M. Philippe Bas. Ces deux amendements ont pour objet d’étendre le bénéfice de la prestation partagée d’éducation de l’enfant longue, d’une part, aux personnes qui travaillent à temps partiel, d’autre part, aux conjoints de militaires, enfin, aux parents qui ont bénéficié de naissances multiples.
Dans le cas d’un salarié travaillant à temps partiel, la prestation partagée d’éducation de l’enfant courte ne se justifie plus, puisque l’emploi est maintenu. Je rappelle que ce qui a motivé la création de cette prestation courte, c’est la volonté de ne pas éloigner trop longtemps la mère – ou le père, si c’est lui qui prend le congé – du marché du travail. Par conséquent, nous souhaitons que le salarié à temps partiel qui, par conséquent, continue d’occuper son emploi puisse bénéficier du congé long.
De la même façon – c’est l’objet de l’amendement n° 6 rectifié bis –, quand le conjoint, homme ou femme, part pour une mission à bord d’un sous-marin ou en opérations extérieures, il est extrêmement difficile, voire impossible, pour les deux parents de prendre leur congé. Ce sont les exigences de la défense nationale. Par conséquent, il ne faudrait pas priver le parent qui a la garde des enfants d’un congé long.
Enfin, cette même difficulté survient dans le cas de naissances multiples. Dans ce cas également, nous demandons que le congé long soit accessible.
M. Charles Revet. C’est le bon sens !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. L’examen au fond de cet article a été délégué à la commission des affaires sociales. S’agissant de l’amendement n° 9 rectifié ter, la commission a suivi l’avis de Mme Meunier et a émis un avis défavorable.
M. Philippe Bas. C’est navrant !
Mme Colette Mélot. Vraiment navrant !
M. Charles Revet. Oui !
Mme Virginie Klès, rapporteur. C’est possible, mais c’est ainsi !
S’agissant de l’amendement n° 6 rectifié bis, vous trouverez notre avis sans doute moins navrant puisque la commission n’a pas suivi Mme Meunier et a émis un avis favorable.
Bien qu’il n’y ait pas foule dans cet hémicycle (Sourires.), je me permettrai de donner mon avis personnel sur ce second amendement. Les militaires ne sont pas complètement à part et ne forment pas un milieu complètement à part. Leurs obligations professionnelles, notamment en matière géographique, ne leur sont pas spécifiques. C’est pourquoi, à titre personnel, j’étais défavorable à votre amendement, monsieur Bas, parce que je le trouve trop restrictif. Il aurait fallu qu’il fût de portée beaucoup plus générale pour que j’y sois favorable.
M. Philippe Bas. C’est antisocial !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales émet un avis défavorable sur l’amendement n° 9 rectifié ter.
M. Philippe Bas. Je le répète, c’est antisocial !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. L’objectif premier de cette réforme est de permettre un meilleur partage des responsabilités parentales au sein du couple, et ce quelle que soit la situation de ses membres par rapport à l’emploi – temps partiel ou temps plein.
J’insiste ensuite sur le fait qu’aujourd’hui 82 % des salariés à temps partiel sont des femmes et que, pour une grande partie d’entre elles, ce temps partiel n’est pas choisi. Ces femmes sont donc tout particulièrement concernées par l’incitation au partage de la prestation partagée d’éducation de l’enfant.
S’agissant de l’amendement n° 6 rectifié bis, la commission des affaires sociales, à la différence de la commission des lois, a émis un avis défavorable, et ce pour deux raisons.
Premièrement, s’il est vrai que, pour les militaires, le partage de la prestation entre les conjoints pourra se révéler difficile, le même raisonnement vaut pour bien d’autres professions…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Philippe Bas. Lesquelles ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. … qui rendent difficile l’organisation de la vie familiale : les policiers, les membres du corps préfectoral, les urgentistes, etc. Là, l’intérêt même du partage du congé perd vraiment de sa substance.
Deuxièmement, monsieur Bas, vous avez omis de développer dans votre amendement un autre aspect au sujet des parents de jumeaux et de multiples. Même si je reconnais que l’arrivée simultanée d’enfants dans un foyer peut provoquer un vrai bouleversement dans la vie de famille, il n’y a aucune raison d’exclure les couples concernés de l’incitation au partage des responsabilités parentales.
M. Philippe Bas. Le Gouvernement a son avis sur cette question !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour ne pas répéter ce que vient de dire Mme Meunier, je ne reviendrai pas sur son argumentation, à laquelle je souscris.
Dans le cas du temps partiel, on ne peut pas exclure – et c’est même notre objectif – que, si l’autre parent partage le poids des responsabilités parentales, celui – en général celle – qui travaille à temps partiel pourra retrouver un temps complet. C’est aussi ce qu’on lui souhaite, car, comme le disait Mme Meunier, souvent le temps partiel est subi. C’est un cercle négatif qu’il faut bien briser à un moment donné.
Dans la mesure où cette réforme du congé parental a vocation à la fois à permettre que les responsabilités entre père et mère soient mieux partagées et à réduire l’éloignement du marché du travail pour les femmes, on ne peut pas se contenter de conforter une inégalité de fait de notre société que nous avons tous relevée, à savoir que ce sont les femmes qui, dans l’immense majorité des cas, occupent les emplois à temps partiel, sans qu’elles l’aient choisi, à de rares exceptions près.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 9 rectifié ter.
Il émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 6 rectifié bis, relatif aux militaires, que vous voudriez exclure du dispositif de partage du congé parental.
D’une part, les militaires peuvent bénéficier d’un congé parental d’éducation, au sens du droit du travail, dans les mêmes termes que les salariés de droit commun. D’autre part, avec cette réforme, nous voulons précisément changer les pratiques, changer les comportements. Si nous commençons à introduire des exceptions, nous risquons de ne pas atteindre notre but.
S’agissant des multiples, j’insisterai simplement sur un aspect : les parents de ces enfants bénéficient d’ores et déjà d’un congé parental – ce qu’on appelle désormais la PreParE – d’une durée double de celle dont bénéficient les autres familles. Maintenir cette durée de congé plus longue a été un choix de notre part. Ainsi le CLCA leur est versé jusqu’au sixième anniversaire de leurs enfants. Nous n’avons pas souhaité raccourcir cette durée parce que nous sommes conscients des contraintes particulières qui peuvent se présenter. En même temps, il est important d’inciter les parents de multiples, comme les autres, à partager ce congé.
Pour résumer, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :
Alinéa 65
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas de naissances multiples, le congé parental d'éducation peut être prolongé jusqu'à l'entrée à l'école maternelle des enfants. Pour les naissances multiples d'au moins trois enfants ou d'arrivées simultanées d'au moins trois enfants adoptés ou confiés en vue d'adoption, il peut être prolongé cinq fois pour prendre fin au plus tard au sixième anniversaire des enfants.
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Au risque de répéter peu ou prou ce que j’ai dit lors de la discussion générale, le présent amendement vise à répondre à une préoccupation majeure des parents de jumeaux, triplés et plus – il y en a encore.
Comme je l’ai indiqué, on sait que, la plupart du temps, c’est la mère qui prend seule le congé parental, et elle continuera encore assez longtemps à le prendre seule. La mère retournera donc travailler lorsque les enfants auront deux ans et demi. Il est déjà difficile actuellement pour les parents d’un seul enfant de trouver un mode de garde si l’école ne prend les enfants qu’à la rentrée scolaire suivant les trois ans. Cela devient « mission impossible » pour les parents de multiples, et d’autant plus compliqué si les enfants n’ont que deux ans et demi au moment de la reprise du travail de leur mère.
Mon amendement vise à compléter les dispositions adoptées par nos collègues députés en prolongeant, dans le cadre de naissances multiples, le congé parental d’éducation jusqu’à la rentrée à l’école maternelle des enfants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission a suivi l’avis de la commission des affaires sociales, saisie au fond de l’article 2, et a émis un avis favorable.
Quiconque connaît de jeunes parents ayant vécu l’événement doublement ou triplement heureux que constitue une naissance multiple sait que les difficultés s’accroissent par la suite de façon parfois exponentielle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis favorable.
Madame la sénatrice, votre amendement a en outre pour vertu de mettre en cohérence la durée du congé avec l’allongement de la prestation voté par l’Assemblée nationale.
Vous avez raison, et nous vous suivons !
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis A
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Meunier et Tasca, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article L. 1225-4 du code du travail, il est inséré un article L. 1225-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1225-4-…. - Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant.
« Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à rétablir cet article, supprimé par la commission des lois, afin d’accorder aux pères une protection contre le licenciement d’une durée de quatre semaines à la suite de la naissance de leur enfant.
L’objet de ce projet de loi est bien de favoriser un partage plus équilibré des responsabilités parentales, et ce dès la naissance. Un homme ne doit pas pouvoir être sanctionné parce qu’il vient d’être père.
Les députés ont donc souhaité que les pères n’aient pas de crainte à avoir pour leur emploi dans ces circonstances. Je partage leur point de vue. Cette disposition se distingue, par ailleurs, du congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze jours dont les pères peuvent bénéficier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Dans un premier temps, la commission avait effectivement émis un avis défavorable sur cette disposition, mais c’était par inadvertance. En effet, nous avions complètement oublié lors de la discussion – un peu rapide, il est vrai – que les pères ont droit à un congé de paternité pouvant éventuellement devenir un motif de licenciement, même inavoué.
La commission est donc sagement revenue sur son premier mouvement et a, lors d’un second essai, émis un avis favorable sur un amendement qui tend à protéger les pères souhaitant bénéficier de leur congé de paternité librement et en toute quiétude.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je suis très heureuse de vous entendre, madame la rapporteur, puisqu’il s’agit, par cet amendement, de revenir à la rédaction initiale que nous avions proposée.
Il est essentiel, d’une part, de protéger les jeunes pères autant que les jeunes mères, et, d’autre part, d’envoyer un message aux employeurs : les pères sont censés s’impliquer tout autant que les mères dans les responsabilités parentales à la naissance de leur enfant. Cet amendement, s’il était adopté, permettrait de retrouver cette protection.
Par conséquent, le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je me félicite aussi de l’évolution du débat, car cette disposition correspond à l’une des recommandations qu’avait formulées la délégation au droit des femmes dans son rapport intitulé Femmes et Travail. Il s’agissait d’encadrer juridiquement l’arrivée de l’enfant pour le père, comme cela existe pour la femme enceinte : interdiction de licencier, prise en charge d’un certain nombre d’absences pendant la maternité.
Un tel dispositif participe du travail entrepris pour instaurer un nouvel équilibre entre les femmes et les hommes dans l’articulation des temps de vie.
Je voudrais d’ailleurs vous rappeler que cette idée nous avait été proposée par le président de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, l’ORSE, Jérôme Ballarin, qui avait indiqué : « L’arrivée de l’enfant est un bouleversement tant pour le père que pour la mère : physiquement comme émotionnellement, l’homme peut traverser une période de trouble qui peut avoir des répercussions sur son emploi ».
Un meilleur partage de la parentalité, qui émerge dans certaines entreprises, comme le souligne l’ORSE, doit se traduire par une révolution culturelle des organisations. Cet article, dont nous souhaitons le rétablissement, est un premier pas en ce sens, et je m’en félicite.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 2 bis A est rétabli dans cette rédaction.
Article additionnel après l'article 2 bis A
Mme la présidente. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Meunier, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1235-3 du code du travail, il est inséré un article L. 1235-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-3-… – Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1132-1, L. 1153-1 et L. 1225-5, et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement a pour objet d’étendre aux licenciements jugés discriminatoires liés à des faits de harcèlement sexuel ou à la maternité, une procédure jusqu’ici réservée aux licenciements économiques collectifs prononcés en méconnaissance de l’obligation d’obtenir leur homologation ou leur validation par les services de l’État.
Dans ces cas, le juge peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou octroyer au salarié une indemnité équivalente à au moins douze mois de salaire. Les salariés victimes de discriminations, tout particulièrement les femmes, ne bénéficient pas de règles si protectrices, notamment en ce qui concerne le montant de l’indemnité qu’ils sont susceptibles de percevoir.
Il est donc parfaitement opportun, dans le cadre de ce projet de loi, de corriger cette situation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission des lois a suivi Mme Meunier et émis un avis favorable sur son amendement.
Mme Annie David. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’irai plus loin. Non seulement le Gouvernement est favorable à cet amendement, mais il estime que c’est un excellent exemple de coproduction législative réussie.
En effet, au-delà de la protection concrète que cela assurera aux salariées en question, l’adoption de ces mesures contribuera à envoyer un message de fermeté en matière de lutte contre le harcèlement et de protection des intérêts de la femme enceinte. Or, nous le savons, le nombre de salariées enceintes qui subissent ce type de mésaventures est plutôt en augmentation.
L’avis du Gouvernement est donc très favorable !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2 bis A.
Article 2 bis B
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 1225-16 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conjoint salarié de la femme enceinte ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle bénéficie également d’une autorisation d’absence pour se rendre à trois de ces examens médicaux obligatoires au maximum. »
II (nouveau). – À la seconde phrase de l’article L. 1244-5 du code de la santé publique, le mot : « second » est remplacé par le mot : « dernier ».
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Hyest, Reichardt, Portelli et Bas, Mme Troendlé et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. L’article 2 bis B prévoit que le salarié conjoint de la femme enceinte bénéficie d’une autorisation d’absence dans les mêmes conditions que la femme enceinte pour accompagner celle-ci aux examens médicaux obligatoires de la grossesse.
Il existe les prestations à compte d’État. Toutefois, quand les caisses sont vides, on ne crée pas de nouvelles prestations de ce type. On peut alors être tenté de mettre en place des prestations à compte d’entreprise… Au moment où l’on veut diminuer les charges des entreprises pour créer un choc de compétitivité, voilà donc que, par cet article 2 bis B, on augmente ces charges pour des motifs, certes, sympathiques – nous nous donnons le mauvais rôle en résistant à ce type de dispositions –,…
Mme Annie David. Tout à fait, vous avez le mauvais rôle !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Philippe Bas. … mais qui le sont beaucoup moins si l’on prend en considération l’intérêt de nos entreprises.
L’accompagnement de la femme enceinte à un examen de grossesse garde toute sa valeur, mais il n’est tout de même pas indispensable ; le mettre à la charge de l’entreprise nous paraît tout à fait abusif, non seulement parce que, de toute manière, le salaire est versé, mais parce que, de surcroît, l’entreprise doit subir la contrainte née de l’absence du salarié.
Tel est le sens de cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Cet amendement a fait l’objet de débats assez nourris hier au sein de la commission des lois, qui s’est exprimée favorablement sur cette proposition de suppression.
Je précise néanmoins, monsieur Bas, même si cet avis vous satisfait, que cette autorisation d’absence vaut non pas pour tous les examens prénataux, mais seulement pour trois de ces examens,…
M. Philippe Bas. C’est exact !
Mme Virginie Klès, rapporteur. … ce qui limite substantiellement le champ d’application de l’article.
S’agissant des débats qui ont eu lieu hier et dont trop peu de nos collègues sont présents ce soir pour se faire l’écho, je me dois de rappeler que la question posée n’était pas tant d’autoriser les pères à s’engager dans leur rôle éducatif et parental dès le début de la grossesse elle-même. D’ailleurs, les avis étaient partagés à ce sujet. Il s’agissait plutôt de régler le problème de la désorganisation éventuelle que cette mesure pourrait entraîner au sein des toutes petites entreprises ou des commerces, et de maintenir, en vertu des articles du code du travail visés, une rémunération obligatoire pour ces autorisations d’absence-là. C’est ce maintien qui faisait débat.
Il peut être en effet compliqué pour un entrepreneur ou un commerçant employant une ou deux personnes, non seulement de verser un salaire complet, mais en outre de devoir salarier une autre personne pour remplacer le salarié absent, au risque, sinon, que la petite entreprise soit paralysée.
À titre personnel, puisque l’on ne peut pas modifier cet amendement ni revenir sur la position de la commission, je souhaiterais que l’Assemblée nationale lise attentivement les débats et réexamine ces dispositions de façon plus précise, afin de permettre aux futurs pères de participer à ces examens sans mettre en danger les plus petites de nos entreprises.
M. Philippe Bas. C’est la sagesse !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je tiens beaucoup à cet article, qui me semble extrêmement utile et qui améliorera la vie des futurs parents, d’autant qu’elle est limitée. Le futur père ne sera autorisé à s’absenter que pour trois échographies seulement, soit des moments de contact très importants permettant précisément au père de prendre conscience de ses responsabilités parentales à venir.
Ces mesures s’inscrivent pleinement dans notre réforme qui vise à opérer un meilleur partage des responsabilités entre pères et mères.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Cet article prévoit bien une autorisation d’absence, mais non une obligation d’absence.
Mme Annie David. Comme nous l’a dit Mme la rapporteur à propos des débats qui ont eu lieu hier au sein de la commission des lois, on peut comprendre que certaines entreprises aient des difficultés pour remplacer au pied levé un salarié s’étant absenté pour accompagner son épouse à l’un des trois examens prescrits. Néanmoins, quand on le veut vraiment, on peut arriver à s’organiser. Et gageons que ces deux heures accordées à un salarié seront, pour l’entreprise, dix heures de travail gagnées, tant le salarié sera reconnaissant. Il ne faut pas croire que les salariés ne sont que des profiteurs !
Par ailleurs, s’agissant d’une autorisation d’absence et non d’une obligation d’absence, il est probable que, dans certains cas, les salariés eux-mêmes, se rendant compte qu’il est assez compliqué de s’absenter sans nuire à la bonne marche de leur entreprise, renonceront d’eux-mêmes à accompagner leur femme. Le coût sera donc minime, et je pense que le chef d’entreprise qui aura autorisé cette absence en sera payé au centuple !
En soutenant cet amendement de suppression, monsieur Bas, vous prouvez que vous méconnaissez complètement la situation des salariés et des chefs d’entreprise dans la société actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je comprends bien les arguments qui viennent de nous être opposés, d’autant que je trouve moi-même important que le futur père puisse assister à l’examen échographique et constater la progression de l’enfant à naître dans le ventre de la mère. Et, d’ailleurs, personne ne le conteste ; il ne faut pas caricaturer les positions que nous pouvons avoir les uns et les autres.
La seule chose que nous reprochons à cet article, dont nous demandons la suppression, c’est que, au lieu d’utiliser, par exemple, la réduction du temps de travail, dont tous les salariés de France peuvent bénéficier librement, on mette à la charge de l’employeur cette nouvelle obligation.
Contrairement à ce que vous disiez, madame David, et sous réserve de vérification, il s’agit d’une autorisation d’absence que l’employeur est tenu d’accorder. Les termes de la loi sont impératifs s’agissant de la femme enceinte. Or la disposition dont nous discutons prévoit que l’autorisation d’absence devra être accordée dans les mêmes conditions que pour la femme enceinte.
Telles sont les raisons pour lesquelles, tout en étant extrêmement favorable, moi aussi, à ce contact précoce entre le père et l’enfant à naître grâce à l’accompagnement de la future mère aux examens d’échographie, je déconseille que l’on mette cette obligation à la charge des entreprises.
C’est une question de principe, à une époque où l’on ne cesse de dire à longueur de journée, et à juste titre, qu’il faut diminuer les charges des entreprises pour réaliser ce choc de compétitivité que tout le monde attend afin de mettre fin au déclin de notre économie. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Je partage totalement l’analyse de M. Bas. Il est vraiment très important que les futurs pères puissent assister aux examens que subit la mère de leur enfant. Cela étant, les salariés peuvent aussi s’organiser, prendre une demi-journée de congé, s’absenter le samedi ou un autre jour non travaillé auquel ils ont droit. Mais imposer cette charge à l’entreprise me paraît vraiment excessif.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Philippe Bas. Merci, madame Dini !
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur Bas, vous êtes en plein machiavélisme : c’est vous qui rigidifiez les relations entre les patrons et les salariés. Je m’imagine dans la situation d’une petite entreprise, et je vois très bien les aspects positifs d’une telle mesure. Le patron qui va accorder deux heures à son salarié sera récompensé au centuple, tant pour ce qui est de l’état d’esprit dans l’entreprise que de la productivité elle-même.
Je tenais à insister sur l’importance, pour le père, de partager avec la mère la grossesse dès son commencement.
M. Philippe Bas. Je suis d’accord !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si vous êtes d’accord avec nous, donnez-nous-en des signes !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 2 bis B est supprimé.
Article 2 bis C
(Non modifié)
L’article L. 1225-57 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Au cours de cet entretien, l’employeur et le salarié organisent le retour à l’emploi du salarié ; ils déterminent les besoins de formation du salarié et examinent les conséquences éventuelles du congé sur sa rémunération et l’évolution de sa carrière.
« À la demande du salarié, l’entretien peut avoir lieu avant la fin du congé parental d’éducation. » – (Adopté.)
Article 2 bis D
(Supprimé)
Article 2 bis E
I. – Afin de faciliter le retour à l’emploi des parents qui cessent leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant, l’État peut autoriser l’expérimentation du versement aux parents de deux enfants du montant majoré de la prestation partagée d’éducation de l’enfant prévu au deuxième alinéa du VI de l’article L. 531-4 du code de la sécurité sociale.
Cette expérimentation s’applique aux parents de deux enfants résidant ou ayant élu domicile dans les départements dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés des droits des femmes et de la sécurité sociale.
II. – L’expérimentation mentionnée au I est conduite pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la publication de l’arrêté mentionné au second alinéa du même I, qui intervient au plus tard le 1er janvier 2015. Elle donne lieu, au plus tard six mois avant son terme, à la transmission au Parlement d’un rapport d’évaluation, notamment sur les effets sur l’emploi de cette expérimentation. – (Adopté.)