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Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Daniel Raoul, Claude Dilain, Claude Bérit-Débat, Mme Mireille Schurch, MM. Philippe Dallier, Michel Bécot et Mme Valérie Létard ;
Suppléants : MM. Jean Germain, Jean-Jacques Mirassou, Joël Labbé, Robert Tropeano, Gérard César, Mme Élisabeth Lamure et M. Jackie Pierre.
10
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de projets de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :
– du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 22 janvier 2014,
– et du projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, déposé sur le bureau du Sénat le 22 janvier 2014.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
Désignation d'un sénateur en mission temporaire
M. le président. Par courrier en date du 22 janvier 2014, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Michel Fontaine, sénateur de La Réunion, en mission temporaire auprès de M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur, et de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Cette mission portera sur l’accessibilité des personnes handicapées dans le domaine électoral.
Acte est donné de cette communication.
12
Candidatures à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire.
La commission des affaires économiques a présenté deux candidatures.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
13
Exercice par les élus locaux de leur mandat
Suite de la discussion en deuxième lecture et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat. (Mme la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation applaudit.)
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « notre démocratie locale », disait François Hollande dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, devant le millier d’élus rassemblés lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés sur l’initiative du Sénat, « est sans doute la plus singulière, puisqu’elle ne reconnaît à aucun moment un statut pour ses élus et que beaucoup sacrifient leur vie professionnelle à l’intérêt général ». Versons un pleur, que n’aura pas séché la première lecture de la présente proposition de loi au Sénat et qui s’est transformé en larme après le traitement que l’Assemblée nationale a fait subir à celle-ci…
De statut de l’élu, toujours point, mais une « charte de l’élu local » pour le rappeler à l’ordre. C’est à croire que, en France, l’administration des collectivités territoriales est confiée à une population à risque, ce dont on avait tardé à s’apercevoir… (Mme Muguette Dini rit.) « Proposition de loi de prévention de la délinquance des élus territoriaux » : ce titre serait donc plus accordé au texte que celui qui lui est resté. Les intéressés apprécieront !
Ils apprécieront encore plus après lecture des indications du dernier baromètre du Centre de recherches politiques de Sciences Po, le CEVIPOF, particulièrement moroses : les conseils municipaux arrivent largement en tête des institutions publiques auxquelles les citoyens font confiance, avec une cote de 62 % – 61 % pour le maire –, l’Assemblée nationale, à laquelle on doit ces exercices de flagellation publique, devant se contenter de 36 % – 41 % pour les députés –, et les médias, grands donneurs de leçons de moralité et prescripteurs de la politique gouvernementale, d’un ridicule 11 %.
Et l’on voudrait nous faire croire que « l’opinion » réclame absolument ce genre de mortification ! Dommage que le nouveau parti dévot n’ait pas encore trouvé son Molière ! (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. J’ai bien fait d’applaudir au début ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Je m’excite pour pas grand-chose, me dit-on. Pareil alignement d’évidences et de principes dont la transgression est déjà sévèrement sanctionnée par tous les codes possibles ne le mérite pas : ce n’est qu’un sacrifice sans conséquence à l’air du temps, qui fera plaisir aux députés sans ajouter autre chose qu’un peu de ridicule, vite oublié, à la pile des textes bavards que l’on vote à la chaîne. Et puis, prêter serment n’est-il pas la pratique de nombre de professions ?
Eh bien non : rendre obligatoire cette liturgie moralisatrice, c’est laisser croire qu’elle est souhaitable, donc alimenter, en pensant l’apaiser, la cabale anti-élus. On n’apaise pas la rumeur en lui donnant raison, on la combat par la démocratie et en laissant passer la justice quand il y a faute. La meilleure garantie de la probité des élus locaux, ce n’est pas la récitation d’un catéchisme, c’est le débat public et les électeurs, qui peuvent les renvoyer. La situation des élus n’a rien à voir avec celle de professionnels qui tiennent leur autorité d’une hiérarchie ou d’un ordre dont le fonctionnement démocratique ne saute pas aux yeux.
À ce jour, quel est le bilan des deux premières années de ce quinquennat pour les élus locaux ?
Toujours pas de statut, je l’ai dit, les fonctions municipales, depuis la monarchie de Juillet, sont toujours gratuites. Des manifestations de défiance du pouvoir sans cesse renouvelées – ce texte en rajoute. Aucun progrès sur le chapitre des retraites, domaine dans lequel le retard est le plus criant. Quant aux indemnités, l’extension de l’assiette des cotisations sociales, sans bénéfice dans la plupart des cas, les a fait baisser. La proposition de loi laisse intact le tableau issu de la loi relative à la démocratie de proximité, dernier grand texte à avoir fait avancer le statut de l’élu. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, sur lequel notre commission est opportunément revenue, prévoyait même de mettre à la charge des intéressés le financement de l’indemnité différentielle de fin de mandat, jusque-là assuré par la collectivité. De même, la fixation sans délibération de l’indemnité des maires des communes de moins de 3 500 habitants, longtemps attendue, a été restreinte aux communes de moins de 1 000 habitants.
En matière de sécurité juridique, le Gouvernement, apparemment tétanisé par la crainte d’une éventuelle bouffée médiatique, refuse toujours de valider la définition de la prise illégale d’intérêt votée par trois fois au Sénat, dont au moins deux à l’unanimité. Cela « n’irait pas dans le sens des lois actuelles tendant à la moralisation de la vie publique »… Quant à savoir l’effet desdites lois sur les mœurs, c’est une autre affaire, dont personne ne se préoccupe.
L’essentiel étant absent, qu’apporte le présent texte ? Un certain nombre de choses, évidemment,…
Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Merci d’y venir !
M. Pierre-Yves Collombat. … mais qui ne sont rien à côté des manques que j’ai rappelés.
M. le rapporteur a donné le détail de ces avancées ; je me contenterai de citer les plus significatives : l’extension aux communes de moins de 1 000 habitants des autorisations d’absence pour cause de campagne électorale, l’extension des crédits d’heures et des possibilités de remboursement de certains frais, l’exclusion de la fraction représentative des frais d’emploi des indemnités de fonction des revenus pris en compte pour le versement des prestations sociales sous conditions de ressources, le doublement de la durée de perception de l’allocation différentielle de fin de mandat – avec toutefois une réduction de moitié de l’indemnité à partir du septième mois –, l’instauration d’un plancher pour les dépenses de formation des élus à 2 % de l’enveloppe des indemnités de fonction, avec un principe de réutilisation, la neutralisation par l’Assemblée nationale des effets pervers du binôme pour tous sur l’indemnité des maires des chefs-lieux de canton.
Au final, je regrette de devoir le constater, peu de chose,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout de même !
M. Pierre-Yves Collombat. … en tout cas pas suffisamment pour inciter les membres du groupe que je représente à voter cette manifestation de défiance envers des élus qui « sacrifient leur vie professionnelle à l’intérêt général »… De grâce, moins de brosse à reluire, moins de pleurs, et plus d’actes ! (Mmes Hélène Lipietz et Virginie Klès applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voici donc le retour devant nous d’un texte qui vise à doter les élus locaux d’un statut, vieille revendication écologiste !
Toutefois, force est de constater que le texte qui nous est soumis ce soir est bien éloigné de celui que nous avons voté en première lecture il y a un an, au point que les auteurs de la proposition de loi, Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, n’y retrouvent plus leurs petits…
De fait, partant d’une amélioration des droits, nous en sommes arrivés à une mise en accusation des élus locaux, soupçonnés de vouloir abuser de leur mandat pour tester toutes les infractions du livre IV de notre code pénal. (Sourires.)
Pourquoi un tel écart entre la proposition de loi initiale et sa version remaniée ? Tout simplement parce que députés et sénateurs n’ont pas donné le même sens au mot « statut ».
En effet, notre assemblée a cherché à élaborer un statut juridique de l’élu, c’est-à-dire un ensemble de règles organisant la situation des élus et fixant leurs droits et obligations ; bref, nous avons voulu, à la suite des deux coauteurs de la proposition de loi, écrire un texte de loi.
De son côté, l’Assemblée nationale a entendu le mot « statut » dans son sens social, recouvrant un ensemble de droits et d’obligations socialement déterminés en vertu des valeurs qui ont cours dans un groupe culturel donné. C’est pourquoi les députés ont cru bon de doter les élus locaux d’une charte, qui doit être lue solennellement lors de leur entrée en fonction.
Seulement, l’Assemblée nationale, oubliant l’un des deux termes de la définition, n’a écrit qu’un duodécalogue de commandements, qui reprennent le droit existant, avec pour commencer cette injonction extraordinaire : « toi, élu, tu agiras conformément à la loi » !
Heureusement, notre rapporteur, dans son infinie sagesse, a su réduire cette charte à six commandements, en y intégrant l’un de mes amendements, ce qui est pour moi une consécration ! (Sourires.)
Restent encore cinq rappels à la loi avant remise aux parents – pardon, aux procureurs ! Ces rappels sont vagues, imprécis et visent tous des infractions ; c’est en quelque sorte le titre IV du code pénal pour les nuls !
En réalité, mes chers collègues, la seule règle déontologique qui doit s’imposer aux élus locaux est celle énoncée à l’alinéa 1er de la charte dans la version adoptée par la commission : « l’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité ». Tout le reste est vain, et surtout non juridique.
Par ailleurs, qu’est-ce qu’une charte qui comporte seulement des obligations, et aucun droit ?
La charte de développement de feu les pays, les chartes de la participation citoyenne, la charte de la déconcentration, la charte de la personne hospitalisée, la charte départementale de prévention des expulsions, la charte intercommunale de développement et d’aménagement, la charte intercommunale du logement, la charte Marianne, la charte de la mutualité, la charte de la diversité en entreprise, la charte de la laïcité à l’école : toutes ces chartes, et bien d’autres encore, comportent à la fois des droits et des obligations. Seuls les élus locaux ne trouveront dans la leur que des obligations ! Pour ma part, je défendrai un amendement visant à rappeler qu’ils ont aussi des droits.
Peut-être même eût-il été bon que les citoyens eussent des devoirs envers leurs élus, mais la dimension sociale du statut élaboré par l’Assemblée nationale ne va vraiment pas dans ce sens… Pourtant, pour les quelque 600 000 élus français, dont plus de 80 % sont bénévoles, l’exercice du mandat confine au sacerdoce !
Heureusement, la proposition de loi comporte des avancées significatives pour les élus ; malheureusement, je crains qu’il ne faille sans doute avaler la vipère de la charte pour parvenir à un accord en commission mixte paritaire.
En vérité, il ne suffit pas d’améliorer la transparence des élus nationaux et de l’exécutif ou de limiter le cumul des mandats. Il faut encore faciliter le rôle fondamental de ces soutiers territoriaux que sont nos élus locaux, appelés à gérer de plus en plus de compétences avec, hélas, de moins en moins d’aides de l’État.
Ces élus sont le symbole de la démocratie auprès de nos concitoyens. En facilitant l’exercice des mandats locaux, par la formation au moment de la prise de fonction comme lors de la sortie du mandat, nous apportons un début de réponse à leurs attentes et à leurs besoins.
Toutefois, nous devrons aller plus loin dans les mois et les années à venir. Dans cette perspective, mes chers collègues, je vous recommande la lecture de l’étude de législation comparée intitulée « Les droits de l’opposition et la séparation des pouvoirs au sein des collectivités territoriales », car elle permet de prendre du recul par rapport aux pratiques françaises.
À l’heure où nous voulons approfondir la décentralisation, par exemple en renforçant les régions, il est temps d’envisager une véritable séparation des organes exécutif et délibérant des collectivités territoriales, et surtout d’accroître les droits de l’opposition au sein de ces assemblées.
En conclusion, je tiens à rappeler, le débat en première lecture ayant clos la discussion sur ce sujet, que les collaborateurs d’élus n’ont toujours pas de convention collective. Nous écrivons la loi, mais nos rapports avec nos salariés restent empreints d’une vision archaïque du droit social. Je le déplore à nouveau, tout comme je déplore qu’une charte moralisante soit venue se greffer sur un texte nécessaire, mais qui aurait pu aller plus loin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’approche du prochain renouvellement municipal, nous sommes saisis en deuxième lecture de la proposition de loi tendant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
Dans son économie générale, cette proposition de loi a été approuvée par nos collègues députés ; notre commission des lois a toutefois souhaité y apporter quelques modifications, que nous soutiendrons.
Fondement de notre démocratie, le mandat local, en particulier celui de maire, est le premier rempart concret contre la montée des extrêmes.
M. Collombat l’a souligné, le baromètre de la confiance politique du CEVIPOF révèle que, dans un climat de défiance généralisée à l’égard du politique, que nous déplorons vivement, seuls le maire et la commune résistent et apparaissent comme des valeurs sûres : en effet, 61 % des Français font confiance à leur maire, et 62 % à leur conseil municipal.
Ce résultat est d’autant plus intéressant que nos communes sont fragilisées par les réformes successives, ainsi que dans leur financement. Le maire, en raison de sa proximité avec ses concitoyens, est pour eux le point de repère essentiel ; c’est particulièrement vrai pour les plus fragiles.
Pour s’en convaincre, il suffit de considérer le taux particulièrement élevé de la participation aux élections municipales : il s’est établi à 62,5 % en 2008, score à comparer à celui enregistré à l’occasion des autres scrutins…
Les élus se trouvent souvent obligés de consentir des sacrifices personnels et professionnels, tandis que, hélas, le fossé entre eux et leurs concitoyens continue de se creuser. Il nous faut améliorer les conditions dans lesquelles nos collègues exercent leurs missions, en particulier dans les communes rurales disposant de peu de moyens.
Il nous faut aussi remédier au manque d’attractivité des fonctions électives locales, qui s’apparentent à un véritable sacerdoce dans les petites communes rurales.
La présente proposition de loi apporte des pierres à l’édifice, même si nous savons qu’une rénovation en profondeur du statut de l’élu devient urgente.
De fait, la tâche du maire est devenue complexe, judiciarisée, technique, prenante et évolutive. Par ailleurs, les instructions, circulaires ou directives émanant de l’État sont souvent sources d’incompréhension ou de stress.
Pour illustrer mon propos, je ne résiste pas à la tentation de vous donner lecture du premier paragraphe de la toute récente instruction de la direction départementale des finances publiques de l’Aisne aux maires de ce département :
« Madame, monsieur le maire, l’article 57 de la loi de finances pour 2014 instaure un nouveau dispositif pour le calcul de la base minimum qui est appliquée aux contribuables dont la base nette est inférieure à la base minimum applicable sur leur territoire d’implantation selon un barème fonction du chiffre d’affaires ou des recettes. »
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est incompréhensible !
M. Bernard Saugey, rapporteur. En effet !
M. Antoine Lefèvre. Je vous fais grâce de la suite, qui est tout aussi incompréhensible. On notera qu’il n’est nulle part fait référence à la cotisation foncière des entreprises, alors qu’elle est au cœur de ce courrier !
J’ajoute que celui-ci a été adressé aux maires le 9 janvier, avec obligation de réunir le conseil municipal pour délibération et transmission avant le 21 janvier. Ces dispositions concernent 398 des 816 communes de l’Aisne et 21 établissements publics de coopération intercommunale : c’est bien méconnaitre le quotidien de nos maires ruraux que d’imaginer qu’ils puissent instruire, convoquer leur conseil municipal, le réunir, le faire délibérer et transmettre en seulement dix jours pour répondre à ces injonctions. Les délais imposés sont trop outrageusement ridicules pour que l’on n’y voie pas une atteinte aux maires ! Ceux-ci semblent devenir des prestataires, à l’instar de fournisseurs auxquels on demande de raccourcir leurs délais de livraison pour maintenir une situation concurrentielle.
Ce dernier développement s’ajoute au précédent, qui date de décembre et est tout aussi révélateur d’un manque de considération à l’égard des maires : je veux parler de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, devant, aux termes de la loi, entrer en vigueur en 2015.
Vers le 21 novembre, je reçois, en qualité de président de l’Union des maires de l’Aisne, un message électronique annonçant l’entrée en application d’un décret en date du 7 novembre fixant les modalités de mise en place de deux commissions : l’une, la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, composée de vingt et un membres, dont dix représentants des communes et des EPCI, avec autant de suppléants ; l’autre, la commission départementale des impôts directs locaux, composée de quinze membres, dont six représentants des communes et des EPCI, toujours avec autant de suppléants. On me sollicite pour procéder, toutes affaires cessantes ou presque, à la recherche et à la désignation, à proportion, de maires volontaires et disposant de suffisamment de temps libre pour siéger dans ces deux instances, cela pour le 9 décembre.
Le délai de rigueur étant, à nouveau, extrêmement réduit, ma collaboratrice de l’Union des maires de l’Aisne a dû travailler énormément pour établir une liste complète, respectant toutes les contraintes fixées, et la transmettre dans les temps. L’échéance a été honorée, mais quelle n’a pas été ma stupéfaction de recevoir, le 16 décembre, un nouveau mail, quelque peu cavalier et sur la forme, et sur le fond, m’informant du report de la constitution des commissions après les élections municipales de mars !
Je regrette vivement que cet avis tardif soit intervenu après la date butoir de remise des listes, alors que ce report tenait du bon sens, bien avant l’élaboration du calendrier par la Direction générale des finances publiques ! Cette tâche a donc demandé une grande énergie, pour rien, disons-le ! Il va falloir la recommencer entièrement après les élections, qui vont, par ailleurs, demander un autre travail d’actualisation tout aussi important.
Un nouveau calendrier est donc prévu, entraînant un deuxième décalage qui nécessitera, à nouveau, un texte législatif.
Ces deux exemples récents ont accentué le malaise que peuvent éprouver les élus devant le manque d’estime de nos concitoyens, mais aussi des services de l’État.
Je citerai à cet égard ces propos tenus récemment par le président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard : « Les maires exercent l’autorité légitime de l’intérêt public. En laissant bafouer trop souvent le respect de leurs missions et de leurs décisions, c’est la République que l’on affaiblit. » C’est une réflexion à laquelle nous ne pouvons qu’adhérer !
Je profite donc de cette tribune, madame la ministre, pour attirer votre attention sur cet aspect du mandat, que peu de nos concitoyens connaissent et qui participe, probablement, du malaise de nos élus, poussant certains d’entre eux à envisager de renoncer à se représenter. Voilà quelques jours, le magazine de la rédaction d’une radio nationale s’est intitulé : « le blues du maire ». C’est dire !
Le poids des contraintes et des tracasseries administratives incite, pour la première fois semble-t-il, une proportion accrue de maires sortants à ne pas se représenter en mars. L’expérience du regroupement des communes, nécessaire, la mutualisation des moyens permettant d’assumer des tâches qui ne pourraient être remplies par une commune isolée, mais parfois mis en œuvre à marche forcée, a forcément laissé des traces, et le prochain redécoupage de la carte cantonale fait craindre à certains la disparition de l’harmonie qui prévaut aujourd’hui.
À cela vient s’ajouter cette « curiosité » votée à l’Assemblée nationale, à savoir le nouvel article 1er B de la présente proposition de loi, consacrant une charte de l’élu local. Que faut-il en penser ? D’aucune portée normative, l’article tel que voté par nos collègues du Palais Bourbon peut apparaître comme une marque de défiance envers les élus locaux et est en outre redondant avec les obligations légales existantes. Les dispositions adoptées par notre commission semblent plus en rapport avec l’objectif visé, à savoir rappeler les obligations déontologiques des élus. Cependant, j’ai cosigné, à titre personnel, l’amendement de notre collègue André Reichardt tendant à supprimer encore certaines redondances.
Il faut faire attention, mes chers collègues, à ne pas stigmatiser l’élu local ! Celui-ci, dès l’instant où il se porte candidat, a bien évidemment conscience des responsabilités, droits et devoirs liés à son futur mandat. Quel besoin y a-t-il d’en « remettre une couche », pour parler familièrement ?
S’agissant de la redéfinition de la prise illégale d’intérêt, à l’article 1er A de la proposition de loi, la rédaction entérinée par notre commission des lois nous paraît plus équilibrée que celle de l’Assemblée nationale, comme l’a d’ailleurs souligné notre collègue Alain Anziani. J’espère donc que nous l’approuverons en séance plénière. La proposition du Gouvernement de supprimer cet article stigmatise les élus locaux : cessons donc de les prendre – de nous prendre – pour des voyous ou des magouilleurs !
Les députés ont par ailleurs introduit, au travers de l’article 1er bis A, une disposition tendant à prévoir l’inscription obligatoire, dans les règlements intérieurs des assemblées, de la réduction des indemnités des conseillers généraux et régionaux, à raison de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions de commission. Nous soutenons, sur ce point, la position de la commission des lois, qui a supprimé cette mesure afin de maintenir le droit en vigueur, préservant la libre administration des collectivités locales. C’est de la responsabilité de ces dernières que relève la sanction de l’assiduité de leurs élus.
Les sénateurs du groupe UMP ne rejetteront pas ce texte, tendant à améliorer, dans la version que M. le rapporteur nous propose, la situation des élus qui s’engagent, chaque jour, au service de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Article 1er A
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 432-12 du code pénal, le mot : « quelconque » est remplacé par les mots : « de nature à compromettre l’impartialité, l’objectivité ou l’indépendance de la personne ».
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.