Première partie
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er

Au titre de l’exercice 2013, sont approuvés :

1° Le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d’euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

182,2

189,1

-6,9

Vieillesse

212,2

215,8

-3,6

Famille

54,9

58,2

-3,3

Accidents du travail et maladies professionnelles

13,5

12,8

0,7

Toutes branches (hors transferts entre branches)

449,8

462,9

-13,1

 ;

2° Le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :

(En milliards d’euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

158,0

164,8

-6,8

Vieillesse

111,4

114,6

-3,1

Famille

54,6

57,8

-3,2

Accidents du travail et maladies professionnelles

12,0

11,3

0,6

Toutes branches (hors transferts entre branches)

324,0

336,5

-12,5

 ;

3° Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d’euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Fonds de solidarité vieillesse

16,8

19,7

-2,9

;

 

4° Les dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, s’élevant à 173,8 milliards d’euros ;

5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles sont nulles ;

6° Les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse, s’élevant à 0,1 milliard d’euros ;

7° Le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, s’élevant à 12,4 milliards d’euros.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen de cet article est intéressant en ce qu’il permet, avant d’envisager l’avenir, d’analyser le passé.

Ainsi, il nous est donné d’étudier les données pour 2013 du financement de la sécurité sociale. Cette année-là, le déficit du régime général de la sécurité sociale s’élevait à 12,5 milliards d’euros, légèrement en deçà du déficit pour 2012. Malgré cette diminution, ce déficit reste élevé et continue d’hypothéquer l’avenir de notre protection sociale.

Surtout, nous constatons un ralentissement de la réduction du déficit qui nous conduit à remettre en cause les solutions adoptées par le Gouvernement. En effet, les recettes ont été fortement affectées non seulement par la situation économique, mais aussi par les mesures d’exonérations patronales prises par le Gouvernement.

Or il va sans dire que la situation de crise économique et sociale grave que traverse notre pays ne pourra être atténuée, puis résorbée, sans un renforcement du « filet de sécurité sociale », renforcement qui doit se faire de manière juste et équitable.

À ce titre, notons que, en 2013, le déficit de la branche vieillesse pour l’ensemble des régimes a fortement diminué, passant de 6,1 milliards d’euros à 3,6 milliards d’euros, soit une baisse de 41 %.

Cette évolution est conforme à ce que nous prescrivons : la réduction du déficit a été en partie effectuée en augmentant les recettes. En effet, quelque 7 milliards d’euros supplémentaires ont été alloués à l’assurance vieillesse et au fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Notons tout de même que cette réduction du déficit a également été obtenue en ralentissant l’évolution des dépenses de la branche vieillesse, notamment par le gel des pensions.

Concernant le FSV, son déficit a été très fortement réduit en 2013, non pas que les besoins aient diminué, mais principalement parce que son financement a augmenté : en 2013, notamment, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, était versée au FSV.

On peut donc s’interroger sur la pérennité économique de ce fonds : puisque les besoins reflétant la précarité économique dans laquelle vivent les Français tendent à s’accroître, quelles ressources complémentaires seront affectées au financement du FSV ?

Par ailleurs, l’année 2013 est marquée par un retour à l’excédent de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, la branche AT-MP. Celle-ci fonctionnant selon un mécanisme assurantiel, cette évolution reflète principalement celle de la sinistralité.

Le retour à l’excédent a en outre été permis par une baisse de 200 millions d’euros de transferts de la branche AT-MP vers le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.

Certes, cette baisse du transfert n’a pas mis le FIVA en difficulté en 2013, car des retards avaient été pris dans le règlement des dossiers. Pour autant, ce moindre transfert s’ajoute au désengagement de l’État dans le financement du FIVA : l’État n’a apporté aucune contribution au fonds en 2013 et en 2014 et propose, pour 2015, une contribution de 10 millions d’euros, soit seulement un cinquième de ses participations d’avant 2013.

Le comité de suivi sur l’amiante s’inquiète ainsi, à juste titre, que les sept propositions faites en 2005 concernant l’indemnisation des victimes et son financement soient restées lettre morte.

L’impression générale donnée par la lecture de ces chiffres et du projet de loi de financement que nous nous apprêtons à étudier est que les petits raccords ou les petites économies, souvent injustes, sont préférés à des mesures structurelles visant à sauver notre système de protection sociale.

Ces mesures existent, elles portent notamment sur le volet recettes : contribution des revenus du capital, suppression des exonérations de cotisations sociales ou encore modulation des cotisations patronales.

Pourtant, le Gouvernement leur préfère des mesures de moindre portée, qui contribuent à fragiliser le tissu social et à accroître les inégalités, notamment dans l’accès aux soins. Il choisit ainsi de faire payer les familles ou encore les retraités, nombreux à ne disposer pour survivre que du minimum contributif.

Face à de tels choix, nous voterons contre cet article, témoin de l’échec du Gouvernement à mener des réformes justes et structurelles.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Article 2 et annexe A

Articles additionnels après l'article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Claireaux, est ainsi libellé :

Après l’article premier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Les contributions sociales sont calculées d’après la situation et les charges de famille du contribuable conformément aux articles 193, 194 et 195 du code général des impôts et en appliquant à la fraction des revenus bruts annuels définis aux articles L. 136-2 à L. 136-7-1 du présent code le taux de :

« 1° 5,0 % pour la fraction inférieure ou égale à 9 690 € ;

« 2° 5,5 % pour la fraction supérieure à 9 690 € et inférieure ou égale à 26 764 € ;

« 3° 7,5 % pour la fraction supérieure à 26 764 € et inférieure ou égale à 71 754 € ;

« 4° 8,0 % pour la fraction supérieure à 71 754 € et inférieure ou égale à 151 956 € ;

« 5° 8,5 % pour la fraction supérieure à 151 956 €. » ;

2° Le II est abrogé ;

3° Au III, les mots : « et au II » sont supprimés.

II. – Par dérogation aux 1° et 2° de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux des contributions sociales est fixé à :

1° 6,0 % en 2015 pour la fraction inférieure ou égale à 9 690 € ;

2° 7,5 % en 2015 et 2016 pour la fraction supérieure à 9 690 € et inférieure ou égale à 26 764 €.

III – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement d’appel, qui est néanmoins un amendement politique majeur, vise à instaurer une CSG progressive.

Pourquoi considérons-nous cet amendement comme majeur ?

La première raison, c’est que le Président de la République s’était engagé à entreprendre une réforme fiscale tendant à instaurer une CSG progressive et à rendre celle-ci convergente avec l’impôt sur le revenu. Notre pays se serait ainsi doté d’un impôt progressif structurant, pour une plus grande justice fiscale, et ce alors même que les impôts ont perdu chez nous beaucoup de leur caractère progressif.

Même si l’on peut juger positivement les propositions d’allégement pour les tranches les plus basses de l’impôt sur le revenu, in fine celui-ci a perdu de sa crédibilité ; c’est pourquoi il est fondamental de mettre en place ce grand impôt progressif, armature de notre fiscalité.

La deuxième raison pour laquelle nous considérons cet amendement comme majeur, c’est que la mesure que nous proposons donnerait immédiatement du pouvoir d’achat aux catégories populaires et moyennes. En effet, nous avons construit notre système de telle sorte que les ménages aux revenus faibles ou moyens verraient leur taux d’imposition baisser, ce qui leur permettrait de bénéficier de 4 milliards d’euros de pouvoir d’achat en 2015, de 12 milliards d’euros en 2016 et de 14 milliards d’euros en 2017.

Ces sommes peuvent être mises en regard des 41 milliards d’euros qui sont donnés aux entreprises. Pour une large part d’entre elles, ces dernières n’en ont pas besoin pour gagner en compétitivité au niveau mondial ou pour accroître leurs capacités exportatrices. Il n’est qu’à observer la liste des bénéficiaires de ces allégements pour constater qu’il s’agit parfois d’entreprises qui ne sont confrontées à aucun problème immédiat et qui, dans certains cas, s’en trouvent même favorisées par rapport aux services publics !

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour terminer, je précise que le dispositif de notre amendement n’encourt aucun grief d’inconstitutionnalité : en conservant un mode de calcul de l’impôt fondé sur la capacité contributive des ménages, nous tenons compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Mme la présidente. L'amendement n° 185, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La section 5 du chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :

1° L’article L. 136-8 est ainsi modifié :

a) Les I et II sont ainsi rédigés :

« I. – Les contributions sociales sont calculées d’après la situation et les charges de famille du contribuable conformément aux articles 193, 194 et 195 du code général des impôts et en appliquant à la fraction des revenus bruts annuels définis aux articles L. 136-2 à L. 136-7-1 du présent code le taux de :

« 1° 5,0 % pour la fraction inférieure ou égale à 9 690 € ;

« 2° 5,5 % pour la fraction supérieure à 9 690 € et inférieure ou égale à 26 764 € ;

« 3° 7,5 % pour la fraction supérieure à 26 764 € et inférieure ou égale à 71 754 € ;

« 4° 8,0 % pour la fraction supérieure à 71 754 € et inférieure ou égale à 151 956 € ;

« 5° 8,5 % pour la fraction supérieure à 151 956 €.

« II. – Par dérogation aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du I, le taux des contributions sociales est fixé à :

« 1° 6,0 % en 2015 pour la fraction inférieure ou égale à 9 690 € ;

« 2° 7,5 % en 2015 et 2016 pour la fraction supérieure à 9 690 € et inférieure ou égale à 26 764 €. »

b) Au III, les mots : « et au II » sont supprimés ;

2° Après l’article L. 136-8, il est inséré un article L. 136-8-... ainsi rédigé :

« Art. L. 136-8-... – Les contributions visées au I de l’article L. 136-8 font l’objet d’une correction sur l’avis d’imposition sur le revenu mentionné au chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts sur la base des informations délivrées à l’administration fiscale au titre des 2° à 4° de l’article L. 136-8. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Tout d’abord, je remercie M. Eckert d’avoir répondu très précisément aux interrogations que j’avais exprimées lors de la discussion générale.

Ensuite, je veux dire que je regrette encore une fois que le débat sur la fiscalité, qui devait avoir lieu, ne se soit pas produit ! Des groupes de travail sur la fiscalité des entreprises et des familles se sont réunis, les politiques, les syndicats et les services de Bercy se sont fortement mobilisés, nous avions tout pour mener à bien notre travail, mais tout cela a fait un grand plouf ! Et on nous propose des réformes fiscales petit bout par petit bout, sans vision d’ensemble.

Nous, les écologistes, comme chaque groupe politique, nous avons bien sûr une vision d’ensemble. Ainsi, nous sommes contre la modulation des allocations familiales et pour le versement d’une allocation dès le premier enfant, comme je l’ai indiqué en discussion générale. En revanche, nous sommes pour la suppression du quotient familial. Voilà ce qu’est notre vision de la politique familiale.

En ce qui concerne la CSG, nous sommes pour sa fusion avec l’impôt sur le revenu. Voilà pourquoi nous présentons cet amendement, très proche de celui que vient de défendre excellemment à l’instant Mme Lienemann.

En quelques mots, cet amendement vise à rendre progressive la CSG pour alléger la contribution des ménages aux revenus modestes.

La CSG est une contribution efficace, à assiette large, qui s’applique aux revenus du travail comme à ceux du capital, mais de façon proportionnelle. Nous proposons de la rendre plus juste en augmentant la contribution des hauts revenus et en allégeant celle des plus modestes, avec un barème progressif et des taux marginaux sans distinction entre retraités et actifs ni entre revenus du travail et du capital.

En France, les inégalités de revenus ont diminué jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix. Depuis lors, nous assistons à un retournement de tendance : en dix ans, le niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres n’a progressé que de 8 % – on s’étonne toujours de la progression de la pauvreté, mais il y a des raisons pour l’expliquer, de même qu’il existe des mesures pour lutter contre elle –, tandis que celui des 10 % les plus riches augmentait de 18 %. Et je ne parle pas des parachutes dorés, dont le Gouvernement a accepté encore récemment le principe pour un haut dirigeant.

Il est de notre responsabilité de réduire ces inégalités en redonnant du pouvoir d’achat à ceux qui en ont le plus besoin. Tel est le sens de cet amendement.

Lors de l’examen de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, l’été dernier, nous avons eu un long débat sur cet amendement. La secrétaire d’État Ségolène Neuville, qui représentait alors le Gouvernement, m’a répondu que les dispositions de cet amendement nécessitaient un travail préalable. J’estime que celui-ci a eu lieu lors des assises de la fiscalité mises en place par Jean-Marc Ayrault, auxquelles ont participé les formations politiques et syndicales. Nous disposons donc de toutes les informations nécessaires.

Aussi, mes chers collègues, je vous propose de voter cet amendement du groupe écologiste.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de cet amendement ouvrent un débat de fond sur l’opportunité d’introduire, via la progressivité, une redistribution dans la contribution de la CSG au financement de la protection sociale.

Notre système social est déjà fortement redistributif : 40 % des écarts de niveau de vie entre le premier et le dernier décile sont réduits grâce à cette redistribution.

Dans sa conception originelle, la CSG présentait l’avantage d’une assiette large, d’un taux faible et d’un fort rendement. Toute mesure de réduction d’assiette augmente mécaniquement le taux – c’est ce à quoi tend cet amendement – et concentre le prélèvement sur une plus faible part de contribuables.

Toutefois, par rapport à sa conception d’origine, la CSG est devenue de facto progressive. Elle a fait l’objet d’une exemption d’assiette sur les revenus de remplacement les plus faibles, d’un taux réduit de 3,8 % au-delà et d’un taux « normal » de 6,6 % pour les retraités.

Le taux normal pour tous les actifs est, je le rappelle, de 7,5 %. Et il existe, je le rappelle également, un mécanisme de déductibilité fiscale, tel que la somme de 2,4 points de CSG et de 0,5 point de CRDS, ou contribution pour le remboursement de la dette sociale, entraîne de fait une augmentation d’un point du taux marginal d’imposition des revenus les plus élevés.

Enfin, comme l’a fort justement dit M. Desessard, cette question doit être traitée globalement avec celle de l’impôt sur le revenu. Elle mérite un débat beaucoup plus large.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame Lienemann, vous avez vous-même déclaré qu’il s’agissait d’un amendement politique d’appel. Ce n’est d’ailleurs pas le premier de ce genre…

Mme Nicole Bricq. Et il y en aura d’autres ! (Sourires.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je persiste et signe !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet, comme vient de le rappeler M. le rapporteur général, nous avons déjà eu un très long débat sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Certes, au fil du temps, vos amendements tendent à évoluer un peu. Vous disiez vous-même, madame Lienemann, que vous aviez tenu compte de la question d’inconstitutionnalité qui pouvait se poser quant à la prise en compte, ou non, de l’ensemble des revenus et de la situation familiale du foyer fiscal. Toutefois, indépendamment de cet aspect, bien des problèmes subsistent.

Les deux amendements ne sont pas complètement identiques : l’un vise à régler, si j’ose dire, et de façon assez difficile d'ailleurs, la question de la perception et de la régularisation ; l’autre, le vôtre, madame Lienemann, ne tend même pas à l’évoquer. En tout cas, tout le monde est bien conscient que, pour pouvoir tenir compte d’un taux de cotisation qui prenne comme références l’ensemble des revenus et la situation familiale du ménage, ce qu’exige a priori le juge constitutionnel, il faut un taux facial et, à un moment donné, une régularisation.

Monsieur Desessard, vous proposez que cette régularisation ait lieu au moment du versement de l’impôt sur le revenu. C’est une possibilité. Or nous nous sommes livrés à quelques exercices de simulation, bien évidemment, et il en résulte au moins deux points sur lesquels nous pourrions, je pense, tomber d’accord.

Le premier est que l’on y perdrait une dizaine de milliards d’euros. En reprenant les barèmes que vous donnez, j’atteins même 14 milliards d’euros, mais cette somme évolue dans le temps ; disons donc une grosse dizaine de milliards. J’en suis désolé, mais le secrétaire d’État en charge du budget, donc des comptes publics, ne peut recommander l’adoption d’un amendement qui ferait perdre une dizaine de milliards d’euros de recettes… Ce n’est pas le moment !

Le second point sur lequel nous pourrions tomber d’accord est que d’importants transferts s’opéreraient entre les contributeurs. En outre, toutes les études que nous avons réalisées, notamment l’été dernier, montrent que cette régularisation, qui serait nécessaire au moins une fois par an, concernerait près de 50 % des foyers. Imaginez donc : vous réduiriez la CSG pour certains, mais, lors de la régularisation, vous leur demanderiez de payer de nouveau quelque chose. Vous alourdiriez donc le dispositif. Et si les contribuables sont mariés, s’ils ont des enfants ou si leur conjoint ne travaille pas, vous devriez ensuite leur rembourser les sommes que vous leur auriez demandées… Cette situation nous a conduits assez naturellement à écarter cette piste, madame Lienemann, monsieur Desessard.

Tels sont donc les quelques éléments de réponse que j’apporte à la discussion. Nous ne cherchons pas à esquiver les débats. Ceux-ci sont toujours utiles et nécessaires. Néanmoins, quand ils ont déjà eu lieu de façon approfondie et que l’on y revient de façon quasi identique deux mois après, nous ne pouvons qu’être conduits à échanger les mêmes arguments.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 2 rectifié.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État, mais lors de la préparation de la campagne présidentielle, François Hollande défendait cette proposition. Il le faisait déjà bien avant, du reste, en tant que député ; puis, lorsqu’il fut Premier secrétaire du parti socialiste, cette question a été longuement débattue dans le projet de ce parti.

Depuis l’origine, nous connaissions les contraintes en la matière. Bercy n’y a jamais été favorable. Jamais ! Pourtant, quand il s’agit d’adapter un dispositif à chaque entreprise et d’envoyer des chèques représentant des milliards d’euros à la fin de l’année, Bercy trouve toujours de nombreuses bonnes idées !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cessez de dire « Bercy » ! C’est très désagréable. Il y a un gouvernement, qui prend des décisions.

Mme Nicole Bricq. Accuser Bercy, c’est un marronnier...

Mme Marie-Noëlle Lienemann. En revanche, quand il s’agit de régulariser la situation des citoyens et de trouver les moyens de leur donner un avantage sonnant et trébuchant sur leur feuille de paie, ce n’est jamais possible !

Tous ces débats ont déjà eu lieu. L’an dernier, nos propositions se fondaient sur la base du calcul familial de l’impôt, pour que la progressivité – c’est sur ce seul point que Lionel Jospin avait été censuré par le Conseil constitutionnel –, puisse être mise en œuvre en toute cohérence avec notre Constitution.

Autant vous le dire tout de suite, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez expliquer que 10 milliards d’euros n’est pas le bon montant et qu’il faut moduler autrement.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Toutefois, je ne le pense pas, pour la simple raison que nous avons besoin de renforcer la demande.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si nous prenons en compte seulement l’offre, par le renforcement de la compétitivité et la baisse du coût du travail, nous ne pourrons que voir s’aggraver la déflation que nous sommes en train de vivre.

Il faut donc faire le choix d’une relance du pouvoir d’achat ciblée sur les catégories populaires et modestes qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, consomment plus « hexagonal » que toutes les autres catégories, puisque plus on est riche, moins on consomme français. Les études sont claires sur ce point, et le FMI lui-même explique que, dans la période actuelle, le coefficient multiplicateur est tout à fait positif s’agissant de la relance de l’investissement et du pouvoir d’achat.

Nous pourrions discuter de l’ampleur du dispositif et des 10 milliards d’euros. Pour ma part, je pense que c’est un choix fondamental pour la relance de la croissance, au moins momentanément. Cependant, s'agissant du principe d’une CSG progressive, il n’est pas exact que François Hollande ait pris cet engagement sans savoir ce qu’il signifiait ! Que je sache, aux dernières nouvelles, il nous reste encore deux ans et demi pour le mettre en œuvre.

M. Bruno Gilles. Bon courage ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Or, monsieur le secrétaire d'État, les seules solutions que vous préconisez ne visent qu’à nous expliquer qu’il n’est pas possible de le tenir.

Les arguments que vous donnez étaient déjà connus. Nous avions trouvé des méthodes techniques permettant de lever le handicap. Nous vous les proposons et nous ne comprenons pas que le Gouvernement ne les soutienne pas.

Je maintiendrai donc cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je ne prolongerai pas le débat, car, monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison, les dispositions de cet amendement, qui sont déjà venues et reparties, reviendront.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous sommes constants dans nos opinions !

Mme Nicole Bricq. Il est très bien d’être constant dans ses opinions, ma chère collègue,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et dans nos engagements aussi !

Mme Nicole Bricq. … mais il serait bien également d’essayer de comprendre la réalité dans laquelle nous vivons.

Je reprendrai plusieurs arguments de fond, qui sont certes recevables, mais que je conteste. Vous voulez réintroduire de la progressivité dans notre système de prélèvement. Je regrette de vous le dire, mais, quand on aligne comme on l’a fait les revenus du capital sur les revenus du travail, on réintroduit forcément de la progressivité. Je vous rappelle tout de même que 30 milliards d’euros plus 30 milliards d’euros font 60 milliards d’euros. C’est le premier argument en défense, qui explique que le groupe socialiste ne peut pas voter cet amendement.

Du reste, notre position est assez logique. Remettre en cause une politique fiscale ou relative aux prélèvements obligatoires, c’est remettre en cause ce pour quoi elle est conçue, à savoir la politique économique. C’est dire que vous n’êtes pas d’accord non plus avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, ni avec le pacte de responsabilité. Certes, c’est votre droit absolu, mais une politique de prélèvement est là pour sous-tendre une politique économique. Sinon, elle ne sert à rien.

De même, comme l’a souligné Jean Desessard, il est possible de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu si l’on considère que la CSG est non pas une cotisation, mais une imposition de toute nature. Toutefois, il faut alors aller jusqu’au bout de la logique et n’avoir qu’un seul budget, notamment concernant les recettes. Or vous n’allez pas au bout de cette logique.

Mme Nicole Bricq. Certes, on peut mener une révolution fiscale. Personnellement, je suis favorable à l’individualisation de l’impôt, parce qu’il correspond à ce qu’est la société contemporaine (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.), notamment quand les femmes participent à l’activité économique de manière, le plus souvent, autonome. Néanmoins, ce n’est pas au détour d’un amendement que se décide une réforme fiscale majeure.

C’est la raison pour laquelle je ne pense pas raisonnable de maintenir ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Madame Bricq, vous avez dit bien des choses intéressantes : en particulier, que ce n’est pas au détour d’un amendement que l’on peut traiter une réforme fiscale. La question est de savoir pourquoi l’on ne fait pas de réforme fiscale ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC. – Mme Laurence Cohen applaudit.)

Pourquoi, alors que des tables rondes ont rassemblé l’ensemble des groupes politiques, des syndicats et tous les services de Bercy, ne fait-on rien aujourd'hui ? Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, vous nous avez dit qu’il y avait eu une simulation – je n’ai pas dit « une dissimulation »… Très bien, mais faites-nous-en profiter ! Cette simulation est certainement disponible à Bercy, et peut-être pouvons-nous la consulter, car, justement, nous n’avons pas eu le retour complet du travail que nous avons réalisé ensemble.

Mme Nicole Bricq. Il y a eu tout de même le rapport Lefebvre !