M. Jacky Le Menn. Cela rime ! Vous devriez faire des vers !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un triptyque !
M. Christian Bourquin. Insincérité ? On ne la connaissait pas, celle-là !
M. Philippe Dallier. Laissez-moi développer mon propos, mes chers collègues, et vous en jugerez ensuite ! Cela dit, vous avez déjà entendu nos arguments, car nous avons longuement débattu de ce texte.
Ce second projet de loi de finances du quinquennat était pourtant censé rendre plus lisible l’action du Gouvernement, pour le moins confuse depuis son arrivée au pouvoir. Or, ces dernières semaines, fidèle à ses revirements et autres contradictions, le Gouvernement a renoué avec ses hésitations.
De la pause fiscale, nous sommes passés au ralentissement de la hausse des impôts, puis, enfin, au big-bang : le grand soir fiscal. Mais ce grand soir, finalement, n’aura pas lieu. Le Premier ministre a été recadré, en lui expliquant que cela ne serait pas possible avant dix ans.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cela reste à voir !
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps de prendre conscience que les Français en ont assez de cette imprévisibilité, de cette instabilité, de cette illisibilité de votre politique fiscale, qui va jusqu’à remettre en cause, et c’est relativement grave, le consentement à l’impôt.
Et ce n’est pas l’annonce tardive d’une remise à plat de notre fiscalité, sans plus de précision et avec le recadrage que je viens d’évoquer, qui rassurera les Français.
L’insincérité que nous n’avons cessé de dénoncer s’est vérifiée cette année. Vous avez dû, monsieur le ministre, réviser votre hypothèse de croissance pour 2014 à 0,9 %, contre 1,2 % initialement prévu. Le déficit public, quant à lui, sera de 4,1 % du PIB en 2013, contre 3 % initialement attendus.
Surtout, vous n’arrivez pas à admettre les raisons du fort ralentissement de la baisse du déficit public.
Enfin éclairés par le collectif budgétaire, nous voyons nos inquiétudes se confirmer : le déficit devrait atteindre 71,9 milliards d’euros en 2013, alors que, dans la loi de finances initiale pour 2013, vous nous aviez annoncé qu’il serait de 61,6 milliards d’euros.
Ce dérapage est inquiétant, quand on sait que vous bénéficiez actuellement de taux exceptionnellement favorables sur le marché de la dette souveraine, ce qui réduit d’autant le poids de cette dernière.
M. Jacques Chiron. Le marché apprécie nos efforts !
M. Philippe Dallier. Il est également inquiétant quand on sait que vous avez battu un nouveau record de taux de prélèvements obligatoires, puisqu’il s’établit à 46,3 % du PIB. Oui, vous augmentez les impôts, mais les recettes ne rentrent pas (Mme Michèle André s’exclame.) : vous devriez vous demander pourquoi !
Ce matraquage fiscal a malheureusement abouti à une remise en cause du consentement à l’impôt, principe consubstantiel au vivre-ensemble, attisant ainsi la discorde et la révolte fiscale.
Non, l’impôt ne doit pas devenir confiscatoire. Il doit être pensé pour être efficace, et ses différentes composantes ne doivent pas être perçues comme autant de variables d’ajustement que l’on peut manipuler à des fins souvent démagogiques.
D’ailleurs, la réaction des Français est lisible en creux. Elle a été parfaitement mise en exergue par le président de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, ainsi que par son homologue de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez. Ce dernier a remarqué que sont observables « des moins-values de recettes fiscales très préoccupantes, qui, dans le contexte économique mondial plutôt favorable, ne peuvent s’expliquer que par une modification du comportement des contribuables réfractaires à un impôt confiscatoire ». Il a ainsi noté : « 3,1 milliards d’euros en moins sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques ; 5,6 milliards d’euros en moins sur les rentrées de la TVA ; 3,8 milliards d’euros en moins sur l’impôt sur les sociétés ».
Par ailleurs, vous vantez les mérites du CICE, qui vous a servi de fil rouge ou de passe-partout tout au long des discussions budgétaires, afin de nous démontrer à quel point vous aviez le souci de la compétitivité de nos entreprises. Mais ne surestimez-vous pas ses effets ?
La question, évidemment, est rhétorique. D’ailleurs, elle ne se pose même pas pour Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, qui avait eu l’occasion d’indiquer, lors de son audition devant la commission des finances, que « les effets du CICE attendus par le Gouvernement semblent surestimés ». C’est le moins que l’on puisse dire, et nous aurons l’occasion de le constater.
La réduction de la dépense publique, quant à elle, est insuffisante. Alors, monsieur le ministre, à quand des réformes structurelles de grande ampleur ? La question se pose toujours.
Certes, l’effort de réduction des dépenses n’est pas nul, mais il intervient trop tard, après un an et demi de matraquage fiscal. Surtout, il est insuffisant,…
M. Jacques Chiron. Et vous, qu’avez-vous fait pendant dix ans ?
M. Philippe Dallier. … d’autant que vous limitez votre champ d’intervention.
On le comprend, sans réforme structurelle, il sera difficile de résorber le déficit à long terme.
À la lumière des 294,5 milliards d’euros du budget général, l’effort fourni sur les dépenses est insuffisant. Nous allons, de ce fait, ravir une autre première place mondiale, en plus de celle du record en matière de prélèvements obligatoires : celle de la dépense publique rapportée au PIB.
Vous vous prévalez d’un effort sur les dépenses. Dois-je vous rappeler toutes celles que vous avez engagées depuis un an et demi ? Toutes ces dépenses, pour notre part, nous ne les aurions pas engagées.
M. Philippe Dallier. Je vais en dresser la liste, monsieur Bourquin, vous allez pouvoir en juger par vous-même.
M. Christian Bourquin. Les 1 900 milliards d’euros de dette, c’est vous !
M. Philippe Dallier. Je rappelle que le CICE, dont les effets ne sont pas immédiats et qui ne recueille pas un large assentiment, coûtera 9,7 milliards d’euros en 2014, 15,7 milliards d’euros en 2015, 17,3 milliards d’euros en 2016, puis plus de 20 milliards d’euros par an ensuite.
Les 150 000 emplois d’avenir reviennent, selon l’OFCE, à 3,45 milliards d’euros par an.
Le choix des emplois aidés a certes une vertu, celle de vous permettre d’infléchir de manière artificielle la courbe du chômage, mais il a cependant un prix élevé pour les finances publiques.
La retraite à soixante ans pour certaines carrières longues occasionnera des dépenses allant jusqu’à 3 milliards d’euros en 2017, et sans doute bien plus encore après.
Les 60 000 postes dans l’éducation nationale coûtent au contribuable 1,9 milliard d’euros par an.
Les 500 000 contrats de génération, si tant est que ce chiffre puisse être atteint, devraient coûter 1 milliard d’euros par an.
La revalorisation du SMIC, 570 millions d’euros par an.
M. Robert Tropeano. Et alors ?
M. Philippe Dallier. Le RSA jeunes, que vous avez annoncé, reviendra à 30 millions d’euros en 2014, et entre 500 millions et 600 millions d’euros en 2016.
La hausse de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire entraîne une dépense de 400 millions d’euros par an.
Les 5 000 postes dans la justice, la police et la gendarmerie coûteront 200 millions d’euros par an. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Haut. Tout cela avait été supprimé !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait ! Utile rappel !
M. Christian Bourquin. Ce sont des services publics !
M. Philippe Dallier. La suppression du jour de carence revient à 157 millions d’euros par an.
L’aide médicale d’État, dont le coût flambe, se monte à 800 millions d’euros en 2013, soit une hausse de 16,4 % par rapport à 2012.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Le coût du compte pénibilité pour les retraites est évalué à 500 millions d’euros en 2020, 2 milliards d’euros en 2030 et 2,5 milliards d’euros en 2040.
Enfin, la réforme des rythmes scolaires, qui sera payée non pas par l’État, nous le savons bien, mais par les collectivités locales, occasionnera entre 1,5 milliard d’euros et 2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par an.
Les vraies économies de dépenses auraient dû être entreprises dès le début du quinquennat, plutôt que de créer de nouvelles dépenses ou de supprimer certaines économies.
M. Jacques Chiron. Comme vous l’avez fait, vous !
M. Philippe Dallier. Au lieu de cela, le Gouvernement a fait sauter tous les verrous qui avaient permis de tenir le plus possible la dépense publique. (M. Richard Yung s’exclame.)
Mme Michèle André. Tu parles !
M. Philippe Dallier. Autre exemple, en matière de santé : la fin de la convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques avait permis de contenir les dépenses de sécurité sociale. Aujourd’hui, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie repart à la hausse.
Autre exemple encore, le « un sur deux » dans la fonction publique ne rapportait pas autant qu’il aurait dû par le jeu des retours catégoriels – on en avait décidé ainsi –, mais les économies faites grâce aux suppressions de postes allaient pleinement porter leurs fruits. Le Gouvernement a décidé de geler les effectifs. (Mme Michèle André s’exclame.) Or, mes chers collègues, vous le savez bien, à effectif constant, les 82 milliards d’euros de masse salariale dérivent mécaniquement chaque année d’au moins 1,5 %, soit plus de 1 milliard d’euros.
Enfin, les dépenses d’intervention – allocations logement, RSA, par exemple – sont celles qui dérapent le plus. Pourtant, vous ne tentez pas de les maîtriser. Nous avions essayé de le faire.
M. François Patriat. Quel cynisme !
M. Philippe Dallier. Toutes ces économies, monsieur le ministre, mes chers collègues, auraient permis d’éviter le matraquage fiscal qui aboutit à ce ras-le-bol fiscal que le ministre de l’économie et des finances a reconnu lui-même en septembre dernier. (M. Claude Haut s’exclame.) Surtout, elles auraient sans doute permis que la croissance soit un peu plus soutenue qu’elle ne le sera en 2013 et, probablement, en 2014.
Cette trajectoire n’ayant pas été suffisamment corrigée – c’est le moins que l’on puisse dire – dans le projet de loi de finances pour 2014, la pause fiscale n’ayant pas été mise en œuvre et la baisse des dépenses publiques ayant été insuffisamment engagée, le groupe UMP votera, comme en première lecture, contre ce projet de loi de finances pour 2014. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. Jacky Le Menn. Ça, c’est une surprise !
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà longuement débattu sur le projet de loi de finances pour 2014 ainsi que sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013. Le Sénat a beaucoup parlé des finances ces derniers temps !
Pour mon intervention, je voudrais reprendre le plan que vous avez suivi, monsieur le ministre, dans votre propos liminaire : la trajectoire de redressement des finances publiques, l’inversion de la courbe du chômage et le pouvoir d’achat des Français. Sur ces trois sujets, je ferai entendre une petite musique un peu différente de la vôtre, car vos arguments ne m’ont pas totalement convaincu.
Tout d’abord, nous sommes bien sûr favorables au redressement des finances publiques. Selon nous, il s’agit, comme je l’ai déjà dit ici, d’un préalable à la reprise de la croissance économique, dont nous avons bien besoin, mais aussi à toute croissance durable.
Seulement, monsieur le ministre, vous vous exprimez toujours en valeur relative. Moi, j’aime parler en valeur absolue. En effet, les pourcentages ne disent pas grand-chose aux Français. Affirmer que l’on est passé de 4,8 % à 4,1 %, alors qu’on avait prévu 3 %, et que l’on sera peut-être à 3,6 % l’année prochaine, cela ne me satisfait pas.
En loi de finances rectificative, on a voté un déficit à 72 milliards d’euros. Aujourd'hui, dans le projet de loi de finances pour 2014, vous présentez un déficit à 82 milliards d’euros, avec 12 milliards d’euros d’investissements d’avenir. En intégrant le déficit de la sécurité sociale et le CICE – nous avons eu une discussion sur la manière de prendre en compte ce crédit d’impôt – dans le calcul, le déficit est, selon nous, plus proche de 120 milliards d’euros que de 82 milliards d’euros. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Vous avez des problèmes pour compter !
M. Jacky Le Menn. C’est les « comptes » de Perrault !
M. Vincent Delahaye. On ne peut donc pas dire que la réduction des déficits soit réelle. En tout cas, elle est très insuffisante !
M. Vincent Delahaye. Par ailleurs, au mois de mai 2012, lors de l’élection de François Hollande, la dette s’élevait à 1 717 milliards d’euros, elle avait progressé de 500 milliards d’euros sur le quinquennat précédent. Pour ma part, je pense que c’est trop. Mais elle a depuis atteint 1 954 milliards d’euros ! Monsieur le ministre, avec 240 milliards d’euros de plus en dix-huit mois, la dette augmente plus vite aujourd'hui que sous le précédent quinquennat.
Par conséquent, il est grand temps d’inverser la courbe de l’endettement – nous évoquerons celle du chômage tout à l’heure – et de revenir à un niveau bien inférieur. Pour l’instant, nous n’en prenons pas le chemin. La raison en est simple : vos efforts de maîtrise des dépenses, quoique réels, sont insuffisants.
Certes, j’ai noté dans les documents budgétaires que vous aviez inventé une taxation interministérielle. Voilà qui me paraît intéressant. Pour une fois que vous optez pour une taxation, je vous suggère de l’augmenter fortement.
Mais il faut, me semble-t-il, aller beaucoup plus loin dans les réformes de fond et, cela a été souligné, éviter les dépenses supplémentaires.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Exactement !
M. Vincent Delahaye. Or la réforme des rythmes scolaires représente une dépense supplémentaire. Elle est largement sous-évaluée dans votre projet de budget ; vous prévoyez 60 millions d’euros alors que cela coûtera environ 250 millions d’euros sur l’année. Rendez-vous lors du prochain projet de loi de finances rectificative !
En outre, l’État, nous dit-on, prendra désormais en charge la garantie universelle des loyers, qui est en train d’être votée à l’Assemblée nationale. Or il n’y a rien sur le sujet dans le projet de loi de finances. Moi, j’aime quand les comptes sont sincères. À mon sens, si l’on veut vraiment réduire nos déficits et mettre un terme à la hausse de l’endettement, il faut aller plus loin et plus vite.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, le deuxième thème que vous avez abordé est celui du chômage.
Vous affirmez que l’inversion de la courbe du chômage commence à se faire sentir. Pour ma part, j’attendrai six mois. On ne peut pas dire que la courbe s’est inversée seulement sur un mois. Nous verrons dans six mois si l’engagement du Président de la République est, ou non, tenu. Personnellement, je reste sceptique : le nombre de défaillances d’entreprises a atteint un plafond en 2013 et les dispositions en faveur de la création d’entreprises et d’emplois me semblent insuffisantes.
Vous avez évoqué le CICE en vous fondant sur l’année dernière. Moi, pour les entreprises, je ne compte pas seulement la dernière année. On leur a prélevé 30 milliards d’euros au cours des deux ou trois dernières années et on leur rend 20 milliards d’euros sous forme de CICE. Ce n’est pas un cadeau ; c’est une ponction de 10 milliards d’euros ! Et c’est contre-productif en termes d’emploi. (M. le président de la commission des finances opine.)
Vous mentionnez les emplois d’avenir et les contrats aidés, pour lesquels des sommes assez considérables sont effectivement inscrites au budget. Pour ma part, je suis assez sceptique sur de tels dispositifs, que l’on met en place depuis des années et qui coûtent très cher. Cela améliore peut-être les chiffres de l’emploi et c’est sans doute une aubaine pour ceux qui en bénéficient, mais, sur le fond, on est plus, à mes yeux, dans le traitement statistique du chômage que dans de véritables solutions de fond.
J’en viens au troisième sujet que vous avez évoqué : le pouvoir d'achat des Français.
J’ai lu récemment que les salaires avaient augmenté l’an dernier de 1,6 %, c'est-à-dire plus que l’inflation. Par conséquent, l’éventuelle baisse du pouvoir d'achat n’est pas liée aux salaires ; elle ne peut venir que de la fiscalité.
Or, alors que l’on parle de « pause fiscale », on nous présente un projet de budget marqué par une augmentation de la fiscalité comprise entre 9 milliards et 11 milliards d’euros. (M. Jacky Le Menn s’exclame.) Et quand le Premier ministre annonce un jour une « remise en plat » de la fiscalité, le Président de la République se charge d’enterrer en douceur la réforme le lendemain, en précisant qu’elle se fera peut-être dans cinq ans ou dans dix ans. Alors qu’en est-il réellement ? Monsieur le ministre, il vous sera sans doute difficile d’arbitrer entre le Premier ministre et le Président de la République, mais j’aimerais bien vous entendre pour savoir où nous en sommes et où nous allons. C’est ce dont les Français ont besoin aujourd'hui.
Vous avez indiqué que le débat au Sénat avait été « riche et intéressant ». Je suis ravi que vous l’ayez perçu ainsi… Pour ma part, je suis déçu du résultat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Nous aussi !
M. Vincent Delahaye. Sur les 600 amendements déposés au Sénat, seulement 70 ont été adoptés.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vos 70 amendements adoptés, c’est 70 milliards d’euros de déficit en plus !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Allons, n’exagérez pas, monsieur le ministre !
M. Vincent Delahaye. Et, au final, 10 seulement ont été repris. Je trouve que la proportion est vraiment trop faible. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Dans ce cas, il faut aller en commission mixte paritaire ! C’est là que les décisions se prennent !
M. Vincent Delahaye. Pour moi, malgré la richesse de nos débats, le résultat est trop maigre. Et je considère que le Sénat est en danger.
M. Richard Yung. Ah !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas la faute du Gouvernement !
M. Vincent Delahaye. Peut-être pas, mais le fait qu’il n’y ait de majorité ni pour soutenir le Gouvernement ni pour s’y opposer rend ce qui sort de nos débats peu intelligible par les Français.
J’aimerais que le Gouvernement soit bien conscient de ce danger. Or j’ai l’impression qu’il considère la discussion au Sénat non comme un enrichissement, mais comme un mauvais moment à passer avant de revenir devant l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, un bon élu, c’est celui qui met ses discours et ses actes en cohérence. Nous pourrions souscrire à beaucoup des objectifs que vous affichez. Nous sommes évidemment favorables au redressement de nos finances publiques et à l’inversion de la courbe du chômage. Nous n’avons aucune envie que notre pays aille dans le mur. Mais cela suppose que vous alliez beaucoup plus loin et plus vite dans les réformes, dans la baisse des dépenses publiques et dans la simplification – cela a été souligné – et l’allégement de la fiscalité. Notre pays en a besoin.
Or je ne retrouve pas cela dans votre projet de budget. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC votera contre le projet de loi de finances qui nous est soumis en nouvelle lecture. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, j’ai pris le temps d’indiquer longuement pourquoi le groupe écologiste ne se reconnaissait pas dans les orientations politiques proposées dans le présent projet de loi de finances et pourquoi cela nous conduisait à nous abstenir. Les choses sont claires ; et je n’y reviendrai pas.
À l’occasion de cette nouvelle lecture, je voudrais plutôt me tourner vers l’avenir (M. Jacky Le Menn s’exclame.) et cette année qui va bientôt s’ouvrir, avec déjà pour horizon l’élaboration du budget pour 2015. Il faut s’y prendre tôt ; certains parlaient de « se lever tôt » et de « travailler beaucoup »… Nous avons des défis immenses à relever.
Le premier d’entre eux est sans doute d’endiguer le mouvement de fronde fiscale qui s’est incontestablement développé dans notre pays et sur la genèse duquel je ne m’étendrai pas. Le consentement à l’impôt est l’un des ciments du pacte social de la République. Sa contestation, sur fond de poussée de l’extrême droite, est donc particulièrement inquiétante.
M. Philippe Dallier. Parlez-en à M. Mélenchon !
M. Jean-Vincent Placé. Pour rétablir ce consentement, il faut d’abord que soit porté le discours selon lequel l’impôt est non pas une confiscation, mais une mutualisation, une mise en commun de ressources, pour financer des projets et des services communs.
Il faut expliquer que le service public n’est pas un poids mort pesant sur la richesse supposément produite par le secteur privé, mais un service qui, s’il n’était public, serait rendu par le privé, avec en moins le souci républicain de la continuité, de l’égalité et de la neutralité et en plus un coût assurément plus élevé pour nos concitoyens les plus modestes. Il faut également arrêter de comparer les taux de prélèvements obligatoires de pays qui n’ont pas les mêmes services publics ou le même niveau d’assurance sociale. (M. Jean-Claude Frécon opine.) Il est évident que notre situation n’est en rien comparable à celle des États-Unis.
Il faut ensuite reposer sans tabou la question de la justice fiscale. À cet égard, la remise à plat de la fiscalité annoncée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault constitue une très bonne nouvelle.
Ce sera l’occasion de rapprocher la fiscalité du travail et celle du capital, de vérifier que l’impôt sur le revenu n’est plus régressif, de rendre la CSG progressive, de revenir aux modalités antérieures à Sarkozy quant à la fiscalité du patrimoine, de limiter les impôts constants comme la TVA, d’éviter tout transfert de charges des entreprises vers les ménages... Je n’invente rien : ce sont les engagements de campagne du candidat François Hollande.
M. Philippe Bas. Il faut faire exactement le contraire !
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur Bas, il est vrai que, quand vous étiez aux responsabilités à l’Élysée, vous faisiez effectivement le contraire.
M. Philippe Bas. Et nous avions raison !
M. Jean-Vincent Placé. Mais oui… D’ailleurs, les résultats de l’économie française de l’époque l’ont bien démontré ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Le rattrapage du retard français en matière de fiscalité écologique – nous sommes avant-derniers au sein de l’Union européenne – est également une mesure de justice. En effet, ce sont les moins riches qui subissent le plus les conséquences de la crise écologique alors qu’ils portent le moins de responsabilités dans son essor.
Enfin, il importe de lutter sans relâche contre l’optimisation, l’évasion et la fraude fiscales, tant des ménages que des entreprises. Car, avant d’être un problème de recettes, il s’agit là d’une attitude qui mine l’adhésion des contribuables aux prélèvements auxquels ils sont assujettis. En la matière, les mesures déjà prises et mises en œuvre par le Gouvernement constituent des avancées décisives, monsieur le ministre, qu’il convient d’amplifier.
Au-delà de la question fondamentale du consentement à l’impôt, les écologistes considèrent que nous ne parviendrons pas à redresser notre économie, ni à assainir nos finances publiques si nous ne nous lançons avec un grand volontarisme dans la transition économique et énergétique.
Il faut bien l’avoir en tête, le déficit de la balance commerciale française est du même ordre de grandeur que la facture énergétique, entendue comme le solde entre les importations et les exportations d’énergies, soit entre 60 milliards et 70 milliards d’euros. Oui, la balance commerciale et la facture énergétique, cela représente le même montant !
C’est également à peu près le montant du déficit budgétaire. Nous sommes passés, je crois, de 63 milliards à 71 milliards d’euros. (M. François Patriat s’exclame.) On peut donc dire que la France est aujourd’hui, à l’instar d’ailleurs d’un ménage, en état de précarité énergétique. Elle n’est pas en mesure de payer sa facture à la fin de l’année avec ses propres ressources. On est bien loin des promesses d’indépendance énergétique – je parlerai même de mythe de l’indépendance énergétique – qui ont accompagné le développement du nucléaire. L’indépendance n’est pas au rendez-vous.
Par conséquent, si les écologistes contestent certaines réductions de crédits budgétaires, ce n’est pas par irresponsabilité. C’est parce que les marges de manœuvre sont ailleurs. Elles résident notamment dans ces dépenses contraintes, en particulier énergétiques, qui concernent tant les ménages que les entreprises.
Aussi, plutôt que de développer massivement des filières nationales d’énergies renouvelables, la France dépense une fortune en achats d’énergies fossiles, qui non seulement dérèglent le climat, mais privent également notre pays de centaines de milliers d’emplois ; en Allemagne, les énergies renouvelables, c’est 380 000 emplois. De ce point de vue, nous serons extrêmement attentifs à la loi de transition énergétique.
Sur le plan fiscal, il conviendra de ne pas trembler lorsqu’il s’agira de faire enfin payer l’énergie à son juste prix. Ce signal est indispensable pour que des économies puissent être efficacement engagées.
Et n’oublions jamais de rappeler que nous subirons de toute manière l’augmentation des prix ; tous les acteurs de l’énergie le disent. À cet égard, annoncer des augmentations puis y revenir, cela crée encore de l’instabilité et cela n’a en réalité aucun sens. Dès lors, plutôt que subir un phénomène, mieux vaut en assurer le pilotage. Et il faut évidemment des mesures de redistribution en faveur des plus modestes, ainsi que des entreprises, car la facture énergétique les concerne également.
M. Philippe Bas. Enfin !
M. Philippe Dallier. C’est Noël !
M. Jean-Vincent Placé. Mes chers collègues, vous aurez noté que si les prix de l’électricité sont, certes, deux fois plus élevés outre-Rhin, cela ne semble pas beaucoup pénaliser l’industrie allemande. Il faudra que nous ayons ce débat un jour… (M. Philippe Bas s’exclame.)
Pour les plus modestes, la rationalisation de la consommation permettra de réaliser des économies. Pour les plus aisés, une consommation débridée occasionne des pénalités. En outre, sur le plan industriel, cela permet plus facilement d’identifier les secteurs prêts à affronter les affres de la crise écologique et ceux qui nécessitent une mutation.
Vous le voyez, monsieur le ministre, les écologistes ne manquent pas d’idées pour faire face à la crise économique et financière qui pèse sur notre pays, sans pour autant vouloir grever les crédits d’intervention des ministères.
Si nous voulons pouvoir en discuter sérieusement au sein de notre majorité, il va nous falloir faire collectivement un gros effort de gouvernance, j’en parlais avec le Président de la République hier.