M. Michel Sapin, ministre. Pour le solde, oui, mais voyez quel étrange mélange s’opère entre les notions… On a même parlé, à un moment donné, de « dépenses fiscales »,…
M. Francis Delattre. Et le CICE, c’est quoi ?
M. Michel Sapin, ministre. … parce que l’on ne pouvait plus décider de « dépenses budgétaires » – vous en aviez fait beaucoup. Et l’on s’est mis à faire plein de ces dépenses fiscales. Comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le président de la commission, l’effet est le même : le solde s’est dégradé.
Aujourd'hui, nous essayons d’être rigoureux et de raisonner en termes de pression fiscale. Nous baissons la fiscalité sur les plus modestes des Français. Par ailleurs, nous raisonnons en termes de dépenses budgétaires, dépenses que nous cherchons à maîtriser, et parfois même à diminuer. Je pense que vous y reviendrez dans quelques heures, à l’occasion de l’examen d’articles tendant à supprimer un certain nombre de dépenses budgétaires.
L’autre impôt, puisqu’il s’agit bien d’un impôt, qui viendrait compenser la diminution de l’imposition des ménages les plus modestes fait également partie des prélèvements obligatoires : nous baissons les prélèvements obligatoires pour les plus modestes et nous les augmentons pour ceux sur qui ne pesait aucun prélèvement obligatoire parce que leurs acquis à l’étranger n’étaient pas déclarés.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est merveilleux !
M. Michel Sapin, ministre. Je souhaite faire une seconde petite rectification de vocabulaire, afin que nous nous comprenions bien. Il ne s’agit pas de gagner de l’argent sur le rapatriement des capitaux. Le contribuable français qui place de l’argent en Suisse, pour choisir un exemple au hasard, a parfaitement le droit de le faire, s’il considère que le banquier suisse va mieux gérer son avoir. En revanche, il n’a pas le droit de le cacher et de ne rien déclarer au fisc français : il doit déclarer les revenus de ses capitaux ainsi que la valeur de ceux-ci, laquelle est également susceptible d’être imposée notamment à l’ISF.
Je conclus : nous avions d’abord prévu, au titre des avoirs désormais imposés et des pénalités encourues parce qu’ils n’avaient pas été déclarés à temps, une rentrée de 300 millions d’euros. Puis, au cours de la discussion budgétaire de la fin de l’année 2013, nous avions porté cette prévision à 800 millions d’euros.
Or il se trouve que le retour de ces avoirs qui échappaient auparavant à l’impôt va beaucoup plus vite que prévu : nous avons dépassé le chiffre de 1 milliard d’impôts et de pénalités ; nous avons presque atteint aujourd'hui la somme de 1,2 milliard d’euros ; il n’y aura par conséquent aucune difficulté à atteindre, à la fin de l’année, 1,8 milliard d’euros, la somme qui nous permettra de compenser à l’euro près, et même au-delà, la baisse de l’imposition des ménages les plus modestes…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour combien de temps ?
M. Michel Sapin, ministre. … pour cette année, monsieur le président de la commission des finances - j’ai bien compris votre question et j’y réponds.
Nous équilibrerons donc dès cette année la mesure de diminution de l’imposition, qui est exceptionnelle dans son principe et non exceptionnelle dans sa durée – voilà en quoi votre question est pertinente –, par une recette qui, sans être totalement exceptionnelle, n’est certes pas reconductible d’année en année. En effet, une fois que les avoirs sont déclarés, il n’y a plus de pénalités à payer !
Je pense cependant que nous n’aurons pas tout à fait épuisé les régularisations avant l’année prochaine. Le phénomène est rapide, mais peut-être certains des contribuables seront-ils plus lents à comprendre où est leur intérêt, même si aujourd'hui un bon nombre de ceux qui gèrent leurs actifs les poussent à déclarer leurs revenus de manière transparente. Je pense donc que les recettes issues des régularisations seront encore importantes l’an prochain.
Certes, le jour viendra où, tout ayant été déclaré, il ne s’agira plus que de recouvrer les impôts normaux payés sur des sommes déclarées.
À titre d’information pour le Sénat, les sommes sorties de l’ombre à l’occasion de ces déclarations, dont le montant permet de soutenir que l’État a perçu 1,2 milliard d’euros, s’élèvent à plus de 25 milliards d’euros. À ce rythme, on peut penser que l’on dépassera 50 milliards d’euros, pour atteindre peut-être 60 milliards d’euros d’avoirs hier non déclarés qui le seront dorénavant. Or ces 60 milliards d’euros d’avoirs produisent des revenus qui seront imposés, et imposés de manière durable et reconductible, monsieur le président de la commission des finances.
En outre, les 60 milliards d’euros appartiennent pour une large part à des personnes qui paient par ailleurs l’impôt de solidarité sur la fortune. Il s’agit donc d’une base nouvelle qui est sortie de l’ombre et qui va servir au calcul de l’ISF pour les années à venir, de manière récurrente.
Les recettes de l’État sur ces sommes ne se maintiendront pas au niveau de cette année – j’en conviens –, mais elles resteront à un niveau tout à fait important. Vous comprenez donc bien que faire sortir ces sommes de l’ombre rapporte de l’argent à l’État non seulement immédiatement, mais aussi dans la durée.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Merci beaucoup, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Cette disposition me surprend, d’abord parce que, comme je l’ai dit, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, en octobre 2012, avait affirmé dans cet hémicycle que les augmentations d’impôts ne toucheraient pas neuf Français sur dix. Certes, il n’est plus Premier ministre, mais, avant de partir, il nous a annoncé une remise à plat totale du système fiscal français.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les promesses restent !
M. Vincent Delahaye. Nous avions répondu « Chiche ! », mettant beaucoup d’espoir dans cette annonce. Hélas, cette remise à plat, nous ne la voyons pas venir.
Au lieu de cela, on nous présente cette première disposition qui ne figurait pas – pas même une allusion à un dispositif de ce type - dans la déclaration de politique générale lue au Sénat par Laurent Fabius, je m’en souviens fort bien. Pourtant, dans le premier texte financier que présente ce gouvernement au Sénat, la première mesure est ce cadeau fiscal !
Je suis favorable à une remise à plat totale du système fiscal français, y compris pour les revenus modestes. Je souhaite que cette remise à plat soit effectuée tranquillement et avec la participation de tous. Je suis en revanche défavorable à des mesures ponctuelles, visiblement décidées dans l’urgence et dont le financement – j’y insiste – n’est pas pérenne. Cette mesure sera par conséquent financée par de la dette.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement de suppression de l’article 1er.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, tandis que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 215 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 164 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 55, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le 1. du I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 254 € le taux de :
« - 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 254 € et inférieure ou égale à 12 475 € ;
« - 14 % pour la fraction supérieure à 12 475 € et inférieure ou égale à 27 707 € ;
« - 30 % pour la fraction supérieure à 27 707 € et inférieure ou égale à 74 280 € ;
« - 41 % pour la fraction supérieure à 74 280 € et inférieure ou égale à 110 000 € ;
« - 45 % pour la fraction supérieure à 110 000 € et inférieure ou égale à 150 000 € ;
« - 50 % pour la fraction supérieure à 150 000 €. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’impôt sur le revenu est de longue date l’élément principal du débat fiscal dans notre pays, alors même qu’il ne constitue qu’une partie insuffisamment pertinente de notre système fiscal.
Nous constatons d’ailleurs que le présent projet de loi de finances rectificative comporte une mesure, à l’article 1er, qui fait de cet impôt le témoin affiché de la démarche de réduction des impôts promise par le Gouvernement.
Que pèseront cependant les 350 euros de ristourne aux ménages d’ici trois ans, quand nous aurons vu, par ailleurs, 38 milliards d’euros de cotisations sociales et d’impôts rendus aux seules entreprises ?
L’amendement que nous présentons vise à renforcer la progressivité du barème de notre impôt sur le revenu, lequel a été plusieurs fois remodelé ces dernières années selon une tendance structurelle à la réduction de la contribution des plus hauts revenus et à l’accroissement relatif de la contribution des bas et moyens revenus.
Il importe de prendre une nouvelle orientation dès ce projet de loi de finances rectificative : il nous faut assurer un bon rendement de l’impôt en respectant la justice et l’équité.
Pour cela, deux mesures nous semblent être d’une nécessité impérieuse.
D’une part, il faut revenir sur le gel du barème de l’impôt sur le revenu en ajustant les seuils des différentes tranches de l’impôt à une évolution au moins équivalente au niveau de l’indice des prix à la consommation qui a servi de base de calcul macroéconomique pour les dernières lois de finances.
D’autre part, nous proposons de créer une nouvelle tranche d’imposition à 50 % des revenus – 45 % du revenu de départ en réalité – pour un revenu déclaré par part de plus de 150 000 euros.
Tout en restant très éloigné d’une logique confiscatoire qui a cependant été évoquée dans cet hémicycle, l’impôt sur le revenu ainsi modifié présenterait un caractère plus progressif et donc plus juste, tout en assurant à l’État un rendement suffisant pour constituer enfin une recette essentielle de son budget.
De fait, cet amendement tend principalement à procurer à l’État un certain rendement fiscal, ce qui permettrait à notre système d’être mieux équilibré et plus juste, tout en dégageant les ressources nécessaires à une politique publique fondée sur la réparation des inégalités sociales.
Mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement afin de mettre en œuvre un impôt sur le revenu plus justement prélevé pour une allocation judicieuse de l’argent public.
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, seconde phrase, et alinéa 3
Remplacer le montant :
3 536 €
par le montant :
4 000 €
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme nous l’avons annoncé lors de la discussion générale, nous aurions préféré une refonte globale de notre système fiscal afin de le rendre plus lisible et plus juste, mais nous soutenons l’article 1er de ce collectif budgétaire, qui vise à préserver les ménages modestes dont les revenus n’ont pas augmenté des effets d’une entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu. Ce sont 3,7 millions de foyers fiscaux qui devraient être concernés par cette mesure exceptionnelle ; 1,9 million de foyers deviendront ou resteront non imposés ; 1,3 million de foyers non imposés verront leur restitution augmenter et 500 000 verront leur impôt diminuer.
La réduction de l’impôt sur le revenu prévue par cet article est en partie « familialisée », c'est-à-dire qu’il est tenu compte de la composition du foyer fiscal pour l’attribution, les limites de revenus pour bénéficier de cet allégement étant majorées de 3 556 euros par demi-part supplémentaire afin de prendre en compte le nombre de personnes à charge.
Le présent amendement vise à élargir la mesure en augmentant la majoration du seuil de revenu par demi-part, ce qui permet aux familles de bénéficier de la réduction d’impôt plafonnée à 700 euros pour un couple soumis à imposition commune.
Nous proposons donc que les limites de revenus soient majorées de 4 000 euros par demi-part, au lieu de 3 556 euros, afin de permettre à un nombre plus élevé de foyers de bénéficier de cette mesure de justice fiscale.
Voilà le sens de cet amendement que je vous propose bien sûr d’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’avis de la commission est à peu près identique pour les deux amendements.
L’amendement n° 55, défendu par M. Bocquet, vise à réindexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation des années 2011, 2012 et 2013, ainsi qu’à créer une tranche supplémentaire imposée à hauteur de 50 %.
En fait, contrairement à l’argumentation qui nous a été présentée par notre collègue - ces deux dispositions engendreraient des recettes supplémentaires -, nos propres estimations conduisent à penser que la réindexation pour trois années consécutives, sans dégager de recettes, se révélerait probablement assez coûteuse.
Du reste, comme cela a été évoqué dans la discussion que nous avons eue sur l’article 1er, nous savons que le Gouvernement a procédé à certains arbitrages afin de restituer du pouvoir d’achat. Le Gouvernement a choisi de mettre en place un dispositif pour les ménages qui devenaient imposables, lequel consiste en une réduction d’impôt de 350 euros pour un célibataire ou 700 euros pour un couple. Cela constitue déjà une restitution de pouvoir d’achat importante, de plus de 1 milliard d’euros.
Toutes ces raisons me conduisent à émettre un avis défavorable sur un amendement qui serait probablement coûteux et qui ne tient pas compte des arbitrages rendus afin d’alléger l’impôt des ménages modestes.
Quant au second amendement, défendu par nos collègues du RDSE, j’en sollicite le retrait, en raison de son coût budgétaire important, sachant que d’autres mesures sont prises par ailleurs pour alléger l’impôt sur les ménages modestes, à la fois dans ce projet de loi à l’article 1er et dans le PLFRSS.
À défaut de retrait de cet amendement, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement rejoint l’avis de M. le rapporteur général concernant l’amendement défendu par M. Bocquet.
Selon notre analyse, le coût de cette mesure serait de 2,7 milliards d’euros, la surrevalorisation des tranches inférieures du barème n’étant pas compensée par la majoration de la dernière tranche.
Vous comprendrez, monsieur Bocquet, que pareille dépense soit inenvisageable dans le contexte budgétaire actuel. Il est donc impossible de donner une suite favorable à votre amendement, indépendamment d’autres arguments que l’on pourrait lui opposer.
Quant à l’amendement n° 98 rectifié, je voudrais dire à ses auteurs que le dispositif prévu à l’article 1er prend déjà en compte la situation familiale, puisqu’il majore le seuil du revenu fiscal de référence ouvrant droit à la réduction d’impôt. Vous proposez de porter la limite de 3 536 euros à 4 000 euros. D’abord, comme l’a dit M. le rapporteur général, cette mesure aurait un coût dépassant 100 millions d’euros. Ensuite, le seuil de 3 536 euros n’a pas été fixé par hasard, mais calculé selon la même méthode que la majoration par enfant octroyée aux bénéficiaires de la prime pour l’emploi, en retenant 25 % du seuil fixé pour une personne seule.
En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote sur l'amendement n° 55.
M. Gaëtan Gorce. À peine le ministre des finances et des comptes publics a-t-il ouvert le débat qu’il est, malheureusement, déjà reparti ! (On approuve sur les travées de l’UMP.)
Je vais donc lui répondre indirectement, en m’adressant à M. Eckert et en inscrivant mon propos dans le prolongement de la discussion que nous avons eue.
Je m’en tiendrai à cette observation et je n’insisterai pas davantage, puisque le Gouvernement n’a manifestement pas envie que l’on discute de ces questions. Nous pourrons ensuite poursuivre l’examen du texte lui-même.
M. Sapin soulignait à l’instant que notre problème de compétitivité et nos difficultés économiques dataient des dix dernières années au moins. Si l’on regarde l’évolution de notre industrie et de nos emplois industriels, cette affirmation est vraie.
M. Francis Delattre. Les 35 heures !
M. Gaëtan Gorce. Le rapport de M. Gallois a montré que nous avions perdu, en l’espace de vingt ans, plus de 2 millions d’emplois industriels et près d’un tiers de la valeur ajoutée de notre industrie sur les dix dernières années.
On peut en déduire différentes conséquences. La nécessité de jouer la carte de la compétitivité par la baisse des cotisations sociales est une hypothèse, certes, mais qui est avancée surtout parce que l’on a renoncé à jouer la carte du soutien à l’activité économique et de la relance européenne.
Je comprends que le Gouvernement veuille s’engager dans cette voie, puisqu’il n’a manifestement pas voulu, ou n’a pas été capable de trouver d’autres options. Je voudrais tout de même souligner la faiblesse de cette démarche.
En effet, la plupart de ceux qui examinent la situation sur les dix dernières années nous expliquent que nos difficultés industrielles sont moins liées à un problème de compétitivité qu’au fait que, dans une zone monétaire unique, l’essentiel de l’activité industrielle a tendance à se concentrer là où se situe déjà la puissance industrielle. Autrement dit, la force industrielle attire la force industrielle, sauf si vous mettez en œuvre des politiques sectorielles et régionales à l’échelle de la zone. Or ce sont ces politiques que précisément nous n’avons pas.
C’est pourquoi j’indiquais que la seule piste véritablement raisonnable sur laquelle nous pourrions nous engager serait de travailler à la consolidation de la zone euro. C’est la vraie réponse aux problèmes auxquels nous sommes confrontés, qui traduirait à la fois la nature de notre engagement dans cette zone et notre volonté d’en faire un outil de solidarité, et pas seulement l’outil d’une compétition où la loi du plus fort finirait par s’imposer.
Nous devons définir une convergence de nos politiques économiques, mettre en place un outil politique de gestion de ces convergences et de nos politiques budgétaires, et donner une priorité à la relance par l’investissement. Autant de choix politiques.
Quand j’entends que nous n’aurions pas d’autres politiques que celle que nous faisons, je comprends en effet que nous n’en avons pas d’autres si nous renonçons à nous battre pour défendre les valeurs qui sont les nôtres et les engagements que nous avons pris.
Mais dès lors que nous faisons partie d’une entité, l’Union européenne, qui s’est construite autour d’un principe de solidarité, la logique serait que le Gouvernement français, plutôt que d’expliquer aux ménages, comme à l’instant sur le quotient familial, qu’il ne peut pas faire d’efforts supplémentaires – je peux le comprendre –, explique surtout qu’il est en train de se battre pour que l’Europe redevienne un îlot de prospérité et de croissance, et non une zone au sein de laquelle la seule logique serait celle de la rigueur et de l’austérité, au détriment des emplois industriels de nations comme la nôtre, qui n’ont pas d’avantages majeurs dans ce domaine.
Je suis vraiment désolé que nous ne puissions pas avoir ce débat, d’autant que le Gouvernement ne s’explique pas sur ses orientations.
Il faudrait au moins que l’on sache pourquoi cette option n’a pas été défendue dernièrement à Bruxelles. On nous explique que c’est l’Allemagne qui décide. J’ai un très grand respect pour notre voisin, qui a accompli des réformes significatives expliquant en partie sa situation. Toutefois, l’Allemagne ne constitue pas un modèle, ni pour l’économie ni pour la politique françaises. C’est à nous de définir quels sont nos intérêts et comment nous voulons les défendre. Qui plus est, nos intérêts vont dans le sens d’une coopération européenne renforcée.
On ne peut pas faire l’euro, c'est-à-dire la solidarité à travers une monnaie unique, si l’on ne bâtit pas aussi la solidarité à travers des politiques régionales sectorielles et industrielles.
À défaut de nous engager sur ce chemin, nous sommes en train de préparer le repli national, comme nous l’avons déjà constaté aux dernières élections européennes. Si l’on ne va pas jusqu’au bout de la logique de la zone euro, les tenants du repli national auront tous les arguments en main, puisque les partisans de l’intégration européenne à l’intérieur de la zone euro auront renoncé à construire cette entité comme ils l’auraient dû.
C’est un moment de responsabilité extrêmement fort que nous vivons, mes chers collègues, et cela dépasse de loin la question de la discipline de vote au sein des groupes politiques. Ce sont les intérêts du pays qui sont en jeu, et les engagements que nous avons pris depuis un certain nombre d’années.
Si les résultats des dernières échéances électorales ne suffisent pas à éclairer la majorité et le Gouvernement sur ce qu’il convient de faire…
Mme Nicole Bricq. On a compris !
M. Gaëtan Gorce. J’en connais qui ne veulent pas entendre !
Rassurez-vous, mes chers collègues, je ne vais pas me répéter toute la soirée. J’essaye simplement de poser les termes d’un débat sur lequel nous devrions pouvoir avancer.
On peut considérer que le rôle de la représentation nationale est simplement de se prononcer par oui ou par non sur les amendements budgétaires tendant à modifier à la marge ou de façon importante telle ou telle disposition du projet de loi. Pourquoi pas ?
Pour ma part, je considère que, dans la situation où nous sommes, nous devrions engager un vrai débat économique, débat qui n’a pas eu lieu ni dans cet hémicycle ni à l’Assemblée nationale.
Je ne suis pas partisan de la position qui consiste à faire de la guérilla parlementaire par amendements. Mais il convient à tout le moins que les choses soient dites ici, car les Français qui nous ont élus nous regardent !
M. le président. Monsieur Collin, l'amendement n° 98 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par M. Delattre et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2 du I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 1 500 € » est remplacé par le montant : « 2 000 € » ;
2° À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 3 540 € » est remplacé par le montant : « 4 040 € » ;
3° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le montant : « 1 497 € » est remplacé par le montant : « 997 € » ;
4° À la première phrase du dernier alinéa, le montant : « 1 672 € » est remplacé par le montant : « 672 € ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Nous souhaitons, à travers cet amendement, revenir sur la baisse du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial - de 2 000 à 1 500 euros par demi-part -, une mauvaise décision prise dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014.
Pour nous, le quotient familial n’est pas vraiment une mesure sociale, mais plutôt un mécanisme de solidarité à l’égard des familles. À revenus comparables, le fait d’avoir des enfants limite en effet le niveau de vie. Nous considérons même que le quotient familial peut s’apparenter à un investissement d’avenir !
Naturellement, le coût d’une telle mesure est élevé - vous nous parlez de 1 milliard d’euros, monsieur le rapporteur général, mais vous nous dites aussi que vous voulez soutenir la croissance. Or, précisément, les familles qui ont des enfants dépensent et investissent, ne serait-ce que pour l’école.
Le groupe UMP juge donc que cette atteinte au quotient familial, non seulement est fort détestable, mais se révèle aussi économiquement très défavorable.
Tout le monde considère en effet que c’est une nécessité absolue de relancer la croissance pour commencer à réduire notre chômage.
Notre collègue Gaëtan Gorce a rouvert le débat sur la compétitivité. Les rapports sur la question sont connus. M. Gallois nous a laissé un rapport ; il est passé à autre chose depuis et occupe aujourd’hui un grand pose, mais, des trente mesures qu’il a préconisées, il n’en reste plus qu’une, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, dont nous attendons d’ailleurs de connaître les vrais chiffres, monsieur le rapporteur général. En réalité, nous savons très bien, notamment au regard des dépenses effectuées par la Banque publique d’investissement, la BPI, l’an dernier, que l’on sera loin d’atteindre les 20 milliards d’euros annoncés.
Notre collègue nous a interpellés en affirmant que, grâce à l’opposition, il retrouvait ses marques au parti socialiste !