M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera tout particulièrement sur la formation des travailleurs handicapés et sur l’articulation du présent texte avec la loi de 2005.
Une grande loi sur la formation, annoncée comme l’expression d’une ambition pour « former plus ceux qui en ont le plus besoin », à savoir les travailleurs les moins qualifiés et les demandeurs d’emploi, semblerait pouvoir répondre aux difficultés des travailleurs handicapés. Seraient-ils la cible privilégiée du présent texte ? Je n’en suis pas sûr.
Lors de chaque examen d’un texte de loi, je me pose les mêmes questions : quels sont les moyens qu’il consacre à son ambition ? Quelles sont les mesures de simplification qu’il prévoit ? Quelles sont les répercussions budgétaires pour les collectivités territoriales des dispositions qu’il introduit ?
Qu’il me soit donc permis de relater les difficultés des personnes en situation de handicap. (M. le ministre discute avec Mme Christiane Demontès.)
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Le ministre n’écoute pas !
Mme Catherine Procaccia. Il est sourd !
M. René-Paul Savary. Ceux qui sont victimes d’un handicap sensoriel, dont la surdité, peuvent en effet être concernés par mes propos. (Rires sur les travées de l’UMP.)
Mme Patricia Schillinger. Le ministre peut faire deux choses à la fois !
M. René-Paul Savary. En Champagne-Ardenne, une région dynamique, le taux de chômage des personnes handicapées est malheureusement au-dessus de la moyenne et leur besoin de qualification particulièrement important. En effet, 85 % des demandeurs d’emploi de cette population ont un niveau inférieur ou égal au niveau 5, contre 68 % pour l’ensemble des chômeurs. Notons également que le nombre d’apprentis handicapés dans les centres de formation en alternance de cette région ne représente que 0,5 % de ceux qui les fréquentent.
Malgré l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, l’OETH, et dans un contexte économique particulièrement difficile – cela n’a échappé à personne –, la hausse du nombre des demandeurs d’emploi handicapés est supérieure à celle subie par le tout public. Cela traduit bien la dégradation de la situation des personnes handicapées dans le monde du travail.
À mon sens, le projet de loi ne prend pas suffisamment en compte cette sous-qualification, facteur de refus d’embauche. Avec ce texte, que vont devenir les accords de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement en faveur de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, accords qui, en outre, sont déjà négociés avec les partenaires sociaux ?
Aucune amélioration significative n’est proposée pour simplifier un dispositif qui donne des résultats encore trop modestes ou pour atteindre le taux de 6 % de travailleurs handicapés dans les effectifs des établissements de plus de vingt salariés. Le niveau de qualification, notamment, n’est pas adapté. Nulle part dans le projet de loi il n’est fait allusion aux commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, instance essentielle, au sein des maisons départementales des personnes handicapées, pour l’attribution de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, la RQTH.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir envisagé de rapprocher, voire de fusionner, Pôle emploi et Cap emploi ? La création d’un guichet unique pour l’accueil des travailleurs handicapés aurait contribué à ce que la société porte sur le handicap un regard empreint d’une plus grande solidarité.
Le projet de loi fait de l’orientation un service public. C’est, me semble-t-il, une bonne chose. L’échelon régional paraît également pertinent, s’il en a les moyens. Or la rédaction de l’article 15 est claire : la compensation du transfert de compétence se fait à l’euro près. Les départements connaissent bien cette règle, censée compenser le transfert des allocations individuelles de solidarité.
Mme Isabelle Debré. On voit le résultat !
M. René-Paul Savary. En effet, elle a clairement plombé leur budget !
On peut donc être inquiet pour les budgets des régions, qui sont déjà exsangues, pour un certain nombre d’entre elles, avec les compétences qu’elles exercent actuellement. Auront-elles les marges de manœuvre nécessaires pour mener une politique ambitieuse, alors que la dernière loi de finances a baissé leur dotation globale de fonctionnement de 184 millions d’euros pour 2014 ? On voit bien la limite de l’exercice.
Je souhaite m’attarder sur un autre élément.
La phase de préorientation est déterminante dans la prise en charge d’une formation, tout particulièrement pour les travailleurs en situation de handicap. La réponse est souvent complexe, et les centres de préorientation accueillent des travailleurs reconnus handicapés, dont l’orientation professionnelle présente des difficultés particulières non résolues. Le territoire national, monsieur le ministre, est loin d’être entièrement couvert par ce type de structure. Qui va les prendre en charge ? Les agences régionales de santé, au nom de l’État ? Les régions ? On le voit, là encore, des précisions s’imposent.
Quant aux établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, ils sont un lieu d’emploi privilégié et permettent à un public en difficulté de travailler en milieu protégé. Où est donc la cohérence ? Quelle valeur ajoutée apportera leur transfert aux départements, voulu par la prochaine loi de décentralisation ?
M. Bruno Retailleau. Absolument !
M. René-Paul Savary. Je vois que mes propos sont partagés par des présidents de conseil général.
M. Bruno Retailleau. Bien sûr !
Mme Françoise Férat. Pas seulement par eux !
M. René-Paul Savary. Je suis sûr que M. le rapporteur, notamment, y sera particulièrement sensible... (Sourires.)
En conclusion, trop d’imprécisions subsistent encore. Il est vraiment dommage de ne pas avoir exploré davantage de pistes pour la simplification du système et de ne pas avoir envisagé de meilleure articulation avec la loi sur le handicap. Cette dernière date de 2005. Il semble nécessaire de l’actualiser, en tenant compte de l’expérience acquise et des mutations en cours. Ce texte pourrait donc bien être une occasion manquée, sauf si vous consentiez, monsieur le ministre, à prendre en compte certains amendements tendant à améliorer le dispositif prévu par le texte initial. Il est encore temps ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois qu’il n’est pas nécessaire de revenir dans cette discussion générale qui se termine sur le fait que le secteur de la formation professionnelle souffre d’un enchevêtrement de compétences et de cofinancements, qui a nui à son efficacité. Beaucoup de nos collègues sont déjà intervenus sur ce point.
L’article 11 tend à clarifier et à rationaliser les instances et les outils qui font le lien entre l’État et les régions. C’est une bonne chose, que je salue, et dont je voudrais souligner quelques aspects.
Le texte prévoit de transférer aux régions les compétences actuellement détenues par l’État en matière de validation des acquis de l’expérience et de formation des publics spécifiques, tels que les Français établis hors de France et les personnes sous main de justice. Je m’attarderai sur cette dernière population, dont on ne parle jamais.
Les régions Aquitaine et Pays de la Loire ont déjà expérimenté ce dispositif.
Mme Catherine Deroche. C’est vrai !
M. Georges Labazée. Ces deux collectivités organisent et financent la formation des détenus depuis le 1er janvier 2011. Plusieurs dispositions législatives vont leur permettre de prolonger l’expérience, avant de faire entrer le dispositif dans le droit commun.
Pour ces deux collectivités, ce choix légitime s’inscrit dans la suite logique d’un partenariat ancien avec l’administration pénitentiaire. Il répond au souhait d’apporter une plus-value grâce à la maîtrise des savoir-faire dans ce domaine. Dans la région Aquitaine, par exemple, la compétence en matière de formation professionnelle a été optimisée en direction de ce public.
Pour ces deux régions, le pari est réussi.
M. Georges Labazée. Désormais, tous les acteurs sont convaincus qu’un pilotage de proximité améliore la cohérence et la coordination de l’ensemble des dispositifs.
Quatre établissements pénitentiaires en Pays de la Loire et sept en Aquitaine, tous en gestion publique, sont concernés par le dispositif. Les actions de formation recouvrent d’abord la formation en détention. Mais les régions ont également décidé d’aller au-delà du seul public détenu, en proposant l’ensemble des programmes régionaux de formation continue aux personnes bénéficiant d’un aménagement de peine, ce qui permet à ces dernières de suivre une formation hors les murs. Cette décision a donc pour conséquence de mieux articuler le « dedans » et le « dehors » de la prison. L’objectif est bien de construire une continuité de parcours de formation pendant et après la période de détention et de faciliter la réinsertion sociale et professionnelle des personnes sortant de prison.
J’en reviens au texte qui nous occupe. Ses articles 12, 13 et 14 prévoient de rationaliser les instances et les outils faisant le lien entre l’État et les régions.
L’article 12 dessine les contours du conseil en évolution professionnelle. Les régions devront assurer la coordination sur leur territoire des acteurs de l’orientation professionnelle, avec une politique de labels. Une convention annuelle entre l’État et la région, passée dans le cadre du contrat de plan des formations, définira les conditions de coordination des compétences respectives.
L’article 13 prévoit une clarification du contrat de plan régional de développement des formations professionnelles, créé en 2009. Je salue le fait que les partenaires sociaux, déjà parties prenantes à l’élaboration du contrat, puissent dorénavant le signer. Cette signature lui conférera un poids politique supplémentaire.
Enfin, l’article 14 simplifie la gouvernance tant sur le plan national que régional de la formation professionnelle et de l’emploi.
L’article 15, que certains ont évoqué, a été amendé en séance à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, afin de tenir compte de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Cette disposition essentielle pose le principe et fixe les modalités des transferts qui devraient figurer dans le projet de loi de finances initiale pour 2015.
Tout à l’heure, mon collègue René-Paul Savary rappelait que l’État procède à des transferts de compétences aux collectivités locales depuis une dizaine d’années.
M. René-Paul Savary. Et ça ne s’arrange pas !
M. Georges Labazée. Avouez que cette pratique transcende les gouvernements successifs, cher collègue.
M. René-Paul Savary. Ce n’est pas une raison !
M. Georges Labazée. Évitons donc de nous accuser mutuellement.
Mme Isabelle Debré. Cela a commencé sous la gauche !
Mme Catherine Deroche. Et ça ne va pas en s’arrangeant !
M. Georges Labazée. L’important est que les ressources attribuées seront équivalentes – cela figure dans le texte – « aux dépenses consacrées par l’État, à la date du transfert, à l’exercice des compétences transférées, diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts. »
Pour les charges de fonctionnement, le calcul sera fondé sur « la moyenne des dépenses actualisées constatées […] sur une période d’au moins cinq ans précédant le transfert de compétences. » Auparavant, on avait des mécanismes jouant année après année. Là, il s'agit de blocs de cinq ans ; cela permettra, j’en suis persuadé, une meilleure maîtrise.
Pour l’Association des régions de France, la fusion des régions n’est pas forcément le chiffon rouge que l’on agite, monsieur le rapporteur pour avis.
M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission des finances. En effet !
M. Georges Labazée. Il s’agit avant tout d’un renforcement des capacités budgétaires et des moyens, ne serait-ce que par comparaison avec les régions espagnoles, même si celles-ci subissent la crise. J’ai longtemps siégé au sein du conseil régional d’Aquitaine. Avec ses quelque 600 000 habitants, la Navarre dispose de dix fois plus de moyens que ma région. Ce sont les processus de régionalisation qui en ont décidé ainsi.
C’est donc un texte complet que nous examinons aujourd'hui. Il vise à créer des compétences, dans une logique d’efficacité, mais également à mettre fin à un tel enchevêtrement et à accompagner les transferts de compensations financières.
Nous remercions le Gouvernement de son initiative et nous voterons évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, autant le reconnaître d’emblée, il y a de bonnes choses dans ce texte. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. Ah ! C’est bien de le reconnaître !
M. Bruno Retailleau. Attendez un peu, chers collègues de la majorité… Loin de moi l’idée de chanter les louanges du Gouvernement ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès. Nous profitons de chaque instant ! (Nouveaux sourires.)
M. Bruno Retailleau. Je vais m’empresser de rééquilibrer mon propos. En effet, il y a un problème de cohérence dans ce projet de loi, qui aborde tellement de sujets, d’ailleurs souvent intéressants.
Les dispositions de ce texte vont de l’accord national relatif à la formation professionnelle au financement de la démocratie sociale, en passant par l’inspection du travail ou l’apprentissage. À l’instar de plusieurs collègues, j’aimerais revenir sur ce dernier point, ô combien important.
Voilà vingt mois, lors de son élection, le Président de la République avait indiqué vouloir « réenchanter le rêve français », en insistant, à juste titre, sur la nécessité de faire des jeunes une grande cause nationale. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Je donnerai trois chiffres.
Premièrement, 1 900 000 jeunes âgés de quinze ans à vingt-neuf ans ne sont ni en situation d’emploi, ni en formation, ni à l’école.
Deuxièmement, selon un sondage, seuls 17 % de nos jeunes voient l’avenir de manière prometteuse. Nous avons sans doute la jeunesse la plus pessimiste au monde.
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vous avec vous qu’elle va trouver des raisons d’être optimiste !
M. Bruno Retailleau. Troisièmement, le nombre des premières inscriptions à Pôle emploi a bondi de plus de 37 % en 2013.
Ainsi, ceux qui ont vingt ans aujourd'hui pourraient reprendre à leur compte la phrase célèbre que Paul Nizan écrivait en 1931, au creux de la grande crise : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Voilà où en est la jeunesse française !
Monsieur le ministre, je ne céderai pas à la facilité d’imputer la responsabilité de cette véritable plaie nationale à telle ou telle majorité, à tel ou tel gouvernement. Les causes en sont profondes, et elles sont lointaines.
Toutefois, il y a un élément nouveau : en 2013, le nombre d’apprentis a dégringolé, avec une baisse de 8 %, soit une chute historique depuis huit ans. Nous devons nous en émouvoir, car c’est dramatique !
L’apprentissage est une filière de réussite, d’épanouissement. Tant de jeunes Français rejetés par le système scolaire traditionnel ont pu trouver le chemin d’une réussite professionnelle grâce à l’apprentissage. Ainsi, 82 % de ceux qui ont suivi cette voie ont trouvé un emploi à l’issue de leur formation et, parmi ceux-là, 60 % sont en contrat à durée indéterminée.
En Allemagne, le système dual a fait la preuve de son efficacité.
Mme Isabelle Debré. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Dans ce pays, trois fois moins de jeunes sont au chômage, et il y a trois fois plus d’apprentis ! Nous le voyons, l’apprentissage est une filière d’excellence. Il faut absolument la préserver. (M. René-Paul Savary applaudit.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Bruno Retailleau. La dégringolade des chiffres de l’apprentissage doit nous interpeller. Est-elle due au hasard ? Non ! À la conjoncture ? Sans doute un peu, mais pas seulement : en 2009, au pic de la crise, le nombre de contrats d’apprentissage signés en moins était de 10 000 ; l’an dernier, il était de 24 000.
La conjoncture n’explique donc pas tout. La chute des chiffres de l’apprentissage tient aussi aux choix de ce gouvernement, et notamment à ses choix financiers. Le Gouvernement a choisi de mettre le paquet – passez-moi l’expression, mes chers collègues – sur des contrats aidés, à hauteur de 3,6 milliards d’euros en loi de finances. En outre, cela vient d’être rappelé il y a quelques instants par Jean-Claude Carle, la plus grosse économie – 550 millions d’euros – a été faite au détriment de l’apprentissage.
Vous auriez pu présenter un texte exprimant une vision, et non une réforme technique. Or vous avez choisi de désosser petit à petit l’apprentissage.
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !
M. Bruno Retailleau. M. Peillon a opté pour la suppression de la passerelle entre l’apprentissage et l’école, dans ce qu’on appelle le préapprentissage. Puis, il y a eu une réduction drastique du crédit d’apprentissage, avec une quasi-suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire en loi de finances rectificative. À présent, on s’attaque à la collecte, qu’il fallait du reste réformer.
Il faut s’interroger sur les motivations du Gouvernement. Monsieur le ministre, quelles sont les raisons qui vous poussent à attaquer au fil des textes l’apprentissage ? Des « raisons idéologiques dépassées », comme le soulignait Ségolène Royal à propos de Vincent Peillon ?
Mme Isabelle Debré. Oui !
M. Bruno Retailleau. Il fallait évidemment une réforme, mais pas n’importe laquelle. Oui à la régionalisation, cher monsieur Patriat, mais non au désengagement de l’État !
Il aurait fallu, par exemple, que les régions soient liées en termes de résultats et que l’on puisse proportionner les transferts financiers aux résultats obtenus par elles. Il aurait sans doute aussi fallu mettre l’entreprise, c'est-à-dire les branches professionnelles, au cœur du pilotage des formations. Peut-être aurait-il fallu enfin faire sauter le verrou entre l’éducation nationale et l’apprentissage qu’évoquait tout à l’heure Jean-Claude Carle et qui est en train d’ankyloser l’apprentissage en France !
Monsieur le ministre, une autre réforme était possible, je le crois. Elle l’est toujours, d'ailleurs. Elle implique des choix sans doute moins dogmatiques, plus pragmatiques, plus en lien peut-être avec la nouvelle économie de l’offre.
À mes yeux, l’apprentissage n’est ni de droite ni de gauche. C’est simplement l’un des outils qui pourraient redonner demain un peu d’espoir à notre jeunesse, et elle en a bien besoin ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je laisse à chacun le soin d’apprécier les différentes interventions, dont celle du dernier orateur, sénateur de Vendée, donc de l’île d’Yeu. Je lui adresse un salut particulier à cet égard. (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Tout s’explique !
M. Michel Sapin, ministre. Il y a d’autres connaisseurs dans cet hémicycle, monsieur le sénateur. (Nouveaux sourires.)
Je souhaite apporter quelques éléments de réponse, même si je reviendrai plus en détail sur les différents volets du texte au cours de la discussion des articles.
Certains orateurs ont évoqué le caractère « large » du projet de loi ; pour ma part, je parlerais plutôt de diversité. Par ailleurs, j’essaierai de le montrer dans quelques instants, diversité ne signifie pas incohérence. Au contraire : c’est même ce qui fait la force de ce texte.
Je souhaiterais remercier l’ensemble des orateurs. Je ressens, et je le dis sincèrement, un intérêt réel de tous les groupes pour les sujets abordés et les propositions formulées dans ce texte, qu’aucun intervenant n’a d’ailleurs condamné dans son intégralité.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !
M. Michel Sapin, ministre. Chacun a même souligné les dispositions qui lui paraissaient conformes à ses propres souhaits, à ses réflexions, voire à ses propositions antérieures.
J’ai donc perçu, non une atmosphère de contradiction pour la contradiction, mais une volonté de débattre de manière constructive d’un sujet sérieux : développer la formation professionnelle au service des individus et de notre économie. Je tenais à le souligner et à vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs.
Bien entendu, j’ignore ce que sera le vote de chacun au final. Je crains les positionnements parfois automatiques, même si je peux les comprendre, m’étant moi-même livré à de semblables contorsions en d’autres temps. (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Faute avouée est à demi pardonnée ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Sapin, ministre. Toutefois, je souhaite que nous conservions le plus possible cet état d’esprit constructif lors de la discussion des articles, afin de rester à l’écoute les uns des autres et de pouvoir retenir le plus grand nombre possible de vos propositions.
J’ai entendu une critique, que je peux comprendre – d’ailleurs, je vous prie de bien vouloir m’excuser de la situation –, quant à la rapidité avec laquelle vous êtes invités à travailler sur le projet de loi. Je connais les débats sur la procédure accélérée et les arguments que l’on avance à cet égard, selon que l’on appartient à la majorité ou à l’opposition.
Sans doute eût-il été préférable de procéder autrement, afin de permettre aux membres de la commission et, d’une manière générale, à l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de travailler dans de meilleures conditions.
M. Jean Desessard. Vous avez raison.
M. Michel Sapin, ministre. Néanmoins, ce n’était pas possible, car il y avait urgence, à cause non pas de l’engagement de la procédure accélérée en soi, mais bien de la situation. Je pense évidemment à la question du chômage, mais pas seulement. En effet, et cela fait consensus ici, l’une de nos difficultés réside dans l’inadéquation et l’inadaptation de notre système de formation professionnelle, voire dans son incapacité à répondre aux besoins de notre pays.
Chacun sait qu’une formation professionnelle mieux adaptée constitue un plus, non seulement pour l’individu, mais également pour la compétitivité de notre économie.
En effet, la vraie compétitivité de notre économie se trouve dans l’intelligence, dans l’innovation, dans la compétence de celles et de ceux qui constituent la seule véritable richesse de nos entreprises : les femmes et les hommes qui y travaillent. Ce n’est pas dans l’abaissement à tout prix du coût du travail, même si on peut évidemment le réduire, ou dans l’alignement sur le salaire ou le niveau de protection sociale les plus bas de l’Union européenne que nous trouverons une solution !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. D’ailleurs, chacun dans cet hémicycle en est parfaitement conscient.
La clef du succès consiste à mettre en valeur ce qu’il y a de plus profond et de plus innovant dans notre société et chez nos compatriotes : un niveau de connaissances et de compétences élevé pour apporter un plus tant à l’économie qu’au devenir professionnel de l’ensemble des publics concernés. C’est grâce à une formation professionnelle adaptée que nous remettrons en marche l’ascenseur social, devenu, aux dires de certains, un « descenseur » social. Il en va de même pour la compétitivité : chaque entreprise doit trouver dans la compétence de ceux qui y travaillent la ressource principale pour faire face à l’économie ouverte dans laquelle nous vivons.
Il y avait donc urgence à agir. Les partenaires sociaux se sont saisis du sujet, parce que nous le leur avons demandé, en application de l’article L. 1 du code du travail, bien connu ici, puisqu’il trouve sa source dans une proposition du sénateur Gérard Larcher.
Le processus a été lancé au mois de juin dernier, et j’ai adressé un courrier aux organisations représentatives concernées au mois de juillet suivant. Dans cette lettre, je leur demandais d’achever la négociation avant la fin du mois de décembre, ce qu’elles ont fait puisque, à la mi-décembre, un accord était trouvé.
J’entends certains objecter qu’il manque deux signatures, ce qui serait une preuve d’imperfection ! Non, c’est la preuve que l’ensemble des partenaires n’a pas pu prendre en compte toutes les propositions, côté patronal ou côté syndical. D’ailleurs, les deux parties portent des jugements positifs sur bien des aspects de l’accord lui-même. Je respecte les positions des uns et des autres, mais la meilleure solution ne naît pas forcément du consensus absolu ; elle résulte de l’attitude respectueuse de ceux qui, ne signant pas tout, saluent néanmoins les personnes qui ont pris la responsabilité d’accepter des propositions et d’avancer.
En décembre dernier, un texte a donc été signé. Les partenaires sociaux souhaitent, tout comme le Gouvernement, que l’ensemble des propositions soient applicables au 1er janvier 2015, qu’il s’agisse du compte personnel de formation, que vous avez tous salué comme étant une grande innovation, de ses modes de financement ou des nouveaux modes de financement de la formation professionnelle. Un grand nombre de partenaires signataires nous ont d’ailleurs demandé de faire principalement attention à ce que les mesures entrent en application non pas le 1er janvier 2016, mais dès le 1er janvier 2015, ce qui n’est pas si simple à mettre en œuvre.
C’est pourquoi ce projet de loi doit être adopté avant la fin du mois de février de cette année, car il faut aussi tenir compte du temps nécessaire à la publication des décrets. Certes, ces derniers sont déjà très largement élaborés, mais ils doivent avant toute chose se fonder sur le texte de loi lui-même, d’autant, vous le savez, qu’une partie des dispositions qu’ils contiennent prend appui sur des négociations de branche ou d’entreprise.
C’est notre démocratie qui le veut, la seule façon pour que ce projet, fruit d’une négociation devant se traduire par un texte de loi, puisse être applicable au 1er janvier 2015 était de mettre le Parlement sous pression, et je vous présente une nouvelle fois mes excuses à cet égard. D’aucuns diront que ce n’est pas une raison suffisante, mais c’est une explication de la bonne foi du Gouvernement vis-à-vis de l’Assemblée nationale comme du Sénat.
Je reporte, évidemment, à la discussion des articles l’exposé de mes arguments les plus précis et décisifs sur les différents points qui ont été abordés. Néanmoins, je salue ici l’ensemble des interventions.
Tout d’abord, bien sûr, au sein du groupe socialiste, comme au sein du groupe RDSE, je remercie celles et ceux, notamment Georges Labazée, qui ont apporté leur soutien à l’ensemble du texte comme à chacune de ses dispositions. On oublie trop souvent d’exprimer sa reconnaissance à ceux qui vous soutiennent absolument. Je me plie, quant à moi, avec plaisir à cet exercice, en souhaitant que nous puissions poursuivre ainsi ce travail jusqu’à son terme.
De l’autre côté de l’hémicycle, je veux également saluer les interventions du groupe UMP. Les différents orateurs qui se sont exprimés sont tous de très bons spécialistes de ces sujets ou d’une partie d’entre eux. Quoi de surprenant, d'ailleurs, puisque, par définition, les sénateurs, et plus encore les sénatrices, disposent d’une connaissance universelle ? (Sourires.)
Je remercie donc MM. Cardoux et Carle, Mme Procaccia, M. Savary évidemment, et même M. Retailleau ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) C’est ce dernier qui a été, de mon point de vue, le plus injustement critique sur la question de l’apprentissage, mais nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur ce point.
Tous ont fait preuve d’un certain degré d’ouverture et ont manifesté leur volonté, à l’instar de Mme Procaccia, d’attendre la fin du débat avant de fixer leur vote. C’est selon moi une bonne manière de procéder sur des sujets d’une telle nature.
Je reviendrai, bien sûr, sur la question de l’apprentissage, qui a été beaucoup soutenu ou critiqué. Je reviendrai également sur certaines dispositions pouvant faire débat. Je pense, en particulier, à l’inspection du travail, un sujet qui a été abordé par beaucoup d’entre vous.
Je remercie également le groupe UDI-UC. Madame Jouanno, je comprends que vous attendiez beaucoup du débat qui s’ouvre devant nous. J’ai bien noté votre préoccupation au sujet de la qualité de la formation dispensée par un certain nombre d’organismes. C’est l’un des thèmes qu’aborde ce texte : l’article 21 du projet de loi vise à accorder des pouvoirs nouveaux à mon administration pour mieux contrôler et mieux sanctionner le manque de qualité des formations.
Peut-être pourrions-nous renforcer ces capacités de contrôle ? Nous débattrons de ce point dans les heures à venir, mais, quoi qu’il en soit, les décisions prises devront être raisonnables du point de vue bureaucratique et administratif. Nous pourrions sur ces sujets aussi faire preuve d’une grande ouverture d’esprit. Je rends hommage également à M. Vanlerenberghe, qui est un très grand spécialiste de cette question.
En ce qui concerne le groupe CRC, madame Cohen, j’ai senti votre intérêt, y compris pour un certain nombre de concepts. Le compte personnel de formation n’est pas né de nulle part, il est aussi le fruit des réflexions conduites au Parlement, notamment dans vos rangs. Vous avez manifesté, sur tous ces sujets, la volonté d’améliorer le texte. Nous étudierons attentivement l’ensemble de vos amendements.
Enfin, les membres du groupe écologiste, comme beaucoup d’entre vous ici, ont fait preuve d’un grand degré d’ouverture.