Sommaire

Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin

Secrétaires :

MM. Jean Desessard, Jacques Gillot.

1. Procès-verbal

2. Reprise du mandat de sénateurs

3. Cessation du mandat d’un sénateur nommé membre du Gouvernement

4. Remplacement d’un sénateur nommé membre du Gouvernement

5. Candidatures à des organismes extraparlementaires

6. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi

7. Dépôt d’un document

8. Démission de membres de commissions et candidatures

9. Rappel au règlement

Mme Nathalie Goulet, M. le président.

10. Interdiction de la mise en culture de variétés de maïs génétiquement modifié. – Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur.

MM. Robert Tropeano, Joël Labbé, Jean Bizet, Jean-Jacques Lasserre, Mmes Laurence Cohen, Renée Nicoux, M. Jean-Jacques Mirassou, Mme Marie-Françoise Gaouyer.

M. Stéphane Le Foll, ministre.

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Amendement n° 1 rectifié de M. Jean-Jacques Lasserre. – MM. Jean-Jacques Lasserre, le rapporteur, Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet par scrutin public.

MM. Jean Bizet, Jean-Jacques Mirassou, Mme Chantal Jouanno, M. Joël Labbé.

Adoption définitive, par scrutin public, de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

11. Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

12. Nomination de membres de commissions

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

13. Convention européenne contre les violences à l’égard des femmes. – Adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports ; Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mmes Françoise Laborde, Esther Benbassa, Muguette Dini, Laurence Cohen, Maryvonne Blondin, Christiane Kammermann.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. Roland Courteau.

Adoption définitive de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.

14. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

M. Jacques Gillot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Reprise du mandat de sénateurs

M. le président. En application des articles L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de Mmes Nicole Bricq, Hélène Conway-Mouret et Anne-Marie Escoffier et de M. Thierry Repentin, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin le mercredi 2 avril 2014, a repris le samedi 3 mai, à zéro heure.

En conséquence, le mandat sénatorial de Mmes Kalliopi Ango Ela et Hélène Lipietz et de MM. Stéphane Mazars et André Vairetto a cessé le vendredi 2 mai, à minuit.

3

Cessation du mandat d’un sénateur nommé membre du Gouvernement

M. le président. Conformément à l’article 1er de l’ordonnance n° 58–1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, M. le président du Sénat a pris acte de la cessation, le vendredi 2 mai 2014, à minuit, du mandat sénatorial de M. François Rebsamen, nommé ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social par décret du 2 avril 2014 relatif à la composition du Gouvernement.

4

Remplacement d’un sénateur nommé membre du Gouvernement

M. le président. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu’à compter du samedi 3 mai 2014, à zéro heure, Mme Isabelle Lajoux est appelée à remplacer, en application de l’article L.O. 319 du code électoral, en qualité de sénateur de la Côte-d’Or, M. François Rebsamen, nommé ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social par décret en date du 2 avril 2014 relatif à la composition du Gouvernement.

5

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extraparlementaires.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Georges Labazée pour siéger, comme membre titulaire, au sein du Conseil d’orientation des retraites et pour siéger, comme membre suppléant, au sein du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites.

Par ailleurs, la commission du développement durable a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Esther Sittler pour siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

6

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 25 février 2014.

7

Dépôt d’un document

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 8 de la loi n° 2010–237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, la convention entre l’État et le Centre national d’études spatiales relative au programme d’investissements d’avenir, action « Espace » du programme « Projets thématiques d’excellence ».

Acte est donné du dépôt de ce document.

Il a été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires économiques.

8

Démission de membres de commissions et candidatures

M. le président. J’ai reçu avis de la démission de M. Michel Mercier, comme membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, de M. Vincent Capo-Canellas, comme membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire et de Mme Chantal Jouanno, comme membre de la commission des affaires sociales.

J’informe le Sénat que le groupe Union des démocrates et indépendants-UC a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

– à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Michel Mercier, démissionnaire ;

– à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, en remplacement de M. Vincent Capo-Canellas, démissionnaire.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

9

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l’article 29 de notre règlement.

Le 20 mars dernier, j’ai déposé une proposition de résolution n° 422 tendant à la création d’une commission d’enquête sur la création, le fonctionnement et les garanties techniques de la plateforme nationale des interceptions judiciaires.

À la suite de la parution de nombreux articles de presse, il s’avère que la réalisation de cette plateforme, confiée au grand opérateur qu’est Thales, connaît un certain nombre de retards. Le prix, initialement fixé à 20 millions d’euros lors de l’appel d’offres, atteindrait aujourd’hui 40 millions d’euros. En cette période d’austérité budgétaire, cette augmentation exponentielle des coûts, alors que ce système n’est toujours pas en place, doit attirer l’attention du Parlement, et du Sénat en particulier. En outre, de nombreuses questions restent en suspens concernant la sécurité de données qui, vous le reconnaîtrez, présentent un caractère plus que privé, puisqu’elles sont liées aux interceptions.

Par ailleurs, les sociétés qui s’occupaient déjà de ces interceptions jusqu’à cet appel d’offres menacent, parce qu’elles ne sont pas payées, d’interrompre leurs prestations. Cela signifie que nos services de police et de gendarmerie vont se trouver privés du support de ces interceptions judiciaires qui sont évidemment nécessaires à leurs enquêtes.

Je fais donc ce rappel au règlement afin que la prochaine conférence des présidents puisse examiner cette proposition de résolution.

M. le président. Ma chère collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.

La conférence des présidents examinera votre proposition de résolution lors de sa prochaine réunion, le 14 mai 2014. Le président de votre groupe politique pourra alors appuyer votre demande à laquelle la conférence des présidents prêtera toute son attention.

10

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié
Discussion générale (suite)

Interdiction de la mise en culture de variétés de maïs génétiquement modifié

Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié
Article unique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié (proposition n° 455, texte de la commission n° 486, rapport n° 485).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons déjà eu l’occasion de débattre de ce sujet et je souhaite repréciser brièvement les enjeux de cette proposition de loi et les objectifs visés par ses auteurs.

Tout d’abord, il convient de rappeler que le principe d’un moratoire sur la culture des organismes génétiquement modifiés recueille depuis longtemps un accord général en France, au-delà des clivages politiques traditionnels. Certes, quelques-uns, dans cet hémicycle en particulier, ont toujours défendu des avis différents, demandant de laisser aux agriculteurs la possibilité d’avoir recours aux organismes génétiquement modifiés, ou OGM. Quoi qu’il en soit, la France a toujours défendu la même position quant au moratoire, et cette position a encore été rappelée par le Président de la République.

Il se trouve que, compte tenu de la législation européenne actuelle et de l’intervention du Conseil d’État, saisi par un certain nombre d’organisations professionnelles, qui a remis en cause un certain nombre de procédures liées à la clause de sauvegarde, il est nécessaire d’adopter un nouveau cadre juridique pour permettre l’application du moratoire sur la mise en culture des OGM.

Tel a été l’objet de l’arrêté que j’ai pris le 14 mars dernier concernant le maïs MON 810 de Monsanto et tel est l’objet de la présente proposition de loi, qui vise à englober d’une manière plus large les organismes génétiquement modifiés, afin de donner à notre pays un cadre juridique permettant que ce moratoire soit appliqué.

Ce débat, nous l’avons déjà constaté en février dernier, suscite des interrogations légitimes, qui méritent que l’on précise les objectifs du cadre juridique que j’entends défendre devant vous aujourd’hui.

En premier lieu, la législation européenne actuelle ne convient à personne. D’une part, elle est extrêmement longue à mettre en œuvre – je crois qu’il n’y a qu’une variété d’OGM autorisée tous les dix ans. D’autre part, lors de la dernière discussion concernant l’autorisation d’un maïs OGM, le TC 1507 de Pioneer, dix-neuf États ont voté contre, quatre se sont abstenus et cinq ont voté pour : du coup, l’autorisation a été accordée. Cette situation juridique à l’échelle européenne ne peut vraiment pas perdurer et il faut modifier le cadre actuel pour y voir plus clair et éviter de rencontrer des problèmes au niveau de chacun des États.

Nous avons engagé cette discussion au niveau du Conseil des ministres de l’Union européenne. Avec le nouveau Parlement européen qui sera issu des élections européennes qui auront lieu dans quelques semaines et la mise en place d’une nouvelle Commission, cette discussion sera amenée à se poursuivre. Au sein du Conseil des ministres, la France a défendu depuis le départ, à la suite du problème que nous avons rencontré au sujet du maïs Pioneer TC 1507, la même position tendant à la modification des règles juridiques d’autorisation et de mise en culture des organismes génétiquement modifiés.

Je le dis solennellement devant vous cet après-midi, cette discussion avance et, de mon point de vue, plutôt dans le bon sens. Il nous faut un cadre juridique qui permette de définir des critères en fonction desquels chaque État puisse faire le choix d’accorder ou de refuser l’autorisation de mise en culture d’organismes génétiquement modifiés.

Parmi ces critères figure, comme c’est le cas pour l’agrément des produits phytosanitaires, la prise en compte des bénéfices et des coûts de la mise en culture des différentes variétés d’OGM. Il est aussi nécessaire de définir officiellement et clairement dans le droit européen les critères environnementaux qui peuvent être retenus, en particulier sur la question de la dissémination. Les États pourront ainsi se prononcer en fonction des avantages et des inconvénients, mais aussi des risques environnementaux.

Il faut également prendre en compte la situation agronomique des productions agricoles, qu’il s’agisse des productions de qualité ou de celles qui sont issues de l’agriculture biologique. Certains États d’Europe, dont la superficie est nettement inférieure à celle de la France, développent des productions de qualité qui ne permettraient pas le recours aux organismes génétiquement modifiés, sauf à accepter la dissémination et la remise en cause d’un certain nombre de cahiers des charges. De même, un pays étendu comme la France, qui a développé beaucoup de productions de qualité ainsi qu’une agriculture biologique, doit pouvoir faire le choix de recourir ou non aux organismes génétiquement modifiés.

La négociation en cours avance, j’espère qu’un texte pourra être adopté pendant la présidence grecque de l’Union européenne, afin que le débat puisse s’engager le plus rapidement possible devant le Parlement européen, parce que nous ne pouvons pas rester dans la situation où nous nous trouvons aujourd’hui.

Cette proposition de loi vise donc à combler le vide juridique qui existe en France après l’arrêt rendu par le Conseil d’État, elle a été votée par l’Assemblée nationale et il vous revient de l’adopter aujourd’hui, du moins je l’espère.

Si l’on s’attache aux aspects juridiques, en particulier en ce qui concerne le maïs Monsanto 810, je tiens à rappeler que son autorisation de mise en culture est vieille de seize ans. Elle aurait dû être renouvelée au terme de dix ans, ce qui n’a pas été fait. Or depuis quelques années l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’AESA, elle-même considère que la culture de cette variété de maïs emporte des conséquences négatives qu’elle n’avait pas évoquées lors de l’autorisation initiale. Si nous voulions faire preuve de juridisme, nous y aurions largement matière, puisque cette autorisation aurait dû être renouvelée.

En second lieu, outre les problèmes posés par le droit européen que je viens de mentionner, il convient de rappeler que le préambule de notre Constitution renvoie à la Charte de l’environnement qui consacre le principe de précaution, auquel cette proposition de loi est parfaitement conforme.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet devant le Haut Conseil des biotechnologies. L’enjeu des études dont nous disposons aujourd’hui, en particulier celles qui ont été réalisées aux États-Unis, était d’examiner dans une perspective de moyen terme l’impact global des organismes génétiquement modifiés sur l’utilisation des herbicides et des pesticides.

On entend souvent dire, en effet, que les OGM permettent d’utiliser moins de pesticides et d’herbicides. Or les deux études dont nous disposons, qui sont le résultat d’une quinzaine d’années d’expérimentation, indiquent de façon très claire que les quantités d’herbicides ont augmenté de 7 %.

Nous avons eu cette discussion à plusieurs reprises. Je le répète donc clairement : selon plusieurs études américaines disponibles aujourd’hui, la diminution de l’utilisation d’un certain nombre de produits phytosanitaires, en particulier les herbicides, n’est pas avérée, tant s’en faut ! Nous assistons même à une augmentation de l’utilisation des herbicides.

Quelle en est la raison ? Ce point est intéressant dans le cadre du présent débat.

Il est vrai que, dans les premiers temps de l’utilisation des OGM, on assiste à une baisse du recours aux herbicides et aux pesticides. Mais, au fur et à mesure, la résistance, en particulier d’un certain nombre de plantes, se renforce, ce qui nécessite, les années passant, d’utiliser davantage d’herbicides. Ce constat, j’en suis persuadé, est de nature à valider une démarche rationnelle par rapport à l’utilisation des OGM dont nous parlons aujourd’hui.

Je tiens à dire, pour conclure, qu’il ne s’agit pas, en l’occurrence, de renoncer à la recherche et à l’idée selon laquelle on pourrait, un jour, utiliser des OGM. Je rappelle ainsi, un amendement ayant été déposé sur ce sujet, que les expérimentations en plein champ sont aujourd’hui possibles : cela figure dans le droit de l’environnement. Le rapporteur y reviendra.

Il n’est pas question de renoncer, au contraire ! Si le cadre européen nous permet enfin de discuter autour de critères précis, comme le rapport bénéfice-coût que j’évoquais précédemment, nous pourrons alors engager un débat plus serein, pleinement démocratique, sur les enjeux liés aux OGM et sur les objectifs que nous voulons fixer pour l’agriculture de demain, en particulier sa durabilité, sa capacité à préserver l’environnement et à éviter les disséminations.

Je l’ai dit, les OGM de première génération, résistants aux herbicides et producteurs de pesticides, ont aujourd’hui montré leurs limites. Mais d’autres débats vont s’ouvrir à l’avenir, qui portent sur d’autres sujets.

Je pense à la possibilité de modifier des gènes afin de développer des plantes plus résistantes au stress hydrique, lorsque la ressource en eau se fait rare.

Je pense aussi à la possibilité d’augmenter la teneur en vitamines d’une plante, par exemple d’une céréale, comme ce fut le cas pour le riz doré, qui a permis de compenser les carences en vitamine A, l’une des principales causes de cécité dans les pays en développement.

Toutes ces questions méritent un débat permettant de mettre sur la table, à la fois, les enjeux en présence, l’intérêt général et le coût des OGM.

Je souhaite que, à la suite des décisions que vous allez prendre, nous puissions, avec le changement du cadre européen et dans un débat organisé, nous poser des questions pour l’avenir. Sur les OGM de première génération, tout nous conduit à considérer, objectivement, rationnellement et scientifiquement, qu’une page peut, et doit, se tourner. Nous devons collectivement en ouvrir une autre.

Quoi qu’il en soit, merci de ce débat, qui, je le sais, sera, comme chaque fois, de grande qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Laurence Cohen ainsi que MM. Joël Labbé et Robert Tropeano applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 18 février dernier par M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues, puis adoptée en séance publique par les députés le 15 avril.

C’est donc une procédure distincte de celle que nous avons suivie au mois de février dernier, lorsque nous avons examiné la proposition de loi déposée par notre collègue Alain Fauconnier. Le Sénat avait alors rejeté ce texte en adoptant une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. N’est-ce pas, monsieur Bizet...

M. Jean Bizet, rapporteur. Je m’en souviens, monsieur le président !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Oui, et pour cause ! (Sourires.)

Sur le fond, il s’agit toutefois du même dispositif : la proposition de loi a pour but unique – je le dis aussi à l’intention de M. Lasserre – d’interdire la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié. Elle ne concerne pas les expérimentations en plein champ, que les choses soient claires !

Chaque mot compte dans ce dispositif.

Tout d’abord, il s’agit seulement du maïs, non de toutes les plantes génétiquement modifiées, et encore moins de l’ensemble des organismes génétiquement modifiés.

Ensuite, le texte vise la mise en culture à finalité commerciale, et non la recherche ou les essais.

Je souhaitais préciser ces deux points, car le débat relatif aux OGM est trop souvent troublé par des slogans faciles, qui trompent la perception que peuvent en avoir nos concitoyens, comme l’a rappelé en commission Jean-Jacques Mirassou.

En premier lieu, les OGM constituent une vaste catégorie de produits que l’on ne doit pas tous mettre sur le même plan.

Notre collègue Jean-Marc Pastor, dans son rapport de 2003 pour la mission d’information sur les enjeux économiques et environnementaux des organismes génétiquement modifiés, présidée par Jean Bizet, a rappelé un simple fait : dès les années soixante, des gènes étrangers ont été incorporés dans les bactéries. Au moins un médicament sur six est issu du génie génétique. Je pense à l’insuline humaine, à l’hormone de croissance, à de nombreux vaccins. Quant au biopharming, il permet de mettre au point des produits pharmaceutiques par transgénèse de plantes ou d’animaux.

Ajoutons que c’est aussi le cas de nombreux produits alimentaires.

J’espère qu’il n’y a, parmi les colporteurs du slogan « Non aux OGM ! », ni diabétiques ni consommateurs de fromages : 80 % de ceux-ci contiennent des OGM,…

Mme Nathalie Goulet. Mais pas les fromages à pâte molle !

M. Daniel Raoul, rapporteur. et personne ne s’en émeut. En effet, dans la plupart des fromages, en Europe et aux États-Unis, la présure d’origine animale, qui provenait à l’origine de la caillette de veau, a été remplacée depuis la crise dite « de la vache folle » par des enzymes recombinantes, c’est-à-dire, en termes clairs, génétiquement modifiées.

Il s’agit là du premier étage des organismes génétiquement modifiés : celui des utilisations confinées, sous contrôle et sans risque de dissémination dans l’environnement. Attention, donc, lorsque l’on parle des OGM, à ne pas condamner les utilisations des techniques de génie génétique !

Le deuxième étage des OGM, ce sont les plantes génétiquement modifiées, les PGM.

Parmi celles-ci, on trouve les maïs génétiquement modifiés, qui nous préoccupent aujourd’hui. Je vous expliquerai ultérieurement pourquoi la présente proposition de loi prévoit, à juste titre, l’interdiction de leur mise en culture.

À l’heure actuelle, on ne connaît, dans les demandes de mises sur le marché, que deux types de maïs génétiquement modifié. Celui qui produit sa propre toxine a évidemment pour cible la pyrale, mais il attaque aussi d’autres insectes : les papillons, sans doute, et peut-être – les informations sont plus floues à cet égard – les abeilles.

Que les choses soient claires : le texte ne vise pas les autres variétés de plantes génétiquement modifiées. D’autres espèces peuvent en effet, ou pourront un jour, présenter un intérêt certain pour l’alimentation. C’est en particulier le cas du riz doré, évoqué par M. le ministre, dont la teneur en vitamine A est augmentée, ce qui est un facteur de lutte contre la cécité. Je pense aussi aux plantes capables de résister au stress hydrique dans des régions qui pourraient connaître, notamment à cause du réchauffement climatique, un manque d’eau perturbant l’arrosage des cultures. Des recherches sont encore nécessaires, et il faut les encourager : l’enjeu est considérable pour ces pays.

Il ne faut donc pas avoir une vision uniforme des plantes génétiquement modifiées.

Le principe de précaution doit être un principe d’encouragement à l’approfondissement des recherches, et non un principe d’inaction. Comme vous étiez, monsieur Bizet, l’un des pères de l’inscription dans le préambule de la Constitution du renvoi à la Charte de l’environnement qui consacre ce principe, je vous le redis. Or ce principe a subi une mutagénèse dirigée (Sourires.),…

M. Jean Bizet. … a dérivé !

M. Daniel Raoul, rapporteur. … et est devenu en fait un principe d’inaction bloquant l’innovation.

Après les PGM, on pourrait voir un troisième étage dans les animaux génétiquement modifiés. Peu médiatisés, ces OGM-là devront un jour retenir toute notre attention.

Je vois pointer en particulier, entre les États-Unis et l’Europe, un certain nombre d’accords qui pourraient nous conduire à importer des animaux génétiquement modifiés. Je le dis calmement : il n’y a pas que le maïs qu’on importe génétiquement modifié.

La commission de biosécurité brésilienne a rendu, le 10 avril, un avis favorable à la dispersion dans le milieu naturel de moustiques mâles génétiquement modifiés. On comprend très bien l’objectif : il s’agit, par un contrôle des naissances au sein de cette espèce, de lutter contre le développement de la dengue, maladie en fort développement au Brésil. Cela peut représenter un grand espoir, mais la mobilité de ces animaux oblige à une prudence encore plus grande qu’en matière de biotechnologies végétales.

En deuxième lieu, c’est la mise en culture qui est visée, et non, monsieur Lasserre, la recherche ou les essais en plein champ.

S’il n’y a plus d’essais en plein champ aujourd’hui, ce n’est pas une question d’ordre législatif ou réglementaire. En effet, M. le ministre le rappelait, ces expérimentations sont prévues par le code de l’environnement. Je voudrais avoir des mots forts pour exprimer la désolation des chercheurs de l’INRA – Institut national de la recherche agronomique –, en particulier, dont les travaux ont été détruits à Colmar, en août 2010. Rien ne justifiait, alors que les recherches s’effectuaient en toute transparence et sans risque de dissémination – une bâche avait été disposée sous les plants –, de saccager ainsi un travail de plusieurs années portant sur le court-noué de la vigne.

Comment, après cela, retenir en France des chercheurs de talent ? Refuser la recherche, c’est refuser la connaissance et perdre toute maîtrise des plantes génétiquement modifiées qui, sous une forme ou sous une autre, arrivent de toute manière.

Je le répète, seules les autorisations de mise en culture commerciale sont visées par cette proposition de loi.

La distinction juridique est importante. La directive 2001/18/CE, au niveau européen, comme le code de l’environnement, au niveau français, définissent des procédures d’autorisation et de contrôle distinctes pour les disséminations expérimentales d’OGM, d’une part, qui comprennent notamment les essais en plein champ, et pour la mise sur le marché d’OGM – ou de PGM –, d’autre part. Seule cette dernière est visée par la présente proposition de loi.

Après avoir ainsi posé le cadre, pourquoi donc proposer d’interdire la mise en culture des maïs génétiquement modifiés, comme le fait cette proposition de loi ?

Il ne s’agit pas de remettre en cause l’évaluation scientifique. Toutefois, nous devons mettre les aspects purement techniques de la culture des plantes génétiquement modifiées en perspective avec les conséquences plus générales d’une mise en culture massive de ces plantes.

L’expertise scientifique est le point de départ indispensable, certes, mais il faut prendre garde aux risques de conflits d’intérêts dans un domaine où les intérêts commerciaux sont considérables. Il est donc important que cette expertise puisse être réalisée par plusieurs instances, au niveau tant européen que national, comme le demandait M. le ministre voilà quelques instants.

Surtout, cette expertise scientifique ne peut de toute manière pas constituer le seul critère de décision pour la puissance publique. Elle doit être complétée par une analyse économique, sociale, environnementale au sens large.

Une autorisation de mise en culture des plantes génétiquement modifiées signifierait probablement une transformation du modèle agricole auquel nous sommes attachés : les contraintes liées à ces cultures favoriseraient sans doute de grandes exploitations, sans parler des liens accrus qu’elles entraîneraient à l’égard des grands semenciers.

Nous ne pouvons pas non plus écarter les risques sanitaires sans examen supplémentaire. On manque d’études de long terme concernant la sécurité des plantes génétiquement modifiées pour l’alimentation des humains et du bétail. Les risques sur la biodiversité, l’impact en termes de limitation de la quantité de pesticides diffusés dans l’environnement sont encore controversés. M. le ministre a évoqué les dernières publications américaines sur la consommation d’herbicides, malgré l’utilisation de maïs génétiquement modifiés : ce constat pose problème au regard de la finalité initiale de ces semences.

Au mois de février dernier, notre commission a considéré que de telles incertitudes justifiaient l’adoption de la proposition de loi de notre collègue Alain Fauconnier, qui était similaire à celle que nous examinons aujourd'hui. En effet, face à ces risques, les avantages des plantes génétiquement modifiées résident plus dans les promesses des biotechnologies que dans leurs réalisations actuelles. Les maïs génétiquement modifiés dont nous parlons ne sont pas des plantes miraculeuses qui vont résoudre les problèmes d’alimentation dans le monde : ce sont d’abord des outils pour développer une forme d’agriculture plus intensive que celle qui constitue le modèle français.

D’ailleurs, ce texte n’a rien de révolutionnaire : il se place dans la continuité de la position constamment affirmée par les autorités françaises, au-delà des alternances politiques.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Une première interdiction a été édictée, pour la variété MON 810, par un arrêté du 7 février 2008, signé de M. Michel Barnier, et une seconde par un arrêté du 16 mars 2012 signé de M. Bruno Le Maire.

Ces arrêtés ont été confirmés en substance par l’arrêté pris le 14 mars dernier par le ministre actuel, M. Stéphane Le Foll. Ce dernier arrêté a été pris après toutes les consultations nécessaires. Les autorités ont informé la Commission européenne de la nécessité de prendre des mesures d’urgence, justifiées par l’existence d’études scientifiques nouvelles et par la proximité des semis. Elles ont aussi recueilli les observations du public lors d’une consultation organisée du 17 février au 9 mars 2014.

Cet arrêté a permis d’éviter les risques de plantation de maïs génétiquement modifiés pour la saison 2014, du moins à partir de la date de sa publication. En effet, il semble que certains exploitants aient planté quelques hectares de maïs génétiquement modifiés avant le 15 mars. On a su par la presse ce qu’il est advenu. Pour ma part, je n’apprécie pas les méthodes employées : il aurait fallu laisser la justice opérer.

L’arrêté, comme les précédents, fait l’objet d’une procédure devant le Conseil d’État.

Il est nécessaire de passer par la voie législative afin d’offrir un socle plus solide à l’interdiction. Nous ne devons toutefois pas le cacher, monsieur le ministre : il sera nécessaire de revoir à l’échelon européen le processus d’évaluation et d’autorisation des plantes génétiquement modifiées. Vous avez rappelé les résultats du vote des États européens : 19 voix contre, 4 abstentions et 5 voix pour, dont celle d’un pays qui ne plantera jamais de maïs, si mes informations sont bonnes…

Ce processus est donc aujourd’hui particulièrement technocratique et les États comme les représentants des citoyens en sont largement dessaisis.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je vais le dire aussi !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Nous avons examiné le précédent texte au mois de février dernier, au moment même où les gouvernements européens, dans leur majorité, exprimaient leur opposition à l’autorisation du TC 1507 de Pioneer. Ils confirmaient l’avis, de nature consultative, exprimé quelques semaines auparavant par le Parlement européen. Malheureusement, il n’y a pas là de codécision possible avec la Commission européenne et les règles de majorité qualifiée permettent à cette dernière de passer outre une opposition même aussi clairement affirmée des institutions qui proviennent, directement ou indirectement, de la représentation des citoyens. Cela pose un véritable problème.

Monsieur le ministre, il va de soi que les procédures d’autorisation doivent évoluer pour être plus facilement contrôlées, et ce dans un but démocratique.

La Commission européenne s’appuie uniquement sur les avis scientifiques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, de sorte que, en fin de compte, aucune autorité n’assume véritablement la responsabilité de l’autorisation donnée. Cela n’est pas acceptable, et nous sommes tous d’accord au moins sur un point : il est nécessaire de revoir en profondeur les procédures d’autorisation à l’échelon européen.

La Commission européenne a elle-même avancé des propositions, qui ont été récemment reprises par la Grèce – vous l’avez évoqué, monsieur le ministre –, pour que chaque État puisse, en théorie, interdire sur son territoire une variété autorisée au niveau européen. Monsieur le ministre, peut-être pourrez-vous nous en parler plus en détail au moment de l’examen de l'amendement de Jean-Jacques Lasserre, l’unique amendement qui a été déposé sur cette proposition de loi.

La France a fait valoir que cette proposition n’était pas satisfaisante, car une mesure nationale d’interdiction pourrait être fragile sur le plan juridique. C’est pourquoi, monsieur le ministre, vous avez formulé une autre proposition, selon laquelle les plantes génétiquement modifiées, une fois évaluées à l’échelon européen, pourraient encore faire l’objet d’un examen sur différents critères à l’échelon national.

Il existe donc un véritable débat au niveau européen, qu’il convient de poursuivre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en conclusion, je rappellerai en quelques mots le dispositif de la proposition de loi.

Il s’agit d’inscrire dans la loi l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifiés, afin d’éviter toute mise en culture produisant des effets irréversibles. Je pense en particulier à la dissémination, mais aussi aux attaques contre les insectes autres que les insectes cibles du fait de l’utilisation du MON 810.

Le respect de cette interdiction sera confié aux agents chargés de l’inspection et du contrôle des végétaux. Ils disposeront de certains pouvoirs attribués par le code rural et de la pêche maritime : accès aux locaux et parcelles aux heures ouvrables, communication de documents professionnels, prélèvement de produits et d’échantillons.

C’est bien ce que ces agents ont d’ailleurs fait sur les quelques hectares plantés par les exploitants ayant profité de l’étroite fenêtre de tir avant la publication du dernier arrêté : il s’agit de savoir quel maïs a été planté, du MON 810 ou d’autres variétés.

En cas de non-respect de l’interdiction, c’est l’autorité administrative, et elle seule, qui pourra ordonner la destruction totale ou partielle des cultures.

L’Assemblée nationale a adopté sur ce texte trois amendements de nature rédactionnelle, sans modifier le dispositif sur le fond. Elle a en particulier repris l’intitulé que nous avions proposé ici, au mois de février dernier, sur l’initiative de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, et je suis désolé pour votre amendement, monsieur Lasserre, je vous propose donc, comme l’a fait notre commission mercredi dernier, d’adopter cette proposition de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 17 février dernier, une proposition de loi similaire était inscrite à l’ordre du jour de la Haute Assemblée. Ayant connu le sort que l’on sait, cette proposition de loi a été depuis reprise par des députés de la majorité et la voilà de nouveau devant nous.

Mes chers collègues, cet examen est pour le groupe du RDSE l’occasion de repréciser sa position sur la délicate question de la culture des OGM dans des termes très proches de ceux qu’avait utilisés à cette même tribune, le 17 février dernier, notre collègue François Fortassin. En la matière en effet, il faut savoir prendre de la distance, s’éloigner des évidences et des préjugés et faire l’effort de dépassionner le débat !

François Fortassin avait ainsi rappelé qu’à deux reprises la France avait tenté de riposter par une clause de sauvegarde à une décision européenne autorisant le maïs génétiquement modifié MON 810 et qu’à deux reprises le Conseil d’État avait annulé l’arrêté d’interdiction. Au mois d’août dernier, la haute juridiction avait en effet jugé que le dossier ne contenait pas d’éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables et permettant de conclure à l’existence d’un risque important pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Au lendemain de cette décision, monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à maintenir le moratoire en promettant une décision avant les prochains semis.

La procédure proposée par ce texte est inédite, puisqu’il s’agit en fait d’interdire par la loi la mise en culture sur le territoire national non seulement du maïs incriminé, mais aussi de l’ensemble des variétés de maïs génétiquement modifié. Il est vrai qu’entre-temps une nouvelle variété de maïs OGM, le maïs TC 1507, vient quasiment d’être autorisée, faute de majorité suffisante pour la bloquer au dernier Conseil européen.

La question posée par cette proposition de loi n’est pas seulement celle des OGM, c’est aussi une question de droit : notre fonction de législateur peut-elle nous autoriser à voter des lois dont nous savons pertinemment qu’elles ne sont pas fondées juridiquement ? Cela pose un réel problème, que l’on soit « pro » ou « anti » OGM !

Notre collègue Fortassin posait déjà la question en ces termes : « S’agirait-il donc d’une initiative purement politique pour rassurer une opinion publique "apparemment" unanime à rejeter les OGM ? » Il ajoutait que l’examen d’un tel texte illustrait bien « notre incapacité à tenir un débat objectif et serein sur le sujet, allant au fond des interrogations ».

Mes chers collègues, il nous appartient de défendre la transparence du débat public et l’émergence d’une information non biaisée par les conflits d’intérêts, d’où qu’ils viennent ! C’est en tout cas la ligne exigeante et rigoureuse adoptée par le groupe du RDSE. Toutes les positions sont respectables. Qu’il nous soit permis d’indiquer ici combien nous avons été surpris – pour ne pas dire davantage – par certaines déclarations excessives qui ont pu suivre l’adoption, le 17 février, par le Sénat, de la motion de procédure déposée sur la proposition de loi initiale. Cela devait être dit.

Mes chers collègues, en l’état de la connaissance sur les OGM, toutes les positions semblent légitimes et aucune d’entre elles ne doit être disqualifiée a priori. D’ailleurs, les modèles de développement ne sont pas toujours antinomiques : l’agriculture intensive ne s’oppose pas nécessairement à l’agroécologie. Il faut sortir d’une vision manichéenne et simplificatrice !

Nous devrions, sur des dossiers comme celui-ci, décider sur la base d’un débat scientifique parfaitement posé. En tant que parlementaires, nous devons raison garder et ne pas céder aux sirènes médiatiques ou aux raccourcis de quelques sondages d’opinion qui n’ont aucun sens.

Pour nous, on ne peut réduire les OGM à leur visage actuel : le business de Monsanto ou de quelques autres firmes pour lesquelles nous n’avons aucune sympathie particulière et dont nous dénonçons d’ailleurs certaines méthodes ; je pense en particulier au scandale du monopole des semences. Pour autant, il ne serait pas raisonnable de se priver a priori des biotechnologies. Non, les OGM ne sont pas par nature et par définition un danger certain pour la santé publique ; les choses sont beaucoup plus complexes. Ce constat est d’ailleurs valable pour d’autres sujets. S’il est une certitude, c’est bien qu’il est primordial de poursuivre la recherche, car l’obscurantisme serait, à coup sûr, une faute politique majeure !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Très bien !

M. Robert Tropeano. Faut-il rappeler que notre pays est à la pointe de la recherche et du développement dans le domaine de la génétique végétale ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. « Était », à la pointe !

M. Robert Tropeano. Les variétés créées par l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, furent à l’origine du succès de plusieurs entreprises, devenues premiers semenciers mondiaux.

Daniel Raoul ne manque d’ailleurs pas de souligner dans son rapport les grandes lacunes dans l’évaluation des OGM, que ce soit sur leur intérêt agronomique, leurs effets sur la santé humaine, leurs impacts sur les autres filières agricoles – conventionnelle ou biologique – et les filières apicoles. Raison de plus, dans ces conditions, pour donner à la recherche publique française, notamment à l’INRA, les moyens nécessaires et la liberté suffisante pour mener des expérimentations. Je regrette que le texte ne dise mot sur ce point.

Cela étant, nous ne contestons pas les arguments sur les risques de résistance des maïs OGM, ou sur ceux qui tiennent à l’insuffisance des mesures de gestion et des plans de surveillance mis en œuvre par Monsanto.

Seulement, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur la cohérence de nos décisions avec celles de l’Europe. Comment expliquer, par exemple, que l’on interdise la mise en culture des OGM et que l’on autorise dans le même temps l’importation de produits à base d’OGM ? Cela signifie que l’on ne cultive pas chez nous ce que nous sommes pourtant susceptibles de trouver dans nos assiettes !

Comme le disait encore François Fortassin : « Finalement, face à une communauté scientifique fortement divisée et invoquant des arguments contradictoires, face aux positions des "pro" et des "anti" qui se sont encore durcies, faut-il considérer que nous devons nous résigner à ne tenir compte, sur ce sujet, que de notre intime conviction ? »

Il se trouve, monsieur le ministre, que les membres du groupe du RDSE n’ont pas tous, sur le sujet, la même intime conviction !

Si, en effet, nous pensons tous, unanimement, qu’il faut encourager la recherche pour disposer au plus vite de certitudes - il en va des OGM comme de tous les autres sujets : priorité doit être donnée à la recherche -, en attendant, certains, dont je suis, voteront ce texte, non sans avoir auparavant exprimé quelques réserves de droit, comme je viens de le faire, quand d’autres, indépendamment de la question même des OGM, ne peuvent se résoudre à voter un texte n’ayant aucune raison d’être sur le plan juridique : en conséquence, ils voteront contre ou s’abstiendront.

Enfin, comme nous l’avons déjà dit, la totalité des membres du RDSE souhaitent la tenue d’un vrai débat, objectif et dépassionné, sur les OGM, et ce sans arrière-pensées électorales ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions examiner cette proposition de loi, un peu plus de deux mois après l’adoption d’une motion de M. Jean Bizet tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ayant rendu caduc un texte similaire déposé par notre collègue Alain Fauconnier.

Au-delà de l’arrêté pris en mars par M. le ministre de l’agriculture et interdisant la commercialisation, l’utilisation et la culture du maïs génétiquement modifié MON 810, qui constituait une mesure d’urgence avant la période des semis, il y a bien lieu de légiférer sur cette question.

Je tiens donc, au nom du groupe écologiste, à saluer le groupe socialiste qui a déposé cette nouvelle proposition de loi à l’Assemblée nationale. Je vois dans cette initiative un signe encourageant, entérinant la volonté de la France d’engager la transition de son modèle agricole et alimentaire vers l’agroécologie, en cohérence avec ce que nous avons défendu dans le cadre des débats sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. J’entends par là la fin du mirage de l’agrochimie et des biotechnologies modernes comme seules réponses aux impératifs de rendement, et le développement de pratiques agricoles nouvelles, productives, respectueuses des écosystèmes et des dynamiques humaines territoriales.

J’avais envisagé de déposer un amendement tendant à élargir l’interdiction à la culture de toutes les plantes génétiquement modifiées. Par souci d’efficacité, j’y ai renoncé.

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous avez bien fait !

M. Joël Labbé. Mais nous comptons sur le Gouvernement, sur votre détermination, monsieur le ministre, et sur celle de notre nouvelle ministre de l’écologie, qui a toujours ardemment défendu une agriculture familiale de qualité, pour déjouer les tentatives de passage en force de la Commission européenne, sous la pression permanente des lobbys OGM, et pour garantir aux consommateurs français et européens que, demain, ils ne trouveront pas d’OGM dans leurs assiettes.

M. Jean Bizet. Il y en a déjà !

M. Joël Labbé. C’est que la Commission européenne prévoit, dans ses projets actuels, de donner la possibilité à un pays d’être exclu en amont du champ d’une demande d’autorisation de mise en culture d’un OGM : de tels projets sont inacceptables. Que ferons-nous une fois qu’une variété sera cultivée dans l’un des États membres ? Aucun autre État ne pourra empêcher la vente de produits alimentaires transformés utilisant ces variétés transgéniques, libre circulation oblige !

Alors que 75 % de nos concitoyens européens restent fermement opposés à l’utilisation d’OGM en agriculture, nous ne sommes pas dupes des manœuvres des grandes entreprises du secteur !

Je voudrais citer ici quelques-unes des conclusions que la Fédération internationale des amis de la terre vient de publier dans son rapport intitulé Qui tire profit des cultures GM ? Une industrie bâtie sur des mythes, cette étude étant fondée sur les chiffres des industriels.

Tout d’abord, les cultures génétiquement modifiées sont de moins en moins acceptées dans le monde et se heurtent à une résistance considérable sur tous les continents, en raison de leurs impacts écologiques et sociaux.

Par ailleurs, comme M. le ministre l’a indiqué, l’utilisation de pesticides augmente en raison des résistances développées par les herbes non désirables, dites adventices, et les insectes, de sorte que les cultures génétiquement modifiées tolérant les herbicides et produisant leurs propres pesticides n’apportent pas une solution réelle au problème des ravageurs agricoles.

Enfin, 99 % des denrées génétiquement modifiées cultivées sont encore tolérantes aux herbicides, résistantes aux insectes ou à une combinaison des deux.

À ceux qui me reprocheraient de citer une organisation connue pour ses positions environnementales engagées, je propose de prendre également connaissance du bilan dressé par le ministère de l’agriculture américain après quinze ans de développement des OGM. Ce bilan met en exergue les premières conséquences environnementales de ces cultures, notamment la résistance des adventices et, tout particulièrement, au glyphosate. On y fait également état de résultats mitigés en termes de rendements et de retours sur investissement.

La multiplicité des risques environnementaux, socio-économiques et sanitaires que font courir les OGM nous appelle à ne pas céder à la pression des lobbys. Nous devons garder le cap que nous nous sommes fixé et conduire la France et l’Europe sur le chemin de l’agroécologie, garante de la souveraineté alimentaire et avalisée par un nombre croissant d’experts en divers domaines de la communauté scientifique.

Comme le rappelle Olivier de Schutter au terme de son mandat de rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, « notre modèle agricole, fondé sur des intrants intensifs et dépendant de l’industrialisation toujours plus poussée de l’agriculture, est à bout de souffle ».

Comment s’en sortir ? Il faut compter avec la résistance de la nature : des herbes non désirables finissent par développer des résistances ; les insectes font de même. La nature est effectivement bien faite et sait s’adapter aux conditions les plus défavorables.

Je conclurai d’ailleurs en évoquant l’éthique et la nature humaine : face au crime contre l’humanité – je pèse mes mots – que constitue l’agrochimie dans les pays du Sud, est en train de se développer une résistance des peuples à l’échelle de la planète !

À cet égard, monsieur Bizet, en réponse au Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture que vous animez avec les tenants de l’agrochimie, je lancerai dans les prochains jours un appel en faveur de la mise en place d’un Mouvement mondial des parlementaires pour la défense de l’agroécologie.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà trois mois à peine, je défendais, ici même, au nom du groupe UMP, la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité que nous avions déposée avec Gérard César sur la proposition de loi de notre collègue Alain Fauconnier visant à interdire la mise en culture des maïs génétiquement modifiés, soit, essentiellement, le MON 810 de Monsanto et, dans le futur, le TC 1507 de Pioneer. Ce faisant, je démontrais que le texte proposé était contraire à plusieurs dispositions constitutionnelles, légales ou réglementaires.

Je me permets de croire que mes arguments ne vous avaient pas laissés indifférents, mes chers collègues, puisque le Sénat avait alors adopté cette motion, certes à une courte majorité, rejetant ainsi la proposition de loi de notre collègue Alain Fauconnier, et ce contre l’avis du Gouvernement.

Or aujourd’hui, avec cette proposition de loi de notre collègue député Bruno Le Roux, c’est un texte rigoureusement identique qui nous est proposé.

Je pourrais reprendre exactement les mêmes arguments que ceux que j’avais développés le 17 février dernier, mais je n’ai pas envie de vous fatiguer – vous connaissez ma position sur le sujet comme je connais celle de M. Daniel Raoul – et je vous épargnerai donc le détail de cette argumentation.

Néanmoins, je ne peux m’empêcher de mentionner que le présent texte, lui non plus, ne respecte ni le droit français ni le droit européen ! (M. le ministre proteste.)

Pour dire les choses de façon concise, car nous développerons dans notre saisine du Conseil constitutionnel, le Gouvernement essaie d’intervenir au nom d’une urgence et d’un risque non démontrés, ce qui l’entraîne dans une voie ne respectant pas entièrement la légalité.

Non seulement, à l’échelon national, cette démarche a pour objectif de contourner l’annulation par le Conseil d’État des clauses de sauvegarde adoptées – je le concède, ce n’est pas une première -, mais elle ne respecte pas, au niveau européen, les dispositions de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement, dûment transposée en France, qui établit une procédure précise et justifiée au cas où un État voudrait interdire ou suspendre l’utilisation ou la mise sur le marché d’un OGM.

Ainsi, par divers « petits arrangements » – pardonnez-moi l’expression, mais n’est-ce pas de cela qu’il s’agit ici ? - le Gouvernement cherche à obtenir cette interdiction de la mise en culture des maïs transgéniques.

Tout d’abord, n’ayant vraisemblablement pas le courage d’assumer ses choix, l’exécutif téléguide des propositions de loi, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, faisant preuve d’un certain manque de respect pour l’autonomie des assemblées parlementaires.

Pourtant, monsieur le ministre, vous disposiez d’un véhicule législatif parfait pour y intégrer des dispositions relatives aux OGM avec le bien nommé « projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ». Vous auriez pu prendre la responsabilité de déposer, à l’occasion de l’examen de ce texte, un amendement en ce sens. Mais vous ne l’avez pas fait, pour des raisons de convenance – peut-être ne souhaitez-vous pas prendre l’initiative formelle de cette interdiction – et, surtout, parce que vous voulez interdire rapidement la mise en culture des maïs génétiquement modifiés.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Rapidement, oui !

M. Jean Bizet. Un texte tel que le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt implique un processus législatif long. D’ailleurs, nous n’en sommes qu’à la première lecture et la navette parlementaire ne devrait pas permettre son adoption avant l’été.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si !

M. Jean Bizet. Ce n’est pas sûr…

M. Daniel Raoul, rapporteur. Cela devrait s’accélérer !

M. Jean Bizet. Imaginez que le texte ne soit pas voté conforme par le Sénat…C’est que l’amendement de notre collègue Jean-Jacques Lasserre ne manque pas de pertinence !

Avec une proposition de loi comprenant un seul article, pour laquelle, en outre, vous engagez la procédure accélérée, vous gagnez du temps. Vous pourriez même, sait-on jamais, monsieur le ministre, disposer d’un texte de loi dès ce soir !

Cela vous est d’autant plus utile que l’arrêté d’interdiction de la commercialisation, de l’utilisation et de la culture de semences de maïs OGM est l’objet d’un référé-suspension.

Il n’en reste pas moins que des semences ont été légalement plantées.

M. Joël Labbé. C’est de la provocation !

M. Jean Bizet. C’est de la culture, monsieur Labbé !

Quelles que soient les évolutions de notre droit, il vous faudra prendre en compte, monsieur le ministre, ce préjudice économique subi par certains agriculteurs, sans parler de celui qui affecte l’ensemble d’une filière.

Ainsi, monsieur le ministre, vous avez très clairement un objectif et vous ne renoncez à aucun moyen pour l’atteindre, ces moyens fussent-ils tangents d’un point de vue de la solidité juridique et contraignants à l’égard des droits du Parlement. Malheureusement pour vous, et malgré les désaccords pouvant exister entre nous sur les usages de la transgénèse et des biotechnologies, nous sommes encore dans un État de droit !

Au-delà des questions de forme, nous comprenons néanmoins très bien pourquoi vous agissez ainsi.

En réalité, vous rencontrez des difficultés à justifier l’interdiction ou la suspension de la culture de maïs transgéniques dans le cadre légal en vigueur. Pour cela, il faudrait en effet des motifs d’urgence face à un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Or, jusqu’à preuve du contraire, et le hasard veut que je suive la question depuis une dizaine d’années, les différentes agences ou académies n’ont absolument pas confirmé ce risque.

Comment justifiez-vous aujourd’hui l’urgence et le risque ?

Vos arguments sont plutôt aléatoires, monsieur le ministre. Nous pouvons avoir des convictions et des analyses divergentes sur le sujet, mais ce n’est pas là le sens de mon questionnement : aujourd’hui, si vous voulez légiférer, il faut le faire sur des bases légales et scientifiques incontestables !

J’ai déjà évoqué les bases légales, brièvement aujourd’hui et de façon plus détaillée le 17 février dernier.

Quant aux bases scientifiques, vous entretenez la confusion en laissant planer le doute sur la qualité des avis rendus par les agences sanitaires et environnementales tant française qu’européenne.

En particulier, la teneur des débats à l’Assemblée nationale et certaines allégations sur les effets du MON 810 et des OGM ont des fondements scientifiques très relatifs et ne peuvent que nuire à la sérénité de la décision publique, à la qualité des informations données à nos concitoyens et à la confiance en nos institutions scientifiques de recherche et de contrôle.

C’est pourquoi, avec mon collègue le président Bernard Accoyer, j’ai saisi officiellement le président du Haut Conseil des biotechnologies. En particulier, nous souhaitons disposer d’une analyse croisée et circonstanciée des conclusions que l’on peut tirer des avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments sur les risques pour l’environnement de la culture du Monsanto 810.

Enfin, il ne me semble pas que l’on puisse se ranger à l’argument selon lequel la proposition de loi que nous examinons est un texte de sauvegarde aux visées conservatoires, en application du principe de précaution – ce point a été évoqué par certains collègues avant moi. Il n’est qu’à lire la Charte de l’environnement, qui prescrit, en cas de doute sur l’innocuité d’un produit ou d’un process, des procédures d’évaluation et des mesures proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

Sincèrement, nous ne pouvons pas convenir que la présente proposition de loi, d’interdiction pure et simple, soit une application du principe de précaution.

Bien au contraire, interdire la mise en culture de tous les maïs génétiquement modifiés, présents et à venir, relève d’une approche totalement arbitraire et constitue un défi à la raison comme à la recherche scientifique proprement dite. En effet, ainsi que l’a souligné le président-rapporteur Daniel Raoul, comment inciter nos chercheurs à rester sur notre territoire – ils ne sont déjà plus nombreux, d’ailleurs ! – et à s’engager dans des recherches, s’ils savent pertinemment que les cultures n’existeront pas, ou qu’elles seront détruites, comme cela s’est malheureusement produit à Colmar ? Pourtant, la loi de 2008, qui s’inspirait pour partie du rapport d’information que Jean-Marc Pastor et moi-même avions rendu sur ce même sujet quelques années auparavant, respectueuse des agriculteurs qui voulaient planter et de ceux qui ne le souhaitaient pas, de même que des consommateurs qui voulaient consommer et de ceux qui ne le désiraient pas, était assortie de pénalités pour celles et ceux qui se livraient à des dégradations du bien d’autrui.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Ces dispositions figurent toujours dans le code de l’environnement !

M. Jean Bizet. Certes ! Toutefois, comme vous le savez, entre le texte et sa mise en œuvre, il y a un pas et, malheureusement, ceux qui se livraient à de telles dégradations n’ont pas été sanctionnés. Cela explique que nos chercheurs soient partis et que nos filières subissent une distorsion de concurrence.

Monsieur le ministre, il faut, quand les débats sont aussi sensibles et complexes, jouer la carte de la clarté et de la transparence.

Par ailleurs, si la réglementation évolue au niveau européen, en particulier si les procédures d’autorisation des OGM sont renationalisées, nous respecterons ce droit. Pour ma part, je ne vous le cache pas, je ne suis absolument pas opposé à cette renationalisation. Elle sera sans doute momentanée, mais aura le mérite de pointer clairement les incohérences de tel ou tel État membre. Nous pourrons voir ainsi quels pays – mais nous les connaissons déjà - choisiront telle modernité plutôt que telle autre.

Depuis deux ans, je répète que je ne suis pas opposé à une telle évolution de la législation européenne. Toutefois, en tant que législateur, notre rôle est non pas d’anticiper des réformes législatives, mais d’agir dans le respect du droit en vigueur.

Enfin, permettez-moi de sortir de considérations strictement légales et de m’interroger sur les conséquences économiques de la présente proposition de loi.

À un moment où votre gouvernement plaide pour le redressement productif – je crois entendre M. Montebourg qui, me semble-t-il, a toujours été plutôt favorable aux biotechnologies – et pour la compétitivité, et alors qu’il porte toute son attention sur l’industrie, il serait cohérent d’aborder sereinement le sujet des technologies d’avenir que sont les biotechnologies.

Pour le cas particulier des OGM, quelques questions mériteraient une réponse.

Ainsi, la culture des maïs transgéniques est, aujourd’hui, autorisée au niveau européen, et donc pratiquée dans d’autres pays. Comment nos semenciers et nos agriculteurs vont-ils gérer cette concurrence à terme ?

Dans le monde, un tiers de la surface des maïs est cultivée en OGM et les importations de maïs transgéniques sont autorisées et entrent dans l’alimentation animale, comme pour le soja. La recherche et l’innovation en matière de transgénèse et de biotechnologies sont fondamentales pour l’avenir de l’industrie semencière, de l’agriculture et de notre capacité à enregistrer des brevets.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, au sein du groupe UMP, nous pensons qu’en voulant agir dans la précipitation le Gouvernement s’est engagé dans une impasse juridique en soutenant des textes qui ne respectent ni notre Constitution ni le droit européen. Je le regrette, même si j’ai bien noté la porte que vous avez entrouverte, tout à l’heure, monsieur le ministre, tout comme d’ailleurs vous l’aviez déjà fait dans le cadre de la discussion du projet de loi d’avenir, en parlant des OGM de seconde génération. J’attends donc avec impatience que vous passiez des paroles aux actes !

Nonobstant, l’attitude du Gouvernement fausse les conditions qui seules permettraient un débat serein, tant sur le Monsanto 810 que sur les autres maïs transgéniques ou les OGM en général.

Nous le déplorons, car les enjeux sont très sérieux, qu’ils soient environnementaux ou économiques. Ils méritent mieux, à mon sens, que l’amalgame et la désinformation.

Vous ne serez donc pas surpris du vote du groupe UMP. Je le regrette, monsieur le ministre. Mais il me semble que l’immobilisme avance en la matière, et que rien ne saurait l’arrêter… (Sourires.) Encore un petit effort, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier M. le président de la commission des affaires économiques pour l’organisation des débats, leur qualité et la liberté de parole dont les membres de la commission bénéficient.

Comme je l’ai dit à cette tribune voilà quelque temps, nous débattons donc cet après-midi d’un sujet qui nécessite la plus grande attention, la plus grande mesure et, me semble-t-il, le plus grand discernement.

Rappelons que, avec les organismes génétiquement modifiés, nous abordons des sujets qui ont à la fois une envergure locale, nationale et européenne. Ils touchent nombre de domaines : la santé, l’agriculture, la recherche, l’économie, l’environnement. Ils suscitent toujours beaucoup d’interrogations et d’incertitudes, trop souvent de l’incompréhension.

Le texte que nous examinons aujourd’hui, qui a le mérite d’être vite lu (Sourires.), est parfaitement similaire à la proposition de loi de notre collègue Alain Fauconnier, dont nous avons été saisis voilà quelques mois.

Nous pouvons noter la persévérance, voire l’obstination de la majorité, malgré le rejet du premier texte...

Notons également l’évolution de l’initiative parlementaire et gouvernementale : à l’origine, il y avait un texte portant sur l’interdiction de la variété Monsanto 810 ; à l’arrivée, on trouve l’interdiction de mise en culture de toutes les variétés de maïs OGM. Il faut aussi noter, dans l’intervalle, un arrêté ministériel, datant du 14 mars dernier, « interdisant la commercialisation, l’utilisation et la culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié » !

Je pense qu’il est fondamental d’aborder cette thématique des organismes génétiquement modifiés en restant le plus possible éloigné des positions de principe figées et du débat stérile « pour ou contre », dans lequel chacun, trop souvent, s’arc-boute, en usant toujours des mêmes arguments !

Nous sommes tous conscients des problèmes que soulèvent les OGM ; nous ne sommes pas aveugles, ni bornés – enfin, je l’espère !

Toutefois, ne commettons pas l’erreur dramatique de condamner des éléments primordiaux, comme cela a été dit. Il faut protéger la recherche, l’expérimentation, et l’affirmer. Mieux vaut la redondance que l’absence d’affirmation. Des actes comme le fauchage, à Colmar, en 2010, de parcelles de vignes expérimentales transgéniques de l’INRA ne sont pas tolérables !

De même, je pense qu’il est très important, en ce moment, de donner des signes à l’ensemble de la communauté scientifique, à ceux de nos chercheurs qui ont fait le choix de rester dans notre pays et qui sont totalement démobilisés.

Des recherches scientifiques doivent être menées ou poursuivies, pour plusieurs raisons qui nous paraissent fondamentales.

Ainsi, certaines recherches vont déboucher sur l’utilisation très réduite des intrants chimiques, en particulier des engrais azotés.

D’autres qui sont conduites en ce moment vont aussi déboucher sur des caractéristiques intéressantes pour l’humanité ; il s’agit notamment de plantes résistantes à la sécheresse, nécessitant beaucoup moins d’apports en eau, l’aspect écologique entrant ici en considération de façon très positive. De surcroît, lorsque l’on voit l’évolution démographique de la planète et la sous-alimentation qui touche une très grande partie de l’humanité, les recherches de solutions sont une évidente nécessité.

Voilà quelques atouts qui, à mon sens, méritent d’être considérés. Le fond du débat consistera bien entendu à éliminer le risque et à éviter la quête de profits financiers, qui ne doivent en aucun cas être le seul objectif de la recherche – cela a déjà été dit, et nous souscrivons à cette position.

Mais pourquoi la France devrait-elle se priver du progrès et de la recherche ? Regardons autour de nous : de nombreux pays d’Europe, et ailleurs de par le monde, ont une attitude diamétralement opposée. Le principe de précaution n’est pas et ne doit pas être synonyme de stagnation !

Je ne dis pas qu’il faut utiliser les OGM librement et abusivement, loin de là – je tiens à le répéter –, mais nous pensons que la mesure du risque doit être, et peut être encore mieux appréhendée.

Néanmoins, il y a des risques, comme je le disais voilà quelques instants. Ne les négligeons pas. Je pense à l’apparition de biorésistances, qui existe chez les insectes et les plantes, et qui touchera peut-être un jour les animaux.

Il y a aussi des risques de propagation incontrôlée des pollens, avec, bien entendu, de véritables dangers d’irréversibilité, mais nous savons qu’ils peuvent se circonscrire – le monde semencier a déjà prouvé depuis longtemps, en matière d’hybridations, que des pollinisations désordonnées peuvent être limitées.

Nous avons bien conscience de toutes ces conséquences environnementales liées aux OGM.

Il faut prendre la mesure du risque, toute la chaîne biologique pouvant, bien entendu, en supporter les conséquences.

La mesure du risque doit concerner, aussi, l’alimentation humaine. Nous l’affirmons : nous devons être très vigilants quant à la maîtrise de ce risque.

Et, justement, c’est là que nous devons intervenir, c’est là que le législateur doit jouer pleinement son rôle !

Je ne pense pas qu’il faille produire une loi pour chaque espèce – c’est un peu ce qui nous attend, au bout du compte, avec le Monsanto 810. Il est évident que cette loi ne réglera pas tous les problèmes.

Nous pensons toutefois véritablement qu’un cadrage plus global serait nécessaire à l’heure actuelle. Je vous ai écouté très attentivement, monsieur le ministre : c’est sur ce point que nous devrions engager nos réflexions et nos discussions, car c’est un véritable enjeu pour l’avenir de l’agriculture.

Il est regrettable que nous ne l’ayons pas fait lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt… Pourquoi donc préférer inscrire à notre ordre du jour des propositions de loi sur les OGM en procédure accélérée, plutôt que d’inscrire cette thématique dans le projet de loi d’avenir ? Je n’insisterai toutefois pas sur ce point, qui appartient déjà au passé, monsieur le ministre, et me contenterai de noter vos engagements pour l’avenir.

Cela étant dit, nous ne pourrons pas nous réunir et écrire une nouvelle loi chaque fois qu’un obtenteur demandera l’inscription au catalogue d’une nouvelle variété !

Monsieur le ministre, évitons les effets d’affichage et les textes symboliques sur des variétés bien connues. Entrons enfin dans le vif du sujet avec un cadrage général, une loi plus globale pour tous les organismes ou les plantes génétiquement modifiés.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut bien commencer par l’urgence, mon cher !

M. Jean-Jacques Lasserre. Et, à mon sens, cela commence par une réglementation de la recherche et de l’expérimentation, au-delà des signes que nous devons adresser à la communauté scientifique, d’autant que la France est en pointe sur les évolutions technologiques, mais aussi pour ce qui est de la demande de renforcement des contrôles. Les recherches ne doivent pas être conduites sans sécurité ni garde-fou.

Rappelons que nous avons notamment, en France, le Haut Conseil des biotechnologies, qui évalue, entre autres choses, l’impact sur l’environnement et la santé.

De surcroît, au niveau de l’Union européenne, cette fois, nous savons qu’il n’existe pas de consensus pour interdire la culture de maïs OGM en Europe.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est surtout problématique pour l’Europe !

M. Jean-Jacques Lasserre. Dernièrement, le maïs TC 1507 du semencier Pioneer l’a montré aisément.

Le contexte européen est donc propice à une censure de cette nouvelle proposition de la loi. C’est notamment pour cela que nous avions voté une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité lors de l’examen de la première proposition de loi similaire, en février dernier.

Il n’existe, à l’heure actuelle, aucun consensus pour interdire le maïs OGM en Europe, ce qui est encore problématique pour le texte que nous examinons aujourd’hui.

Et je reconnais la difficulté qu’il y a à trouver une position acceptée et applicable par tous les États, dès l’instant qu’une grande partie des territoires européens ne sont pas concernés par le débat sur la production de maïs.

Notre souhait est clair : nous voulons sortir d’un texte de circonstance, saisonnier, pour porter le débat à un autre niveau.

Je le redis, les principes de précaution s’imposent. Les mesures des incidences doivent se perfectionner et s’inscrire dans le temps.

Nous voulons inscrire le droit à la recherche et à l’expérimentation dans cette loi. Cela va mieux en le disant. Cela méritera, par voie de conséquence, une réflexion et un contrôle public par rapport aux objectifs de la recherche – en l’occurrence, la puissance publique a assurément un rôle à jouer.

Toutes ces raisons m’amènent, une fois de plus, à penser que, en l’état, il nous sera difficile de voter pour ce texte. Mais nous nous m’exprimerons, en fin de discussion, sur les positions des membres du groupe UDI-UC. (Mme Chantal Jouanno et M. Jean Bizet applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines, le Sénat rejetait une proposition de loi identique à celle dont nous débattons aujourd’hui, marquant ainsi sa volonté d’autoriser la culture de maïs génétiquement modifié.

Le groupe CRC avait pour sa part soutenu à l’unanimité le texte interdisant la mise en culture du maïs génétiquement modifié en votant contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité présentée par le groupe UMP.

En effet, au-delà des risques de contentieux européens invoqués par les auteurs de la motion, d’autres risques, beaucoup plus importants, militaient, et militent toujours, en faveur de l’interdiction de la mise en culture des variétés de plantes génétiquement modifiées.

Comme cela a déjà été longuement expliqué, je rappellerai brièvement que les deux variétés visées par le texte présentent des risques environnementaux avérés.

Ainsi, le maïs MON 810 contient un insecticide génétiquement intégré ayant des effets délétères au-delà des insectes non-cibles. De plus, comme l’a très justement noté M. le rapporteur, les larves ciblées ont développé une résistance à la toxine, ce qui nécessite l’utilisation de pesticides plus puissants et plus dangereux pour l’environnement.

Des phénomènes de résistance similaires au glufosinate, un herbicide, sont également à craindre avec le maïs TC 1507, avec les mêmes conséquences.

Le Sénat vient d’adopter en première lecture le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Dans leur grande majorité, les sénatrices et les sénateurs ont souligné à cette occasion l’importance de mesures visant à diminuer la consommation d’intrants en agriculture.

En outre, les cultures de plantes génétiquement modifiées induisent des pratiques agronomiques intensives et contribuent à une standardisation, à une diminution du nombre de variétés et à un affaiblissement de la biodiversité. Il serait donc paradoxal que le Sénat encourage aujourd'hui la culture de plantes contraire aux objectifs de l’agroécologie.

Au-delà de ces enjeux environnementaux d’importance, la culture des plantes génétiquement modifiées présente également des enjeux sociaux, économiques et éthiques, lesquels sont peu pris en compte par la Commission européenne, et ce pour deux raisons principales : du fait, d’une part, de la faiblesse des procédures aboutissant à une autorisation et, d’autre part, du déficit démocratique dont souffre l’Union européenne.

Ainsi, les autorisations de mise en culture bénéficient d’une présomption d’absence de toxicité. Pourtant, la question sanitaire est loin d’être tranchée. Elle suscite beaucoup de controverses. Or nous ne disposons pas d’études fiables attestant l’innocuité des organismes génétiquement modifiés sur la santé humaine et animale.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous réaffirmons ici notre attachement au renforcement d’une recherche publique indépendante des intérêts purement mercantiles. En ce domaine, la recherche empirique est particulièrement importante, en complément de la théorie génétique, qui reste insuffisante pour apporter une réponse a priori et pour permettre des expérimentations d’interprétation fiable et universelle.

Ensuite, le débat autour des OGM est symptomatique du fossé qui se creuse entre la Commission européenne et les peuples, plus largement les citoyens européens. Vous avez regretté, monsieur le ministre, lors de nos précédents débats, que la Commission européenne ait pu autoriser le maïs TS 1507, alors même que le Parlement européen et dix-neuf des vingt-huit États membres, représentant 60 % des voix, s’étaient opposés à une telle autorisation, et ce alors même que l’opinion publique européenne était majoritairement défavorable aux cultures d’OGM.

Cette tendance peut être constatée dans bien des domaines. L’adoption de cette proposition de loi par le Parlement serait donc un acte fort, car elle permettrait d’appuyer l’action de la France, lors des futures négociations, visant à réviser et à renforcer les méthodes d’évaluation des risques liés aux plantes génétiquement modifiées.

Ensuite, je tiens à rappeler à nos collègues de droite, fervents défenseurs du certificat d’obtention végétal, que les plantes génétiquement modifiées sont couvertes par des brevets,…

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est exact !

Mme Laurence Cohen. … ce qui a des conséquences non négligeables en termes de propriété intellectuelle. La recherche n’est plus libre, la plante ne bénéficiant plus de l’exception de sélection.

M. Jean Bizet. C’est plus compliqué que ça !

Mme Laurence Cohen. La commission des affaires économiques a d’ailleurs adopté en janvier dernier une proposition de résolution européenne pointant les dangers de la brevetabilité du vivant, pour les agriculteurs comme pour l’innovation semencière.

Le groupe CRC avait alors fait adopter un nouvel alinéa dans lequel le Sénat affirmait son « attachement au caractère non brevetable des plantes issues de la sélection génétique, tout particulièrement dans le cas de plantes obtenues par des procédés d’amélioration classique et [excluait] en conséquence les plantes comme les variétés du domaine de la brevetabilité ».

Enfin, si les risques environnementaux, socio-économiques et sanitaires liés à la culture d’OGM en France nous conduisent à voter pour la proposition de loi, nous souhaitons néanmoins apporter deux précisions.

Premièrement, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, l’interdiction ne vise que deux variétés de maïs, ainsi que leur mise en culture. Le champ d’application du texte est donc restreint.

Parallèlement, à l’échelon européen, la délivrance d’autorisations de mise sur le marché de plantes génétiquement modifiées s’accélère, indépendamment de la question des cultures.

Je rappelle également que la Commission européenne a autorisé, à l’automne dernier, pour l’alimentation animale et humaine, dix plantes génétiquement modifiées, dites « empilées », ainsi que le pollen issu du maïs Monsanto 810.

Interdire la culture de plantes génétiquement modifiées ne permet donc de garantir ni aux consommateurs ni aux élevages une alimentation sans OGM.

Deuxièmement, le traité de libre-échange transatlantique, qui signe la fin des barrières non tarifaires, aura pour conséquence, notamment dans le secteur agricole, d’autoriser les multinationales à poursuivre en leur nom propre un pays signataire dont la politique aurait un effet restrictif sur leur politique commerciale.

Par le biais des brevets dans la future zone de libre-échange transatlantique, les industries biotechnologiques pourront imposer aux États membres de l’Union européenne leur catalogue de produits OGM, et ce même si l’Europe refuse la culture de certaines plantes génétiquement modifiées !

C’est pourquoi nous voterons sans hésitation la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié sur le territoire français.

Cependant, nous continuerons de dénoncer les dangers que font courir, pour notre modèle agricole européen, l’instauration de zones de libre-échange ainsi que les accords de l’Organisation mondiale du commerce. Ces questions ne pourront être éludées si l’Europe veut préserver son potentiel agricole ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens à mon tour, au nom du groupe socialiste, pour souligner l’enjeu crucial que constitue le vote de cette proposition de loi.

Le Parlement se doit de se mobiliser de nouveau aux côtés du Gouvernement afin d’éviter toute prise de risque liée à la mise en culture de maïs génétiquement modifié sur notre territoire, risque à la fois pour l’environnement, la santé publique, la sécurité sanitaire, mais aussi pour l’activité économique de nos agriculteurs.

En effet, certaines inquiétudes restent prégnantes à l’heure actuelle et appellent la plus grande vigilance de notre part sur les effets encore mal mesurés de la mise en culture de certains OGM sur notre écosystème.

J’évoquerai ici les principales inquiétudes que suscite la commercialisation du maïs génétiquement modifié Monsanto 810.

Tout d’abord, ce maïs a un effet scientifiquement démontré sur l’environnement et sur la biodiversité. La variété de maïs génétiquement modifié Monsanto 810, dont la mise en culture a été autorisée par la Commission européenne depuis 1998, aurait des effets indésirables considérables. Ainsi, la toxine créée par la plante pour se protéger de certains insectes aurait des incidences beaucoup plus larges puisqu’elle nuirait également à des insectes non-cibles. De surcroît, cette variété favoriserait mécaniquement le développement d’une résistance à la toxine par les insectes visés. Outre son impact environnemental, ce maïs aurait donc un impact sanitaire néfaste. La résistance des insectes visés à la toxine développée par la culture OGM entraînerait logiquement l’usage de pesticides plus puissants encore par les agriculteurs.

Ensuite, l’impact économique que l’on présage sur l’agriculture ne doit pas être négligé. En effet, le problème de la traçabilité des cultures OGM pose la question de la coexistence des cultures OGM et des cultures non OGM, plus précisément des cultures OGM et de l’agriculture biologique, cette dernière répondant à des normes particulièrement strictes.

Par ailleurs, un autre problème risque de se poser à nos exploitants : celui des droits de propriété intellectuelle de ces semences OGM. En plus des problèmes de traçabilité et de contrefaçon pouvant émerger, ces semences protégées risquent en effet de placer les agriculteurs dans une lourde dépendance vis-à-vis des grands groupes industriels mondiaux, ce qui sera d’autant plus préjudiciable aux petits exploitants agricoles.

Enfin, des conséquences significatives sur la filière apicole et sur la santé des abeilles sont à craindre. L’impact de la culture OGM serait d’autant plus redoutable qu’il viendrait s’ajouter à la surmortalité des abeilles actuellement constatée. Or la toxicité de l’insecticide génétiquement intégré dans les semences de maïs est encore très imparfaitement mesurée, ce qui laisse dans un flou inquiétant les conséquences de cet insecticide sur la filière apicole.

Il semble donc évident que, face à ces incertitudes, mais aussi compte tenu de certains risques avérés, la France doive avoir le choix de reconduire l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié tant qu’elle n’est pas pleinement satisfaite des résultats scientifiques attestant la neutralité de la mise en culture OGM sur la qualité de nos terres, de notre santé et de notre écosystème.

Or cette démarche précautionneuse de la France s’est heurtée à plusieurs reprises à des exigences imposées au niveau européen. En effet, à deux reprises depuis 2007, le gouvernement français a souhaité instaurer un moratoire pour la mise en culture du maïs génétiquement modifié sur le territoire français. Il a par ailleurs associé cette décision temporaire à une demande de renforcement des procédures d’évaluation du risque environnemental lié aux OGM, mais aussi à la mise en place de mesures de gestion appropriées telles que l’instauration de zones refuges, de rangs de bordure de maïs non OGM, ou encore l’éloignement des cultures de l’habitat de certaines espèces. Mais, également à deux reprises, le Conseil d’État est intervenu pour annuler ce moratoire, en application des normes juridiques européennes imposant à la France de démontrer une situation d’urgence et de menace manifeste qui puisse légitimer l’adoption de mesures contre la mise en culture d’OGM.

Toutefois, un signe encourageant a été donné aujourd'hui par le Conseil d’État, qui vient de confirmer l’arrêté gouvernemental interdisant la culture du Monsanto 810.

C’est encourageant, car la situation juridique de la France n’est pas sans soulever des interrogations quant à la capacité de notre pays à décider souverainement de son exposition ou non aux risques liés aux OGM. L’autorisation prochaine de la mise en culture en Europe d’une deuxième semence de maïs génétiquement modifié, le maïs TC 1507 de Pioneer, illustre de manière saisissante le manque de marges de manœuvre de notre pays dans ce domaine.

Ni l’opposition du Parlement européen à une telle autorisation de mise en culture ni le refus exprimé par dix-neuf des vingt-huit pays composant le Conseil européen n’ont constitué des barrières suffisantes pour empêcher la mise en culture de cette nouvelle espèce d’OGM. En effet, les règles de décision à l’échelle européenne en la matière sont particulièrement restrictives, puisqu’elles ne donnent au Parlement que la possibilité d’émettre un avis consultatif et qu’elles limitent la force d’opposition du Conseil européen à un vote à la majorité qualifiée.

Par conséquent, la Commission européenne est l’unique détentrice de la décision finale d’autorisation.

Je tiens à souligner que les nombreuses prises de position de la France sur le manque d’évaluation et sur les faibles prises en compte des risques environnementaux du maïs Monsanto 810 depuis 1998 n’ont guère fait évoluer le processus d’autorisation, comme on le voit pour la nouvelle espèce dont le projet d’autorisation est porté par la Commission européenne depuis 2008 : le manque d’évaluation du maïs TC 1507 de Pioneer n’est pas plus acceptable, compte tenu des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques.

La présente proposition de loi apparaît donc comme l’instrument nécessaire pour faire entendre la voix de la France et pour montrer que nous souhaitons maintenir une position ferme dans l’attente de contreparties sécurisantes sur la question de la mise en culture d’OGM.

Comme je l’ai dit précédemment, les inquiétudes suscitées par l’utilisation de semences génétiquement modifiées sont suffisantes pour justifier que nous prenions encore le temps d’approfondir les recherches scientifiques. Nous devons également nous assurer que les consommateurs, comme les producteurs, seront suffisamment protégés face à l’introduction de ces nouvelles pratiques. Nous ne voudrions pas nous retrouver confrontés aux mêmes problèmes que ceux auxquels nous avons à faire face aujourd’hui : la résistance aux pesticides, le développement de l’antibiorésistance, ainsi que la prolifération de certaines maladies liées à l’utilisation de ces produits !

Par ailleurs, le vote de cette proposition de loi permettra de donner une marge de manœuvre au ministre français pour infléchir la position de la Commission européenne et poursuivre le travail de révision de la directive européenne sur les OGM dans lequel le gouvernement français s’est engagé.

Enfin, je tiens à rappeler que cette proposition de loi est une réponse à l’engagement, pris par le Président de la République à l’occasion de la conférence environnementale de 2012, de maintenir le moratoire français sur la mise en culture d’OGM. Elle constitue également le bouclier nécessaire face aux risques trop importants qui pèsent à l’heure actuelle sur l’environnement et la biodiversité.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur président-rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par Bruno Le Roux et les membres du groupe socialiste de l’Assemblée nationale a été adoptée par nos collègues députés le 15 avril.

M. Jean Bizet. Quelle avancée !

M. Jean-Jacques Mirassou. Son article unique prévoit l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié sur le territoire national. La proposition de loi vise plus précisément à interdire le maïs MON 810. Elle anticipe également l’éventuelle autorisation d’un nouvel OGM, le maïs Pioneer TC 1507.

Il n’est pas inutile de rappeler, à ce moment de la discussion, que cette proposition de loi est identique à celle qui avait été déposée par notre collègue Alain Fauconnier, auquel je veux rendre hommage, et rejetée ici, en séance publique, dans les conditions que l’on sait. Pour être tout à fait précis dans la chronologie, il me faut mentionner également l’arrêté du 14 mars 2014 que vous avez pris, monsieur le ministre, interdisant la commercialisation, l’utilisation et la culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié.

M. Jean Bizet. Cet arrêté est illégal !

M. Jean-Jacques Mirassou. N’en déplaise aux esprits chagrins, il y a, on le voit, de la cohérence dans cette démarche, avec une proposition de loi qui vient en quelque sorte épauler l’arrêté et qui vise, sous la double responsabilité du Gouvernement et du Parlement, à interdire la mise en culture du maïs OGM, tout en donnant un cadre juridique à cette disparition.

Il s’agit donc aujourd’hui de franchir une étape, à travers ce que je considère comme un geste politique fort visant à conforter à l’échelon européen la position déjà arrêtée par notre pays depuis bien longtemps.

Il n’a échappé à personne que nous étions à quelques encablures d’élections européennes importantes, ce qui justifie, dans ce domaine notamment, la révision de schémas ayant démontré parfois, et même souvent, leur incohérence. Études scientifiques souvent incomplètes ou approximatives, voire contestées, majorités qui, à force d’être qualifiées, sont disqualifiées,…

M. Daniel Raoul, rapporteur. Joli !

M. Jean-Jacques Mirassou. … contradictions entre le Conseil européen et la Commission européenne, tout cela impose une nouvelle démarche, qui repose sur un dispositif d’autorisation à deux niveaux : au niveau européen, avec, à terme, une liste des OGM pouvant être mis en culture sur une base scientifiquement irréfutable, après avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, et, au niveau national, à partir de critères de décision propres à chaque nation.

L’enjeu global est d’ordre sociétal, économique et écologique. C’est la raison pour laquelle de fait, et par définition, tout le monde est concerné, et pas seulement le clan des initiés. Il est très facile de démontrer, comme l’a fait Joël Labbé, que, entre l’obscurantisme et la confiance aveugle dans les progrès de la science, il y a place pour le débat, le bon sens, l’esprit critique et le libre arbitre.

Encore faut-il que l’approche du scientifique soit non seulement incontestable et incontestée, mais aussi, et surtout, accessible au plus grand nombre. En menant ici, au Sénat, ce débat, nous ouvrons cette voie, et, ce faisant, nous jouons parfaitement notre rôle. L’opinion publique ayant été marquée – le mot est faible – par les affaires de l’amiante, de l’encéphalopathie spongiforme bovine ou, plus récemment, du Mediator, on comprend que, pour le moment, elle émette quelques doutes et souhaite s’emparer du débat.

Cependant, à l’heure où je parle, le préalable reste le respect du fameux principe de précaution interdisant la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié, qui sont plus que douteuses. C’est pourquoi, en conscience, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons résolument cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Gaouyer.

Mme Marie-Françoise Gaouyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président- rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié. On a pu entendre qu’il s’agissait d’un texte d’affichage politique rédigé au mépris de la réglementation européenne, tournant le dos à l’innovation, foulant aux pieds la recherche.

Que les auteurs de ces affirmations me permettent de douter de la pertinence de leurs arguments. Est-ce un texte politique ? Oui, c’en est un ; c’est là tout son objet. Nous sommes tous au fait des péripéties, ces derniers mois, du TC 1507 de Pioneer à Bruxelles. Lorsque les procédures dysfonctionnent au point de laisser une minorité d’États décider, contre tous les autres et contre l’avis très tranché du législateur européen, sur une question aussi sensible que celle des OGM, il est alors de notre responsabilité d’apporter une réponse politique pleinement assumée, claire et ferme.

Trop souvent, les partisans des OGM essaient de noyer le débat et de repousser les études scientifiques accablantes par l’artifice d’une argumentation technico-juridique destinée essentiellement à donner du temps et à brouiller leurs intentions. Face à cette stratégie, ne craignons pas d’user de la fibre politique. Les Français, qui sont massivement favorables à notre démarche d’interdiction, sont, je crois, en attente de marqueurs politiques forts. Ne nous privons pas de leur en donner !

Manque de pertinence, également, dans l’accusation d’affichage politique : cette stratégie peine à masquer la réalité du rapport de force sur cette question. Il a toujours existé en France, et je m’en félicite, un certain consensus au sujet des OGM. Depuis l’activation de la clause de sauvegarde en 2007, les majorités successives ont toutes protégé notre pays contre le danger de la culture de plants OGM. Le principal effet de cette proposition de loi sera d’ailleurs de prolonger une décision du gouvernement de François Fillon. Cette décision était justifiée en mars 2012 ; elle l’est toujours aujourd’hui. Conservons la cohérence de la politique française en matière d’OGM.

Manque de pertinence, enfin, car cette interdiction du maïs transgénique n’est pas une porte fermée à la recherche et à l’expérimentation. En la matière, notre débat récent sur l’avenir de l’agriculture a déjà apporté des éléments de réponse : l’article L. 533-1 du code de l’environnement satisfait la logique de recherche, puisqu’il dispose que la dissémination volontaire d’OGM est autorisée sous réserve du respect de certaines conditions de sécurité sanitaire, notamment en termes de risque de dissémination.

J’ajoute que, justement, les partisans du maintien de l’interdiction sont, me semble-t-il, très attentifs à la question de la recherche en plein champ ou aux conséquences de la consommation de produits génétiquement modifiés, car c’est de la recherche que vient la preuve de la nocivité des OGM, ou du moins de leur dangerosité potentielle. Rappelons que le plus grand obstacle à la recherche est moins la législation française avec son principe de précaution que la politique de Monsanto, qui refuse l’acquisition du maïs MON 810 à des fins de recherche.

Après la forme, examinons maintenant le fond.

La proposition de loi ne dit rien de nouveau. Son examen est l’occasion de rappeler les dangers environnementaux de la culture du maïs MON 810, qui ont été mis en évidence il y a longtemps déjà : développement de la résistance chez les espèces cibles exposées, ce qui encourage le recours à des techniques de lutte contre les ravageurs au très lourd impact écologique ; destruction des populations non cibles – papillons et abeilles, notamment –, avec toutes les conséquences que l’on imagine pour la pollinisation et l’apiculture, sans parler de l’impact de la dissémination non contrôlée sur les filières refusant le recours aux OGM.

La vérité est que les cultures OGM sont totalisantes : elles n’obéissent qu’à leur propre système, ou plutôt à celui qui a été conçu par leurs développeurs. On ne peut pas cultiver de manière conventionnelle ou biologique à proximité ; on ne peut développer quasiment aucune activité agricole dans les environs, à cause des disséminations et des impacts sur l’écosystème et la biodiversité. Les cultures OGM font entrer les agriculteurs dans une logique de dépendance préoccupante pour l’approvisionnement en semences et les enferment dans un mode de production et une filière dont il leur est très difficile de sortir.

Nous avons récemment examiné et voté le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Cette discussion fut pour nous l’occasion de dire notre volonté de développer une agriculture soutenable sur les plans économique, environnemental et social, et la nécessité, pour y parvenir, de rompre avec la logique du « tout-intensif » et de mettre fin à la toute-puissance du productivisme aveugle.

L’agriculture telle que la conçoivent les producteurs d’OGM est en totale contradiction avec l’orientation que nous avons choisie. La France et même l’Europe n’ont rien à gagner à entrer dans la compétition internationale avec les mêmes armes que le Brésil, les États-Unis ou le Canada : de cette compétition-là, nous sortirons toujours perdants ! Je crois pouvoir dire sans me tromper qu’il n’y a pas de place en France pour le développement d’une économie rentable des OGM. Les consommateurs français n’y sont pas favorables, et les agriculteurs voient bien qu’ils n’y ont aucun intérêt au-delà du très court terme.

Cette proposition de loi n’est sûrement pas la dernière étape du combat, mais elle est essentielle : elle constitue un acte politique fort qui doit nous servir de référence positive. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je dirai quelques mots en réponse aux différentes interventions.

Premièrement, cette proposition de loi remet-elle en cause la capacité de la France à innover et à faire des recherches sur les semences ? Je rappelle encore une fois que la France est le premier exportateur mondial de semences, loin devant tous les autres pays européens. Une entreprise française est d'ailleurs en train de s’implanter de manière extrêmement importante en Asie, et en particulier au Japon et en Inde, en attendant la Chine. Cette entreprise est en concurrence avec les fameux groupes dont il a beaucoup été question aujourd’hui.

Deuxièmement, qu’en est-il des rendements ? Nos voisins espagnols, qui cultivent du maïs OGM, ne sont pas arrivés à des rendements supérieurs à ceux que nous obtenons en France, en particulier dans le grand Sud-Ouest. Cela montre que les OGM n’ont pas d’impact évident en la matière.

En revanche, les études réalisées aux États-Unis montrent assez clairement que l’utilisation des herbicides et des pesticides dans les champs d’OGM suit une courbe en « J » : elle baisse au début, mais augmente ensuite à mesure que les résistances se développent.

Il me semble donc que, à long terme, l’avantage compétitif des OGM est tout à fait contestable.

Troisièmement, et c’est sans doute le point le plus important, je veux revenir sur l’agroécologie, débat que nous avons déjà eu lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Pour élaborer une variété d’OGM, on sélectionne une semence résistante ou produisant ses propres pesticides. Or cette méthode empêche de réfléchir à de nouveaux modèles de production qui reposent sur des mécanismes naturels permettant de se protéger – c’est cela, la stratégie de l’agroécologie –, au lieu de continuer dans une logique d’utilisation de produits phytosanitaires. Si l’on entrait dans le débat par la seule clé des OGM, on fermerait l’accès à des potentialités de développement durable pour l’agroécologie, et pour l’agriculture tout court. Cela serait préjudiciable, et cela limiterait les innovations, car les nouveaux modèles de production donnent une place extrêmement importante à la recherche et à l’innovation ; le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt en témoigne.

Quatrièmement, sur le plan juridique, cette fois, d’aucuns m’opposent que ce texte serait contraire au droit européen. Je vous rappelle simplement que le Monsanto 810 a une autorisation de mise en culture vieille de seize ans, alors qu’elle aurait dû être revue au bout de dix ans. S’il y a du juridisme à faire, nous avons donc aussi de quoi argumenter…

Épargnons-nous ces débats !

En revanche, sur la question de la législation européenne, il y a un débat engagé à l’échelon communautaire. Pour nous, l’objectif est d’arriver à une proposition du Conseil sous la présidence grecque, car le Parlement et la Commission ne seront pas encore en capacité d’examiner ce texte.

À cet égard, je veux juste préciser un certain nombre de critères sur lesquels nous nous appuyons et vous informer de l’état d’avancement de notre démarche.

Au départ, nous avions défendu une proposition extrêmement ambitieuse qui consistait à reprendre le système juridique existant pour les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires afin de l’appliquer aux organismes génétiquement modifiés. Ainsi, l’autorisation de mise sur le marché à l’échelle européenne était censée être accordée après un débat européen, mais, comme M. le rapporteur l’a rappelé, chaque État pouvait avoir ses propres critères pour réévaluer l’autorisation de mise en culture.

Comme nous n’avons pas été suivis par une majorité d’État, nous défendons désormais une seconde stratégie qui consiste à faire fixer des critères à l’échelon européen, c’est-à-dire que les critères sur lesquels les États pourront se fonder pour accepter ou refuser l’autorisation de mise en culture relèveront de la législation non pas nationale, mais européenne.

Aujourd’hui, le débat porte sur l’élargissement des critères d’interdiction économiques et sociaux. Comme je l’ai dit, j’attache une grande importance à la capacité de chaque État à mettre sur la table les coûts et les bénéfices, du point de vue social et économique. Il importe ainsi de pouvoir évaluer les rendements, le recours aux pesticides, ce qui n’a jamais été fait.

Par ailleurs, il me semble primordial que la Commission soit impliquée dans le dialogue entre l’État membre et le pétitionnaire, en l’occurrence l’entreprise qui vient demander une autorisation de mise en culture. Jusqu’ici, chaque État se retrouvait seul face au pétitionnaire, sans implication de la Commission. Avec le changement de législation, comme l’autorisation sera donnée à l’échelon européen, chaque État pourra renvoyer les pétitionnaires vers la Commission, qui prendra les décisions dans le cadre défini.

Il m’apparaît également important de pouvoir demander à tout moment de réévaluer les autorisations sur la base de données nouvelles. Ainsi, concernant un certain nombre d’OGM autorisés voilà une dizaine d’années, nous disposons aujourd’hui d’éléments scientifiques nouveaux à la lumière desquels l’autorisation doit pouvoir être réévaluée au niveau européen, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est l’un de nos objectifs.

Il est même envisagé une clause de rétroactivité, c’est-à-dire que, si l’on s’aperçoit qu’un OGM qui a été autorisé pose problème, il sera possible de revenir en arrière.

Telle est notre stratégie actuelle et tel est le cadre de nos discussions au niveau européen, et j’espère que nous parviendrons à un accord sous présidence grecque.

Enfin, permettez-moi un mot sur le Haut Conseil des biotechnologies, que je souhaite réorganiser en rouvrant sa composition. J’entends bien m’appuyer sur cet organisme qui doit être une véritable instance de débat. D’ailleurs, en me rendant au comité économique, éthique et social, la semaine dernière, j’ai pu constater qu’il fonctionnait bien et que s’y tenaient des débats très intéressants.

Je suis donc preneur de toute suggestion qui permettrait de relancer véritablement le HCB et de lui donner toute sa place dans ces débats.

Pour conclure tout à fait, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous informe que le Conseil d’État a débouté l’AGPM de son référé, considérant qu’il n’y avait pas d’urgence suffisante. Cette information permet aussi d’éclairer notre débat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce texte, nous procédons à une mise en conformité avec ce qu’a toujours été la position du Gouvernement, position qui était également celle de l’UDI au moment du Grenelle de l’environnement, monsieur Lasserre.

Ce moratoire était urgent, ce qui explique que nous n’ayons pas attendu d’en discuter dans le cadre de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture. En effet, nous nous trouvions face à un vide juridique dont, d’ailleurs, certains agriculteurs ont profité pour semer.

M. Jean Bizet. Légalement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Soyons clairs et transparents ; donnons-nous un cadre, tout en continuant à discuter !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

I. – La mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié est interdite.

II. – Le respect de l’interdiction de mise en culture prévue au I est contrôlé par les agents mentionnés à l’article L. 250-2 du code rural et de la pêche maritime. Ces agents disposent des pouvoirs prévus aux articles L. 250-5 et L. 250-6 du même code.

En cas de non-respect de cette interdiction, l’autorité administrative peut ordonner la destruction des cultures concernées.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Lasserre, Détraigne, Deneux, Capo-Canellas, Roche, J.L. Dupont, J. Boyer et Bockel, Mme Férat, M. Tandonnet, Mme Jouanno et MM. Namy et Merceron, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les expérimentations de plein champ sous contrôle sont autorisées.

La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Je me suis suffisamment exprimé lors de la discussion générale sur l’intérêt que nous voyons à l’autorisation de la recherche et de l’expérimentation.

Sans vouloir abuser de votre temps, je vous rappelle tout de même que l’affirmation de ce principe est pour nous fondamentale. Il s’agit d’un domaine d’excellence dans lequel la France doit prendre toute sa place. Or, je le répète, je trouve dommage de voir nos chercheurs s’en aller sous d’autres cieux trouver les conditions d’épanouissement de leur talent.

Par ailleurs, nous pensons très sincèrement qu’il faut une initiative du Parlement – commençons donc ici, au Sénat ! – pour sortir de ce débat manichéen en déterminant un cadre nous autorisant à agir de manière plus simple et plus positive, aussi, dans les années qui viennent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. Mon cher collègue, nous avons eu cette discussion au mois de février, lorsque nous avons étudié un amendement similaire, qui était alors rédigé d’une autre façon, j’y reviendrai.

Le texte que nous examinons aujourd’hui ne concernant que la mise en culture à des fins commerciales, je souhaiterais que nous en restions là.

En outre, la rédaction de votre amendement pose un autre problème : en effet, elle présuppose que les autorisations sont quasi automatiques et qu’il n’existe qu’un contrôle a posteriori.

Autrement dit, votre dispositif est tout à fait contraire aux dispositions du code de l’environnement applicables à la dissémination volontaire, donc aux essais au champ.

Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.

Je rappelle que l’avis la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 169 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 330
Pour l’adoption 161
Contre 169

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il a bien fait !

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

Avant donc de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Je ne vous surprendrai pas en réaffirmant que cette proposition de loi n’entre pas dans le cadre légal des autorisations de mise en culture des OGM tel que le prévoit le droit européen. Je l’ai dit plusieurs fois lors de nos débats, y compris le 17 février dernier.

Monsieur le ministre, pour avoir voulu agir trop vite, vous allez vous retrouver dans une impasse juridique. Vous avez souhaité empêcher par tous les moyens les semis de maïs OGM cette année, mais vous n’avez pas tenu le calendrier, car, comme vous l’avez reconnu vous-même, certains ont semé, et tout à fait légalement, il est vrai dans un court laps de temps. (Exclamations sur les travées du groupe écologiste.) C’est le propre des agriculteurs de savoir jouer de fenêtres de tir excessivement courtes !

M. Joël Labbé. Et certains les y poussent !

M. Jean Bizet. Par ailleurs, vous le savez, vos textes d’interdiction ne sont pas conformes à la Constitution.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si !

M. Jean Bizet. Pourquoi une telle précipitation, alors que, en parallèle, vous militez au niveau européen pour la négociation d’une nouvelle directive qui pourrait modifier les procédures d’autorisation ?

Comme je l’ai dit à la tribune, je ne suis pas formellement opposé à cette démarche, tant il est vrai que nous sommes dans une certaine incohérence, source de difficultés, depuis une dizaine d’années.

Attendons donc la mise en place de ce nouveau cadre juridique négocié avec nos partenaires !

Le Premier ministre, Manuel Valls, à la sortie d’un conseil des ministres, a d’ailleurs lui-même récemment enjoint le Gouvernement à « être un peu plus vigilant sur la constitutionnalité des textes de loi qu’il soutient ».

Nous avons aujourd’hui la preuve que le Premier ministre n’est pas véritablement écouté… Non seulement vous essayez de contourner la Constitution, mais vous mettez aussi en doute les conclusions des autorités scientifiques.

J’ai un avis sur le fonctionnement du HCB, et nous en parlons d’ailleurs souvent avec le président Raoul. En 2008, nous avions voté un dispositif assez bien pensé : le comité économique, éthique et social émettait des recommandations, tandis que le comité scientifique émettait des avis.

Si nous revenons à cette architecture en prenant garde de faire en sorte que le comité scientifique soit assez équilibré, monsieur le ministre, nous créerons les conditions pour que cette structure fonctionne normalement. C’est en tout cas ce que nous appelons de nos vœux.

Le débat que nous avons eu aujourd’hui n’est pas franchement raisonnable, même s’il s’est déroulé dans une atmosphère assez sereine et amicale. Vous comprendrez donc, et vous m’en voyez désolé, que le groupe UMP n’hésitera pas à voter contre plutôt que de s’abstenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je l’ai dit à la tribune : ce débat est tout à la fois sociétal, environnemental et économique. Il n’en demeure pas moins qu’il est possible d’échapper au carcan juridique derrière lequel vous vous abritez, monsieur Bizet. Il ne vous aura pas échappé non plus qu’entre le carcan juridique et le reste du monde, il y a le Parlement, qui a pour rôle – cela tombe bien ! – de refléter ce que l’opinion publique pense à un instant T de tel ou tel dossier dont il a la charge.

Nous avons été un certain nombre aujourd’hui à tenter de faire la démonstration que l’opinion publique avait été quelque peu échaudée par nombre d’expériences menées auparavant dans ce domaine comme dans d’autres, et l’on comprend dès lors qu’elle puisse être réticente à s’engager dans une voie manifestement semée de dangers potentiels.

Certains l’ont dit avant moi, sur le plan scientifique, à peu près tout et son contraire a été dit sur le sujet en fonction des officines auxquelles on s’adressait. C’est la raison pour laquelle, ayant moi-même une formation scientifique, je plaide, à l’instar notamment de Daniel Raoul, pour que l’on approfondisse le volet expérimental, de manière à en tirer le meilleur parti. En même temps, ne cherchons pas à fuir notre responsabilité en jetant le voile sur les dangers potentiels des OGM.

Aussi, je considère que, compte tenu des doutes qui planent et compte tenu des mauvaises expériences passées, il faut appliquer le principe de précaution. Le vote de cette proposition de loi permettra d’offrir ce cadre légal dont vous déplorez l’absence depuis le début de cette discussion, chers collègues.

C’est donc sans ambiguïté, avec détermination et en parfaite conscience, au sens le plus fort du terme, que nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein de notre groupe, les positions sont quelque peu partagées.

Je connais bien ce sujet. Les conditions dans lesquelles nous avons été amenés à prendre des décisions en 2007 ou en 2008 n’ont pas fondamentalement changé. Les questions relatives au maïs OGM demeurent : son intérêt pour la société, sur les plans économique, environnemental ou sanitaire n’est pas avéré. Il demeure des incertitudes sinon sur le plan sanitaire – je n’irai pas sur ce terrain extrêmement controversé –, mais en tout cas sur le plan environnemental ; en effet, nous n’avons que peu d’éclairage sur les risques de dissémination et de résistance, et planent bien des incertitudes.

Au regard d’un bilan qui n’apparaît pas comme étant positif pour la société, au regard de ces incertitudes qui demeurent, nous redisons notre opposition à l’introduction du maïs OGM dans nos cultures.

Il n’en reste pas moins que l’importation de produits destinés notamment à la nourriture animale pose problème. À cet égard, monsieur le ministre, il serait important de relancer en France les filières de protéagineux et la culture de légumineuses. Il ne faut pas être hypocrite : une grande part des aliments pour animaux que nous importons contiennent des OGM.

M. Jean Bizet. Oui, 80 % !

Mme Chantal Jouanno. En tant que parlementaire, je reste attachée à cette interdiction. Pour autant, je ne partage pas la position de M. Mamère, qui est opposé à toute expérimentation sur le vivant, sous quelque forme que ce soit. Peut-être trouverons-nous un jour des OGM intéressants pour la société. À ce jour, nous n’en avons pas trouvé. C’est pourquoi il est essentiel que nos agriculteurs ne soient pas otages – c’est bien le mot - de cette forme de production d’OGM. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Comme je l’ai annoncé, c’est à l’unanimité, et sans nous partager, que, pour notre part, nous voterons cette proposition de loi.

Nous sommes foncièrement convaincus qu’il n’y a pas, qu’il n’y aura pas de solution miracle et planétaire. Il faut continuer à travailler sur les orientations agroécologiques, en France comme dans le reste du monde. Les peuples européens nous attendent et nous regardent, notamment via les ONG ; les lobbies également nous attendent et nous regardent. C’est donc avec fierté que, en tant que membre du groupe écologiste, j’affirme ma position dans la majorité présidentielle et gouvernementale. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 170 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l’adoption 172
Contre 147

Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié
 

11

Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour le Conseil d’orientation des retraites, ainsi que pour le conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites.

Par ailleurs, la commission du développement durable a proposé une candidature pour le Conseil national de la sécurité routière.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Georges Labazée membre titulaire du Conseil d’orientation des retraites et membre suppléant du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites et Mme Esther Sittler membre du Conseil national de la sécurité routière.

12

Nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. Vincent Capo-Canellas, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Michel Mercier, démissionnaire ;

- et Mme Chantal Jouanno, membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, en remplacement de M. Vincent Capo-Canellas, démissionnaire.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

13

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique
Discussion générale (suite)

Convention européenne contre les violences à l’égard des femmes

Adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique
Article unique (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique (projet n° 369, texte de la commission n° 437, rapport n° 436).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le président, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui ne peut assister à l’entame de ce débat mais nous rejoindra tout à l’heure.

Nous parlons ici d’un phénomène qui touche plus d’un tiers des femmes dans le monde : c’est le chiffre révélé l’an dernier par l’Organisation mondiale de la santé.

Les violences faites aux femmes prennent des formes très variables. Elles ont pour point commun de se nourrir des représentations sexistes et patriarcales de notre société.

Violences conjugales, violences sexuelles, harcèlement sexuel, violences liées aux pratiques traditionnelles : toutes ces violences sont le prolongement d’une certaine vision de la femme dans notre société.

En France, nous estimons qu’une femme sur dix est victime de violences conjugales. En 2012, 148 femmes sont mortes à la suite de violences conjugales.

Les enquêtes de victimation révèlent qu’une femme sur dix déclare avoir subi des rapports forcés ou des tentatives de rapport forcé au cours de sa vie.

Pour faire reculer durablement les violences, il faut d’abord savoir les voir et les dénoncer.

Cela veut dire que nous devons briser le silence.

Cela veut dire aussi que nous devons relever notre niveau d’intolérance à la violence : les gestes déplacés, les insultes sexistes dans la rue, les violences conjugales dans le voisinage, ce n’est pas parce que c’est tristement banal que c’est normal.

Pour faire reculer durablement les violences, il faut qu’elles soient effectivement sanctionnées. Ce qui est le plus choquant, c’est que l’immense majorité des faits ne sont pas signalés à la police ou à la gendarmerie.

Ce n’est pas parce que les violences sont commises à l’abri des regards qu’elles sont moins insupportables. Comme l’a dit Najat Vallaud-Belkacem en présentant ce projet de loi de ratification au conseil des ministres, nous ne voulons plus faire rimer « intimité » avec « impunité ».

L’enjeu, pour tous les pays, c’est l’augmentation du nombre de signalements, de plaintes, et donc de condamnations.

La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul en avril 2011, est un instrument précieux. Elle est le fruit d’un travail parlementaire : celui du réseau « pour le droit des femmes de vivre sans violence » constitué en 2006 au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Les parlementaires, sur vos travées comme sur les bancs de l’Assemblée nationale, ont souvent eu l’occasion d’en souligner l’intérêt, l’urgence et la portée.

La France en a été l’un des premiers signataires. Elle sera l’un des premiers États à ratifier la convention d’Istanbul. Le seuil de dix ratifications venant d’être atteint, cette convention entrera donc en vigueur le 1er août prochain.

La convention d’Istanbul, si elle a été adoptée dans un cadre régional paneuropéen, peut avoir un effet d’entraînement beaucoup plus vaste. Elle a en effet une vocation universaliste, et tout État peut y adhérer. Najat Vallaud-Belkacem profite de chacun des échanges bilatéraux qu’elle peut nouer pour promouvoir cette convention auprès des États qui n’en sont pas encore parties.

C’est cette volonté de promouvoir la convention qui a amené la France à co-organiser avec le Conseil de l’Europe un événement sur ce thème en marge de la Commission de la condition de la femme, à New York l’an dernier.

Il s’agit d’un texte fondamental sur la scène internationale. L’ONU-Femmes le présente comme la « norme d’excellence ».

C’est le tout premier instrument contraignant en Europe visant à prévenir et à combattre toutes les formes de violences à l’égard des femmes.

C’est un texte qui prend acte de cette réalité fondamentale pour le mouvement de lutte contre les violences faites aux femmes : il y a un continuum des violences, qui commence avec les inégalités, qui se poursuit dans les coups et qui se prolonge malheureusement parfois jusqu’aux crimes.

Cette convention tend à proposer une réponse globale à travers la politique des « trois P » : prévention des violences, protection des victimes, poursuite des auteurs.

La France a participé activement aux négociations qui ont permis d’adopter la convention d’Istanbul. Il est donc naturel qu’elle en tire les conséquences.

Avec la loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, le Parlement a déjà adopté les mesures d’adaptation du droit pénal français aux stipulations de la convention : elles concernent en particulier la lutte contre le mariage forcé et les mutilations sexuelles féminines.

Contre les mariages forcés, nous avons été amenés à proposer la création d’un nouveau délit, constitué par le fait de tromper quelqu’un en vue de lui faire quitter le territoire français pour lui faire subir un mariage forcé à l’étranger.

Contre les mutilations sexuelles féminines, notre droit pénal sera complété par l’interdiction de l’incitation d’un mineur à subir une mutilation, et celle de l’incitation à faire subir une mutilation à un mineur.

Toutefois, cette convention ne se résume pas à ces dispositions pénales. C’est la nécessité d’engager une démarche globale contre les violences faites aux femmes qui s’impose d’abord aux parties.

Le Gouvernement français se reconnaît totalement dans cette approche globale. C’est un engagement porté au plus haut niveau de l’État. À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre 2012, le Président de la République a demandé au Gouvernement de lancer un « plan global » contre les violences faites aux femmes. C’est l’objet du quatrième plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, qui porte sur la période 2014-2016. Najat Vallaud-Belkacem l’a présenté en novembre dernier. Il traduit cet engagement en chiffres : avec 66 millions d’euros, le montant consacré par l’État à cette politique a doublé.

D’abord, la victime ne doit pas avoir à se battre pour être entendue. Nous voulons donc que les victimes reçoivent la bonne réponse dès leur première alerte : nous formons les professionnels qui sont au contact des victimes, nous renforçons le 3919, numéro de téléphone national gratuit destiné aux femmes victimes de violences, nous améliorons l’enregistrement des plaintes, nous réorganisons l’accueil des victimes en commissariats ou en gendarmeries pour qu’elles soient toujours orientées vers un intervenant social ou une association spécialisée.

Ensuite, la victime doit être protégée. Nous développons donc les dispositifs nécessaires à la mise en sécurité des victimes : ce sont les 1 650 nouvelles solutions d’hébergement d’urgence spécialisées et sécurisées que nous ouvrons, c’est également le téléphone d’appel d’urgence, que nous voulons fournir à toutes les femmes en très grand danger.

Enfin, la violence, ça se soigne. Les victimologues apportent beaucoup à ces travaux. Ils doivent être écoutés attentivement. Nous comptons développer les soins ouverts aux victimes et le suivi prévu pour les auteurs de violences.

Pour répondre concrètement au besoin de coordination entre les multiples interlocuteurs que rencontrent les victimes –les tribunaux, la police, les services sociaux, les collectivités territoriales et les associations –, nous voulons créer une mission interministérielle composée d’experts de ces différents profils.

Cette mission interministérielle est née en janvier 2013. Elle réunit les données, elle partage les bonnes pratiques, elle organise la formation des professionnels.

Avec le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes que vous avez examiné le mois dernier en deuxième lecture, nous renforçons les moyens de faire face à toutes les formes de violences faites aux femmes.

Nous renforçons le dispositif de l’ordonnance de protection, pour qu’il soit mis en œuvre plus vite et pour une durée plus longue.

Pour mieux protéger les victimes, et éviter qu’elles ne soient doublement victimes en étant contraintes de déménager, nous renforçons les moyens d’écarter l’auteur des violences du domicile conjugal et de maintenir la victime dans son logement.

Pour lutter contre la récidive, nous établissons également des stages afin de responsabiliser les auteurs de violences.

La politique mise en œuvre par la France contre les violences à l’égard des femmes s’inscrit donc dans une approche intégrée, pluridisciplinaire, fondée sur les droits de la personne humaine.

Cet engagement est partagé par le Gouvernement. Vous avez pu constater qu’il est conforme à l’esprit et à la lettre de la convention d’Istanbul. Je sais qu’il est partagé également au sein de cet hémicycle. Je tiens à saluer la qualité du rapport de Joëlle Garriaud-Maylam et à remercier Brigitte Gonthier-Maurin, ainsi que l’ensemble des membres de la délégation pour les droits des femmes, de leur engagement. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique adoptée par le Conseil de l’Europe il y aura trois ans après-demain.

Cette convention traite d’un sujet qui me préoccupe depuis fort longtemps et aux conséquences duquel je suis souvent confrontée en tant qu’élue, notamment lors de mes déplacements à l’étranger, où j’ai de fréquents débats avec les autorités des pays d’accueil, ou à l’occasion de rencontres avec des femmes étrangères victimes sur notre sol de telles violences. Là comme dans beaucoup d’autres domaines, une coopération internationale est absolument indispensable !

Revenons-en à la présente convention.

Adoptée par le Conseil de l’Europe le 7 avril 2011, elle a été signée par la France dès la date d’ouverture à la signature, le 11 mai 2011. Vous me permettrez donc de déplorer, une fois de plus, les lenteurs de la procédure législative, puisqu’elle n’a été adoptée par l’Assemblée nationale que le 13 février dernier. Nous avions plaidé pour que ce projet de loi de ratification, qui a été adopté par la commission des affaires étrangères du Sénat le 9 avril, fasse l’objet d’un examen en procédure simplifiée, afin de gagner du temps. Il n’en a rien été, et la discussion en séance publique du projet de loi, prévue le 15 avril, a une nouvelle fois été repoussée. Ces retards sont d’autant plus regrettables que nous assistons à une augmentation, voire à une banalisation, de ces phénomènes de violences conjugales, des violences physiques mais aussi psychiques qui tendent tellement à dégrader, à écraser et parfois à culpabiliser les victimes qu’elles ne sont que 33 % à porter plainte au commissariat ou à la gendarmerie.

Cette convention est l’aboutissement d’un long travail du Conseil de l’Europe, qui se consacre depuis sa création à la sauvegarde et à la protection des droits de l’homme : c’est pour cette raison même qu’il a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une de ses priorités.

Cette préoccupation est ancienne puisqu’elle date du début des années quatre-vingt-dix, avec notamment, en 1993, la conférence ministérielle européenne intitulée « Stratégies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans la société : médias et autres moyens », en 2002, la recommandation du Conseil de l’Europe prônant une approche globale de la prévention et de l’éradication de la violence fondée sur le genre, et, entre 2006 et 2008, la campagne du Conseil de l’Europe pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique.

La task force du Conseil de l’Europe chargée du suivi de cette campagne recommandait déjà, dans son rapport de 2008, l’adoption d’un instrument contraignant sous la forme « d’une convention […] pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes ».

En décembre 2008, en réponse à cette recommandation, un comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, le CAHVIO, a été institué. Sa mission est d’élaborer un ou plusieurs instruments contraignants en la matière.

La convention aujourd’hui soumise à notre examen correspond au texte final approuvé par le CAHVIO en décembre 2010, puis adopté définitivement par le Conseil de l’Europe le 7 avril 2011.

L’utilité de cette convention n’est plus à démontrer. La task force du Conseil de l’Europe dressait déjà en 2008 un constat édifiant des violences faites aux femmes. Plus récemment, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a mené une enquête auprès de 42 000 femmes dans vingt-huit États de l’Union. Son rapport, en date du 5 mars dernier, révèle une situation alarmante quant à l’étendue des violences physiques, sexuelles, psychologiques vécues par les femmes, y compris pendant leur enfance.

Je tiens à livrer ces quelques chiffres à votre réflexion : un tiers des femmes interrogées ont été victimes de violences physiques ou sexuelles commises par un adulte pendant leur enfance ; un autre tiers d’entre elles ont été victimes de violences physiques ou sexuelles depuis l’âge de 15 ans. S’y ajoute un constat encore plus inacceptable : 5 % des femmes ont été violées. Sachant que 67 % de ces femmes n’ont pas signalé ces violences à la police ou à un autre organisme, on comprend immédiatement quel est l’enjeu de ce texte.

Au reste, il ne s’agit là que des faits les plus graves. En effet, 55 % des 42 000 femmes ayant répondu à cette enquête ont été victimes de harcèlement sexuel.

Dès lors, comment s’étonner que, dans les conclusions de son rapport, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne encourage les États membres de celle-ci à ratifier la convention dont nous sommes saisis, en suggérant même que l’Union européenne y adhère ?

Quant à la France, nous ne disposons malheureusement pas de données systématiques et sûres concernant l’ensemble de ces violences faites aux femmes. Il nous faudra attendre, pour disposer d’un outil statistique complet, le résultat des travaux de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences, mise en place en janvier 2013.

La production de statistiques fiables est un enjeu essentiel pour mieux cerner le phénomène multiforme de la violence contre les femmes, et ainsi concevoir de meilleurs dispositifs de prévention, de répression et de protection. D’autres pays sont bien plus en avance que la France en la matière. Là encore, nous devrions nous inspirer de leurs modes d’action, de leurs bonnes pratiques. Dans le cadre de la ratification de la convention d’Istanbul, l’élaboration d’outils statistiques pertinents, fiables et réguliers exigera de la France des efforts spécifiques.

Je trouve également fort décevante – c’est là un avis personnel – la réserve française relative « au report du point de départ du délai de prescription à la majorité de la victime pour certaines infractions » telles que violences sexuelles, mariages forcés, mutilations génitales féminines, avortement et stérilisation forcés. La France ne souhaite en effet s’y conformer que pour les crimes et délits pour lesquels un tel report est prévu par son droit interne et n’envisage pas de modifier ce dernier s’agissant de l’interruption volontaire de grossesse commise sans le consentement de l’intéressée et des mariages forcés. Nous parlementaires devrons nous pencher très sérieusement sur cette question.

Considérons maintenant les chiffres présentés au titre du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour la période 2014-2016. Ils montrent l’ampleur de la tâche restant à accomplir : M. le secrétaire d’État l’a rappelé, une femme sur dix est victime de violences conjugales ; en 2012, 148 femmes sont mortes de ces violences ; moins d’une victime sur cinq se déplace à la police ou à la gendarmerie ; concernant les violences sexuelles, 16 % des femmes déclarent avoir subi des rapports forcés et, en 2010 et en 2011, 154 000 femmes de 18 à 75 ans se sont déclarées victimes de viol.

Face à cette situation, la convention d’Istanbul apparaît comme un instrument régional novateur et essentiel.

Concernant la dimension régionale de cet outil, je rappelle que, actuellement, seules deux organisations internationales se sont dotées d’un traité spécifique relatif aux violences faites aux femmes : l’Organisation des États américains, en 1994, et l’Union africaine, en 2003.

Cette convention est un instrument novateur dans la mesure où elle établit des normes contraignantes pour les parties. Elle renforce donc utilement la lutte contre la violence à l’égard des femmes menée par les Nations unies, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Ces institutions ont certes toutes adopté des déclarations, mais elles ne se sont dotées d’aucun instrument contraignant visant spécifiquement les violences faites aux femmes.

Cette convention est également novatrice parce qu’elle déploie une stratégie globale d’éradication des violences faites aux femmes, sur la base de ce que l’on nomme les « trois P » : prévention, protection et poursuite.

En matière de prévention, la convention engage les parties à promouvoir des changements de comportements et de mentalités par la sensibilisation, l’éducation, la formation, des programmes de soutien à destination des auteurs de violences.

En matière de protection, la convention impose de manière évidente d’apporter aux victimes toutes sortes de formes de soutien : information, assistance juridique et médicale, refuge, logement, soutien économique. Elle exige également, ce qui est particulièrement intéressant, la protection des témoins, en s’attachant notamment au cas de l’enfant témoin.

La convention oblige en outre les parties à établir des lignes d’assistance téléphonique gratuite pour les situations d’urgence, fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En France, le 3919 est déjà à la disposition des femmes victimes de violences. Ce numéro est gratuit et assure l’anonymat de la personne qui appelle.

Néanmoins, au-delà de la réponse immédiate aux urgences, la France a des progrès à faire quant à l’assistance fournie aux victimes à plus long terme. La convention d’Istanbul insiste sur la notion de « guichet unique ». La simplification de l’accès aux différents volets de protection et de soutien est en effet essentielle pour aider des personnes en situation de grand désarroi et de forte vulnérabilité à reconstruire une vie normale.

À titre d’exemple, en matière de recouvrement des pensions alimentaires et de conflits relatifs à l’autorité parentale – en particulier lorsqu’ils revêtent une dimension internationale, l’autre parent étant de nationalité étrangère ou vivant à l’étranger –, le dispositif d’aide français reste insuffisamment réactif comparé à celui d’autres États. Il s’agit là d’un aspect extrêmement important.

Enfin, en matière de poursuites, la convention oblige les parties à adopter un arsenal répressif. Son spectre, très large, recouvre non seulement, bien entendu, les violences physiques et sexuelles – y compris le viol –, mais aussi la violence psychologique et le harcèlement sexuel, ainsi que les mariages forcés, les mutilations génitales féminines, l’avortement et la stérilisation forcés. La convention sanctionne également les crimes commis « au nom du prétendu honneur ». Elle interdit à leurs auteurs d’invoquer ce motif pour leur défense.

En conclusion, cette convention qui vise à créer une Europe sans violence à l’égard des femmes en appelant à combattre toutes les formes de discrimination à leur égard devrait donner un nouveau souffle aux politiques menées par la France depuis de très nombreuses années.

Le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, récemment adopté par le Sénat, relève d’ailleurs d’une approche intégrée comparable à celle de la convention d’Istanbul. Il a en effet pour objet de traiter de l’égalité « dans toutes ses dimensions […] : égalité professionnelle, lutte contre la précarité spécifique des femmes, protection des femmes contre les violences, image des femmes dans les médias, parité en politique ».

Un autre texte aura une incidence sur l’application par la France des principes de la convention d’Istanbul : le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile.

Les articles 60 et 61 de la convention préconisent un examen « sensible au genre » des demandes d’asile. À ce titre, j’attire l’attention de notre commission sur les préconisations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, au sein duquel j’ai l’honneur de représenter le Sénat. Actuellement, la pratique montre que les violences de genre ne sont pas considérées comme des motifs suffisants pour accorder le statut de réfugié ; tout juste permettent-elles d’octroyer une « protection subsidiaire ».

Enfin, nous devrons veiller à ce que la proposition de loi n° 1856, relative à l’autorité parentale, si elle est adoptée, ne remette en question certaines avancées, certains acquis de la convention, comme la dénomination de la violence économique.

Ces quelques exemples montrent qu’une fois la ratification de la convention d’Istanbul définitivement validée, la France aura encore d’importants efforts à fournir pour parvenir à appliquer les principes posés par ce texte.

Quoi qu’il en soit, la première étape, pour notre pays, est évidemment de ratifier rapidement cette convention. L’entrée en vigueur de celle-ci est en effet subordonnée à sa ratification par dix États, dont au moins huit membres du Conseil de l’Europe. À ce jour, huit États, tous membres du Conseil de l’Europe, l’ont ratifiée.

C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, de bien vouloir adopter ce projet de loi autorisant la ratification de cette convention du Conseil de l’Europe. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vois au moins deux raisons de se féliciter que le Sénat examine en séance publique le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite convention d’Istanbul.

Tout d’abord, il aurait été dommage que l’autorisation de la ratification de ce texte très attendu de tous ceux et de toutes celles qui s’impliquent dans la lutte contre les violences faites aux femmes intervienne via la procédure simplifiée.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. C’est pourtant ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je suis certaine que le présent débat aura son utilité.

Ensuite, le Sénat est appelé à autoriser cette ratification en présence de Najat Vallaud-Belkacem, que je remercie d’être ce soir au banc des ministres.

Le contenu de la convention d’Istanbul a déjà été commenté par les précédents intervenants ; je n’y reviendrai pas. Je me contenterai de me féliciter que la France, en ratifiant ce texte, valide un instrument international complet en ce qu’il vise tant la prévention des violences que la protection des victimes et la poursuite des auteurs des faits.

Les types de violences traités par cette convention correspondent aux préoccupations de notre délégation aux droits des femmes, dont les membres constatent régulièrement combien les violences subies par les femmes, partout dans le monde, s’inscrivent dans un continuum dont font partie les harcèlements, les violences conjugales, les violences sexuelles, les mutilations génitales, le mariage forcé et les crimes dits « d’honneur ».

Je note toutefois que la convention n’aborde pas une forme de violence : la prostitution, qui relève pourtant incontestablement des violences faites aux femmes. Mais nous débattrons de cette question, du moins je l’espère, lors de l’examen en séance publique de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

Malgré cette lacune, je relève avec intérêt que le préambule de la convention reconnaît les violences, notamment sexuelles, dont les femmes sont victimes du fait des conflits armés. Dans cette logique, son article 2 précise qu’elle « s’applique en temps de paix et en situation de conflit armé ». Je rappelle que la délégation aux droits des femmes a consacré, en décembre 2013, un rapport d’information à ce sujet si grave du « viol de guerre ».

Mes collègues et moi-même ne pouvons que nous féliciter que cette convention ait pris en compte la particulière vulnérabilité des femmes dans les conflits armés et reconnaisse la « violence fondée sur le genre » qui prospère dans le contexte des guerres.

Aucun pays ne peut en effet se blottir à l’abri de ses frontières et se considérer comme non concerné par les violences dont traite la convention d’Istanbul.

En ce qui concerne les violences sexuelles du fait des conflits armés, les représentantes du Comité médical pour les exilés, le COMEDE, que la délégation a entendues, nous ont appris que 65 % des femmes suivies médicalement en France dans le cadre d’un parcours migratoire avaient subi des violences dans leur pays d’origine et que 16 % d’entre elles avaient subi des tortures. Ces souffrances physiques et psychologiques liées aux guerres doivent donc aussi être traitées médicalement dans notre pays.

Quant aux violences conjugales, il faut inlassablement répéter que, sur notre territoire, tous les deux jours et demi, une femme meurt sous les coups de son conjoint.

Enfin, le drame des mariages forcés menacerait, selon le Haut Conseil à l’intégration, environ 70 000 jeunes femmes et jeunes filles en France, qu’il s’agisse de jeunes Françaises mariées de force dans le pays d’origine de leurs parents ou de jeunes binationales. Les consulats français traiteraient ainsi chaque année entre douze et quinze cas de mariage forcé.

Une autre raison d’être favorable à la ratification de cette convention est qu’elle considère l’égalité entre hommes et femmes comme un « élément clé dans la prévention de la violence à l’égard des femmes », rejoignant ainsi, là encore, une conviction de la délégation aux droits des femmes, qui constate régulièrement l’existence d’un lien étroit et fort entre les inégalités entre hommes et femmes et les violences faites aux femmes.

Dans ce domaine, la convention reflète les préoccupations habituelles de la délégation, puisque son article 14 invite les pays parties prenantes à intégrer la thématique de l’égalité dans leurs programmes d’enseignement et à sensibiliser les élèves au respect mutuel et à la « résolution non violente des conflits dans les relations interpersonnelles ».

L’étude que mène actuellement la délégation aux droits des femmes sur le thème de la prostitution, en vue de l’examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, confirme que la sensibilisation à l’égalité et au respect doit impérativement être renforcée dans le cadre scolaire, et ce le plus tôt possible : au lycée, il est déjà trop tard.

Dans un autre registre, le travail conduit par la délégation depuis le début de cette année sur les stéréotypes masculins et féminins dans les manuels scolaires nous conforte, audition après audition, dans la conviction que ces stéréotypes renforcent les discriminations entre filles et garçons, puis entre hommes et femmes.

Les stéréotypes se mettent en place d’abord au stade des études, puis dans le milieu professionnel, notamment parce que l’orientation professionnelle contribue très directement à enfermer les jeunes filles dans des parcours de formation qui ne représentent pas, tant s’en faut, des « passeports vers la réussite »…

Il est donc particulièrement regrettable que le débat sur les « ABCD de l’égalité » ait réduit ce qui n’était rien d’autre que l’apprentissage du respect entre filles et garçons à l’école à une polémique inappropriée sur le « genre ».

Une autre stipulation de la convention rejoint une préoccupation de la délégation et confirme la pertinence de ce texte : je veux parler du point 2 de l’article 17, qui engage les parties à développer les capacités des enfants, des parents et des éducateurs « à faire face à un environnement des technologies de l’information et de la communication qui donne accès à des contenus dégradants à caractère sexuel ou violent qui peuvent être nuisibles ».

De fait, dans notre société, les risques liés au contact avec des images qui, par leur violence ou leur caractère pornographique, peuvent constituer de véritables agressions contre les jeunes publics, doivent impérativement être pris en compte. On sait, par exemple, qu’il existe des jeux vidéo en ligne banalisant le viol.

Les conséquences de la diffusion de ces images sur les relations entre garçons et filles puis, plus tard, entre hommes et femmes doivent impérativement être prises en considération. À cet égard, la convention encourage de manière très opportune la mise en œuvre d’actions d’éducation, indispensables eu égard à la prolifération d’images non maîtrisables dans le monde d’aujourd’hui.

Cette convention nous invite donc à mettre en place ou à renforcer des actions de sensibilisation auprès des jeunes, actions qui sont indispensables à la construction d’une société d’égalité entre hommes et femmes.

Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les remarques que peut inspirer la convention d’Istanbul, au vu des travaux actuellement conduits par la délégation aux droits des femmes. Ces réflexions ne peuvent que nous encourager à adopter le présent projet de loi, comme nous y invite la commission des affaires étrangères, afin d’autoriser la ratification d’un texte opportun et nécessaire. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi destiné à autoriser la ratification de la convention sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique constitue un signal fort. Il est en effet plus que jamais nécessaire d’harmoniser, à l’échelle de l’Union européenne, les politiques de lutte contre les violences.

À la suite d’une évaluation particulièrement alarmante réalisée entre 2008 et 2012, le Parlement européen a chargé l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne de réaliser, entre mars et septembre 2012, une enquête d’une ampleur inégalée sur tout le continent européen, auprès de 42 000 femmes âgées de 18 à 74 ans, dans chacun des vingt-huit pays de l’Union européenne.

Les chiffres obtenus font froid dans le dos, tant ils révèlent une situation dramatique : dans les États membres, les violences envers les femmes sont perpétrées à une échelle massive, dans la sphère la plus intime qui soit, celle de la vie conjugale.

Dans l’Union européenne, une femme sur trois a été victime de violences sexuelles ou physiques depuis l’âge de 15 ans ; 55 % des femmes ont été victimes de harcèlement sexuel ; 22 % des femmes ont fait l’objet de violences physiques ou sexuelles et 5 % ont été violées. Surtout, 67 % des femmes déclarent ne pas avoir signalé ces agissements ; en France, elles sont même 90 % dans ce cas.

Je rappelle que, dans notre pays, 400 000 femmes se déclarent victimes de violences conjugales et que, en 2012, 148 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint.

Tout cela a déjà été dit, mais il faut le répéter. En effet, malgré une prise de conscience et le travail accompli ces dernières années, beaucoup reste encore à faire. Il nous faut combattre avec force la loi du silence et les tabous, afin que les femmes qui refusent de porter plainte, par honte ou par crainte des représailles, trouvent enfin la force de parler.

Cette loi du silence inflige une double peine aux victimes, retardant leur prise en charge et la mise en œuvre des solutions d’accompagnement pour les extraire de la violence. Ce sont les femmes, le plus souvent, qui quittent le domicile. S’ajoutent alors aux problèmes de violences des difficultés de logement, de maintien dans l’emploi et de précarisation. De surcroît, l’échelle de temps de la victime n’est pas celle de la police, de la justice ou des associations spécialisées. Sur le terrain, au quotidien, dans l’urgence, les attentes des uns peuvent se heurter à celles des autres.

Il est inutile de rappeler que la liberté même de ces femmes est entravée. L’enquête révèle que 53 % d’entre elles évitent certaines situations ou certains lieux, de peur d’être agressées physiquement ou sexuellement, alors que, dans les enquêtes sur la victimisation criminelle, les hommes restreignent beaucoup moins leurs déplacements.

L’enquête rappelle également que les violences envers les femmes sont multiples – physiques, sexuelles, morales, psychologiques –, qu’elles n’épargnent aucun âge et peuvent intervenir partout : dans la famille, dans la rue, au travail.

Enfin, les violences conjugales n’affectent pas seulement les femmes, mais toute la cellule familiale, et en premier lieu les enfants, qui en sont les victimes collatérales. L’Union européenne doit tout mettre en œuvre pour les extraire du cercle vicieux de la violence.

Dans le rapport pour avis de juin 2010 sur les violences au sein des couples que j’avais eu l’honneur de défendre au nom de la délégation aux droits des femmes, j’étais arrivée aux mêmes conclusions alarmantes. La vingtaine de recommandations alors formulées ont pour la plupart été reprises, depuis, dans le projet de loi pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, ainsi que dans le texte de la convention que nous examinons. C’est pour nous une grande satisfaction.

Je rappellerai brièvement quelques-unes de ces préconisations : lutter contre la loi du silence, qui laisse les victimes dans la honte et les agents publics dans l’incapacité de recueillir leur parole ; lancer des campagnes de sensibilisation et de prévention auprès du grand public et des enfants dans les écoles ; faciliter l’accès à l’emploi et au logement des victimes de violences conjugales afin d’éviter toute désocialisation ; reconnaître le délit de violence psychologique ; accorder des titres de séjour aux victimes, qu’il faut rapatrier dans le cas de séquestration et de mariage forcé hors des frontières d’un État membre.

Ce catalogue n’est pas exhaustif, mais il constitue les bases de l’arsenal présenté par la convention dont il nous est proposé aujourd’hui d’autoriser la ratification et qui est destinée à briser la loi du silence au nom de l’égalité des droits, de la protection de l’intégrité physique des femmes, du respect de l’article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de la convention d’Istanbul, adoptée par le Conseil de l’Europe en 2011.

Inciter davantage les États membres à s’organiser plus efficacement pour coordonner leurs actions en la matière, telle est l’une des priorités affirmées par ce projet de ratification.

Pour rompre le cercle vicieux de la violence conjugale en Europe, la convention propose aux États membres de déployer la stratégie des « trois P » : prévention, protection, poursuite.

Le volet de la prévention repose sur l’un des principaux leviers d’action : la lutte contre les stéréotypes sexistes qui font accepter la violence envers les femmes et que l’on doit combattre en développant, par exemple, l’apprentissage systématique à l’école de l’égalité des sexes et de l’égalité des droits entre les filles et les garçons ou la formation des professionnels et des agents en contact avec les victimes. Ce sont là autant de facteurs de réussite.

Ce volet prévoit également d’associer les médias en les sensibilisant à ce problème, tout comme l’ensemble des institutions et du secteur privé, dans une approche transversale.

Libérer la parole des victimes et mieux la recueillir est un autre aspect des dispositions proposées, tout comme le nécessaire volontarisme demandé aux institutions ou la lutte contre l’alcoolisme.

Comme l’explique le psychiatre Gérard Lopez, spécialisé dans la formation des personnels de la police, le cycle de la violence conjugale repose sur le déni, la honte d’être victime, la peur de se retrouver sans ressources, la culpabilité d’envoyer le parent de ses enfants en prison. Il s’agit d’un « long processus de domination qui, par des violences psychologiques et physiques, déstructure la personne ».

Les États membres de l’Union européenne seront contraints d’élaborer des plans d’action nationaux et d’organiser la collecte de données. Ils seront également invités à pérenniser les financements des organisations de la société civile qui luttent contre la violence faite aux femmes et viennent en aide aux victimes ainsi qu’à leurs enfants.

Quant au volet relatif à la protection, il exhorte les États à tenir compte des besoins spécifiques des victimes en améliorant notamment les procédures judiciaires d’urgence et en leur imposant d’agir avec « diligence » : secret du lieu de résidence, priorité en matière de relogement, augmentation de l’offre d’hébergement d’urgence, lignes d’assistance téléphonique gratuite, ordonnances d’interdiction, d’injonction ou de protection afin de soustraire la victime à de nouvelles violences. Le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes permet d’anticiper sur bon nombre de ces dispositions.

Les violences à l’encontre des femmes doivent être reconnues comme une violation des droits fondamentaux et sévèrement sanctionnées dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Je pense par exemple à la tentative d’interruption de grossesse sans le consentement de l’intéressée ou au fait de tromper une personne aux fins de l’emmener à l’étranger pour la forcer à y contracter un mariage.

La convention du Conseil de l’Europe dont il nous est proposé aujourd’hui d’autoriser la ratification est la plus contraignante jamais soumise aux États membres en matière de violences conjugales. Avec elle, l’Europe se dote d’un arsenal juridique ambitieux et transversal et met en place des leviers d’action efficaces, grâce à une approche intégrée et à une coopération internationale renforcée.

Il était temps d’harmoniser la lutte contre les violences envers les femmes en Europe. À travers sa représentation nationale, la France s’honorerait de donner l’exemple en apportant son soutien à cette convention. Elle adresserait ainsi un message clair aux agresseurs et aux victimes : le « harcèlement conjugal » est un comportement inacceptable.

À la veille des élections européennes, il est important de rappeler quel sens nous entendons donner à notre maison commune, l’Europe. Cette convention en est une traduction concrète : elle marque une étape supplémentaire franchie sur le long chemin de l’émancipation des femmes et de la construction européenne.

L’Union européenne a besoin de ce socle commun de droits sociaux, car c’est bien ce socle qui lui donne tout son sens et fait naître un sentiment d’appartenance chez nos concitoyens, ainsi qu’une véritable adhésion au projet européen ; nous ne devons jamais l’oublier. Ces orientations sont en parfaite cohérence avec les valeurs défendues par les membres du groupe RDSE.

L’ensemble des mesures prévues dans cette convention pour mettre fin au fléau de la violence envers les femmes dans l’Union européenne marque des avancées importantes. Les violences conjugales, tout particulièrement, ne doivent pas être traitées comme de simples violences ; elles appellent non seulement une réponse judiciaire, mais aussi un traitement d’ensemble réunissant compréhension, accueil, protection et reconstruction de la victime.

Le groupe RDSE approuve ces orientations concrètes qui, n’en doutons pas, porteront leurs fruits à moyen et long terme. Vous ne serez donc pas surpris, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, que je vous confirme que mon groupe soutiendra sans réserve l’adoption du projet de loi autorisant la ratification de cette convention européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette convention, adoptée par le comité des ministres du Conseil de l’Europe le 7 avril 2011, à Istanbul, constitue le premier instrument juridiquement contraignant au niveau européen et offre un cadre juridique complet pour la prévention de la violence, la protection des victimes et la poursuite des auteurs des faits.

L’entrée en vigueur de cette convention, signée par près d’une trentaine d’États, est conditionnée à sa ratification par au moins dix pays. L’Espagne a procédé, il y a quelques semaines, à cette ratification ; la France s’honorerait d’être le dixième État à accomplir cet acte, ce qui permettrait, trois ans après la signature de la convention, la mise en œuvre de ce bel instrument.

La situation en matière de violences faites aux femmes est pour le moins préoccupante. Mes chers collègues, je vous épargnerai la répétition des chiffres déjà cités par les orateurs précédents. La France, dans ce domaine, ne se révèle pas exemplaire.

Malgré cette situation préoccupante, les médecins en général, et les psychiatres en particulier, s’intéressent toujours aussi peu aux victimes de violences, y compris sexuelles. Cet état de fait est d’autant plus incompréhensible que nos connaissances quant aux conséquences des violences sur la santé ont beaucoup évolué ces deux dernières décennies.

Les victimes se trouvent souvent abandonnées par le corps médical. Aucune formation sur les psychotraumatismes n’est actuellement dispensée pendant les études médicales, pas même aux psychiatres durant leurs études de spécialité. Les médecins capables d’identifier des symptômes psychotraumatiques typiques chez leurs patients et de les relier à des violences subies sont rares. Or une reconnaissance de ces violences, un dépistage des troubles psychotraumatiques, une prise en charge de qualité, précoce, empathique et bienveillante sont primordiaux pour protéger, soulager les victimes et pour empêcher que des troubles psychotraumatiques ne s’installent dans la chronicité.

Hélas, alors que l’on sait que de 22 % à 35 % des femmes qui consultent dans les services d’urgence des hôpitaux présentent des symptômes consécutifs à des violences principalement sexuelles ou conjugales, seulement 2 % d’entre elles sont identifiées par les médecins comme victimes de violences. À ce propos, pour prendre l’exacte mesure de la situation, je vous invite, mes chers collègues, à lire et à méditer l’ouvrage du docteur Muriel Salmona intitulé Le Livre noir des violences sexuelles.

La violence faite aux femmes, malgré sa tendance à engendrer de la souffrance et de nouvelles violences, n’est nullement une fatalité. Pour prévenir les violences, il convient avant tout de les identifier, de protéger et de soigner les victimes, et de ne pas laisser impunis les auteurs. Les violences sont une affaire de droit. Les agresseurs ont à rendre des comptes, et leur addiction à la violence doit être traitée le plus tôt possible.

Dans un système très hiérarchisé et discriminatoire pour les femmes, le statut inférieur de celles-ci traduit leur assimilation à une marchandise, qui n’aura de valeur que si elles appartiennent à un « légitime » propriétaire : père, frère, mari, concubin, compagnon. Des hommes peuvent se livrer à des violences sur elles, souvent en toute impunité, dès lors qu’ils exercent sur elles leur droit de propriétaire.

À quelques semaines des élections européennes, la ratification de cette convention permettrait de montrer au plus grand nombre que l’Europe, avec la construction de son droit commun, peut aussi contribuer à renforcer les droits fondamentaux de tous ses citoyens, en l’occurrence de toutes ses citoyennes.

Le groupe écologiste votera naturellement le projet de loi autorisant la ratification de la convention d’Istanbul, dans le droit fil de la lutte constante qu’il mène pour l’égalité entre les femmes et les hommes et contre les violences faites aux femmes.

Permettez-moi, mes chers collègues, de clore mon intervention en vous livrant un témoignage, celui d’une victime :

« Nous les victimes de violences, enfants et adultes, la plupart du temps, on ne nous voit pas, et on dit qu’on ne parle pas, mais c’est faux, c’est totalement faux. Quand nous essayons de parler, on ne nous entend pas, ou on a peur de nous, on a peur de ce qu’on pourrait dire, et on nous fait taire très rapidement, mais nous parlons quand même, nous parlons énormément, nous parlons avec nos comportements et avec nos corps, et on ne nous comprend pas, on nous juge, on juge ce que nous sommes et comment nous sommes.

« Nous finissons par penser que nous ne sommes pas des êtres normaux, que nous n’appartenons pas ou plus à l’espèce humaine, nous finissons par nous sentir en dehors de votre monde, nous nous terrons dans nos maisons, derrière nos ordinateurs, nous rasons les murs et nous ne croisons plus vos regards. […]

« Nous ne vivons pas, nous survivons avec nos douleurs et nos souffrances à l’intérieur, nous survivons dans une solitude que vous n’imaginez même pas. […]

« Nous avons besoin d’être pris très au sérieux et avec le plus grand respect par les institutions médicales, sociales, policières, judiciaires, et par l’État lui-même. Nos droits doivent être réels, et non plus de simples mots allongés sur du papier. »

À nous, chers collègues, de montrer que, cette fois, nous avons entendu. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dois avouer que, avant de préparer cette intervention, je n’avais jamais pris connaissance, dans leur intégralité, des termes de la convention d’Istanbul.

Bien sûr, j’avais lu plusieurs articles de presse et des tribunes qui en présentaient les grandes lignes, et il était alors clair pour moi qu’il s’agissait d’un traité historique du Conseil de l’Europe, créant au niveau paneuropéen un cadre juridique extrêmement complet pour protéger les femmes contre toutes les formes de violence. Mais je n’avais pas été plus loin dans mon analyse… Quelle erreur, tant la lecture des quatre-vingt-un articles de cette convention s’est révélée rassurante et motivante !

Sans m’engager dans une présentation de ladite convention – cela a été excellemment fait par M. le secrétaire d’État, Mme la rapporteur, Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et les collègues qui m’ont précédée –, je me contenterai de formuler quatre observations.

Premièrement, la violence à l’égard des femmes n’épargne aucun des États membres du Conseil de l’Europe.

Selon le secrétariat du comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, le CAHVIO, entre un cinquième et un quart des femmes subissent des violences physiques une fois au moins au cours de leur vie adulte, et plus d’une femme sur dix a déjà souffert d’abus sexuel avec usage de la force.

Plus parlants sont les résultats de l’enquête menée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne sur la violence à l’égard des femmes, qui ont été publiés le 5 mars dernier. Je n’y reviendrai pas, car ils ont été commentés par les oratrices qui m’ont précédée, mais ils confirment une étude américaine aux termes de laquelle six femmes sur dix ont subi des violences sexuelles.

Deuxièmement, la lutte contre la violence à l’égard des femmes est l’objet d’une mobilisation européenne et internationale. La convention d’Istanbul fait partie d’une série de mesures prises par le Conseil de l’Europe pour promouvoir la protection des femmes contre la violence.

En 2002, la recommandation 5 du conseil des ministres du Conseil de l’Europe a été adoptée, marquant le début d’une campagne européenne de lutte contre la violence à l’égard des femmes, qui s’est déroulée entre 2006 à 2008. À cette occasion, les gouvernements et les parlements ont travaillé main dans la main. Si elle a révélé l’ampleur des problèmes, cette campagne a aussi mis en lumière les mesures nationales en matière de lutte, les bonnes pratiques et les initiatives très diverses prises dans de nombreux États membres.

Troisièmement, notre législation contient déjà nombre de dispositions de la convention d’Istanbul. C’est le cas en matière de définition de différentes formes de violences à l’égard des femmes, dont le mariage forcé, les violences sexuelles, les violences physiques et psychologiques, le harcèlement sexuel. Il en est de même en matière d’actions de sensibilisation et d’éducation, de mesures de prévention, de prise en charge, de soutien et de protection juridique, ainsi que de procédures civiles et pénales.

Quatrièmement, notre législation doit toutefois continuer d’évoluer.

Dans sa communication sur la convention d’Istanbul, le Conseil de l’Europe parle d’« éliminer ou d’éradiquer la violence à l’égard des femmes ». C’est exactement cette stratégie que nous devons adopter au travers de la mise en place de notre arsenal législatif.

J’ai eu, à plusieurs reprises, l’occasion de le souligner dans cette enceinte : le projet que je conduis au sein de l’association « Stop aux violences sexuelles », dont la présidente est Violaine Guérin, gynécologue et endocrinologue, est de mettre en place une véritable stratégie d’éradication des violences sexuelles, à l’instar d’une stratégie vaccinale ou des campagnes de sécurité routière. Le 13 janvier dernier, j’ai parrainé au Sénat, avec Chantal Jouanno, les premières assises sur les violences sexuelles, organisées par cette association.

Ces assises furent le point de départ de la mise en place de cette stratégie d’éradication. L’un des chantiers majeurs est la modification du délai de prescription de l’action publique en matière d’agressions sexuelles.

Je suis persuadée que, dans le cadre de notre dispositif législatif, ce délai est inadapté au traumatisme des victimes de violences sexuelles, inadapté à une procédure douloureuse et complexe.

Pour porter plainte contre son agresseur, son violeur, la victime, en particulier si elle est mineure, doit être physiquement et psychiquement en état de le faire. Il ne suffit pas de libérer la parole des victimes ; il faut la leur donner, pour qu’elles puissent, quand elles sont prêtes, les dénoncer aux autorités administratives et judiciaires.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une proposition de loi dont l’objet est de s’attacher à l’identité de la souffrance ressentie par la victime et de donner à celle-ci le temps nécessaire à la dénonciation des faits. Elle prévoit donc un report du point de départ du délai de prescription au jour où l’infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique, c’est-à-dire expressément au jour où elle se sent en mesure de porter plainte.

L’article 58 de la convention d’Istanbul dispose : « Les parties prennent les mesures législatives et autres nécessaires pour que le délai de prescription pour engager toute poursuite du chef des infractions établies conformément aux articles 36, 37, 38 et 39 de la présente convention » – ce sont les articles qui portent sur la violence sexuelle – « continue de courir pour une durée suffisante et proportionnelle à la gravité de l’infraction en question, afin de permettre la mise en œuvre efficace des poursuites, après que la victime a atteint l’âge de la majorité ». Ma proposition de loi s’inscrit parfaitement dans ce cadre.

Mes chers collègues, je ne doute pas que nous allons adopter à l’unanimité le projet de loi autorisant la ratification de la convention d’Istanbul ; nous prendrons ainsi une décision majeure, puisqu’elle entraînera l’entrée en vigueur de cette convention. Je me permets de vous inviter à faire preuve de cohérence en adoptant aussi ma proposition de loi, qui sera prochainement soumise à votre examen. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à vous faire part à mon tour de la satisfaction que j’éprouve à voir ce projet de loi débattu au Sénat, alors que, à l’Assemblée nationale, il a été adopté sans être discuté sur le fond.

Mme Laurence Cohen. Pour les sénateurs de mon groupe – et aussi pour d’autres, comme je me réjouis de le constater –, ce projet de loi revêt un caractère important.

Important, il l’est d’abord sur le plan de la procédure, puisque nous devons ratifier la convention que la France a signée en 2011. Au 23 avril dernier, trente-deux États l’avaient signée et onze l’avaient ratifiée, de sorte qu’elle pourra entrer en vigueur dès le 1er août prochain. C’est une très bonne nouvelle !

Important, il l’est ensuite sur le plan de la thématique, car les violences faites aux femmes, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, constituent toujours un fléau malheureusement universel. Ces violences prennent différentes formes, de la plus insidieuse à la plus visible ; mais, toutes, elles reflètent, poussée à son paroxysme, la domination masculine exercée sur les femmes.

Bien entendu, nous ne nions pas que les hommes puissent eux aussi être victimes de violences. Reste que les chiffres sont sans appel : ils témoignent d’un phénomène de masse dont les femmes sont les principales victimes.

Pour ne donner que quelques chiffres illustrant cette réalité en France, je signalerai, en m’inspirant de l’étude d’impact, que, au cours des deux dernières années, 300 000 femmes ont été victimes de violences sexuelles et 160 000 autres de viol ou de tentative de viol. Au cours de la même période, une femme sur sept a été insultée, victime le plus souvent de propos sexistes. Une femme sur vingt a subi des gestes déplacés, très souvent sur son lieu de travail.

Tout féministe, mais également tout démocrate, se doit de rappeler ces chiffres, ces faits. En effet, nous sommes souvent confrontés à une certaine banalisation de cette violence, intégrée par la société et, parfois, intériorisée par les femmes elles-mêmes.

Comme la convention le prévoit dans plusieurs de ses articles – plusieurs de nos collègues viennent de le rappeler –, il ne faut pas oublier que, parmi les violences infligées aux femmes, figurent aussi les mariages forcés, le harcèlement sexuel, les mutilations génitales et les crimes dits d’honneur, sans oublier le viol utilisé comme arme de guerre, auquel la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a consacré un rapport d’information.

Ces phénomènes ne sont ni rares ni isolés. Une fois entrée en application, cette convention constituera le premier outil permettant la mise en œuvre, à l’échelle internationale, d’actions visant à éradiquer ces violences. C’est une prise de conscience et une volonté communes qui s’expriment à travers elle !

Certes, plusieurs textes ont déjà été adoptés dans le cadre des Nations unies, notamment la Déclaration de 1993 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, mais ces instruments n’ont pas de portée contraignante. La convention d’Istanbul présente, avec cette portée, un atout supplémentaire.

De même, le fait que le groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, le GREVIO, soit chargé de contrôler la mise en œuvre effective de la convention constitue, comme l’a souligné notre rapporteur, une garantie de voir éradiquée la violence infligée aux femmes.

Autant dire que l’entrée en vigueur de la convention d’Istanbul va marquer un moment important pour les femmes. C’est d’autant plus vrai que le champ d’application de cette convention est assez large : il comprend, outre les quarante-sept pays membres du Conseil de l’Europe, les États-Unis, le Canada, le Mexique, le Japon et d’autres pays encore !

De plus, ce débat tombe à point nommé à la veille des élections européennes. Je crois que les questions de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences et les discriminations devront occuper une place importante dans les programmes des différentes listes. C’est en tout cas ce que j’espère, d’autant plus vivement que nous traversons une période où les forces conservatrices, rétrogrades et – n’ayons pas peur des mots – dangereuses pour notre vivre ensemble attaquent de toutes parts, en Europe et ailleurs, comme le montre notamment le rejet au Parlement européen, en décembre dernier, du rapport Estrela sur les droits sexuels et génésiques.

Ces forces tentent d’imposer leur vision moraliste et traditionnelle de la société, de la famille, du couple et du rôle de la femme, en agissant notamment contre le mariage pour tous et toutes et contre le droit à l’avortement. Je pense en particulier à ce qui se passe actuellement en Espagne,…

Mme Laurence Cohen. … mais, malheureusement, plusieurs autres pays européens sont concernés par une remise en cause, voire par une interdiction, de l’avortement : c’est le cas, entre autres pays, de la Pologne, de l’Irlande, de Malte et de Chypre.

En France et en Europe, des actions de solidarité sont menées par des progressistes, pour défendre le droit des femmes à choisir d’avoir ou non un enfant.

À cet égard, ne pensons pas, mes chers collègues, que la France ne connaisse pas de difficultés. Nous savons, au contraire, que ce droit chèrement acquis reste fragile, tant des groupuscules extrémistes s’efforcent, par tous les moyens, d’empêcher les femmes d’accéder à des centres d’interruption volontaire de grossesse.

Sans compter que les restrictions budgétaires, année après année et, hélas, gouvernement après gouvernement, entraînent la fermeture de certains de ces centres. Comme je l’ai fait observer dans la discussion de notre proposition de loi tendant à instaurer un moratoire sur les fermetures de service et d’établissements de santé ou leur regroupement, qui a malheureusement été rejetée, cent trente de ces centres ont été fermés en dix ans, selon un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes paru en novembre dernier.

Au vu des engagements du Gouvernement en la matière et de ses projets d’économies touchant essentiellement les dépenses publiques, je crains que le nombre de fermetures ne s’arrête pas là. Or, faute de structures suffisantes, il devient de plus en plus difficile d’obtenir un rendez-vous dans le délai prévu par la loi pour la réalisation d’une interruption volontaire de grossesse.

Cette remise en cause des acquis de ces dernières années et ces attaques récurrentes menées un peu partout en Europe prouvent que nous avons fort à faire pour que l’égalité entre les femmes et les hommes reste un droit fondamental et passe des déclarations d’intention aux actes. Si la convention d’Istanbul traite de la question de l’avortement, il est regrettable que son article 39 ne fasse pas mention des attaques et des remises en cause que je dénonce.

De même, je dois dire que mes collègues du groupe CRC et moi-même ne comprenons pas que la prostitution soit, en tant que telle, absente de la convention. Si l’expression de « violence sexuelle » est bien présente dans plusieurs articles, jamais le terme de « prostitution » n’est mentionné. C’est une lacune plus que regrettable, dont il résulte que la prostitution n’est pas reconnue comme une violence. Or si certains voudraient faire croire à un métier, à un choix, nous sommes nombreuses et nombreux à penser que c’est bien une violence extrême que subissent celles et ceux qui sont victimes des réseaux de proxénétisme. Les auditions menées actuellement par la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel en témoignent.

À ce sujet, permettez-moi de donner rapidement quelques chiffres. En France, 85 % des personnes qui se prostituent dans la rue sont des femmes et, parmi elles, 90 % sont des femmes étrangères ; preuve que la mondialisation de ce fléau s’amplifie et que, pour le combattre, les États doivent disposer d’outils communs.

D’un côté, notre Parlement s’apprête à adopter une proposition de loi destinée à lutter contre la prostitution, qui réaffirme fort justement la position abolitionniste de la France, et, de l’autre, cette convention internationale ne dit mot du problème de la prostitution. En vérité, il y a là un certain paradoxe !

Même si je sais bien que les législations en la matière sont différentes d’un pays à l’autre, je pense qu’il aurait été bon de s’accorder collectivement pour lutter contre l’exploitation sexuelle des individus, la traite des êtres humains et le proxénétisme. Je le répète, la convention présente à cet égard une lacune fondamentale. Celle-ci ne constitue bien évidemment pas un oubli, mais une acceptation politique de cette violence de la part de certains.

Je veux également souligner que, pour notre groupe, la violence économique est un problème tout aussi crucial. De fait, l’austérité frappe toujours en premier lieu les femmes ; j’en veux pour preuve les chiffres relatifs à la précarité, aux inégalités salariales et au temps partiel subi, ainsi qu’aux salaires et aux retraites partiels. L’eurodéputée portugaise Inês Zuber, membre du groupe de la gauche unitaire européenne – gauche verte nordique, a très bien montré les conséquences des politiques d’austérité sur la situation sociale et économique des femmes dans son fameux rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui, lui aussi, a malheureusement été rejeté par le Parlement européen il y a quelques semaines.

C’est cette même austérité, cette précarité galopante, qu’un certain nombre d’entre nous ont dénoncées dans cet hémicycle lors des débats sur l’accord national interprofessionnel de sécurisation des parcours professionnel, en démontrant combien les femmes en seraient les premières victimes. Nous regrettons que cette dimension économique ne soit pas abordée dans la convention.

En dépit des lacunes que je viens de déplorer, nous soutenons bien entendu la ratification de cette convention. Nous la soutenons d’autant plus que, en France, nous avons beaucoup travaillé sur la question des violences faites aux femmes.

Je pense à la discussion en deuxième lecture du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui s’est déroulée dans notre hémicycle il y a quelques jours, mais surtout à la proposition de loi, déposée en juillet dernier sur l’initiative de mon groupe, relative à la lutte contre les violences à l’encontre des femmes. Pour préparer ce texte, qui s’inspire de la loi globale espagnole, une référence en la matière, nous avons accompli un travail important, en liaison étroite avec le collectif national pour les droits des femmes, avec le souci de traiter des violences dans toutes leurs dimensions.

Malheureusement, comme je l’ai déjà déploré lors du débat sur le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, le système des niches parlementaires ne permettra pas que cette proposition de loi soit débattue. Une intervention du Gouvernement, et notamment de vous-même, madame la ministre, serait donc bienvenue, car j’ai bon espoir que nous puissions réunir une majorité qui dépasse les clivages politiques traditionnels ; les interventions des oratrices qui m’ont précédée me confortent dans cette conviction.

En vérité, madame la ministre, il serait bon que le Parlement puisse examiner un texte vraiment complet sur la lutte contre les violences faites aux femmes : un texte plus protecteur pour les femmes et qui permette de mieux répondre aux ambitions de la convention d’Istanbul.

En définitive, compte tenu de l’importance de cette convention et des ambitions affichées en matière de prévention, de protection et de poursuites, notre groupe votera bien évidemment le projet de loi de ratification. La position de la France l’engage profondément à lutter contre toutes formes de violences à l’égard des femmes, à prôner une éducation non sexiste et une culture de l’égalité et à promouvoir une Europe sans violence.

Nous continuerons à être attentives et attentifs à ces combats, en défendant également une clause de non-régression, afin d’empêcher que, au gré des changements de gouvernements dans les différents pays européens, les droits des femmes ne subissent des reculs. Cette proposition pourrait d’ailleurs se conjuguer avec une revendication chère à Mme Gisèle Halimi : la clause de l’Européenne la plus favorisée, qui vise à harmoniser par le haut les droits des femmes. Même si elle rencontre un accueil contrasté parmi les féministes, cette dernière idée est porteuse d’une belle ambition et mériterait pour le moins de faire l’objet d’un grand débat public, qui s’impose à la veille des élections européennes.

Mes chers collègues, le projet de loi autorisant la ratification de la convention d’Istanbul a un mérite supplémentaire : il met en lumière la nécessité de bâtir une Europe sans violence et de franchir un pas supplémentaire vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom de nos collègues qui, comme moi, représentent le Sénat à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et notamment de Mme Bernadette Bourzai, qui est membre de la commission sur l’égalité et la non-discrimination et du réseau parlementaire « pour le droit des femmes de vivre sans violence », je tiens à vous faire part de notre satisfaction de voir ce projet de loi soumis, enfin, à l’examen du Sénat.

Dès votre arrivée aux affaires, madame la ministre, vous vous êtes engagée, avec beaucoup de force et de conviction, à ériger la lutte contre les violences faites aux femmes en priorité. La ratification de la convention d’Istanbul va venir compléter l’arsenal dont la France dispose pour lutter contre ces violences et elle aura en outre une portée paneuropéenne. C’est un acte d’autant plus fort que cette convention doit entrer en vigueur lorsque dix pays l’auront ratifiée. Or la France aurait pu être ce dixième pays, si l’examen du projet de loi n’avait pas été reporté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. C’est vrai !

Mme Maryvonne Blondin. Seulement voilà : le 23 avril dernier, la principauté d’Andorre, qui est l’un des quarante-sept membres du Conseil de l’Europe, nous a devancés, permettant à la convention d’entrée en vigueur. C’est un peu dommage, mais c’est ainsi !

Comme de nombreuses oratrices l’ont déjà souligné, ce nouveau traité est décisif, dans la mesure où il constitue le premier instrument juridiquement contraignant à s’appliquer en Europe, et dans une Europe élargie ; il instaure une structure juridique détaillée visant à protéger les femmes contre toutes les formes de violences.

Dès lors qu’un pays ratifie cette convention, il doit prendre toute une série de mesures pour combattre toutes les formes de violences à l’égard des femmes. À ce jour, trente-deux pays sur les quarante-sept États membres du Conseil de l’Europe sont signataires.

Pour la première fois dans l’histoire, une convention énonce clairement que la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ne peuvent plus être considérées comme des questions privées et que les États ont l’obligation de prévenir la violence, de protéger les victimes et de sanctionner les auteurs.

Cette convention correspond parfaitement aux objectifs visés par les politiques menées par la France en matière de lutte contre les violences depuis de nombreuses années.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Maryvonne Blondin. Elle est l’aboutissement d’un long travail du Conseil de l’Europe, qui se consacre à la sauvegarde et à la protection des droits de l’homme sur le continent européen et qui, pour cette raison même, a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes l’une de ses priorités.

Précédentes oratrices ont souligné les manques en matière de prostitution. Je vous rappelle, mes chères collègues, que nous avons voté au Sénat la transposition en droit interne d’une directive européenne visant à lutter contre la traite des êtres humains et les mariages forcés. Le Conseil de l’Europe a également pris en compte le phénomène prostitutionnel puisqu’il a voté lors de sa dernière séance au mois d’avril dernier un rapport intitulé Prostitution, traite et esclavage moderne en Europe, du rapporteur portugais José Mendes Bota.

En 2005, une convention a été signée à Varsovie, qui a pris en compte la lutte contre les violences faites aux femmes, y compris la violence domestique. Depuis 2006, un réseau parlementaire « pour le droit des femmes de vivre sans violence » s’est mis en place au sein du Conseil de l’Europe. Il se compose de cinquante et un parlementaires issus des délégations d’États membres et d’observateurs auprès de l’assemblée parlementaire et des délégations des partenaires pour la démocratie et s’emploie sans relâche à promouvoir la convention d’Istanbul. Notre collègue Bernadette Bourzai, qui est l’un de ses membres, peut témoigner de la volonté politique présente dans les parlements européens.

Nous soutenons le travail accompli par le Conseil de l’Europe, qui ouvre la voie à la création d’un cadre juridique de portée paneuropéenne pour protéger les femmes contre toutes les formes de violence ainsi que pour prévenir, réprimer et éliminer la violence contre les femmes et la violence domestique. Cette lutte se construit au travers de toutes les actions qui ont été rappelées précédemment ; je n’insisterai donc pas davantage sur ces différents points. Vous l’avez dit, madame la ministre, intimité ne doit pas rimer avec impunité, comme c’est malheureusement souvent le cas aujourd'hui !

L’enquête menée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, basée à Vienne, est la première du genre à porter sur la violence à l’égard des femmes dans les vingt-huit États membres de l’Union européenne. Néanmoins, beaucoup de pays manquent encore d’outils de collecte de données. Dans le cadre d’entretiens, 42 000 femmes issues de l’Union européenne ont donc été interrogées sur leur tragique expérience de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, perpétrées notamment par un ou une partenaire intime.

L’enquête confirme que la violence à l’égard des femmes est une maltraitance à grande échelle : 33 % des sondées ont connu de la maltraitance physique ou sexuelle dès l’âge de quinze ans, 22 % d’entre elles ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint et 67 % admettent ne pas avoir signalé de faits commis par leur conjoint à la police ou à une autre organisation.

Cette convention, qui vise à créer une Europe sans violence à l’égard des femmes et sans violence domestique en appelant à combattre, en premier lieu, toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, rejoint bien les politiques menées par la France. Elle se présente comme un instrument novateur qui établit des normes contraignantes, dans une approche intégrée, en vue de prévenir la violence et de protéger les victimes.

Les trois piliers – prévention, protection, poursuites – ont été évoqués ; je n’y reviendrai donc pas. Je mentionnerai simplement que les États parties devront veiller à ce que la culture, les traditions ou l’« honneur » ne soient pas considérés comme des justifications à ces comportements.

Une fois ces nouveaux délits intégrés dans les droits nationaux, le cadre juridique existera pour poursuivre les auteurs de violence ; cela impliquera également la mise en place des mesures d’enquête et de protection des victimes.

La convention prévoit en outre un mécanisme de suivi permettant de mesurer son efficacité, la mise en place d’observatoires nationaux indépendants ainsi que la collecte systématique des données, qui sont encore trop lacunaires aujourd’hui. La France a déjà mis en œuvre certaines de ces préconisations.

Outre l’adoption de mesures spécifiques, telles que celles prévues dans le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes que nous avons voté au Sénat et qui complète notre droit en introduisant des éléments correspondant à ce que requiert cette convention, tous les ministres se sont impliqués personnellement dans la rédaction d’une feuille de route pour l’égalité femmes-hommes dans leur champ de compétence. Une fois la convention ratifiée, nous devrons maintenir notre exigence et notre vigilance pour renforcer l’accès à l’égalité. De plus, le suivi de la convention d’Istanbul devra prendre en compte l’image complète des mesures et des politiques pour chaque pays. Ce suivi sera assuré par des experts indépendants, qui évalueront, sur la base de visites et de rapports, dans quelle mesure les États parties respectent les normes définies.

Vous le savez, mes chers collègues, cette convention est une étape importante. C’est donc avec beaucoup de conviction que mes collègues du groupe socialiste et moi-même voterons le projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à rendre hommage à notre rapporteur, Joëlle Garriaud-Maylam, non seulement pour le formidable travail qu’elle a accompli sur la convention d’Istanbul qui est soumise aujourd'hui à notre ratification, mais aussi, de façon plus générale, pour les combats qu’elle mène contre les violences faites aux femmes et en faveur des droits des femmes, au niveau tant national qu’international. C’est avec la pugnacité qu’on lui connaît qu’elle continue de s’impliquer, notamment sur des sujets connexes à ce projet de loi tels que la traite des êtres humains, en particulier celle des femmes. Son intervention, en février dernier, à la conférence de la fondation Marmara à Istanbul, témoigne de ses engagements. Qu’elle en soit remerciée !

La ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique constitue une étape importante non seulement pour la progression en Europe des droits des femmes, mais surtout pour la mise en place d’outils permettant leur protection contre toutes formes de violences.

Cette convention a pour vocation, à terme, d’éradiquer les violences contre les femmes au-delà des frontières européennes. En effet, en rendant possible sa ratification par des États non membres de l’Union européenne, la convention se fixe une ambition très large et permet à cette cause d’avoir une vocation universelle.

Pour nous, sur ces travées, cela semble évident, mais l’actualité nous démontre quotidiennement que le chemin sera encore long et difficile.

Le mois dernier, au Nigeria, une centaine de lycéennes ont été kidnappées alors qu’elles s’apprêtaient à passer un diplôme qui leur aurait permis de travailler dans les pays anglophones d’Afrique. J’ai appris ce soir qu’elles étaient vendues pour 10 euros. Elles ont entre douze et quinze ans…

Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait, c’est lamentable !

Mme Christiane Kammermann. À mon sens, cet acte odieux est la preuve d’une double perversité. Des individus organisés et armés n’hésitent pas à s’attaquer à des écolières sans défense, mais, en réalité, l’objectif qu’ils visent est d’empêcher leur émancipation en les privant d’instruction et, donc, d’un avenir dont elles seraient les seules maîtresses. Il semble que cet acte de terreur soit revendiqué par la secte Boko Haram. Au XXIe siècle, nous ne pouvons rester sans rien faire face à des individus qui prônent le mariage de force des jeunes filles et qui les considèrent comme des esclaves.

La situation au Pakistan n’est pas meilleure. Le droit des femmes, en particulier le droit à l’instruction, régresse. Depuis quelques années, le radicalisme religieux progresse et l’on observe que l’accès à l’école devient plus difficile pour les jeunes filles.

Selon l’UNICEF, entre 2007 et 2011, 61 % des jeunes femmes âgées de quinze à vingt-quatre ans étaient alphabétisées. À la même époque, le taux de fréquentation des écoles primaires par les filles était de 62 %. Mais c’est à la fin de l’école primaire que les jeunes filles désertent les écoles. En effet, le taux de scolarisation des jeunes filles dans le secondaire, selon des chiffres mesurés entre 2008 et 2011, est de 29 %.

Les statistiques officielles publiées par le ministère fédéral de l’éducation du Pakistan sont encore plus alarmantes. Selon ce dernier, le taux global d’alphabétisme est de 46 %, tandis que seulement 26 % des filles savent lire et écrire. Selon un rapport de Pakistan Press International, le taux global d’alphabétisme est de 26 % et celui des filles et des femmes de 12 %. Or, nous le savons, la liberté des femmes est indissociable de l’éducation. Cette privation des savoirs est l’une des premières violences qui leur sont faites.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Absolument !

Mme Christiane Kammermann. En Inde, c’est grâce à une mobilisation populaire et médiatique sans précédent que la justice a condamné fermement les auteurs de viols collectifs. Cela témoigne aussi d’un changement sociétal, car peu à peu on observe que les femmes ayant subi ces viols sont de moins en moins considérées comme des parias et qu’elles peuvent être reconnues comme victimes.

Ces situations de part et d’autre du globe ne peuvent que nous encourager à ratifier ce projet de loi.

S’il n’y a pas de doute quant à la position française, il nous semble que notre pays doit aller plus loin, en usant de son influence diplomatique pour que ce texte puisse être ratifié par le plus grand nombre d’États. C’est primordial, car cette convention entrera en vigueur si dix États la ratifient. Or, aujourd’hui, trente-deux États l’ont signée, mais huit seulement l’ont ratifiée.

C’est dans ce cadre qu’il me paraît essentiel de promouvoir le véritable objectif initial de cette convention. Quel est-il ? Il s’agit d’ériger des standards minimaux en matière de prévention, de protection des victimes et de poursuite des auteurs de violences à l’égard des femmes. C’est en cela que cette convention est novatrice. Elle n’est pas une énième déclaration, dont le contenu reposerait sur de simples incantations. Non, cette convention a pour objectif la mise en œuvre d’un instrument juridique contraignant ! Nous pouvons nous en féliciter, mais c’est aussi cela qui pourrait freiner l’ardeur de certains États à la ratifier.

En effet, les États qui auront ratifié cette convention devront procéder à une modification de leur droit national. Sur ce point, la France n’a pas à rougir de sa politique.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Christiane Kammermann. Notre pays a déjà anticipé l’application de la convention et le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, en cours de discussion, précise que l’égalité entre les femmes et les hommes doit intervenir « dans toutes ses dimensions [...] : égalité professionnelle, lutte contre la précarité spécifique des femmes, protection des femmes contre les violences, image des femmes dans les médias, parité en politique et dans les responsabilités sociales et professionnelles ».

Par ailleurs, je tiens à rappeler ici que la France en est à son quatrième plan national de lutte contre les violences faites aux femmes. Le 24 novembre 2004, la France a mis en place un plan global, sur deux ans, de lutte contre les violences faites aux femmes, en particulier les violences exercées dans le cadre conjugal. Depuis lors, tous les gouvernements qui se sont succédé ont poursuivi cette politique.

Articulés autour de mesures phares, ces plans apportent des réponses sociales et économiques, qui visent à assurer une meilleure protection juridique des femmes. Ces plans ont également vocation à moderniser l’action publique grâce au renforcement de partenariats et à une mise en cohérence des politiques. Il est donc des sujets sur lesquels notre pays est en avance sur ses partenaires européens ; il est bon de ne pas l’oublier.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Christiane Kammermann. Ainsi, mes chers collègues, il n’y a pas de doute quant à la position du groupe UMP sur ce texte. Nous le soutiendrons pleinement, et nous nous félicitons que, depuis 2004, les différents gouvernements poursuivent les politiques non seulement contre les violences à l’égard des femmes, mais aussi en faveur d’une égalité qui puisse s’inscrire dans la réalité du quotidien.

En intervenant à ce moment du débat, je souhaiterais éviter les redites, car beaucoup d’autres collègues se sont exprimées avant moi. Je reviendrai donc sur quelques points qui méritent notre attention.

Je tiens à insister sur la stratégie des « trois P », pour « prévention, protection et poursuites », qui répond à une vision et propose un plan d’action très pragmatique. Dans le cadre de la prévention et de la protection, il est important de noter que la convention intègre la notion « de témoin » des violences faites aux femmes. Il s’agit, en premier lieu, des enfants.

Toutefois, je souhaiterais ajouter que les enfants, en dehors du cadre familial, sont de plus en plus exposés à une violence plurielle à l’égard des femmes. Dans la publicité, à la télévision, dans les clips musicaux, dans les dessins animés, les jeux vidéo, l’image de la femme répond à des « diktats » sur lesquels nous devrions également nous interroger. En effet, dans tous ces supports « sociaux », l’image de la femme est bien éloignée des politiques que nous souhaitons mener. Pour ma part, j’estime qu’il nous faut travailler sur ces leviers, peut-être plus que sur les polémiques liées au genre ou relatives aux stéréotypes colportés par les jouets.

Pour conclure, je voudrais en venir aux poursuites contre les auteurs des violences faites aux femmes. Pour être crédible, la France doit être exemplaire. Cela ne sera possible que si nous mettons en place une véritable politique pénale contre ces auteurs.

Nous devons aller au-delà du cadre conjugal : je pense aux agressions contre les femmes, qu’elles soient sexuelles ou non, je pense aux vols avec violence,... Les femmes qui en sont victimes ne peuvent se satisfaire des trop nombreuses peines avec sursis dont écopent leurs agresseurs. Pour que cette convention soit réellement appliquée et qu’elle trouve une réalité dans le quotidien des Françaises, la France doit aussi modifier son droit pénal.

Si le groupe UMP du Sénat se réjouit de ratifier ce texte, il forme aussi le vœu que d’autres pays rejoignent rapidement la France dans cette cause, afin que la lutte contre les violences faites aux femmes devienne une réalité. Enfin, je tiens à rappeler que ce combat doit s’inscrire dans un combat global contre toutes les formes de violences contre l’humanité. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai en vous adressant un clin d’œil. En effet, certaines d’entre vous ont évoqué le fait que la principauté d’Andorre avait ratifié cette convention avant la France. Pour votre information – j’avoue que je ne l’ai moi-même appris que récemment –, sachez que cette ratification a été signée par François Hollande, en sa qualité de coprince d’Andorre. Le Président de la République est en effet amené, en vertu de la Constitution de la principauté, avec l’autre coprince qui se trouve être l’évêque d’Urgell, à manifester la volonté de l’État andorran dans ses engagements internationaux. À défaut d’avoir ratifié cette convention au nom de la France, le Président de la République l’a donc déjà fait pour le compte de la principauté d’Andorre. (Sourires.)

Cela étant, je souscris aux propos des différentes intervenantes à la tribune : comme elles, j’aurais aimé que nous procédions plus vite que nous ne l’avons fait. L’essentiel est que cette étape soit franchie, ce qui permettra à cette convention d’entrer en vigueur au mois d’août prochain.

Le fait de discuter de ce texte ce soir est loin d’être anodin pour moi – je vous prie encore une fois de bien vouloir excuser mon retard, mais j’étais retenue au dîner officiel donné en l’honneur du Premier ministre japonais. En effet, vous l’avez évoqué, madame Kammermann, nous avons reçu aujourd’hui des nouvelles qui sont loin d’être réjouissantes – elles sont même plutôt très préoccupantes – des lycéennes nigérianes enlevées il y a maintenant quelques semaines. La vente des femmes…

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … sous prétexte de mariage forcé – une expression à prendre avec un peu de recul, car il n’y a que de la violence derrière tout cela – fait encore partie de notre monde. C’est pour nous l’occasion de réaffirmer que toutes nos sociétés doivent encore se mobiliser contre les violences faites aux femmes.

Aujourd’hui, 5 mai 2014, la justice militaire congolaise vient de rendre son jugement concernant des soldats accusés de viols de masse – vous avez d’ailleurs rappelé, madame la présidente de la délégation, le travail que vous avez réalisé sur la situation des femmes dans les zones de conflit. Je ne commenterai pas ce jugement dont vous connaissez la teneur : trois des trente-neuf soldats mis en cause ont été reconnus coupables, les autres ont été acquittés. Cette décision nous a donné l’occasion de nous replonger dans les atrocités commises lors de ces journées de novembre 2012, où cent cinquante femmes ont été victimes de viols de masse, véritables crimes contre l’humanité.

Là encore, nous constatons qu’il n’est pas anodin de ratifier un texte comme la convention d’Istanbul. Nous avons la chance d’appartenir à un continent où une institution comme le Conseil de l’Europe a réussi à avancer assez loin, car il s’agit du texte le plus poussé sur le sujet. Je me félicite que nous donnions vie à cette convention en la ratifiant.

Je ne reviendrai pas sur tout ce que vous avez dit, mesdames les sénatrices, si ce n’est pour confirmer la volonté du Gouvernement et répondre à quelques questions.

En ce qui concerne l’évaluation des violences, l’enquête nationale VIRAGE dont je vous parle depuis quelques mois est bel et bien lancée, comme vous le savez. Cette enquête nous permettra de disposer de données fiables et objectives sur la réalité et la diversité des violences faites aux femmes. Elle portera sur un échantillon de 17 500 hommes et 17 500 femmes, ce qui est relativement important. Aussitôt que cette enquête sera achevée, la MIPROF, la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains, rendra ses données publiques, car l’intérêt de cette enquête est aussi de faire comprendre au grand public le caractère massif de ces violences et d’adapter nos politiques publiques.

J’ai également entendu certaines d’entre vous exprimer leur déception à l’égard de la réserve exprimée par la France sur les délais de prescription. Je tiens à préciser que cette réserve était nécessaire pour ne pas prolonger le délai de prescription applicable à l’avortement forcé. En effet, le consentement à l’avortement est très difficile à apprécier longtemps après les faits et prolonger le délai de prescription ne rendrait pas forcément service aux plaignantes. Telle est la raison pour laquelle les choses ont été ainsi clarifiées.

Je retiens également des propos que j’ai entendus l’importance à accorder à la formation des professionnels. Je tiens à rappeler que le Gouvernement y voit un véritable enjeu. Je saisis cette occasion pour vous préciser que nous avons lancé, en novembre dernier, un plan national de formation des personnels médicaux et paramédicaux à la lutte contre les violences faites aux femmes. Avec Gynécologie sans frontières, nous avons obtenu des représentants de chaque spécialité médicale qu’ils signent un manifeste contre les violences faites aux femmes. Enfin, Marisol Touraine et moi-même avons récemment chargé une mission de définir un véritable protocole de prise en charge sanitaire des femmes victimes de violences, car il s’agit effectivement d’une priorité de santé publique. Nous avançons donc dans ce domaine, et je vous remercie de m’avoir permis d’évoquer ces actions.

Je vous remercie également toutes de la qualité du travail effectué. Il est vrai que cette convention est longue, l’une d’entre vous l’a dit. Il faut s’y plonger, mais cela fait du bien, car il s’agit d’un texte précieux. (Applaudissements.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi autorisant la ratification de la convention du conseil de l’europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (ensemble une annexe), signée à Istanbul, le 11 mai 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce sujet me préoccupe au plus haut point depuis de nombreuses années. Il y a quelques semaines encore, nous en débattions dans le cadre du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Il est toujours aussi difficile pour moi d’admettre qu’au XXIe siècle, dans notre société moderne et développée, nous ayons encore à en passer par de tels textes pour combattre les comportements déviants et faire reconnaître la dignité humaine, en l’occurrence celle de la femme, à l’extérieur comme à l’intérieur du foyer. Pourtant, force est de constater, quand on connaît les statistiques, quand on lit les témoignages, quand on rencontre ces femmes, que ces textes sont plus que nécessaires, plus que légitimes. C’est pourquoi il était plus que temps que l’Europe s’engage à son tour, au travers d’un texte contraignant, dans la lutte contre ces violences.

La France a pris en son temps – je peux en témoigner pour y avoir participé – la mesure de l’importance de lutter contre ces violences et contre ce fléau en adaptant sa législation à la gravité de ces actes. Je songe, bien sûr, à la première loi, en 2006, visant à lutter contre les violences au sein du couple, un texte qui m’est cher, vous vous en doutez, à la deuxième loi sur le sujet, en 2010, à celle de 2012 relative au harcèlement sexuel ou encore au projet de loi, que j’ai déjà cité, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Mais voilà, ce problème de violence à l’encontre des femmes n’est pas circonscrit à nos frontières. La violence, les humiliations, les souffrances se développent et s’insinuent partout où l’impunité perdure. Tous les pays et toutes les catégories sociales sont touchés par ce fléau. C’est pourquoi cette convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique était nécessaire et ô combien indispensable.

La ratification qui nous est proposée aujourd’hui répond à l’engagement permanent de la France sur ces problématiques, tant à l’échelle nationale que sur la scène internationale. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir que cette convention reprend de nombreux points de notre législation. C’est la preuve, s’il en fallait, que, dans la lutte contre les violences à l’égard des femmes, nous avons fait ce qu’il fallait, du moins en grande partie, même s’il reste encore à faire.

Jusqu’à cette convention, l’Europe ne s’était pas dotée d’instruments contraignants destinés à lutter efficacement contre les violences faites aux femmes. Voilà qui est réparé avec ce texte, lequel relève d’une stratégie globale consistant à appliquer la méthode des « trois P » : prévention, protection, poursuites. Il s’agit d’ailleurs, je le rappelle volontiers, des trois priorités que nous avions avancées lors des débats sur la loi de 2006. Je ne reviens donc pas sur chacune d’elles, telles que définies dans la convention.

Je conclurai simplement en indiquant que cette convention va dans le bon sens. Évidemment, la France étant en avance sur bien des points, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, ce texte ne changera que peu de choses à notre droit national. Mais je pense aux pays qui n’ont pas pris la mesure de ce fléau et dans lesquels la convention s’appliquera désormais. Je pense aux femmes qui, jour après jour, ont à souffrir des violences qui leur sont infligées. Je pense à ces femmes qui, demain, ne se sentiront plus isolées et qui auront désormais les moyens de se battre contre ce mal qui bafoue leur dignité et engendre souffrances et malheurs.

Bien évidemment, je voterai le présent article, pour qu’en France et au-delà de nos frontières, et pour reprendre vos propos, madame la ministre, « intimité » ne rime pas avec « impunité ». (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission.

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique
 

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 mai 2014 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales

(Le texte des questions figure en annexe)

À quatorze heures trente et le soir :

2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale (n° 397, 2013-2014) ;

Rapport de Mme Anne Emery-Dumas, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 487, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 488, 2013-2014).

3. Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (n° 396, 2013-2014) ;

Rapport de M. Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 458, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 459, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART