M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Pour lutter contre les inégalités scolaires, ce gouvernement a créé, depuis la rentrée 2012, environ 22 000 postes d’enseignant, permettant de renforcer les RASED dans les secteurs qui en ont le plus besoin et qui avaient été particulièrement touchés par les suppressions décidées par la précédente majorité.
Cet effort sera poursuivi lors des prochaines rentrées, notamment dans les secteurs scolarisant les élèves les plus fragiles. Le Gouvernement, dans le cadre des discussions sur les métiers de l’éducation nationale, a redéfini, pour les conforter, les missions des membres des RASED, c’est-à-dire celles des maîtres E, des maîtres G et des psychologues scolaires. De même, pour définir les modalités de fonctionnement des RASED, une circulaire est en cours de rédaction.
Plus globalement, dans le cadre de la refondation de l’école, la scolarité a été recentrée sur les apprentissages fondamentaux et nous avons réaffirmé notre volonté de mieux préparer les enseignants en leur donnant de nouveau une formation digne de ce nom, à travers les écoles supérieures du professorat et de l’éducation – nous avons fait un bilan de cette formation tout récemment dans cet hémicycle.
Par ailleurs, un travail visant à mieux coordonner les activités pédagogiques complémentaires et le dispositif « plus de maîtres que de classes » est engagé par le ministère afin de permettre aux enseignants de traiter eux-mêmes un certain nombre de difficultés d’apprentissage.
Comme vous l’avez souligné, ces dispositifs ne sont cependant pas suffisants et doivent être complétés par l’intervention des enseignants spécialisés quand les difficultés scolaires ou comportementales l’exigent.
S’agissant de vos interrogations sur la situation en Seine-et-Marne, je souhaite vous apporter les informations suivantes.
Depuis la rentrée 2012, chacune des vingt-quatre circonscriptions du département comporte un réseau d’aides spécialisées composé de quatre à cinq psychologues scolaires, trois à quatre enseignants spécialisés option E, deux enseignants spécialisés option G afin de répondre aux besoins nouvellement identifiés.
La répartition des emplois réalisée en 2012 a été reconduite, dans l’intégralité des postes, à la rentrée 2013.
Par ailleurs, les missions d’une partie des enseignants spécialisés option G ont été réorientées vers l’accompagnement des élèves manifestant des troubles du comportement. En préparation de la rentrée 2014, bien que le département compte 165 enseignants titulaires d’une option E ou G, vingt-six postes d’enseignants affectés en RASED – vingt-deux en option E et quatre en option G – restent à nouveau vacants à l’issue du mouvement.
De plus, à la rentrée 2014, sur la base des moyens implantés, une nouvelle circonscription a été créée et elle sera dotée d’un poste E et d’un poste de psychologue, afin d’améliorer encore la prise en charge des élèves qui connaissent les plus grandes difficultés.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, mais je vous avouerai que je reste un peu sur ma faim. C’est, du reste, habituel lorsque j’aborde la question de l’éducation en Seine-et-Marne, tant le retard pris dans ce département est considérable. Je pense notamment aux taux d’encadrement à l’école primaire, mais on pourrait également évoquer les problèmes qui sont de votre ressort : l’enseignement supérieur en Seine-et-Marne connaît également de grandes difficultés.
Aujourd'hui, on se contente de tenir compte de ces retards accumulés, mais je ne vois pas, dans vos propos, cette détermination qui serait nécessaire pour que l’on s’attaque réellement à la situation. Il n’y a pas de véritable amélioration du taux d’encadrement dans ce département. Comme je l’ai dit, la tendance s’est inversée depuis trois ans, puisque, auparavant, malgré la situation que je viens de décrire, on fermait des postes. Je prends acte du fait que des postes ont été créés depuis trois ans, toutefois leur nombre reste tout à fait insuffisant.
Je le constate, la directrice académique de ce département considère que l’urgence consiste à mettre des enseignants dans les classes ; or les RASED n’apparaissent pas comme une grande priorité de ce point de vue-là. Par conséquent, les enseignants doutent et hésitent à se positionner dans les RASED, ce qui a pour effet que certains postes créés ne sont pas pourvus.
J’ai déjà interpellé le ministre le 29 octobre dernier sur la nécessité de gestes forts au sein de l’académie de Créteil en direction du département de Seine-et-Marne pour redonner confiance aux enseignants. Malheureusement, la dotation qui a été accordée ne va pas, selon moi, dans ce sens, et je fais le même constat en ce qui concerne l’action du Gouvernement pour les RASED.
Or, si l’on ne redonne pas confiance aux enseignants dans ce dispositif d’aides spécialisées, nous continuerons, d’année en année, à constater des carences, mais ce sont les enfants qui en sont les premières victimes !
lutte contre le sida et prise en charge des personnes vivant avec le virus du sida à mayotte
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, auteur de la question n° 808, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je souhaite en effet attirer l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la problématique de la lutte contre le sida et de la prise en charge des personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine à Mayotte.
Il n’existe pas, dans ce département, d’actions médiatiques d’envergure sur la prévention du VIH-sida et, plus généralement, des infections sexuellement transmissibles. L’ignorance, le tabou et le poids de la stigmatisation n’incitent pas la population à se protéger ni les personnes infectées à se faire dépister ou soigner.
Si les données épidémiologiques sont très partielles, il semblerait néanmoins que la prévalence du VIH soit sous-évaluée. Les pressions migratoire et démographique auxquelles Mayotte fait face sont autant de facteurs susceptibles d’augmenter les chiffres avancés aujourd’hui pour ce département.
Par ailleurs, les personnes vivant avec le VIH ne bénéficient pas de la même qualité de soins qu’en France métropolitaine, ni même à La Réunion, qui partage pourtant l’agence régionale de santé avec Mayotte. Il n’existe pas à Mayotte de médecins spécialistes, pas d’hôpitaux de jour, pas d’éducation thérapeutique, pas de prise en charge pluridisciplinaire.
La seule association mahoraise recensée ne peut répondre à toutes les demandes d’accompagnement formulées par le service infectieux.
Je souhaite, madame la secrétaire d’État, connaître l’état d’avancement des actions préconisées pour Mayotte par le plan national de lutte contre le VIH et les IST pour 2010-2014 en direction des populations d’outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Marisol Touraine, qui ne peut être présente ce matin et qui m’a chargée de la suppléer.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour lutter contre le sida et prendre en charge les personnes qui sont atteintes par ce virus. Cette mobilisation doit être identique sur l’ensemble du territoire national.
À Mayotte, la file active de personnes vivant avec le VIH est évaluée à 160 patients. La prise en charge de ces patients est essentiellement hospitalière.
L’incidence du VIH paraît stable depuis 2009. Le taux de découverte de la séropositivité est de l’ordre de 11 à 12 pour 100 000 habitants. Une mobilisation en éducation pour la santé et en prévention a été entamée depuis de nombreuses années à Mayotte, notamment grâce à des opérateurs de terrain qui pratiquent une prévention globale, comme, par exemple, les espaces de solidarité de la Croix Rouge française qui apportent une aide alimentaire, délivrent des conseils nutritionnels et diffusent des kits d’hygiène avec préservatifs.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que l’information épidémiologique est partielle. C’est pourquoi l’agence régionale de santé de l’océan Indien a fait de l’observation de l’état de santé des habitants de Mayotte et des facteurs qui déterminent celui-ci l’une de ses priorités.
Pour aller plus loin, elle va installer prochainement une équipe « études et statistiques » à Mayotte qui travaillera avec l’ensemble des acteurs.
Par ailleurs l’agence régionale de santé de l’océan Indien a œuvré pour créer un comité de coordination régionale de la lutte contre le VIH, le COREVIH-océan Indien. Cette création permettra une gestion informatisée des statistiques de suivi des personnes vivant avec le virus.
Concernant la prise en charge médicale, je tiens à vous indiquer que les patients bénéficient, à Mayotte comme à La Réunion, des mêmes protocoles que ceux qui sont appliqués en métropole. Par ailleurs la convention signée entre le CHU et le centre hospitalier de Mayotte en 2013 vise à renforcer l’échange entre les professionnels. Le COREVIH – Réunion-Mayotte favorisera formations et échanges de pratiques entre les îles ; la création d’un personnel commun travaillant sur les dossiers des patients des deux départements doit permettre de rapprocher les pratiques médicales.
Concernant la prévention, enfin, plusieurs actions sont en cours de déploiement, telles que la diffusion des nouvelles méthodes de dépistages ciblés, notamment les tests rapides d'orientation diagnostique, ou TROD, l’éducation pour la santé, avec la mise en place d’une politique concertée communautaire, et la lutte contre les violences sexuelles.
L’ARS et le vice-rectorat ont signé une convention le 25 avril 2014 qui assurera, dès la rentrée scolaire de septembre, une coordination des actions de prévention en établissement scolaire.
Un projet de convention avec les autorités du droit coutumier sur leur participation active à des messages de prévention chaque semaine est en cours d’écriture. Ces messages seront relayés dans des lieux aussi divers que possible ; les mosquées se sont engagées à les diffuser.
Enfin, deux associations ont demandé une habilitation pour la mise en œuvre d’un dépistage ciblé auprès des adolescents « à risque » ainsi que des prostituées.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, à Mayotte comme en métropole, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour lutter efficacement contre le sida, pour accentuer les actions de prévention auprès des publics considérés comme les plus à risque et permettre un accompagnement de qualité des personnes qui vivent avec le virus du sida.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de vos réponses.
Comme vous l’avez rappelé, la prise en charge des patients atteints du VIH doit se faire à Mayotte comme partout ailleurs dans notre pays. Vous avez annoncé qu’un certain nombre de mesures seraient prises : la réalisation d’études statistiques – il faut commencer pour là –, la création d’un comité de coordination ou encore la préparation d’un projet de convention entre différents partenaires.
En espérant que les mesures verront rapidement le jour, je préfère m’arrêter sur ces annonces, qui suffisent à démontrer que, pour l’instant, la prise en charge des patients atteints du VIH n’est pas la même à Mayotte que dans les autres départements de France et de Navarre.
J’ai bien pris note de ce que vous venez d’annoncer. Je serai vigilant quant aux suites qui y seront données.
élections départementales dans les trois départements de la petite couronne
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 751, transmise à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, ma question porte en effet sur la date des élections départementales dans les trois départements de la petite couronne.
Lorsque j’ai déposé cette question orale, il y a deux mois, le Président de la République venait d’annoncer la fusion et donc la disparition des départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine. Cette annonce intervenait elle-même quelques semaines seulement après le vote, dans la douleur, de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui prévoit la création de la métropole du Grand Paris, et quelques mois seulement après le vote d’une autre loi qui prévoit, elle, que chaque canton élira désormais un binôme de conseillers départementaux.
Cette annonce du Président de la République a été une surprise de taille pour nous tous, et je prends à témoin en cet instant les trois sénatrices de la région parisienne présentes.
Le Président de la République annonçait en même temps un nouveau projet de loi de décentralisation comportant des dispositions pour les départements qui entrent dans le giron des métropoles.
Depuis, l’actualité a été rythmée par une succession d’annonces. Il en ressort que les départements de la petite couronne ne sont plus les seuls concernés, le Président de la République ayant décidé la suppression de tous les départements en 2020.
Les conseillers généraux des trois départements de la petite couronne demeurent dans un flou aussi important qu’il y a deux mois, et ce à un an – ou à dix-huit mois, car on ignore même la date du scrutin – des élections départementales, dont les modalités de scrutin et les circonscriptions ont déjà été modifiées.
À cela s’ajoute la mise en place de la métropole du Grand Paris, prévue pour le 1er janvier 2016.
Les élus des départements de la petite couronne, en particulier ceux du Val-de-Marne, dont je suis la porte-parole, voudraient sortir de l’expectative.
Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement a-t-il décidé de mettre fin au mandat des conseillers généraux actuels en mars 2015, ou ce mandat sera-t-il prorogé jusqu’au 1er janvier 2016, c'est-à-dire jusqu’à la création de la métropole du Grand Paris, ou bien encore les mandats des conseillers généraux des départements de la petite couronne seront-il renouvelés avec ceux des autres départements jusqu’en 2020, la création de la métropole du Grand Paris étant censée faire disparaître ces départements ?
Enfin, la réforme territoriale qui nous sera bientôt présentée comportera-t-elle des dispositions spécifiques pour ces trois départements ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord d’excuser le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui est retenu par des engagements impérieux. Il se prépare notamment à donner des informations plus précises concernant la réforme territoriale. Nous en prendrons tous connaissance demain ; votre question est donc tout à fait pertinente, mais un peu prématurée.
Vous interrogez le Gouvernement sur le devenir des départements, singulièrement de ceux de la petite couronne parisienne.
Vous le savez, lors du conseil des ministres du mercredi 18 juin – demain, donc –, le ministre de l’intérieur et la ministre de la décentralisation et de la fonction publique présenteront respectivement un projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, et un projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Sans dévoiler le contenu de ces deux projets de loi, dont vous pourrez prendre connaissance dès demain, je peux d’ores et déjà vous indiquer que ces deux textes s’inscrivent dans le cadre modernisateur annoncé par le Président de la République et confirmé par le Premier ministre. Ces réformes ont en effet pour ambition de transformer pour plusieurs décennies l’organisation de la République, afin de la faire mieux vivre au service des citoyens.
Ainsi la création de régions agrandies et plus efficaces, dont le nombre est ramené à quatorze, s’inscrit-elle dans un objectif de modernisation de notre organisation et de rationalisation du territoire. L’intérêt général et les volontés de coopération entre territoires ont été pris en compte dans le dessin de la nouvelle géographie régionale.
J’ajoute, en tant que secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, que trois regroupements universitaires ont déjà anticipé les futurs regroupements interrégionaux ; un quatrième a quant à lui anticipé un regroupement qui aura peut-être lieu un jour – qui sait ? – dans l’ouest du pays…
Afin d’assurer la sincérité du scrutin et de conserver la tradition qui veut que l’on ne modifie pas les contours des circonscriptions trop peu de temps avant la tenue du scrutin, les élections départementales et régionales seront reportées. Pour tenir compte de la nouvelle délimitation des régions, effective en janvier 2016, la date des élections sera fixée à la fin de l’année 2015.
Notre réforme territoriale est ambitieuse et réfléchie. Nous ne voulons pas de bricolage institutionnel. Nous préparons une réforme d’envergure, une réforme « radicale », comme l’a rappelé le chef de l’État, qui nécessite un dialogue. La concertation, l’accompagnement, la préparation doivent en effet permettre de modifier en profondeur, mais de manière progressive, le contexte territorial.
Vous le voyez, madame la sénatrice, la réforme que le Gouvernement prépare est marquée du sceau de l’efficacité, de la solidarité et de l’équilibre. Je suis persuadée qu’elle saura trouver, au-delà des travées de la majorité, des défenseurs honnêtes qui sauront prendre le train de la modernité et de la réussite, au service de nos concitoyens et, surtout, de l’intérêt général des territoires. Je ne doute pas que vous en serez, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de m’avoir communiqué la réponse du ministre de l’intérieur. Vous me dites que nous aurons la réponse demain. Il y a deux mois, on ne l’avait pas ! Le 18 juin est un jour important pour nous, gaullistes, mais je doute que l’annonce de demain soit de l’importance de l’Appel. En tout cas, j’espère que nous aurons enfin une réponse pour les trois départements de la petite couronne, qui sont aujourd’hui dans une situation particulière.
Nous nous posons des questions très pragmatiques, par exemple au sujet des engagements de dépenses. Vous savez bien que tous les élus doivent comptabiliser un an à l’avance leurs dépenses de communication et de publicité, et s’interdire un certain nombre de choses. Ils ont besoin de savoir s’ils peuvent continuer à prendre certaines initiatives. On ne connaît toujours pas les circonscriptions, des recours ayant été déposés. Bref, on ne sait absolument pas où l’on en est et la situation est donc très compliquée.
Il y a des problèmes pour les départements ruraux, compte tenu des distances, mais je pense que la plupart en sont conscients. On ne peut en dire autant s'agissant de la région parisienne et plus particulièrement des départements de la petite couronne, dans lesquels on va créer des intercommunalités de 300 000 habitants et la métropole du Grand Paris, et dont on a annoncé, quinze jours ou trois semaines après le vote de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qu’ils allaient bientôt disparaître. Vont-ils disparaître en 2016 ou en 2020 ? Va-t-on élire des conseillers départementaux qui seront des intermittents de la politique pendant six, ou même trois mois si les élections ont lieu en octobre ? Pourquoi élire des conseillers départementaux qui vont disparaître au bout de trois mois ?
Nous attendons des réponses. C’est important pour les élus. C’est important aussi pour les citoyens. C’est important enfin pour les villes, qui doivent organiser les élections.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Charles Guené.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Candidats aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette »
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues (proposition n° 418, texte de la commission n° 611, rapport n° 610).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi.
M. Philippe Bas. Excellente proposition de loi !
M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà un peu plus d’un an, le Parlement adoptait la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
À l’occasion de l’examen de ce texte, le Gouvernement a affirmé que l’objectif de l’abaissement à 1 000 habitants du seuil pour l’application de la proportionnelle était de favoriser une meilleure représentation de la diversité des opinions politiques et de mettre fin au système bipartite.
Pourtant, l’application de cette loi a entraîné un certain nombre de conséquences qui conduisent à une politisation accrue du scrutin municipal ; je vais m’en expliquer.
Le décret du 30 août 2001 prévoit la création d’un « fichier des élus », qui impose notamment aux candidats aux élections municipales de se rattacher à un parti politique, c’est-à-dire que ce décret impose à tous les candidats d’avoir une « étiquette politique ». S’ils n’en revendiquent pas une eux-mêmes, le préfet leur affectera alors une « nuance politique », appréciée au regard de la sensibilité qui les caractérise.
Théoriquement, ce décret ne concerne que les candidats aux élections municipales dans les villes de plus de 3 500 habitants, mais l’application combinée de deux articles de la loi du 17 mai 2013 rend de fait obligatoire ce rattachement politique pour tous les candidats, quelle que soit la commune où ils se présentent.
Les deux articles en question sont l’article 24, qui a abaissé le seuil d’application de la proportionnelle pour les élections municipales de 3 500 à 1 000 habitants, et l’article 25, qui oblige au dépôt de toutes les candidatures en préfecture, quelle que soit la population de la commune.
Voici donc comment le rattachement politique s’organise pour tous les candidats aux élections municipales : le candidat indique son étiquette politique, s’il en a reçu une ; il choisit une nuance politique parmi celles proposées dans une grille listant les nuances et les partis politiques se rattachant à chacune d’entre elles ; la préfecture valide ou corrige purement et simplement cette nuance en fonction de sa propre appréciation, le candidat pouvant néanmoins porter une réclamation pour faire modifier la nuance qui lui a été attribuée, sans qu’il y ait obligation pour la préfecture d’en tenir compte.
Il va de soi que les préfets exercent cette responsabilité avec intégrité et objectivité. Pour autant, quelle que soit leur diligence pour classer avec le plus de précision possible des élus et des listes dans des cases prédéfinies, ils se heurtent à l’impossibilité de rendre compte de ces étiquettes et nuances, parce qu’elles ne recoupent aucune réalité locale.
Au Sénat, dont la première des missions est d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, nous nous devons donc d’agir pour mettre fin à ce qui constitue une contrainte, pour ne pas dire une entrave à l’expression des sensibilités politiques, qui se manifeste bien souvent dans les petites communes par une non-politisation des candidats.
Tel est l’objet de cette proposition de loi, qui vise à relayer l’inquiétude exprimée fortement en mars dernier par les élus municipaux et des candidats aux élections municipales dans les 6 765 communes de 1 000 à 3 500 habitants.
En effet, dans un courrier adressé à M. Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, les élus représentés au sein de l’Association des maires de France, l’AMF, avaient exprimé leur souhait de voir mettre fin à cette obligation masquée de rattachement à un courant politique pour les communes de moins de 3 500 habitants, obligation qu’ils estimaient contraire à la réalité de la vie locale, marquée par l’existence de listes d’union « fondées sur la mise en commun d’énergies au service de la collectivité ».
Comme eux, nous connaissons bien les réalités de la vie locale, et nous savons tous que, dans beaucoup de petites communes, l’engagement politique de nos concitoyens correspond avant tout à la volonté de défendre les intérêts locaux propres à chaque territoire, sans que cet engagement impose un rattachement à un parti politique.
Cédric Szabo, directeur de l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, précisait d’ailleurs que, « en partant du principe que toute la liste doit être de la même étiquette – en général, celle de la tête de liste –, des gens se retrouvent classés à droite alors qu’ils sont de gauche et inversement. C’est une source de confusion et de désinformation des citoyens et, parallèlement, cela produit des statistiques qui n’ont aucun sens. »
Malheureusement, dans sa réponse aux élus locaux, le ministre de l’intérieur a estimé que la neutralité des candidats « sans étiquette » est prise en compte, dans la grille de nuances, au travers du groupe « divers », lequel « a vocation à rassembler toutes les listes et tous les candidats qui ne manifestent pas d’engagement politique ».
Au-delà du fait qu’elle révèle un manque cruel de connaissance de la réalité territoriale, la réponse du ministre est insatisfaisante en ce qu’elle valide un statu quo où se trouvent englobés sous une même dénomination des partis aussi divers que le parti blanc, le parti pirate, le parti d’en rire ou encore le parti homme-nature-animaux, dont on peut dire qu’ils n’ont rien à voir avec la démarche des « sans étiquette ».
S’il est vrai que le dispositif du « rattachement » ou de la « nuance politique » préexistait à la loi du 17 mai 2013, s’il est vrai aussi que sa pertinence est reconnue pour les grandes villes ou les centres urbains afin de « permettre aux pouvoirs publics et aux citoyens de disposer de résultats électoraux faisant apparaître les tendances politiques locales et nationales et de suivre ces tendances dans le temps », de toute évidence, l’ajustement et la précision que nous proposons ici permettront, en excluant du champ de ce dispositif les communes de moins de 3 500 habitants, de faire vivre les sensibilités locales et de donner un véritable reflet des forces politiques en présence, qui ne peuvent pas forcément être rattachées à la droite ou à la gauche.
Afin de rétablir cette réalité, je propose d’introduire deux assouplissements pour les communes de moins de 3 500 habitants : il s’agit, d’une part, de permettre aux candidats de présenter des listes dénommées « sans étiquette », distinctes des listes relevant du groupe « divers », et, d’autre part, de supprimer l’obligation faite aux préfets d’attribuer des nuances politiques, dès lors que les candidats n’en revendiquent pas une eux-mêmes.
Concernant l’instauration d’une mention « sans étiquette », il aurait suffi d’une modification du décret du 30 août 2001 pour que la raison l’emporte. Mais tel n’a pas été l’état d’esprit du ministre de l’intérieur d’alors, pourtant alerté par les élus municipaux. Mes chers collègues, c’est donc par la loi que nous pourrons surmonter ce mur réglementaire.
Les articles de cette proposition de loi visent les déclarations de candidature et tendent à permettre que les candidats puissent se présenter « sans étiquette » dans le cas où ils ne souhaiteraient se rattacher ni à un parti ni à une nuance politique.
L’article 1er a donc pour objet de modifier l’article L. 255-4 du code électoral, qui concerne les communes de moins de 1 000 habitants, relevant du scrutin majoritaire, tandis que l’article 2 tend à modifier l’article L. 265 du code électoral, qui concerne les communes de 1 000 à 3 499 habitants, pour lesquelles s’applique dorénavant le scrutin proportionnel.
En ce qui concerne l’obligation faite aux préfets d’attribuer des nuances politiques aux candidats dans les communes de moins de 3 500 habitants dès lors que ceux-ci n’en revendiquent pas une eux-mêmes, je soulignerai que le rattachement forcé à une nuance politique est incompatible non seulement avec la libre expression des sensibilités locales, mais également avec la démarche même des candidats « sans étiquette ».
En effet, la plupart des listes de ce type réunissent un certain nombre de candidats animés par la volonté de mettre leurs compétences au service de la municipalité ; beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs issus de la société civile ou ont exercé des fonctions locales sans vouloir appartenir à un courant politique.
De plus, l’union locale permet, dans certaines circonstances, de réunir des sensibilités différentes jusque-là dispersées, de sorte qu’il est impossible que cette liste puisse être rattachée à un courant particulier sans que cela ne se fasse au détriment d’autres composantes de la liste.
Nous reconnaissons de manière unanime que les élus souffrent d’un déficit de confiance généralisé, qui se traduit par une abstention massive, un vote blanc ou un vote extrême relativement important. L’actualité nous en a encore fourni une preuve navrante, lors des récentes élections européennes.
Aussi, dans de telles circonstances, est-ce une force pour la République et pour la démocratie que de voir des femmes et des hommes s’unir dans un engagement commun au service de la chose publique. Les idées qu’ils défendent et les propositions qu’ils avancent sont une richesse inestimable, permettant de dépasser les a priori, les dogmatismes et les idéologies.
Voilà pourquoi il m’a semblé important de préciser que « le ministre de l’intérieur et le représentant de l’État dans le département ne peuvent attribuer une nuance ou la rectifier sans l’accord du candidat dans les communes de moins de 3 500 habitants ».
Mes chers collègues, tel est l’objet de la proposition de loi que je vous présente. Sa discussion nous permettra, je l’espère, de trouver un accord, au-delà de tout rattachement à une étiquette politique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)