M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous accordons tous pour dire que les stages en entreprise sont un vecteur important de professionnalisation et constituent un lien entre le système éducatif et l’entreprise.
L’enjeu est donc de permettre aux jeunes de se former tout en répondant aux besoins des entreprises. Ne pas dissuader les entreprises de prendre des stagiaires tout en protégeant mieux ces derniers doit être notre objectif.
Aujourd’hui, le nombre de stages en milieu professionnel s’élève à environ 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006, comme l’a dit M. le rapporteur. Le nombre de stagiaires a presque triplé en dix ans. Les stages abusifs sont estimés à 100 000 par an, soit 8 % du nombre total. Gardons à l’esprit le fait que 92 % des stages se déroulent dans de bonnes conditions. Il nous revient par conséquent de limiter les pratiques abusives sans accroître les contraintes pesant sur les entreprises.
Un certain nombre de dispositions visant à encadrer les stages ont déjà été adoptées, notamment sur l’initiative des centristes.
Ainsi, avec la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, a instauré le principe du versement obligatoire d’une gratification pour tous les stages en entreprise d’une durée supérieure à deux mois consécutifs.
De plus, des règles ont été établies afin d’éviter les comportements abusifs de certaines entreprises. On peut citer, notamment, l’interdiction des stages hors cursus, la création d’un délai de carence entre deux stages, la possibilité de déduire la durée du stage de la période d’essai en cas d’embauche.
Enfin, la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a également permis que les stages en entreprise de plus de deux mois puissent, le cas échéant, être retenus à hauteur de deux trimestres dans le calcul des droits à la retraite.
La proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui vise à aller plus loin. Au-delà du fait que les entreprises nous réclament à cor et à cri une stabilité des règles applicables, le présent texte risque de passer à côté de l’objectif affiché. Instaurer de nouvelles contraintes à l’égard des entreprises se retournera contre les stagiaires qui, demain, risquent d’avoir du mal à trouver des entreprises acceptant de les accueillir. Nous tous, mes chers collègues, recevons des dizaines de demandes de stages et connaissons les difficultés rencontrées par les jeunes en la matière et leur angoisse.
Ainsi, mettre en place un taux maximal de stagiaires par entreprise est une fausse bonne idée. Cette mesure, en limitant la possibilité de recourir à des stagiaires, aurait des conséquences négatives, en particulier dans les petites entreprises. Or, chacun le sait, le tissu économique de notre pays est principalement constitué de petites entreprises. On peut donc légitimement s’inquiéter. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les entreprises de moins de dix salariés ne soient pas concernées par ce plafond.
De même, la suppression de toute dérogation à la durée maximale de six mois de stage causera des dommages collatéraux. La rédaction actuelle de la proposition de loi interdit de ce fait la possibilité de prendre une année de césure ou d’effectuer un stage de longue durée à l’étranger, cela vient d’être dit. Cela me semble être un non-sens, car ces options facilitent l’insertion des jeunes au moment de la recherche d’emploi. De plus, certaines formations exigent, en particulier dans le secteur agricole – n’est-ce pas, madame Férat ? – des stages d’une durée supérieure à six mois.
Par ailleurs, l’extension aux stagiaires de certains droits salariaux en matière, par exemple, de durée du travail ou de congés familiaux constitue pour les stagiaires, qui doivent rester avant tout des élèves en formation, un glissement vers le statut de salarié. Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, cette mesure risque de constituer un signal très négatif pour les entreprises, amenant certaines d’entre elles à renoncer à prendre des stagiaires, dont la productivité n’est naturellement pas la même que celle d’un salarié.
De plus, le fait de confier le contrôle de la situation des stagiaires aux inspecteurs du travail plutôt qu’aux autorités académiques participe de ce glissement du statut de stagiaire vers celui de salarié. Toute assimilation du stage à un contrat de travail vient à l’encontre du principe même du stage, dont l’objet est de contribuer à la formation des jeunes.
C’est pourquoi, si nous devons encourager les entreprises à accueillir davantage de stagiaires, nous devons également éviter les abus.
La prévention de ces excès repose en grande partie sur la responsabilité conjointe de l’ensemble des signataires de la convention de formation, particulièrement de l’établissement d’enseignement, émetteur de la convention.
Or, avec le présent texte, vous vous contentez d’augmenter les obligations des employeurs, ce qui, vous en conviendrez, est assez incohérent par rapport au choc de simplification que vous prétendez vouloir mettre en œuvre. Un stagiaire devra désormais avoir non seulement un tuteur, mais aussi un référent, bénéficier d’un volume pédagogique minimal, et être inscrit au registre unique du personnel : autant de contraintes supplémentaires et de rigidité, assorties de pénalités qui risquent de dissuader les entreprises et les collectivités de prendre des stagiaires. Je pense, entre autres, aux start-up, grandes utilisatrices de stagiaires.
Pour notre part, nous proposons davantage de souplesse. Nous suggérons, par exemple, que la détermination des horaires de présence des stagiaires relève de la convention de stage. Le stagiaire qui s’absenterait quelques jours pour passer des examens, des entretiens, ou encore pour assister à des cours, en conviendrait avec son tuteur et ne serait pas pénalisé.
Si l’objet de ce texte est véritablement d’empêcher les abus liés aux stages, pourquoi ne pas inscrire clairement dans la loi l’interdiction des stages postérieurs à la formation, effectués à l’issue d’un cursus universitaire ?
Les jeunes qui auront la chance de décrocher un stage seront bien protégés, mais ils seront, hélas !, de moins en moins nombreux, au moment où justement il faudrait développer les stages, puisque la qualification et l’employabilité des jeunes passent par des contacts avec la pratique professionnelle. De surcroît, les stages sont indispensables pour valider nombre de diplômes professionnalisant – ce n’est pas Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche qui me contredira. Certains jeunes risquent ainsi d’être privés de diplômes, faute de trouver un stage.
En résumé, avec ce texte, qui donnera, il est vrai, plus de droits au stagiaire, le risque est grand de voir se réduire drastiquement le vivier des offres de stages – je ne partage pas l’optimisme de M. le rapporteur –, car les employeurs seront de toute évidence effrayés par ces mesures dissuasives et inutilement coercitives.
Si je voulais résumer d’une phrase mon propos, je dirai, comme Catherine Procaccia : « le mieux est souvent l’ennemi du bien ». Nous ne devons plus nous contenter de bonnes intentions, de ce qui semble superficiellement aller dans le bon sens. Nous devons au contraire entrer, selon la volonté gouvernementale – c’est en tout cas ainsi que je l’ai comprise –, dans l’ère de l’efficacité. C’est ce à quoi les membres de mon groupe aspirent. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, eu égard à l’explosion du nombre de stagiaires en France, estimé – cela a été dit – à 1,6 million par an, les membres du groupe communiste républicain et citoyen partagent avec M. le rapporteur, comme avec l’auteur de la présente proposition de loi, la conviction qu’il est nécessaire que la loi apporte une réponse globale et mette en place un cadre juridique stable des stages pour garantir aux stagiaires des droits qui, souvent, leur font défaut.
Trop d’abus ont été et sont encore commis, au seul prétexte que les stages en entreprise sont devenus des passages obligés dans certains cursus universitaires rendant les étudiants captifs.
Bien entendu, il serait exagéré d’affirmer que tous les stages en entreprise donnent lieu à des abus. Pour autant, les témoignages des associations et syndicats étudiants, l’UNEF ou le collectif Génération précaire notamment, sont de plus en plus négatifs : soit les droits élémentaires des stagiaires sont méconnus, soit le stage sert en réalité aux employeurs de voie de contournement aux règles du travail, à tel point que le ou les stagiaires qui se succèdent occupent des postes correspondant à un emploi permanent.
Il était donc nécessaire de légiférer, notamment pour préciser l’objectif du stage – tel est le sens de l’article 1er.
À ce titre, nous nous réjouissons que, pour la première fois, les missions de l’établissement d’enseignement envers le stagiaire soient clairement énoncées et que la vocation pédagogique du stage soit réaffirmée.
De la même manière, comment ne pas nous féliciter que toute discrimination ou tout harcèlement d’un stagiaire tombe sous le coup de la loi, comme ceux qui sont commis à l’égard de tout salarié ?
Ainsi, les stagiaires verront leurs droits consolidés dans les établissements d’accueil. Je pense, par exemple, à l’extension à leur profit du droit à un congé de maternité ou de l’application des règles relatives au temps et à la durée de travail.
M. le rapporteur a par ailleurs renforcé le dispositif en prévoyant de limiter la durée hebdomadaire de travail à 35 heures ou en insérant dans le code du travail une section relative à une demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage devant les conseils de prud’hommes.
Les amendements que vous avez présentés lors des travaux de la commission, monsieur le rapporteur, s’inscrivent dans la continuité de la proposition de loi que vous aviez déposée en 2006, et cela vous honore.
Toutefois, et vous ne le contesterez sans doute pas, la rédaction, même améliorée, de l’article susvisé et, de manière plus générale, de cette proposition de loi demeure moins ambitieuse que ce que vous aviez vous-même proposé, ce que nous regrettons.
Je ne prendrai que quelques exemples pour étayer mon propos. Le présent texte réaffirme la portée pédagogique du stage, mais renvoie au décret la fixation du nombre de stagiaires qu’un même tuteur peut encadrer.
De même, il prévoit de réduire les cas de recours abusifs au stage, mais ne précise pas clairement le nombre de stagiaires qu’un organisme peut accueillir, alors que, en 2006, vous proposiez qu’il n’excède pas 15 % de l’effectif total.
Si la proposition de loi précise à raison que l’enseignement, qui sert en quelque sorte de support au stage, doit avoir une durée minimale, elle reste silencieuse sur cette durée. En outre, elle ne supprime pas le recours à des diplômes universitaires de complaisance. Or l’inscription à ces diplômes, qui n’ont pas de portée nationale, constitue la première faille permettant les abus. Je regrette d’ailleurs que ce texte n’indique pas que la durée d’enseignement devrait être systématiquement supérieure à la durée du stage.
En outre, et cela nous paraît être l’insuffisance la plus importante, le montant minimal de la gratification demeure identique à celui d’aujourd'hui et son versement ne sera dû que pour les stages dont la durée excède deux mois comme actuellement.
Or la proposition de loi sénatoriale que vous aviez présentée en 2006, mon cher collègue, rejetée par la droite, était plus ambitieuse. Le changement de majorité politique à l’Assemblée nationale et au Sénat rend pourtant possible l’adoption de la mesure que vous aviez alors proposée. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement allant dans ce sens.
Je voudrais d’ailleurs, sur un sujet connexe, faire part de notre étonnement et de notre mécontentement. Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi prévoit que les stagiaires ne bénéficiant d’aucune gratification n’auront droit ni aux titres-restaurant, ni à la restauration scolaire, ni à la prise en charge des frais de transport. En définitive, les plus précaires des plus précaires sont ceux qui ont le moins de droits !
Autre point que je tiens à mettre en exergue, à l’Assemblée nationale, nos collègues du groupe Gauche démocrate et républicaine sont parvenus à faire adopter un amendement pertinent, tendant à accélérer la procédure de requalification d’une convention de stage en contrat de travail. Pour autant, il nous paraît opportun de préciser dans la loi le cadre complet dans lequel cette demande de requalification peut être formulée. La situation est en effet quelque peu étonnante, la proposition de loi indiquant les conditions dans lesquelles la demande peut être portée devant les juges prud’homaux, mais non les cas dans lesquels les stagiaires peuvent la présenter.
Si les amendements que nous avons déposés sur ce point n’étaient pas adoptés, le fondement de cette saisine demeurerait jurisprudentiel et, par voie de conséquence, soumis à une forme d’aléa, alors même qu’il existait auparavant, dans le code du travail, un article R. 136-32 précisant les cas dans lesquels cette demande de requalification était possible.
Positive dans l’esprit, constituant sans doute un premier pas dans la voie du renforcement de leurs droits, cette proposition de loi n’apporte pas pour autant toutes les protections attendues par les stagiaires de notre pays, comme en témoignent, je l’ai déjà souligné, les divers courriers et interpellations que nous avons reçus de la part d’étudiants, d’organisations syndicales ou de collectifs.
C’est pourquoi, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons pleinement vous suivre lorsque vous affirmez qu’elle est la concrétisation de l’engagement 39 du candidat François Hollande qui prévoyait un encadrement des stages afin d’empêcher les abus.
Cette concrétisation est effectivement partielle, alors que votre propre proposition de loi aurait, mon cher collègue, permis une réalisation complète, et elle l’est d’autant plus que le même engagement 39 prévoyait la création d’une allocation d’autonomie pour les jeunes. Or celle-ci se fait encore attendre…
Par conséquent, les membres du groupe CRC, comme à leur habitude, soutiendront les mesures positives, seront critiques à l’égard des faiblesses du présent texte et se voudront également force de proposition pour combler ses insuffisances, comme l’attestent les amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’heure où le chômage des jeunes à caractère structurel est très élevé, les stages occupent une place de plus en plus importante dans le cheminement de ces jeunes vers l’insertion professionnelle.
La volonté légitime d’améliorer le sort des stagiaires a conduit au développement d’une réglementation foisonnante, environ une dizaine de textes ayant été adoptés depuis 2006. La présente proposition de loi tend de nouveau à modifier un cadre juridique pourtant déjà très complet.
S’il convient de saluer la codification et la simplification du droit, il est à craindre que certaines des mesures proposées ne se heurtent à la problématique de l’offre de stages, surtout étant donné la situation économique actuelle de notre pays.
La demande de stages de la part des étudiants s’accroît. Le nombre des stagiaires a triplé – je n’insisterai pas sur ce point qui a déjà été souligné –, et les formations intègrent de plus en plus de stages. La multiplication du nombre de critères exigés dans les annonces prouve la concurrence qui peut exister en la matière : niveau élevé d’études, suivi de plusieurs cursus dans des domaines différents, pratique courante de plusieurs langues, expériences antérieures... On demande désormais au stagiaire des qualifications identiques à celles que l’on attend d’un salarié !
Certes, les abus demeurent et il convient de les sanctionner sous peine de précariser certains jeunes. Mais faut-il pour autant aller plus loin, à un moment où la situation économique de notre pays est délicate ?
Tout d’abord, comme plusieurs orateurs l’ont souligné s’agissant de la transposition du cadre législatif relatif aux stages aux périodes de formation en milieu professionnel réalisées avant le baccalauréat, nous savons que les élèves rencontrent plus de difficultés que leurs aînés de l’enseignement supérieur lors de la recherche d’un stage, alors que celui-ci constitue une condition nécessaire à l’obtention du diplôme.
La durée, le délai de carence entre deux stages, la gratification, l’encadrement, les congés, le quota maximal de stagiaires ne sont donc pas adaptés à ces formations. La durée maximale ne se justifie pas pour les stages effectués en alternance scolaire, qui implique un déroulement simultané du stage et des enseignements, et l’extension de l’obligation de gratification est insoutenable pour les petites structures, sachant, en outre, que les jeunes sont inexpérimentés. Ces mesures auront donc pour conséquence le tarissement de l’offre de stages dans certains secteurs, notamment l’artisanat et, surtout, l’agriculture.
Les stages accomplis dans le cadre de l’enseignement supérieur n’échappent pas à ces effets négatifs.
La question de la durée pose de réels problèmes dans certaines filières où la pratique est essentielle. Qu’en est-il des 500 heures de stage nécessaires à l’obtention du titre de psychologue ? Qu’en est-il des deux années de stage requises pour devenir commissaire-priseur ? La législation en vigueur demeure plus pertinente puisque les dérogations peuvent être encadrées par décret. Il suffisait de publier ce décret, au lieu de mettre fin aux dérogations sans autoriser aucune flexibilité et sans avoir discuté au préalable avec les filières de formation concernées et obtenu leur accord.
En outre, s’il est prévu que le quota maximal de stagiaires par organisme d’accueil soit fixé par décret, je m’interroge, comme les orateurs précédents, sur les modalités de sa détermination. À l’évidence, on ne peut appliquer aveuglément un pourcentage identique à tous les organismes d’accueil. Quel niveau fixer ? À supposer qu’il s’établisse à 10 % des effectifs, seul un stagiaire pourrait être accueilli dans une structure de dix salariés, et aucun en dessous de ce seuil !
À l’heure du choc de simplification et du pacte de responsabilité, cette proposition de loi crée un climat de méfiance et de présomption de culpabilité à l’égard des entreprises, qui, pourtant, ne commettent pas toutes des abus. Je pense notamment au rôle, encore renforcé, de l’inspecteur du travail.
Par ailleurs, certains stages s’assimilant parfois à un emploi peuvent être appréciés des étudiants car ils leur permettent d’acquérir une expérience professionnelle intéressante qu’ils pourront valoriser par la suite. De tels stages, formateurs et souvent gratifiés, peuvent éventuellement ouvrir la voie à une embauche. Il faut le rappeler, un stage sur cinq aboutit à la signature d’un contrat de travail.
Plutôt que de pénaliser injustement l’ensemble des entreprises, ne convient-il pas d’appliquer le droit existant ? Les étudiants peuvent actuellement évaluer la qualité de l’accueil dont ils ont bénéficié, ce qui permet à l’établissement d’enseignement de vérifier que les droits des stagiaires sont respectés. Les données lacunaires relatives aux abus dont nous disposons pourraient être enrichies. Les étudiants disposent également de la possibilité de demander une requalification de leur stage en contrat de travail.
Mes chers collègues, nous partageons tous la même volonté de mettre fin aux abus dont peuvent être victimes les stagiaires et de lutter contre le chômage des jeunes. Toutefois, les nouvelles contraintes qui seraient créées à la suite de l’adoption de cette proposition de loi, à l’efficacité douteuse pour atteindre la finalité recherchée, pourraient compromettre le développement d’offres de stages et entretenir ainsi une inégalité d’accès au stage.
Certains de mes collègues et moi-même avons donc déposé des amendements ayant pour objet de mieux adapter ce texte aux réalités quotidiennes. Nous espérons être entendus ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de développer, d’encadrer et d’améliorer le statut des stagiaires. Ce triple objectif est louable pour mieux réguler une période de formation indispensable aux étudiants et faire en sorte qu’elle reste un temps d’apprentissage, sans se muer en emploi déguisé.
Il convient de lutter avec fermeté aussi bien contre les entreprises ayant tendance à considérer les stagiaires comme des employés bon marché que contre les instituts de formation délivrant trop légèrement des conventions de stage. Je pense aussi à tous ces blogs, sur lesquels, madame la secrétaire d’État, il serait intéressant de jeter un coup d’œil : on y recherche de manière urgente des stagiaires, mais les annonces sont rédigées de telle sorte – tout est défini, des qualités recherchées aux tâches à effectuer – qu’elles apparaissent rapidement comme de véritables propositions d’emploi.
Le Centre d’études et de recherches sur les qualifications estime que plus de 100 000 stagiaires, sur les 1,6 à 2 millions que compte notre pays, seraient en fait des salariés déguisés, soit une proportion d’au moins 6,25 %.
Il me semble que nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle pour considérer le stage comme un élément de la formation, et non comme un premier emploi. Nous partageons tous cette analyse : le stage fait partie du cursus pédagogique et n’est en aucun cas un emploi. Comme il peut coûter cher, une indemnisation est prévue pour compenser les frais de déplacement, de représentation, etc. Mais il s’agit bien d’une indemnisation, et non d’un salaire.
Évidemment, la frontière entre les deux notions est étroite. En fin de formation, les stages deviennent beaucoup plus intéressants. Fort de son potentiel, de sa créativité, de sa jeunesse, le stagiaire a envie de s’investir. Il se réalise. Dès lors, il a tendance à préférer qu’on lui confie un poste ressemblant à son futur travail plutôt que de rester derrière les autres à les regarder travailler.
Cela étant, la présente proposition de loi comprend une série de mesures équilibrées.
L’article 1er met fin aux dérogations à la durée maximale de six mois pour un stage, afin de ne plus faire face à ces situations insupportables dans lesquelles des étudiants restent neuf mois ou un an en stage, avec une indemnisation mensuelle dépassant à peine 400 euros. Or, dans ces cas de figure, le stage ressemble tout de même beaucoup à un emploi !
En matière de rémunération, nous proposerons que les stages donnent lieu à une rétribution dès lors que leur durée est d’un mois, au lieu de deux actuellement.
Pour renforcer l’objectif pédagogique du stage, il est envisagé d’instaurer un volume minimal de formation en établissement avant la délivrance d’une convention. Cette mesure est accompagnée d’une obligation d’encadrement de l’étudiant aussi bien universitaire, via l’enseignant référent, que professionnel, via le tuteur de stage, un nombre maximal d’étudiants par tuteur et par enseignant étant prévu.
La proposition de loi renvoie à un décret la délimitation des seuils correspondants. Mais nous considérons que ceux-ci doivent être débattus dès maintenant. C’est pourquoi nous vous proposerons, mes chers collègues, que le volume minimal de formation soit fixé à 200 heures et qu’un enseignant ne puisse suivre plus de vingt-cinq stagiaires.
Pour ce qui concerne la protection des stagiaires, le texte définit des durées de travail maximales, reconnaît des droits aux congés, aux titres-restaurant, aux frais de transport, et renforce le rôle de l’inspection du travail pour contrôler les abus. Ces mesures sont salutaires et présentent un intérêt certain en vue de mieux protéger les stagiaires. Mais, cela a été souligné, ces dispositions soulèvent de nouveau la question, de toute évidence délicate, de la frontière entre formation et salariat.
Limitation de la durée de stage, renforcement du caractère pédagogique, amélioration de la protection du statut des stagiaires : ce sont des mesures équilibrées que cette proposition de loi comporte. C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous annonce que les membres du groupe écologiste se prononceront en faveur de ce texte.
Néanmoins, je n’achèverai pas mon intervention ici, tenant à apporter deux brefs commentaires annexes.
D’une part, puisqu’il est question de gratification, je rappelle que le groupe écologiste est favorable à une allocation universelle pour les étudiants. La pauvreté est grande parmi la jeunesse et chacun doit avoir les moyens de suivre une formation.
D’autre part, si l’adoption de cette proposition de loi permettra de bien encadrer les stages et d’améliorer le statut des stagiaires, l’accès au premier emploi n’en demeure pas moins le problème principal. Voilà la vraie question ! Si les jeunes acceptent les conditions imposées, s’ils veulent effectuer des stages, c’est guidés par l’espoir que, en se confrontant, stage après stage, à l’entreprise, leur talent et leur potentiel seront reconnus. Alors, ils se sentiront utiles.
Ainsi, nous voterons cette proposition de loi, mais nous considérons nécessaire qu’un effort soit réalisé par tous pour permettre aux jeunes de trouver un premier emploi et de mettre leur créativité, leur dynamisme, leur fougue au service des entreprises et de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, en raison de la modification de l’ordre du jour initialement prévu ce soir, je vais devoir interrompre la discussion de la présente proposition de loi.
Organisation de la discussion
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 59 rectifié bis de notre collègue Charles Revet qui tend à une nouvelle rédaction de l’article 1er de la présente proposition de loi doit faire l’objet d’une discussion commune avec plus de cent autres amendements, ce qui n’apportera guère de clarté à nos débats.
C’est pourquoi, monsieur le président, en application de l’article 49, alinéa 2, du règlement, la commission souhaite qu’il soit disjoint des autres amendements et examiné séparément.
M. le président. Je consulte le Sénat sur cette demande.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.