Mme Michèle André. … alors que l’objectif retenu dans la loi de programmation des finances publiques prévoyait une stabilité en valeur. Et cette diminution a porté sur l’ensemble des composantes de la dépense : de la réduction des coûts de fonctionnement de l’État à la rationalisation des dépenses d’intervention et d’investissement de l’État.
Le respect de la trajectoire des dépenses de l’État par le Gouvernement repose, en grande partie, sur des réformes de fond de l’action publique, les économies étant réparties entre toutes les composantes de la norme de dépenses.
Les ministères, d’abord, connaîtront une diminution de leurs crédits en valeur sur la période 2015-2017, par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Les économies sur les dépenses de fonctionnement et les opérations d’investissement seront poursuivies par le biais de la modernisation des fonctions et de la réduction du train de vie de l’État, sans compter les résultats de plus en plus performants de la lutte contre la fraude fiscale.
Les agences et les opérateurs de l’État, dont les dépenses ont sensiblement augmenté sous le précédent quinquennat, prendront leur part à ces économies, les opérateurs, notamment, eu égard à l’abaissement des plafonds des recettes affectées et à la baisse des subventions qui leur sont versées.
Au-delà de la diminution des concours de l’État, des mesures de simplification du paysage des agences seront prises pour rationaliser leurs interventions et renforcer la lisibilité et l’efficacité de l’action publique.
En matière d’emploi, le budget triennal 2015-2017 continuera de mettre en œuvre les priorités du quinquennat en faveur de l’éducation, de la justice et de la sécurité. L’objectif de la création de 60 000 postes dans le secteur de l’éducation et de 5 000 postes dans celui de la sécurité et de la justice affiché depuis le début du quinquennat est maintenu. Globalement, l’emploi dans la fonction publique d’État n’augmentera pas, certains effectifs étant redéployés vers d’autres missions.
Je ne saurais finir de brosser ce tableau à grands traits de l’orientation de notre politique économique sans préciser que, dans son volet relatif aux entreprises, le pacte de responsabilité et de solidarité comprend un ensemble de dispositions destinées à favoriser l’emploi et à soutenir la capacité d’investissement productif de l’économie : déjà engagé avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, l’allégement du coût du travail est accéléré, notamment avec les mesures proposées dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, l’ensemble des mesures du pacte devant permettre de gagner plus de 0,5 point de PIB en croissance.
Celle-ci devrait être favorisée par la montée en charge du CICE, dont les effets devraient s’ajouter à ceux des dispositions du pacte de responsabilité et de solidarité, devant permettre aux entreprises de réduire le coût du travail de 30 milliards d’euros et leur fiscalité de 10 milliards d’euros à l’horizon 2017. L’investissement des entreprises devrait s’accélérer, favorisé par le maintien de conditions de financement très favorables dues au sérieux de la gestion gouvernementale : le taux de marge des entreprises devrait se rapprocher de son niveau antérieur à la crise, permettant à celles-ci de maintenir un taux d’investissement élevé sans obérer leur situation financière.
Je ne m’étendrai pas sur les programmes d’investissement d’avenir qui, n’ayant jusqu’à présent fait l’objet que de 6 milliards d’euros de dépenses, laissent encore une quarantaine de milliards d’euros pouvant être investis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous ces choix du Gouvernement, cohérents avec tant les préconisations de la Cour des comptes que les recommandations de la Commission européenne, incitent les membres du groupe socialiste à soutenir fermement la politique du Gouvernement, plus particulièrement aujourd’hui les orientations qu’il nous a présentées en matière de finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début de cette intervention sur le présent projet de loi de règlement, j’ai envie de dire : tout ça pour ça ! Autant d’efforts pour si peu de réconfort !
Depuis trois ans, les gouvernements successifs ont usé de l’arme fiscale : 18 milliards d’euros en 2011, 22 milliards d’euros en 2012, 29 milliards d’euros en 2013, soit 69 milliards d’euros en trois ans ! La Cour des comptes a souligné à raison les limites d’une telle stratégie exclusivement tournée vers l’augmentation des impôts. Elle a relevé que l’effort notable et d’ampleur engagé en 2013 n’a eu malheureusement que peu d’effet sur le déficit. Pour ma part, je pense depuis longtemps que l’augmentation des impôts a un effet plus récessif qu’une véritable politique de diminution de la dépense publique, politique que nous aurions déjà dû engager depuis pas mal d’années.
Le présent projet de loi de règlement soulève selon moi trois problèmes : d’abord un problème de prévision, ensuite un problème de communication, enfin un problème de présentation.
Pour ce qui concerne le premier de ces problèmes, il est clair, monsieur le ministre, que, comme vos prédécesseurs, vous vous êtes montré trop optimiste. On l’a encore vu en 2013, avec les hypothèses de croissance. Voilà deux ans, dans cette enceinte même, j’avais proposé au ministre de l’époque, pour faire preuve de prudence, de prendre comme hypothèse de croissance le consensus auquel avaient abouti les économistes diminué de 0,5 %. De fait, 0,8 % moins 0,5 %, cela fait 0,3 %, soit le taux observé en 2013.
Pour 2014, vous avez retenu 1 % de croissance. On verra bien à combien ce taux s'établira, sachant qu’il faudrait toujours infléchir la prévision de 0,5 point. Pour l’instant, l’INSEE prévoit 0,7 % de croissance, tout comme le FMI…
Je pense qu’il est urgent de se baser sur des hypothèses plus prudentes que celles qui ont été retenues jusqu’à présent, en matière non seulement de croissance, mais aussi de recettes. Ainsi, en 2013, on a constaté une moins-value sur les recettes de 14,6 milliards d’euros – excusez du peu –, cela sans explication véritablement convaincante.
Alors, monsieur le ministre, je m'interroge. Vous n'êtes peut-être pas responsable de tout, et il est vrai qu’une succession de trois ministres chargés du budget en deux ans ne favorise pas une bonne organisation à Bercy… Mais il s'y trouve de nombreuses têtes bien faites, et je ne comprends pas pourquoi l’on n’arrive pas à nous expliquer un petit peu plus clairement cette différence entre prévision et réalisation.
Mme Nicole Bricq. L’économie n’est pas une science exacte !
M. Vincent Delahaye. J’aimerais que l’on se penche sur cette question, que nous jugeons importante.
Il existe aussi un problème de communication. Le Gouvernement et les médias communiquent beaucoup sur les budgets et peu sur la loi de règlement. Les budgets, ce sont des déclarations d’intention qui, assez souvent, sont éloignées de la réalité. La loi de règlement dit la réalité des chiffres, et il serait donc préférable que l’on en parle un peu plus.
Mme Nicole Bricq. Ça, c'est vrai.
M. Vincent Delahaye. Mais je peux comprendre que l’on en parle relativement peu, dès lors que le déficit s'établit finalement à 75 milliards d’euros, soit environ 12 milliards d’euros de plus que la prévision initiale ! Ce déficit représente 4,3 % du PIB, taux nettement supérieur à ceux des pays de l'Union européenne ou de la zone euro, dans laquelle le déficit s’élève à 3 %. Par ailleurs, ce déficit de 75 milliards d’euros s'avère supérieur aux recettes annuelles de l’impôt sur le revenu – 67 milliards d’euros –, et même aux dépenses enregistrées au titre des cinq missions régaliennes de l’État que sont la sécurité, la justice, la défense, l’action extérieure de l’État et l'administration générale et l'organisation territoriale, qui s’élèvent à 70 milliards d’euros !
Face à ce niveau de déficit, je pense qu’il est temps de réagir pour s'attaquer vraiment à la dépense, de sorte qu’elle diminue franchement.
J’en viens maintenant au troisième problème soulevé par le projet de loi de règlement que nous étudions, à savoir la présentation. Pour ma part, monsieur le ministre, je souhaiterais que, au-delà des obligations légales, la présentation d’un texte de cette nature suive la même logique qu’un budget…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà !
M. Vincent Delahaye. … et qu’elle fasse ainsi apparaître les missions, l’aide aux collectivités, le soutien aux opérateurs… Je souhaiterais que nous disposions d’un comparatif qui provienne non seulement de la Cour des comptes – actuellement la seule à le faire –, mais aussi des services de l’État, ce qui nous permettrait d’y voir un petit peu plus clair.
Quand on examine de façon détaillée les dépenses, on s'aperçoit qu’elles ont été maîtrisées, certes. Depuis le début de la discussion générale, j’ai beaucoup entendu parler de « maîtrise de la dépense publique ».
Mme Nicole Bricq. La maîtrise des dépenses, c'est déjà pas mal !
M. Vincent Delahaye. Pour ma part, j’aimerais entendre parler de réduction de cette dépense. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
La maîtrise, c'est peut-être une bonne chose dans des circonstances plus favorables. Mais aujourd'hui, pour parvenir à une réelle diminution de nos déficits, ce qui importe, c'est la réduction de la dépense.
Finalement, on s'aperçoit que la « maîtrise » de la dépense publique que vous présentez au titre de 2013 a été obtenue grâce à la réserve de précaution – à hauteur de 6 milliards d’euros – (M. le rapporteur général de la commission des finances le conteste.), à la réduction du coût de la dette – heureusement, les marchés ont maintenu les taux d'intérêt à un niveau très bas, ce qui nous a permis de nous en sortir – et aux pensions de retraite, grâce à une inflation moins forte que celle qui avait été initialement prévue.
Malheureusement, cette maîtrise de la dépense publique pèse sur les mêmes. D'abord, sur les collectivités territoriales. La diminution des dépenses de l’État en 2013 a correspondu approximativement – à quelques centaines de millions d’euros près – à la réduction de l’aide aux collectivités territoriales. Et, monsieur le ministre, vous nous annoncez pour les trois prochaines années – jusqu'en 2017 – une diminution des dépenses de l’État de 11,5 milliards d’euros, avec 11 milliards d’euros de baisse au titre des collectivités territoriales.
L’effort demandé aux collectivités territoriales n’est clairement pas équitable au regard de celui que consentent les services de l’État. Je vous demande de bien vouloir en prendre note afin de procéder aux modifications qui s'imposent, sans quoi nombre de collectivités connaîtront de grandes difficultés…
Outre les collectivités territoriales, le ministère de la défense est largement sollicité, les réductions d’effectifs et de moyens pesant fortement sur celui-ci.
Enfin, selon moi, les opérateurs ne sont pas tellement mis à contribution – la Cour des comptes l’a d’ailleurs relevé –, en termes ni d’effectifs ni de dépenses de fonctionnement.
En conclusion, je voudrais profiter de l’examen du présent projet de loi de règlement pour tirer quelques leçons qui soient utiles pour l’avenir. D'abord, il est clair, monsieur le ministre, que l’option du matraquage fiscale est une voie sans issue. (M. le président de la commission des finances acquiesce.) On l’a vu, 69 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires en trois ans n'ont permis qu’une réduction mineure du déficit. Ensuite, la croissance est au point mort, et il est donc temps de prendre des dispositions vraiment efficaces pour améliorer la compétitivité des entreprises et permettre ainsi de relancer cette croissance qui, seule, nous permettra de sortir d’affaire. Enfin, la dette constitue une préoccupation majeure pour nous tous.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est la préoccupation principale !
M. Vincent Delahaye. Je l’ai entendu dire à cette tribune et je le répète : notre dette représente sept années pleines de recettes de l’État !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà !
M. Vincent Delahaye. Ce n’est plus supportable ! Tous les foyers fiscaux qui peuvent faire la comparaison avec leur revenu annuel comprendront qu’il n’est pas possible d'être endetté à hauteur de sept fois ce revenu. Il est donc grand temps de prendre des dispositions sérieuses pour réduire notre déficit en diminuant nos dépenses. Cela permettra de limiter l'augmentation de la dette et nous autorisera à repartir dans de bonnes conditions, avec la perspective, pour nos enfants, d’une économie plus favorable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq. (M. Jean Besson applaudit.)
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Vincent Delahaye a raison : hors de cet hémicycle et de celui de l’Assemblée nationale, la loi de règlement est un peu le parent pauvre des lois de finances, alors qu’elle sonne l’heure de la réalité. Je partirai donc du contenu du présent projet de loi, pour en tirer quelques leçons générales.
Je ne sais pas si le bon remède est celui que préconisait le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, devant la commission des finances du Sénat : changer le nom de la loi de règlement – cette expression est, il est vrai, un peu barbare – pour la dénommer « loi de résultat », ce qu’elle est. Je ne sais pas si un tel changement de dénomination permettrait d’atteindre la mobilisation à laquelle on parvient, à force de commentaires publics, avec la loi de finances initiale, alors que cette dernière ne constitue qu’une prévision, appelée à être actualisée par des lois de finances rectificatives puis à être constatée en exécution budgétaire.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il y a eu le rapport de gestion, le compte rendu de gestion…
Mme Nicole Bricq. Cela étant, je note que si le taux de couverture des dépenses par les recettes s'améliore, il n’est pas revenu au niveau de 2007, avant la crise financière. Je remarque également un effort très important d’amélioration du solde primaire, celui qui est calculé hors charge de la dette : il passe de 40,8 milliards d’euros à 30 milliards d’euros, même si cette somme reste considérable.
Mes chers collègues siégeant sur les travées du groupe CRC, on ne peut pas dire que la France pratique l’austérité, et les chiffres le démontrent. On peut employer ce mot à l’égard de pays voisins, qui posent un problème d’équilibre dans la zone euro et qui souffrent : le Portugal, l’Espagne et l’Irlande. Mais, j’y insiste, ce n’est pas le cas de la France.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est un propos honnête !
Mme Nicole Bricq. En général, je m'efforce de l’être, monsieur Marini, et vous avez pu apprécier quelques fois ce trait de ma personnalité.
En cet instant, je voudrais adresser un satisfecit au Gouvernement, qui a anticipé l’enclenchement du mécanisme de correction des écarts – cela a été dit au moment de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
Il est vrai – M. le rapporteur général l’a rappelé tout à l'heure – qu’un rendez-vous extrêmement important nous attend à l’automne, puisque nous devrons discuter d’une nouvelle trajectoire des finances publiques qui prendra acte du changement de rythme décidé à l’occasion du programme de stabilité, ce qui rendra le mécanisme de correction inopérant.
Pour ce qui concerne la trajectoire budgétaire, j’ai relu les propos du rapporteur général de la commission des finances lors de l’envoi, au mois d’avril, du programme de stabilité. Lui aussi avait bien anticipé les difficultés que nous rencontrerions. Il notait, parmi les aléas, la faiblesse des élasticités fiscales – que l’on constate –, la faiblesse de l’inflation – celle-ci est encore plus faible que prévu – et la majoration du prélèvement européen, dont il faudra supporter le poids au cours des années qui viennent, et dont nous serons donc appelés à reparler.
François Fortassin a évoqué tout à l'heure Joseph Caillaux. Pour ma part, je voudrais attirer l’attention sur les recettes et les dépenses.
Certains collègues ont parlé de la réforme fiscale, mais une recette, que Thierry Foucaud visait tout à l'heure à la tribune, suscite de nombreux commentaires : l’impôt sur le revenu. Nous en fêtons aujourd'hui le centième anniversaire, puisque sa naissance officielle résulte d’une loi promulguée le 15 juillet 1914 – elle est donc antérieure à la guerre de 1914-1918 –, même si, on le sait, il a fallu attendre encore quelques années pour l’appliquer.
Je voudrais maintenant citer les travaux de l’OCDE. Conduits sur une période de trente ans, ils ont montré que l’État-providence n’était pas mort en France, puisque notre pays est celui où les inégalités ont été les moindres. Quand on compare l’évolution des revenus des 20 % les plus riches et des 20 % les plus pauvres de nos concitoyens, on voit que le multiplicateur est de sept avant impôts et prélèvements sociaux, alors qu’il n’est plus que de quatre après impôts et prélèvements sociaux. On peut considérer que c'est encore trop, mais notre système fiscal et social est assurément redistributif. (M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général de la commission des finances acquiescent.)
Je l’indique à l’attention de ceux qui soutiennent que l’on n’a pas fait de réforme fiscale suffisante, j’ai regardé les travaux de la mission sur la fiscalité des ménages conduite par Dominique Lefebvre et François Auvigne, inspecteur général des finances. Ils ont démontré que la progressivité de l’imposition des revenus est réelle, la CSG disposant elle-même de propriétés redistributives puisque, bien que proportionnelle, elle s'applique à des taux minorés sur les revenus de remplacement, et à des taux majorés sur les revenus du capital.
J’y insiste donc : notre système est progressif, même s'il peut toujours être amélioré en suivant les propositions du rapport Lefebvre-Auvigne, et ce sans qu’il soit besoin d’une révolution. On le sait, il peut y avoir de grands soirs, auxquels succèdent de petits matins…
Les dépenses de l’État, quant à elles, ont été maîtrisées, ainsi qu’il apparaît à la lecture du projet de loi de règlement. Les dépenses nettes du budget général ont légèrement diminué, avec une baisse de 900 millions d’euros. Un tel recul n’a pas été observé depuis le début de la crise économique de 2008. (M. le ministre acquiesce.) Certes, ce recul doit beaucoup à la diminution de la charge de la dette.
À ce sujet, s'il est vrai que les taux sont bas, je voudrais, monsieur le ministre, saluer votre gouvernance et celle de votre prédécesseur, ainsi que le travail de l'administration du Trésor. La dette est bien gérée. Les émissions se font au bon moment, et sur les bonnes durées.
Toutefois, un point reste tout à fait critiquable : une fois de plus, les dépenses d’investissement de l’État qui ne représentent que 3,4 % du budget national connaissent une baisse, à hauteur de 1,4 milliard d’euros. Elles sont donc la variable d’ajustement. Parallèlement, si la masse salariale est tenue, les charges de fonctionnement, elles, ne cessent d’augmenter, au détriment, ainsi, des dépenses d’investissement.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
Mme Nicole Bricq. Et je rappelle le ratio retenu lors de l’élaboration du programme d’investissement d’avenir, suivant lequel, lorsque l’État dépense un euro, on peut en espérer en réalité trois, avec un euro provenant du secteur privé et un euro des collectivités territoriales. Il faut donc faire attention…
Je voudrais maintenant dire quelques mots des dépenses fiscales. Elles ont été stabilisées – le projet de loi de règlement montre qu’elles s'élèvent à 70,7 milliards d’euros, soit un niveau inférieur au plafond de la loi de programmation –, mais il avait été prévu qu’elles diminueraient de 3,6 milliards d’euros.
Nous avons peu progressé dans le domaine des dépenses fiscales – appelées plus trivialement des « niches » –, puisque, en trois ans, elles sont passées de 464 à 460. Je regrette surtout que, depuis le rapport Guillaume, l’obligation d’évaluation ne soit pas respectée. Les dépenses fiscales sont utiles, mais il faut les évaluer régulièrement, tous les trois ans, pour mesurer leur efficacité réelle. C’est un chantier qu’il faut reprendre.
À partir de 2014, le crédit d’impôt compétitivité emploi et le crédit d’impôt recherche – une forme particulière de dépenses fiscales – seront traités en comptabilité nationale comme des dépenses, et non comme de moindres recettes. Ce sera une bonne chose, car, en plus des décisions prises dans différentes lois, cela permettra vraiment de les évaluer. Si je cite ces deux mesures, c’est qu’elles suscitent de nombreux commentaires et que, compte tenu de leur ampleur, il paraît bien normal que la représentation nationale s’y intéresse.
Je conclurai sur un mouvement engagé de façon assez nette : le rapatriement des bases fiscales. Depuis la crise et le sommet du G20 de Pittsburgh de 2009, tous les États veulent rapatrier leurs bases fiscales. Nous étudierons la semaine prochaine le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et les États-Unis en vue de mettre en œuvre la loi FATCA. Je me réjouis par avance de son adoption. J’ai été l’une des pionnières dans cette enceinte à évoquer la transparence, alors que mes collègues siégeant sur la droite de cet hémicycle refusaient d’en entendre parler. C’était pour eux un sujet tabou.
J’évoquerais également la lutte engagée contre l’optimisation fiscale. Peut-être nous en direz-vous plus sur ce point, monsieur le ministre, mais lors du Conseil Ecofin du 20 juin dernier, il a été question de durcir la directive relative à ce sujet. J’ai constaté que la Commission sortante avait engagé un vigoureux travail d’enquête sur trois pays européens, à savoir l’Irlande, les Pays-Bas…
Mme Nicole Bricq. … et le Luxembourg, j’allais l’oublier, pourtant objet de toute notre attention !
J’ai pris note que la directive dite « mère-filiales » était appelée à évoluer. Le Congrès américain a été contrarié de constater que 48 % des plus grandes entreprises américaines étaient installées aux Pays-Bas.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Un problème se pose au sein même de la zone euro. Je vous encourage donc à aller dans ce sens. Nous reparlerons de tous ces mécanismes d’intégration fiscale lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
Par ailleurs, nous devons absolument adopter des dispositions allant dans le sens d’une harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés – c’est l’un de mes dadas, que j’enfourche volontiers –, car l’Union européenne ne peut pas continuer ainsi.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela demande l’unanimité !
Mme Nicole Bricq. À partir du moment où l’on consolide une assiette de l’impôt sur les sociétés, je ne dis pas que le problème du taux devient secondaire. En tout cas, il devient second.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais il faut l’unanimité !
Mme Nicole Bricq. Des coopérations renforcées sont possibles, monsieur le président, et vous le savez très bien ! Nous pouvons commencer par là. Cela me paraît essentiel.
À cet égard, une proposition, signée par trois éminents membres du Conseil d’analyse économique, dont la présidente Mme Agnès Bénassy-Quéré, vise à prolonger l’union bancaire au travers d’une fusion des taxes bancaires au sein de l’Union européenne.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce sera excellent pour la compétitivité !
Mme Nicole Bricq. C’est aussi, me semble-t-il, une bonne piste pour l’avenir. Car, franchement, et c’est la leçon que je tire de mon expérience, mais aussi de la lecture des lois de finances, nous ne pouvons pas continuer ainsi à nous faire la guerre au détriment du rapport de force avec les États-Unis. Je pense notamment au principe d’extraterritorialité. Rien ne sert de pleurer sur le lait renversé, dotons-nous d’une législation européenne qui nous permette d’entretenir un rapport de force avec les États-Unis. Il reste encore beaucoup à faire en la matière. Je sais que vous en avez la volonté, monsieur le ministre. Vous allez nous le dire... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, mon propos ne concerne que les orientations budgétaires pour 2015. Il sera très différent de ceux que j’ai entendus jusqu’à présent ; je formulerai non pas une critique, mais des propositions. Car la situation est grave et le Gouvernement n’arrivera jamais à un déficit budgétaire de 3 % en 2015.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous êtes trop critique, mon cher collègue !
M. Serge Dassault. La croissance restera à un niveau très bas – et je vous dirai pourquoi par la suite.
Si notre déficit n’atteint pas les 3 % en 2015, toutes les menaces financières se réaliseront. Nous aurons droit à la perte de confiance de nos investisseurs et à l’augmentation de nos taux d’intérêt. Nous ne trouverons plus personne pour nous prêter les 180 milliards d’euros par an, à moins ce que soit à des taux prohibitifs, et la France se retrouvera en cessation de paiement. Tout cela parce que la politique que mène le Gouvernement – il n’est pas le premier, il en allait de même auparavant – supprime toute possibilité de croissance et de réduction du chômage. Pourquoi ?
Nous n’aurons pas de croissance, parce que toutes les actions mises en œuvre reposant sur des impôts excessifs sur les revenus et le patrimoine ont fait partir nos investisseurs. Ils ont investi et créé des emplois ailleurs, plus en France. Cela a commencé en 1982 lorsque François Mitterrand a créé l’impôt de solidarité sur la fortune, responsable de notre absence de croissance, car la croissance naît des investisseurs. Or nos investisseurs sont quasiment tous partis. Et cela continue !
Déjà, des quartiers entiers de Français ont été créés à Londres et à Bruxelles. D’autres concitoyens partent en Suisse et au Canada au lieu de rester en France.
Quant au chômage, il perdurera tant que le Gouvernement et les syndicats n’auront pas compris que les entreprises n’embaucheront que quand elles recevront des commandes, et ce à condition que, une fois la commande livrée et si aucune autre ne vient la remplacer, elles puissent licencier le personnel surabondant. Sans cela, elles n’embaucheront pas !
C’est ce qui s’appelle la flexibilité de l’emploi, ou la flexisécurité. Contrairement à la rigidité de l’emploi que toutes les entreprises françaises supportent depuis longtemps, cette flexibilité se pratique couramment aux États-Unis et ailleurs ; elle a permis de sauver nombre d’entreprises de la faillite. L’emploi est bien mieux assuré par la flexibilité que par la rigidité, contrairement à ce que croient les syndicats.
Par ailleurs, les 35 heures de Martine Aubry ont été catastrophiques pour toutes nos activités.