Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je viens de le rappeler, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a instauré un seuil minimal de vingt-quatre heures de travail hebdomadaire afin de lutter contre le temps partiel subi et la précarité. Cette avancée sociale a été obtenue aux termes d’une négociation – il faut tout de même le souligner ! – et en échange de nombreuses concessions offertes au patronat, notamment les accords dits « compétitivité-emploi » et les plans de mobilité interne.
Le présent projet de loi dit « de simplification » revient sur cette mesure. Ainsi, pour un salarié travaillant moins de vingt-quatre heures par semaine, qu’il l’ait souhaité en un temps pour des raisons personnelles ou que son contrat de travail ait été signé avant la conclusion de l’ANI, la possibilité de passer à vingt-quatre heures serait désormais conditionnée. Le Gouvernement compte, de nouveau par ordonnance, instaurer une « priorité d’accès » à un droit qui a pourtant été reconnu aux salariés et obtenu en échange de concessions majeures !
Selon la rapporteur de la commission des affaires sociales, « il n’est pas envisageable qu’un droit automatique à une durée de travail supérieure soit reconnu aux salariés », car « la plupart des employeurs ne seraient pas en mesure d’offrir de tels postes ». Mais, dans ce cas, je m’interroge : quelle est la valeur de la loi relative à la sécurisation de l’emploi ? Quel crédit accorder aux engagements pris par le patronat, en échange d’une plus grande « flexibilité » ?
Mme Annie David. Et quel crédit accorder au Gouvernement ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous ne pouvons tolérer cette manière de légiférer en catimini sur des droits conférés aux salariés après tant de concessions de leur part, et alors même que, chacun le sait, le temps partiel imposé implique un mal-vivre, une vie hachée, extrêmement compliquée et toujours subie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame Gonthier-Maurin, il ne me semble pas que, dans l’esprit ou dans les faits, l’ordonnance demandée vise à remettre en cause les vingt-quatre heures. Elle tend simplement à résoudre un problème d’insécurité juridique, évoqué à plusieurs reprises dans cet hémicycle, notamment lors de questions d’actualité au Gouvernement.
Nous avons traité le cas des personnes dont le contrat entrerait en application avec ce critère des vingt-quatre heures, mais non celui de toutes celles dont le contrat a été préalablement signé, dont le temps de travail est inférieur et dont on ne sait pas si elles pourront, ou non, passer à vingt-quatre heures.
Le but est donc de résoudre un problème auquel se heurtent aussi bien les entreprises que les salariés, et qui entraîne une véritable insécurité juridique.
Voilà pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression. Je le répète, cette ordonnance vise non pas à remettre en cause les vingt-quatre heures, mais à préciser un certain nombre de points qui, dans la réalité, posent problème.
Mme Annie David. Non !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Par exemple, lors des auditions, on nous a cité le cas des reprises de travail à la suite de ce que l’on nommait naguère des mi-temps thérapeutiques.
Mme Annie David. Dans ce cas, c’est bien possible !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le temps de travail hebdomadaire complet n’étant pas de vingt-quatre heures mais de trente-cinq, ce mi-temps s’élève à dix-sept heures et demie. Toutefois, cette question n’est pas si pressante juridiquement.
Plus généralement, si une personne travaille à plein temps, s’arrête, reprend un poste à vingt-quatre heures par semaine, que peut faire l’entreprise ? Cette dernière aura onze heures de travail à pourvoir, et ne pourra embaucher personne pour les assumer. Vous le voyez, nombre de problèmes pratiques doivent être résolus. Tel est le sens de cette ordonnance. J’espère que l’on ira très loin et que diverses circulaires permettront de régler toutes les difficultés.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame Gonthier-Maurin, avant tout, je tiens à vous donner les renseignements que vous avez demandés quant à l’avancée des négociations relatives aux branches professionnelles. Il s’agit, plus précisément, des conditions dans lesquelles les partenaires sociaux d’une même branche peuvent tenir compte des spécificités de leur secteur professionnel.
Au 4 novembre 2014 – on trouvera difficilement des chiffres plus récents –,…
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Certes ! (Sourires.)
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. … on dénombre trente-neuf accords de branche. Parmi eux, vingt et un sont d’ores et déjà étendus. J’ajoute que les dix-huit autres devraient l’être prochainement. Pour l’heure, plus de 78 % des salariés à temps partiel de la trentaine de branches recourant structurellement au temps partiel sont couverts par un accord de branche.
J’en viens à l’amendement n° 33, que vous venez de présenter.
Mme la rapporteur pour avis l’a rappelé, la loi relative à la sécurisation de l’emploi avait omis un cas : celui du salarié qui a fait une demande de dérogation individuelle, ou dont le contrat, conclu avant la loi relative à la sécurisation de l’emploi, est inférieur à vingt-quatre heures hebdomadaires, et qui souhaite basculer dans le régime des vingt-quatre heures.
En pareil cas, pour sécuriser la situation des salariés concernés et celle des employeurs, il a paru nécessaire, après discussion avec les partenaires sociaux, d’habiliter le Gouvernement à fixer une procédure prévoyant le cas du dédit du salarié.
Comme Mme Procaccia l’a indiqué au cours de la discussion générale, l’intention du Gouvernement est d’instaurer, pour les salariés bénéficiant par leur contrat d’un temps de travail inférieur à vingt-quatre heures, un droit d’accès prioritaire à un emploi d’une durée de vingt-quatre heures, sur le modèle du dispositif aujourd’hui prévu pour les salariés à temps partiel désireux de passer à temps plein.
Or la commission a restreint le champ de l’habilitation en la matière. La rédaction qu’elle a retenue priverait le Gouvernement de la possibilité de sécuriser plusieurs points qui doivent être sécurisés – j’anticipe, à cet égard, sur la suite de la discussion.
En effet, la référence à la sous-section 5 restreint le champ d’habilitation à légiférer par ordonnance à la section relative aux contrats et horaires de travail des salariés à temps partiel. Or, pour le salarié et pour l’employeur, la sécurisation de la procédure de passage d’un contrat de travail inférieur à vingt-quatre heures à un contrat de vingt-quatre heures au moins nécessitera une modification de la sous-section 3.
Au-delà, dans le cadre des négociations de branche, l’attention du Gouvernement a été appelée sur la nécessité de clarifier certains points, notamment s’agissant des contrats infrahebdomadaires. Ainsi, l’amendement que je défendrai dans quelques instants au nom du Gouvernement vise à rétablir la rédaction initiale du présent article. Il est donc cohérent avec l’avis défavorable que j’émets sur l’amendement n° 33.
Il faut permettre au Gouvernement de clarifier les modalités d’application des dispositions issues de l’accord national interprofessionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Supprimer les mots :
de la sous-section 5
II. – Après le mot :
emploi
Supprimer la fin de la phrase.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 116, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 90, alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission des affaires sociales sur l’amendement n° 90.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales a, pour partie, entendu le Gouvernement et propose avec lui de supprimer la référence à la sous-section 5, qui pose problème.
En revanche, la commission est défavorable à la modification introduite par la deuxième partie de l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 116 ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je me réjouis de la position de Mme la rapporteur pour avis sur la première partie de l’amendement, qui va dans le sens de ce que souhaite le Gouvernement pour sécuriser pleinement la procédure de dédit.
Comme je l’ai indiqué en le présentant, cet amendement doit cependant, dans sa deuxième partie, permettre de répondre à certaines questions soulevées par les partenaires sociaux. Il eût été plus efficace, à mon sens, de retirer le sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 116.
Mme Annie David. Nous ne sommes pas d’accord avec ce qui vient de nous être présenté. Il ne faudrait pas laisser croire que le groupe communiste républicain et citoyen ne comprend pas ce qui est en cause. Il s’agit bien des contrats de travail inférieurs à vingt-quatre heures, monsieur le secrétaire d’État.
Avant le vote de la loi, des personnes pouvaient travailler moins de vingt-quatre heures par semaine par choix, parce qu’elles avaient demandé une dérogation, quel qu’en soit le motif, ou parce qu’elles bénéficiaient d’un mi-temps thérapeutique.
Mais la loi avait été adoptée ici même au bénéfice des personnes qui subissent le temps partiel, et qui ne le choisissent pas. La disposition avait fait l’objet de débats très âpres dans cette assemblée avant d’être adoptée. Notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin a rappelé comment cela s’était passé, après le rapport de notre collègue Catherine Génisson sur ce fameux article 12 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. La rédaction que nous avions obtenue visait bien les personnes signataires d’un contrat à temps partiel inférieur à vingt-quatre heures.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il existe des temps partiels choisis, tout de même !
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Heureusement !
Mme Annie David. Imaginez la vie de ces personnes en temps partiel subi, et non pas choisi, inférieur à vingt-quatre heures, avec un salaire de quinze, seize ou dix-sept heures de travail par semaine, voire moins : elle n’a rien de facile ! La loi était claire : ces personnes devaient passer à vingt-quatre heures par semaine.
Cela avait été affirmé dans cet hémicycle par l’ensemble des membres du Gouvernement qui se succédaient à votre place, monsieur le secrétaire d’État, par le rapporteur, par Catherine Génisson et par l’ensemble des collègues de gauche ici présents.
Cette loi devait permettre notamment aux femmes, puisque l’on sait bien que cette situation les concerne majoritairement, de passer à vingt-quatre heures par semaine, au minimum.
M. André Reichardt, rapporteur. Mais enfin, le temps partiel choisi, cela existe !
Mme Annie David. Vous revenez sur ce minimum de vingt-quatre heures, adopté ici afin de permettre à ces personnes qui subissent un travail à temps partiel de pouvoir travailler plus longtemps, alors que la mesure n’a que quelques mois, sans avoir pu prendre toute la mesure de son application.
En même temps, et nous vous remercions de cette précision, vous nous annoncez déjà trente-neuf accords de branche, concernant plus de 78 % des salariés à temps partiel. Ces accords sont donc possibles ! Pourquoi vous précipitez-vous pour changer les règles ? Laissez donc aux partenaires sociaux le temps d’aboutir à ces accords dans l’ensemble des branches, couvrant ainsi l’ensemble des salariés travaillant à temps partiel.
Vous revenez par ordonnance, quelques mois après son adoption, sur une mesure qui avait fait l’objet de débats très âpres.
Mme Annie David. Passer outre ainsi l’ensemble de ce qui a été fait jusqu’à présent n’est ni correct ni satisfaisant du point de vue du dialogue social.
M. André Reichardt, rapporteur. Ce n’est pas bien, ce que vous faites, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires au banc des commissions.)
Mme Annie David. Nous ne pourrons donc pas vous suivre sur cet amendement, comme nous ne vous suivrons pas sur l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Comprenons-nous bien : il ne s’agit en aucune manière du temps partiel subi, mais bien de temps partiel choisi : cela concerne les salariés qui choisissent de travailler moins de vingt-quatre heures par semaine.
Mme Annie David. Et ceux qui ne choisissent pas, pourront-ils obtenir de travailler vingt-quatre heures ?
Mme la présidente. Madame Procaccia, le sous-amendement n° 116 est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 quater, modifié.
(L'article 2 quater est adopté.)
Article 2 quinquies (nouveau)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 1242-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Pour la réalisation d’un objet défini dans les conditions prévues à la sous-section 3. » ;
2° La section 1 du chapitre II du titre IV du livre II de la première partie est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Contrat de travail à durée déterminée à objet défini
« Art. L. 1242-6-1. – Un contrat de travail à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation d’un objet défini, d’une durée comprise entre dix-huit mois et trente-six mois, peut être conclu pour le recrutement d’ingénieurs et de cadres au sens des conventions collectives. Il ne peut pas être renouvelé.
« Ce contrat est régi par le présent titre, à l’exception des dispositions spécifiques fixées par la présente sous-section.
« Art. L. 1242-6-2. – Le recours au contrat de travail à durée déterminée à objet défini est subordonné à la conclusion d’un accord de branche étendu ou, à défaut, d’un accord d’entreprise.
« L’accord de branche étendu ou l’accord d’entreprise définit :
« 1° Les nécessités économiques auxquelles ce contrat est susceptible d’apporter une réponse adaptée ;
« 2° Les conditions dans lesquelles les salariés en contrat de travail à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l’aide au reclassement, à la validation des acquis de l’expérience, à la priorité de réembauche et à l’accès à la formation professionnelle et peuvent, au cours du délai de prévenance mentionné à l’article L. 1242-6-3, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnels ;
« 3° Les conditions dans lesquelles les salariés en contrat de travail à durée déterminée à objet défini bénéficient d’une priorité d’accès aux emplois en contrat de travail à durée indéterminée dans l’entreprise.
« Art. L. 1242-6-3. – Le contrat de travail à durée déterminée à objet défini prend fin avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu. Son terme est précédé d’un délai de prévenance qui ne peut être inférieur à deux mois.
« Art. L. 1242-6-4. – Le contrat de travail à durée déterminée à objet défini peut être rompu par l’une ou l’autre des parties, pour un motif réel et sérieux, au bout de dix-huit mois puis à la date anniversaire de sa conclusion.
« Art. L. 1242-6-5. – Si le contrat de travail à durée déterminée à objet défini est rompu à l’initiative de l’employeur en application de l’article L. 1242-6-4 ou qu’il ne donne pas lieu à une embauche en contrat de travail à durée indéterminée dans l’entreprise à son terme, le salarié a droit à une indemnité d’un montant égal à 10 % de sa rémunération totale brute.
« Art. L. 1242-6-6. – L’article L. 1242-12 est applicable au contrat de travail à durée déterminée à objet défini. Ce contrat comporte également les clauses suivantes :
« 1° La mention « contrat de travail à durée déterminée à objet défini » ;
« 2° L’intitulé et les références de l’accord collectif qui institue ce contrat ;
« 3° La description du projet et sa durée prévisible ;
« 4° La définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;
« 5° L’événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;
« 6° Le délai de prévenance de l’arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée ;
« 7° La mention de la possibilité pour l’une ou l’autre des parties de rompre le contrat pour un motif réel et sérieux au bout de dix-huit mois puis à la date anniversaire de la conclusion du contrat et du droit pour le salarié, lorsque cette rupture est à l’initiative de l’employeur, à une indemnité égale à 10 % de sa rémunération totale brute. »
3° Après le septième alinéa de l’article L. 1242-7 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Réalisation d’un objet défini mentionné à l’article L. 1242-6-1. »
II. – L’article 6 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché de travail est abrogé.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 34 est présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour présenter l’amendement n° 34.
M. Michel Le Scouarnec. Cet article permet la création d’un contrat à durée déterminée à objet déterminé, ou CDD-OD, qui fait l’objet d’une expérimentation depuis 2008. Nous demandons sa suppression au motif qu’il trouverait à s’appliquer, en particulier, dans l’emploi scientifique, contribuant ainsi à augmenter la précarité dans le domaine de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Cela serait d’autant plus regrettable que la précarité est particulièrement développée dans ce secteur où 30 % à 35 % des emplois sont précaires, contre 17% en moyenne dans l’ensemble de la fonction publique. Le nombre de non-titulaires y a ainsi été estimé à 55 000 en 2010 !
Dans l’enseignement supérieur et la recherche, il est courant que les salariés travaillent de cinq à dix ans sur des contrats de courte durée ou des vacations, y compris après l’obtention de leur doctorat.
L’autonomie budgétaire des établissements, consacrée par la loi LRU n’y est sans doute pas pour rien. Si elle a effectivement transféré la gestion de leur masse salariale aux établissements, la loi n’a pas accompagné cette autonomie de transferts par l’État des moyens nécessaires à leur financement. Ainsi, depuis plusieurs années, les universités ont vu leur budget s’établir en déficit.
Je demande donc la plus grande attention pour l’enseignement supérieur et la recherche et, à ce titre, je vous propose de supprimer cet article.
Son adoption permettrait aux établissements publics à caractère scientifique et technologique, ou EPST, et aux laboratoires de recherche de recruter des agents contractuels pour occuper des emplois de fonctionnaire, non plus seulement en contrats à durée indéterminée, comme cela devrait être le cas dans la fonction publique, mais également en contrats à durée déterminée.
Ce recrutement en CDD-OD serait facilité par le développement, notamment via l’Agence nationale de la recherche, ou ANR, de la recherche sur projets, qui est précaire par définition et doit donc être dénoncée. La généralisation de ce type de situation est antinomique avec une véritable recherche, qui a besoin de temps et de stabilité et qui ne fonctionne pas sur le mode du projet et des financements de court terme.
Le précédent gouvernement avait déjà avancé une idée similaire lors de la discussion du projet de loi dit « de résorption de la précarité dans la fonction publique », proposant la création d’un nouveau contrat à durée déterminée spécifique à la recherche via un contrat de projet liant le recrutement de personnels de catégorie A à la durée de vie d’une convention de recherche passée entre un organisme de recherche et un organisme assurant un financement externe. Cette disposition avait été rejetée, ce dont nous nous félicitons.
Gardons-nous de réintroduire par d’autres moyens ce type de contrat, qui plus est en le généralisant. Cela contribuerait à faire de l’emploi précaire la norme dans la recherche et l’enseignement supérieur.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 60.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce CDD-OD nous apparaît également comme une nouvelle forme de contrat précaire.
Nos gouvernements successifs, de droite comme de gauche, envoient aux citoyens un message de lutte contre le chômage, ce phénomène qui ne cesse de gagner du terrain depuis quarante ans, tout en engageant de plus en plus une lutte contre les chômeurs, comme nous pouvons l’entendre maintenant.
Il est urgent d’envisager d’autres types de réponses, à plus long terme, car les mesures mises en œuvre jusqu’à présent ont bel et bien montré leurs limites, nous pouvons tous en convenir.
Lorsque le travail disparaît plus vite qu’il ne se crée, la solution n’est pas de flexibiliser toujours plus, de précariser toujours plus, d’abaisser encore et encore le coût du travail. Où allons-nous donc nous arrêter ? Le seul moyen d’éviter les délocalisations est-il de nous aligner sur le droit du travail des pays émergents ?
Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, il existe pourtant des pistes prometteuses dont on commence à peine à entrevoir le potentiel : l’économie circulaire, l’économie collaborative, l’économie des usages, l’aide à la personne, la transition énergétique et écologique, les circuits courts, les monnaies locales et complémentaires, sans parler des propositions de nombreux économistes autour du revenu d’existence. Il est urgent de changer notre regard sur l’emploi, sur le chômage et sur l’économie.
En outre, le CDD-OD a été expérimenté depuis 2008, mais nous n’avons jamais reçu son évaluation ! Pourquoi le généraliser sans même en connaître les effets ? Ce n’est pas, selon nous, une bonne manière d’écrire la loi, c’est pourquoi nous vous invitons à voter cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le CDD-OD est utile, en particulier aux chercheurs, qui préfèrent signer un contrat précaire, dans un premier temps, que pas de contrat du tout !
La commission dans son ensemble a donc rejeté ces amendements identiques.
Mme Annie David. Dans son ensemble ? Ne faites pas croire qu’elle était unanime !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Cet article vise à pérenniser dans le code du travail le contrat de travail à durée déterminée à objet défini qui, comme vous l’avez évoqué, a fait l’objet d’une expérimentation en application de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail.
Ce contrat a du succès, puisqu’il fait d'ores et déjà l’objet de trente accords de branche et de vingt-neuf accords d’entreprise. Les chercheurs apprécient beaucoup ce dispositif, et il serait dommage d’y mettre un terme.
C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’ai un peu de mal à vous suivre, monsieur le secrétaire d'État, car, le 9 octobre dernier, lors de la discussion, par l'Assemblée nationale, d’une proposition de loi de M. Cherpion, qui avait formulé la même demande que Mme Procaccia, M. Rebsamen avait indiqué que les contrats à durée déterminée à objet défini pouvaient répondre à certains besoins spécifiques dans certains domaines, notamment le secteur scientifique, mais qu’il fallait attendre, avant d’envisager la pérennisation du dispositif et son inscription dans le code du travail, que les partenaires sociaux se soient concertés. En moins d’un mois, le Gouvernement a donc changé de position d’une façon assez étonnante.
Là encore, je m’interroge sur votre vision du dialogue social. Je vous rappelle de nouveau qu’il existe dans notre pays une loi relative au dialogue social, disposant que l’ensemble des organisations syndicales, qu’elles soient patronales ou salariales, doivent être consultées avant toute modification du code du travail.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression d’une mesure qui ne figurait pas dans le texte tel qu’il nous a été transmis par l'Assemblée nationale, mais qui a été adoptée par la commission des affaires sociales, sur proposition de Mme Procaccia.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Notre collègue Le Scouarnec a indiqué tout à l’heure que l’on créait un nouveau contrat de travail par ordonnance : non ! Un accord interprofessionnel est intervenu, qui a été sanctifié par la loi en 2008.
Mme Annie David. C’était une expérimentation !
Mme Nicole Bricq. Ce contrat a donc une base législative. Il n’est pas créé en catimini par le biais d’une ordonnance : s’il fait nuit à l’extérieur, il fait clair dans l’hémicycle, et nous sommes là pour encadrer cette procédure.
Ce contrat, dont la création est demandée par les scientifiques, répond véritablement à un besoin. Il s’agit peut-être d’une nouvelle forme de CDD, comme l’ont dit nos collègues du groupe CRC, mais il ne faut pas donner à croire qu’un chercheur va travailler six mois sur un sujet ; il va s’y consacrer durant plusieurs années.
Il n’est pas possible de supprimer cette mesure, ou alors, si vous voulez fermer la porte aux chercheurs, dites-le ! Mme Procaccia a reconnu en commission que sa proposition, que nous avons adoptée, n’était pas forcément parfaite et qu’elle écouterait le Gouvernement, dont l’amendement n° 92, que nous allons examiner, apporte justement des précisions utiles.
Je le répète, une base législative existe, et une expérimentation a eu lieu, que nous proposons effectivement de développer car elle a été positive. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une bonne méthode de travail.