expliquant à ceux qui s’engagent dans cette voie qu’ils seront par la suite salariés de l’État. C’est même une demande formulée par certains. Mais, pour l’instant, nous n’en sommes pas là ! Malgré l’intervention de la sécurité sociale dans le système, celui-ci est encore « libéral » et, dans ce cadre, comme Mme la ministre l’indiquait, il faut engager une démarche d’incitation à l’installation vis-à-vis des jeunes médecins.
Les dispositifs mis en place en ce sens depuis quelques années semblent fonctionner. Mme la ministre a évoqué le nombre d’installations de médecins dans les zones sous-denses, mais nous pourrions aussi mentionner le nombre de maisons de santé créées chaque année. Si les chiffres que j’ai en tête sont les bons, ces créations se montent à environ 200 ou 250 par an. Tant mieux si ce mouvement se poursuit ! Rien que dans mon département, cinq dossiers de création sont en cours d’instruction auprès de l’ARS. Pourtant, il s’agit d’un département qui ne devrait pas, a priori, compter de zones sous-denses compte tenu de sa très forte attractivité : le Vaucluse ! (Sourires.). Il n’empêche que, dans certaines parties du Vaucluse, nous sommes confrontés à ce problème de faible densité médicale.
Les jeunes médecins cherchent d’abord à effectuer des remplacements, puis ils songent à s’installer. Mais ils n’entendent surtout pas le faire seuls. Ils veulent pouvoir s’installer avec d’autres confrères et des membres de professions paramédicales, afin de constituer un groupe. N’oubliez pas qu’ils ont été formés dans les facultés de médecine et dans les hôpitaux et que, à ce titre, ils sont habitués au travail de groupe, qui leur permet de partager leurs sentiments sur les différents cas qu’ils ont à traiter.
Les jeunes médecins veulent donc travailler en groupe, et non plus isolément, comme certains collègues dans cet hémicycle ou moi-même avons pu le faire. Ce système de travail isolé n’a plus cours ! Il a cédé sa place à un système de travail en groupe, avec la possibilité d’un croisement des informations.
Toutes les mesures prises jusqu’à présent pour favoriser cette installation, y compris celles qui sont contenues dans ce PLFSS, vont dans le bon sens !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je tiens, à mon tour, à souligner la qualité des dispositifs mis en place. J’insiste d’autant plus sur ce point que j’étais quelque peu sceptique au moment où le système du praticien territorial de médecine générale a été proposé. Force est de reconnaître qu’il fonctionne !
Nous avons donc tout un panel de dispositifs qui, sur le court terme et, encore plus, sur les moyen et long termes, pourront donner des résultats.
Les maisons de santé, que vient d’évoquer M. le président de la commission, sont effectivement une source d’émulation et permettent un partage de compétences. Tout cela est favorable au bien-être de nos concitoyens
Je reviens également sur les bourses. Au-delà du contrat instauré par vos soins, madame la ministre, et imposant aux étudiants boursiers de rendre, par la suite, des services dans des zones sous-dotées, le dispositif permet également de sélectionner des jeunes qui, par ailleurs, n’auraient pas pu accéder aux études de médecine. Au regard de la faiblesse de l’effectif d’étudiants en médecine issus de milieux ouvriers, ce point me semble particulièrement important.
Je voudrais enfin signaler que des efforts sont encore nécessaires, au sein de nos facultés, pour convaincre du bien-fondé d’un enseignement le plus précoce possible de la médecine générale, non seulement dans le cadre universitaire – où cet enseignement précoce est d’ailleurs bien délivré –, mais aussi sur les territoires. Ainsi, il serait souhaitable de favoriser la réalisation de stages, le plus tôt possible, auprès de médecins généralistes et de donner à ces médecins chevronnés, dans le cadre des facultés de médecine, les moyens d’accompagner les étudiants.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis assez satisfaite d’avoir déposé cet amendement puisque son examen nous aura au moins permis de dresser un rapide bilan des mesures existantes et de démontrer, comme l’a souligné Mme la ministre, que celles-ci commencent à porter leurs fruits. Je vais le retirer, mais non sans être revenue auparavant sur certains propos que j’ai pu entendre.
On peut tout d’abord se réjouir du bilan de ce qui a été d’ores et déjà mis en œuvre. J’ai noté quelques chiffres, mais je lirai attentivement le passage correspondant dans le compte rendu des débats, car les informations données par Mme la ministre étaient tout à fait intéressantes.
Quant au « travail obligatoire », monsieur le président de la commission, je trouve l’expression un peu excessive ! La mesure est, certes, coercitive, mais l’obligation est limitée à une durée de deux ans.
En outre, il me semble qu’on ne laisse guère de choix à nos jeunes enseignants lorsqu’on leur demande d’aller enseigner dans des zones parfois très difficiles : s’ils n’acceptent pas le poste, ils ne peuvent poursuivre leur carrière. Bien sûr, ils sont salariés de l’éducation nationale, alors que les médecins exercent en libéral. Je crois néanmoins que, si la sécurité sociale n’existait pas, peu de médecins libéraux pourraient continuer à exercer.
Hier, par exemple, nous avons eu une longue discussion sur les dépassements d’honoraires. Heureusement que la sécurité sociale est là pour prendre en charge une partie des dépassements d’honoraires de certains médecins ! Nous avons toutes et tous connaissance de cabinets de médecins libéraux, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, bénéficiant d’un financement non négligeable de la sécurité sociale, et j’emploie ici des mots choisis pour ne pas être désagréable à l’égard de quiconque. De ce point de vue, les médecins ont une certaine obligation de retour et, pour une partie d’entre eux, ils ne l’assument pas.
Vous évoquez également le souhait des jeunes médecins libéraux de s’installer avec d’autres pour pouvoir bénéficier d’un partage de compétences. Dans le cas des bourses associées à des contrats pour l’installation, auxquelles Mme la ministre faisait référence – 881 contrats conclus en 2014, me semble-t-il –, les étudiants bénéficiaires sont tenus de s’installer dans une zone sous-dense, conformément aux engagements pris ; mais ils le font seuls ! Il est donc parfaitement possible, aujourd'hui, de s’installer comme médecin sans intégrer une maison de santé.
D’ailleurs, dans certains territoires, on ne pourra pas uniquement compter sur les maisons de santé. Il sera impossible d’en implanter partout, et toutes les collectivités territoriales ne pourront pas forcément en assumer la charge quand il sera question de regrouper, en leur sein, plusieurs professions libérales.
Ainsi, on trouvera bien des médecins pour s’installer seuls dans des territoires sous-denses. Je le souhaite, car, sans cela, nos territoires aujourd'hui mal lotis en termes de présence médicale ne seront pas près de l’être mieux demain !
Je retire donc cet amendement n° 248, mais je tenais à ce que nous évoquions ces problèmes de zones souffrant d’une faible densité de professions médicales. C’est un sujet très ancien. J’en entends parler depuis mon arrivée à la commission des affaires sociales, en 2007, mais sans doute en parlait-on déjà avant ! Je me réjouis que les mesures décidées par Mme la ministre commencent à porter leurs fruits et je vous propose un nouveau rendez-vous dans un an : nous verrons alors si ces mesures ont véritablement apporté la preuve de leur efficacité.
M. le président. L'amendement n° 248 est retiré.
L'amendement n° 117 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Cadic, Mme Doineau, M. Gabouty, Mme Gatel et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-... – Dans les zones, définies par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national, dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins, le conventionnement à l’assurance maladie d’un médecin libéral ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d'activité libérale d'un médecin exerçant dans la même zone. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de mise en œuvre de ces dispositions. »
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Voici, mes chers collègues, une proposition que je défends avec pugnacité depuis très longtemps et qui vient compléter le présent débat. Cet amendement a en effet pour objet d’étendre aux médecins libéraux la technique du conventionnement sélectif, afin de lutter encore plus efficacement contre la désertification médicale.
Il s’agit ici de mettre en œuvre l’une des principales recommandations du rapport d’information de notre collègue Hervé Maurey du 5 février 2013, fait au nom de la commission du développement durable et intitulé Déserts médicaux : agir vraiment.
Des dispositifs de régulation de l’installation se sont progressivement mis en place depuis 2008 pour un grand nombre d’acteurs de la santé, mais les gouvernements successifs ont jusqu’à présent refusé de passer le pas du conventionnement orienté.
Il faut reconnaître, madame la ministre, que les mesures incitatives que vous avez prises commencent à porter leurs fruits. Ainsi, depuis deux mois, quatre médecins se sont installés en Haute-Loire… Du jamais vu depuis plusieurs années ! Élément tout à fait symptomatique, ces médecins qui s’installent sont des médecins français – ils ne viennent pas de Roumanie – et ils sont en fin de carrière : ils ont autour de cinquante-cinq ou cinquante-sept ans.
Certains chiffres concernant les étudiants en médecine sont très intéressants. D’après les données de la faculté de Clermont-Ferrand, la moitié de l’effectif actuel des étudiants en médecine est composée de femmes, et c’est une excellente chose. Cependant, une part non négligeable de ces jeunes étudiantes en médecine – 20 % de l’ensemble, hommes et femmes confondus – n’exerceront jamais, car elles se marieront et privilégieront leur vie de famille. Elles vont donc disparaître de la profession. En outre, seulement 20 % de ceux qui exerceront effectivement opteront pour la profession de médecin de famille. Cela prouve tout de même qu’il existe un problème au niveau de la formation !
Mais nous pouvons tirer un autre enseignement du fait que les candidats à l’installation sont des médecins de plus de cinquante-cinq ans : la vie de famille compte énormément dans le choix de l’installation. Lorsqu’un médecin vivant en couple s’installe, il se demande si sa femme trouvera un emploi, où seront scolarisés ses enfants, s’il existe des possibilités d’apprendre la musique ou de pratiquer un sport.
D’énormes progrès ont déjà été réalisés sur certains points. Je peux en parler, car j’ai exercé pendant vingt-trois ans comme médecin de campagne sur le plateau des Cévennes, ce qui n’était pas facile. On parle de désertification médicale, mais, sur mon secteur, où j’étais le seul médecin, on compte aujourd'hui quatorze médecins ! Certes, on ne peut pas leur demander de vivre comme nous ! Il faut vivre avec son temps !