M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Christiane Kammermann. Ainsi, mes chers collègues, il n’y a pas de doute quant à la position du groupe UMP sur ce texte. Nous le soutiendrons pleinement, et nous nous félicitons que, depuis 2004, les différents gouvernements poursuivent les politiques non seulement contre les violences à l’égard des femmes, mais aussi en faveur d’une égalité qui puisse s’inscrire dans la réalité du quotidien.
En intervenant à ce moment du débat, je souhaiterais éviter les redites, car beaucoup d’autres collègues se sont exprimées avant moi. Je reviendrai donc sur quelques points qui méritent notre attention.
Je tiens à insister sur la stratégie des « trois P », pour « prévention, protection et poursuites », qui répond à une vision et propose un plan d’action très pragmatique. Dans le cadre de la prévention et de la protection, il est important de noter que la convention intègre la notion « de témoin » des violences faites aux femmes. Il s’agit, en premier lieu, des enfants.
Toutefois, je souhaiterais ajouter que les enfants, en dehors du cadre familial, sont de plus en plus exposés à une violence plurielle à l’égard des femmes. Dans la publicité, à la télévision, dans les clips musicaux, dans les dessins animés, les jeux vidéo, l’image de la femme répond à des « diktats » sur lesquels nous devrions également nous interroger. En effet, dans tous ces supports « sociaux », l’image de la femme est bien éloignée des politiques que nous souhaitons mener. Pour ma part, j’estime qu’il nous faut travailler sur ces leviers, peut-être plus que sur les polémiques liées au genre ou relatives aux stéréotypes colportés par les jouets.
Pour conclure, je voudrais en venir aux poursuites contre les auteurs des violences faites aux femmes. Pour être crédible, la France doit être exemplaire. Cela ne sera possible que si nous mettons en place une véritable politique pénale contre ces auteurs.
Nous devons aller au-delà du cadre conjugal : je pense aux agressions contre les femmes, qu’elles soient sexuelles ou non, je pense aux vols avec violence,... Les femmes qui en sont victimes ne peuvent se satisfaire des trop nombreuses peines avec sursis dont écopent leurs agresseurs. Pour que cette convention soit réellement appliquée et qu’elle trouve une réalité dans le quotidien des Françaises, la France doit aussi modifier son droit pénal.
Si le groupe UMP du Sénat se réjouit de ratifier ce texte, il forme aussi le vœu que d’autres pays rejoignent rapidement la France dans cette cause, afin que la lutte contre les violences faites aux femmes devienne une réalité. Enfin, je tiens à rappeler que ce combat doit s’inscrire dans un combat global contre toutes les formes de violences contre l’humanité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai en vous adressant un clin d’œil. En effet, certaines d’entre vous ont évoqué le fait que la principauté d’Andorre avait ratifié cette convention avant la France. Pour votre information – j’avoue que je ne l’ai moi-même appris que récemment –, sachez que cette ratification a été signée par François Hollande, en sa qualité de coprince d’Andorre. Le Président de la République est en effet amené, en vertu de la Constitution de la principauté, avec l’autre coprince qui se trouve être l’évêque d’Urgell, à manifester la volonté de l’État andorran dans ses engagements internationaux. À défaut d’avoir ratifié cette convention au nom de la France, le Président de la République l’a donc déjà fait pour le compte de la principauté d’Andorre. (Sourires.)
Cela étant, je souscris aux propos des différentes intervenantes à la tribune : comme elles, j’aurais aimé que nous procédions plus vite que nous ne l’avons fait. L’essentiel est que cette étape soit franchie, ce qui permettra à cette convention d’entrer en vigueur au mois d’août prochain.
Le fait de discuter de ce texte ce soir est loin d’être anodin pour moi – je vous prie encore une fois de bien vouloir excuser mon retard, mais j’étais retenue au dîner officiel donné en l’honneur du Premier ministre japonais. En effet, vous l’avez évoqué, madame Kammermann, nous avons reçu aujourd’hui des nouvelles qui sont loin d’être réjouissantes – elles sont même plutôt très préoccupantes – des lycéennes nigérianes enlevées il y a maintenant quelques semaines. La vente des femmes…
Mme Christiane Kammermann. Dix euros !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … sous prétexte de mariage forcé – une expression à prendre avec un peu de recul, car il n’y a que de la violence derrière tout cela – fait encore partie de notre monde. C’est pour nous l’occasion de réaffirmer que toutes nos sociétés doivent encore se mobiliser contre les violences faites aux femmes.
Aujourd’hui, 5 mai 2014, la justice militaire congolaise vient de rendre son jugement concernant des soldats accusés de viols de masse – vous avez d’ailleurs rappelé, madame la présidente de la délégation, le travail que vous avez réalisé sur la situation des femmes dans les zones de conflit. Je ne commenterai pas ce jugement dont vous connaissez la teneur : trois des trente-neuf soldats mis en cause ont été reconnus coupables, les autres ont été acquittés. Cette décision nous a donné l’occasion de nous replonger dans les atrocités commises lors de ces journées de novembre 2012, où cent cinquante femmes ont été victimes de viols de masse, véritables crimes contre l’humanité.
Là encore, nous constatons qu’il n’est pas anodin de ratifier un texte comme la convention d’Istanbul. Nous avons la chance d’appartenir à un continent où une institution comme le Conseil de l’Europe a réussi à avancer assez loin, car il s’agit du texte le plus poussé sur le sujet. Je me félicite que nous donnions vie à cette convention en la ratifiant.
Je ne reviendrai pas sur tout ce que vous avez dit, mesdames les sénatrices, si ce n’est pour confirmer la volonté du Gouvernement et répondre à quelques questions.
En ce qui concerne l’évaluation des violences, l’enquête nationale VIRAGE dont je vous parle depuis quelques mois est bel et bien lancée, comme vous le savez. Cette enquête nous permettra de disposer de données fiables et objectives sur la réalité et la diversité des violences faites aux femmes. Elle portera sur un échantillon de 17 500 hommes et 17 500 femmes, ce qui est relativement important. Aussitôt que cette enquête sera achevée, la MIPROF, la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains, rendra ses données publiques, car l’intérêt de cette enquête est aussi de faire comprendre au grand public le caractère massif de ces violences et d’adapter nos politiques publiques.
J’ai également entendu certaines d’entre vous exprimer leur déception à l’égard de la réserve exprimée par la France sur les délais de prescription. Je tiens à préciser que cette réserve était nécessaire pour ne pas prolonger le délai de prescription applicable à l’avortement forcé. En effet, le consentement à l’avortement est très difficile à apprécier longtemps après les faits et prolonger le délai de prescription ne rendrait pas forcément service aux plaignantes. Telle est la raison pour laquelle les choses ont été ainsi clarifiées.
Je retiens également des propos que j’ai entendus l’importance à accorder à la formation des professionnels. Je tiens à rappeler que le Gouvernement y voit un véritable enjeu. Je saisis cette occasion pour vous préciser que nous avons lancé, en novembre dernier, un plan national de formation des personnels médicaux et paramédicaux à la lutte contre les violences faites aux femmes. Avec Gynécologie sans frontières, nous avons obtenu des représentants de chaque spécialité médicale qu’ils signent un manifeste contre les violences faites aux femmes. Enfin, Marisol Touraine et moi-même avons récemment chargé une mission de définir un véritable protocole de prise en charge sanitaire des femmes victimes de violences, car il s’agit effectivement d’une priorité de santé publique. Nous avançons donc dans ce domaine, et je vous remercie de m’avoir permis d’évoquer ces actions.
Je vous remercie également toutes de la qualité du travail effectué. Il est vrai que cette convention est longue, l’une d’entre vous l’a dit. Il faut s’y plonger, mais cela fait du bien, car il s’agit d’un texte précieux. (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant la ratification de la convention du conseil de l’europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (ensemble une annexe), signée à Istanbul, le 11 mai 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce sujet me préoccupe au plus haut point depuis de nombreuses années. Il y a quelques semaines encore, nous en débattions dans le cadre du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Il est toujours aussi difficile pour moi d’admettre qu’au XXIe siècle, dans notre société moderne et développée, nous ayons encore à en passer par de tels textes pour combattre les comportements déviants et faire reconnaître la dignité humaine, en l’occurrence celle de la femme, à l’extérieur comme à l’intérieur du foyer. Pourtant, force est de constater, quand on connaît les statistiques, quand on lit les témoignages, quand on rencontre ces femmes, que ces textes sont plus que nécessaires, plus que légitimes. C’est pourquoi il était plus que temps que l’Europe s’engage à son tour, au travers d’un texte contraignant, dans la lutte contre ces violences.
La France a pris en son temps – je peux en témoigner pour y avoir participé – la mesure de l’importance de lutter contre ces violences et contre ce fléau en adaptant sa législation à la gravité de ces actes. Je songe, bien sûr, à la première loi, en 2006, visant à lutter contre les violences au sein du couple, un texte qui m’est cher, vous vous en doutez, à la deuxième loi sur le sujet, en 2010, à celle de 2012 relative au harcèlement sexuel ou encore au projet de loi, que j’ai déjà cité, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Mais voilà, ce problème de violence à l’encontre des femmes n’est pas circonscrit à nos frontières. La violence, les humiliations, les souffrances se développent et s’insinuent partout où l’impunité perdure. Tous les pays et toutes les catégories sociales sont touchés par ce fléau. C’est pourquoi cette convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique était nécessaire et ô combien indispensable.
La ratification qui nous est proposée aujourd’hui répond à l’engagement permanent de la France sur ces problématiques, tant à l’échelle nationale que sur la scène internationale. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir que cette convention reprend de nombreux points de notre législation. C’est la preuve, s’il en fallait, que, dans la lutte contre les violences à l’égard des femmes, nous avons fait ce qu’il fallait, du moins en grande partie, même s’il reste encore à faire.
Jusqu’à cette convention, l’Europe ne s’était pas dotée d’instruments contraignants destinés à lutter efficacement contre les violences faites aux femmes. Voilà qui est réparé avec ce texte, lequel relève d’une stratégie globale consistant à appliquer la méthode des « trois P » : prévention, protection, poursuites. Il s’agit d’ailleurs, je le rappelle volontiers, des trois priorités que nous avions avancées lors des débats sur la loi de 2006. Je ne reviens donc pas sur chacune d’elles, telles que définies dans la convention.
Je conclurai simplement en indiquant que cette convention va dans le bon sens. Évidemment, la France étant en avance sur bien des points, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, ce texte ne changera que peu de choses à notre droit national. Mais je pense aux pays qui n’ont pas pris la mesure de ce fléau et dans lesquels la convention s’appliquera désormais. Je pense aux femmes qui, jour après jour, ont à souffrir des violences qui leur sont infligées. Je pense à ces femmes qui, demain, ne se sentiront plus isolées et qui auront désormais les moyens de se battre contre ce mal qui bafoue leur dignité et engendre souffrances et malheurs.
Bien évidemment, je voterai le présent article, pour qu’en France et au-delà de nos frontières, et pour reprendre vos propos, madame la ministre, « intimité » ne rime pas avec « impunité ». (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
14
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 mai 2014 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales
(Le texte des questions figure en annexe)
À quatorze heures trente et le soir :
2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale (n° 397, 2013-2014) ;
Rapport de Mme Anne Emery-Dumas, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 487, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 488, 2013-2014).
3. Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (n° 396, 2013-2014) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 458, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 459, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART