M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe UDI-UC.
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
À l’occasion du récent renouvellement d’une moitié du Sénat, les élus locaux ont exprimé leur incompréhension devant un certain nombre de réformes engagées par le Gouvernement, devant l’absence de vision claire du devenir de nos collectivités locales et plus largement des territoires ainsi qu’une forte inquiétude quant aux baisses des dotations. Voilà pourquoi nous souhaitons que le Sénat soit associé, mieux associé encore à la réforme territoriale.
Cette inquiétude sur la réforme territoriale s’inscrit également dans un cadre plus global, celui d’une situation économique et sociale où, malheureusement, les mauvaises nouvelles s’accumulent : appréciation très négative sur le projet de budget tant de la part du Haut Conseil des finances publiques que de l’Eurogroupe, et peut-être demain de la Commission européenne, qui doute de la réalité des économies attendues ; absence de lisibilité de la politique du Gouvernement quant aux nécessaires réformes du marché du travail – beaucoup de choses ont été dites sur le sujet ; sentiment que notre pays ne sait pas entreprendre les réformes indispensables pour retrouver sa compétitivité et sa croissance.
La France s’engage dans ce contexte très incertain, avec des déficits accrus, vers un niveau de dette qui a déjà franchi la barre des 2 000 milliards d’euros. Cela peut-il durer ?
La question n’est pas tant de savoir qui est fautif ou qui a tort. La question n’est pas de renvoyer aux héritages des uns ou des autres. Elle est de déterminer comment le pays va s’en sortir. Je le dis avec gravité : il n’est plus temps de tergiverser.
La nouvelle majorité sénatoriale, dans laquelle le groupe UDI-UC jouera tout son rôle, s’est engagée dans la voie d’une opposition lucide, donc constructive, selon les mots employés par le président Larcher. Lucides, nous devons l’être face à l’état du pays et aux difficultés auxquelles sont confrontés les Français. Responsables, nous le serons si le Gouvernement emprunte un cap réaliste de réformes et d’adaptation de notre pays au monde moderne.
Monsieur le Premier ministre, il faut parler un langage de vérité, certes, mais surtout agir à la hauteur des enjeux. Au-delà de vos déclarations, nous vous jugerons aux actes. Ce sont ces actes que nous attendons, des actes forts.
La démocratie parlementaire et le dialogue avec le Sénat, entre majorité et opposition, peuvent permettre d’améliorer substantiellement tant la réforme territoriale que le projet de budget et d’engager enfin les réformes structurelles dont la France a besoin. Êtes-vous prêt à faire œuvre utile et à ouvrir le dialogue avec le Sénat ou resterez-vous tourné vers les plus à gauche de votre majorité, ceux-là mêmes qui refusent les réformes nécessaires à l’adaptation de notre pays ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre, que je remercie de sa présence.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Depuis les élections du 28 septembre dernier, il ne m’a pas échappé qu’une nouvelle majorité siégeait au Sénat. Je tiens d’ailleurs à féliciter Gérard Larcher pour son élection. Je ne doute pas, monsieur le président du Sénat, que nous aurons ensemble, dans le respect de nos opinions, un dialogue fructueux.
Je le dis très clairement au Sénat : le Gouvernement entend respecter votre assemblée, comme je l’ai toujours fait à la place qui était la mienne. Le Sénat, quels que soient les contours de sa nouvelle majorité, doit poursuivre son travail et continuer à participer pleinement à l’élaboration de la loi – j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler. Je suis heureux de constater, monsieur le sénateur, que c’est également votre volonté.
Aujourd'hui, comme cela a été rappelé à l’instant, notamment par Bernard Cazeneuve, le Sénat examine le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Au vu de la qualité des débats qui ont eu lieu, il semble que votre assemblée s’apprête à adopter ce texte après y avoir apporté toute son expertise – que j’avais moi-même pu apprécier voilà presque deux ans lors de l’examen du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme –, et je m’en réjouis. C’est la preuve que, sur de nombreux sujets, comme celui de la réforme ferroviaire adoptée au Sénat l’été dernier, nous sommes capables d’avancer ensemble et de prendre des décisions que nous jugeons utiles – vous l’avez souligné, monsieur le sénateur – pour l’avenir du pays.
Vous avez exprimé des inquiétudes, notamment sur la réforme territoriale. Là aussi, je souhaite que le dialogue se poursuive. Je veux pouvoir expliquer clairement la volonté du Gouvernement afin que nous puissions débattre sereinement de l’avenir de nos collectivités territoriales. C’est pourquoi, sur la proposition du président Gérard Larcher, je viendrai devant votre assemblée le 28 octobre prochain pour une déclaration, suivie d’un débat, sur la réforme territoriale, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Je pense que ce débat sera utile ; il permettra – c’est en tout cas mon souhait, ma volonté, mon intention –, de donner de la cohérence et du sens, qui sont si nécessaires.
L’inquiétude, les questions, les doutes, je les ai, comme vous, entendus. Ce débat aura donc toute son importance, juste avant d’aborder le texte sur la nouvelle carte des régions – dont, je l’espère, vous vous saisirez cette fois pleinement – et d’examiner le projet de loi concernant la répartition des compétences, à la fin de l’année. C’est une réforme majeure.
Par ailleurs, dans les prochaines semaines, le Sénat examinera le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour 2015. Sur l’ensemble de ces textes, je souhaite que le Sénat apporte des améliorations. Le Gouvernement est prêt à entendre les propositions de la majorité sénatoriale sur l’avenir du pays. Il faut en effet éclairer le pays à la fois sur les économies qu’il est indispensable de réaliser, sur le projet européen ainsi que sur les priorités que chacun peut défendre.
Vous avez dit vous-même qu’il ne s’agissait pas de se rejeter mutuellement les responsabilités. Très bien ! Éclairons le pays sur les propositions pour l’avenir. En tout cas, le Gouvernement entre dans ce débat avec la majorité sénatoriale, sans oublier le rôle de la minorité et l’apport de chacun ici – je rappelle que le groupe socialiste et les radicaux de gauche sont présents au sein du Gouvernement. Je ne doute pas que les uns et les autres apporteront toute leur part à la construction de l’avenir du pays.
Voilà, monsieur le sénateur, l’état d’esprit qui est celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
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M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, que je remercie pour la réponse qu’il vient de faire à l’un de nos collègues du groupe centriste.
Il y a quelques mois, le 27 janvier dernier, à Ankara, le Président de la République a fait une déclaration sur les négociations pour l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Il a indiqué que « le processus de négociation » devait permettre à ce grand pays moyen-oriental « de faire son évolution et de montrer de quoi [il] est capable ».
Neuf mois se sont écoulés depuis, et nous voyons en effet de quoi la Turquie peut être capable : elle est capable de fermer ses frontières aux Kurdes qui souhaitent aller sauver leurs frères à quelques dizaines de mètres de la frontière turco-syrienne ; elle est capable de fermer ses bases aériennes aux avions de la coalition internationale alors qu’elle en fait elle-même partie ; elle est capable de fermer les yeux sur le drame, la tragédie, le martyre d’une grande ville syrienne !
Mes chers collègues, nous avons tous à l’esprit ces images de chars immobiles, massés à la frontière, complètement silencieux, spectateurs indifférents d’un drame pourtant annoncé. Ces images nous choquent, elles nous terrifient même parce qu’elles nous rappellent d’autres images de massacres. Elles nous renvoient aussi à des témoignages absolument insoutenables, comme ceux de ces réfugiés Yazidis chrétiens ou autres que j’ai pu rencontrer cet été à Erbil à l’occasion d’un déplacement en Irak.
Monsieur le Premier ministre, dans la ville de Kobané, il y a des femmes combattantes, même si toutes ne le sont pas, il y a des civils. Une tragédie est en train de se jouer. Les habitants essaient d’échapper à une mort certaine, et ce à quelques centaines de mètres de la Turquie. Qu’on ne s’y méprenne pas : les Turcs sont pour moi un grand peuple et la Turquie un grand pays. Elle fait partie de l’OTAN et frappe à la porte de l’Europe. Mais la Turquie est aussi un pays qui, actuellement, se montre insensible, indifférent à cette tragédie, à cette barbarie de l’État islamique.
Allez un jour en Irak, mes chers collègues ! Recueillez comme moi des témoignages effroyables ! C’est absolument insoutenable ! Nous avons appuyé, et nous le faisons encore, les efforts de la France. Mais est-il bien raisonnable, monsieur le Premier ministre, d’envisager l’entrée de la Turquie dans l’Europe ? Angela Merkel, avec Nicolas Sarkozy, avait bloqué ce processus. Il y a un an, vous avez ouvert aux discussions un chapitre. Je vous remercie de bien vouloir clarifier la doctrine du Gouvernement sur ce point à un moment crucial des relations internationales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président du groupe UMP, avec des mots particulièrement forts, vous venez de décrire la situation dramatique de Kobané, ville frontalière de la Turquie. Elle est le symbole du martyre d’un peuple, les Kurdes, avec qui nous avons des liens étroits et auquel nous pensons, que nous aidons, que nous soutenons. C’est un peuple en proie à la guerre civile qui ravage la Syrie.
Or cette guerre civile, comme la France l’affirme depuis longtemps, menace la stabilité du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Nous en voyons les conséquences, par exemple en Irak, non seulement pour les Kurdes, mais aussi pour les chrétiens d’Orient et pour les autres minorités comme les Yazidis. Nous devons être attentifs à ce problème. Le Président de la République, le ministre de la défense, le ministre des affaires étrangères et des parlementaires se sont rendus sur place. Vous-même, monsieur Retailleau, vous êtes déplacé. Vous avez rappelé ce qu’il en était. Nous sommes évidemment également inquiets des conséquences sur ce pays ami et frère qu’est le Liban.
À Kobané, les combats se déroulent sous les yeux de la communauté internationale. De nombreuses autres villes de la région, en Irak comme en Syrie, livrent loin des caméras une bataille désespérée contre la progression des forces djihadistes ou contre celles du régime de Bachar El-Assad.
Je me suis exprimé hier à l’Assemblée nationale sur ce qu’il convenait de faire, et je veux le redire ici au Sénat. La Turquie a proposé l’établissement d’une zone de sécurité : nous y sommes favorables. Par ailleurs, nous appelons la Turquie à assumer ses responsabilités et à ne pas détourner le regard du drame qui se joue à ses portes, à tout faire pour la protection des populations de Kobané, notamment en autorisant l’accès à ses frontières. Tous ceux qui sont en position d’agir sur le terrain doivent aussi le faire sans délai. La France accroît son soutien à l’opposition syrienne modérée. Le rythme des frappes, qui s’est encore intensifié ces derniers jours, a permis de ralentir la progression de Daech. Celles-ci se poursuivront pour permettre aux forces kurdes de regagner du terrain.
Vous l’avez rappelé, les Turcs sont un grand peuple et la Turquie un grand pays avec lequel nous avons une relation étroite. Il est engagé dans un processus de négociation avec l’Union européenne, qui n’est pas lié à la situation en Syrie et en Irak. C’est un processus de long terme, qui répond à l’intérêt commun de l’Union européenne et de la Turquie.
Le Président de la République, vous l’avez souligné, à l’occasion de sa visite d’État à Ankara, a rappelé notre position. Les négociations entre l’Union européenne et la Turquie doivent se poursuivre, et le peuple français sera, le cas échéant et le moment venu, appelé à se prononcer sur cette adhésion, ainsi que le prévoit notre Constitution.
Pour répondre très directement à votre question, monsieur le sénateur, nous ne devons pas envoyer un message d’isolement, mais un message de responsabilité et de rassemblement à la Turquie, laquelle fait face à ses frontières à une menace qui concerne toute l’Europe. La Turquie doit assumer ses responsabilités, mais nous ne devons pas non plus oublier la situation qui est la sienne. Nous adressons donc ce message à l’ensemble de la communauté internationale : plus que jamais, il nous faut agir ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC. – Mme Christiane Kammermann applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.
Mme Françoise Laborde. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Elle concerne l’épidémie de virus Ébola qui sévit actuellement hors de nos frontières, mais qui pourrait se propager en Europe et en France. Cette question a pour objet la préparation de la France.
Comme chacun le sait, l’épidémie poursuit sa progression en Afrique de l’Ouest. On estime à 5 000 le nombre des victimes à ce jour et l’Organisation mondiale de la santé prévoit 5 000 à 10 000 nouveaux cas par semaine avant la fin de l’année...
L’explosion du nombre de malades est déjà visible dans les capitales du Liberia, de Sierra Leone et de Guinée, la Guinée où s’est rendue la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie il y a quelques semaines. Le groupe du RDSE salue l’action de Mme la secrétaire d’État sur la scène internationale puisque, avec elle, c’est la France qui est en première ligne sur ce dossier désormais qualifié de « plus grave urgence sanitaire de ces dernières années » par les Présidents Obama et Hollande, la Chancelière Merkel et MM. Cameron et Renzi.
Madame la ministre, alors que Médecins sans frontières évoque « une situation hors de contrôle » dans cette zone de l’Afrique, comment ne pas redouter la propagation de l’épidémie en France ? En tout cas, il est de votre responsabilité d’envisager cette hypothèse.
Les nécessaires contrôles sanitaires dans les aéroports seront très certainement insuffisants. Par ailleurs, la campagne de sensibilisation et d’information que vous avez mise en place il y a quelques jours est, elle aussi, bien évidemment nécessaire pour prévenir et protéger la population, mais elle s’avérera très insuffisante lorsque le virus Ébola aura frappé sur notre sol.
Dans ces conditions, quel dispositif est prévu en cas de découverte d’un premier cas d’infection sur notre territoire ? Comment parvenir à l’identifier au plus vite, avant même qu’il ne devienne contagieux et qu’il ne se propage dans les lieux publics ? Comment se passera l’entrée de ce « patient zéro » dans notre système de soins ? Nos établissements de santé seront-ils capables de faire face pour accueillir et soigner plusieurs patients infectés ? De plus, que savez-vous de l’efficacité des traitements expérimentaux utilisés dans nos services de soins ? Sans envisager des stocks proches de ceux constitués, on s’en souvient, pour la grippe aviaire, dispose-t-on de traitements en quantités suffisantes ?
Madame la ministre, face à un risque bien réel, même s’il est probablement limité, de contamination du virus Ébola sur notre territoire, la France est-elle ou sera-t-elle prête ? (M. Jean-Pierre Sueur et Mme Bariza Khiari applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, actuellement à Bruxelles pour une réunion des ministres européens de la santé sur la situation concernant le virus Ébola.
Vous l’avez souligné, et Marisol Touraine l’a rappelé également, nous sommes à un moment clé de cette épidémie, qui est majeure. Nous observons actuellement une forte aggravation de l’épidémie, avec une croissance exponentielle des cas en Sierra Leone et au Liberia. Le risque d’extension régionale est particulièrement élevé, et le bilan est désormais de près de 9 000 cas, avec plus de 4 500 morts, chiffre probablement très largement sous-évalué. Sans soutien international massif et coordonné, l’épidémie continuera à s’étendre. La France, solidaire avec les pays touchés, a envoyé de nombreux spécialistes depuis le début de l’épidémie et recrute actuellement des volontaires pour monter un troisième centre de traitement en Guinée forestière avec la Croix-Rouge française et une formation sur place assurée par Médecins sans frontières.
Le Gouvernement salue le courage et l’engagement des professionnels qui combattent cette terrible épidémie et prennent le risque d’être eux-mêmes infectés, comme l’a montré la récente contamination d’une infirmière de Médecins sans frontières, fort heureusement guérie aujourd'hui.
Pour répondre à votre question, madame la sénatrice, nous restons très vigilants et mobilisés sur notre territoire. Notre système de veille sanitaire est en alerte avec l’Institut de veille sanitaire. Nous avons, en France, les moyens de détecter les malades, d’isoler et de traiter les patients. En cas de doute et de fièvre après un voyage en zone épidémique, il faut appeler le 15. Marisol Touraine a récemment présenté des mesures fortes pour l’information au public. Un numéro vert a été mis en place, le 0800 13 00 00, ainsi qu’un site internet et un point presse hebdomadaire. Mardi prochain, Marisol Touraine informera directement l’ensemble des représentants des professionnels libéraux et hospitaliers de santé, ainsi que les ordres professionnels. Enfin, dès samedi, des contrôles auront lieu à Paris à l’arrivée des vols en provenance de la Guinée.
En tant qu’infectiologue, je prends la liberté de répondre à la question plus précise que vous avez posée sur l’efficacité du traitement : autant que je sache, seuls les traitements symptomatiques, en particulier la réhydratation, ont fait pour l’instant la preuve de leur efficacité et ont permis de guérir les patients traités dans les pays occidentaux, contrairement aux patients africains, qui n’ont pas eu accès à ces réhydratations et à ces méthodes de réanimation.
Vous le voyez, madame la sénatrice, la France tient toute sa place dans la bataille mondiale contre le virus Ébola et garantit la protection de ses concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.)
taxe poids lourds
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.
M. Jean Desessard. C’est l’histoire d’une taxe. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Une taxe acceptée par tous, mais que personne n’a le courage d’appliquer. C’est l’histoire de la taxe « poids lourds ».
En août 2009, la majorité des groupes à l’Assemblée nationale ont voté pour le principe de la taxe. Vote des députés UMP : tous pour, moins une voix. Vote des députés PS et radicaux : tous pour, moins quatre voix. Vote des centristes : tous pour. Les écologistes et les communistes s’abstiennent, non sur le principe (MM. Didier Guillaume et Yannick Vaugrenard s’esclaffent.), mais sur les modalités de mise en application. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Je le confirme !
M. Jean Desessard. Mes chers collègues, nous pourrions en reparler, car il se pourrait que nous ayons eu raison !
S’il y a eu un tel consensus, c’est parce que cette taxe poids lourds est vertueuse. Elle applique le principe du pollueur-payeur. En effet, les camions ont un double impact sur l’environnement : ils usent les routes et polluent l’atmosphère davantage que les véhicules individuels. Il est donc normal qu’ils dédommagent la collectivité pour cet impact négatif, et ce en fonction de la distance parcourue.
Cette taxe a un aspect important : elle décourage les comportements les plus pollueurs et incite les entreprises à revoir leurs modes de production vers plus de proximité. Il est à noter qu’une disposition similaire est appliquée dans l’ensemble des pays européens, comme en Allemagne, sur les kilomètres parcourus, ou comme en Grande-Bretagne, sur la base d’une vignette.
Cette taxe devait rapporter en France 1,2 milliard d’euros par an : 700 à 760 millions d’euros pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, 230 millions d’euros pour Ecomouv’ et les sociétés de télépéage, 160 millions d’euros pour les collectivités locales et 50 millions d’euros au titre de la TVA.
Il faut en finir avec cette idée de taxation punitive ! Si l’on considère que l’on punit lorsqu’on lève l’impôt, il faut se préparer à des lendemains difficiles… J’emploierais plus volontiers l’expression de « taxation réparatrice ». Je rappelle la position globale des écologistes : un transfert des charges basées sur le travail vers les taxes environnementales.
J’en viens à ma question. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l’UMP.)
Nous avons un manque à gagner de 1,2 milliard d’euros par an, et nous avons un dédit vis-à-vis de la société Ecomouv’ d’un montant de 1 milliard d’euros. Quelle taxation alternative permettra de récupérer ce manque à gagner ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Desessard. Si une nouvelle taxation est créée, respectera-t-elle les principes de l’utilisateur-payeur et de la redistribution aux collectivités ? Et quand sera-t-elle mise en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. C’est aussi l’histoire d’une taxe dont le recouvrement avait été confié, pour la première fois dans notre pays, à une entreprise privée.
C’est aussi l’histoire d’une taxe dont les frais de fonctionnement étaient évalués à 40 % de son rendement,…
M. Éric Doligé. Non !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … tant et si bien qu’elle apparaissait, de ce point de vue, comme quelque peu irréaliste.
C’est aussi l’histoire d’une taxe qui reposait sur un bon principe, auquel nous souscrivions, celui du pollueur-payeur.
M. Simon Sutour. Très bien !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Mais on avait introduit dans le dispositif une bombe à retardement pour que le texte soit voté : on avait dit aux transporteurs, les pollueurs, qu’ils n’allaient finalement pas payer, car, par un mécanisme extrêmement compliqué fixé dans la loi, on allait en fait taxer les chargeurs. Lorsque les chargeurs et les payeurs se sont retrouvés face à face, ils se sont rendu compte que ceux qui allaient payer in fine n’étaient pas ceux qui polluaient. Ce fait explique que nous ayons assisté à un certain nombre de manifestations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous en conviendrez, ce gouvernement n’est pas pour grand-chose dans la signature du contrat. Nous avons été confrontés à cette réalité, et nous avons essayé, de bonne foi,…
M. Gérard Longuet. Pas vraiment !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … de mettre ce contrat en œuvre puisque la mise en place du dispositif avait été votée…
M. Éric Doligé. Par vous aussi !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … et que tel était le droit républicain. Néanmoins, une opposition extrêmement forte s’est manifestée,…
M. Gérard Longuet. Comme pour le mariage !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … et le Gouvernement a été à l’écoute.
Nous avons ainsi décidé de mettre en place un système de péage de transit de poids lourds, qui s’est aussi heurté à une très grande incompréhension. La semaine dernière, nous avons décidé de suspendre cette démarche sine die.
Le Gouvernement souhaite à la fois garantir les revenus de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – c'est extrêmement important pour l’ensemble des investissements – et faire participer très clairement les transporteurs au financement des infrastructures.
Ce matin, j’ai réuni le premier groupe de travail prévu par l’accord. J’ai annoncé que le Gouvernement déposerait dans le projet de loi de finances deux amendements tendant à majorer de 4 centimes le coût payé par les transporteurs,…
M. Gérard Longuet. C'est injuste !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. … soit les 2 centimes financés par l’ensemble des Français et les 2 centimes liés à la remise en cause de la part contribution climat-énergie prévue dans le droit fiscal. Ainsi la participation des transporteurs s’élèvera à 320 millions d’euros, qui s’ajouteront aux 800 millions d’euros déjà prévus comme recette particulière pour l’AFITF.
Le principe est respecté. Nous avons pris une nouvelle disposition, et nous allons poursuivre nos discussions avec les transporteurs sur les questions de compétitivité et de dumping social. En respectant les principes qui étaient les nôtres, nous assurons la garantie des financements, tout en associant les transporteurs aux décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
situation des autoroutes
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.
M. Jean-Pierre Bosino. Mon intervention s’inscrit dans le droit fil de la question précédente. Le Gouvernement est à la recherche de nouveaux financements à la suite de la disparition de l’écotaxe. Une évidence s’impose : la privatisation des autoroutes a amputé l’État d’une ressource importante. Elle a constitué une faute politique et financière, largement reconnue, y compris dans cet hémicycle. Pourtant, lors de la discussion de notre proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes, le 19 juin dernier, seul le groupe écologiste a soutenu notre texte.
Vous semblez aujourd’hui reconnaître que cette privatisation a permis la création d’une rente privée lucrative, qui s’accompagne d’une hausse continue du tarif des péages et de suppressions d’emplois. Le manque à gagner pour les finances publiques sera de l’ordre de 37 milliards d’euros d’ici à 2032, autant d’argent qui aurait dû financer l’amélioration des infrastructures et, donc, les conditions de transport des usagers. Cet argent va aujourd’hui dans les poches des actionnaires de Vinci, d’Eiffage et autres. Il est temps que cesse ce racket !
Le Gouvernement évoque la possibilité de renégocier ces concessions pour mettre à contribution ces sociétés. Juridiquement ce projet est difficile – plusieurs ministres l’ont rappelé. En effet, les contrats sont bien ficelés, et les efforts demandés aux concessionnaires se traduiront par des exigences en termes de compensations. Nous craignons donc que le fait de limiter le débat à la seule renégociation ne condamne les pouvoirs publics à l’inaction. Seule la nationalisation apporterait la clarté politique, mais aussi la sécurité juridique.