Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. D’une certaine manière, cet amendement était un amendement d’appel, destiné à nous inciter à débattre sur cette question.
Cela dit, monsieur le ministre, je suis convaincu que le respect de l’esprit de l’espace de libre circulation que doit être l’espace Schengen imposerait, à terme, d’établir une interdiction de sortie de cet espace, et non du territoire national, visant les personnes répondant aux risques que nous évoquons ici.
Pour passer assez régulièrement les frontières de cet espace Schengen, je crois aussi que nous aurions tout à gagner à mettre en place des contrôles reposant sur les empreintes biométriques, à l’image de ceux que plusieurs pays, dont le Brésil et les États-Unis, ont instaurés à l’entrée et à la sortie de leur territoire. Cette évolution m’apparaît indispensable, car, en protégeant les frontières extérieures, nous pourrons mieux garantir la liberté intérieure.
Néanmoins, pour l’instant, compte tenu de la teneur de notre débat, j’envisage, à son issue, de retirer mon amendement. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, il s’agit plus d’une résolution, d’une sorte de motion, d’une demande d’engagement en faveur de la progression de la sécurisation de l’espace Schengen. En effet, malgré tout, instaurer une interdiction de sortie du territoire alors même qu’un espace de liberté existe au-delà me semble constituer un risque, non seulement en soi, mais aussi pour l’espace Schengen lui-même. Or c’est une perspective que je ne voudrais pas voir se concrétiser.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je me permets de reprendre la parole, madame la présidente, car ce sujet est très important et fait l’objet de débats polémiques. J’ai même entendu certaines personnalités politiques, appartenant à des partis non représentés dans cet hémicycle, expliquer que, pour être efficace dans la lutte contre le terrorisme, il fallait suspendre l’espace Schengen... Il me semble donc nécessaire d’apporter quelques précisions, pour que l’analyse soit bien partagée.
Schengen, c’est une chance dans la lutte contre le terrorisme !
Des terroristes et des combattants étrangers circulent à l’intérieur de l’espace Schengen. Nous pourrions très bien nous retrouver, demain, avec des combattants étrangers dans des aéroports français et, pour la sécurité de nos propres ressortissants en France, mais aussi celle de l’Europe, être tenus de les neutraliser. À cette fin, nous avons besoin de dispositifs venant compléter ceux que nous arrêtons au plan national, à travers le processus légal.
Comme je l’indiquais, l’interdiction de sortie du territoire est mécaniquement versée au Système d’information Schengen auquel ont accès tous les autres pays de l’Union européenne. Interdisez, demain, à un ressortissant français de quitter le territoire national, et cette interdiction sera, de façon parfaitement mécanique, portée sur le SIS, la personne concernée étant de fait inscrite au FPR en cas de sortie. Dès lors, j’y insiste, elle sera connue de l’ensemble des pays membres de l’Union européenne.
Que manque-t-il pour garantir l’efficacité du dispositif ? Il faut que cette personne, si elle envisage de prendre un avion dans un autre pays que la France pour se rendre sur un territoire d’opérations terroristes, puisse être identifiée dans l’aéroport européen duquel elle part, et ce à tout moment. C’est ce qui rend le PNR, qui est un système d’identification des passagers aériens à travers un mécanisme d’enregistrement, tout à fait nécessaire.
Or la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, dite « commission LIBE », du Parlement européen bloque le dispositif. Nous souhaitons donc intervenir auprès d’elle pour qu’elle modifie sa position. Ainsi, au travers de notre législation instaurant une interdiction administrative de sortie du territoire, de l’inscription automatique sur le Système d’information Schengen, avec une mention particulière, « combattant étranger », que nous souhaitons voir reconnue par l’Union européenne, et, enfin, du PNR, nous aurions la garantie de disposer d’un système réellement efficace.
Si nous procédions de la sorte, l’espace Schengen serait, non pas un problème, mais une solution, et, pour ma part, je suis convaincu que, face à la réalité du terrorisme, c’en est une !
Il reste un problème non résolu, à savoir la question du contrôle extérieur des frontières de l’Union européenne, qui peut justifier soit une modification du code frontières Schengen à la marge, soit une interprétation intelligente de l’actuel code, afin de nous permettre d’effectuer des contrôles, y compris sur nos ressortissants, sur les vols en provenance d’un certain nombre de pays posant problème.
Nous travaillons sur la question, et cette possibilité, dans le respect de certaines précautions, n’est pas exclue. Un dialogue est engagé avec la Commission européenne sur le sujet, qui a été abordé lors du dernier conseil de l’Union européenne consacré à la justice et aux affaires intérieures.
Je puis donc vous assurer, monsieur Leconte, que les préoccupations exprimées par vos soins sont, pour partie, satisfaites par notre texte, du fait de l’inscription mécanique de l’interdiction de sortie du territoire sur le SIS. Il nous reste à mener le combat relatif au PNR. Nous en sommes conscients et nous agissons en conséquence.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. À l’instar de M. le ministre, je pense que l’efficacité du dispositif peut effectivement être améliorée. Toutefois, mon propos portera moins sur ce point précis que sur l’objet même de l’amendement n° 34 rectifié : la limitation de la durée d’application de la mesure dans le temps.
Le texte que nous examinons, s’il n’est pas une loi de circonstance, institue tout de même des dispositions exceptionnelles : empêcher un ressortissant français de quitter son territoire, c’est évidemment porter une restriction extrêmement grave à sa liberté de circulation, qui est un droit fondamental.
Une telle loi se justifiant par le contexte tout à fait particulier que nous connaissons – dans ce débat, nous faisons systématiquement référence à des événements qui se déroulent actuellement dans le monde –, la logique voudrait que son application soit temporaire. En d’autres termes, il faudrait pouvoir en faire l’évaluation au bout de quelques années.
Il est toujours très dangereux d’instituer des dispositifs, même assortis de précautions – j’ai bien noté le souci du Gouvernement en la matière tout au long de l’examen de l’article 1er –, dont la durée peut excéder la période pour laquelle ils avaient été conçus, sans forcément que nous en maîtrisions ensuite les conséquences.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. J’ai cosigné l’amendement n° 34 rectifié pour souligner que, à une menace globale, il fallait une réponse globale. La France n’est pas le seul pays concerné. Certes, nous légiférons pour le territoire national. Néanmoins, selon nous, l’Europe doit aussi s’engager.
Je rejoins mon collègue Gaëtan Gorce. Nous avons considéré, peut-être par excès d’optimisme, que de telles mesures devaient être temporaires, et non s’inscrire dans la durée, dès lors que des solutions efficaces face à la menace terroriste seraient trouvées.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends le raisonnement et le souci de précaution de M. Gorce et de Mme Conway-Mouret.
Toutefois, outre qu’il n’est pas de bonne pratique de revenir en permanence devant le législateur, la disposition que nous prenons est très ciblée. Elle s’applique aux circonstances particulières du terrorisme. Elle ne peut remettre en cause la liberté d’aller et venir que pour des ressortissants français convaincus de vouloir s’engager dans des opérations à caractère terroriste.
Imaginons que, dans cinq ans, l’efficacité de la lutte contre le terrorisme ait permis de tarir la source du problème ; dans ce cas, la loi ne s’appliquerait plus, puisqu’elle n’aurait plus vraiment d’objet. À l’inverse, si le phénomène perdurait, et je pense que nous sommes confrontés à un problème de long terme, le dispositif resterait en vigueur sans que nous ayons à repasser devant le législateur.
Autrement dit, de deux choses l’une : soit le problème demeure, et il n’est pas de bonne pratique de revenir devant le législateur à situation identique ; soit le problème cesse, et les occasions d’appliquer les nouvelles mesures disparaissent du même coup.
Par conséquent, je pense que la question du délai de cinq ans ne se pose pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, je n’ai évidemment pas la naïveté de penser que tous ces problèmes seront réglés dans un délai aussi bref, mais je ne veux pas croire que le terrorisme restera une préoccupation de notre République sur une période aussi longue que ce que la lecture du texte peut laisser penser.
Au demeurant, comme je l’ai indiqué tout à l’heure à propos de l’article 9, la notion de terrorisme est extrêmement confuse, voire ambiguë. Elle pourrait s’interpréter demain d’une autre manière et justifier des usages de l’interdiction de sortie du territoire assez éloignés de ce que nous souhaitons aujourd'hui.
Aussi, au nom de la bonne politique comme de la bonne législation, je préférerais que nous limitions dans le temps l’application de dispositions aussi spécifiques.
Mme la présidente. Monsieur Leconte, l'amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 34 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Je travaille sur le sujet depuis des mois ; je sais que les interdictions de sortie du territoire sont absolument nécessaires. Certains ont évoqué l’Europe. Or le Royaume-Uni et d’autres pays ont déjà adopté des mesures identiques. Donnons à nos voisins européens un exemple de volontarisme politique ! D’ailleurs, nos débats ont montré, me semble-t-il, que le Gouvernement et le Parlement étaient très attachés à l’équilibre du dispositif.
Compte tenu des explications qui nous ont été apportées, je voterai l’article 1er sans état d’âme.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Courtois, Frassa et Gournac, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 371-5 du code civil, il est inséré un article 371-... ainsi rédigé :
« Art. 371-... – Tout mineur voyageant sans être accompagné d’une personne titulaire de l’autorité parentale doit disposer d’une autorisation parentale de sortie du territoire. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Le présent amendement a pour objet de rétablir l’autorisation parentale de sortie du territoire pour les enfants mineurs voyageant seuls, sans être accompagnés d’une personne titulaire de l’autorité parentale, même dans l’hypothèse où le mineur dispose d’un passeport.
Supprimée depuis le 1er janvier 2013 par une circulaire du ministère de l’intérieur de l’actuelle majorité, l’autorisation parentale préalable doit être rétablie.
En effet, le phénomène du djihad concerne de plus en plus de mineurs qui partent dans des zones de combat alors même que les parents y sont opposés, mais ne disposent pas des moyens d’empêcher le départ.
En outre, la procédure d’opposition à la sortie du territoire, qui permet au titulaire de l’exercice de l’autorité parentale de faire opposition sans délai à la sortie de France de son enfant dans l’attente d’obtenir une décision judiciaire d’interdiction de sortie du territoire, a montré ses limites. Il convient donc de prendre une mesure forte afin d’empêcher les mineurs de partir faire le djihad.
Ce matin, lors de la réunion de la commission des lois, on m’a demandé de retirer cet amendement, le nombre de jeunes concernés étant assez réduit, ce dont nous nous réjouissons évidemment tous. Néanmoins, j’aimerais que le Gouvernement nous indique les mesures qu’il prendrait si, malheureusement, le phénomène venait à s’amplifier.
Je déciderai du sort de mon amendement en fonction de la réponse qui me sera apportée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Le texte qui a supprimé les autorisations de sortie du territoire est récent, et il a été largement approuvé. De plus, c’est une mesure favorable à la liberté de circulation des jeunes et à la tranquillité des familles. Toutefois, cette législation, qui date de 2010, a prévu des procédures spécifiques pour les cas où les jeunes seraient en danger.
Je partage la préoccupation de notre collègue Jean-Patrick Courtois : si la situation venait à s’aggraver, avec des départs massifs de jeunes candidats au djihad, il faudrait sans doute reconsidérer le dispositif.
Pour autant, l’interdiction de sortie du territoire que nous instituons aujourd'hui s’appliquera également aux mineurs. C’est donc l’outil adapté pour prévenir, à titre exceptionnel et non général, les déplacements de mineurs dont la présence aurait été détectée sur des territoires particuliers. Cependant, le rétablissement de l’autorité parentale générale serait une mesure disproportionnée par rapport à l’objectif.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
La suppression de l’autorisation de sortie du territoire donnée aux parents de mineurs a été un signal très fort envoyé par le Gouvernement. Les jeunes circulent beaucoup en Europe, pour de multiples raisons. Ils doivent pouvoir continuer à le faire, dans l’intérêt du développement des relations universitaires ou intellectuelles.
La mesure réglementaire que j’ai prise avant même le vote de la présente loi nous donne des moyens d’agir en évitant de passer par une interdiction de sortie du territoire lorsque des parents signalent que des enfants veulent quitter le territoire pour prendre part à des activités terroristes.
Néanmoins, elle ne pénalise pas l’ensemble des jeunes. Elle permet une politique préventive à l’égard de ceux qui risquent de basculer. Elle est proportionnée et équilibrée. Elle nous paraît donc efficace pour atteindre les objectifs qui sont les nôtres en matière de lutte contre le terrorisme.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Courtois, l'amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Patrick Courtois. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 13 rectifié est retiré.
L'amendement n° 80 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A. – Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le titre Ier du livre II est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Interdiction administrative du territoire
« Art. L. 214-1. - Tout ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou tout membre de la famille d’une telle personne peut, dès lors qu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire lorsque sa présence en France constituerait, en raison de son comportement personnel, du point de vue de l’ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.
« Art. L. 214-2. - Tout ressortissant étranger non mentionné à l’article L. 214-1 peut, dès lors qu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire, lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France.
« Art. L. 214-3. - L’interdiction administrative du territoire fait l’objet d’une décision du ministre de l’intérieur écrite et non contradictoire. Elle est motivée, à moins que des considérations relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.
« Si l’étranger est entré en France alors que la décision d’interdiction administrative du territoire prononcée antérieurement ne lui avait pas déjà été notifiée, il est procédé à cette notification sur le territoire national.
« Lorsque la décision a été prise en application de l’article L. 214-1, et que l’intéressé est présent en France à la date de sa notification, il bénéficie à compter de cette date d’un délai pour quitter le territoire qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à un mois.
« Art. L. 214-4. - L’étranger qui fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire et qui s’apprête à accéder au territoire français peut faire l’objet d’un refus d’entrée, dans les conditions prévues au chapitre III du titre premier du présent livre.
« Lorsque l’étranger qui fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire est présent sur le territoire français, il peut être d’office reconduit à la frontière, le cas échéant à l’expiration du délai prévu à l’article L. 214-3. L’article L. 513-2, le premier alinéa de l’article L. 513-3 et les titres V et VI du livre V sont applicables à la reconduite à la frontière des étrangers faisant l’objet d’une interdiction administrative du territoire.
« Art. L. 214-5. - L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction administrative du territoire. L'étranger peut introduire une demande de levée de la mesure après un délai d’un an à compter de son prononcé. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande vaut décision de rejet.
« Art. L. 214-6. - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 214-5, les motifs de l’interdiction administrative du territoire donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date de la décision.
« Art. L. 214-7. - Le deuxième alinéa de l’article L. 214-4 n'est pas applicable à l'étranger mineur. »
2° L’article L. 213-1 est complété par les mots : « , soit d’une interdiction administrative du territoire » ;
3° Le livre V est ainsi modifié :
a) Le 7° de l’article L. 551-1 est complété par les mots : « ou d’une interdiction administrative du territoire » ;
b) À la seconde phrase de l’article L. 552-4, après les mots : « d’une interdiction de retour sur le territoire français en vigueur, », sont insérés les mots : « d’une interdiction administrative du territoire en vigueur, » ;
c) À l’intitulé du chapitre V du titre V, le mot : « mesure » est remplacé par le mot : « peine » ;
d) À l’article L. 561-1, après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction administrative du territoire. » ;
e) L’article L. 571-1 est ainsi modifié :
- au premier alinéa, après les mots : « d’interdiction de retour sur le territoire français, », sont insérés les mots : « d’interdiction administrative du territoire, » ;
- au même premier alinéa, après les mots : « code de procédure pénale », la fin de l'article est supprimée ;
4° Le livre VI est ainsi modifié :
a) L’article L. 624-1 est ainsi modifié :
- au premier alinéa, après les mots : « d’une obligation de quitter le territoire français », sont insérés les mots : « , d’une interdiction administrative du territoire » ;
- au deuxième alinéa, après les mots : « d’une mesure de refus d'entrée en France, » et les mots : « d’une interdiction judiciaire du territoire, », sont insérés les mots : « d’une interdiction administrative du territoire, » ;
b) Au dernier alinéa de l’article L. 624-4, les mots : « ou L. 541-3 » sont remplacés par les mots : « , L. 541-3 ou du 6° de l’article L. 561-1 ».
II. – Au premier alinéa de l’article 729-2 du code de procédure pénale, après les mots : « d’interdiction du territoire français, », sont insérés les mots : « d'interdiction administrative du territoire français, ».
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre I bis
Création d’un dispositif d’interdiction administrative du territoire
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement vise à compléter et à renforcer les dispositions permettant de refuser l’entrée sur notre territoire de ressortissants étrangers dont la présence sur le territoire national représenterait une menace grave pour l’ordre public, notamment en raison de leur participation aux activités de groupes terroristes.
En effet, certains ressortissants étrangers qui ne résident pas habituellement sur le territoire français peuvent représenter une réelle menace, en particulier lorsqu’ils bénéficient du droit de circuler librement au sein de l’espace Schengen.
Tel peut-être le cas, notamment, de ressortissants d’États membres de l’Union européenne liés aux mouvances radicales, voire à des organisations terroristes, qui se rendent ponctuellement en France pour des séjours de très courte durée, afin de rencontrer des ressortissants français ou étrangers résidant en France également impliqués dans ces mouvances. Or, parmi ces personnes, seules celles qui ont leur résidence en France peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion.
Il est donc créé une nouvelle mesure de police administrative : l’interdiction administrative du territoire. Elle fera l’objet d’une décision écrite et motivée. Elle permettra, pendant toute sa durée de validité, de refuser au ressortissant étranger concerné l’accès au territoire français, de le reconduire d’office à la frontière s’il pénètre sur le sol français en dépit de l’interdiction et, dans ce cas, de prononcer à son encontre une sanction pénale.
L’interdiction administrative du territoire sera placée sous le contrôle du juge. À l’instar de l’expulsion, elle devra reposer sur des éléments suffisamment graves et solides, précis et circonstanciés permettant d’établir que la présence en France de l’étranger représenterait une menace grave pour l’ordre et la sécurité publics.
En tout état de cause, l’atteinte portée aux droits de l’étranger concerné sera limitée s’agissant d’étrangers n’ayant pas d’attache particulière avec la France. La levée pourra en être demandée, et les motifs de la mesure seront réexaminés tous les cinq ans, afin de s’assurer en permanence de l’actualité de la menace.
Les dispositions de cet amendement s’inscrivent également dans la continuité de la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les combattants terroristes étrangers.
Je le rappelle, ce texte prévoit de lutter contre la mobilité internationale des terroristes, en empêchant leur accès ou leur transit sur le territoire des États membres de l’ONU. Les États membres doivent donc prendre toutes mesures utiles visant à prévenir l'entrée ou le transit sur leur territoire de toute personne au sujet de laquelle ils auront des informations crédibles donnant des motifs raisonnables de croire que l’intéressé cherche à accéder à leur territoire en vue de participer à des actes de terrorisme.
Par le présent amendement, la France se place ainsi à l’avant-garde de la lutte contre le terrorisme international.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, dont nous avons discuté ce matin, puisqu’il nous a été présenté ces derniers jours.
L’argumentaire du Gouvernement nous a convaincus. Une mesure de même portée pouvant aujourd'hui être prise lorsque l’étranger présentant une menace pour la sécurité nationale a pu entrer sur le territoire – on peut l’expulser –, il paraît cohérent, dans la coordination internationale évoquée par M. le ministre, que la France, comme d’autres pays, se dote du pouvoir d’interdire l’entrée du territoire à de tels individus, selon les usages de notre police administrative.
Le dispositif de protection des droits individuels étant cohérent avec tout ce qui existe déjà, il a paru opportun à la commission d’adopter la mesure proposée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je comprends cet amendement, même si je trouve dommage qu’il arrive si tard dans la discussion. Ses dispositions participent en effet de la logique globale du texte et peuvent avoir une portée plus large, en particulier pour ce qui concerne les ressortissants européens.
Toutes les considérations relatives à la liberté de circulation et aux contraintes qu’un tel dispositif peut faire peser sont également valables. De même, les débats que nous avons eus sur le principe du contradictoire à l’occasion de l’examen de l’article 1er sont légitimes dans le cas de ressortissants de l’Union européenne.
Contraint par la logique de cet amendement, je le voterai donc, tout en regrettant, je le répète, qu’il arrive tard, et sans que l’on puisse avoir la certitude, pour les avoir étudiées, que toutes les dispositions dont nous avons longuement discuté sur l’interdiction de sortie du territoire, le principe du contradictoire et le respect du droit des étrangers, en particulier des ressortissants communautaires, seront bien respectées.
Voilà ce que je souhaitais dire sur cette question, à ce stade de notre discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Pour être tout à fait objectif, il faut dire que la proposition avait été faite à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement n’était pas prêt, faute de la nécessaire étude approfondie, d’où l’arrivée de cet amendement au Sénat.
Le dispositif ayant été amélioré voilà quelques jours, afin qu’il soit parfaitement conforme au droit, la commission des lois a pu l’approuver.