M. Gaëtan Gorce. Et pourtant, c’est difficile !
M. Francis Delattre. Je lui conseillerais de consulter le rapport de la Cour des comptes, qui contient un graphique très intéressant sur l’évolution des dépenses publiques en France et en Allemagne depuis 2001. Je rappelle tout de même que cette date marque le passage de l’économie française aux trente-cinq heures… Ce n’est sans doute pas le seul facteur – on peut en discuter –, mais c’est incontestablement l’un des facteurs importants qui peuvent expliquer la situation.
En 2001, l’écart de nos deux pays en termes de part des dépenses publiques dans le PIB était de quatre points. Aujourd’hui, il est de douze points ! Or l’Allemagne a un taux de croissance et un solde du commerce extérieur bien meilleurs que les nôtres – la Cour des comptes établit d’ailleurs un parallèle entre dépenses publiques et croissance.
Si l’augmentation des dépenses publiques a donc un effet sur la croissance, monsieur Gorce, on peut raisonnablement se demander dans quel sens !
Quoi qu’il en soit, cet amendement vise à rétablir un quotient familial décent pour aider les familles à élever leurs enfants.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Excellent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je suis surpris d’entendre notre collègue Francis Delattre se faire subitement le défenseur d’une relance par la consommation, une position qui vient complètement contredire celle qu’il a pu soutenir jusqu’à présent !
Quoi qu’il en soit, cette mesure reviendrait à priver les comptes de l’État de 1 milliard d’euros de recettes. Nous ne saurions donc y souscrire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ajouterai aux arguments du rapporteur général que nous n’avons pas supprimé le quotient familial, comme nous l’entendons trop souvent. Nous en avons simplement abaissé le plafond.
Cette diminution du plafond a été instaurée pour assurer l’équilibre de la branche famille et pour respecter une idée qui, me semble-t-il, fait consensus, celle de l’universalité des allocations familiales. On peut rouvrir le débat, mais la consultation engagée à l’époque avait plutôt exclu de faire dépendre ces allocations du revenu ou de les assujettir à l’impôt, deux options qui étaient sur la table.
En conséquence, je rejoins le rapporteur général : l'avis du Gouvernement est défavorable e je souhaite que le Sénat repousse cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. On ne peut pas dire, monsieur le rapporteur général, que nous n’avons pas un problème de croissance dans ce pays, et que la consommation des ménages n’est pas un facteur qui contribue à une meilleure croissance, comme d’ailleurs les investissements des entreprises. Il s’agit des deux principaux moteurs de la croissance.
Nous pensons pour notre part que ce relèvement du plafond du quotient familial est mieux ciblé qu’un certain nombre de vos mesures. En effet, les familles ont des besoins ; elles vont donc dépenser, et non thésauriser. Et cela doit être valable à Brest comme dans toute la France !
M. le président. L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 4 du I de l'article 197 du code général des impôts, le montant : « 508 € » est remplacé par le montant : « 514 € ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Dans la lignée de l’amendement n° 98 rectifié, cet amendement vise à renforcer les mesures en faveur des ménages modestes.
Plusieurs dispositions importantes ont déjà été adoptées dans les textes budgétaires précédents. Nous avons ainsi voté, dans le projet de loi de finances pour 2014, la fin du gel du barème de l’impôt sur le revenu et la revalorisation des seuils du revenu fiscal de référence, qui détermine, comme chacun le sait, un grand nombre d’abattements et d’exonérations.
La décote qui permet de réduire les effets de seuil liés à l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu pour les ménages modestes a été revalorisée de 9 % en 2013, puis de 5,8 % en 2014. Elle est ainsi passée de 480 à 508 euros.
Ces mesures sont tout à fait essentielles, et témoignent de la priorité accordée par le Gouvernement et la majorité aux plus défavorisés.
Avec cet amendement, nous proposons d’accentuer cet effort en augmentant à nouveau la décote de l’impôt sur le revenu, qui passerait de 508 à 514 euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement.
Nous avons pris note que le Gouvernement avait décidé de procéder successivement à deux revalorisations exceptionnelles de la décote : une revalorisation de 9 % en 2013 et une revalorisation de 5,8 % en 2014, c’est-à-dire bien au-delà de l’inflation. Cette dernière revalorisation représente une rétrocession de pouvoir d'achat de 193 millions d'euros pour l’année 2014.
Au vu de ces deux revalorisations, ainsi que des autres mesures prises en faveur des ménages modestes – le dégel du barème et la revalorisation des seuils de l’impôt sur le revenu, la réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu prévue par le projet de loi de finances rectificative, la baisse des charges sociales, etc. –, je suggère le retrait de cet amendement, dont l’adoption aurait un coût important pour les finances publiques ; à défaut, je ne pourrai qu’y être défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Encore une fois, le Gouvernement rejoint totalement l’avis du rapporteur général, qui a énuméré les mesures d’ores et déjà adoptées par le Parlement. Monsieur le sénateur, vous avez vous-même rappelé, dans la présentation de votre amendement, que la décote avait déjà été fortement réévaluée par les deux dernières lois de finances.
La mesure prévue par l’article 1er, que le Sénat vient d’adopter, est suffisante. Le coût supplémentaire de la nouvelle surréévaluation de la décote que vous proposez ne serait pas admissible. Nous avons calibré notre action : la réduction d’impôt sur le revenu complète les mesures adoptées en loi de finances initiale. Il n’y a donc pas lieu d’adopter cet amendement ; s’il n’était pas retiré, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Collin, l'amendement n° 101 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 101 rectifié est retiré.
L'amendement n° 100 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Fortassin, C. Bourquin et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du 1° de l’article 81 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces dispositions ne s’appliquent qu’aux journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux dont le revenu brut annuel n’excède pas 62 340 €. »
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le secrétaire d'État, vous n’avez pas aimé mes deux premiers amendements, mais vous allez adorer celui-ci… (Sourires.)
En effet, il s’agit cette fois de réaliser des économies, en limitant le bénéfice d’une niche fiscale dans un souci de justice et d’équité. Je tiens à préciser que notre Haute Assemblée a déjà adopté un amendement identique dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.
L’article 81 du code général des impôts prévoit un abattement permettant aux journalistes et à d’autres professionnels, comme les critiques musicaux ou les photographes, d’affranchir de l’impôt leurs rémunérations jusqu’à 7 650 euros. Nous proposons de réserver le bénéfice de cette exonération aux seuls journalistes et autres professionnels concernés dont la rémunération n’excède pas 62 340 euros bruts annuels, soit 4 000 euros nets par mois. Cette mesure poursuit un double objectif de justice fiscale et d’économie, pour contribuer au redressement de nos finances publiques.
C’est pourquoi je vous invite à confirmer le vote intervenu cet automne en adoptant le présent amendement, et avec enthousiasme ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à réserver le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu en faveur des journalistes aux seuls journalistes dont le revenu mensuel est inférieur à 4 000 euros nets.
Un amendement identique avait effectivement été adopté par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. À l’époque, j’avais indiqué que je comprenais tout à fait la préoccupation, légitime, des auteurs de l’amendement et j’avais émis un avis de sagesse.
Cependant, il faut rappeler que la mesure proposée aboutirait à réserver la déductibilité des frais professionnels à certaines catégories de journalistes, ce qui semble difficilement justifiable en droit. Elle susciterait également des effets de seuil assez forts. Enfin, il ne faut pas oublier que la dépense fiscale visée par l’amendement constitue une forme d’aide à la presse, cette presse dont chacun connaît les difficultés actuelles.
Pour ces trois raisons, je préconise le retrait de cet amendement ; la commission des finances a émis le même avis ce matin.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement estime que la mesure proposée est contraire au principe d’égalité devant les charges publiques. En effet, l’amendement consiste à réserver la modalité particulière de prise en charge des frais professionnels des journalistes à une partie seulement d’entre eux.
Vous proposez qu’elle ne soit accordée que sous condition de ressources. À notre sens, cela introduirait une rupture d’égalité devant les charges publiques. La fragilité constitutionnelle de la mesure nous paraît donc évidente.
Je vous suggère de retirer votre amendement ; à défaut, je souhaite que le Sénat le repousse.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Par nature, les écologistes ne sont pas favorables aux privilèges ni aux niches fiscales. Cependant, il est extrêmement important de rappeler la situation de la presse dans ce pays.
Nous comptons environ 37 000 journalistes détenant une carte de presse. De plus en plus de personnes appartenant à l’univers journalistique sont au chômage, en situation précaire. Depuis le milieu des années 2000, le nombre de journalistes régresse, alors que le nombre de supports d’information augmente, notamment grâce au développement des nouveaux médias, comme Internet.
Bref, la richesse et la qualité de l’information sont en train de disparaître. Pour animer les sites d’information, il y a moins de journalistes professionnels et plus de gestionnaires de contenu, qui n’ont pas de formation, qui font ce que l’on appelle du desk, de la compilation d’informations déjà publiées.
Dans l’univers des aides à la presse, dont on peut contester le montant ainsi que certains choix, l’exonération d’impôt des journalistes est l’une des rares qui soutiennent le volume et la qualité journalistiques. Cet avantage fiscal permet indirectement de proposer des salaires intéressants et donc d’employer des personnes de qualité ; il est particulièrement utile aujourd'hui, compte tenu de la situation économique difficile des entreprises de presse, et notamment de la presse quotidienne, celle qui emploie le plus de journalistes.
La Cour des comptes évalue à 60 millions d'euros le coût de cette niche fiscale. L’amendement vise à exclure du dispositif les journalistes dont le revenu mensuel est supérieur à 4 000 euros nets. J’ai fait le calcul : 13 % des journalistes seraient concernés. L’économie n’atteindrait pas 60 millions d'euros, mais, toujours d’après mes calculs, au maximum 8 à 10 millions d'euros. Il s’agirait donc d’une économie relativement secondaire.
Je ne serais pas hostile à une mesure progressive. En revanche, il faut éviter les politiques de stop and go. Outre le problème de la rupture d’égalité, la mesure proposée créerait des effets de seuil problématiques. Dans une rédaction, les personnes qui gagnent plus de 4 000 euros par mois, ce sont le rédacteur en chef et les rédacteurs en chef adjoints, ou des journalistes de plus de cinquante ans, qui ont trente ans d’expérience et dont l’évolution salariale est souvent liée à l’ancienneté. Avec la mesure proposée, tous ces gens perdraient du revenu net en franchissant la barre des 4 000 euros par mois. (M. Éric Doligé s’exclame.)
Il faut tenir compte des équilibres économiques du secteur.
Je rappelle en outre que, si la presse d’information relève du secteur privé, elle n’en remplit pas moins une mission de service public, celle d’assurer le pluralisme.
Alors, non, on ne joue pas avec ce type de niche !
Un travail de réforme des aides à la presse a été entamé. Je pense sincèrement qu’il faut maintenir les aides qui incitent à embaucher des personnes de qualité. Avant la qualité de l’impression, de la diffusion et du marketing d’un support de presse, le premier élément important est la qualité et la richesse de sa rédaction.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera contre l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je voudrais dire à notre excellent collègue Yvon Collin que son initiative est tout à fait méritoire et utile, mais que son amendement, tel qu’il est libellé, peut sans doute se heurter à certains obstacles.
Il me semble que nous avons là un exemple type de ce que peut produire un système comme le nôtre, rongé par tant et tant d’exceptions et de dépenses fiscales, de niches, en d’autres termes. Nous savons bien que ce système de niches ne va pas pouvoir durer très longtemps, parce que chacune provient de démarches professionnelles, corporatives, d’intérêts bien regroupés qui se sont fait valoir auprès de la puissance publique et ont obtenu ceci ou cela au fil du temps.
En ce qui concerne nos amis journalistes, il s’agit, si je ne me trompe, d’un régime de déduction forfaitaire. Si M. le secrétaire d'État a répondu qu’il pouvait y avoir un problème d’égalité devant l’impôt, c’est peut-être parce que la création d’une barrière empêchant certains journalistes, à raison de leurs revenus, de bénéficier d’une déduction forfaitaire de leurs frais professionnels peut se heurter à cette question de principe.
En revanche, si ce n’était pas un régime de calcul forfaitaire des frais professionnels, mais un autre procédé, il serait possible, me semble-t-il, d’établir une distinction en fonction des revenus. Il doit exister bien des précédents de régimes fiscaux privilégiés assortis d’un plafond de revenus. À cet égard, je comprends la démarche de nos collègues du RDSE.
Monsieur le secrétaire d'État, je profite de cet amendement pour vous demander si vous avez réellement l’intention d’entrer dans une démarche de plafonnement de la dépense fiscale. En effet, plus on regarde chacune des niches l’une après l’autre, plus on se convainc qu’il est impossible de changer quoi que ce soit. Ne serait-il pas temps d’entrer dans une démarche d’évaluation de la dépense fiscale, dans une démarche de maîtrise puis de réduction de la dépense fiscale par le plafonnement de ses effets, afin de mieux gérer le solde des finances publiques ?
Ou alors pensez-vous que notre rôle soit de nous livrer, dans ce théâtre d’ombres, à un débat comme celui-ci, qui se conclut généralement de la même façon, c'est-à-dire par le retrait de l’amendement, non sans avoir permis aux intervenants de montrer à la fois leur souci de la maîtrise des finances publiques et leur compréhension amicale pour la corporation concernée ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Les amendements de ce type revenant tous les ans, mais en vain, il serait plus judicieux de ne plus jamais parler de la niche fiscale des journalistes !
Chaque année, quelques essais sont tentés pour voir si l’on peut y toucher, mais, finalement, on assiste à un repli généralisé, car on a bien compris qu’il ne fallait pas toucher à cette corporation, pour des raisons diverses et variées. Notre collègue du groupe écologiste a donné les siennes ; d’autres ont donné les leurs.
Cela fait vingt ans que j’entends parler de cette niche, et cela fait vingt ans que l’on recule systématiquement devant toute évolution !
À mon sens, il serait donc plus raisonnable qu’on n’en parle plus jamais, en considérant comme établi budgétairement qu’il y a une niche fiscale pour cette catégorie-là. Ainsi, il serait permis de toucher aux avantages de certaines catégories, mais les journalistes feraient partie des intouchables. Les choses seraient claires, sans avoir à parler de préférence pour telle ou telle catégorie. La règle serait fixée: on ne touche pas à cette niche fiscale, et l’on n’en parle plus !
M. Yvon Collin. Monsieur le président, je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 100 rectifié bis est retiré.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je ne m’étais pas trompé ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article premier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 2 bis de l’article 81 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … – Les majorations de retraite ou de pension pour charges de famille ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Nous ne pensons pas que c’est en mettant plus lourdement à contribution celles et ceux, surtout celles, d’ailleurs, qui ont mené de pair vie professionnelle et vie familiale que nous parviendrons à résoudre les difficultés budgétaires de l’État, d’autant qu’il y a des dépenses sur lesquelles nous ne sommes pas regardants…
À nos yeux, le gel des retraites dont le montant est supérieur à 1 200 euros, voté dernièrement au Palais-Bourbon, n’est pas une bonne mesure, à l’heure où nous aidons le grand patronat à coups de milliards !
Aujourd’hui, le problème n’est pas tant que le niveau des retraites ait progressé plus vite que celui des salaires, mais bien plutôt que les salaires soient aussi bas.
L’objet de cet amendement est donc de rendre du pouvoir d’achat aux ménages, salariés et retraités, singulièrement aux plus modestes et à ceux qui n’ont toujours vécu que du produit de leur travail, ce qui passe par une remise en question de dispositions inéquitables prises récemment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement, qui coûterait plus de 1 milliard d’euros s’il était voté. De plus, il s’agit d’une mesure anti-redistributive.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Foucaud, vous ne souhaitez tout de même pas recommencer l’exercice de la loi de finances initiale pour 2014…
Évidemment, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
D’ailleurs, vous avez parlé d’une disposition qui ne figure pas dans le texte que nous examinons aujourd’hui, puisque le gel des pensions relève du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, alors que votre amendement a pour objet de revenir sur une autre mesure.
J’en profite pour répondre au président de la commission des finances sur le problème des niches. Nous venons d’en évoquer une, mais il y en a d’autres concernant les pensions qui sont régulièrement mises en avant par la Cour des comptes, laquelle est abondamment citée ce soir.
Oui, monsieur Marini, le Gouvernement entend bien plafonner les niches. Il l’a d’ailleurs déjà fait, ce qui a, me semble-t-il, provoqué un certain émoi, notamment lorsque nous avons introduit le plafond de 10 000 euros.
Le Gouvernement a également fait évoluer, et j’espère que nous pourrons aller encore plus loin, les dispositifs de défiscalisation outre-mer, que vous connaissez bien.
Nous avons fait bouger les choses et nous comptons bien poursuivre dans cette voie. À cet égard, il ne vous aura pas échappé, à la lecture des derniers chiffres publiés, que, si les dépenses fiscales n’ont pas diminué, elles n’augmentent pas non plus. En effet, nous sommes autour de 70 milliards d’euros pour l’ensemble des niches. Encore faudrait-il s’entendre sur la signification du terme et l’étendue de la notion, puisque, là aussi, les discours et les analyses sont très controversés.
Je pense notamment à l’abattement pour frais de 10 % sur les pensions et retraites que la Cour des comptes classe régulièrement comme la principale niche fiscale. En effet, autant l’application de cette mesure pour les frais professionnels des actifs peut se concevoir, autant, pour les retraités, c’est plus discutable. La Cour des comptes considère en tout cas qu’il s’agit d’une niche fiscale, et il y en a bien d’autres, d’ailleurs.
En tout état de cause, monsieur Marini, soyez rassuré, le Gouvernement a l’intention de poursuivre le plafonnement des niches et de la dépense fiscale.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement, en raison également de son coût, qui vient d’être rappelé par M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Merci beaucoup, monsieur le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il n’y a pas de possibilité de retour de la confiance sans justice. C’est la raison pour laquelle l’article 1er va dans le bon sens en permettant de redonner un peu de pouvoir d’achat à ceux qui avaient été le plus mis à contribution depuis 2010, en particulier au fil des collectifs budgétaires successifs de la fin du gouvernement Fillon. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
C’est une bonne chose que cet article ait été voté par le Sénat à l’instant,…
M. Francis Delattre. Il a mis du temps, tout de même !
M. Jean-Yves Leconte. … M. le rapporteur général ayant bien montré qu’il tendait à redonner de pouvoir d’achat aux Français les plus touchés par les mesures précédentes.
Toutefois, je profite de la discussion de l’amendement de nos collègues communistes pour réagir à certaines prises de position que j’ai entendues lors de nos débats.
Chers collègues, comme s’il y avait des Français qui payaient l’impôt et d’autres qui ne le payaient pas ! Mais tout le monde le paie, car toute personne vivant sur notre territoire et disposant d’un revenu de son travail est soumise à des prélèvements obligatoires, CSG et impôt sur le revenu. Tous les travailleurs sont au moins assujettis à la CSG, qui est quasiment une flat tax.
Par ailleurs, lorsque l’on compare nos prélèvements sur le revenu avec ceux de nos voisins européens, il faut bien avoir en tête que ce dispositif combiné de la CSG et de l’impôt sur le revenu est unique, les autres pays ne connaissant pas un tel système. Il faut donc procéder aux comparaisons en tenant compte de cette spécificité. Aussi, lorsque j’entends, en particulier sur les travées de l’UMP, qu’une bonne partie des gens ne participent pas à la solidarité nationale parce qu’ils ne paient pas d’impôt sur le revenu, je m’inscris en faux !
M. Francis Delattre. Personne n’a dit cela sur les travées de l’UMP !
M. Jean-Yves Leconte. Vous l’avez dit en expliquant que la mesure prévue à l’article 1er n’était pas bonne et qu’il fallait au contraire donner du pouvoir d’achat à ceux qui payaient un peu plus d’impôt sur le revenu.
M. Francis Delattre. Non, ne dites pas n’importe quoi !
M. Jean-Yves Leconte. Les différents amendements présentés montrent que cette combinaison CSG-impôt sur le revenu n’est plus acceptable lorsque nous essayons tous de trouver le moyen d’aider les Français les plus fragiles, les plus modestes, qui sont à la lisière de l’impôt sur le revenu, mais paient tout de même de la CSG.
Il est bien évidemment impossible de réaliser une telle réforme à l’occasion d’un collectif budgétaire, mais, si nous voulons réellement redonner du pouvoir d’achat à l’ensemble des Français, en particulier aux plus modestes, il est important de lancer cette réflexion sur une CSG qui serait non plus une sorte de flat tax, mais une contribution légèrement progressive, du moins au début.
En tout cas, il faut, sans nuire à la facilité de la collecte de cette CSG, permettre aux plus modestes qui travaillent, et qui paient des prélèvements obligatoires en conséquence, de bénéficier d’une certaine progressivité. De cette manière, nous pourrions éviter le retour de ces amendements portant sur des niches fiscales qui montrent que notre système est à bout de souffle !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Pour compléter ce qui vient d’être dit, peut-être faudrait-il rappeler les politiques d’allégement du coût du travail lancées à l’automne 1993, quelques mois après la réforme des retraites, notamment avec la loi quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, la loi TEPA.
Cette politique n’a finalement jamais cessé de prendre de la vigueur depuis.
Pour rappel, à l’époque, on avait dépensé 1 milliard d’euros pour alléger les charges supposées des entreprises. Aujourd’hui, cette dépense fiscale atteint, mon cher collègue, 30 milliards d’euros. Peut-être auriez-vous dû rappeler cette somme, que le CICE ne fera qu’alourdir…
À cet égard, il serait intéressant de calculer le rapport entre cette subvention annuelle et les quelque 800 000 emplois mal payés créés : à mon sens, mes chers collègues, c’est un peu cher, ce qui devrait vous faire prendre conscience de la nécessité de réviser vos politiques, si l’on en juge au niveau moyen des pensions.
Rétablir la non-imposition des majorations des pensions est, me semble-t-il, la moindre des choses que nous puissions faire.
Dans le contexte historique récent, je pourrais aussi rappeler les réformes des retraites, à commencer par celle de Balladur en 1993, puis la réforme, que l’on a appelée « Fillon I », de 2003, et, enfin, la « Fillon II », de 2010, lesquelles ont également tendu à comprimer le montant des pensions des classes de population très nombreuses, et très expérimentées, qui ont quitté le monde du travail au début du XXIe siècle.
La vérité commande de dire que, sans les réformes Balladur, Fillon et autres, le montant moyen des pensions aurait été plus élevé.
Je le répète, ce qui a été voté dernièrement au Palais-Bourbon n’est pas de bonne politique et n’aidera pas à régler les problèmes budgétaires du pays. C’est pourquoi il faut revenir sur cette mauvaise décision.