M. Jean Germain. C’est faux !
M. Vincent Delahaye. On est toujours entre 75 ou 80 milliards d’euros – en tout cas, dans ces eaux-là !
Vous indiquez que la baisse, souhaitable, de nos impôts et de nos taxes proviendra de la maîtrise de la dépense publique. C’est faux aussi ! C’est la baisse de la dépense publique et non sa maîtrise qui permettra de faire baisser les impôts de façon réelle et durable.
M. Jean-Pierre Caffet. Elle baisse !
M. Vincent Delahaye. Non, la dépense publique ne baisse pas, sauf pour les collectivités locales, auxquelles on demande des efforts démesurés ! Et nous ferons des propositions sur ce sujet pour revenir à des normes plus correctes.
Nous sommes pour les efforts, mais pour des efforts équitables et partagés par tous !
M. Jean-Pierre Caffet. Surtout par les travailleurs !
M. Vincent Delahaye. Pour tous ces efforts, pour toutes ces réformes, il faut du courage, monsieur le secrétaire d’État. Nous ne voyons malheureusement venir ni le courage ni les réformes. Il est grand temps d’en prendre conscience et de changer d’attitude. Sinon, ces prévisions seront comme les précédentes, bonnes à jeter, et nous aurons, les uns et les autres, perdu notre temps ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, hasard du calendrier, nous sommes aujourd’hui très exactement à mi-mandat, à la moitié du quinquennat, à la moitié de la législature, c’est-à-dire au milieu du gué. Et, ce soir, le Président de la République s’exprimera pour tenter de convaincre les Français que la politique conduite par son gouvernement, sous son autorité, est la bonne.
Nous lui souhaitons bon courage,…
M. Jean-Pierre Caffet. Merci pour lui !
M. Philippe Dallier. …car la tâche sera rude, après deux années et demie d’une politique sans cap et sans vision, sans résultat, dont le bilan se résume assez vite : c’est l’échec !
Échec sur la croissance, tout d’abord, que la nouvelle majorité espérait certainement voir revenir, comme par enchantement, dès l’automne 2012, tant il est manifeste qu’elle n’avait pas compris la nature profonde de cette crise et le problème du manque de compétitivité de nos entreprises.
Échec sur le chômage, ensuite, corollaire du premier, reconnu avec une belle sincérité – et peut-être un peu de candeur ! - par notre ancien collègue François Rebsamen, aujourd’hui ministre du travail.
Échec, enfin, sur la maîtrise des déficits publics et de la dette, qui dérapent, année après année, s’éloignant toujours plus des objectifs affichés.
L’exercice de ce soir sera donc, à coup sûr, extrêmement délicat pour le Président de la République, qui cherchera à redonner confiance au pays, confiance sans laquelle nos entrepreneurs n’investiront pas, sans laquelle les Français ne consommeront pas plus, sinon moins, confiance qui, seule, pourrait nous garantir que le paradoxe extraordinaire que nous vivons – une dette colossale et des taux d’intérêt historiquement bas – pourrait durer encore un peu, nous mettant à l’abri de graves difficultés si les taux d’intérêt remontaient brutalement.
Le Président François Hollande n’a de chance de réussir son grand oral qu’à deux conditions : dire la vérité aux Français, toute la vérité, et en tirer les conséquences. Vérité sur la situation de notre économie et de nos entreprises. Vérité également sur les comptes de la Nation : ceux de l’État, de la sécurité sociale, des régimes de retraite, des entreprises publiques, de nos collectivités locales.
Oui, il est plus que temps pour le Gouvernement de dire la vérité aux Français et d’en tirer les conclusions qui s’imposent, même si elles sont douloureuses. C’est le seul moyen de voir revenir la confiance et de sortir notre pays de la situation dans laquelle il s’enfonce !
Voilà pourquoi l’examen de ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019 tombe à point nommé. Au fond, elle nous apporte, avant même que nous ayons entendu le Président de la République, la réponse à cette question cruciale : dira-t-il la vérité aux Français et en tirera-t-il les bonnes conclusions ? La réponse est malheureusement non, car, en ce cas, ce projet de loi de programmation serait tout autre.
Encore une fois, il est probable qu’il tentera de gagner du temps, de retarder les échéances que nous devrons tôt ou tard affronter pour remettre notre pays sur la voie de la croissance et du redressement de ses comptes publics. Mais, pour cela, encore faudrait-il avoir le courage de regarder la réalité en face et, manifestement, à la lecture de ce projet de loi, ce n’est pas le cas.
Vous ne dites pas la vérité aux Français et pourtant je suis persuadé, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez parfaitement conscience de l’urgence de la situation. Vous savez que les hypothèses et les prévisions inscrites dans cette loi de programmation sont trop optimistes, mais vous ne voulez manifestement pas le dire.
Peut-être pensez-vous que cela « désespérerait un peu plus Billancourt », comme disaient certains, ou que les marchés financiers s’affoleraient. Je crois exactement le contraire. De toutes les manières, les Français sont maintenant comme saint Thomas : ils ne croient plus que ce qu’ils voient et ils jugent désormais sur pièces.
Quant aux acteurs économiques, ils sont trop au fait de ces sujets pour se laisser tromper par des prévisions peintes en rose, et la commission de Bruxelles encore moins.
Quant aux marchés financiers, dont nous dépendons, quoi que nous en pensions, pour refinancer les quelque 200 milliards d’euros dont nous avons maintenant besoin chaque année, ils ne sont pas plus dupes de ces prévisions, qui n’ont d’autre vocation que d’être démenties par les faits, contribuant ainsi un peu plus à ancrer l’idée que, décidément, les Français sont incapables de regarder la réalité telle qu’elle est et de se réformer.
Oui, monsieur le secrétaire d’État, en termes de calendrier électoral, nous sommes au milieu du gué, mais l’eau monte dangereusement et la rive d’en face – celle des pays ayant fait les efforts nécessaires pour redresser leurs comptes publics, celle des pays européens tenant leurs engagements -, cette rive, que nous sommes censés rejoindre, s’éloigne de plus en plus.
La comparaison entre ce projet de loi de programmation et celui que nous avions adopté il y a deux ans, à la fin de 2012, est éloquente et cruelle pour votre majorité.
Arrivés au pouvoir en mai, sous-estimant, pour ne pas dire niant le problème de compétitivité de nos entreprises, vous avez fait les mauvais choix, pris les mauvaises décisions, puis vous avez passé toute l’année 2013 à nous expliquer qu’il fallait attendre que votre politique porte ses fruits. Alors que, cette année-là, dès le printemps, au vu de la chute des rentrées fiscales, nous vous demandions de corriger le tir par une loi de finances rectificative, MM. Moscovici et Cazeneuve nous ont inlassablement répété qu’il fallait laisser jouer les stabilisateurs économiques.
Le résultat, nous le connaissons maintenant. Alors que vous aviez alourdi les impôts de 30 milliards d’euros, les sommes attendues ne sont pas rentrées et vous avez tout simplement étouffé la croissance. En 2013, vous avez battu un record historique, celui du nombre d’entreprises ayant déposé le bilan : 65 000 !
M. Michel Vergoz. Un peu de décence !
Mme Nicole Bricq. Qu’avez-vous fait, vous ?
M. Philippe Dallier. Le 31 décembre dernier, le Président de la République, dans ses vœux aux Français, a dû implicitement reconnaître l’échec de cette politique et annoncer ce que certains ont appelé un « tournant social-libéral ».
Depuis, nous avons passé plusieurs mois – enfin, surtout à gauche ! – à débattre de cette notion un peu abstraite : le social-libéralisme. Les uns l’assumaient, les autres la repoussaient, horrifiés, donnant naissance au mouvement des frondeurs, et les troisièmes – c’était encore plus comique ! – essayaient de nous faire croire que, finalement, ce n’était que l’approfondissement de la même politique...
Il aura fallu attendre la débâcle de la majorité lors des élections municipales et la nomination du nouveau Premier ministre pour tourner la page sur cette querelle sémantique sans grand intérêt et, surtout, pour que le Gouvernement assume enfin, dans le discours tout du moins, son virage idéologique.
Mais, dix mois après les vœux du Président de la République, aucune entreprise n’a encore ressenti le moindre effet de ces annonces. Le pacte de responsabilité, c’est encore pour demain, et le CICE, dans sa version première, n’a pas donné les résultats attendus. La preuve, il coûtera moins cher que prévu, ce dont, pour une fois, il est difficile de se réjouir.
Que de temps perdu pour la France, pour ses entreprises, pour les Français !
Cette histoire-là, nous pouvons justement la retracer dans la comparaison des deux lois de programmation des finances publiques, celle qui a été adoptée à la fin de 2012 et celle que nous examinons aujourd’hui.
Que constatons-nous ? Que le temps passe, que les déficits se creusent, comme la dette, et que les horizons radieux promis en 2012 s’éloignent. L’atteinte de l’équilibre structurel attendra, au mieux, 2016, et le retour à un déficit public sous la barre des 3 % est repoussé à 2017, après un premier report à 2015 négocié avec Bruxelles. Quant à l’atteinte du très hypothétique équilibre de nos finances publiques, il n’est plus envisagé qu’à l’horizon de 2019, autant dire aux calendes grecques !
Voilà où nous en sommes après deux années et demie de présidence Hollande.
Si encore, monsieur le secrétaire d’État, nous avions le sentiment que les objectifs que vous nous proposez aujourd’hui étaient réalistes, nous ne nous en contenterions pas, mais nous serions moins sévères. Mais voilà, nous ne le croyons pas, pas plus que le Haut Conseil des finances publiques ne croit à votre hypothèse de croissance pour 2015, ni à votre capacité à réaliser les 21 milliards d’euros d’économies annoncées, d’ailleurs pas toutes documentées.
La Commission européenne a émis les mêmes réserves sur le projet de budget 2015, et vous n’avez échappé à un avis négatif qu’en ayant recours à un savant tour de passe-passe, sortant opportunément de votre chapeau 3,6 milliards d’euros, qui sont d’ailleurs constitués non pas d’économies budgétaires, mais de recettes supplémentaires loin d’être certaines, et encore moins pérennes.
La Commission, dans un premier temps, a semblé se contenter de cette réponse, dont on sent bien qu’elle avait dû être âprement négociée, à haut niveau. Mais voilà qu’avant-hier, patatras, la même Commission, en la personne de Pierre Moscovici, rendait publiques ses prévisions de croissance et de déficit pour la zone euro.
Que dit la Commission pour la France ? Tout simplement qu’elle ne croit pas à vos prévisions de croissance et de réduction du déficit public pour l’année qui s’achève, pas plus qu’elle n’y croit pour 2015 ou pour 2016.
Alors que le projet de loi de programmation que nous examinons retient les hypothèses de 4,3 % de déficit en 2015, 3,8 % en 2016 et 2,8 % en 2017, la Commission anticipe un dérapage continu de 4,5 % en 2015 et de 4,7 % en 2016. Quant à 2017, si la Commission ne donne pas de chiffres, elle redoute, année électorale oblige, que la situation ne se dégrade encore. Si tout cela se confirmait, cela ferait de la France le plus mauvais élève de la classe, autant dire l’homme malade de l’Europe.
Principale responsable de cette situation, selon la Commission, la faiblesse de la croissance prévisionnelle, qu’elle anticipe à 0,7 % en 2015 et à 1,5 % en 2016, alors que le Gouvernement retient les hypothèses de 1 % et 1,7 %.
Voilà, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce que prévoit Bruxelles, par la bouche de Pierre Moscovici qui, changeant de fonction, rappelle maintenant à l’ordre le gouvernement français, alors qu’il porte une lourde part de responsabilité dans la situation actuelle de la France. Il est donc vérifié que l’habit fait bien le moine : laxiste à Paris, père la rigueur à Bruxelles !
Alors, au bout du compte, qui aura raison ? C’est toute la question. Cependant, lorsqu’il y a de tels écarts d’appréciation, la prudence ne voudrait-elle pas que nous retenions les hypothèses les plus prudentes...
M. Jean-Pierre Caffet. Lesquelles ?
M. Philippe Dallier. ... et que nous adaptions notre politique en conséquence ?
C’est ce que fait le gouvernement allemand, qui ajuste chaque année sa politique économique et budgétaire en fonction du scénario le plus défavorable. En France, et cela ne date pas d’hier – je le reconnais bien volontiers –, le Gouvernement retient les hypothèses qui lui conviennent.
Cet optimisme forcené, qui confine à l’insincérité, nous le retrouvons dans les propos du ministre des finances, qui, il y a deux jours encore, jugeait, avec un certain dédain, que la prévision de la Commission européenne, trop pessimiste à son goût, « ne signifie rien » !
Pourtant, jamais notre pays n’a connu un tel niveau de chômage, jamais le pessimisme, des particuliers comme des entrepreneurs, n’a été aussi général. Il paraît que les Français sont plus pessimistes que les Irakiens ou les Afghans... C’est tout dire !
Nous venons, par ailleurs, de dépasser le seuil des 2 000 milliards d’euros de dette et nous nous dirigeons lentement, mais, je le crains, sûrement, vers le franchissement de la barre symbolique d’un taux d’endettement équivalent à 100 % du PIB...
Tout cela, monsieur le secrétaire d’État, signifie bien quelque chose : notre pays s’enfonce et les Français n’y croient plus...
Non seulement vous n’avez pas tenu les objectifs de la loi de programmation de 2012, celle que vous aviez fait adopter, mais vous allez probablement réaliser l’exploit en 2014, et cela pour la première fois depuis la crise de 2009, de voir le déficit public augmenter d’une année sur l’autre !
Décidément rien ne va plus, comme on dit dans les casinos. La roue tourne et nul ne sait sur quelle case la boule va s’arrêter.
Notre économie sur laquelle, rappelons-le, repose en partie la zone euro, ne tient plus qu’à la bonne volonté des marchés financiers, qui nous préservent encore d’une explosion de la charge de la dette grâce à des taux d’intérêt historiquement bas. C’est ce que Philippe Marini appelait « l’insoutenable légèreté de la dette ».
On ne peut d’ailleurs que s’inquiéter du fait que le risque d’augmentation de la charge de la dette, lié à une hausse des taux d’intérêt, ne soit pas mieux pris en compte dans ces prévisions, lorsque l’on sait ce que représenterait, en quelques années seulement, une augmentation de seulement 100 points de base des taux. Notre rapporteur général en a fait la démonstration en commission des finances, et je l’en remercie.
Le projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinons aujourd’hui est donc, tout à la fois, le symbole de l’échec de la politique que vous avez conduite depuis deux ans et demi et, malheureusement, la démonstration que vous n’aurez pas le courage politique de faire le nécessaire pour inverser le cours des choses.
M. Michel Vergoz. Vous avez laissé l’État en faillite !
M. Philippe Dallier. Ainsi, plutôt que de proposer des solutions fortes pour rétablir la situation, par de véritables réformes structurelles et des économies budgétaires, vous poursuivez la fuite en avant en apportant pour seule réponse une nouvelle loi de programmation avec des objectifs beaucoup moins contraignants et décalés dans le temps. C’est effectivement plus facile.
Pourtant, sur le déficit public et la dette, vous avez souvent critiqué les résultats du quinquennat précédent, monsieur le secrétaire d’État. Or permettez-moi de rappeler à cet instant qu’après la crise de 2008-2009 le gouvernement Fillon avait, contrairement au vôtre, respecté et même dépassé ses objectifs de réduction du déficit public.
Rappelons les chiffres : dans la loi de programmation de 2010, le déficit prévisionnel était fixé à 7,7 % pour 2010... Nous avons fait 7,1 %.
M. Jean-Pierre Caffet. Une paille !
M. Philippe Dallier. En 2011, le résultat fut de 5,2 % pour un objectif de 6 %.
Aujourd’hui, la situation dramatique que nous connaissons, plutôt que d’en assumer la responsabilité, vous vous en défaussez sur des facteurs extérieurs : faible croissance et faible inflation, qui seraient autant de facteurs importés.
Mais, monsieur le secrétaire d’État, la faible croissance – probablement 0,4 % en 2014 – et les prévisions pour 2015, qui oscillent entre 0,7 % et 1 %, sont en grande partie la résultante de la politique de François Hollande depuis 2012 !
La preuve en est que la quasi-totalité des autres pays de la zone euro feront mieux que nous cette année et l’année prochaine, puisque la moyenne devrait se situer, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques et la Banque centrale européenne, entre 0,8 % et 0,9 % en 2014, et entre 1,3 % et 1,6 % en 2015.
Même monnaie, même inflation, mêmes règles du jeu, et pourtant les résultats seront meilleurs chez la plupart de nos voisins. Cela prouve bien que des facteurs propres à la France, résultant notamment de la politique économique récessive menée depuis 2012, retardent le retour de la croissance dans l’Hexagone.
Nous n’avons pas suffisamment réduit la dépense publique pour alléger de façon suffisante les charges pesant sur nos entreprises : voilà la réalité, voilà le mal ! Car le CICE, même le Gouvernement a fini par en convenir, n’était vraiment pas à la hauteur des enjeux.
Quant à la réduction des dépenses, seul véritable levier pour réduire le déficit public, faute de croissance, vous n’avez pas vraiment voulu y recourir. Nous en payons le prix.
La création de 60 000 postes dans l’éducation nationale obère toute possibilité de diminution des effectifs, sans compter le coût de ces recrutements : 300 millions d’euros par an pendant les quarante prochaines années !
Dans le même temps, alors que nous vivons une période d’extrême tension internationale, on réduit les effectifs de l’armée de terre, qui seront bientôt moins nombreux que ceux de la gendarmerie, et on rogne sur tous les crédits d’équipements, alors que nos soldats sont, eux, de plus en plus nombreux à être envoyés en opérations extérieures.
Pour la période à venir, la stabilisation des effectifs de l’État et de ses opérateurs montre bien que vous vous refusez encore à toucher aux effectifs de la fonction publique.
Quant au taux de prélèvements obligatoires, vous prévoyez une quasi-stabilité d’ici à 2017. La pression fiscale, dans sa globalité, ne va donc pas diminuer, ou très peu.
Je terminerai en disant un mot des collectivités locales et du sort que vous leur réservez.
Le projet de loi de programmation instaure un nouvel objectif indicatif d’évolution de la dépense publique locale, dit « ODEDEL ». Soit, mais il existe déjà de nombreux ratios qui classent les collectivités territoriales par strate et par catégorie. Je n’ai pas le sentiment que cet indice synthétique supplémentaire changera grand-chose...
Le Gouvernement transmettra d’ailleurs, avant le débat d’orientation des finances publiques, un rapport au Comité des finances locales sur le respect de ce nouvel indice censé éclairer le débat.
On voit bien que l’idée est de s’inspirer de ce qui a été fait avec l’ONDAM pour encadrer les dépenses de santé. Mais les choses sont-elles comparables ?
Se pose d’ailleurs la question de la constitutionalité d’une telle mesure. Si cet indice n’était plus seulement indicatif, mais devenait une règle, il irait à l’encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Au-delà de ce problème juridique, la question de la mise en œuvre d’un tel dispositif relèvera certainement du casse-tête et je crains que nous ne soyons capables, pleins de bonnes intentions, de monter une nouvelle usine à gaz, digne, par exemple, de la complexité de nos dotations de péréquation, censées corriger les défauts d’une dotation globale de fonctionnement qui, au fil du temps, ne représente plus rien et ne permet pas de comparer les collectivités entre elles.
Pour tout vous dire, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes très réservés sur ce point, mais l’essentiel n’est pas là ; il réside bien évidemment dans la baisse programmée de 12,5 milliards d’euros de la DGF entre 2014 et 2017, dont l’impact sur les dépenses d’investissement des collectivités territoriales entraînera, à coup sûr, un effet récessif pour l’économie, notamment dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, qui sont déjà bien mal en point.
Il est certain que nous n’éviterons pas non plus une hausse sensible des impôts locaux, qui reportera ainsi sur les maires et les présidents de conseil général la responsabilité de cette hausse. Cela se traduira probablement par un recours à l’emprunt, peut-être excessif pour certaines collectivités, alors même que la baisse de la dette publique est l’un des objectifs affichés par le Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'État, comprenons-nous bien : je ne suis pas en train de vous dire que les collectivités territoriales doivent s’exonérer de tout effort de réduction de la dépense publique.
M. Philippe Dallier. Il y a très certainement des économies à faire, mais nous le prouverons certainement quand nous aurons entrepris une véritable réforme des collectivités territoriales, quand nous cesserons d’empiler les strates et que nous aurons rationalisé : cela prendra du temps.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, le groupe UMP souhaite attirer votre attention sur le risque que vous faites courir à la croissance du pays par une mesure qui s’appliquera de façon brutale et lourde en un temps trop court, selon nous.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP soutiendra le rejet des articles présentant des objectifs chiffrés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le rapporteur général applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain.
M. Jean Germain. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons a pour objet de fixer des objectifs. Ceux du Gouvernement et des sénateurs qui le soutiennent figurent dans le texte que nous avons reçu de l'Assemblée nationale et dans les amendements que nous défendrons.
Quels sont les objectifs de la nouvelle majorité sénatoriale ? Il y a quelques semaines, celle-ci a indiqué, par la voix de son président, qu’elle souhaitait être une opposition constructive. Que construit-elle ? Quelles sont les propositions constructives que ses représentants ont votées en commission des finances ? Nous l’ignorons, même après votre intervention, monsieur le rapporteur général. (M. Francis Delattre s’exclame.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Attendez le projet de loi de finances !
M. Jean Germain. L’exercice auquel nous devons nous livrer est important, tout le monde l’a souligné, devant l’opinion publique. Toutefois, lorsque l’on propose plus du double d’économies – entre 100 milliards d'euros et 120 milliards d'euros, c’est le discours récurrent –, on n’est pas dans la nuance ! On doit donc pouvoir indiquer des tendances significatives dans les domaines où les coupes seront décidées pour réaliser une telle économie.
M. Michel Vergoz. Oui, c’est la vraie question !
M. Philippe Dallier. Attendez 2017 !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ne soyez pas trop impatient !
M. Claude Raynal. On se rappelle le passé !
M. Jean Germain. L’opposition qui se voulait constructive aura mis moins de deux mois à devenir une opposition incantatrice, amnésique – le bouclier fiscal et les autres mesures du même ordre ne sont pas si loin – et sans imagination. Pourtant, les hypothèses retenues par le Gouvernement pour le cadrage macroéconomique et la crédibilité de la trajectoire des finances publiques sont prudentes.
M. Philippe Dallier. Qu’est-ce que cela aurait été sinon !
M. Francis Delattre. Ah oui !
M. Jean Germain. Depuis le début de la législature, le Gouvernement et la majorité ont pris leurs responsabilités. Nous avons fait face et avons tenu bon sur une stratégie économique qui repose sur deux piliers.
Le premier pilier, sur lequel des réformes ont été faites et d’autres sont en cours, ce sont les politiques d’emploi, d’investissement et de croissance, vous les connaissez comme moi : la loi de sécurisation de l’emploi, la réforme de la formation professionnelle et le nouveau programme d’investissements d’avenir, les emplois d’avenir.
Nos entreprises ont besoin d’être plus compétitives pour recréer de l’emploi et investir. Elles bénéficient cette année déjà de près de 11 milliards d'euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Nous avons voté la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité avant l’été.
Ainsi, en 2015, avec le pacte et la montée en charge du CICE, ce seront 12 milliards d’euros environ de plus pour les entreprises, soit 23 milliards d'euros sur deux ans. Ce sont autant de marges que les entreprises auront pour conquérir des marchés, embaucher, former leurs salariés, moderniser leur outil de production. C’est cela qui est le plus utile. Nous sommes confiants, dans chaque entreprise, les salariés eux-mêmes et les chefs d’entreprise veilleront à ce que tout cela soit mis en œuvre.
Bien sûr, cela ne peut se faire en quelques mois ni même en une année, monsieur Delahaye. C’est dans deux ans et demi qu’il faudra juger ces mesures.
Le second pilier de notre politique est l’assainissement de nos finances publiques, que nous menons bien évidemment en parallèle à nos efforts de compétitivité. Les mesures que nous avons adoptées depuis 2012 ont déjà produit des effets, même si la faiblesse de la croissance masque en partie les résultats obtenus.
En effet, les chiffres du déficit, surtout ceux de l’année 2014, peuvent laisser penser que les efforts ne paient pas, plusieurs d’entre vous l’ont évoqué. Or rien ne serait plus faux. Si, comme le comprendront les nombreux spécialistes ici présents, on corrige la mesure du déficit des effets du cycle économique, comme vient d’ailleurs de le faire la Commission européenne – on le lira lorsque son avis sur la France comme sur d’autres pays sera rendu public, dans quelques semaines –, il apparaît que le déficit structurel, qui traduit les déséquilibres réels de nos comptes, corrigés du cycle économique actuel, aura été quasiment divisé par deux entre 2011 et 2014.
Ce déficit structurel atteint aujourd’hui son plus bas niveau depuis 2001. Cela ne se traduit peut-être pas dans les chiffres, mais il s’agit bien là de la réalité économique après les efforts réalisés depuis trois ans.
Nous le constaterons, l’effort de maîtrise de la dépense sera intégralement respecté, avec un plan de 50 milliards d’euros d’économies de 2015 à 2017, dont 21 milliards d’euros dès 2015. L’ensemble des mesures annoncées en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l’emploi seront mises en œuvre selon le calendrier prévu.
Notre politique économique et notre politique financière sont donc cohérentes.
Faudrait-il alors, monsieur Dallier, monsieur Delahaye dans une situation économique difficile, en particulier avec une inflation très faible, faire plus d’efforts, pour traduire en actes votre « plus d’économies », parce que la mesure de ces efforts se serait dégradée ?
La question de l’adaptation du rythme du déficit doit donc être posée clairement, comme elle est posée d’ailleurs dans l’ensemble de la zone euro. C’est d’ailleurs cette même question que se posent la Commission européenne et ses spécialistes. Le Gouvernement n’a jamais demandé une remise en cause des règles budgétaires européennes. Il en irait de la crédibilité de la France !