Mme Catherine Procaccia. Pas du tout ! Si j’avais voulu faire traîner le débat, j’aurais pu déposer dix amendements visant à modifier le titre de la proposition de loi.
Je l’ai dit en commission, je l’ai dit à nouveau à la tribune, j’estime que l’expression « économie réelle » n’a aucun sens pour nos concitoyens. Ce n’est pas en employant des termes pareils que nous parviendrons à les rapprocher d’une loi censée les concerner. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de proposer d’autres titres, en nous limitant à deux.
Le premier s’énonce comme suit : « proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’emploi industriel ». Il décrit fidèlement le contenu de cette proposition de loi. Je ne vois rien de choquant à faire figurer la lutte pour le maintien de l’emploi industriel dans un titre de loi, afin de le rendre plus précis.
Le deuxième amendement tend à substituer au titre actuel le suivant : « proposition de loi visant au redressement productif de l’économie réelle et au choc de simplification ». J’avoue que c’est une plaisanterie. Compte tenu de toutes les dispositions intégrées dans ce texte qui vont complexifier davantage encore la vie des entreprises, le choc de simplification est loin de devenir une réalité dans les faits !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Je me réjouis de la volonté de Mme Procaccia de ne pas allonger les débats.
La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme Catherine Procaccia. Sans surprise !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Ce texte, qui pouvait paraître quelque peu aride au départ, a donné lieu à des échanges intéressants au sein de notre assemblée. Tous nos collègues ont manifesté leur préoccupation quant à l’avenir du tissu industriel de notre pays et ont posé un certain nombre de marques et de repères. Je pense au rôle des comités d’entreprise ou à celui des chefs d’entreprise. Nous avons ainsi pu discuter du meilleur équilibre possible à trouver dans le monde du travail, c’est-à-dire entre l’ensemble des salariés et les responsables des entreprises.
Le travail réalisé ce soir, même s’il a souligné les différences existant entre nous, a été conduit honnêtement et nous a permis d’aborder les questions de fond. Le groupe socialiste votera bien sûr la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous avons annoncé que nous voterions cette proposition de loi.
Les débats ont montré qu’une vraie divergence existait entre la gauche et la droite.
Mme Catherine Procaccia. C’est normal !
M. Jean Desessard. Pas forcément !
Nous avons bien constaté que l’on trouvait, d’un côté, ceux qui pensent qu’il n’y a pas de limites à la spéculation, qu’il faut laisser faire un peu n’importe quoi dans les entreprises, qu’il faut faire confiance aux patrons pour que tout aille bien et, de l’autre, ceux qui estiment que le rôle du législateur est d’encadrer la spéculation, l’argent facile, la recherche du profit au détriment du travail salarié et du maintien de sites industriels sur nos territoires.
Certains chefs d’entreprise jouent le jeu, et cette proposition de loi a pour objet de les conforter en rappelant le respect des règles. Sachez-le, on peut être social et défendre l’initiative économique ! En revanche, il faut lutter contre la spéculation, qui a pour seul objectif le profit au détriment de l’emploi.
Je me réjouis donc que, avec l’ensemble des forces de gauche, notamment nos collègues radicaux et socialistes, le groupe écologiste ait contribué à poser des bornes à la recherche du profit maximal afin de maintenir l’emploi dans les sites industriels.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Quand nous avons lu le titre de la proposition de loi, nous nous sommes demandé ce qu’elle pouvait bien contenir.
Mme Catherine Procaccia. Nous aussi !
M. Jean-Claude Requier. Entre le virtuel et le réel, nous avons voulu faire preuve d’esprit pratique et nous avons cherché quelles étaient les dispositions de ce texte susceptibles d’avoir un effet concret.
Nous ne pouvons pas dire que nous sommes emballés par l’ensemble de ces mesures, mais nous y avons vu quelques points positifs, en particulier dans la première partie du texte…
Mme Catherine Procaccia. Elle a été rejetée !
M. Jean-Claude Requier. … relative à la reprise d’entreprises, entreprises qui font souvent l’objet d’attaques extérieures. La réponse apportée est peut-être insuffisante, mais elle devrait permettre d’aider à trouver des repreneurs, en cas de fermeture de l’établissement.
Ce texte tente également de conforter la gouvernance des entreprises avec deux mesures qui nous paraissent importantes : d’une part, comme le rapport Gallois le préconise, le maintien d’un actionnariat stable, en accordant un double vote aux actionnaires présents dans le capital depuis plus de deux ans et, d’autre part, en cas d’OPA hostile, la suppression du principe de neutralité des dirigeants, afin que ceux-ci puissent s’investir dans la défense de l’entreprise.
Certaines dispositions nous paraissent moins convaincantes, mais la majorité de notre groupe votera la proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Compte tenu du contexte de désindustrialisation et de multiplication des plans sociaux, on pouvait espérer que la proposition de loi qui nous était présentée aujourd’hui irait nettement plus loin.
Une vraie divergence oppose la gauche et la droite, comme le montre le débat. Je ne peux que souscrire à l’ambition affichée par mon collègue Jean Desessard ; malheureusement, notre groupe n’a pas trouvé la concrétisation de cette ambition dans la proposition de loi dont les auteurs, une fois de plus, restent au milieu du gué.
Pour l’ensemble de ces raisons, comme l’a très bien exprimé mon collègue Dominique Watrin, nous avons le regret de nous abstenir, alors que nous disposions des moyens et de la majorité pour aller beaucoup plus loin, à condition de faire preuve de plus d’ambition et d’avoir le courage de prendre des mesures qui s’attaquent aux racines du problème de la désindustrialisation et tiennent compte des réalités de la vie au sein des entreprises.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. La fin de cette discussion confirme ce que nous pensions : chacun restera sur ces positions.
Je souhaite surtout réagir aux propos de notre collègue Jean Desessard, car je ne suis pas sûr que cette proposition de loi réponde à toutes ses préoccupations. Quand vous retournerez sur le terrain, mon cher collègue, vous serez déçu en constatant les conséquences de l’application de ce texte. Je le confirme, il ne fait qu’ajouter des contraintes supplémentaires et témoigne d’un véritable manque de confiance à l’égard des chefs d’entreprise.
En ce sens, cette proposition de loi ne correspond absolument pas à notre philosophie : nous sommes davantage enclins à penser que seule la liberté d’entreprendre permet de créer des emplois. Un certain nombre de mesures devraient être adoptées en ce sens, car elles permettraient de relancer la croissance et de développer l’emploi, afin que notre pays parvienne à sortir de ses difficultés un peu mieux qu’il ne le fait actuellement.
Dans le contexte mondial difficile que nous connaissons, nous voyons bien qu’un certain nombre de nos voisins européens se sont attaqués à leurs difficultés d’une façon un peu plus pertinente que nous ne l’avons fait et que leur situation commence à s’améliorer. Je ne suis pas sûr qu’un dispositif du type de celui dont nous avons débattu aujourd’hui nous permette de retrouver plus facilement le chemin de la croissance.
Pour l’ensemble de ces raisons, comme vous vous en doutez, nous confirmons notre vote négatif sur cette loi d’affichage.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 140 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 159 |
Contre | 166 |
Le Sénat n’a pas adopté.
13
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : Mmes Annie David, Anne Emery-Dumas, MM. Georges Labazée, Jean-Marc Todeschini, Gérard Longuet, Mme Catherine Procaccia, M. Hervé Marseille ;
Suppléants : Mme Jacqueline Alquier, MM. Gilbert Barbier, Martial Bourquin, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Colette Giudicelli, M. René Teulade.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
14
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 5 février 2014 :
À quatorze heures trente :
1. Débat sur le droit à l’eau.
À dix-sept heures :
2. Débat sur les violences sexuelles faites aux femmes du fait des conflits armés et l’application par la France de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies.
À vingt et une heures trente :
3. Débat sur l’avenir de l’exploitation cinématographique indépendante.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART