Mme Fabienne Keller. Très juste !
M. Jean-Vincent Placé. Pour les écologistes, de telles réductions de dépenses sont d’autant moins justifiées qu’elles contribuent à financer une aide inconditionnelle – l’adjectif est important – aux entreprises de 41 milliards d’euros sur la mandature.
Ces énormes dépenses fiscales et sociales, qui consomment une très large part de la marge de manœuvre budgétaire du quinquennat, ont été jusqu’alors hasardeuses et inefficaces. Hasardeuses, car, en l’absence de contreparties fermes – vous savez, ces fameuses « contreparties », dont on ne parle d’ailleurs même plus ! –, les plus gros doutes planent quant au nombre d’emplois qui seront effectivement créés. Inefficaces, car les dispositifs retenus – ce point est extrêmement important – ne permettent pas de sélectionner les entreprises qui ont besoin d’aides car elles servent une vision écologique, sociale ou même libérale de l’économie. C’est toute la question de la conditionnalité des aides. Nous en avons beaucoup parlé dans cet hémicycle.
Cette politique repose sur une double impasse, que le groupe écologiste pointe du doigt depuis trois ans.
D’une part, elle reste fondamentalement productiviste, attendant avec une foi à toute épreuve le retour hypothétique d’une croissance salvatrice. Non seulement nous ne croyons pas au retour durable de la croissance, mais quand bien même celle-ci reviendrait, force est de constater qu’elle est de moins en moins corrélée à l’emploi. En plus, en l’absence de politique économique sélective – il faut conditionnaliser et sélectionner –, la croissance est destructrice pour l’environnement, pour notre santé et pour l’économie.
D’autre part, cette politique se fonde sur une vision excessivement libérale de l’Europe. Je me suis permis d’intervenir lorsque François Fortassin a très justement soulevé la question du déficit structurel, sur laquelle je reviendrai, car les idées progressent, y compris en Europe, sous l’impulsion de Matteo Renzi, comme cela a été souligné. J’ai entendu également les propos du ministre de l’économie, M. Arnaud Montebourg. Si nous, écologistes, avons souvent des points de friction avec lui, nous constatons qu’un mouvement s’opère aujourd'hui dans les idées. Il y a un refus de la pensée unique. Voilà qui me semble extrêmement positif !
Il faut sortir du modèle de l’Europe qui soumet l’économie à l’austérité et impose aux États une compétition fiscale et sociale néfaste. Engageons la conversion écologique de l’économie pour préserver l’environnement et la santé de tous ! Non seulement c’est en cela que réside le vrai progrès, mais, en plus, cette révolution verte de l’économie nous permettra d’atteindre des objectifs sur lesquels nous nous accordons tous dans cet hémicycle, quelles que soient nos sensibilités. Je pense non seulement au mieux vivre, mais aussi aux économies. Nous, écologistes, sommes partisans des économies !
Mme Nicole Bricq. On en fait !
M. Jean-Vincent Placé. D’ailleurs, nous vous avons régulièrement présenté de nombreuses pistes lors des débats budgétaires. Nos propositions de lois sur le diesel, les ondes électromagnétiques ou encore les pesticides ont pour point commun de conduire à des économies importantes, tout en préservant la santé de nos concitoyens.
Oui, mes chers collègues, la pollution, qu’elle soit alimentaire, atmosphérique, aquatique,…
Mme Fabienne Keller. Politique !
M. Jean-Vincent Placé. … coûte cher, car elle occasionne des dépenses de santé massives. Selon les études, le coût du traitement des conséquences sanitaires de la pollution de l’air atteint 20 milliards d’euros ou à 30 milliards d’euros par an.
Un modèle de production et de consommation plus vertueux serait donc bénéfique non seulement pour notre environnement et pour notre santé, mais également pour les finances publiques.
Il le serait également pour l’emploi. Les modes de production écologiques, parce qu’ils utilisent moins les ressources naturelles et l’environnement, sont généralement plus intensifs en emplois. En plus, il s’agit souvent d’emplois en lien avec les territoires, donc non délocalisables.
Enfin, ce serait bénéfique pour l’équilibre de notre balance commerciale, aujourd’hui grevée par les importations énergétiques, qui nous contraignent de surcroît dans nos relations diplomatiques.
Évidemment, et cela a été souligné, ce nouveau modèle ne se réalisera pas contre les entreprises. En ce sens, le message que le Gouvernement adresse à ces dernières est positif, car ce sont des acteurs essentiels pour l’avenir de notre pays.
Ce que nous contestons dans le CICE et le pacte de responsabilité, c’est l’absence de sélectivité et de contreparties. Une étude approfondie des problèmes de compétitivité hors coût – c’était l’un des éléments les plus intéressants du rapport Gallois ; malheureusement, cela a disparu de la discussion – prône le fléchage des aides vers les entreprises qui embauchent ou qui investissent dans des filières écoresponsables et durables. Voilà qui aurait du sens ! Arrêtons de subventionner toute une économie du gaspillage, de la surconsommation et de la pollution !
Bien entendu, la transition ne se s’effectuera pas non plus contre les ménages. L’incitation à des changements de comportements n’est pas nécessairement punitive. Ainsi, la réduction du taux de TVA dans les transports publics, que nous réclamons avec constance, bénéficierait à de très nombreux voyageurs. D’ailleurs, le Sénat a adopté un amendement, défendu sur plusieurs travées, en ce sens ; nous voyons le peu de cas qui est fait du Parlement dans la discussion budgétaire…
Plus généralement, comme l’a récemment montré Thomas Piketty, une croissance faible amplifie le phénomène de concentration des richesses entre les mains de quelques-uns. Il importe donc de compenser cela par une fiscalité encore plus progressive – je pense par exemple à la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG – et d’éviter tout gel de prestations sociales.
Enfin, et tous les économistes en conviennent, l’avènement d’une économie plus verte passe nécessairement par un investissement public massif, en particulier au niveau européen, pour créer de grands champions industriels, notamment dans l’énergie et les transports. À cet égard, je me réjouis de la volonté de Mme Ségolène Royal de mettre l’accent sur la politique de l’Agence européenne pour l’environnement.
Lors du débat au Sénat sur la mise en œuvre des dispositions du TSCG, les écologistes avaient notamment plaidé pour que les investissements productifs soient retirés du calcul du déficit. Aujourd’hui, suite aux politiques d’austérité, nous constatons que l’investissement public constitue la seule grande sous-catégorie de la dépense publique dont la part dans le PIB a reculé dans la zone euro, à 2,8 % du PIB en 2009 contre 2,1 % en 2013.
Je terminerai toutefois sur une note un peu plus optimiste. Un début de prise de conscience semble commencer à poindre, comme je l’indiquais tout à l’heure en évoquant l’intervention de notre collègue François Fortassin.
Ainsi, au mois de juin dernier, le Fonds monétaire international, le FMI, a déclaré que le TSCG pourrait inhiber l’investissement public.
Dans la foulée, et suite aux prises de position de Matteo Renzi, le Conseil européen a indiqué à la fin du mois de juin que les États étaient désormais invités à utiliser « au mieux la flexibilité qu’offrent les règles actuelles » du TSCG. Même si le propos n’est pas très clair, nous avons là un signe, outre la politique monétaire plus expansionniste de la BCE, que les bonnes questions commencent à être posées !
De bonne mémoire, les vacances des ministres avaient été réduites l’année dernière, le Président de la République voulant un gouvernement de combat, actif même pendant l’été. Pour ma part, je pense que le Gouvernement doit prendre des vacances. (Exclamations amusées.) Il lui faut non seulement se reposer, mais aussi réfléchir. Après tout, Mme Merkel s’accorde bien trois semaines de vacances ; je n’ai pas l’impression que cela influe négativement sur ses capacités ou sur les orientations stratégiques de son gouvernement. (Mêmes mouvements.)
Le groupe écologiste est très critique sur les deux années qui viennent de s’écouler. Beaucoup de choses n’ont pas été faites. Mais nous gardons l’espoir que les réformes dont le pays a besoin, et elles sont nombreuses, seront menées à bien. Je pense à la réforme de l’État, à la réforme territoriale, qui est en cours, à la réforme fiscale, qui n’est pas achevée – je vous renvoie aux déclarations d’un ancien ministre du budget –, ainsi qu’à la nécessaire inflexion vers une politique plus sociale et écologiste.
Puisse le gouvernement de la France, dans les mois et les années à venir, et pas seulement les trois prochaines années, être au rendez-vous du développement économique, de la solidarité, de la justice, de l’écologie et, tout simplement, de la défense des intérêts de notre beau pays, la France !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Belle chute !
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traditionnel débat d’orientation des finances publiques, que nous abordons conjointement avec le projet de loi de règlement, doit nous présenter pour 2015 les grands équilibres de nos comptes publics et la stratégie macroéconomique du Gouvernement, avant l’examen de la loi de finances de cet automne.
Vous le savez, à ce stade, nous ne pouvons qu’être très préoccupés par l’équation budgétaire de l’an prochain. Notre pays est confronté à un véritable risque, celui que notre économie décroche et que la croissance y soit plus faible que chez nos partenaires européens.
Dès lors, l’année 2015 apparaît comme celle de tous les dangers si la France veut véritablement rééquilibrer la trajectoire de ses finances publiques et respecter son engagement : ne pas dépasser les 3 % de PIB de déficit.
En disant cela, je n’entends pas dramatiser à outrance. Je ne fais que m’appuyer sur plusieurs rapports convergents. Je pourrais mentionner les bilans approfondis sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques publiés par la Commission européenne le 5 mars dernier et ses analyses par pays du 2 juin dans le cadre du semestre européen, les trois avis du Haut Conseil des finances publiques sur le programme de stabilité, sur la loi de règlement 2012 et sur les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014, ou encore les avis de la Cour des comptes, tant sur l’exécution budgétaire 2013 que sur le dernier collectif. Enfin, je le rappelle, dans son dernier rapport sur la France, le FMI revoit ses projections macroéconomiques à la baisse.
Ces analyses ne peuvent pas nous laisser indifférents. Elles vont toutes dans le même sens, celle d’une projection de croissance pour 2015 et les années suivantes inférieure à ce qui est envisagé par le Gouvernement.
Vous connaissez le consensus ; pour 2014 et 2015, tous les observateurs économiques, INSEE et FMI compris, évoquent respectivement de 0,7 % et de 1,4 % de croissance, contre 1 % et 1,7 % selon le Gouvernement. Pour les années suivantes, nous savons tous que la France atteindra difficilement le seuil de 1,5 % de croissance, à partir duquel il est possible d’espérer un recul du chômage.
Certes, la conjoncture économique s’améliore en Europe. Mais la reprise est modeste et fragile, et notre pays est confronté à plusieurs risques : celui d’une dette élevée, celui des marchés émergents et celui des zones de tensions géopolitiques.
Surtout, la France ne participe pas pleinement à la reprise. Notre situation se dégrade par rapport à la moyenne européenne. Pourtant, l’environnement économique est le même pour tous !
Je vous épargne les détails sur la comparaison avec l’Allemagne, mais j’aimerais rappeler un élément, d’ailleurs souligné par la Cour des comptes : c’est bien la trajectoire de la baisse de la dépense publique qui est à l’origine du différentiel entre nos deux pays.
Par ailleurs, les institutions françaises, en particulier la Cour des comptes, soulignent un phénomène nouveau et relativement inquiétant : la faiblesse du rendement de l’impôt, qui a des conséquences négatives sur les recettes. Je le rappelle, sur les 25 milliards d’euros de recettes supplémentaires prévus en 2013, seulement 12,5 milliards ont été effectivement perçus. Le Gouvernement est entré dans ce cercle, que je qualifierais d’infernal, où l’augmentation des taux entraîne l’effritement de la base fiscale.
Enfin, l’année 2015 ne commencera pas sur une page blanche. Elle sera contaminée par les écarts d’exécution de 2013 et de 2014. D’une part, comme cela a été rappelé, le déficit s’est élevé en 2013 à 4,3 % du PIB, contre un objectif initial de 3 %. D’autre part, il faudra gérer les conséquences du dérapage des comptes publics de 2014. Ainsi, lors de l’examen du collectif budgétaire, au début du mois de juillet, vous avez concédé 3,8 % de déficit, au lieu de 3,6 %, pour 2014. La Cour des comptes, elle, prévoit 4 % de déficit.
Nous le voyons, les indicateurs macroéconomiques préfigurant la conjoncture en 2015 sont, à eux seuls, préoccupants.
Or, si la faiblesse de la croissance n’assure pas le redémarrage de notre économie, la résorption des déficits publics sera encore plus difficile. Cette situation de croissance faible oblige à mener une action déterminée en matière de baisse de la dépense publique et de réformes structurelles pour construire un nouveau modèle de croissance.
J’en viens à la baisse de la dépense. Nous nous interrogeons sur le volume des économies projetées, sur la méthode et sur le calendrier du Gouvernement.
Premièrement, les 50 milliards d’euros d’économies prévus en trois ans nous semblent insuffisants, pour deux raisons. D’une part, vous avez ajusté la hausse tendancielle des dépenses à cet objectif ; c’est la Cour des comptes elle-même qui le souligne. D’autre part, vous annoncez de nouvelles dépenses, notamment des réductions d’impôts, qui devront être financées.
Je le rappelle, jusqu’à présent, les 50 milliards d’euros d’économies annoncées étaient destinés au rétablissement des comptes, et non à la compensation de la baisse de la fiscalité.
En conséquence, la cible devrait plutôt se situer aux alentours de 60 milliards d’euros.
Deuxièmement, la méthode retenue est contestable.
D’abord, des pans entiers d’économies pour 2015 ne sont pas précisés. Le « tiré à part » présentant les grandes lignes du volet dépenses du budget 2015 n’a été mis en ligne que le 9 juillet. Peut-être vouliez-vous rendre notre week-end du 14 juillet très studieux, monsieur le ministre ?
Mme Fabienne Keller. Certes, cela n’a pas étant le cas, étant donné que les sept pages du document ne contenaient aucune information nouvelle.
Techniquement, faire jouer la réserve de précaution et le gel des crédits, c’est une gestion au jour le jour. C’est la méthode dite du « rabot », qui a désormais trouvé ses limites. On ne peut pas demander aux administrations d’État, à structures et à missions constantes, d’assurer leurs missions avec toujours moins de moyens ! Et le maintien du gel du point d’indice des fonctionnaires ne constitue pas non plus une politique salariale motivante.
Notre pays aurait au contraire besoin d’ajuster le périmètre d’intervention de l’État, d’assurer une meilleure efficacité de la dépense publique et de réfléchir à la modernisation de ses services publics.
J’ai d’ailleurs écouté hier avec attention le Président de la République, qui a parlé à plusieurs reprises de « réformes », mais sans jamais en décrire les modalités de mise en œuvre. Ce sont justement les précisions de ce type qui font défaut dans les documents qui nous sont présentés.
J’aimerais revenir sur la baisse de 11 milliards d’euros de dotations de l’État aux collectivités locales. Sur le papier, elle est claire. Mais les effets en sont à tout le moins aléatoires.
Comme l’a souligné la Cour des comptes, vous allez une nouvelle fois couper brutalement une partie des ressources des collectivités territoriales tout en continuant d’augmenter leurs charges. Très concrètement, je pense par exemple à la réforme des rythmes scolaires, qui s’imposera à toutes les communes à la rentrée prochaine,…
M. Gérard Longuet. Exact !
Mme Fabienne Keller. … ou à l’imposition de normes toujours plus contraignantes.
En agissant ainsi, vous n’anticipez nullement la réaction des collectivités, qui, en vertu du principe de libre administration, pourront choisir de réduire leurs dépenses de fonctionnement, d’augmenter les impôts ou leur dette ou, comme c’est vraisemblable, de limiter leurs investissements. Or, et cela a été rappelé tout à l’heure, elles réalisent 70 % de l’investissement public.
Les conséquences de votre décision pourront donc être particulièrement sensibles sur le volume des passations de marchés publics, donc sur l’emploi, sur les rentrées fiscales, mais également sur la perception des cotisations sociales. Cet effet « boomerang » pour le budget de l’État n’a pas été réellement anticipé, alors que la baisse du volume des investissements et des passations de marchés pourra avoir des conséquences directes.
Troisièmement, il y a un problème de calendrier.
Votre plan d’économies devra être effectif très rapidement l’an prochain si vous espérez pouvoir financer la baisse des charges et réduire le déficit à 3 % du PIB. Or on sait combien le chemin est long et difficile pour concrétiser une telle baisse, a fortiori en l’absence d’un véritable outil de pilotage global. Vous nous promettez des mesures de renforcement de la gouvernance des finances publiques à l’automne prochain. N’est-ce pas un peu court ?
Surtout, vous concentrez les efforts de baisse de la dépense publique sur l’année 2015 et tablez sur une croissance de 2,25 % en 2016 et en 2017. Cela laisse penser que vous misez tout sur le retour de la croissance et ne croyez pas aux réformes structurelles.
Or la croissance ne reviendra pas d’elle-même. Son retour implique de mener la politique que le Président de la République invoque à juste titre, mais que vous ne conduisez pourtant pas : une politique de l’offre, avec tout ce que cela implique, c’est-à-dire un marché du travail adapté, une fiscalité soutenant les entreprises, notamment les PME et les entreprises de taille intermédiaire, l’encouragement clair à l’innovation et la valorisation de la prise de risques pour ceux qui créent de l’emploi.
En fait, vous espérez un effet rapide des dispositions du pacte de responsabilité tout en en doutant vous-même. Les réductions d’impôts pour les entreprises n’interviendront, pour l’essentiel, qu’en 2017.
Avouez-le, ce n’est pas le meilleur moyen de rétablir la confiance des acteurs économiques, qui est pourtant un facteur clé du redémarrage de notre économie.
Par ailleurs, nous souhaiterions connaître clairement la stratégie du Gouvernement s’agissant du respect des engagements européens. Au printemps dernier, il avait déjà eu la tentation de les renégocier auprès de nos partenaires. Aujourd’hui, il semble renoncer implicitement à l’objectif des 3 % de déficit en 2015.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
Mme Fabienne Keller. Pouvez-vous en informer explicitement la représentation nationale, monsieur le ministre ? Ce serait la moindre des choses !
Pour notre part, nous pensons que vous n’atteindrez pas cet objectif, pour des raisons strictement franco-françaises.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui !
Mme Fabienne Keller. Vous avez décidé en début de quinquennat de fortes hausses d’impôts, à contre-courant de l’action de nos partenaires. Cela a eu un effet récessif et assombri durablement la confiance des acteurs économiques.
De surcroît, c’est seulement aujourd’hui que vous vous attaquez à la réduction des dépenses. Et vous avez tardé à donner de réels objectifs financiers à la politique de la modernisation de l’action publique, ou MAP, qui fait suite à la révision générale des politiques publiques, la RGPP ; en l’espèce, le nouveau nom change tout !
Les réformes structurelles sur le marché du travail, sur celui des biens et des services ou encore sur la fiscalité se font attendre.
Dès lors, la seule solution que vous ayez trouvée est de rendre les autres responsables. C’est ainsi que vous contestez le pacte de stabilité et de croissance sous prétexte qu’il manquerait de flexibilité.
Mais vous semblez oublier que ce pacte est intrinsèquement souple et que la France a déjà bénéficié de cette souplesse.
Ce pacte est souple en termes de critères et de délai. Pour ce qui concerne les critères, il prend en considération le déficit structurel pour tenir compte du cycle économique – ce point a été évoqué notamment par M. le rapporteur général. Quant au calendrier, des délais supplémentaires ont pu être accordés, en toute légalité, à plusieurs pays. C’est d’ailleurs à ce titre que la France a déjà bénéficié d’un délai de deux ans – soit désormais jusqu’en 2015 – pour stabiliser sa trajectoire des finances publiques.
Plus particulièrement, dans leurs analyses, le Conseil et la Commission tiennent compte des réformes économiques structurelles majeures qui ont une incidence vérifiable sur la trajectoire d’ajustement en vue de la réalisation des objectifs de moyen terme. Les pays concernés – je pense notamment à l’Espagne – doivent être crédibles et prouver que le délai supplémentaire est utilisé pour rétablir la croissance. Monsieur le ministre, c’est ce à quoi vous devez vous employer aujourd’hui.
C’est pourquoi nous pensons que le débat austérité contre croissance est un faux débat ; la priorité est de sortir de la spirale de l’endettement. Or je rappelle que la dette de notre pays a augmenté de 3,1 points en 2013 pour atteindre 94,1 % du PIB, que désormais le niveau de dette de la France dépasse l’endettement moyen de la zone et que ce taux dépassera 100 % l’an prochain.
Ne nous leurrons pas, parce que nous sommes comme anesthésiés par des taux d’intérêt historiquement bas qui nous assurent un financement facile.
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, il ne s’agit aucunement de notre part d’un quelconque fétichisme de l’équilibre budgétaire ; il s’agit bien d’une question de souveraineté, de compétitivité et de cohésion sociale, de crédibilité sur les marchés pour notre pays.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Fabienne Keller. La France représente 20 % du PIB de la zone euro ; sa situation économique est, de ce seul fait, un enjeu pour l’Union européenne tout entière. Il est donc extrêmement important que vous puissiez respecter la trajectoire d’équilibre de nos finances publiques telle qu’elle est prévue.
Pour ces raisons, les membres du groupe UMP ne pourront voter en faveur du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 tel que vous nous le présentez…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Malheureusement !
Mme Fabienne Keller. … et émettent toutes leurs réserves sur la faisabilité de votre programme économique pour l’année 2015. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le présent débat sur l’orientation des finances publiques constitue, en application de la LOLF, désormais bien entrée dans nos mœurs parlementaires, le rendez-vous budgétaire du début de l’été.
S’inscrivant, pour la quatrième fois déjà, dans le cadre du semestre européen, qui instaure une procédure de surveillance de la préparation des budgets nationaux par les autorités communautaires, il fait suite à six mois de débats qui ont commencé avec l’allocution du Président de la République du 31 décembre 2013 et sa conférence de presse du 14 janvier dernier.
En débattant de l’orientation des finances publiques, il s’agit en fait de débattre de l’orientation de la politique économique de la France au cours des trois années à venir, de savoir où nous en sommes et ce que nous allons faire, de montrer comment vont être consolidées les orientations du Gouvernement, en en présentant les perspectives et la cohérence.
Les choix et les orientations du gouvernement français auront déjà été affirmés cette année devant le Parlement à quatre occasions : lors du débat sur la déclaration de politique générale du Gouvernement, lors du débat sur le programme de stabilité, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014 et, tout à l’heure, lors de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.
L’année 2014 constitue le deuxième exercice de la nouvelle gouvernance budgétaire de la zone euro depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2013, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.
Notre débat d’aujourd’hui est donc un débat préparatoire à une nouvelle loi de programmation des finances publiques, dont on connaît déjà l’architecture : c’est celle du programme de stabilité que le Gouvernement a transmis à la Commission européenne.
Je ne peux, à ce stade, que souligner la cohérence et la constance de l’action du Gouvernement en matière de finances publiques. La trajectoire que nous avons fixée va être confirmée. Le débat sur la maîtrise de la dépense publique, nous l’avons et nous l’aurons encore plus précisément au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.
Depuis deux ans, les mesures de consolidation des finances publiques prises par le Gouvernement ont, dans un premier temps, répondu à une double logique d’efficacité économique et de justice sociale : demander plus à ceux qui ont davantage pour aider au redressement des finances publiques. Mais dès 2013, des mesures ciblées ont permis de soutenir le pouvoir d’achat des plus modestes : ainsi, la loi de finances initiale pour 2013 prévoyait une revalorisation importante de la décote ; en 2014, le Gouvernement a procédé à la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu sur le coût de la vie, après deux années de gel, ainsi qu’à une nouvelle revalorisation de 5 % de la décote au-delà de l’inflation et à un relèvement du plafond du revenu fiscal de référence, ouvrant droit à des exonérations et allégements de fiscalité directe locale et de contributions sociales.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2014, en cours de discussion parlementaire, comprend des réductions d’impôt pour les ménages aux revenus les plus modestes tout en confirmant le redressement des comptes publics, avec une baisse du déficit public, une baisse des dépenses publiques et, en ligne de mire, la baisse de l’endettement de notre pays.
Amplifiées par la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, les mesures de solidarité favorables au pouvoir d’achat des plus modestes doivent représenter 5 milliards d’euros d’ici à 2017, dont 1,2 milliard d’euros dès 2014. Ces mesures vont bénéficier à 3,7 millions de ménages, dont 1,9 million seront exonérés d’impôt sur le revenu dès cette année.
Parallèlement à ces dispositions favorables au pouvoir d’achat des Français, la période 2015-2017 doit être l’occasion d’un effort structurel en dépenses pour les administrations publiques de 50 milliards d’euros.
Entre 2015 et 2017, la poursuite du ralentissement de la dépense publique devrait résulter de la montée en charge des mesures déjà votées et de celles qui ont été présentées dans le programme de stabilité du mois d’avril 2014 qui porte le montant des économies supplémentaires sur cette période aux 50 milliards d’euros que je viens d’évoquer.
Les économies réalisées sur les dépenses de l’État et de ses agences devraient assurer un gain total de 18 milliards d’euros. Les collectivités locales devraient y participer à hauteur de 11 milliards d’euros sur trois ans.
Alors même que les comptes des organismes de sécurité sociale se sont redressés en 2013, la sphère sociale devrait également contribuer fortement aux économies, au-delà des mesures prévues pour 2014 sur les dépenses d’assurance maladie. La progression de l’ONDAM devrait être limitée à 2 % en moyenne sur les trois années considérées, pour une économie totale de 10 milliards d’euros.
Les économies réalisées sur les prestations et les charges de fonctionnement devraient représenter 11 milliards d’euros sur le reste de la sphère sociale.
En 2015, la mise en œuvre d’une part importante de ces 50 milliards d’euros d’économies en dépenses devrait induire un effort structurel de 0,9 point de PIB, ce qui permettra de financer, dans le cadre d’une réduction des déficits publics, une première baisse des prélèvements obligatoires prévue dans le pacte de responsabilité et de solidarité.
Le budget pluriannuel 2015-2017, qui sera soumis au Parlement au mois de septembre prochain, déclinera la trajectoire établie dans le cadre du programme de stabilité. Compte tenu de l’évolution tendancielle de la dépense de l’État et des objectifs de rétablissement des comptes publics, cette trajectoire implique de dégager 18 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2017 fixe donc des objectifs d’évolution des dépenses de l’État plus ambitieux que ceux qui avaient été définis par la précédente loi de programmation pour la période 2012-2017.
Cette dernière prévoyait en effet que les dépenses totales de l’État – dépenses des ministères, prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités locales, taxes affectées plafonnées – seraient stables en volume et, hors charge de la dette et des pensions, seraient, au plus, stables en valeur par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.
Dès 2014, le Gouvernement est allé au-delà des objectifs fixés dans cette loi de programmation en diminuant les dépenses de 1,7 milliard d’euros. C’était la première fois qu’un budget de l’État était construit sur une telle baisse nette des dépenses,…