M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le ministre, j’approuve l’ensemble de vos propos et je partage les ambitions qui sont les vôtres.
Toutefois, en tant qu’élu d’un département frontalier de l’Espagne, j’aimerais, sans le moins du monde sembler accuser nos voisins ibériques ou vouloir provoquer un incident dans cet hémicycle – appeler à une certaine vigilance. Des produits interdits en France, que nous utilisions par exemple voilà une dizaine d’années pour l’élevage des vaches, sont toujours commercialisés en Espagne, et il n’y a parfois qu’un kilomètre à faire pour se les procurer et s’en servir, ce qui crée d’énormes dégâts !
Tout cela mis bout à bout, cela commence à faire beaucoup… Continuons donc à agir ensemble, monsieur le ministre !
impact de la politique agricole commune sur la filière des protéagineux et l'industrie agroalimentaire du pois
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question n° 792, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Yves Daudigny. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur l’impact des critères d’attribution retenus par la France pour les aides de la politique agricole commune à la filière des protéagineux, en particulier l’industrie agroalimentaire exploitant le pois. Le surcoût envisageable du fait de ces critères pour les matières premières fait peser une menace réelle sur les emplois du secteur.
En effet, dans le cadre de la définition des modalités de répartition des subventions provenant de la PAC, il a été décidé d’orienter l’enveloppe « protéagineux – luzerne déshydratée » vers le soutien à l’élevage, qui doit relever, nous en sommes pleinement conscients, de nombreux défis.
Néanmoins, une telle orientation a pour conséquence d’exclure de ce financement PAC les débouchés qui ne relèvent pas de la nutrition animale : nutrition humaine, cosmétologie, pharmacie, chimie du végétal...
Ainsi, lorsque le producteur vend à un acheteur autre qu’un éleveur, le prix se trouve bien souvent majoré de l’aide qu’il ne peut pas percevoir, entraînant donc un surcoût pour l’acquéreur, qui subit alors une charge nouvelle grevant sa compétitivité et pouvant nuire aux emplois du secteur.
De plus, l’acheteur a la possibilité de rechercher des approvisionnements hors de la zone d’application de la PAC, notamment au Canada, producteur majeur de pois. Cette hypothèse serait évidemment néfaste pour la filière pois, qui, d’une part, perdrait un segment de marché et, d’autre part, deviendrait monodébouché, donc plus vulnérable.
Tant pour la filière pois que pour l’industrie de transformation, l’accès à l’enveloppe « protéagineux – luzerne déshydratée », quel qu’en soit l’usage, nutrition animale ou humaine, serait un facteur important de maintien de l’emploi, agricole comme industriel.
Monsieur le ministre, j’ai évidemment en tête l’exemple du département de l’Aisne, terre agricole que vous connaissez bien, où la filière pois est développée, notamment autour de Vic-sur-Aisne, et constitue un secteur d’activité performant, un secteur d’avenir.
Aussi, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer si le périmètre de l’aide dans le cadre de la PAC peut ou pourrait être élargi à l’ensemble de la production de pois, quel que soit son usage final, afin de préserver les emplois de la filière.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur et président de ce beau département de l’Aisne, je voudrais d’abord répondre à une question stratégique.
Dans la négociation de la réforme de la politique agricole commune, j’ai obtenu un couplage des aides sur les protéagineux de manière générale, en l’occurrence 2 % du total des aides versées au titre du premier pilier, c'est-à-dire autour de 151 millions d’euros.
L’objectif, il faut en avoir conscience, est de limiter la dépendance de la France aux importations de protéines végétales en provenance du reste du monde. Vous connaissez notre niveau de dépendance, notamment vis-à-vis de l’Amérique latine. Je pense au soja ou aux OGM, importations auxquelles, j’en suis convaincu, vous ne devez pas être très favorable… Nous sommes donc bien obligés de construire une filière de production de protéines végétales destinées à l’élevage pour assurer notre autonomie fourragère. C’est notre axe stratégique.
Ce couplage de 2 % marque une volonté de renforcer l’autonomie de notre agriculture et de notre élevage, en réduisant leur dépendance aux importations. Au sein de l’enveloppe de 151 millions d’euros que je mentionnais, 98 millions d’euros sont destinés aux éleveurs ou aux producteurs en contrat direct avec un éleveur – nous sommes bien dans la stratégie –, 6 millions d’euros sont destinés aux producteurs de légumineuses fourragères pour le soutien à la production de soja, 8 millions d’euros pour la production de luzerne déshydratée, 4 millions d’euros pour la production de semences légumineuses fourragères et 35 millions d’euros pour la production de protéagineux : lupins, pois, féveroles.
Ainsi, avec cette enveloppe de 151 millions d’euros, nous avons bien fixé l’objectif de l’autonomie fourragère de la France, en ajoutant des aides couplées spécifiques pour un certain nombre de productions de protéagineux, en particulier le pois, sujet qui nous intéresse aujourd'hui, et ce pour l’alimentation animale comme pour l’alimentation humaine.
Simplement, s’agissant de cette enveloppe, il faut que nous puissions mesurer l’utilité d’une telle production pour l’autonomie fourragère. En même temps, vous voyez qu’il y a aujourd'hui 35 millions d’euros pour les pois et lupins. Nous avons donc bien le souci de préserver l’outil industriel qui existe, en particulier dans l’est de la France, pour ces productions transformées à des fins autres que la seule alimentation animale.
Cela dit, et chacun doit en avoir conscience, l’objectif d’autonomie fourragère de la France crée également des débouchés pour toutes les productions de protéines fourragères, dont je rappelle la grande importance.
La question de l’autonomie a systématiquement été posée dans les débats que nous avons eus au Sénat lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. On ne peut pas continuer à importer des milliers de tonnes de protéines fourragères sans se demander si ces productions n’iront pas ailleurs un jour ou si leurs prix n’augmenteront pas dans des proportions susceptibles de remettre en cause notre capacité de transformation !
Soyez dons rassuré : je vous ai donné les chiffres - 151 millions d’euros, dont 35 millions pour les pois et lupins - et je vous confirme que nous avons une véritable stratégie de moyen et de long terme pour l’autonomie fourragère de l’agriculture française.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, je vous remercie de l’éclairage que vous avez bien voulu nous apporter. Nous ne pouvons que partager vos objectifs stratégiques, mais vous comprenez ma sensibilité quant au maintien d’emplois dans une filière tout à fait performante.
M. Yves Daudigny. Je profite de l’occasion pour vous inviter à venir visiter le site du groupe Roquette Frères, dans le département de l’Aisne. Vous connaissez, je n’en doute pas, cette entreprise française particulièrement performante dans tout ce qui touche à l’utilisation du pois et fondée sur une recherche très approfondie.
Le site se trouve à Montigny-Lengrain, près de Vic-sur-Aisne. L’usine est moderne et complètement tournée vers l’innovation, vers la création d’emplois.
Les responsables du groupe pourraient vous y exposer leur savoir-faire, vous faire partager leurs grandes ambitions et, éventuellement, vous exprimer leurs craintes. Je puis vous assurer que vous seriez très cordialement accueilli.
M. Stéphane Le Foll, ministre. J’accepte bien volontiers l’invitation !
abattages de milliers de platanes centenaires dans le sud-est
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, auteur de la question n° 797, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Robert Tropeano. Notre collègue Christian Bourquin ayant évoqué la mortalité des abeilles, j’aborderai pour ma part celle des platanes du sud de la France, particulièrement menacés depuis l’apparition du chancre coloré, en 2006.
Ces platanes sont plantés dans de nombreux villes et villages du sud de notre pays, notamment le long du canal du Midi, ouvrage construit par Pierre-Paul Riquet et qui relie Toulouse à Sète. Je le rappelle, l’ancien « canal royal du Languedoc », par ailleurs l’un des plus anciens canaux d’Europe, est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO et figure depuis 1997 sur la liste des grands sites de France. C’est un site unique, réputé pour ses voies navigables et l’ombrage de ses platanes, cette voûte arborée qui fait le bonheur des nombreux plaisanciers et touristes fréquentant notre région.
Or le chancre coloré, ce champignon microscopique, a déjà tué des milliers de platanes et en menace des milliers d’autres. Les abattages systématiques souvent préconisés sont un véritable crève-cœur, pour les habitants comme pour les élus, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’abattre des arbres qui n’ont pas l’air atteints par la maladie, pour éviter la contagion dans un rayon de cinquante mètres.
Depuis la découverte de cette épidémie, des solutions ont été proposées, mais elles ont suscité bien des déceptions : vaccin, traitement chimique, micro-injections de produits phytosanitaires ou plantation de « platanors », cette variété de platanes que nous pensions résistants au chancre ; malheureusement, une centaine de plants sont déjà morts.
Récemment, des protocoles d’essais thérapeutiques ont été soumis à l’approbation de votre ministère, seul susceptible d’accorder des dérogations au régime d’abattage réglementaire.
Monsieur le ministre, pourriez-vous faire le point de la situation et nous informer, alors que nos platanes bénéficient encore d’une trêve printanière à l’abattage obtenue par la Ligue de protection des oiseaux, de l’état de la recherche, des premiers résultats du protocole d’expérimentations en cours sur les arbres contaminés et des dernières décisions relatives au plan d’abattage des platanes centenaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, cher Robert Tropeano, vous avez évoqué le crève-cœur que constitue l’abattage des platanes, en particulier dans le site classé du canal du Midi.
Jeune habitant d’un village du canton de Loué, j’ai moi-même assisté à la disparition des ormes il y a trente ans. Ces arbres extrêmement beaux étaient l’un des piliers du bocage sarthois tel que je l’ai connu. Des tentatives ont été faites pour implanter des ormes d’ornement résistants mais, globalement, dans le bocage, cette espèce, même si des rejets de temps en temps apparaissent, a aujourd’hui pratiquement disparu.
L’attaque du platane par le chancre coloré représente, comme vous l’avez souligné, un vrai drame.
Vous m’avez interrogé sur les mesures de prévention en cours, en rappelant le traumatisme – je partage tout à fait ce constat – que constitue l’abattage. Il faut effectivement trouver des alternatives.
La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il y a eu plusieurs projets d’expérimentation et, d’après mes services, l’un d’eux, les micro-injections de fongicides, que vous avez vous-même évoquées, semble prometteur.
Un protocole est en cours d’examen par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. Je dois attendre les conclusions de l’Agence afin d’autoriser la mise en œuvre de ce protocole. Il s’agit de trouver une alternative à ce qui est aujourd’hui la solution radicale, l’abattage systématique des platanes malades, lequel s’accompagne aussi de l’abattage des arbres environnants afin d’éviter la diffusion de la maladie. Cette méthode de prophylaxie, j’en ai parfaitement conscience, est elle-même extrêmement traumatisante.
Nous devons donc trouver d’autres solutions. Ces micro-injections de fongicides, je le répète, sont aujourd’hui en cours d’examen par l’ANSES. Dès que nous aurons obtenu l’autorisation pour le protocole, je le signerai et nous mettrons en œuvre, le plus rapidement possible, des méthodes alternatives à l’abattage pour préserver le paysage, l’image du Midi et surtout cet arbre magnifique qu’est le platane.
La recherche avance. L’ANSES, d’après les informations qui m’ont été transmises, semble avoir un protocole assez promoteur. Faisons vite – et c’est ce que je ferai – afin que tout soit mis en œuvre pour sauver les platanes !
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les ormes. Dans ma commune, il y en avait énormément, ils sont tous morts et ont été remplacés, il y a une centaine d’années, par des platanes… Aujourd’hui, c’est au tour des platanes d’être malades !
Je voudrais insister sur un point qui me semble primordial : la nécessité absolue d’une concertation permanente avec tous les élus concernés par l’abattage de ces platanes.
Si l’abattage – comme vous l’avez souligné – est un traumatisme pour les riverains, ses conséquences sur l’activité des acteurs économiques liés au tourisme ne sont certainement pas évaluées à leur juste valeur. La défiguration des paysages, dépossédés de ces arbres séculaires, impacte des lieux touristiques majeurs, comme je l’ai dit pour le canal du Midi, mais également des centres-villes très fréquentés par les touristes.
Aussi, monsieur le ministre, j’espère, après votre réponse, que nous arriverons à terme à sauver nos platanes, non seulement pour notre environnement mais aussi pour l’ensemble des touristes et des habitants de cette région.
avenir des étalons nationaux
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, auteur de la question n° 798, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir des étalons nationaux de courses et de sport.
La politique de l’État en matière de cheval a été réformée au début de l’année 2010. Les Haras nationaux et l’École nationale d’équitation ont fusionné pour créer un établissement public administratif, l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, recentré sur des missions de service public.
En outre, un groupement d’intérêt public, France-Haras, a été chargé des missions techniques relevant du domaine concurrentiel et nécessitant une implication de l’ensemble des professionnels de la filière.
La création de France-Haras, dans lequel l’État restait majoritaire, avait pour but d’accompagner le transfert de l’étalonnage public vers le secteur privé. Après seulement quelques années d’un fonctionnement difficile, comme tout le monde le sait, il a été décidé de mettre un terme aux activités du GIP France-Haras et de céder ses actifs.
Ainsi, il a été proposé de vendre aux enchères publiques le parc des étalons nationaux, dont la qualité de reproducteurs avait pourtant été mise en évidence, tant par le testage que par la confiance des éleveurs.
Avec ces ventes au plus offrant, ce serait pour les meilleurs géniteurs de course et de sport, le patrimoine génétique français, longuement sélectionné, qui serait disséminé au-delà de nos frontières.
Pourtant, des alternatives aux enchères existent. Elles sont portées par la plupart des représentants de la filière, notamment le Cheval français, France-Galop, le Selle français, l’Association nationale anglo-arabe et d’autres encore.
Elles consistent en la réaffectation des étalons propriété de l’État à l’IFCE, puis en la soumission d’un plan de reprise par les associations nationales de races des étalons qui présentent un intérêt génétique pour l’élevage français. Seuls les étalons sans intérêt majeur seraient proposés à la vente.
Ce projet viable aurait, en outre, l’avantage de ne créer aucune charge pour l’État, sous forme financière ou en termes de ressources humaines. Tous les frais seraient assumés par les repreneurs moyennant le reversement à l’IFCE d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires de la génétique encaissé.
Il faut, enfin, rappeler que, pour les étalons de trait, le transfert aux associations nationales de races est déjà engagé.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer quelles sont vos intentions sur le sujet. Il me semble important de mettre en place, en concertation avec les services du ministère de l’économie et des finances, un groupe de travail chargé de l’avenir des étalons sur la base des propositions des socioprofessionnels et des associations nationales de races.
Le temps presse, car les premières ventes sont inscrites dès la fin des jeux mondiaux.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Ambroise Dupont, je connais votre attachement à la filière du cheval de manière globale, la qualité du travail que vous avez conduit depuis de nombreuses années et le souci qui est le vôtre de préserver le modèle français, notamment sa capacité à continuer d’offrir les meilleurs chevaux du monde.
Sur la question posée, je précise que les modalités de cession des étalons de sang ont été définies par le conseil d’administration du groupement d’intérêt public France-Haras le 20 mars 2014 : il a été décidé de procéder à la vente de ces étalons selon la procédure d’enchères publiques.
En effet, le devenir des étalons doit résulter d’une procédure conforme aux règles de la concurrence. Une mise à disposition des étalons, sans mise en concurrence, à un opérateur qui aurait ensuite une activité économique d’étalonnage n’entre pas dans ce cadre et serait considérée comme une aide d’État illégale. On est là dans le droit de la concurrence européen. C’est vrai que cette question nous est posée.
Je rappelle que cette décision du retrait des Haras nationaux de l’activité d’étalonnage public a été prise en 2009. Le GIP France-Haras a été créé pour accompagner le retrait progressif de l’État de cette activité concurrentielle, en associant dans ses organes de gouvernance des représentants de l’État et des professionnels, notamment les associations nationales de races de chevaux de courses – France-Galop et la Société d’encouragement à l’élevage du cheval français – et de certaines races de chevaux de sport.
Bien qu’envisagée initialement, la reprise collective par les professionnels de l’activité génétique et des services qui y sont associés n’a pu aboutir – je me souviens effectivement que, lors des débats que nous avons eus sur l’avenir des Haras nationaux, aucune solution n’avait vraiment été trouvée de ce côté-là –, ceux-ci n’ayant pas jugé la solution pertinente lors du conseil d’administration du GIP France-Haras du 20 juin 2013. C’est vrai que l’on a là une difficulté. Dans l’idéal, ce serait tout à fait possible ou souhaitable, mais, dans la réalité, cela ne se passe pas ainsi.
Le rôle essentiel qu’auraient eu les éleveurs dans la valorisation de ces étalons, en décidant de faire saillir leurs juments par ces étalons sans que ces derniers aient démontré la qualité de leur descendance, n’est pas un argument recevable, aujourd'hui, en l’état.
L’offre d’étalonnage public ne s’est jamais limitée à de jeunes animaux ou à des animaux dont la qualité aurait été totalement inconnue. L’ascendance et les résultats en compétition étaient régulièrement publiés.
Dans un environnement concurrentiel, le prix d’une saillie prend toujours en compte les caractéristiques du produit, notamment la notoriété de l’individu ou la qualité de sa production.
Le fait d’utiliser un bien ou un service auprès d’une entreprise ne donne aucun droit sur son capital, et ce quel que soit le secteur d’activité considéré.
Enfin, le parallèle établi entre les chevaux de sang et les chevaux de trait n’est pas, en l’état actuel, pertinent. D’une part, la procédure retenue pour la vente des étalons de trait est bien une vente, et n’est en aucun cas une location. D’autre part – et surtout –, le marché des étalons de trait n’est pas marqué, comme celui des étalons de sang, par une volatilité et une individualisation très forte des prix, ce qui permet de connaître de manière fiable la valeur du stock d’étalons sans passer par une étape de mise sur le marché. Cela permet donc de proposer aux associations des races concernées de les acheter à cette valeur.
Cela étant dit, monsieur le sénateur vous m’avez proposé une réunion spécifique sur ce sujet. Au vu du dossier, je suis d’accord pour que nous nous rencontrions et que nous discutions ensemble de ces questions afin de voir où nous en sommes, comment nous pouvons améliorer les choses en tenant compte de cette dimension génétique, qui fait toute la valeur du cheptel français, en particulier en ce qui concerne les étalons de sport.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait totalement. Je me félicite notamment de votre proposition d’organiser une réunion.
Je sais que les visions sur le sort de France-Haras ont divergé au fil du temps. Je vous rappelle toutefois que, si les socioprofessionnels ont bien été associés à certaines décisions et ont rejeté la mise en place d’une structure nationale proposée par l’administration, ils ont également refusé de participer au vote concernant le sort des étalons. Leur demande d’audition auprès du ministère de l’agriculture – mais vous venez d’y répondre favorablement – pour évoquer des propositions alternatives semblait être restée lettre morte. Ils ont été reçus, cependant, par les sénateurs de la section « cheval » du groupe d’études de l’élevage, section que je préside.
Le risque que vous évoquez d’un contentieux sur la base du non-respect des règles de la concurrence, en cas de mise à disposition des étalons nationaux de courses et de sport aux associations nationales de races, apparaît limité puisque, s’agissant des étalons de trait, le transfert aux associations nationales de races a déjà été engagé, sans difficulté, avec l’accord de l’État. De plus, il ne s’agira pas d’une « mise à disposition gratuite », puisqu’elle sera assortie d’une rétrocession financière au bénéfice de l’État.
Je crois nécessaire, pour l’avenir de l’élevage français, d’agir en commun – je vous remercie de l’accepter –, socioprofessionnels et administration, afin d’éviter que ne soient dispersés en ventes publiques nos étalons nationaux de courses et de sport.
À l’heure où la France se mobilise pour sauvegarder ses productions, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, il ne paraît pas souhaitable que nos meilleurs reproducteurs soient achetés par des stud-books étrangers.
La solution de reprise in fine par les associations nationales de races représente, à ce jour, une solution raisonnable et conforme à l’intérêt de tous les acteurs. Elle préserverait le patrimoine génétique en épargnant les finances publiques. Le groupe de travail que vous proposez sera bienvenu pour évoquer des solutions alternatives à cette vente qui serait, naturellement, définitive.
obligation de distillation des sous-produits viniques
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, auteur de la question n° 804, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Jacques Berthou. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la mise en place de prestations viniques lors de chaque vendange et, en particulier, sur l’obligation de distiller les sous-produits de la vinification.
Tous les viticulteurs qui produisent plus de 25 hectolitres sont en effet soumis à cette obligation, qui concerne les marcs, les bourbes, les déchets, les levures mortes, les dépôts et les lies.
Dans l’Ain, vingt communes peuvent détruire les marcs, mais il reste les bourbes et les lies. La distillation de ces sous-produits pose problème car, dans ce département, il n’existe plus qu’un seul distillateur ambulant et il n’y a plus aucune distillerie.
Pour être en conformité avec la loi, les viticulteurs doivent se rendre dans d’autres départements viticoles, tels que le Rhône, la Saône-et-Loire ou la Côte-d’Or, pour procéder à la distillation de leurs produits. Ces transports ont des coûts, qui ne sont pas compensés par la valorisation de la distillation.
Si les viticulteurs ne peuvent pas démontrer qu’ils ont effectué les prestations viniques imposées par la loi, ils risquent d’être lourdement pénalisés.
Les viticulteurs du département de la Haute-Savoie bénéficient d’une dérogation à l’obligation de destruction des sous-produits. Les motifs de l’autorisation qui leur a été accordée pourraient également être retenus pour le département de l’Ain : éloignement des lieux de distillerie, absence de distillateur ambulant, éparpillement des vignobles.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, dans quelle mesure les viticulteurs de l’Ain pourraient bénéficier, dès les vendanges de 2014, de la dérogation à l’obligation de traiter les sous-produits de la vinification, au même titre que les viticulteurs de Haute-Savoie.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, cher Jacques Berthou, vous posez une question extrêmement technique et précise sur le traitement des sous-produits de la vinification, notamment les marcs de raisin.
En la matière, la réglementation est communautaire. Elle interdit le surpressurage des raisins. Les États membres peuvent imposer à tous leurs producteurs, ou à une partie d’entre eux de livrer, aux fins de distillation, une partie ou la totalité des sous-produits de la vinification sur la base de critères objectifs et non discriminatoires. C’était le cas en France, où une obligation de livrer les sous-produits à la distillation s’imposait aux viticulteurs avec quelques dérogations pour tenir compte de l’absence de distilleries dans certaines régions.
Une expérimentation sur la valorisation des sous-produits a été menée de 2010 à 2012. Cette expérimentation a confirmé le rôle et l’intérêt du recours aux distilleries viticoles, et a également permis d’évaluer d’autres voies d’élimination des sous-produits, qui peuvent constituer, dans certains cas, une opportunité économique pour les producteurs.
Après une analyse juridique et technique du dispositif en vigueur et au terme de l’expérimentation, il est apparu nécessaire d’adapter la réglementation nationale. L’objectif est de fournir un cadre sécurisé et pérenne qui permette à chaque exploitation viticole de trouver une voie d’élimination des sous-produits adaptée à sa situation.
Ce nouveau cadre prévoit plusieurs possibilités pour éliminer les sous-produits de la vinification : la livraison à la distillation ou à un centre de méthanisation – j’y tiens, car la matière organique, donc le méthane, constitue un potentiel énergétique que l’on ne peut plus perdre –, la méthanisation ou le compostage sur l’exploitation, l’épandage sur l’exploitation ou sur celle de tiers.
Les viticulteurs qui choisiraient une autre voie que la distillation auront des obligations en matière de pesée ou d’analyse afin de permettre le contrôle des dispositions de la réglementation européenne.
La nouvelle réglementation ne prévoit pas de traitement différencié entre producteurs sur la base d’un zonage géographique. Les viticulteurs du département de l’Ain pourront ainsi choisir, comme les autres viticulteurs des autres départements, la voie d’élimination des sous-produits qui répond le mieux à leur situation. Je le redis, la distillation n’est pas la seule voie envisageable ; d’autres solutions peuvent être expérimentées, dont certaines sont, à mes yeux, très importantes.
Le Gouvernement confirme son objectif d’une publication rapide des textes relatifs à l’élimination des sous-produits, afin que le cadre national rénové soit d’application dès la récolte 2014.
Monsieur le sénateur, votre question est très utile : elle m’invite à me pencher, ce que je ferai avec diligence, sur ce sujet précis, alors que, en matière viticole, mes préoccupations du moment portent plutôt sur les questions liées au moût concentré et au moût concentré rectifié. Je vérifierai que la nouvelle réglementation sera bien appliquée rapidement, afin que les producteurs de l’Ain puissent faire le choix le mieux adapté à leur situation entre la méthanisation, l’épandage ou la distillation.