3
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires économiques a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la consommation actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
4
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.
La commission des finances a présenté une candidature.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de trois propositions de loi et un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :
- de la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2013 ;
- du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 11 décembre 2013 ;
- de la proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 8 janvier 2014 ;
- et de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 14 janvier 2014.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures dix.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la consommation, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Daniel Raoul, M. Alain Fauconnier, M. Martial Bourquin, M. Gérard Le Cam, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Cornu, M. Henri Tandonnet ;
Suppléants : Mme Michèle André, M. Michel Bécot, Mme Nicole Bonnefoy, M. Gérard César, M. Joël Labbé, M. Stéphane Mazars, M. Jackie Pierre.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
7
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des finances a présenté une candidature pour la désignation d’un membre suppléant de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jacques Chiron membre suppléant de cet organisme extraparlementaire.
8
Accès au logement et urbanisme rénové
Discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (projet n° 294, texte de la commission n° 308, rapport n° 307, avis n° 301).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà à nouveau réunis pour examiner en seconde lecture le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, et témoigner une fois de plus du caractère véritablement collectif de ce travail législatif.
Nous pourrons dire que la loi ALUR aura été notre œuvre commune, que nous l’aurons construite ensemble, et je crois que nous pouvons nous féliciter de l’intelligence collective et de l’écoute démocratique qui ont présidé à l’évolution du texte au fil de ses lectures.
Je voudrais rappeler ce qui nous rassemble aujourd'hui. La crise du logement est une réalité qui s’impose à nous au quotidien, souvent avec une grande violence. Je sais que, chaque jour, vous l’éprouvez dans vos territoires et, chaque jour, je la constate dans ma fonction.
Même si la mobilisation de tous nous a permis de résister, l’année 2013 a été difficile. Si j’insiste sur la nécessité absolue de ne pas renoncer, c’est aussi parce que nous avons su, ensemble, là aussi, poser les premières pierres d’une politique de relance structurelle et qualitative du secteur de la construction et du bâtiment.
Avec le plan d’investissement pour le logement comme avec les huit ordonnances que nous avons d’ores et déjà publiées, nous avons pris des mesures d’urgence pour faciliter la construction et en réduire les délais de réalisation. Le Président de la République a d’ailleurs récemment rappelé l’action du Gouvernement en faveur de la simplification, et s’est engagé à ce que les délais de délivrance des autorisations d’urbanisme soient réduits.
Pour aller plus loin, l’enjeu est de fluidifier des procédures qui impliquent un grand nombre d’acteurs et d’étapes, de la maîtrise du foncier à la sécurisation de tous les parcours résidentiels, en passant évidemment par la construction, dont il faut réduire les coûts. Il s’agit pour l’État de réguler un marché qui ne permet pas un égal accès au logement, tout en relançant de manière durable un secteur économique majeur.
La maîtrise des prix immobiliers s’inscrit dans cette politique de relance. C’est pourquoi j’ai souhaité mener un dialogue approfondi avec l’ensemble des acteurs, à travers la démarche de concertation « Objectifs 500 000 », pour construire davantage, mieux et à des coûts maîtrisés. Le Président de la République a fixé le cap des décisions qui seront prises à l’issue de ce travail : faire baisser d’au moins 10 % le coût de la construction des logements collectifs.
Vous le voyez, nous mettons en place les conditions pour que les réponses à la crise du logement soient formulées de manière partagée.
Oui, il faut un peu de temps pour mettre en œuvre une mutation structurelle de la filière, puis pour en voir les effets, mais c’est la condition sine qua non d’une relance qualitative de la construction. Le temps politique n’est pas forcément le temps médiatique, mais je revendique cette action sur le temps long ; certains de mes prédécesseurs m’ont appris la nécessité de prendre des décisions qui ne voient leur traduction que quelques mois ou quelques années plus tard.
La loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement aura constitué la première étape de cette grande bataille structurelle pour le logement que nous menons. Vous le savez, le renforcement du principe de décote par la loi du 18 janvier 2013 a répondu à une difficulté qui maintenait de nombreux projets dans les cartons, en permettant de mobiliser plus facilement les terrains de l’État et de ses principaux opérateurs dès lors que ces terrains sont cédés pour y construire du logement.
Un an après la promulgation de la loi, les premiers résultats sont déjà visibles : à Toulouse, où je me suis rendue avec le Président de République au début du mois de janvier, grâce à un taux de décote de 60 % par rapport à la valeur vénale du terrain et de ses bâtiments, ce sont 750 logements, dont 520 logements locatifs sociaux, qui seront construits en plein cœur de l’agglomération, là où le marché est tendu.
La deuxième étape, c’est la mobilisation de l’ensemble des parties. Un pacte de confiance a été scellé avec le monde HLM. En témoignent à la fois la lettre d’engagement signée avec Action Logement et le pacte conclu avec l’Union sociale pour l’habitat. Cette mobilisation du secteur social est d’ores et déjà une véritable réussite, avec plus de 117 000 logements sociaux agréés en 2013, ce qui représente une augmentation de 14 % par rapport à 2012. Cette année, la baisse de la TVA à 5,5 % permettra d’accroître encore la relance engagée dans ce secteur, en reconnaissant le logement social comme un bien de première nécessité.
Je souhaite que cet effort se ressente dans tous les territoires, et pas simplement dans les zones les plus tendues. En effet, nous devons plus que jamais être à l’écoute de l’ensemble des territoires dans leur diversité. Avec le renforcement de la dotation du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, que la loi de finances pour 2014 a augmentée de 15 millions d'euros, un programme plus spécifiquement destiné aux centres-bourgs permettra de répondre aux enjeux propres à ces territoires ruraux et fragiles.
Vous l’aurez compris, le projet de loi ALUR est le troisième temps de la réforme profonde et structurelle que j’avais, en tant que ministre, le devoir d’engager. Favoriser l’accès au logement pour tous, tel est l’objectif de ce projet de loi. C’est dans une logique de protection et d’accompagnement des ménages les plus fragiles qu’il a été rédigé. Il en avait été de même du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Ce plan, qui est aujourd’hui mis en œuvre, traduit l’engagement du Gouvernement en matière d’accès à un logement digne et adapté pour tous et toutes.
Favoriser les liens entre les acteurs de l’hébergement et du logement, c’est se battre pour sortir d’une logique d’urgence saisonnière et de mise à l’abri, évidemment nécessaire, mais pas suffisante.
Améliorer la prévention des expulsions, c’est se battre pour que les ménages les plus fragiles puissent rester dans leur logement. Je tiens à souligner, en toute sincérité, l’intense travail parlementaire qui a permis de renforcer cet aspect du projet de loi, notamment via l’accroissement du rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives et les nouvelles possibilités données au juge d’accorder des délais aux ménages en situation d’impayé.
Je suis également particulièrement fière que le projet de loi permette l’allongement de la trêve hivernale, qui s’étendra désormais du 1er novembre au 31 mars, l’année même où nous allons célébrer le soixantième anniversaire de l’appel de l’abbé Pierre.
Je voudrais également dire quelques mots de la garantie universelle des loyers, la GUL.
La GUL est un grand projet, qui est d’abord le produit d’une longue histoire, écrite par ceux et celles qui, depuis des années, souhaitent lutter contre les discriminations dans l’accès au logement liées à la précarité de l’emploi.
Ce projet est le résultat – j’en suis très heureuse – d’un véritable processus de co-élaboration avec les parlementaires. Bien sûr, c’est une méthode qui n’est pas forcément simple à faire comprendre médiatiquement, mais je l’assume et j’en suis très fière.
Le dispositif que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui est le fruit de vos remarques, de nos débats et de vos propositions. À cet égard, je tiens à saluer le travail de qualité réalisé par le groupe qui, sur l’initiative du président Daniel Raoul, a réuni des sénateurs issus de tous les bords politiques ; je salue tout particulièrement le rapporteur, Jacques Mézard. Nous avons pris en compte la très grande majorité – la quasi-totalité, même – des conclusions de ce groupe de travail.
La GUL est un projet ambitieux, pragmatique et réaliste. Sa mise en œuvre marquera une nouvelle avancée sociale et une progression de l’égalité. Aujourd’hui, la caution personnelle est trop souvent inefficace et injuste ; c’est un constat que nous partageons, je le sais.
La caution personnelle est inefficace, parce que c’est une fausse sécurité : dans de très nombreux cas – plus de 50 % –, la caution ne peut pas être mise en jeu par le propriétaire, soit parce qu’elle a été mal libellée, soit parce que les ressources du garant se sont effondrées.
La caution personnelle est également injuste, parce qu’elle est la négation de l’autonomie. Aujourd'hui, on peut avoir quarante ans, être marié, avoir deux enfants et devoir trouver une caution pour se loger.
Injuste, la caution personnelle l’est aussi parce qu’elle fait trop souvent reposer l’accès au logement non pas sur la situation réelle du locataire, mais sur son carnet d’adresses ou ses relations.
Cette injustice n’est pas le fait des propriétaires : il est légitime que ces derniers cherchent des moyens de protéger ce qui est souvent un complément de salaire ou de retraite indispensable. Cette injustice est tout simplement née d’un manque. C’est ce manque que nous avons voulu combler en créant un outil nouveau pour défendre un droit nouveau.
La GUL est un projet d’émancipation. Il s’agit de permettre à chaque locataire de remplacer la caution par une garantie publique, et à chaque propriétaire de savoir qu’il peut accéder à une vraie sécurité si le locataire fait défaut. Nous savons que les propriétaires auront intérêt à recourir à la GUL. Je ne doute pas une seconde que la gratuité de la garantie saura les convaincre très rapidement de renoncer à une caution qui, bien souvent, ne les protège que très mal, sans qu’ils en aient toujours réellement conscience ; c’est la raison pour laquelle certains d’entre eux demandent plusieurs cautions, et même des garanties supplémentaires.
Favoriser l’accès au logement pour tous, c’est aussi s’attaquer aux loyers exorbitants qui pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages. Les chiffres sont là : un locataire du parc privé sur cinq consacre plus de 40 % de son revenu à son logement. Il faut agir pour réguler et enrayer ces abus du marché ; il s’agit à l’évidence d’une question de justice sociale. C’est tout le sens du dispositif d’encadrement des loyers que j’ai défendu devant vous en première lecture. Il vous revient maintenant d’en arrêter définitivement les modalités.
Le pouvoir d’achat des locataires dépend également des honoraires de location facturés Si le rôle des professionnels de l’immobilier en tant qu’intermédiaires dans les rapports locatifs est primordial, et doit sans doute se développer, il faut mettre fin à la pratique qui veut qu’à un loyer élevé correspondent des honoraires élevés, sans considération des prestations réellement fournies.
Le dialogue constant que j’ai mené avec les organisations professionnelles, dans un esprit de conviction et de responsabilité, a permis d’aboutir aux dispositions qui vous sont présentées aujourd’hui. Je souhaite que le montant global payé par les locataires baisse partout, et soit au moins divisé par deux dans les zones les plus tendues.
Le projet de loi ALUR crée en outre un nouveau cadre de régulation de la profession, qui provient, pour une large part, des propositions qu’elle avait elle-même formulées dans son livre blanc.
Les obligations de formation, le code de déontologie et le contrôle permettront de lutter contre les agissements d’une minorité qui ne respecte pas les règles et dégrade la réputation de tous. Il y va de l’intérêt des locataires, des propriétaires et des copropriétaires, mais également des professionnels eux-mêmes.
Enfin, la navette a permis de conforter les dispositions du projet de loi qui s’attaquent aux copropriétés dégradées et à l’habitat indigne ; je sais que le rapporteur Claude Dilain est particulièrement attentif à ces questions. Les mesures proposées répondent à une attente forte de tous ceux et toutes celles qui agissent pour lutter contre ce fléau. Je souhaite que les élus puissent s’emparer de ces nouveaux outils le plus rapidement possible afin de réaffirmer qu’il n’y a pas de place pour l’habitat indigne dans la République.
Pour conclure, je parlerai du plan local d’urbanisme intercommunal, le PLUI, car, en matière de logement, l’offre répond d’abord à une planification intelligente et stratégique des territoires. Ne l’oublions pas, ce sont les documents d’urbanisme dont les élus se dotent qui déterminent les politiques locales de l’habitat. En ce sens, la refonte de la planification constitue une réponse à part entière à la crise du logement.
Les articles 63 et 64 ont eu le grand mérite de donner lieu à un très, très riche exercice de démocratie. (Rires au banc de la commission.) Le PLUI a sans doute été notre plus vif sujet de débat. En première lecture, j’ai défendu ma conviction : l’échelle intercommunale est la plus pertinente pour élaborer une planification véritablement stratégique, parce qu’elle permet à la fois de mutualiser les ingénieries et les savoirs et d’exprimer une solidarité territoriale.
Néanmoins, vous le savez, j’ai tenu à écouter les inquiétudes qui se sont traduites par l’introduction d’un amendement du rapporteur Claude Bérit-Débat visant à instituer une minorité de blocage en cas de transfert de compétence. En tant que démocrate, je suis très attachée au bicamérisme, car il constitue, de mon point de vue, l’un des garants de la force de la démocratie. Le Premier ministre a lui aussi écouté et entendu vos préoccupations, puisqu’il a pris l’engagement que, à l’issue du processus parlementaire, la définition de l’intérêt communautaire et le PLUI respecteraient l’intérêt des maires.
Pour ma part, je m’étais engagée auprès de vous à défendre ce principe d’une possibilité de blocage du transfert devant vos collègues députés. J’ai tenu cet engagement – je sais que nombre d’entre vous ont été attentifs aux propos précis que j’ai tenus en deuxième lecture à l’Assemblée nationale – non seulement parce que je considère que les engagements sont faits pour être tenus, mais aussi parce que je suis convaincue que, même lorsque les deux chambres ont des positions différentes, le débat parlementaire est l’un des principes fondateurs de la démocratie. La sincérité de ceux qui veulent aller plus vite vers le PLUI est tout aussi respectable que la sincérité de ceux qui craignent des effets contre-productifs si l’on brusque les élus locaux.
C’est après avoir entendu ces différentes positions que j’ai tenu mon engagement en déposant un amendement gouvernemental en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Je veux vous dire, là aussi avec sincérité, que votre volonté a été entendue et respectée par les députés. Ils n’ont certes pas adopté l’amendement gouvernemental dans sa rédaction initiale, qui reprenait la position du Sénat, mais ils ont fait un pas vers vous, en acceptant le principe d’une minorité de blocage permettant d’empêcher le transfert de la compétence.
J’ai défendu avec vigueur votre position et vos arguments à l’Assemblée nationale. Je souhaite que, pour votre part, vous entendiez la sincérité de la démarche des députés. C’est du reste le rôle particulier d’une représentante du Gouvernement que de se présenter successivement devant les deux chambres qui composent le Parlement.
Je sais que le PLUI est encore source de divergences, indépendamment – c’est une leçon politique – de l’appartenance partisane des uns et des autres. Il vous revient évidemment de déterminer la bonne manière de trouver une issue à ce débat. Je ne peux dire qu’une chose : démocrate convaincue de la force du bicamérisme, je sais pouvoir compter sur votre intelligence collective.
Je crois très profondément que ce sont cette intelligence collective et le travail de dialogue permanent au cours du processus parlementaire qui nous permettent de discuter aujourd’hui d’un texte de qualité. La navette a permis d’améliorer nombre de mesures – je le dis en toute simplicité et avec franchise –, mais aussi de conforter les grandes orientations politiques que traduit le projet de loi ALUR.
Vous avez été quelques-uns à souligner, de manière, ici, sarcastique, là, inquiète, que le projet de loi ALUR est sans doute le plus important de la Ve République en volume. Cependant, malgré ce volume important, nous avons effectué un travail précis et de qualité. Au début de cette deuxième et, j’en suis convaincue, dernière lecture, je veux très sincèrement remercier tous les sénateurs et toutes les sénatrices qui ont travaillé sur ce texte. Ce débat parlementaire honore notre démocratie.
Le projet de loi ALUR est un texte aux objectifs ambitieux, qui s’attaque aux causes profondes de la crise du logement. Je crois que, grâce à ce projet de loi, nous pourrons nous féliciter d’avoir proposé des réponses clairvoyantes face à un mal qui touche trop de nos concitoyens.
La clé, c’est un égal accès au logement pour tous et toutes par un urbanisme rénové ; je crois que vous l’avez compris et que vous avez fait vôtre cette ambition. Je vous remercie infiniment de votre écoute et nous souhaite de très bons travaux de deuxième lecture ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques se réjouit que le Sénat examine à nouveau aujourd’hui le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture le 17 janvier et par nous-mêmes, en première lecture, le 26 octobre dernier.
En effet, la commission soutient résolument ce projet de loi ambitieux qui vise à apporter des réponses à la crise du logement subie par nos concitoyens, notamment en instituant un dispositif d’encadrement des loyers, en créant la garantie universelle des loyers, en réformant les professions immobilières, en renforçant la lutte contre l’habitat indigne et contre les « marchands de sommeil », en introduisant des mesures ambitieuses pour la prévention et le traitement des copropriétés dégradées – sujet qui, vous le savez, madame la ministre, me tient particulièrement à cœur –, en réformant les procédures d’attribution des logements sociaux et la gouvernance d’Action logement, en renforçant la couverture du territoire national par les schémas de cohérence territoriale, les SCOT.
On ne peut que saluer l’engagement du Gouvernement et votre mobilisation, madame la ministre, pour apporter des réponses appropriées sur tous les fronts de cette crise du logement.
Comme en première lecture, mon collègue et ami Claude Bérit-Débat et moi nous sommes partagés le travail : je traite des titres Ier et II, tandis qu’il a la charge du titre III et, surtout, du titre IV, dont je ne doute pas que nous parlerons abondamment dans les heures et les jours à venir.
Pour ce qui concerne les titres Ier et II, je commencerai par citer quelques chiffres : ces titres comptent 104 articles ; en première lecture, le Sénat en a voté 23 conformes ; en deuxième lecture, les députés ont à leur tour adopté 38 articles conformes. Autrement dit, pour ces deux titres, une quarantaine d’articles restent en discussion, dont une vingtaine n’ont pas été modifiés, la semaine dernière, par la commission des affaires économiques.
Ces quelques chiffres montrent les larges convergences existant, sur les titres Ier et II, entre l’Assemblée nationale et la Haute Assemblée. La commission se félicite de ce que les députés aient maintenu la plupart des dispositions introduites par le Sénat en première lecture. Cela témoigne une fois encore, mes chers collègues, de la qualité de nos travaux et de la pertinence de nos observations.
À ce sujet, je tiens également à souligner la qualité des échanges que j’ai pu avoir avec mon homologue de l’Assemblée nationale, Daniel Goldberg, du début de l’examen du projet de loi jusqu’à aujourd’hui, où nous nous sommes encore parlé.
S’agissant du titre Ier, je souhaite faire plusieurs remarques, d’abord sur les dispositions relatives à la modernisation des rapports entre bailleurs et locataires, autrement dit à la loi du 6 juillet 1989. En l’espèce, les mesures adoptées par le Sénat sur le contrat de location type, sur l’état des lieux, sur les délais de préavis ou sur le dispositif d’encadrement des loyers ont été ajustées à la marge par les députés.
La seule nouvelle disposition importante porte sur l’encadrement des frais d’agence à la location : comme vous l’aviez laissé entendre devant le Sénat en première lecture, madame la ministre, le dispositif a été assoupli en concertation avec les professionnels.
En ce qui concerne les dispositions portant sur les meublés de tourisme, introduites en première lecture par les députés et qui intéressent essentiellement Paris et les grandes villes, elles ont été, pour la plupart, votées conformes.
Sur les parties du texte relatives à la loi de 1989, la commission des affaires économiques n’a adopté que des amendements rédactionnels et de précision ne remettant pas en cause les principales dispositions de ce projet de loi qui est, je souhaite le souligner une fois encore, un texte d’équilibre.
Concernant la garantie universelle des loyers, le dispositif a été largement complété par les députés, et vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que je souhaite m’attarder sur cet aspect du texte.
En première lecture, j’avais qualifié, peut-être un peu maladroitement, le dispositif du projet de loi de « squelettique », terme largement repris par M. le président de la commission. Nous nous étions donc efforcés de le préciser. À l’occasion de nos débats, le président Daniel Raoul avait annoncé la création d’un groupe de travail sur cette question, ayant pour mission de faire des propositions d’ici à la deuxième lecture.
Ce groupe, composé de représentants de tous les groupes politiques, a été mis en place et a travaillé sous la présidence de Daniel Raoul, notre collègue Jacques Mézard étant rapporteur. Il a dû œuvrer à marche forcée, en raison de l’accélération du calendrier, mais je pense pouvoir dire qu’il a travaillé dans un esprit constructif et a permis de faire converger les points de vue. Je tiens d’ailleurs à saluer l’initiative du président Raoul et la qualité des propositions formulées par M. Mézard, ainsi que la contribution de l’ensemble des membres du groupe de travail.
Les conclusions adoptées ont été présentées avant Noël, quelques jours avant l’examen du projet de loi en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, à l’occasion duquel le Gouvernement a proposé un dispositif beaucoup plus étoffé.
Ce dispositif converge d’ailleurs assez largement avec les propositions du groupe de travail. En effet, il combine une « garantie publique socle » universelle et une assurance complémentaire facultative. Il se caractérise en outre par un financement par le biais du budget du logement et des crédits d’Action logement, par un plafonnement de la « garantie socle » au niveau du loyer de référence dans les zones tendues, avec un taux d’effort des locataires couverts pouvant atteindre 50 %, et par une gestion confiée à un établissement public léger délégant ses missions à des organismes agréés. Par ailleurs, il contient des dispositions visant à responsabiliser les acteurs, aussi bien les locataires que les bailleurs. Enfin, sa mise en œuvre est prévue de façon progressive sur le flux des nouveaux contrats.
Pour autant, le dispositif de l’article 8 diffère des propositions du groupe de travail sur deux points loin d’être secondaires : le caractère obligatoire et la suppression de la caution, deux questions d’ailleurs étroitement liées.
Sur ces deux éléments, j’ai souhaité que le débat puisse avoir lieu en séance publique. Aussi, même si la commission a adopté, sur mon initiative, une trentaine d’amendements, il ne s’agit que d’amendements rédactionnels et de précision, dont certains sont cependant loin d’être anecdotiques : par exemple, la commission a souhaité préciser qu’il ne reviendrait pas au bailleur de vérifier que le locataire est éligible à la GUL, c’est-à-dire qu’il n’a pas de dettes à l’égard de l’agence de la GUL ou qu’il n’a pas fait de fausse déclaration, l’obligation de contrôle prévue par le projet de loi étant satisfaite par la remise d’une attestation au locataire par l’agence. Cette solution me paraît à la fois sécurisante pour les bailleurs et respectueuse de la vie privée des locataires. Elle est donc à même de répondre à certaines inquiétudes exprimées en commission.
Dans le même esprit, la commission a clarifié les missions des organismes agréés par l’agence de la GUL. Je souhaitais, en effet, que figure clairement dans le texte l’obligation d’information du locataire sur les déclarations d’impayés de loyer, sur les conséquences de cette déclaration et sur les voies de recours dont il peut disposer.
Cependant, comme je l’ai indiqué, je n’ai pas souhaité déposer d’amendements relatifs à la question de la caution.
Madame la ministre, vous avez fait part de sérieuses réserves constitutionnelles quant à la suppression de la caution. J’estime moi aussi qu’il ne faut pas prendre le risque d’une censure, et je suis donc défavorable, comme, je crois, la majorité du groupe de travail, à la suppression de la caution, non pas sur le fond, mais par pragmatisme.
La commission des affaires économiques exprimera en revanche un avis favorable aux amendements de M. Mézard, rapporteur du groupe de travail, visant à renforcer le caractère automatique de la GUL, amendements qui sont totalement cohérents avec les conclusions de ce dernier.
Pour ce qui concerne la réforme de la loi Hoguet, les députés ont, sur l’initiative du Gouvernement, précisé les missions ainsi que la composition du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, et prévu la création d’une ou de plusieurs commissions de contrôle à la place des commissions régionales ou interrégionales de contrôle.
La commission des affaires économiques vous proposera de clarifier les dispositions relatives aux commissions de contrôle : elle estime préférable d’indiquer clairement dans la loi qu’il n’existera qu’une seule commission de contrôle, à vocation nationale.
S’agissant des dispositions du chapitre V, relatif à l’hébergement et à la prévention des expulsions, nous avons incorporé dans notre texte plusieurs modifications introduites par les députés.
Ainsi, à l’article 10 A, nous avons approuvé une avancée tendant à accorder, par principe et sauf décision contraire du juge, le bénéfice de la trêve hivernale aux personnes dont l’expulsion a été ordonnée et qui sont entrées dans les locaux par voie de fait, alors que le droit en vigueur prévoit, de manière rigoureuse, l’inapplicabilité de la trêve hivernale dans cette hypothèse. Mes chers collègues, ce n’est pas une révolution, puisque tel était le droit applicable de 1956 à 1991.
En outre, à l’article 12, nous avons également entériné l’initiative de Jean-Louis Touraine, qui, dans le prolongement du rapport sur le droit d’asile qu’il a élaboré avec Valérie Létard, distingue clairement deux parcs d’hébergement : d’un côté, celui qui est destiné aux usagers des SIAO, les services intégrés d’accueil et d’orientation ; de l’autre, l’ensemble des places d’hébergement relevant du dispositif national de l’asile et ne pouvant pas être mises à la disposition du public généraliste.
La commission a par ailleurs précisé, au même article, les dispositions relatives au secret professionnel, dans l’intérêt des personnes ayant recours au dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement.
Elle a également adopté, sur l’initiative de Marie-Noëlle Lienemann, une disposition constituant une avancée décisive pour le droit à l’information des personnes accueillies en centre d’hébergement. Je suis très favorable à cette mesure, car les personnes hébergées sont généralement dans une situation de fragilité et il est indispensable de les informer sur leurs droits fondamentaux, ainsi que sur les moyens concrets de les défendre.
Enfin, à l’article 21, sur une autre initiative de Jean-Louis Touraine, les députés ont choisi de maintenir le dispositif spécifique de domiciliation des demandeurs d’asile existant actuellement, qui repose sur des organismes agréés par arrêté préfectoral, et de ne pas étendre à ces personnes le dispositif de droit commun.
Toujours sur ce sujet, le texte adopté par l’Assemblée nationale précise que la domiciliation permet l’exercice des seuls droits civils – aide médicale d’État, droit au séjour au titre de l’asile, aide juridictionnelle – dont la loi reconnaît le bénéfice aux étrangers en situation irrégulière.
Sur tous ces points la commission a perfectionné la rédaction du texte tout en préservant son équilibre général.
En ce qui concerne le chapitre VI, relatif à l’habitat participatif, les députés ont apporté plusieurs précisions utiles : sur la question essentielle de l’encadrement des prix de cession des parts sociales, ils ont, après de longs débats, estimé préférable de se rapprocher du texte adopté par le Sénat, lequel privilégie le principe de non-spéculation – c’est bien de cela qu’il s’agit –, en se fondant sur l’indice de référence des loyers.
J’en viens au titre II du projet de loi, qui porte sur les copropriétés dégradées et la lutte contre l’habitat indigne.
S’agissant des dispositions relatives aux copropriétés dégradées, la commission se réjouit de la large approbation qu’elles ont suscitée, au-delà des clivages politiques, tant en première lecture dans cet hémicycle qu’à l’Assemblée nationale, et se félicite des mesures qui ont été ajoutées ou précisées en deuxième lecture par les députés.
Je souhaite m’attarder sur deux d’entre elles.
D’une part, les députés ont précisé que les fonds de travaux créés par le projet de loi, sur une recommandation de notre ancien collègue Dominique Braye, s’appliqueront à l’ensemble des copropriétés, quelle que soit leur taille. Nous étions nombreux, au premier rang desquels notre collègue René Vandierendonck, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, et moi-même, à souhaiter qu’il en soit ainsi. Il s’agit en effet d’une disposition essentielle pour prévenir la dégradation des copropriétés.
D’autre part, le Sénat avait introduit, sur mon initiative, une disposition imposant aux copropriétaires, ainsi qu’aux syndicats de copropriétaires, de souscrire une assurance responsabilité civile. J’ai noté, à l’occasion de mes travaux sur les copropriétés dégradées, que de nombreux copropriétaires, occupants mais surtout bailleurs, ne sont pas assurés, ce qui peut occasionner de graves difficultés pour les copropriétés, surtout quand elles sont fragiles. Les députés ont complété utilement cette disposition, en imposant au syndic de soumettre â l’assemblée générale de copropriété le principe de la souscription d’une assurance et en lui permettant de souscrire une assurance pour le compte du syndicat de copropriétaires.
Il n’a pas été possible, pour l’instant, d’aller plus loin pour ce qui concerne les copropriétaires. En effet, le contrôle du respect de cette obligation serait ingérable du point de vue des syndics. Néanmoins, force est de constater que le Sénat a, sur cette question comme sur d’autres, montré le chemin. Je compte pour ma part, madame la ministre, continuer à travailler sur ce sujet, même après l’adoption du présent texte.
Pour ce qui concerne le volet du projet de loi portant sur la lutte contre l’habitat indigne, je me félicite de ce que la plupart des articles aient été adoptés conformes par les députés, notamment ceux qui renforcent les moyens de lutte contre les marchands de sommeil. Sur ces dispositions aussi, la commission des affaires économiques n’a adopté que des amendements rédactionnels ou de précision.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite bien entendu à approuver ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)