M. le président. La parole est à Mme Natacha Bouchart, sur l'article.
Mme Natacha Bouchart. Le dispositif Pacitel est, comme chacun le sait ici, une liste regroupant les numéros de téléphones de personnes s’opposant explicitement au démarchage téléphonique.
Pour que le dispositif fonctionne, il faut que toutes les entreprises aient l’obligation de croiser cette liste avec leurs fichiers de prospects.
Nous avons entendu, à l’occasion de nos débats en première lecture, que certains d’entre nous proposent d’inverser cette logique en instaurant une liste « positive » sur laquelle devraient s’inscrire les personnes souhaitant être démarchées. L’instauration d’une telle liste porterait un coup d’arrêt brutal à l’activité des centres d’appels en France et aurait de très graves conséquences en termes d’emplois pour l’ensemble de la filière de la relation client.
Rien que dans le Pas-de-Calais, département dont je suis l’élue, quelque 1 300 emplois sont concernés ; à Boulogne-sur-Mer – berceau du ministre des transports – et à Calais, 70 % de l’activité concerne les appels sortants. L’impact social serait d’autant plus important que les call centers permettent souvent d’employer des personnes sans qualification supérieure et donc de lutter contre le chômage dans des territoires en reconversion industrielle.
À Calais, la société Armatis continue de se développer et prévoit de créer 350 nouveaux emplois cette année. Nous ne devons pas freiner cet élan favorable à l’emploi !
Ces dispositions mettraient également en difficulté de nombreuses PME pour lesquelles le démarchage téléphonique est tout simplement vital : selon une étude du syndicat national de la communication directe menée en juillet 2012, près de 180 000 PME seraient confrontées à de très graves difficultés en cas d’introduction d’une liste « positive » de cette nature.
Nul ne conteste la nécessité de protéger le consommateur contre les intrusions d’un démarchage téléphonique abusif. Toutefois, cela doit être fait en pensant aussi aux intérêts des salariés : la prospection téléphonique est créatrice d’emplois, en particulier dans les régions les plus durement touchées par le chômage.
Aujourd’hui, nous devons conserver Pacitel. Rappelons que cette liste a déjà convaincu plus de un million de consommateurs et que 3 000 personnes s’y inscrivent chaque semaine. Nous devons renforcer le dispositif en rendant obligatoire son utilisation par toutes les entreprises ayant recours à la prospection téléphonique, ainsi qu’en facilitant encore les conditions d’inscription.
Les députés ont rétabli le texte d’origine, c’est-à-dire un renforcement du dispositif. Chers collègues, pensez aux emplois dans nos régions en confirmant le vote de l’Assemblée nationale.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 39, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
1° Avant l'alinéa 1
Insérer neuf alinéas ainsi rédigés :
I. - A. - Après l'article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 34-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-5-1. - Lors de la conclusion d'un contrat de fourniture de service téléphonique au public, l'opérateur de communications électroniques doit recueillir le consentement exprès de l'abonné, personne physique, pour l'utilisation par voie téléphonique, par un tiers au contrat, de ses données à caractère personnel à des fins de prospection directe. »
B. - Après le quatorzième alinéa de l'article L. 121-83 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) La mention du consentement ou du refus du consommateur quant à l'utilisation de ses données à caractère personnel à des fins de prospection directe. »
II. - Après l'article L. 39-3-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 39-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 39-3-2. - Les infractions à l'article L. 34-5-1 sont punies d'une amende de 45 000 €. »
III. - A. - Pour les contrats en cours, l'opérateur de communications électroniques recueille le consentement de l'abonné, personne physique, dans le délai d'un an à compter de la publication de la présente loi selon des modalités fixées par voie réglementaire.
À défaut de réponse de l'abonné dans le délai de deux mois à compter de la demande de l'opérateur, son consentement est réputé acquis.
B. - Le non-respect de cette obligation est puni de la peine d'amende prévue à l'article L. 39-3-2 du code des postes et des communications électroniques.
2° En conséquence, alinéa 1
Faire précéder cet alinéa de la mention :
IV. -
3° Alinéa 71
Supprimer cet alinéa.
4° Alinéas 171 à 182
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je souhaite, par cet amendement, que le Sénat confirme son vote unanime de la proposition de loi que nous avions présentée le 28 avril 2011 visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique.
Il ne s’agit pas de faire le procès systématique des centres d’appels. Certains font très correctement leur travail, respectant la déontologie et l’éthique nécessaires. D’autres, nous le savons, font n’importe quoi, n’importe comment et à n’importe quelle heure. J’en veux pour preuve les dizaines de milliers de protestations de nos concitoyens victimes, chez eux, de ce qui s’apparente parfois à des agressions téléphoniques.
Je connais le lobbying des fédérations professionnelles des entreprises de démarchage, qui viennent de s’exprimer… Nous les avons tous reçues. Or tout le monde sait que le dispositif Pacitel ne fonctionne pas et que c’est une fumisterie. Ceux qui s’y sont inscrits en ont fait l’expérience ! Ce n’est donc pas la solution.
Je pensais que cette proposition de loi, votée à l’unanimité par le Sénat, permettrait utilement et opportunément au Gouvernement d’engager les discussions avec les responsables de ces fédérations, afin de les amener à progresser dans le démarchage et à rapatrier en France nombre d’emplois. En effet, pour dire les choses telles qu’elles sont, la plupart de ces centres d’appels fonctionnent depuis le Maroc, l’Inde ou ailleurs… Les 110 000 emplois en suspens constituent donc, là encore, une fumisterie !
Je le répète, nous avons voté cette proposition de loi le 28 avril 2011, à l’unanimité. Nous avons également voté des dispositions similaires lors de la discussion du projet de loi de M. Lefebvre renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, en adoptant les propositions de Mme Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois, dont je citerai les propos lors de mon explication de vote.
Il faut aussi, monsieur le ministre, que le Sénat soit respecté. J’ai sous les yeux un article du journal Le Canard enchaîné du 6 novembre 2013 ; on y lit, dans un article intitulé Simple comme plein de coups de fil, relatif au dispositif Pacitel, qu’un de vos conseillers a déclaré « avant de s’énerver carrément », relate l’auteur de l’article : « Soyons clairs : cet amendement, c’est surtout des parlementaires qui ne veulent pas être dérangés pendant leurs repas ! Mais de là à tirer un trait sur 50 000 emplois ! » (Marques d’étonnement sur les travées de l'UMP.)
Nous en avons parlé, monsieur le ministre, et nous connaissons tous votre souci du débat démocratique et le respect du Parlement dont vous témoignez à chacune de vos venues. Toutefois, ces propos démontrent l’absence de considération d’un certain nombre de membres des cabinets ministériels à l’égard des parlementaires que nous sommes. Cela doit être dit et répété autant que nécessaire !
Je développerai mon argumentation plus avant lors de mon explication de vote. Je crois non seulement que le Sénat ne saurait se déjuger, mais aussi qu’il a un message à faire passer, aussi bien au Gouvernement qu’à ceux qui ont mis Pacitel en place.
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 213, présenté par M. Le Cam, Mmes Didier, Schurch et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 67
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 121-20. – Le démarchage téléphonique à des fins commerciales est interdit. »
II. – Alinéas 68 à 72
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont favorables à l’amendement n° 39, qui va un peu plus loin que la proposition de l’Assemblée nationale, laquelle ne change pas grand-chose au droit actuel. En effet, l’option dite de l’opt out, ou option d’exclusion, par laquelle il appartient au consommateur de s’opposer volontairement et de manière expresse à l’utilisation de son numéro de téléphone, n’est pas bonne.
Vous nous dites, cher collègue, que vous souhaitez rétablir le principe du consentement préalable du consommateur à être démarché par voie téléphonique. En réalité, les dispositions de votre amendement prévoient qu’à défaut de réponse de l’abonné dans le délai de deux mois à compter de la demande de l’opérateur, son consentement est réputé acquis. Autrement dit, le principe du consentement au démarchage n’est pas complet : l’usager qui ne répond pas pourra être démarché, même s’il ne le souhaitait pas.
Telle est la raison pour laquelle nous proposons, par notre amendement, d’interdire purement et simplement le démarchage téléphonique à des fins commerciales. En effet, comme vous le faites remarquer, il est nécessaire de protéger les personnes les plus fragiles contre cette méthode agressive de commercialisation. Cependant, l’option de l’opt in, ou option d’inclusion, telle que vous nous la proposez, ne permet pas de considérer tous les consommateurs comme opposés à l’utilisation de leur numéro de téléphone à des fins de marketing direct, sauf ceux ayant émis une volonté expresse contraire.
Il faudrait aller un peu plus loin et prévoir que le silence équivaut à un refus, ce qui permettrait d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. Tel est l’objet de notre amendement.
En solution repli, nous vous proposons de rectifier votre texte en insérant le mot « non » avant le mot « acquis ».
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 180
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à supprimer l’exception, dont bénéficie « la prospection en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines », à l’interdiction qu’ont les professionnels de démarcher téléphoniquement les personnes inscrites sur la liste d’opposition créée par l’article 5.
Nous comprenons tout à fait la logique qui a conduit à faire figurer cette exception en faveur de la presse dans le texte. Il s’agit en effet d’un secteur en grande difficulté, auquel nous sommes tous très attachés. Pour autant, s’agissant du démarchage téléphonique, il nous semble que nous ne pouvons tolérer aucune exception. Si l’on propose au consommateur de s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage, comment lui expliquer que cette opposition n’est pas valable pour certains types de produits ou services ? Pour nous, cela n’est pas acceptable.
Nous l’avons dit lors de la présentation de notre amendement précédent, nous préférerions à la liste d’opposition au démarchage une liste « positive » sur laquelle figureraient les consommateurs acceptant expressément d’être démarchés. Les professionnels ne pourraient pas contacter les consommateurs ne figurant pas sur cette liste.
Cela étant, je veux répondre à une objection qui vient d’être faite concernant l’amendement n° 39, qui, je le redis, reprend une proposition de loi qui avait été adoptée à l’unanimité en 2011 au Sénat.
Si nous avons considéré que le silence des consommateurs valait acceptation, c’est parce qu’il serait extrêmement compliqué de faire fonctionner le système autrement. Je rappelle qu’avec notre collègue Pillet, qui était le rapporteur de ce texte, nous étions parvenus à cette solution, qui était le fruit non pas d’un compromis, mais d’une concertation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’amendement n° 39, qui vise à réintroduire le principe du consentement préalable du consommateur à être démarché par voie téléphonique, est contraire à la philosophie, d’une part, du texte initial du Gouvernement et, d’autre part, de l’amendement adopté, sur mon initiative, par la commission des affaires économiques, lequel tend à renforcer l’effectivité du dispositif prévu par le présent projet de loi.
Le texte adopté par la commission prévoit en effet de créer une obligation d’information sur l’existence de la liste d’opposition au démarchage téléphonique, de préciser que l’inscription sur la liste d’opposition est gratuite pour le consommateur, d’éviter le contournement de l’interdiction de démarchage via des opérateurs situés à l’étranger, d’interdire l’utilisation des numéros masqués lors d’un démarchage téléphonique et d’obliger un professionnel qui vend ou loue un fichier à supprimer les données relatives aux personnes inscrites sur la liste d’opposition au démarchage.
Ainsi, nous aurons désormais un dispositif de lutte contre le démarchage téléphonique équilibré : il sera très protecteur pour les consommateurs, très sévère pour les entreprises fautives, mais il permettra de ne pas détruire un secteur d’activité employant des dizaines de milliers de personnes, certes à l’étranger, mais aussi en France.
J’entends l’argument de M. Mézard, selon lequel le Sénat avait adopté à l’unanimité la proposition de loi présentée par son groupe. À l’époque, cependant, nous débattions du dispositif Pacitel avec Frédéric Lefebvre, alors secrétaire d’État. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui, même si j’entends encore certains louer un système dont j’ai été l’un des premiers à critiquer l’efficacité.
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
L’argument sera le même pour l’amendement n° 213 : le projet de loi met en place un dispositif de protection ambitieux contre les excès du démarchage téléphonique commercial. C’est pourquoi la commission a également émis un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 40. L’état dans lequel se trouve la presse permet qu’une petite exception au principe fixé dans le projet de loi soit tolérée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. M. Mézard connaît parfaitement ma position : en plus de la lui avoir donnée lors des précédentes étapes de l’examen de ce texte, nous en avons parlé directement.
Il est incontestable que le démarchage téléphonique peut être une pratique très intrusive dans la vie de bon nombre de nos concitoyens, qui supportent assez mal d’être dérangés le soir, chez eux, pour se voir proposer un produit commercial, un abonnement téléphonique ou à internet, par exemple.
Les auteurs des amendements dont nous discutons font un diagnostic indiscutable sur les dysfonctionnements du dispositif Pacitel. En effet, si les consommateurs devaient s’inscrire sur un fichier, rien n’imposait au démarcheur de croiser ce dernier avec sa liste de clients à interroger. Le système reposait sur le volontariat du démarcheur. Dès lors, les consommateurs qui pensaient avoir mis leur numéro sur liste rouge étaient très surpris de recevoir des appels.
Le Gouvernement a souhaité obliger toute entreprise à croiser son « fichier prospects » avec le fichier Pacitel. S’il s’est arrêté là, c’est parce que le secteur de la relation client représente 233 000 emplois en France. En son sein, 117 000 emplois relèvent du marketing direct, dont 55 000 emplois sont recensés dans les call centers. L’activité de ces derniers dépend de la demande de certaines entreprises, dont la prospérité repose pour beaucoup sur ce démarchage.
On peut comprendre qu’une personne ne voulant pas faire l’objet de démarchages ne soit pas appelée. Mais, si elle ne le fait pas savoir, il paraît normal qu’elle puisse recevoir ce type d’appels.
Monsieur Mézard, l’amendement que vous avez présenté tend à introduire le principe d’une liste « positive », c’est-à-dire d’un fichier contenant le nom des personnes qui acceptent d’être démarchées. Peut-être que certaines personnes s’inscriront, mais elles seront, en tout cas, moins nombreuses que dans le fichier Pacitel…
Mme Natacha Bouchart. Personne ne s’inscrira !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Dans la situation économique difficile que la France traverse, certaines entreprises pourraient avoir du mal à atteindre leurs objectifs si elles ne peuvent pas interroger autant de consommateurs qu’elles le souhaitent.
Je comprends parfaitement votre préoccupation, et je l’estime légitime. Ces intrusions peuvent être insupportables. Elles le sont d’autant plus qu’elles ne sont pas toujours réalisées dans le respect des règles de courtoisie les plus élémentaires. Toutefois, le Gouvernement a voulu élaborer un dispositif équilibré, qui préserve les emplois sur le territoire français, notamment dans les call centers. Reste que je prends note de l’argument selon lequel nous aurions pu – il n’est jamais trop tard ! – engager des discussions avec les quelques grandes entreprises qui ont délocalisé leur call center, pour leur indiquer que le Parlement les presse de relocaliser une partie de ces emplois.
Dans ces conditions, même s’il appartient au Sénat de décider s’il faut ou non instaurer une liste « positive », le Gouvernement, sans surprise, émet un avis défavorable.
L’argumentaire sera sensiblement le même pour l’amendement n° 213, monsieur Le Cam. Je vais d’ailleurs tâcher de vous montrer à quel point le sujet est difficile, en prenant un exemple.
Il peut arriver qu’EDF considère le contrat de fourniture d’énergie signé par un consommateur comme n’étant pas le bon. L’entreprise peut donc souhaiter solliciter son client pour lui faire une nouvelle proposition commerciale. S’agit-il alors du suivi d’un contrat en cours ou d’une proposition commerciale ? Au regard de l’amendement n° 213, ce démarchage est-il autorisé ou interdit ? La réponse dépendra sans doute de la phrase qui introduira la discussion téléphonique.
Il me semble que l’interdiction du démarchage commercial, à laquelle tend cet amendement, peut avoir des conséquences réelles pour certaines entreprises, même si je sais bien qu’aucun des partisans de l’interdiction du démarchage ne veut supprimer des emplois. En tout état de cause, le Gouvernement estime que l’équilibre actuel est meilleur ; il émet donc un avis défavorable.
Enfin, le Gouvernement pourrait s’en remettre à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 40 si l’amendement n° 39 devait être rejeté… Je doute cependant qu’il ait à se prononcer. Même si je ne prétends pas avoir une grande expérience du Sénat, il m’arrive parfois d’anticiper ses votes. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Tout le monde, ici, a fait le constat de l’échec complet du dispositif Pacitel. Il n’aura guère fonctionné plus de deux ou trois mois.
Il faut voir l’acharnement, pour ne pas dire le harcèlement dont sont victimes certains de nos compatriotes, en particulier entre midi et quatorze heures trente ou entre dix-neuf et vingt et une heures. Il est totalement insupportable, surtout pour des personnes qui ont déjà des problèmes personnels, d’être dérangé par des démarchages indétectables au premier abord et de se laisser entraîner, je pense notamment aux personnes âgées, par ces sollicitations.
Aussi, malgré l’avis donné – peut-être un peu rapidement – par la commission, je demande au Sénat de voter l’amendement n° 39.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote sur l’amendement n° 39.
M. Joël Labbé. En première lecture, le groupe écologiste avait déposé un amendement similaire à celui dont nous discutons.
Parmi les personnes dérangées par le démarchage, dont parlait il y a un instant M. le ministre, certaines le font savoir, d’autres, les plus vulnérables, sont les victimes silencieuses de cette forme de vente forcée.
Dès lors, le groupe écologiste votera l’amendement n° 39.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. J’ai une question : ce type de dispositif existe-t-il aussi pour les démarchages par SMS ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je remercie les intervenants qui viennent de s’exprimer. Je tiens néanmoins à apporter quelques précisions sur le dispositif de l’amendement, qui reprend, je le rappelle afin qu’il n’y ait pas de caricature possible, le texte de la proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat.
Deux situations différentes sont prévues.
D’une part, lors de la conclusion d’un nouveau contrat, « l’opérateur de communications électroniques doit recueillir le consentement exprès de l’abonné, […], pour l’utilisation […], par un tiers au contrat, de ses données à caractère personnel », ce qui paraît logique.
D’autre part, pour les contrats en cours, soit l’immense majorité des cas, « l’opérateur de communications électroniques recueille le consentement de l’abonné, personne physique, dans le délai d’un an à compter de la publication de la présente loi ». Il est précisé que, « à défaut de réponse de l’abonné dans le délai de deux mois à compter de la demande de l’opérateur, son consentement est réputé acquis ». C’est cette dernière phrase qui pose problème aux membres du groupe CRC. Je peux le comprendre, mais cette rédaction est le résultat d’un consensus et de la volonté de rechercher des dispositions qui soient applicables.
N’y voyez aucune provocation, monsieur le ministre, mais vous tenez le même langage que votre prédécesseur à la consommation, M. Lefebvre.
M. Gérard Cornu. Ah ?
M. Jacques Mézard. J’enlèverai seulement la référence à Zadig et Voltaire. (Sourires.)
Il est légitime de s’inquiéter du sort des centres d’appels qui font correctement leur travail et qui se situent sur le territoire national. Toutefois, il eût été sage de faire évoluer ce texte mesuré – n’oublions pas que ces centres se regroupent en fédérations –, afin que cesse la situation très justement décriée par Nicole Bonnefoy lors de l’examen du projet de loi sur la consommation en décembre 2011. En séance, elle rappelait : « La commission des lois a suggéré de reprendre la proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard, adoptée à l’unanimité par le Sénat au mois d’avril dernier. En effet, la nécessité de s’inscrire par internet sur la liste d’opposition Pacitel écartera de facto les personnes âgées, celles qui sont les plus vulnérables à ce type de démarchage. » C’est la réalité !
J’ajoute que l’on trouve de tout chez les démarcheurs. Certains font très bien leur travail, avec beaucoup de courtoisie. D’autres utilisent ce démarchage, disons-le, pour plumer nos concitoyens qui n’ont pas les moyens de se défendre.
Tout le monde reconnaît que Pacitel est un échec. C’est pourquoi la modification du présent projet de loi introduite à l’Assemblée nationale est, à mon sens, insuffisante. Je sais bien, monsieur le ministre, que, si cet amendement est adopté, l’Assemblée nationale va à nouveau se transformer en machine à détruire les votes du Sénat ! Ne sommes-nous pas archaïques, aux dires d’un président de groupe de cette assemblée ? Malgré cela, il faut avancer sur ce dossier. Nous parlons de la protection des consommateurs, et il n’est ni juste ni normal de laisser des millions de nos concitoyens être traités de cette manière !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je n’ai aucun problème à être comparé à Frédéric Lefebvre, tant que cette comparaison se limite à nos fonctions respectives de porte-parole du PS et de l’UMP… Reste qu’il a voté le présent projet de loi à l’Assemblée nationale, ce dont je me réjouis.
Je voudrais insister sur les différences existant entre le projet de loi défendu par Frédéric Lefebvre et le nôtre. Entre autres dispositions, le texte que nous examinons prévoit une forte augmentation du quantum pour l’abus de faiblesse ; il fait passer le délai de rétractation de sept à quatorze jours ; il interdit la perception des paiements pendant sept jours, ainsi que la vente des listes où figurent des noms tirés du fichier Pacitel. Le Gouvernement a en effet cherché à trouver un équilibre entre le maintien des emplois dans les call centers en France, l’activité économique des entreprises qui ont besoin du démarchage commercial et la préservation de la vie privée de nos concitoyens.
J’entends ce que dit M. Mézard, mais les apports tout à fait déterminants du Sénat sur le crédit ou l’optique n’ont pas été « démontés » par l’Assemblée nationale. Ce sont même deux domaines dans lesquels les sénateurs auront largement devancé les députés.
M. le président. La parole est à Mme Natacha Bouchart, pour explication de vote.
Mme Natacha Bouchart. Je confirme les propos que j’ai tenus précédemment en ajoutant que plusieurs de nos collègues – après réflexion, et non par archaïsme – sont également contre la liste « positive ». Je ne me sens pas aujourd’hui archaïque ! Je suis quelqu’un qui raisonne, qui observe, qui reçoit les entrepreneurs, qui regarde non seulement son bassin d’emploi mais aussi celui de ses voisins.
Ne tuons pas les call centers en France ! S’il y a des entreprises à l’étranger qui ne fonctionnent pas correctement, nous ne sommes pas responsables. En France, tous les call centers font leur travail et sont prêts à continuer les échanges avec nous. Je voterai donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Le président Raoul a raison, ces démarchages sont insupportables. En tant que représentant des Français établis hors de France, je pense à nos compatriotes qui se rendent à l’étranger avec leur portable. Or c’est généralement quand on se trouve à l’autre bout du monde qu’on reçoit ce genre de coup de téléphone, au milieu de la nuit.