compte rendu intégral
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Secrétaires :
M. Serge Larcher,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Organisme extraparlementaire
Mme la présidente. M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire.
La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire et la commission des affaires économiques ont été invitées à présenter chacune une candidature.
Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
3
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de six projets de loi dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de six projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces six projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
Article unique
Est autorisée la ratification du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, signé à New York le 11 décembre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (projet n° 660 [2013-2014], texte de la commission n° 28, rapport n° 27).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’union européenne et la géorgie
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part, (ensemble quatre annexes), signé à Bruxelles le 2 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part (projet n° 661 [2013-2014], texte de la commission n° 20, rapport n° 19).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
Mme la présidente. Je constate que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’union européenne et la jordanie
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part, (ensemble quatre annexes), signé à Bruxelles le 15 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d’autre part (projet n° 662 [2013-2014], texte de la commission n° 22, rapport n° 21).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
Mme la présidente. Je constate que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
protocole modifiant l’accord de transport aérien entre la communauté européenne et les états-unis d’amérique
Article unique
Est autorisée la ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis d'Amérique, d'autre part, signé à Bruxelles le 25 avril 2007 et à Washington le 30 avril 2007 (ensemble un appendice, une déclaration commune et un échange de lettres), signé à Luxembourg, le 24 juin 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole modifiant l’accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis d’Amérique, d’autre part (projet n° 780 [2013-2014], texte de la commission n° 24, rapport n° 23).
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
traité avec la république tchèque sur la coopération dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de la gestion des situations d’urgence
Article unique
Est autorisée la ratification du traité entre la République française et la République tchèque sur la coopération dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de la gestion des situations d'urgence, signé à Prague, le 16 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République tchèque sur la coopération dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de la gestion des situations d’urgence (projet n° 516 [2012-2013], texte de la commission n° 26, rapport n° 25).
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
protocole additionnel à la convention avec l’italie relative au tunnel routier sous le mont-blanc
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole additionnel à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc, signé à Rome le 20 octobre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc (projet n° 518 [2012-2013], texte de la commission n° 18, rapport n° 17).
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des suffrages exprimés.
4
Délimitation des régions et élections régionales et départementales
Suite de la discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (projet n° 6, texte de la commission n° 43, rapport n° 42).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre Ier (suite)
Dispositions relatives à la délimitation des régions
Mme la présidente. Au sein du chapitre Ier, nous poursuivons l’examen de l’article 1er, dont je rappelle les termes :
Article 1er (suite)
I. – L’article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Le second alinéa est remplacé par un II ainsi rédigé :
« II. – Sans préjudice des dispositions applicables aux régions d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Corse, les régions en vigueur à compter du 1er janvier 2016 sont constituées des régions suivantes, dans leurs limites territoriales en vigueur au 31 décembre 2015 :
« – Alsace ;
« – Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes ;
« – Auvergne et Rhône-Alpes ;
« – Bourgogne et Franche-Comté ;
« – Bretagne ;
« – Centre ;
« – Champagne-Ardenne et Lorraine ;
« – Île-de-France ;
« – Languedoc-Roussillon ;
« – Midi-Pyrénées ;
« – Nord-Pas-de-Calais et Picardie ;
« – Basse-Normandie et Haute-Normandie ;
« – Pays de la Loire ;
« – Provence-Alpes-Côte d’Azur. »
I bis. – Les régions constituées en application du I du présent article succèdent aux régions qu’elles regroupent dans tous leurs droits et obligations.
II. – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier 2016.
Mme la présidente. Hier soir, nous avons entamé l’examen d’une série d’amendements faisant l’objet d’une discussion commune. Pour la clarté des débats, j’en rappelle les termes :
L'amendement n° 41 rectifié ter, présenté par MM. P. Leroy, Adnot, Baroin, Grosdidier, Huré, Husson, Laménie, Namy, Gremillet, Pierre, Longuet et Nachbar, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« – Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine ;
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement est assorti d’un sous-amendement n° 146, présenté par MM. Guené et Sido, et ainsi libellé :
Amendement n° 41 rectifié ter
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine ;
II. – En conséquence, après l’alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - En conséquence, alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine
II.- En conséquence, alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
III. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer les mots :
et Lorraine
Cet amendement est assorti d’un sous-amendement n° 145, présenté par MM. Guené et Sido, et ainsi libellé :
Amendement n° 24 rectifié
I. – Alinéa 3
Après le mot :
Bourgogne
insérer les mots :
Champagne-Ardenne
II. – En conséquence, alinéas 7 et 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Supprimer cet alinéa.
L'amendement n° 66, présenté par MM. Masseret et Bigot et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et Lorraine
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer les mots :
et Lorraine
L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Guené et Sido, Mme Loisier et MM. Kern, G. Bailly et Houpert, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine ;
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
L'amendement n° 45, présenté par MM. Savary et Détraigne, Mmes Férat et Gruny, M. Lefèvre et Mme Troendlé, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Champagne-Ardenne, Lorraine et Picardie ;
II. – En conséquence, alinéa 15
Supprimer les mots :
et Picardie
L'amendement n° 8, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« – Champagne-Ardenne ;
« – Lorraine ;
II. – Après l’alinéa 19
Insérer un I ter ainsi rédigé :
I ter - Après l’application en Alsace, en Champagne-Ardenne et en Lorraine de la procédure de fusion prévue à l’article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales, ce même code est complété par un article L. 8111-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8111-1. - Dans les trois régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, un décret en Conseil d’État peut fusionner en une collectivité territoriale unique la région et les départements qui en font partie. Cette collectivité territoriale unique exerce l’ensemble des compétences attribuées par la loi à la région et aux départements qu’elle regroupe. Elle leur succède dans tous leurs droits et obligations.
« Le présent article s’applique par dérogation à l'article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales et par dérogation aux autres articles de la présente loi. »
Les amendements n° 70, présenté par Mme Létard et M. Lecerf, et l’amendement n° 43, présenté par MM. Delebarre et Vandierendonck, Mme Génisson et MM. Poher, D. Bailly, Percheron et J.C. Leroy, sont identiques.
Tous deux sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« - Nord-Pas-de-Calais ;
« - Picardie ;
Mes chers collègues, nous en sommes parvenus aux explications de vote sur le sous-amendement n° 146.
La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Cet amendement vise à créer une région Grand Est. Vous l’aurez noté, il semblerait que l’honneur du Sénat soit de sortir sa propre carte. Pour ma part, au-delà de l’honneur, je pense qu’il s’agira surtout d’une belle prouesse !
En effet, nous l’avons encore vu cette nuit, comment dessiner une carte, comment réorganiser la gouvernance d’un pays si nous avons chacun notre propre méthode – moi y compris –, aussi noble soit-elle ? De plus, nous dessinons des cartes de région sans savoir ce que l’on mettra dedans. J’ai un peu l’impression que nous nous comportons comme si nous étions dans un grand immeuble en train de brûler : chacun essaie de sauver l’essentiel de ses petites affaires ! Je n’ai donc d’autre choix que faire de même, et d’essayer de sauver la Bourgogne-Franche-Comté !
Si l’Alsace se réunit à la Lorraine et à la Champagne-Ardenne, une belle grande région possédant une métropole verra le jour, au pied de laquelle on peut imaginer qu’une petite région comme la Bourgogne-Franche-Comté, peuplée seulement d’un peu plus de deux millions et demi d’habitants sur de grands territoires, se retrouverait bien isolée.
C’est la raison pour laquelle je vais soutenir cet amendement, qui vise à créer une vraie région Grand Est.
Je pourrais aussi adhérer à la thèse de la fabrication de gros départements, dans un second temps. Au cœur de cette grande région, à laquelle seraient dévolues des missions de planification et de programmation, la Franche-Comté, qui ne compterait jamais qu’un million d’habitants, pourrait être l’un de ceux-là, au côté de l’Alsace.
Avec cette méthode, qui n’est d’ailleurs pas que la mienne, nous pourrions redessiner une gouvernance nationale efficace, source d’économies et de développement pour notre pays. (MM. Charles Guené et Jackie Pierre applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Pour faire écho à ce qui vient d’être dit, il est vrai que nous butons depuis quelque temps sur la question de la méthode.
M. Michel Raison. Eh oui !
M. Ronan Dantec. J’ai justement essayé de voir, en termes de méthode, comment nous sortir de ce débat sur l’Alsace et le Grand Est. S’agissant de ce territoire, je dispose d’un avantage : élu d’un département situé à l’autre bout de la France, je ne suis concerné ni directement ni indirectement par cette question. J’aurai sans doute moins de recul dans d’autres débats à venir…
Le premier point concerne la volonté gouvernementale. Il me semble avoir compris – M. le ministre pourra me contredire – que toutes les futures grandes régions françaises devront s’appuyer sur une trame urbaine crédible, de niveau européen.
Il s’agit de l’un des éléments clés de cette réforme, et l’on voit bien se dessiner de grandes régions autour de métropoles importantes : Toulouse, Lyon, Bordeaux…
À la première question consistant à se demander si l’Alsace dispose d’une trame urbaine suffisante, la réponse est évidemment oui : l’axe Strasbourg-Mulhouse est une trame urbaine. S’il faut une grande métropole pour chaque territoire, l’Alsace peut donc rester une région.
Le deuxième point, auquel le Gouvernement me semble extrêmement attaché, concerne l’idée de simplification. On nous a expliqué que cette réforme allait nous faire gagner beaucoup d’argent en termes d’économies de fonctionnement. Cette question fait quelque peu débat – moi le premier, je ne suis pas convaincu… –, mais toujours est-il que la proposition alsacienne, qui ne se limite pas à la seule création d’une région mais comporte aussi la création d’une collectivité territoriale unique, va dans le sens de la simplification. Il s’agit en effet de supprimer l’échelon départemental. Sur ce deuxième point également, le sens de la réforme gouvernementale est donc respecté.
Le troisième point n’a pas encore été assez évoqué. Certains de mes camarades et moi-même – j’en suis d’ailleurs un peu désolé – avons parfois dit de cette réforme qu’elle était technocratique, d’essence jacobine et qu’elle s’imposait d’en haut. Si l’on examine la carte, ce n’est pas du tout le cas ! Manuel Valls est en effet extrêmement défenseur des identités régionales !
Dans sa proposition, le Gouvernement ne touche pas à la Bretagne – « on ne touche pas à la Bretagne ! », a dit l’ancien président du conseil régional de Bretagne, Jean-Yves Le Drian –, dont l’identité est forte.
De même, le grand comté de Toulouse, tronçonné par l’État et la France victorieux, est reconstitué pour la première fois depuis les Cathares. Historiquement, c’est tout de même fort ! Le Languedoc est aussi une région à identité culturelle très forte.
Bien évidemment, on ne touche pas non plus à la Corse, hors du champ de ce débat.
Manque donc l’Alsace, dont il faut aussi respecter l’identité historique et culturelle, comme on le fait pour les autres régions. Peut-être plus que d’autres, les Alsaciens ont réussi quelque chose de fantastique en matière de défense de leur langue, et je veux leur en rendre hommage. Il me semble donc légitime de les soutenir, car il y va de notre participation à la diversité culturelle du monde et d’une part de notre responsabilité globale.
Sur ces trois points, je pense que le maintien d’une identité alsacienne s’accorde tout à fait avec la volonté et la méthode gouvernementales.
J’ajouterai encore deux points, pour conclure.
Tout d’abord, l’Alsace nous offre quelque chose d’assez rare dans ce débat : les Alsaciens, au moins, ont vraiment discuté de la question. Ils sont d’accord s’agissant des régions et des départements ; un vote est même intervenu : les habitants, sauf dans un département – je ne vous rappellerai pas toute l’histoire, mes chers collègues ! – ont même voté majoritairement en faveur d’une collectivité territoriale unique.
Un vrai débat s’est donc tenu, donnant lieu à un quasi-consensus des élus, ce qui se rencontre rarement. Par conséquent, ne pas tenir compte de l’expérience du seul territoire où les acteurs se sont vraiment mis d’accord reviendrait à envoyer un signal assez désastreux.
Par ailleurs – et cela a été assez bien souligné par Michel Delebarre lors de nos débats d’hier –, il ne peut à mon avis pas y avoir de solution unique valable pour toute la France ; les territoires dépendent en effet de problématiques toujours différentes. Je pense notamment aux territoires frontaliers de régions européennes. Michel Delebarre indiquait par exemple que la région Nord-Pas-de-Calais devait renforcer ses liens avec la Belgique. Il est bien évident que la collectivité alsacienne connaît cette même situation avec les régions allemandes.
Pour une fois, mes chers collègues, nous avons affaire à un projet clair, un projet cohérent avec les grands objectifs du Gouvernement. Je soutiens donc le maintien de la région Alsace, et, demain, d’une collectivité territoriale unique. (Mmes Fabienne Keller et Catherine Troendlé, M. René Danesi applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Messieurs les secrétaires d’État, je ne peux adhérer aux arguments présentés par le Gouvernement à l’appui de l’amendement n° 143, qu’il a d’ailleurs retiré au profit de l’amendement n° 41 rectifié ter. Ces deux amendements identiques tendent en effet à réintroduire dans le texte la région Alsace–Lorraine–Champagne-Ardenne, dite « Alca ». Pour ma part, j’aurais aimé entendre le Gouvernement dire qu’il revenait à son projet initial, la création d’une région Alsace-Lorraine.
J’ai mené, lors des élections sénatoriales, une campagne de terrain au cours de laquelle j’ai pu entendre les revendications des grands électeurs alsaciens : ils veulent avant tout une Alsace seule, et a maxima seulement le regroupement de l’Alsace et de la Lorraine. Les défendre est mon rôle. C’est ce que je vais faire ; c’est pour cela que j’ai été réélue.
Dès lors, messieurs les secrétaires d’État, je vous demande de revoir votre copie et d’en revenir au projet de regroupement de l’Alsace et de la Lorraine, puisque, d’après ce que j’ai pu comprendre, vous avez définitivement abandonné le projet de l’Alsace seule.
M. Jean-François Husson. Frondeuse !
Mme Patricia Schillinger. Je défendrai donc l’amendement n° 66, cosigné avec Jean-Pierre Masseret et Jacques Bigot, et je ne voterai pas en faveur de l’instauration de la grande région Alca. (Mmes Fabienne Keller et Catherine Troendlé, M. René Danesi applaudissent.)
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.
M. Guy-Dominique Kennel. Je ferai un rappel, deux commentaires et une explication de vote.
Le rappel porte sur le conseil d’Alsace, dont j’ai été l’un des acteurs, sans avoir pourtant, à la différence de certains autres, communiqué sur ce point. Voilà plus de quatre ans, nous partions du principe qu’une évolution institutionnelle était absolument indispensable, vu la diminution générale des moyens publics.
Contrairement au Gouvernement, nous avions une méthode et un projet. La méthode consistait à associer le plus largement possible tous ceux qui avaient des propositions d’évolution et de simplification à présenter, sans perte de qualité de service public et de proximité. Le projet, lui, consistait, en se référant à l’article 72-1 de la Constitution, à créer une collectivité unique en fusionnant région et départements : une assemblée, un budget, un président, et l’addition des compétences départementales et régionales ; une région stratège en somme, et une mise en œuvre différenciée et territorialisée, et ce avec 20 % d’élus en moins.
Le référendum imposé par les textes a connu 58 % de votes positifs, ce qui représente, en toute bonne démocratie, la majorité. Malheureusement, nous n’avons pas rempli la deuxième condition : le « oui » n’a pas recueilli le vote de 25 % des inscrits dans chaque département. C’est probablement ce résultat qui fait hésiter une bonne majorité d’entre nous, y compris le Gouvernement, à imposer la voie référendaire, risquée certes, mais probablement la plus démocratique.
C’est ce projet, mes chers collègues, que nous souhaitons aujourd’hui faire revivre.
J’en viens aux deux commentaires.
Le premier porte sur l’amendement du Gouvernement. Vendredi dernier, à dix-huit heures, nous avons été reçus, le président du conseil régional et les deux présidents de conseil général, par le Premier ministre pour un entretien fort républicain – je dois le dire – de trois quarts d’heure.
J’ai posé deux questions « pratico-pratiques » au Premier ministre.
La première visait à savoir en quoi notre projet gênerait le Gouvernement. M. Valls m’a répondu qu’il trouvait le projet intelligent et que, Catalan d’origine, il le comprenait très bien.
La seconde question portait sur ce que le Gouvernement comptait faire, s’agissant de notre proposition. Il m’a été répondu que le Gouvernement laisserait faire le travail parlementaire et qu’il ne s’opposerait pas à une éventuelle avancée entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Le Premier ministre a cependant évoqué l’existence d’un problème politique avec sa majorité, puisque le texte avait été voté en première lecture à l’Assemblée nationale.
Or je constate, messieurs les secrétaires d’État, que le Gouvernement ne laisse pas faire le travail parlementaire, puisqu’il a déposé lui-même un amendement, fort judicieusement retiré ensuite au bénéfice de l’amendement n° 41 rectifié ter, dont l’objet est identique. On voit bien là le piège politique de ce retrait que vous tendez à la majorité sénatoriale.
Est-ce là, mes chers collègues, le respect de la parole du Premier ministre ? On dit une chose, on fait le contraire. Je vous laisse le choix du qualificatif qui sied à cette attitude.
J’en viens à mon second commentaire, qui porte sur l’amendement n° 41 rectifié ter. Je tiens à remercier du fond du cœur mes collègues pour l’affection qu’ils portent à l’Alsace. J’ignore cependant si cela est dû à notre bonhomie, à notre gastronomie, à notre cathédrale, à notre métropole ou, plus prosaïquement, à notre PIB.
En tout état de cause, de grâce, évitez de parler de « repli identitaire » ! Il n’y a pas plus ouvert que l’Alsace : quatre prix Nobel, 25 % d’étudiants étrangers, 75 % des investissements réalisés par des capitaux étrangers, 70 000 frontaliers – j’en passe et des meilleurs !
Je poserai une simple question, pour faire suite à l’amendement n° 41 rectifié ter : êtes-vous prêts, mes chers collègues, à dire à vos concitoyens et aux contribuables que, demain, ils paieront plus cher, que les services seront dégradés, que cela en est fini de la proximité ? Êtes-vous prêts à leur dire que, demain, il n’y aura qu’une préfecture de région, qu’un siège, qu’une capitale, et que ce sera Strasbourg ? Ne pensez-vous pas que ce serait faire le lit des votes extrêmes ?
Si M. le ministre de l’intérieur a abandonné son amendement à votre profit, cela devrait être de nature à vous inquiéter ou, pour le moins, à faire réfléchir. (MM. Bruno Retailleau et Éric Doligé marquent leur approbation.)
En conclusion, mes chers collègues, les élus français d’Alsace de la majorité sénatoriale de droite et du centre vous demandent d’autoriser notre expérimentation, dont vous pourrez vous servir dans le futur.
Sachez une chose : l’Alsace respire la France au quotidien. Elle est ouverte sur l’Europe ; et elle est prête à construire avec vous, par convention, un futur pour le Grand Est. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)