M. Jean-Noël Cardoux. L’amendement n° 18 rectifié vise à donner compétence à la CNAVPL pour assurer les équilibres de gestion en matière de systèmes d’information.
L'amendement n° 19 rectifié tend à prévoir une nouvelle procédure de nomination du directeur de la CNAVPL : nous souhaitons que l’État ne le choisisse pas directement parmi des personnes qu’il a lui-même choisies, mais parmi deux personnes proposées par le conseil d’administration de la CNAVPL. Que les cotisants puissent se gérer eux-mêmes, c’est la moindre des choses : c’est une question de démocratie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. L’avis de la commission demeure défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 32.
(L'article 32 est adopté.)
Article 32 bis
(Non modifié)
I. – L’article L. 723-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après la première occurrence du mot : « par », la fin de la seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « la Caisse nationale des barreaux français. » ;
2° À la première phrase du troisième alinéa, la deuxième occurrence du mot : « à » est remplacée par les mots : « au versement à ladite caisse d’ » et le mot : « ladite » est remplacé par les mots : « cette même ».
II. – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier 2014. – (Adopté.)
Article 33
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droits en cours d’acquisition, à des prestations de retraite supplémentaire d’entreprise.
L’ordonnance est prise dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)
Article 34
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi tendant :
1° Pour Mayotte, à étendre et adapter la législation en matière d’assurance vieillesse applicable en métropole ;
2° Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, à rapprocher les dispositions de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon de la législation applicable en métropole.
II. – Les ordonnances sont publiées au plus tard le dernier jour du dix-huitième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.
Les projets de loi de ratification de ces ordonnances sont déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de leur publication. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Pour reprendre la formule qu’a employée Mme la rapporteur à propos de l’un de mes amendements, ce projet de loi nous a déjà été présenté et il ne nous a pas convaincus. Ce n’est pas une posture, mes chers collègues. Pour les écologistes, il est hors de question d’augmenter la durée de cotisation ; c’est un point fondamental. Nous ne pouvons pas voter une augmentation de la durée de cotisation.
Nous avions déjà défendu cette position en 2010 ; je ne rappellerai pas les positions des uns et des autres à cette époque. On peut certes évoluer, on peut certes dire que la situation du pays l’exige, mais, pour notre part, nous pensons qu’il y a d’autres moyens de résoudre le problème du déficit de notre régime de retraite.
Ce n’est pas en faisant travaillant plus longtemps les seniors que l’on donnera du travail aux jeunes ! Or c’est cela qui permettrait d’alimenter les caisses. C’est le problème du chômage et de la répartition de l’emploi qui est posé. Il y a d’autres moyens d’assurer la redistribution. La solution n’est pas à chercher dans le « travailler toujours plus », qui n’est ni possible sur le plan écologique ni souhaitable sur le plan social.
Nous avons un désaccord de fond. Plusieurs articles nous posent problème. Je pense en particulier à l’article 4, qui fait peser le financement de la réforme indistinctement sur l’ensemble des retraités, quels que soient leurs revenus. Nous voterons donc contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons porte un titre ambitieux : il est censé garantir la pérennité et la justice du système de retraites. Cependant, si le titre est prometteur, la réalité est tout autre. Madame la ministre, comment pouvez-vous affirmer que vous garantirez l’avenir et la justice du système de retraites avec cette réforme a minima ?
Vous prévoyez une hausse de la durée d’assurance pour l’ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires, mais vous refusez de remettre à plat les régimes spéciaux. Certes, vous reportez de six mois la date de revalorisation annuelle des pensions, mais ce n’est là à nos yeux qu’une mesurette.
Vous faites grand cas du nouveau mode de pilotage annuel du système, mais l’avis du comité de suivi des retraites n’aura aucune valeur contraignante. Mettrez-vous réellement en œuvre les ajustements qu’il ne manquera pas de formuler ?
Vous prétendez vous soucier de la gouvernance des caisses de retraite des professions libérales pour décider que le directeur de la CNAVPL sera désormais nommé par décret. Toutefois, où est la réflexion concernant la simplification de la gestion des multiples régimes de retraite et leur rapprochement ?
Vous promettez de vous attaquer aux problèmes de la compétitivité des entreprises et de la simplification des formalités administratives, allant jusqu’à évoquer un « choc de simplification », mais vous créez un compte de prévention de la pénibilité dont la mise en œuvre représentera une charge financière très lourde pour les entreprises. Quel sera le coût réel de cette mesure ? Quelles activités, quels métiers, quels salariés seront concernés ?
Enfin, vous nous dites entendre les doléances de nos concitoyens qui contestent votre politique fiscale, mais vous procédez à un nouveau matraquage fiscal en règle, en mettant à contribution les entreprises, les salariés et les retraités.
Dans le même temps, vous refusez tous les débats que nous vous avons proposés : sur une réforme systémique du système de retraite ; sur l’épargne retraite individuelle et collective ; sur le report de l’âge légal de départ à la retraite ; sur le poids de la fiscalité qui grève de façon drastique le pouvoir d’achat des Français ou encore sur le financement des régimes de retraites de la fonction publique.
Madame la ministre, il est temps de mettre en œuvre de vraies réformes structurantes en cessant de considérer la hausse des impôts, des taxes et des cotisations comme le seul remède possible aux maux de notre pays, alors que d’autres solutions existent comme la réduction des dépenses publiques.
Ce projet de loi montre, comme d’autres textes adoptés depuis le début du quinquennat, que vous faites fausse route en refusant d’affronter la réalité d’une situation qui n’a fait que s’aggraver depuis votre arrivée au pouvoir.
M. Roland Courteau. N’exagérez pas !
Mme Isabelle Debré. Le groupe UMP ne souscrit pas à ce texte et, en conséquence, votera contre.
Je termine en rappelant que, durant la discussion générale, M. Vergoz a déclaré que les socialistes devaient fortement soutenir ce projet. Pour ce faire, peut-être eût-il été préférable qu’ils ne soient pas que deux ou trois cet après-midi dans l’hémicycle, même si les travées socialistes viennent de recevoir un tout petit renfort. Si l’on peut concevoir que l’opposition soit relativement absente au cours d’un tel débat, on comprend moins que la majorité soit, elle, totalement absente !
M. Roland Courteau. On a connu la situation inverse !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de nos débats, le projet de loi a fait l’objet de modifications à la suite du vote d’amendements issus de presque toutes les travées. Nous nous sommes volontiers associés à certains d’entre eux en provenance du groupe écologiste ; nous nous sommes en revanche dissociés totalement d’autres propositions, que nous n’approuvions pas, comme l’amendement n° 1 de M. Vanlerenberghe et de Mme Dini, qui visait à prévoir le basculement dans les années à venir de notre système d’assurance vieillesse vers un régime de retraite par points.
Par ailleurs, nous déplorons fortement le maintien du comité de suivi des retraites, annonciateur d’un changement de régime, puisque cet organisme est autorisé à envisager la baisse du taux de redressement du rendement des pensions, c’est-à-dire, pour parler plus simplement, la diminution de ces dernières. En revanche, il n’a pas du tout le droit de se prononcer pour une hausse des cotisations patronales, ni même pour la taxation de revenus jusqu’alors non soumis à cotisations sociales, comme les revenus financiers des entreprises.
Le groupe CRC n’a eu de cesse de faire des propositions qui peuvent paraître répétitives, redondantes, dogmatiques pour certaines. (M. Jean Desessard s’esclaffe.) Toutefois, la pédagogie nécessite beaucoup de répétitions, et nous avons le sentiment de ne pas être entendus, toutes nos propositions alternatives de financements différents étant systématiquement écartées. Évidemment, nous y revenons à chaque fois, parce que nous ne pensons pas qu’il y a trop de dépenses publiques, contrairement à nos collègues du groupe UMP, qui ont tout de même la mémoire courte,…
M. Roland Courteau. Très très courte !
Mme Laurence Cohen. … eux qui ont soutenu des réformes catastrophiques ayant mis des millions d’opposants dans la rue.
M. Roland Courteau. Ils l’ont oublié !
Mme Laurence Cohen. Au contraire, nous pensons qu’il n’y a pas suffisamment de dépenses publiques pour répondre aux besoins des gens. Seulement, pour arriver à cette inversion de logique, il faut d’autres financements, et nous ne désespérons pas, dans cet hémicycle comme ailleurs, de réussir à élargir une majorité de gauche sur ces propositions alternatives. Nous sommes assez opiniâtres sur ce point.
Pour toutes ces raisons, que nous avons développées tout au long du débat, nous ne pouvons pas approuver ce projet de loi, même si nous nous réjouissons par ailleurs de la suppression, qui nous semble importante, de l’article 2 ou encore de l’article 4.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je serai bref, car nous avons déjà fait état de notre vote final lors de la discussion générale.
Du vote à l’unanimité contre le projet de loi en première lecture au Sénat, vous n’avez tiré absolument aucune conclusion. Pourtant, la leçon n’était pas anodine. Pensez donc : un vote à l’unanimité contre ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Vergoz. Encore ! Mais c’est trop gros !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Eh oui ! Je le répète bien volontiers, car je sais que cela vous fait plaisir, monsieur Vergoz.
Un autre scénario était possible : la réforme systémique, votée en première et en seconde lecture au Sénat.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Vous avez tout de même supprimé l’article !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je remercie donc tous ceux qui ont apporté leur soutien à mon amendement.
Madame la ministre, si vous vouliez bien l’écouter, le Sénat rendrait la retraite par répartition plus juste, plus équitable, plus transparente ; bref, il ferait du système par points un système universel.
Je le répète, quelque 73 % des Français sont favorables à cette convergence vers un système unique, mais vous n’en tenez absolument pas compte.
Aussi, puisque la présente réforme est totalement verrouillée, puisque le vote du Sénat contre les quatre premiers articles, pourtant essentiels à votre réforme, ne compte pas, nous ne changerons pas non plus notre position par rapport à la première lecture : le groupe UDI-UC votera contre.
M. le président. La parole est à M. Michel Vergoz.
M. Michel Vergoz. Je voudrais tout d’abord m’insurger contre des rappels historiques tronqués. On ne peut pas refaire l’histoire dans cet hémicycle en fonction du poison que l’on a tenté d’instiller dans la population pour l’intoxiquer.
Je dois dire que j’ai été choqué, au terme de la première lecture, d’entendre parler à la télévision d’un vote unanime contre le Gouvernement au Sénat ! J’y étais, et je n’ai jamais voté contre mon gouvernement sur la réforme des retraites ! (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce n’est pas nous qui l’avons dit !
M. Michel Vergoz. Attendez, monsieur Vanlerenberghe, je l’ai entendu à plusieurs reprises !
Mme Isabelle Debré. Monsieur Vergoz, les débats étaient courtois jusque-là…
M. Michel Vergoz. Madame Debré, je ne vous ai pas interrompue lorsque vous parliez !
M. le président. Mes chers collègues, seul M. Vergoz a la parole.
M. Michel Vergoz. C’est extrêmement choquant, car il s’agit d’une désinformation de l’opinion publique. C’est grave ! Je le redis, je n’ai jamais voté contre le projet de loi que le Gouvernement a présenté dans cet hémicycle. Je vous interdis de tronquer l’histoire de la sorte. Mes chers collègues, je réclame du respect entre nous.
Néanmoins, comme je ne veux pas de nouveau voter contre le texte issu de nos travaux, je souhaite que le groupe socialiste ait une position plus claire, pour que l’opinion publique et les médias puissent comprendre la situation.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Michel Vergoz. Monsieur Cardoux, madame Debré, voilà quelques années, dans cet hémicycle – je n’étais pas encore sénateur –, il y avait foule pour le débat, si tant est qu’on puisse l’appeler ainsi, sur les modes de scrutin. Savez-vous comment cela s’est terminé ? Par l’utilisation du 49-3 !
Mme Isabelle Debré. L’article 49-3 n’est pas applicable au Sénat !
M. Michel Vergoz. Tout cela pour vous dire que ce n’est pas le nombre qui fait la richesse d’un débat !
Mme Isabelle Debré. Il n’y a pas de 49-3 au Sénat !
M. le président. Madame Debré, laissez M. Vergoz poursuivre.
M. Michel Vergoz. Vous êtes blessée, mais je me contente de rappeler des faits historiques, sans agressivité !
Sur le fond, vos interventions sont vraiment lassantes. Vous vous posez en donneurs de leçons, tous les jours, sur tous les sujets, dont celui des retraites. Pourtant, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous sortez de trois échecs sur le sujet – 1993, 2003 et 2010 –, ce qui devrait vous dispenser de donner des leçons. Je n’en peux plus : mon professeur, sur ce sujet-là aussi, ce n’est pas vous.
En conclusion, je citerai cette phrase de Winston Churchill, qui m’est revenue en vous écoutant : « Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ». Vous en êtes l’illustration !
Mme Isabelle Debré. Vous ne recevez pas beaucoup d’applaudissements, même dans votre camp…
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons pas dire que nous n’avons pas assez débattu de ce texte. J’ai eu l’occasion, lors de l’examen en première lecture, de déposer un certain nombre d’amendements et d’indiquer mes réserves sur des points clefs comme l’allongement de la durée des cotisations. En effet, je pense qu’il est possible de trouver des recettes permettant de faire face à nos déficits et qu’il n’y a en aucune façon urgence.
Je rappelle aussi que je n’ai pas approuvé que l’indexation des pensions cesse de se faire au 1er janvier, car une telle mesure tend à réduire de fait le taux des retraites, notamment les petites d’entre elles.
À cet égard, je trouve assez ennuyeux que deux des trois plus grandes organisations syndicales, à savoir la CGT et FO, qui ont toujours été des acteurs essentiels de la gestion paritaire des systèmes de retraites, soient en total désaccord sur ces deux points.
Je ne peux donc approuver le projet de loi du Gouvernement, même si je reconnais qu’il y a, au-delà de ces points de désaccord, de réelles avancées, en particulier sur la prise en compte de la pénibilité. Ces constats devraient me conduire naturellement vers l’abstention, mais, en l’état du débat et devant la confusion générale qui règne, il est hors de question que je prenne part au vote d’un tel texte, complètement hors sol.
Je ne peux même pas concevoir d’avoir à me prononcer pour ou contre une réforme systémique qui remettrait en cause notre système par répartition au profit d’un système par points.
M. Jean Desessard. Mais cet article a été supprimé !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Compte tenu de la confusion dans laquelle nous nous trouvons, pour ma part, je préfère rappeler mes désaccords et ne pas prendre part au vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous voilà au terme de ce débat qui, tout bien analysé, n’a finalement pas apporté grand-chose.
Certes, des majorités d’opportunité se sont dégagées pour supprimer certains articles. Il en est ainsi de l’article 1er sur les principes généraux, qui nous a tout de même donné l’occasion de nous prononcer pour une réforme systémique, de l’article 2 sur l’allongement de la durée de cotisation, de l’article 3 sur le fameux comité de suivi, ainsi que de l’article 4 sur le report de la revalorisation des retraites. Il s’est donc trouvé une majorité sénatoriale pour supprimer ces quatre articles.
Avant de conclure, permettez-moi de revenir sur les propos de M. Vergoz, qui nie que, lors du vote en première lecture, 346 sénateurs se soient prononcés contre le projet de loi et zéro pour. Ce sont bien pourtant les chiffres que les Français ont retenus !
Certes, il y a une explication ; d’ailleurs, on a bien vu que, depuis cet épisode, une tactique a été mise au point pour éviter un nouvel échec de ce genre.
Monsieur Vergoz, le fond du problème n’est pas de savoir si le groupe socialiste a voté pour-contre ou contre-pour, selon les interprétations ; il faut bien constater qu’il n’y a aucune majorité qui se dégage dans la Haute Assemblée. Contrairement à ce que j’ai pu entendre par ailleurs, c’est bien le travail sénatorial qui est ainsi dévalorisé.
Le débat sur les retraites méritait, me semble-t-il, un meilleur traitement, quelles que soient les approches idéologiques ou dogmatiques des uns et des autres. Encore une fois, le vote du Sénat va se traduire par un rejet, et c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Michel Vergoz. C’est prévu par la Constitution ! Mais nous aurions pu enrichir le texte.
M. Jean-Noël Cardoux. Pourtant, nous avions apporté des modifications de fond importantes.
Vous parlez de « spirale de l’échec ». Toutefois, monsieur Vergoz, en matière de retraites, ce sont les socialistes – certes, vous avez été au pouvoir moins longtemps que nous –, qui, en ramenant d’un seul coup l’âge légal de départ en retraite à soixante ans en 1981, sont à l’origine du déséquilibre.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais non !
M. Jean-Noël Cardoux. À l’inverse, vous décidez en 2012 de revenir à la retraite à soixante ans sans autre financement que l’augmentation des cotisations. Pour notre part, en 2003 et en 2010, nous avions engagé des réformes structurelles courageuses.
M. Michel Vergoz. Qui sont obsolètes en 2013 !
M. Jean-Noël Cardoux. Laissez-moi parler, s’il vous plaît, monsieur Vergoz. Pour ma part, je ne vous ai pas interrompu !
M. Michel Vergoz. Un petit peu quand même !
M. Jean-Noël Cardoux. Pas du tout !
M. le président. Mes chers collègues, seul M. Cardoux a la parole.
Nous avions entrepris ces réformes courageuses dans un contexte difficile, d’autant plus que des milliers de personnes défilaient dans les rues – d’ailleurs, vous les y encouragiez –, contre les efforts engagés par le gouvernement d’alors.
Ma collègue Isabelle Debré a parfaitement rappelé nos motifs d’insatisfaction, sur l’âge de départ comme sur la réforme systémique. Certes, sur ce dernier point, nous avons malgré tout voté le dispositif. Néanmoins, il faudra bien parvenir un jour à la retraite par points, ce qui réglerait de nombreux problèmes.
À cet égard, l’amalgame que font certains entre retraite par points et capitalisation n’a aucun sens ! La retraite par points, c’est de la répartition. (Murmures sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) D’ailleurs, les régimes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO sont des régimes par répartition, qui fonctionnent avec un système par points. De grâce, cessez les procès d’intention !
Pour ma part, je ne citerai pas Churchill pour répondre à vos accusations ; nous ne sommes pas en guerre.
M. Jean Desessard. Mais nous sommes dans une période de grande difficulté !
M. Jean-Noël Cardoux. J’évoquerai plutôt des économistes que nous avons connus à une certaine époque. Je pense notamment à Raymond Barre,… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Vergoz. Un Réunionnais !
M. Jean-Noël Cardoux. … qui a fait preuve de beaucoup de courage en son temps. Comme il le déclarait alors, les faits et les chiffres sont têtus.
Aussi je me contenterai de retenir trois chiffres – c’est une déformation professionnelle – sur la réforme que vous proposez.
Tout d’abord, en 2020, il y aura besoin de 13 milliards d’euros pour équilibrer les comptes. Or votre réforme ne garantit que 7 milliards d’euros.
Ensuite, le compte de pénibilité que vous instituez nécessitera, semble-t-il, quelque 2,5 milliards d’euros en 2040. Or vous n’assurez que 800 millions d’euros de financement.
Enfin, cerise sur le gâteau, vous bâtissez votre calcul des évolutions des cotisations de retraites sur un rythme de croissance de 1,6 % par an. Or nous savons très bien que la politique économique actuelle du Gouvernement rend cet objectif inatteignable.
Vous pouvez donc faire de grandes envolées lyriques. Pour ma part, j’y oppose les faits, et ils sont têtus. Nous verrons bien, dans les années à venir, qui aura eu raison.
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. J’en conviens, monsieur Cardoux, les faits sont effectivement têtus, surtout quand on les considère avec un peu de recul…
Compte tenu des hypothèses extrêmement optimistes sur lesquelles vous aviez fondé vos réformes de 2003 et 2010, nous nous sommes vite aperçus, une fois parvenus aux responsabilités, que l’objectif affiché pour 2020 ne serait pas atteint.
Le Gouvernement s’est donc saisi du dossier avec beaucoup de pertinence et de volontarisme. Et contrairement aux allégations de certains, il y a eu une véritable concertation, pendant dix mois ; les différents acteurs concernés ont pu s’exprimer. Le sujet est extrêmement important, et l’attente de nos concitoyens très forte.
Un travail approfondi, marqué par la richesse des réflexions et des idées formulées, a été mené, débouchant sur les mesures contenues dans le projet de loi.
Je ne reviendrai pas sur le psychodrame du vote. À en croire les médias, tous les sénateurs auraient rejeté le texte. En réalité, comme mon collègue Michel Vergoz l’a très bien expliqué avec sa verve coutumière, ce qui a motivé notre décision, c’est uniquement la volonté de ne pas ajouter à la confusion.
Il n’en demeure pas moins que les dispositions visant à sauver le régime de base et à en assurer le financement sont au cœur de la réforme proposée.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jacky Le Menn. Nous devons tous, je le crois, avoir cet élément fort à l’esprit. Dans un contexte économique qui ne nous est guère favorable, et c’est bien regrettable d'ailleurs, nous sommes saisis d’un projet de loi allant de l’avant et contenant, cela a été rappelé, des mesures de progrès social.
Je note que des élus de sensibilités politiques très différentes se sont retrouvés pour voter contre les articles apportant des solutions sur le financement. C’est ainsi que les articles 2, 3 et 4 ont disparu. Tandis que les uns nous accusaient de dilapider l’argent de la collectivité, les autres jouaient au petit jeu du « plus à gauche que moi, tu meurs ! » (Mme Isabelle Debré s’esclaffe.)
Tout cela, ce n’est que l’écume des choses. Sur le fond, ce qu’il faut retenir, c’est que la réforme contient des mesures sérieuses, courageuses et cohérentes pour sauvegarder nos régimes de base.
Je pense à la question à la pénibilité. J’ai en mémoire la position d’un grand syndicat, la CFDT, qui avait apporté son soutien à une réforme engagée par un précédent gouvernement,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne fait qu’un seul syndicat !
M. Jacky Le Menn. … à condition qu’il y ait des avancées positives pour les travailleurs, notamment pour ceux qui exercent les métiers les plus pénibles.
Néanmoins, il y avait eu tant de reculs, d’ailleurs avec des arguments que j’ai retrouvés dans notre discussion aujourd'hui – de telles mesures seraient « difficiles à mettre en œuvre » ou risqueraient de « ruiner les PME » – que, au final, il n’en était rien sorti ! Aujourd'hui, grâce au présent projet de loi, enrichi par l’Assemblée nationale, qui a effectué un travail très sérieux, des solutions seront enfin apportées au problème de la pénibilité.
Au final, la stabilisation et la sauvegarde de nos régimes de base, ainsi que l’adoption de mesures en faveur des travailleurs qui souffrent seront à mettre au crédit de ce gouvernement ; ce sera de notoriété publique !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Voilà un acte de foi…
M. Jacky Le Menn. J’en viens à la question de notre vote. (Marques d’impatience sur plusieurs travées.)
Nous ne donnerons pas aux médias l’occasion de ridiculiser, comme ils l’avaient fait la dernière fois, un éventuel rejet unanime aux motivations parfaitement hétéroclites. Aussi, après avoir réitéré notre soutien ferme et résolu au Gouvernement et à son projet de réforme, et pour ne pas mêler nos voix à l’aréopage disparate des opposants à ce texte, nous ne prendrons pas part au vote.
Mme Laurence Cohen. Qu’est-ce que c’est malin ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)