Sommaire

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine, M. Hubert Falco.

1. Procès-verbal

2. Hommage à Nelson Mandela

3. Souhaits de bienvenue à M. Ilir Meta, président de l’Assemblée de la République d’Albanie

4. Hommage à deux soldats français morts en République centrafricaine

5. Engagement des forces armées en République centrafricaine. – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.

MM. Jacques Legendre, Jean-Marie Bockel, Mme Michelle Demessine, MM. François Rebsamen, Jean-Michel Baylet, Mme Kalliopi Ango Ela.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.

6. Demande de constitution d'une commission spéciale

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

7. Programmation militaire pour les années 2014 à 2019. – Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense ; Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, rapporteur.

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

M. Jean-Marie Bockel, Mme Michelle Demessine, M. Jean-Pierre Chevènement, Mme Corinne Bouchoux, MM. Gérard Larcher, Daniel Reiner, Jeanny Lorgeoux, André Trillard, André Vallini, Jacques Gautier, Gilbert Roger, Xavier Pintat.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.

Clôture de la discussion générale.

Article 2 et rapport annexé

Mme Leila Aïchi, MM. le président de la commission, Jean-Yves Le Drian, ministre.

Amendements nos 7 rectifié et 8 rectifié de Mme Corinne Bouchoux. – Mme Corinne Bouchoux, MM. le rapporteur, Jean-Yves Le Drian, ministre. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’ensemble de l'article et du rapport annexé.

Articles 3, 3 bis et 4 à 4 quinquies. – Adoption

Article 4 sexies

Amendement n° 9 rectifié bis de Mme Corinne Bouchoux. – Mme Corinne Bouchoux, MM. le rapporteur, Jean-Yves Le Drian, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Articles 4 septies, 5 à 8, 10 et 11. – Adoption

Article 13

Amendement n° 11 rectifié ter de Mme Corinne Bouchoux. – Mme Corinne Bouchoux, MM. le rapporteur, Jean-Yves Le Drian, ministre ; Mme Nathalie Goulet. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 14

M. Jacques Berthou.

Adoption de l'article.

Articles 15, 16 bis à 16 sexies, 18, 19, 22 A, 22 et 24 à 26. – Adoption

Article 28 bis (Suppression maintenue)

Articles 28 ter A, 28 ter B, 28 ter à 28 quinquies, 29, 33 bis, 33 ter et 34. – Adoption

Vote sur l'ensemble

M. Dominique de Legge.

Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Hubert Falco.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à Nelson Mandela

M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à quelques moments de l’histoire, au fil des siècles, s’élèvent des femmes et des hommes qui par leur courage, par leur détermination, donnent confiance et espoir à des millions d’autres. Nelson Mandela (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent.) était de ceux qui incarnent les grandes luttes de leur temps et changent le cours de l’histoire.

Nelson Mandela nous a quittés le 5 décembre.

Dans son combat contre le racisme, contre l’injustice, Nelson Mandela a porté au plus haut ses convictions, ses valeurs, chevillées au corps : la liberté, l’égalité, la fin des discriminations. C’était un être rayonnant, éclatant, apportant un peu de lumière dans un XXe siècle trop longtemps marqué par sa part d’ombre.

Nelson Mandela, c’est d’abord le militant engagé. Il participa à la création en 1944 de la Ligue des jeunes du Congrès national africain, l’ANC, avant de se rapprocher du parti communiste sud-africain.

Nelson Mandela, ce fut un révolutionnaire, un homme d’action. Dans ce pays où Gandhi séjourna plus de vingt ans et où il conduisit ses premiers combats politiques, il mena des actions de désobéissance civile contre des centaines de lois qui retiraient aux Noirs, aux Indiens et aux métis leurs droits et libertés ; contre ce qu’il dénonça comme « un système monolithique, diabolique dans le détail, inéluctable dans son objectif et écrasant dans son pouvoir ». Cette désobéissance lui valut ses premières condamnations. Mais, dans la résistance, il acquit le sentiment de « marcher droit comme un homme et de regarder tout le monde dans les yeux avec dignité ».

Oui, révolutionnaire et non-violent, il fallut l’horreur du massacre de Sharpeville, le 21 mars 1960, pour qu’il reconsidère les méthodes d’action de l’ANC. Face à la brutalité sanglante de l’apartheid, qui ignorait les revendications légitimes de la population noire, il entra dans la clandestinité. Arrêté à son retour en Afrique du Sud après un voyage dans une douzaine de pays, il est mis en prison le 5 août 1962, pour n’en ressortir que le 11 février 1990, près de vingt-huit ans plus tard.

À soixante-treize ans, cet homme enfin libre incarnait alors l’avenir de son pays. « Je me tiens devant vous non pas en tant que prophète mais en tant que serviteur de vous, le peuple », déclara-t-il en toute humilité. Son nom avait porté l’espoir de ceux qui luttèrent pendant quarante ans contre l’apartheid.

Parvenu à faire tomber le système ségrégationniste qui avait voulu le briser, Nelson Mandela fut un sage. Sa force, sa grandeur d’âme lui venaient aussi de la culture xhosa, découverte au cours de son adolescence dans la tribu Thembu. Il avait fait sienne l’ubuntu, cette philosophie de fraternité, fondée sur l’appartenance de chacun à un ensemble plus vaste, à une humanité qui oblige au respect, à la compréhension d’autrui.

Loin de tout esprit de revanche, Nelson Mandela conduisit son pays sur le chemin de la réconciliation.

Devenu le symbole universel de toutes luttes contre le racisme et contre l’oppression, ce « héros au sourire si doux », pour reprendre les mots de Victor Hugo, donna à ces combats un visage.

Prix Nobel de la paix, premier président démocratiquement élu de la République d’Afrique du Sud, c’est à Sharpeville qu’il choisit, en 1996, de parapher la nouvelle Constitution de la « nation arc-en-ciel ».

Nelson Mandela, Madiba, resta toute sa vie fidèle à la plaidoirie qu’il prononça lors du procès de Rivonia, il y a un demi-siècle, vouant sa vie à la « lutte pour le peuple africain », pour « l’idéal d’une société démocratique et libre dans laquelle tous vivraient ensemble, dans l’harmonie, avec d’égales opportunités ».

Nelson Mandela savait qu’il ne suffit pas d’abolir certaines lois iniques pour faire disparaître les idées qui ont pu conduire à leur adoption. Il était conscient que tout ne vient pas en quelques mois, conscient du chemin qui reste à parcourir pour que chacun vive dans le respect et la dignité qui lui sont dus.

Nelson Mandela nous lègue ce message, cette responsabilité, celle d’œuvrer encore et toujours pour la liberté, contre les discriminations raciales, pour ces idéaux universels auxquels notre pays est si profondément attaché.

Mes chers collègues, par vos applaudissements, je vous demande de rendre hommage à Nelson Mandela. (Applaudissements prolongés.)

3

Souhaits de bienvenue à M. Ilir Meta, président de l’Assemblée de la République d’Albanie

M. le président. Mes chers collègues, j’ai l’honneur et le plaisir de saluer la présence, dans la tribune officielle, de M. Ilir Meta, président de l’Assemblée de la République d’Albanie. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

M. Meta est accompagné de Mme Monika Kryemadhe, députée membre de la commission pour l’intégration européenne, de Son Excellence M. Dritan Tola, ambassadeur d’Albanie en France, et de notre collègue Bernard Fournier. Je me suis entretenu avec nos deux collègues albanais ce midi, avant qu’ils ne rencontrent des membres du groupe d’amitié.

Leur visite s’inscrit dans un contexte renouvelé, après les élections législatives de juin dernier qui ont permis l’alternance politique en Albanie et avec la proposition récente de la Commission européenne d’octroyer à ce pays le statut de candidat à l’Union européenne. La France soutient le processus de réformes qui permettra à l’Albanie d’entamer les négociations d’adhésion.

La visite du président Meta et de sa collègue contribue à renforcer encore les excellentes relations entre nos deux pays et nos deux assemblées.

Au cours des derniers mois, le Sénat a conduit une coopération intense en faveur du renforcement du Parlement albanais, dans le cadre d’un jumelage qui a abouti à la rédaction de guides de travail dans des domaines comme la procédure législative, le contrôle de l’action gouvernementale et la communication.

Je forme des vœux pour que le séjour des membres de la délégation réponde à leur attente, et je leur souhaite, en mon nom personnel et au nom du Sénat tout entier, la plus chaleureuse bienvenue. (Applaudissements.)

4

Hommage à deux soldats français morts en République centrafricaine

M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant que nous n’engagions le débat sur l’intervention des forces armées françaises en République centrafricaine, c’est avec une grande émotion que je souhaite rendre hommage aux deux soldats français du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres, qui sont morts au combat cette nuit à Bangui. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent.)

Le Sénat tout entier salue l’immense courage de ces deux hommes, qui ont fait le sacrifice de leur vie pour défendre les valeurs universelles de liberté et de démocratie.

Nous exprimons à leurs familles et à leurs proches nos condoléances les plus attristées. Nous nous associons à leur douleur, ainsi qu’à celle de leurs camarades de régiment.

Nos pensées vont également à cette heure vers l’ensemble des militaires déployés en République centrafricaine pour rétablir la sécurité et protéger les populations.

Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence pour honorer la mémoire des deux soldats morts au combat la nuit dernière. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

5

Engagement des forces armées en République centrafricaine

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’engagement des forces armées en République centrafricaine, dans le cadre du mandat résultant de la résolution 2127 du Conseil de sécurité des Nations unies, en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, jeudi dernier, le Président de la République s’est adressé à la nation pour annoncer l’intervention des forces françaises en République centrafricaine. La décision d’engager nos forces armées est toujours une décision grave.

Nous venons de rendre hommage aux deux soldats, Nicolas Vokaer et Antoine Le Quinio, du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres, qui ont fait cette nuit le sacrifice de leur vie. Mes pensées vont à leur famille et à leurs proches, auxquels j’exprime la solidarité de la nation, et je transmets les condoléances les plus attristées de l’ensemble du Gouvernement.

En République centrafricaine, nos hommes interviennent en appui à la MISCA, la mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, et sur la base d’un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies.

Cette intervention était urgente et nécessaire. Quelques heures auparavant, des miliciens armés massacraient encore dans les rues de Bangui, n’épargnant ni les femmes ni les enfants, munis de listes de victimes et faisant du porte-à-porte pour les traquer. Le danger d’une telle situation, le Président de la République l’avait dénoncé à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre dernier. Notre alarme était justifiée : le pays était bien au bord du gouffre.

Depuis la prise du pouvoir par des rebelles de la Séléka, le 24 mars 2013, les exactions, l’arbitraire, les pillages, le recrutement d’enfants soldats, les villages brûlés, les viols, les mutilations, les exécutions sommaires : voilà à quoi s’est résumée la vie quotidienne des populations civiles, victimes de la faillite de l’État centrafricain. Plus inquiétants encore, les affrontements entre groupes ont pris récemment une tournure intercommunautaire et interconfessionnelle extrêmement dangereuse. Cette spirale de la haine aurait pu à tout moment déboucher sur un enchaînement d’exactions et de représailles entre chrétiens et musulmans.

L’anarchie en République centrafricaine est aussi une menace pour une région – les Grands Lacs, les Soudans – déjà très fragile. Ce pays, enclavé entre le Cameroun, le Tchad, le Soudan, le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo et le Congo-Brazzaville, ne doit en aucun cas devenir un nouveau sanctuaire pour tous les trafics et tous les groupes terroristes. À cet égard, c’est aussi notre sécurité et celle de l’Europe qui sont en cause.

À cette crise, à cet effondrement sécuritaire s’ajoute une tragédie humanitaire : un habitant sur dix a dû abandonner son foyer ; 70 000 Centrafricains ont déjà quitté le pays et 2,3 millions de personnes ont besoin d’une assistance en urgence.

Face à ce drame, la France pouvait-elle ne rien faire ? La France pouvait-elle rester sourde aux appels à l’aide des autorités centrafricaines et de nos partenaires de l’Union africaine ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour la France, l’inaction n’était pas une option. Attendre, c’était prendre le risque d’un désastre. Attendre, c’était nous exposer au risque d’une intervention ultérieure, beaucoup plus coûteuse et beaucoup plus difficile.

Cette décision fait suite aux efforts déployés depuis plusieurs mois en faveur d’une réponse collective à cette tragédie en plein cœur de l’Afrique. Il y a eu d’abord le message d’alarme du Président de la République à l’Assemblée générale des Nations unies, je l’ai rappelé. Il y a eu ensuite l’encouragement aux pays de la région à renforcer les troupes qu’ils avaient commencé à déployer et à user de toute leur influence pour que les parties cessent les violences et reprennent le chemin de la transition politique.

C’est la France qui a saisi le Conseil de sécurité et qui a obtenu que deux résolutions soient votées à l’unanimité. La résolution 2127, adoptée la semaine dernière, donne mandat à la force africaine de stabiliser la République centrafricaine et de protéger les civils. Elle nous permet d’appuyer cette force.

C’est encore la France qui a su convaincre ses partenaires internationaux d’apporter leur soutien politique, logistique et financier à cet effort international de stabilisation.

Le cadre de l’opération Sangaris est incontestable. La France agit sur la base d’un mandat des Nations unies. Elle répond à l’appel lancé par l’Union africaine, le 13 novembre dernier. Elle répond également à une demande d’assistance des autorités de transition centrafricaines.

Nos objectifs sont clairement circonscrits.

Premièrement, il faut rétablir la sécurité en République centrafricaine, enrayer la spirale d’exactions et la dérive confessionnelle et permettre le retour des organisations humanitaires ainsi que le déploiement des structures étatiques de base.

Deuxièmement, nous voulons favoriser la montée en puissance rapide de la MISCA et permettre son plein déploiement opérationnel. La MISCA doit en effet être en mesure d’assurer le contrôle de la situation sécuritaire, de désarmer les milices et de faciliter la transition politique.

Le Président de la République l’a dit, notre intervention sera rapide, elle n’a pas vocation à durer. Elle est pleinement cohérente avec le message du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique : la sécurité de l’Afrique relève de la responsabilité des Africains.

Nos forces sont engagées, dans l’urgence, en soutien des contingents africains de la MISCA, dont l’action a déjà commencé et va se renforcer. L’Union africaine a en effet annoncé qu’elle porterait rapidement sa présence sur le terrain de 2 400 à 6 000 hommes. Ces hommes viennent de tous les pays de la région.

Le désengagement de nos forces commencera dès que la situation le permettra, en fonction de l’évolution sur le terrain et de la montée en puissance des capacités opérationnelles des forces africaines. Ce doit être l’affaire de quelques mois.

Nous savons qu’il faudra du temps pour désarmer les milices, former de nouvelles forces de sécurité centrafricaines et mener à bien un processus électoral. C’est le rôle, dans la durée, de la MISCA.

La résolution 2127 prévoit qu’une opération de maintien de la paix des Nations unies pourra, si le Conseil de sécurité en décide, lui succéder pour la conforter et lui apporter un cadre plus robuste, y compris en matière de financement. L’Union européenne pourra également y contribuer, notamment grâce aux instruments de la politique de sécurité et de défense commune.

Je salue la rapidité et la qualité de l’action que conduisent nos forces sur le terrain. Nous avons pu, grâce à la complémentarité entre notre dispositif prépositionné dans la région et les forces en alerte en France, porter en deux jours notre présence sur place à 1 600 hommes. Nous avons pu, grâce aux renforts rapides qui ont été déployés à Bangui et ailleurs, à Bossangoa en particulier, éviter des massacres de masse, alors que la situation dans la capitale devenait critique. Vous avez d’ailleurs pu lire les témoignages des observateurs et des représentants des organisations non gouvernementales, dont je salue l’engagement.

Nos hommes, aux côtés des forces africaines, sécurisent les sites les plus sensibles, notamment l’aéroport et les zones de regroupement de nos compatriotes, qui sont près de 800, dont 500 binationaux. Ils assurent une présence constante par des patrouilles, dont la vertu dissuasive joue pleinement. Déjà, ils participent aux actions de cantonnement et de désarmement des groupes armés afin de rétablir calme et sécurité. Ils favorisent le retour à des conditions d’un fonctionnement normal des structures étatiques indispensables au règlement durable de la situation dans le pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, soyons clairs : la République centrafricaine n’est pas le Mali. La situation sur le terrain diffère. Les groupes armés ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Pourtant, j’entends à nouveau les mêmes questionnements.

J’entends les questionnements sur nos moyens. Oui, la France a la capacité d’agir aujourd’hui ! Le financement de l’opération Sangaris est prévu au budget de l’État, comme en atteste la clause de garantie figurant dans le projet de loi de programmation militaire que nous examinerons tout à l'heure. La France le pourra aussi demain, dans le cadre défini par cette loi, avec un format parfaitement adapté à la conduite simultanée d’opérations telles que celles engagées au Mali et en République centrafricaine.

J’entends les questionnements sur notre posture, même s’ils sont rares. Non, la France n’agit pas en gendarme de l’Afrique ! Elle assume tout simplement ses responsabilités internationales. Elle répond à l’appel de ses partenaires africains et fait face à l’urgence absolue de prévenir une spirale de massacres. Le sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique a été l’occasion d’un message unanime de tous les Africains sur la nécessité de renforcer les capacités africaines de réponse aux crises sur le continent. La mise en place d’une vraie force panafricaine de réaction rapide mobilisera, dans les mois à venir, l’Afrique et ses partenaires.

J’entends également les questionnements sur notre prétendu isolement. Non, la France n’est pas seule ! Elle bénéficie du soutien politique de tous les membres du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Secrétaire général des Nations unies a encore lancé, vendredi dernier, un appel d’urgence sur la situation en République centrafricaine.

La France agit, je le répète, aux côtés des Africains, regroupés au sein de la MISCA.

L’Union européenne l’accompagne depuis le début. Le président du Conseil européen, qui participait au sommet de l’Élysée, a souligné les risques que la déstabilisation des pays africains fait peser sur la sécurité de l’Europe tout entière. L’Europe agit sur le terrain, avec la mise en place hier d’un pont aérien entre Douala et Bangui pour acheminer l’aide humanitaire indispensable. L’Europe apporte ses capacités de financement.

Les États membres qui disposent des moyens opérationnels nécessaires s’engagent également. Sans attendre, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont mis des moyens aériens à disposition de la France et des Africains. La Belgique se prépare à apporter son appui. D’autres pays nous ont fait savoir leur disponibilité. Je les en remercie par avance.

Les États-Unis fourniront, dans les prochains jours, des capacités de transport pour les contingents africains et ont promis 40 millions de dollars pour la MISCA. L’Union européenne la finance déjà à hauteur de 50 millions d’euros et examine comment s’engager rapidement dans le domaine de la formation.

Car au-delà de l’urgence, il faut préparer l’avenir. Et cet avenir passe notamment par la restructuration des forces de sécurité et par la restauration de l’autorité de l’État et des services publics. Il faudra surtout que la transition politique soit menée à son terme. Trop longtemps, la République centrafricaine a été ballottée au gré de pouvoirs faibles, d’une gouvernance défaillante et de l’ingérence d’acteurs extérieurs. Notre volonté est de tourner cette page. C’est celle qu’exprimera le Président de la République à l’occasion de sa visite à Bangui, ce soir, au retour de l’Afrique du Sud.

Avec les Centrafricains, les pays de la région ont posé les contours d’un processus de transition devant aboutir à des élections présidentielle et législatives libres et transparentes, le plus tôt possible. Les autorités centrafricaines se sont engagées à mener à bien cette transition. La communauté internationale fera preuve de la plus grande vigilance. Il y va de la renaissance de la République centrafricaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai dit, la décision d’engager nos forces armées est toujours une décision grave. En ces circonstances, l’unité de la nation et de l’ensemble des forces politiques est indispensable. En recevant, ce matin, les présidents des deux assemblées, de leurs groupes politiques et des commissions compétentes, le Premier ministre a déjà pu constater une large convergence de vues.

Cette unité, nous la devons à nos soldats qui, au péril de leur vie, agissent sur un nouveau théâtre. Je ne soulignerai jamais assez leur courage et leur professionnalisme.

Cette unité, nous la devons aussi au peuple centrafricain, qui traverse depuis trop longtemps les épreuves et qui est en droit de prétendre à des lendemains meilleurs. La crise actuelle pourra, j’en suis persuadé, être surmontée et céder le pas à la reprise du dialogue intercommunautaire, à la réconciliation nationale et à une perspective de développement. La France saura faire preuve de solidarité.

Cette unité, nous la devons enfin à l’Afrique, notamment aux pays d’Afrique centrale, qui se sont mobilisés de manière exemplaire et qui ont demandé l’aide de la France. La France assume ses responsabilités internationales et tient parole en étant à leurs côtés. Elle respecte ses valeurs, celles qui sont au cœur de notre République.

Mesdames, messieurs les sénateurs, un des plus grands hommes que le continent africain ait connu disait : « Ce monde doit être celui de la démocratie et du respect des droits humains, un monde libéré des affres de la pauvreté, de la faim, du dénuement et de l’ignorance, épargné par les guerres civiles et les agressions extérieures et débarrassé de la grande tragédie vécue par les millions de réfugiés. » Cet homme, c’était Nelson Mandela.

C’est la liberté du peuple centrafricain, son aspiration à retrouver la paix et la sécurité, à bénéficier de l’assistance humanitaire la plus élémentaire que nos hommes défendent aujourd’hui avec les forces africaines. Cette cause est juste. Elle correspond à l’idée même que la France se fait de sa place dans le monde.

Le Président de la République et le Gouvernement ont fait le choix de l’action. À l’heure d’assumer à nouveau cette responsabilité, je sais que nous continuerons à nous rassembler pour que nos soldats soient plus forts et que les objectifs de la France soient pleinement atteints. (Applaudissements.)

M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.

Dans le débat, la parole est à M. Jacques Legendre, pour le groupe de l’UMP.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la deuxième fois cette année, le Président de la République engage les troupes françaises dans une opération extérieure.

Je tiens tout d’abord à adresser à nos soldats et à leurs familles, au nom du groupe UMP, un message de soutien. J’en suis certain, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous sommes tous reconnaissants à nos soldats de leur professionnalisme et de leur courage. L’annonce de la mort de deux d’entre eux aujourd’hui en opération nous touche profondément.

Nos soldats sont la fierté de notre pays quand ils concrétisent ainsi l’action de notre diplomatie, laquelle n’a pas ménagé sa peine au Conseil de sécurité des Nations unies pour faire adopter la résolution 2127, malgré les atermoiements et hésitations de certains de nos partenaires.

Mais pourquoi, après le Mali, intervenir une nouvelle fois, et en Centrafrique ? Serions-nous devenus les gendarmes de l’Afrique ? Nous ne devons pas revendiquer ce rôle que nous n’avons pas vocation à jouer, car les États africains sont indépendants depuis maintenant des décennies. Cependant, le Mali et la Centrafrique sont des territoires auxquels nous unissent encore des liens affectifs et culturels puissants. Si nous n’étions pas intervenus, ils auraient pu rapidement sombrer dans le chaos.

Je connais bien la Centrafrique. C’est un pays où j’ai été coopérant en qualité de volontaire du service national. J’y enseignais le français dans un collège de brousse.

Ce pays de 600 000 kilomètres carrés, un peu plus grand que la France, peuplé à l’époque par 1,5 million d’habitants – ils sont maintenant 4,5 millions –, était connu jadis sous le nom d’Oubangui-Chari. Il fut le deuxième territoire africain à rejoindre la France libre en 1940. N’oublions pas l’aide que ses soldats nous ont apportée au moment le plus sombre de notre histoire !

Il a été conduit à l’indépendance par un homme remarquable, l’abbé Barthélemy Boganda. Il avait une vision : il rêvait de construire les États-Unis d’Afrique latine. Il avait constitué une formation dénommée Mouvement d’évolution sociale de l’Afrique noire. Il voulait conduire l’Afrique centrale vers la modernité dans la coopération avec la France, et il avait donné à son pays cette belle devise en langue locale, le sango : « Zo kwe zo », ce qui signifie qu’un homme est un homme. Mais il est mort très vite, victime d’un accident d’avion à l’aube de l’indépendance, et son pays a connu une spirale de coups d’État et de désordres qui le mènent aujourd’hui au bord de l’effondrement.

Quand j’ai connu Bangui, on l’appelait « Bangui la coquette », et c’était une belle petite ville. Malheureusement, on la surnomme maintenant, et depuis des années, « Bangui la roquette ».

Avions-nous le droit, la possibilité de ne rien faire ? Pouvions-nous laisser massacrer la population de Bangui à quelques kilomètres d’une force française stationnée sur l’aéroport de cette capitale ? Comment pourrions-nous justifier, devant notre conscience et l’opinion internationale, le choix de ne rien faire le jour même où nous pleurons tous unanimement la disparition de Nelson Mandela, qui a su, lui aussi, comme Barthélemy Boganda, conduire son peuple à l’indépendance en voulant dépasser les différences de couleur et d’ethnie ?

Ce n’était pas possible. Il nous fallait agir ! Il faut simplement regretter que nous soyons les seuls, une fois de plus, à avoir aujourd'hui la capacité et la volonté de le faire dans cette partie de l’Afrique.

C’est d’abord au continent africain qu’il appartient de régler les problèmes qui se déroulent sur son sol. L’aide à l’Afrique ne relève pas seulement de la France, et nous devrions obtenir de nos amis européens autre chose qu’un soutien timide et quelques facilités de transport.

La Grande-Bretagne, la Belgique, le Portugal, l’Italie, l’Espagne et même l’Allemagne ont aussi été présents sur le continent africain. L’Europe et l’Afrique ont un avenir beaucoup plus étroitement lié qu’on ne peut l’imaginer. L’Europe saura-t-elle définir une politique africaine ambitieuse, respectueuse de l’Union africaine en construction et tournée vers un véritable développement qui, seul, peut empêcher le renouvellement des crises ?

Il faut dire aussi aux Français qui s’interrogent sur notre engagement en Centrafrique que cette décision est tout à fait conforme aux intérêts de la France.

Nous avons empêché au Mali l’instauration d’une dictature religieuse obscurantiste et brutale. Pouvions-nous laisser s’installer au cœur de l’Afrique un espace de non-droit accueillant sur son sol tous les trafiquants de drogue, d’ivoire, d’armes et tous les fanatiques qui auraient pu y trouver refuge ? Je pense aux coupeurs de route venus du Darfour ou des confins du Tchad et du Soudan, du Nord comme du Sud, aux métastases de Boko Haram, cette rébellion sanguinaire qui désole le Nigeria, menace le Cameroun et enlève nos ressortissants, à l’Armée de résistance du Seigneur, la LRA, sortie d’Ouganda et qui a déjà brûlé tant de villages centrafricains.

La Centrafrique que j’ai connue et aimée n’était pas déchirée par les haines religieuses. Les Pygmées, les Bayas de l’Ouest centrafricain, animistes ou chrétiens, et les Peuls bororos de la région de Bouar, où nos troupes ont été acclamées samedi, coexistaient sans heurts. C’est l’irruption d’éléments violents, armés, venus d’ailleurs qui a changé la situation. Le processus amorcé il y a dix ans déjà lors de la prise de pouvoir par le général Bozizé se renforce aujourd’hui.

Les menaces sont pressantes. L’État centrafricain a pratiquement disparu. La capitale, Bangui, est en proie aux affrontements ; dans la brousse, il n’y a plus d’administration, de police, de gendarmerie, de représentants de l’état. L’État centrafricain s’est effondré, comme quelques autres dans le monde. Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour le reconstruire : il s’agit d’abord de garantir l’intégrité du territoire et de rendre la parole au peuple centrafricain par des élections véritablement libres avant, ensuite, et le plus vite possible, d’aider ce pays à se reconstruire et à se développer. Face à une telle situation, il ne faut pas se contenter d’apporter une aide de court terme et puis rentrer chez soi. Avec le maximum de partenaires, il faut accompagner cet État dans la durée pour lui éviter de nouvelles crises.

Actuellement, les paysans en brousse n’osent plus semer. La disette est déjà présente dans un pays qui devrait pouvoir nourrir sa population. Je ne parle même pas des investissements étrangers, qui sont, bien sûr, complètement arrêtés.

Il y a urgence à agir, mes chers collègues. Je pense même que la communauté internationale a déjà beaucoup trop tardé. C’est pourquoi j’avais interpellé ici, il y a quelques semaines, le ministre des affaires étrangères en m’inquiétant de la situation dans ce pays.

Je ne reprocherai sûrement pas au Président de la République d’avoir décidé, au vu de l’urgence, d’engager nos troupes dès que les conditions de l’intervention ont été réunies au Conseil de sécurité à New York. Je me réjouis simplement qu’un débat sur cet engagement soit maintenant organisé, comme le permet la révision constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy en 2008. En modifiant l’article 35 de la Constitution, cette réforme a permis de renforcer le rôle du Parlement, tout en laissant au chef de l’État la possibilité de réagir vite face aux massacres et aux tragédies.

C’est une chance pour notre diplomatie de n’être pas tributaire a priori de tractations partisanes. Mais il est tout à fait normal que le Président de la République doive, au bout de quatre mois, obtenir du Parlement l’autorisation de poursuivre une opération extérieure.

Faudra-t-il qu’il en soit ainsi dans quatre mois ? Je le crains et je le crois. En effet, nous ne devons pas nous faire d’illusions. Si elle est nécessaire, cette intervention est aussi périlleuse. Certes, les conditions climatiques et politiques sont différentes de celles du Nord-Mali. Mais peut-on sécuriser rapidement un pays grand comme la France avec seulement 1 600 militaires français et quelques milliers de militaires africains ? Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer la combativité des Séléka, souvent redoutables, qui ont connu ailleurs d’autres conflits et en sont sortis endurcis et très violents. Les événements de cette nuit, hélas, le confirment.

Il est nécessaire que les Nations unies et l’Europe s’engagent vraiment à nos côtés. La France a une admirable armée, mais son volume et ses moyens sont de plus en plus contraints. En cette période de débats budgétaires, je voudrais redire notre conviction que la faute essentielle est toujours de prendre des engagements internationaux que nos moyens militaires et diplomatiques ne permettraient pas d’honorer.

Nous sommes membres du Conseil de sécurité. C’est une charge et une chance, et nous devons y rester. Mais si nous en sommes membres, c'est aussi parce que nous disposons d’une dissuasion nucléaire, d’une véritable armée et d’un réseau diplomatique très étoffé. Réduire encore les moyens de nos armées et de notre diplomatie serait, à terme rapide, nous condamner à n’être plus qu’une nation de second ou troisième rang. Après bien d’autres crises, c’est aussi une leçon à tirer de ce que nous vivons aujourd’hui.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a parfois des raccourcis saisissants. Alors que vient de s’achever un nouveau sommet France-Afrique, nous voici tout à la fois engagés une fois de plus sur ce continent, au secours d’une population menacée, et plongés dans la peine universelle ressentie à l’annonce de la mort de Nelson Mandela.

On le voit bien, la France et l’Afrique ont tissé de tels liens que, tout naturellement, ce qui se passe en Afrique, et singulièrement en Afrique francophone, prend chez nous une singulière résonance, comme il est vrai aussi que l’Afrique, qui ne regarde plus seulement vers les anciennes puissances coloniales, n’est néanmoins jamais indifférente à ce qui nous concerne et continue à attendre beaucoup, peut-être trop, de nous.

Cette empathie n’est pas ce qu’on appelait la « Françafrique », mais c’est le sentiment réel de liens particuliers. Je souhaite que la jeunesse africaine et la jeunesse française puissent continuer à échanger, à se rencontrer, à se comprendre, car c'est important pour l’avenir. Pour ma part, j’ai eu la chance de faire jadis, comme de nombreux autres jeunes Français, mon service national en Afrique, qui pouvait certes être utile, mais qui m’a surtout beaucoup appris.

Une fois de plus aujourd’hui, la France, dans l’urgence, s’engage par fidélité à ses valeurs. Cependant, cet engagement ne nous dispense pas d’aider d’abord ceux que nous avons rendus indépendants de nous à acquérir progressivement les moyens réels de cette indépendance.

Un homme politique centrafricain, M. Ngoupandé, avait écrit un livre intitulé L’Afrique sans la France. La France, fort heureusement, répond encore une fois à l’appel de l’Afrique. L’Afrique n’est pas sans la France. Ce que nous devons faire, c’est bâtir une véritable solidarité entre la France, l’Europe et l’Afrique, pour notre bien commun ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe de l’UDI-UC.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je salue Jacques Legendre, dont les propos ont été à la fois forts, justes et émouvants.

L’intervention des forces armées françaises en République centrafricaine, en appui de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, la MISCA, vient répondre à une situation de danger extrême pour les populations civiles, alors que les violences interethniques et interreligieuses menacent de plonger un peu plus le pays dans le chaos. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre de la défense, il y va aussi de notre sécurité.

Ainsi que nous l’avions fait lors de l’intervention au Mali et dans un esprit de responsabilité et d’union nationale, nous apportons notre soutien à la décision du Président de la République, qui s’inscrit dans la légalité internationale, conformément à la résolution 2127 des Nations unies.

Permettez-moi à mon tour de saluer la mémoire de nos deux soldats engagés dans l’opération Sangaris qui sont tombés au combat dans la nuit d’hier à aujourd’hui. J’associe à cet hommage ceux qui ont fait le sacrifice suprême lors de l’intervention au Mali, qui se poursuit toujours.

Si les objectifs de l’opération Sangaris ont d’ores et déjà été annoncés par le Président Hollande – désarmement des « milices et groupes armés », stabilisation du pays en vue d’« élections libres et pluralistes » –, nous attendons vos précisions, monsieur le ministre, non pas sur la situation d’aujourd'hui, sur laquelle vous avez été suffisamment précis, ni sur le format et la durée de l’intervention. En effet, comme vous l’avez dit ce matin à Matignon, il s’agit d’une opération complexe et on ne peut vous demander de nous dire précisément aujourd'hui ce qu’il en sera dans deux ou trois mois. En revanche, nous comptons sur vous pour nous informer et informer nos concitoyens tout au long de l’intervention et pour nous apporter au fur et à mesure des précisions sur le rôle qu’entend jouer la France dans le processus de stabilisation et de reconstruction du pays.

Quoi qu’il en soit, certains enjeux, d’ordre sécuritaire, politique ou humanitaire, sont d'ores et déjà perceptibles.

La priorité consiste évidemment à rétablir un climat de sécurité, sans lequel les efforts de reconstruction seront vains. La République centrafricaine est devenue depuis plusieurs mois une « zone grise », où prospèrent des bandes armées, avec pillages, exactions, viols et massacres.

Depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition de rebelles Séléka, la situation sécuritaire s’est dégradée à Bangui et dans le reste du pays, en raison d’affrontements opposant des éléments de la Séléka à des groupes d’autodéfense, laissant apparaître le spectre d’un génocide interreligieux. Oui, il était temps d’intervenir, et il fallait le faire dans le respect de la légalité internationale !

Néanmoins, le renforcement du dispositif militaire français ne saurait remplacer l’indispensable et nécessaire montée en puissance de la force africaine. Il y va de la responsabilité partagée des Africains face aux défis sécuritaires de la région.

Cette « africanisation » passe, bien sûr, par le renforcement de la MISCA, qui, à ce jour, mobilise environ 2 500 soldats sous la bannière de l’Union africaine, avec l’appui de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. À l’issue du récent sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, l’Union africaine a décidé de porter cette force intervenant en Centrafrique à 6 000 hommes, contre 3 600 initialement prévus. Je salue cette décision.

Cependant, des incertitudes persistent sur la capacité de cette force à se déployer rapidement et efficacement, quand on voit, par exemple, les difficultés que rencontre la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, la MINUSMA, dont les contingents sont souvent sous-entraînés et sous-équipés. Plus généralement, force est de constater que la mutualisation par les États membres de l’Union africaine de leurs moyens civils, militaires et policiers pour participer à la résolution des conflits à l’échelle régionale reste encore balbutiante. Certes, la volonté existe – on a pu le constater récemment –, mais du chemin reste à parcourir.

Pourtant, la mise en place d’une véritable architecture de sécurité africaine, disposant d’une force de réaction rapide, demeure plus que jamais une nécessité, comme le souligne d'ailleurs le rapport que Jeanny Lorgeoux et moi-même venons de cosigner au nom de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. La constitution d’une telle force africaine continue de rencontrer des problèmes d’interopérabilité et de financement, outre qu’elle souffre du manque de volonté politique de certains États. La France s’est d’ailleurs engagée ce week-end à former 20 000 soldats africains par an pour cette force, afin qu’elle soit opérationnelle dès 2015.

L’Europe devrait également prendre sa part à cet effort de soutien aux forces africaines, car les deux continents sont liés et les enjeux de sécurité ne connaissent pas de frontières, à l’image du terrorisme. Or, si nous saluons la prompte réaction de notre pays en RCA, nous ne pouvons que déplorer, une fois de plus, l’absence totale de décision européenne. Certes, l’Union européenne a salué le feu vert donné par l’ONU à une intervention des forces africaines et françaises, Catherine Ashton ayant même évoqué un soutien « substantiel » pour répondre à l’urgence et à la gravité de la situation. Mais que compte faire l’Europe de manière concrète pour nous soutenir militairement, logistiquement ou financièrement dans cette opération ?

Du côté des pays européens, le Royaume-Uni a proposé une « aide logistique limitée » à la France, mais, à notre connaissance, l’envoi de troupes britanniques ne semble pas pour le moment sur la table.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, ce matin, lors de la réunion à Matignon, le Premier ministre a fait savoir que d’autres pays européens s’étaient manifestés pour contribuer, à tout le moins, à ce soutien logistique. Vous avez évoqué, notamment, l’Allemagne et la Pologne. Nous verrons ce qu’il en adviendra, mais il serait évidemment positif que certains de ces pays puissent être présents d’une manière ou d’une autre sur le terrain, même de manière symbolique.

Aussi pourquoi ne pas plaider auprès de nos partenaires européens pour le déploiement du groupement tactique européen – le battlegroup –, dont l’objectif est justement de pouvoir participer rapidement à des opérations à l’étranger ? Créé en 2007, ce groupement n’a encore jamais été utilisé sur un théâtre d’opération. Or, au second semestre de 2013, il comprend environ 1 500 militaires, originaires de cinq pays, dont le Royaume-Uni, qui le dirige. Rêvons un peu : ce déploiement permettrait de mettre en pratique l’idée de défense européenne, à quelques jours du Conseil européen consacré à cette question.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Jean-Marie Bockel. Dans le même temps, le rétablissement de la sécurité en RCA doit permettre la mise en œuvre au plus vite d’un processus de transition politique, auquel nous apportons tout notre soutien.

J’avais salué il y a quelques semaines la signature, à Bangui, par le Président de transition de la République centrafricaine, Michel Djotodia, son premier ministre, Nicolas Tiangaye, qui est en France en ce moment, et le président de son « conseil national de transition » d’un « pacte républicain », sous l’égide de la Communauté de Sant’Egidio, laquelle est souvent intervenue avec succès dans bien des conflits dramatiques sur la planète, notamment sur le continent africain. Je pense au Mozambique, lorsque la guerre civile y faisait rage.

Ce « pacte républicain », issu des pourparlers de paix des 6 et 7 septembre dernier, exclut la violence comme moyen d’accéder au pouvoir et réaffirme la nécessité de renforcer les institutions et de travailler durant l’actuelle phase de transition politique pour préparer le pays et ses structures à la démocratie. Il est désormais urgent que l’ensemble des acteurs mettent en œuvre ces principes directeurs dans une démarche d’inclusion et de réconciliation, à même d’apaiser les tensions encore vives entre les communautés ethniques et religieuses.

Le groupe UDI-UC est particulièrement attaché au bon déroulement, jusqu’à son terme, du processus politique devant aboutir, au début de l’année 2015 – ou peut-être avant, monsieur le ministre ? –, à des élections libres et transparentes. Cette transition ne pourra s’opérer sans le désarmement, la démobilisation et la réintégration de tous les groupes armés présents en RCA.

Pour conclure, je dirai qu’il est urgent d’apporter une réponse immédiate à la grave crise humanitaire que traverse la République centrafricaine. L’accès à l’aide humanitaire reste en effet très limité, en raison du climat d’insécurité, alors que les besoins sont énormes.

Alors que les opérations militaires sont en cours, n’oublions pas que le chaos que connaît la RCA depuis décembre 2012 a provoqué la fuite de plus de 60 000 Centrafricains vers d’autres pays de la région. Plus de 415 000 ont été déplacés dans leur propre pays et, selon la Secrétaire générale adjointe de l’ONU aux affaires humanitaires, la moitié de la population a besoin d’aide humanitaire, et 1,3 million d’habitants de manière urgente.

L’Union européenne a déjà débloqué une aide humanitaire de 20 millions d’euros depuis le début de l’année. On parle à présent de 50 millions d’euros supplémentaires. Si le déploiement des forces françaises et africaines devrait faciliter l’acheminement de l’aide, beaucoup reste à faire. Nous appelons à la tenue d’une conférence de bailleurs de fonds pour répondre à cette situation d’urgence et, ainsi, enclencher un processus de reconstruction indispensable. Sans développement, il n’y aura pas de sécurité durable, ni ici ni ailleurs !

La France démontre, aujourd'hui en RCA comme hier au Mali, en Côte d’Ivoire ou en Libye, même si ces opérations sont très différentes, qu’elle est en mesure d’intervenir rapidement lors d’une crise grave, à travers une capacité de projection et des forces prépositionnées. Néanmoins, alors que des zones d’instabilité persistent en Afrique, notamment au Sahel, avec un risque de déstabilisation régionale, la solution ne peut venir uniquement de l’usage des forces françaises, dont les moyens se contractent du fait de la contrainte budgétaire. La mobilisation de nos partenaires européens et de l’ensemble de la communauté internationale est essentielle. Toutefois, c’est surtout l’émergence d’une véritable architecture de sécurité africaine dotée d’une capacité d’intervention robuste, sous l’égide de l’Union africaine et des organisations subrégionales, qui permettra d’assurer à long terme la sécurité et la stabilité du continent. Cet intérêt existe de part et d’autre de la Méditerranée.

Dans cette attente, monsieur le ministre, le groupe UDI-UC apporte son soutien à votre décision d’engager nos forces armées en Centrafrique. Il veut également témoigner sa solidarité à nos soldats qui servent courageusement sous nos couleurs, que ce soit en Centrafrique, au Mali ou sur les différents théâtres extérieurs.

L’Afrique est notre avenir. Cette Afrique convoitée, diverse – c’était aussi le message de Nelson Mandela –, nous devons aujourd'hui la considérer d’égal à égal. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste, du RDSE et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour le groupe CRC.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la disparition de Nelson Mandela résonne douloureusement dans les tragiques événements de Centrafrique. Après avoir lutté la majeure partie de sa vie contre l’inhumanité suprême qu’est la ségrégation raciale, cet homme a réussi à éviter un désastre à son pays en prônant la réconciliation entre ses différentes composantes, pour construire une Afrique du Sud libre, démocratique, non raciale, progressant sur la voie du progrès économique et social.

Nelson Mandela disparaît alors qu’un petit pays du continent est en proie à une extrême pauvreté et au sous-développement, source d’affrontements entre les populations. La Centrafrique sombre depuis plusieurs mois dans un chaos indescriptible de violences et de massacres et menace d’y entraîner toute une région.

Depuis vendredi dernier, nos troupes interviennent dans ce pays, avec comme première mission de mettre fin aux exactions de toutes sortes contre les populations civiles, de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et de désarmer les bandes qui sévissent. Cette difficile mission a déjà fait deux victimes au sein du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine. Je salue le courage et l’abnégation de ces jeunes hommes qui sont allés jusqu’au sacrifice suprême pour remplir la mission que leur avait confiée notre pays.

Les informations qui nous parviennent de Bangui, les images que nous avons vues en boucle durant le week-end, la gravité de la situation et les scènes d’horreur provoquent d’abord légitimement des réactions passionnelles, qui laissent peu de place à une réflexion raisonnée.

Face à cette situation qui se dégradait de semaine en semaine, il fallait, sans doute, intervenir en urgence. En prenant, une nouvelle fois en moins d’un an, la décision d’engager nos troupes sur le continent africain, le Président de la République a assumé ses responsabilités, au nom de la France. Certes, nous devions agir, mais mesurons-nous pleinement toutes nos responsabilités et toute la portée de notre décision d’intervenir, au regard des conditions dans lesquelles se déroule l’opération ?

Cinq jours après le début de l’opération dénommée « Sangaris », le présent débat permet au Parlement de dépasser les apparences et les évidences et de prendre le temps de réfléchir, avec lucidité, aux conditions et à la forme de notre intervention, d’en mesurer les conséquences et d’envisager l’évolution de la situation pour préparer l’avenir.

Certes, cette intervention a la légitimité que lui confère la légalité internationale puisqu’elle résulte d’une résolution adoptée, sur l’initiative de la France, à l’unanimité des membres du Conseil de sécurité.

Concrètement, cette résolution donne mandat à nos forces pour intervenir afin de rétablir la sécurité, en appui des troupes africaines de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, la MISCA. Placée sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, qui permet le recours à la force pour faire appliquer les résolutions, elle les autorise ainsi « à prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir la MISCA dans l’accomplissement de son mandat ». La résolution envisage, enfin, la transformation éventuelle de la MISCA en force de maintien de la paix de l’ONU « quand les conditions le permettront ».

Du point de vue de la légalité internationale, le mandat est donc fondé juridiquement, et il est relativement clair. Il reste que, en pratique, la mise en œuvre d’une opération militaire et, surtout, la suite politique qui en découle se révèlent plus compliquées que le simple vote d’une résolution des Nations unies.

Outre les difficultés techniques d’une opération qui comprendra, avec les forces panafricaines, environ 5 000 hommes, vous vous défendez aujourd’hui de vouloir vous investir directement dans le règlement politique de cette crise, et proclamez que vous laisserez au plus vite la place aux Nations unies. Sera-ce encore possible après avoir préparé et engagé, seuls, cette opération ?

En Centrafrique, en l’absence d’institutions étatiques depuis des décennies, notre pays est certainement le plus mal placé pour agir en avant-garde sur la transition politique et le développement économique. Dans ce pays qui a longtemps été sous notre tutelle, nous serons à juste titre suspectés de vouloir nous substituer aux Centrafricains eux-mêmes et de ne défendre que nos propres intérêts. Pourquoi avoir persisté à intervenir seuls, alors que le Président de la République s’était engagé à ne plus faire d’ingérence dans les crises survenant en Afrique et à entretenir des relations d’un type nouveau avec les pays africains ?

Monsieur le ministre de la défense, il faut préciser la stratégie du Gouvernement dans cette opération. Quels objectifs poursuivons-nous réellement ? Pourquoi et comment, avec qui et avec quels moyens la France veut-elle gérer cette nouvelle crise au centre de l’Afrique ?

La déclaration du Gouvernement qui vient de précéder ce débat ne nous a pas apporté les clarifications que nous attendions. D’ailleurs, contrairement à l’intervention au Mali, le trouble, voire le rejet, qui existe aujourd’hui dans l’opinion publique à l’égard de l’engagement dans ce pays est révélateur.

Au-delà d’une opposition qui, certes, pourrait n’être que passagère et s’expliquer par la situation économique que vit actuellement la France, je pense surtout que nos compatriotes sont essentiellement réticents et sceptiques quant à l’efficacité de ces interventions militaires plus ou moins ponctuelles et à leur capacité à résoudre les crises dans ces pays et à agir sur les causes qui les provoquent. Ils s’interrogent également sur le coût de ces opérations pour nos finances publiques, puisqu’elles se font au détriment d’autres priorités.

Et puis, il ne faut pas céder aux sentiments ni aux illusions ! La faillite centrafricaine ne date pas de ces dernières semaines. Cette faillite provient aussi très concrètement d'une profonde crise économique et sociale résultant de l’effondrement des cours des produits agricoles locaux.

Disons clairement les choses : les politiques successives de la France portent une large part de responsabilité dans la situation de ce pays, car nous y avons souvent joué un rôle d’influence discutable en soutenant des gouvernements peu recommandables. De plus, notre pays a soutenu – et soutient encore – les institutions internationales qui appliquent à ces pays des politiques ultralibérales qui asphyxient leurs économies et plongent leur population dans la misère.

Aujourd’hui, nous intervenons in extremis, dans l’urgence, alors que la situation se dégradait depuis de nombreux mois, ce dont les ONG présentes sur le terrain n’ont eu de cesse de nous alerter. Ce pays était déjà au bord du gouffre au mois de mars, et peut-être n’avons-nous pas suffisamment réagi lorsque les opposants au président Bozizé ont pris le pouvoir avec le soutien du Tchad.

Quelles initiatives diplomatiques auprès de la communauté internationale et des pays de la région notre pays a-t-il pris pour empêcher cet engrenage fatal ? S’il y en a eu, reconnaissons qu’elles ont été particulièrement discrètes et peu efficaces.

Le gouvernement auquel vous appartenez s’est résolu à éteindre cet incendie généralisé pour se lancer en héros solitaire dans l’une de ces opérations militaires qui deviennent, malheureusement, notre spécialité dans les relations internationales de cette partie du monde. Mais quelle est donc votre politique dans cette région ?

Au-delà des discours convenus et de la promesse d’organiser au plus vite des élections, le Gouvernement n’est pas véritablement en mesure de proposer à la représentation nationale l’esquisse d’une solution politique à cette crise. Cette nouvelle intervention militaire en Centrafrique succède à des années d’une tutelle française qui ne lui a jamais permis de trouver le chemin de la stabilité, de la paix et du développement. Quand sera dépassée l’urgence d’arrêter les massacres, les vraies questions se poseront.

Notre pays ne s’y rend-il pas pour rétablir un minimum d’ordre et reprendre la main sur le plan économique et stratégique, tout cela en accord avec l’Union européenne et les États-Unis ? Cette façon de gérer le conflit ne risque-t-elle pas de perpétuer l’instabilité, la violence et l’échec ?

Bien sûr, dans l’immédiat, il faut mettre un terme aux violences qui ensanglantent le pays. La Centrafrique ne doit pas sombrer dans une guerre civile intracommunautaire. Mais au-delà de cet aspect conjoncturel, il faut surtout s’attaquer aux causes profondes qui déstabilisent ce pays depuis si longtemps.

Il s’agit tout d’abord de casser la relation néocoloniale que nous entretenons avec lui. De la même façon, il est nécessaire que les pays voisins, comme le Tchad, cessent de considérer la Centrafrique comme leur arrière-cour. Il est grand temps que les Centrafricains recouvrent pleinement leur souveraineté.

Il faut ensuite lutter contre la pauvreté, véritable fléau dans la région. Cela passera nécessairement – il faudra bien en discuter, une bonne fois pour toutes – par une remise à plat de la répartition des dividendes tirés de l'exploitation par les grands groupes multinationaux des ressources naturelles. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC.) Libérés du joug de la domination et de l’exploitation, les Centrafricains seront alors à même de tourner la page des putschs et des rébellions.

Le débat que nous avons cet après-midi met à nouveau fortement en évidence que, dans ce type de crise internationale, il faut avoir une approche globale et traiter les causes, et pas seulement les conséquences.

Avec d’autres, nous l’avions déjà dit ici même, il y a quelques mois, lors du débat sur le Mali : le Gouvernement doit sans tarder procéder à une véritable refonte de l’ensemble de notre politique d’aide publique au développement qui redéfinisse ses objectifs, ses enjeux et ses moyens. À cet égard, les résultats de la conférence de Paris, qui, pour l’essentiel, se borne à offrir aux Africains notre aide pour prendre en charge leur propre sécurité, ne sont absolument pas à la hauteur des enjeux.

Vous devriez, par des actes concrets, rompre avec la politique de vos prédécesseurs qui donnait aux pays africains l’image d’une France dont le seul souci est de bénéficier de leurs ressources aux meilleures conditions. À l’inverse, il faut maintenant nouer de véritables partenariats équilibrés, de nouvelles relations économiques avec les États et entretenir des relations débarrassées des arrière-pensées de simple préservation de nos intérêts économiques et stratégiques.

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Michelle Demessine. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe estime, pour le regretter, que cette intervention militaire ne s’inscrit pas du tout dans ce cadre. Nous en désapprouvons la forme et nous doutons qu’elle soit la réponse appropriée à la crise que traverse la Centrafrique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour le groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. François Rebsamen. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme pour d'autres intervenants, en cet instant, ma première pensée va aux deux soldats qui ont trouvé la mort ce matin en accomplissant leur devoir. Je leur rends hommage à mon tour, et j’exprime toutes mes condoléances, en mon nom et en celui des sénateurs de mon groupe, à leur famille, à leurs proches et à leurs camarades de combat.

Une fois de plus, l’armée française accomplit sa mission avec un professionnalisme, une ténacité, une rapidité et une efficacité qui font honneur à notre pays. Le courage de nos soldats fait écho à celui de leurs prédécesseurs qui montaient au front il y a bientôt un siècle et dont nous aurons, ici même, l’occasion d’honorer la mémoire dans le cadre du centenaire de la Grande guerre.

M. Jean Besson. Très bien !

M. François Rebsamen. Mais ce qui me vient également à l’esprit, c’est le nombre d’enfants, de femmes et d’hommes qui ont été sauvés par l’arrivée des troupes françaises sur le sol de Centrafrique, même si les vies épargnées ne compensent en aucune manière la mort de nos militaires. Pour autant, la normalisation de la situation est loin d’être acquise aujourd’hui. La population sort peu à peu de la terreur, les meurtres, les viols, les massacres atroces dans Bangui ont cessé, et cela seul suffirait à justifier, s'il en était besoin, l’intervention française sous mandat de l’ONU.

Face au drame qui se jouait en Centrafrique, la France, fidèle à sa tradition de puissance responsable et fidèle à ses valeurs humanistes, a pris les devants et a agi pour que la communauté internationale assume son rôle face à un enjeu à la fois sécuritaire et humanitaire. En effet, d'autres intervenants l'ont dit, l’enjeu sécuritaire est d’importance. La situation en Centrafrique s’inscrit dans un cycle qui prend sa source dans les années quatre-vingt-dix, la crise actuelle n’étant – espérons-le – qu’un ultime soubresaut d’une spirale de troubles qui fragilisent et détruisent progressivement la République centrafricaine depuis 1996.

Déjà, en 1998, face à l’instabilité croissante et à des violences exacerbées, le Conseil de sécurité des Nations unies avait envoyé une première mission : la mission des Nations unies en République centrafricaine. Celle-ci avait tenté, conjointement avec une force interafricaine, de rétablir la paix et la sécurité dans le pays. Lors de son retrait en 2000, les tensions persistaient. À la fin de 2012, après bien des péripéties et des rébellions confortées par des ingérences étrangères, les troubles latents se sont transformés en crise majeure.

La Séléka, un regroupement composite rassemblant tous les déçus du régime du président Bozizé – si je puis lui attribuer ce titre de président, alors qu’il a pris le pouvoir par un coup d'État –, opposants politiques comme armée, s’est emparé des villes stratégiques.

Le 11 janvier 2013, de nouveaux accords de paix sont signés à Libreville entre le gouvernement et la rébellion. Il s’agit de mettre un terme à l’insurrection et de contenir la rébellion aux portes de Bangui. L’instauration d’un gouvernement d’unité nationale de transition échoue et de nouvelles élections ne peuvent être tenues.

En mars dernier, la Séléka contraint donc le président Bozizé à quitter le pouvoir et Michel Djotodia – alors vice-premier ministre, ministre de la défense du gouvernement d’union nationale et chef des factions rebelles – s’est autoproclamé président du gouvernement de transition. Il dissout officiellement la Séléka et lâche ainsi la bride à une soldatesque d’environ 20 000 hommes. Cette masse grossit de jour en jour avec l’arrivée de nouveaux combattants en provenance des pays voisins. Vous les connaissez, mes chers collègues, qu’il s'agisse des combattants soudanais, des éléments appartenant à Boko Haram au Nigeria, voire de miliciens de la LRA – l'armée de résistance du Seigneur – du tristement célèbre Joseph Kony, qui est déjà implantée dans une partie de la Centrafrique.

La République centrafricaine, carrefour stratégique entre le Sahel, la région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique, est ainsi en passe de devenir une zone de non-droit dans sa totalité. Cette crise a donc des répercussions régionales importantes puisque la plupart des États voisins font eux-mêmes face à des défis sécuritaires considérables. Les frontières sont poreuses, les foyers de tensions énormes, et nous ne pouvons pas laisser la République centrafricaine devenir une source de déstabilisation supplémentaire, voire une base arrière pour le développement d’activités terroristes.

L’enjeu sécuritaire se double d’un enjeu humanitaire immense. Cela a été dit, mais je tiens à le rappeler.

Sans qu’il faille actuellement employer de grands mots et parler de génocide, le pays fait face à un climat de violence tel qu’il laisse présager une évolution vers un conflit à connotation confessionnelle. La Séléka est majoritairement composée de musulmans, tandis qu’une majorité de la population se situe dans la mouvance chrétienne.

On l’a vu – les images télévisuelles l’ont attesté –, la violence se déchaîne et est allée croissante. Les violations des droits de l’homme, ne cessant de s’amplifier, ont été quotidiennes. Les civils ont été la cible de multiples exactions : arrestations et détentions arbitraires, exécutions sommaires, violences sexuelles, tortures, pillages, enrôlements d’enfants soldats drogués – les femmes et enfants étant, d'une façon générale, particulièrement visés.

On dénombre aujourd’hui environ 1,3 million de personnes victimes d’insécurité alimentaire, soit un tiers de la population, ainsi que 480 000 déplacés, dont 50 000 à Bangui. Le Haut-Commissariat des Nations unies a enregistré, depuis le début des affrontements, 66 000 réfugiés. Malheureusement, les ONG ne peuvent pas apporter d’aide aux populations dans le besoin.

Face à ce danger de catastrophe humanitaire, c’était un devoir impératif de mettre un terme à ce cycle infernal. Je citerai ici les propos tenus par Président de la République lors du sommet africain de l’Élysée : « Aujourd’hui, au cœur de l’Afrique, un peuple est en souffrance. Il nous appelle. […] Nous ne pouvons plus laisser les massacres se perpétrer, […]. Cet engagement n’est pas simplement sécuritaire, il doit être humanitaire, parce que c’est aussi notre devoir. »

Comme lors de la crise malienne, le Président de la République a su prendre la mesure de la gravité de la situation, et je veux ici le souligner et lui en rendre hommage.

Dès le 24 septembre dernier, dans son discours à la soixante-huitième Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République avait lancé un cri d’alarme sur la situation en République centrafricaine. Il avait alors invité la communauté internationale à se mobiliser et à agir sous l’égide du Conseil de sécurité des Nations unies.

Pendant de longs mois, la France a réitéré cette volonté et travaillé à la résolution de la crise. Elle a fait adopter par le Conseil de sécurité une première résolution. D’ores et déjà, celle-ci définit le cadre politique de l’intervention actuelle, en autorisant la France à aider nos partenaires africains, mobilisés depuis de nombreuses années sur le terrain. Elle autorise également notre pays à accompagner la montée en puissance d’une force internationale dont le mandat a été présentement fixé par la résolution 2127, votée il y a quelques jours.

L’intervention Sangaris diffère de l’opération Serval, car la situation de ce pays n’est pas celle que les troupes françaises ont rencontrée au Mali en début d’année. La République centrafricaine est aujourd’hui, à n’en pas douter, un État failli. Les groupes rebelles s’affrontent et les exactions y sont systématiques. Les forces de sécurité ne disposent ni des moyens techniques ni des ressources humaines suffisantes à l’exercice de leur fonction.

Il s’agit donc, dans une situation de chaos, de poser les jalons d’une intervention internationale qui devra embrasser l’ensemble des défis qui s’imposent. L’action qui sera menée avec nos partenaires recouvre en effet quatre domaines : la sécurité, la dimension humanitaire, la transition politique – indispensable – et le développement économique. C’est donc à une mission multidimensionnelle que la France et la communauté internationale vont devoir s’atteler.

Je l’affirme, la France n’est pas seule : elle bénéficie du soutien de tous les membres du Conseil de sécurité des Nations unies et elle est aux côtés des pays africains regroupés au sein de la MISCA. Sans cela, la sécurisation ne serait pas durable. La crise centrafricaine sera d’ailleurs à l’ordre du jour du Conseil européen du 19 décembre, date à laquelle débutera la mission des Nations unies.

L’Union européenne apporte déjà un premier soutien financier : elle a porté ses aides en 2013 à hauteur de 20 millions d’euros et la Commission européenne a débloqué la semaine dernière 50 millions d’euros, sans compter l’aide matérielle. À cet égard, je considère que les dépenses liées à des interventions extérieures au service de la paix, de la lutte contre le terrorisme et au secours de populations en danger doivent absolument être décomptées du calcul du déficit budgétaire de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) La France ne peut agir au nom des autres nations, notamment européennes, en faveur de l’intérêt international et en être en même temps pénalisée. Le citoyen français ne le comprendrait pas, et il aurait raison. Je souhaite donc, monsieur le ministre de la défense, que vous agissiez avec le Gouvernement dans ce sens au niveau européen dès le sommet de la semaine prochaine.

Comme pour l’opération Serval, l’opération qui se déroule actuellement participe de notre volonté de consolider le partenariat avec nos amis africains pour la paix et la sécurité sur le continent, qui ne peut que renforcer la paix et la sécurité en Europe.

II est bien clair que l’ambition de la France n’est pas de rester durablement en Centrafrique, mais de faciliter et de soutenir la communauté internationale et nos partenaires africains dans leurs actions en matière de sécurité collective.

La France est fidèle à sa mission : elle agit en soutien des Africains, conformément à la légalité internationale et elle travaille pour la paix. Notre participation n’est donc que le premier jalon qui doit conduire nos partenaires africains à assumer leur propre sécurité. C’est tout le sens des propositions qui ont été débattues lors du sommet de l’Élysée, avec la mise en place d’une force de réaction rapide africaine qui pourrait jouer un rôle semblable à celui tenu par la France au Mali et en République centrafricaine. Cette volonté a été unanimement saluée par les chefs d’État de tout le continent africain lors du sommet de l’Élysée, ainsi que par le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.

Comme le déclarait le Président de la République devant ses homologues, si la maîtrise de leur sécurité relève aujourd’hui de la responsabilité des Africains, la France est prête à apporter tout son concours, prête à former, à équiper et à apporter du renseignement aux armées africaines.

À l’heure où la tentation du repli sur soi se généralise, la France – notamment l’ensemble des formations politiques, presque unanimes – a su dépasser ses préoccupations nationales pour se porter au secours d’un peuple en souffrance. En cela, notre pays se montre fidèle et digne de sa vocation de patrie des droits de l’homme.

Mes chers collègues, je vous invite tous à en être fiers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite rendre hommage à mon tour aux deux soldats du 8e RPIMa de Castres, Nicolas Vokaer et Antoine Le Quinio, morts hier soir à Bangui sous l’uniforme de l’armée française ; je salue leur courage et leur engagement.

Le vote de la résolution 2127 à l’ONU, puis l’engagement de nos troupes en soutien de leurs homologues d’Afrique centrale sont intervenus alors que se tenait le sommet franco-africain de l’Élysée consacré à la paix et à la sécurité. De plus, il est à noter que notre débat, qui se tient en application de l’article 35 de la Constitution, survient juste avant l’examen en seconde lecture par notre assemblée du projet de loi de programmation militaire et que se tiendra demain soir dans cet hémicycle un débat préalable au Conseil européen des 19 et 20 décembre consacré justement à la politique de sécurité et de défense commune.

L’adoption à l’unanimité de cette résolution vient couronner, il faut le saluer, un patient travail de notre diplomatie pour convaincre les autres pays membres du Conseil de sécurité de la nécessité absolue d’accorder un mandat clair d’intervention, sur la base du chapitre VII de la Charte des Nations unies, à la mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, ainsi qu’aux forces françaises. En effet, nous le savons, d’inquiétante, la situation au nord de l’Oubangui est devenue critique, puis dramatique.

D’aucuns – un peu rapidement ou par facilité – ont rapproché le cas centrafricain du scénario malien. Si l’on peut leur concéder quelques similitudes – effondrement de l’État, tensions régionales et religieuses –, nombreuses sont les dissemblances.

L’instabilité chronique, presque consubstantielle, de la République centrafricaine et la faiblesse, pour ne pas dire l’inexistence, de l’État sont avérées. Face à ce lent délitement, qui s’est accentué très fortement depuis une douzaine d’années, les pays de la région sont intervenus dans le cadre de la FOMUC, la force multinationale en Centrafrique, puis de la MICOPAX, la mission de consolidation de la paix en République centrafricaine. Ils ont été naturellement soutenus par la présence française, dont l’opération Boali se bornait à la sécurisation des ressortissants français et des points d’intérêt stratégiques.

Le coup de force – le coup d’État ! – de la Séléka le 24 mars 2013 a entraîné l’éclatement des accords de Libreville, l’exil du président Bozizé et la prise de pouvoir par les anciens rebelles. Comme à chaque fois en pareil cas, cet événement a exacerbé les tensions régionales et confessionnelles dans des proportions tragiques.

En effet, face aux composantes de la Séléka, principalement issues du nord du pays majoritairement musulman – nous retrouvons là un schéma auquel nous sommes malheureusement habitués dans nombre d’États africains –, des milices d’autodéfense dites « anti-balaka » se sont constituées, esquissant un scénario de guerre civile avec son cortège de massacres, d’horreurs et de populations déplacées. Une intervention rapide, afin de mettre un terme au cycle de la violence et de la cruauté, était devenue indispensable.

L’effondrement de l’État centrafricain laissait également craindre que ce territoire ne devienne une base de repli pour les nombreux groupes armés actifs dans les pays voisins – Soudan, Tchad, République démocratique du Congo, voire Nigeria – et ne devienne une source d’instabilité supplémentaire pour l’ensemble de la région.

Mes chers collègues, j’ai entendu certains responsables politiques français faire mine de s’interroger sur les objectifs et la stratégie du Gouvernement. Le mandat donné par la résolution 2127 à la MISCA et aux forces françaises est pourtant d’une grande clarté : il légitime et encadre cette intervention. Au reste, outre le volet sécuritaire, cette opération comporte un volet humanitaire et prévoit l’accompagnement du pays dans le rétablissement de ses institutions, notamment du processus électoral.

Nous le savons tous, cette intervention était très attendue, comme en témoignent l’accueil remarquable réservé à nos troupes par la population à leur arrivée à Bangui et le fait que de nombreux habitants se soient réfugiés autour de l’aéroport de la ville, où sont stationnés les premiers éléments de l’opération Sangaris.

S’agissant de la durée de notre engagement, la résolution 2127 accorde un mandat de douze mois, mais il est bien sûr souhaitable que les unités combattantes françaises laissent place, le plus tôt possible, à une force de maintien de la paix.

Des questions et des incertitudes demeurent cependant, notamment autour du « programme DDR » – désarmement, démobilisation et réintégration de la Séléka. II est en effet à craindre un repli de ces forces dans la partie septentrionale du pays, voire dans les pays limitrophes. La question de la place du président de facto et chef de la Séléka, Michel Djotodia, dans la transition politique doit également être éclaircie. Selon les accords de Libreville, ce dernier ne pourra se présenter lors des futures élections ; le Président de la République François Hollande s’est d’ailleurs exprimé sur le sujet.

Le volontarisme de la France et son rôle moteur, tant diplomatiquement à l’ONU que sur le terrain avec le déploiement rapide de nos forces, méritent d’être soulignés. Les reconfigurations géopolitiques, notamment le repositionnement des États-Unis vers l’arc Asie-Pacifique, mettent notre pays en première ligne dans la résolution des crises africaines. En conséquence, comme le préconisait le Livre blanc de la défense, les priorités de la France ont été resserrées autour du Maghreb, de la Méditerranée orientale et de l’Afrique, notamment le Sahel.

Nous ne pouvons donc que nous féliciter que le Gouvernement ait réaffirmé, notamment dans la loi de programmation militaire, sa volonté de conserver ses bases militaires prépositionnées notamment à Djibouti, au Sénégal ou au Gabon, auxquelles s’ajoutent les bases stationnées en outre-mer.

Je rappelle que des fermetures étaient envisagées par la précédente majorité. Vous avez bien fait de revenir sur cette décision, monsieur le ministre, ce maillage nous ayant permis de déployer nos forces à Bangui avec une rapidité digne d’être soulignée.

Cette relation particulière de la France à l’Afrique se manifesta aussi, mes chers collègues, lors du récent sommet de Paris, qui a réuni les chefs d’État et de Gouvernement de l’ensemble du continent. La disparition de Nelson Mandela alors que s’ouvrait ce sommet est venue nous rappeler que les valeurs de dévouement et d’humilité de ce grand homme constituent un exemple pour les dirigeants d’Afrique et du monde.

François Hollande l’a énoncé lors de son intervention : « Sans sécurité, pas de développement, sans développement, pas de sécurité. » La doctrine du Président de la République française en matière de politique africaine s’affine de jour en jour. Elle repose sur un règlement multilatéral des conflits avec l’Organisation des Nations unies, mais aussi sur l’implication des organisations régionales, ici la Communauté économique des États d’Afrique centrale, la CEEAC, et continentales, l’Union africaine.

La France, mes chers collègues, assume donc les responsabilités qui lui incombent, que cela plaise ou non, du fait de son statut de puissance et aussi – nous devons l’assumer – de son héritage historique. Ce sont donc de véritables partenariats qui se mettent en place, témoignant là encore d’un changement d’époque.

Dans la déclaration finale du sommet de l’Élysée, les dirigeants français et africains ont souhaité la création d’une force africaine de résolution des crises dès 2015. La France pourrait participer à la formation de cette force. Bien que des questions subsistent naturellement sur son financement, monsieur le ministre, elle permettrait en tout cas aux Africains d’assurer la sécurité de leur continent.

Mes chers collègues, je salue ici la volonté du Président de la République et du Gouvernement d’informer et d’associer les présidents des assemblées, les présidents des groupes politiques et des commissions des affaires étrangères et de la défense du Sénat et de l’Assemblée nationale. Ce débat doit nous permettre en outre de lever les dernières interrogations nées de notre intervention en République centrafricaine.

La première concerne nos capacités de projection. Dans le cadre de la loi de programmation militaire, les opérations de gestion des crises pourront être menées sur deux ou trois théâtres d’intervention et compter, me semble-t-il, monsieur le ministre, 6 000 à 7 000 hommes.

Aux 1 600 militaires qui seront mobilisés en République centrafricaine annoncés par le Président de la République s’ajoutent les 2 800 hommes présents au Mali. Nous nous approchons, il est vrai, de la limite de nos capacités d’intervention. Il convient néanmoins de souligner que nos armées peuvent également compter sur les 15 000 hommes du format « opération majeure de coercition en coalition » ou sur les forces prépositionnées.

Une autre interrogation majeure, déjà soulignée à cette tribune, concerne l’Union européenne, qui reste en retrait – comme d’habitude, serait-on tenté de dire –, même si la Commission européenne a annoncé la mise en place d’un pont aérien humanitaire entre Douala et Bangui.

Le Président de la République l’a déclaré, le Conseil européen du 20 décembre prochain sera l’occasion de parler de la création d’un fonds destiné à financer ce genre d’opération de résolution de crise. Pourrez-vous, monsieur le ministre, nous le confirmer ?

Enfin, se pose la question du processus de construction de la paix et de la reconstruction – voire de la construction – d’un État et d’institutions démocratiques en Centrafrique. Cela passera, comme au Mali, par une indispensable réconciliation.

Ce qui se joue aujourd’hui en République centrafricaine, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’est rien de moins que la sécurité et l’avenir d’une région, mais également d’un continent. L’engagement de nos troupes et de la MISCA doit permettre aux Centrafricains de redevenir maîtres de leur destin.

Pour les raisons que j’ai exposées, cette intervention est conforme au droit international et à notre Constitution. Elle est légitime et nécessaire. Le Président de la République a eu raison de la décider, et naturellement, monsieur le ministre, les sénateurs radicaux de gauche et l’ensemble du RDSE vous apportent un soutien franc et massif ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, pour le groupe écologiste.

Mme Kalliopi Ango Ela. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution. Je tiens, à titre liminaire, à rappeler la position des écologistes, qui aspirent, concernant cette intervention en Centrafrique et, plus largement, les interventions de nos forces à l’étranger, à ce que nos débats puissent être suivis d’un vote de nos deux assemblées.

En l’espèce, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé, jeudi dernier, le déploiement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, la MISCA, pour une période de douze mois. En adoptant à l’unanimité de ses quinze membres la résolution 2127, le Conseil a confié un mandat en plusieurs volets à cette mission.

Appuyée par des forces françaises autorisées à « prendre temporairement toutes mesures nécessaires », la MISCA est notamment chargée de contribuer à protéger les civils et à rétablir la sécurité et l’ordre public, à stabiliser le pays et à créer les conditions propices à la fourniture d’une aide humanitaire aux populations qui en ont besoin.

Avant de revenir plus en détail sur les diverses dispositions de cette résolution onusienne et sur la place centrale qui doit être donnée aux forces africaines dans cette opération, il me semble important de rappeler le drame qui se vit depuis déjà trop longtemps en République centrafricaine.

Depuis la prise de Bangui par la Séléka au printemps dernier, la RCA est le théâtre de pillages, d’exactions et de violences atroces à l’égard de la population civile. La situation dramatique qui touche le pays s’est aggravée ces dernières semaines, plongeant la Centrafrique dans des violences meurtrières ayant entraîné la mort de près de 400 personnes jeudi et vendredi à Bangui.

La Croix-Rouge centrafricaine ramassait toujours, samedi, des dizaines de cadavres abandonnés depuis les violents affrontements des jours précédents, suivis de tueries à l’arme à feu ou à la machette. Des centaines de blessés étaient également comptabilisés par Médecins sans frontières. Les violences sexuelles à l’encontre des femmes se sont également multipliées, tandis que des enfants ont été enrôlés comme soldats depuis plusieurs semaines.

Face à cette situation inacceptable, il était urgent de réagir. Les écologistes tiennent ici à réaffirmer que la capacité des pays africains à assurer eux-mêmes leur sécurité est un objectif qui requiert le soutien international et particulièrement le soutien européen.

Si nous saluons l’aide logistique annoncée par plusieurs États européens au profit de la MISCA et l’annonce de l’octroi de 50 millions d’euros par l’Union européenne, à la demande de l’Union africaine, nous regrettons que la France soit à nouveau seule à intervenir dans le cadre du soutien à cette opération. L’urgence humanitaire et sécuritaire requiert un soutien collectif de nos partenaires européens, afin de protéger la population centrafricaine et de rétablir la sécurité et la stabilité du pays.

Au-delà, et c’est l’essentiel selon moi, cette opération en Centrafrique doit reposer sur l’engagement des forces africaines et leur nécessaire implication, ainsi que sur celle de l’Union africaine.

Je me félicite, à ce sujet, que lors des travaux du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, les chefs d’État et de Gouvernement aient « appelé à une réforme du Conseil de sécurité des Nations unies permettant de renforcer la place de l’Afrique dans le cadre d’un Conseil élargi ». Avec eux, je me réjouis également « des avancées importantes réalisées par l’Union africaine, les communautés économiques régionales et les États africains dans la mise en œuvre d’opérations de paix africaines, au Mali, en République centrafricaine, en Somalie, en Guinée-Bissau, au Burundi, au Soudan (Darfour), aux Comores. Ces initiatives apportent des solutions africaines aux problèmes africains et doivent être soutenues par la communauté internationale. »

Les sénatrices et sénateurs écologistes réaffirment donc aussi « l’importance de développer les capacités africaines de réaction aux crises » et saluent l’engagement de la France, lors de ce sommet, à « soutenir les efforts de l’Union africaine pour parvenir à une pleine capacité opérationnelle de la force africaine en attente et de sa capacité de déploiement rapide à l’horizon 2015, ainsi que la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC), telle que décidée par le sommet de l’Union africaine en mai 2013. »

Par ailleurs, il me semble important de rappeler que, par la résolution 2127, le Conseil de sécurité prie le secrétaire général de l’ONU de créer un fonds d’affectation spéciale par lequel les États membres, les organisations internationales, régionales et sous-régionales pourront verser des contributions financières à la Mission.

La résolution lui demande également de créer rapidement une commission d’enquête internationale, pour une période initiale d’un an, chargée d’enquêter sur les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme qui auraient été perpétrées en Centrafrique « par quelque partie que ce soit » depuis le 1er janvier 2013. Les signalements de violences, y compris interconfessionnelles ou intercommunautaires, n’ont en effet cessé de se multiplier au cours de l’année écoulée.

Je soulignerai enfin que la résolution instaure aussi, pour une période initiale d’un an, un embargo pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert à la RCA d’armements et de matériels connexes de tous types. Un comité des sanctions sera chargé, en particulier, de veiller au respect, par tous les États membres, dudit embargo.

Les écologistes seront particulièrement attentifs à ces deux derniers points.

Cet engagement des forces françaises en Centrafrique en soutien à la MISCA, sous mandat de l’ONU, et à la demande du gouvernement centrafricain, de la société civile de RCA et des États voisins, est donc une étape nécessaire en vue d’éviter une catastrophe humanitaire.

Cependant, nous devons, toutes et tous, prendre la pleine mesure de la complexité de la situation géopolitique en République centrafricaine. Le mauvais état des routes et des pistes, la diversité des groupes armés, rejoints par des brigands, des bandits de grand chemin et des groupuscules crapuleux, sur fond de conflits interreligieux, rendent extrêmement compliquée la tâche de la MISCA et de nos forces armées.

Il est, dès lors, difficile de déterminer de façon précise qui agit, d’autant que nous sommes face à plusieurs groupes armés évanescents, qui risquent de se reconstituer aussi vite qu’ils seront dissous. Il s’agit donc de ne pas tomber dans l’écueil d’une vision binaire « Séléka » contre « anti-balaka », ou « musulmans » contre « chrétiens », là où la situation est beaucoup plus complexe. Notons que de nombreux Centrafricains d’obédience musulmane se désolidarisent clairement de la Séléka – déjà fort morcelée – à laquelle ils ne souhaitent pas être assimilés.

Dans ce contexte, il nous appartient de faire preuve de précaution, a fortiori en raison de la perméabilité des frontières avec les États voisins. Les enjeux géostratégiques sont de taille, le risque étant que la RCA ne devienne une base arrière de groupes plus radicaux déstabilisant ou infiltrant toute la région de l’Afrique centrale.

Si les grandes villes pourront, à terme, être mieux sécurisées, ainsi que les grands axes, tels que l’axe Bangui-Douala, l’instauration d’une paix et d’une sécurité durables risque d’être plus délicate à obtenir et à consolider dans les vastes zones difficiles d’accès que compte le pays.

Je salue d’ailleurs le courage et l’engagement des soldats de la MISCA et des troupes françaises. Notre groupe tient également à rendre un profond hommage aux deux militaires français du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres tués cette nuit en opération à Bangui.

Cette intervention s’annonce malheureusement longue, difficile, dangereuse et d’une complexité sans précédent. Comme pour l’intervention au Mali, la phase militaire devra laisser au plus vite la place à la phase politique, puis au temps du développement, mais la différence résulte dans le contexte particulier de la Centrafrique, où l’État est particulièrement affaibli depuis de nombreuses années, voire quasi inexistant.

Dans ce contexte, la reconstruction de l’État centrafricain sera le préalable nécessaire à sa stabilité et à l’organisation d’élections démocratiques, dans un pays où les archives administratives et l’état civil ont été détruits. Une fois la paix rétablie, ce que nous appelons évidemment tous de nos vœux, et rapidement, quid de la constitution de listes électorales ? Le processus n’est pas simple. Les difficultés seront multiples et nous devons d’ores et déjà les envisager.

Enfin, nous ne pouvons évidemment pas évoquer l’objectif de paix et de sécurité en Centrafrique sans aborder l’ultime et nécessaire étape du développement, de la lutte contre la pauvreté, qui a d’ailleurs été intégrée au sommet de l’Élysée, sur l’initiative du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et du ministre délégué chargé du développement, Pascal Canfin.

Cette étape de reconstruction sociale et économique passera par l’aide au développement, qui nécessitera une mobilisation de tous les acteurs. Il s’agira de mettre tout en œuvre avec les autres États européens, l’Union européenne et l’ensemble de la société internationale, pour parvenir à un système de partenariat et de développement associant le futur État centrafricain reconstruit et consolidé, la société civile, les organisations régionales africaines, les États africains et les ONG.

En tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je pense bien entendu aussi aux Français en Centrafrique, qui, lorsqu’ils n’ont pu y rester, ont dû rentrer en France ou s’installer dans d’autres pays africains au printemps dernier.

L’intervention militaire ne suffira évidemment pas à résoudre tous les problèmes d’un pays extrêmement pauvre.

Je conclurai en citant Vassilis Alexakis, un écrivain d’origine franco-grecque amoureux de Bangui. Dans son ouvrage Les Mots étrangers, il fait une quête, l’apprentissage du sango. Pour apprendre cette langue rare, avec laquelle il n’avait pas de lien, l’auteur décide d’un voyage à Bangui. Et il écrit : « La mort aussi se lève de bonne heure à Bangui. J’ai mis du temps à me remettre de cette révélation ». J’ajouterai que, depuis le 24 mars dernier, elle ne cesse malheureusement de se lever de bonne heure pour les Centrafricains.

Afin que cela cesse au plus vite, le groupe écologiste soutiendra l’engagement des forces armées en République centrafricaine. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme l’ensemble des intervenants, je veux rendre hommage à nos deux soldats du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres, tués hier soir en République centrafricaine, et présenter nos condoléances à leurs familles et à leurs camarades.

Ces morts pour la France, pour la paix et la sécurité internationale viennent nous rappeler l’abnégation nécessaire au métier militaire, puisque celui-ci implique l’acceptation du sacrifice de sa vie. Nous exprimons notre peine profonde et notre solidarité sans faille avec nos troupes.

Comme au Mali en 2012, notre pays se trouve en pointe en République centrafricaine. Devant la dégradation insupportable de la situation humanitaire, l’alerte a été donnée par le Président de la République lors de son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, dès le 24 septembre dernier.

Il a fallu deux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Pendant les deux mois et demi de négociation nécessaires, des massacres ont été perpétrés et la dimension confessionnelle des affrontements a parfois pris le dessus.

L’adoption rapide de la résolution, jeudi dernier, ne doit pas nous faire oublier les difficultés de sa négociation. Celles-ci me permettent d’ailleurs une nouvelle fois de saluer l’extrême compétence de notre diplomatie, qui a su rassembler et convaincre. À présent, ce sont nos soldats qui sont sur le terrain, et nous leur redisons toute la confiance et l’estime de notre commission et du Sénat tout entier pour leur dévouement et l’extraordinaire professionnalisme dont ils font preuve dans des conditions particulièrement difficiles.

Ma première remarque porte sur la notion de responsabilité de protéger, qui appartient au premier chef aux dirigeants politiques et, en cas de défaillance, à la communauté internationale tout entière au travers de l’ONU, de son Conseil de sécurité. Hors cas de légitime défense, l’ONU a en effet seule la légitimité de l’emploi de la coercition sous chapitre VII de la Charte des Nations unies.

Certains y opposent le principe de souveraineté des États, qui est, d’ailleurs, le fondement même de l’ONU. Je ne vois aucune contradiction entre ces deux notions. Du reste, l’utilisation de la force n’est que le stade ultime de la démarche d’application du principe de responsabilité de protéger.

Toutefois, la souveraineté ne peut justifier qu’un gouvernement massacre sa population ou qu’il laisse se perpétrer des massacres quand l’État lui-même disparaît. Ceux qui prétendent que c’est aux peuples de choisir leurs dirigeants et de les renvoyer le cas échéant feraient bien parfois de réfléchir aux exemples récents, dont nous débattons aujourd’hui.

Outre l’urgence humanitaire, qui selon moi justifierait à elle seule notre action et qui est l’honneur de la France en République centrafricaine, comme elle le fut en Libye, quelles sont nos motivations pour intervenir ? J’en vois trois.

La première raison est que nous ne voulons pas laisser la crise dégénérer avec un État qui n’a plus d’État que le nom. Par contagion, la situation pourrait devenir extrêmement difficile et dangereuse dans l’ensemble de la région. Si elle se poursuivait, cette déstabilisation de la Centrafrique serait de nature à compromettre la paix et la sécurité dans toute la région, d’avoir des conséquences extrêmement importantes sur les perspectives de développement de toute la zone et même du continent. Cette zone de non-droit attirerait certainement un certain nombre de groupes terroristes et criminels dont elle deviendrait ou pourrait devenir le sanctuaire. Après l’Afghanistan, la Somalie, le Yémen et le Mali, cela aurait pu être le cas de la République centrafricaine.

J’en viens à la deuxième raison de notre intervention. Par le désordre et l’insécurité qu’elles entretiennent, les bandes armées de toute nature, qu’il convient de désarmer – c’est une tache extrêmement délicate, urgente et immense –, permettent de masquer la présence d’éléments terroristes comme ceux de Boko Haram et de l’Armée de Résistance du Seigneur, en anglais la LRA, évoquée par François Rebsamen précédemment.

Ces éléments terroristes sont des menaces directes contre les intérêts de l’Europe et du monde. Dans une autre zone, le même phénomène peut être constaté : la progression de la piraterie dans le golfe de Guinée, dont l’activité demande à être éradiquée, conduit aux mêmes effets. Ce sujet fera l’objet des travaux de notre commission en 2014.

J’ajoute que la dérive en conflit confessionnel doit impérativement être évitée et enrayée. C’est la troisième raison de l’intervention de la communauté internationale. Le rapport présenté le 18 décembre par le secrétaire général des Nations unies mettait en exergue le « niveau alarmant de violences intercommunautaires » et les affrontements confessionnels entre chrétiens et musulmans. Il soulignait la crainte que les affrontements ne « dégénèrent en conflit religieux et ethnique à l’échelle du pays avec le risque d’aboutir à une spirale incontrôlable débouchant sur des atrocités ».

L’adoption des résolutions 2121 et 2127 montre que l’identification de ces menaces – la déstabilisation régionale, le risque de création d’un foyer de tous les trafics et la dérive en conflit religieux – a été partagée par la communauté internationale. Je me félicite en particulier du soutien unanime des Africains eux-mêmes et de leurs organisations régionales, dont, en tout premier lieu, l’Union africaine. Ce soutien devrait être relevé par ceux qui, comme de nouveaux cabris, agitent le souvenir de la Françafrique, que ce soit dans le débat politique intérieur ou chez certains de nos meilleurs alliés.

La doctrine fixée par le Président de la République est claire : il ne doit pas y avoir d’ingérence politique et il faut que notre action se produise à la demande et aux côtés des Africains, non en substitution à eux. C’est une différence fondamentale de la situation en Centrafrique.

L’une des conclusions du sommet de l’Élysée a été de souligner l’importance du développement des capacités africaines de réaction aux crises, afin que le continent prenne en charge dès que possible sa propre sécurité. La France « s’est engagée à soutenir les efforts de l’Union africaine pour parvenir à une pleine capacité opérationnelle de la force africaine en attente et de sa capacité de déploiement rapide à l’horizon 2015, ainsi que la capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC), telle que décidée par le sommet de l’Union africaine en mai 2013 ».

Cet apport de notre pays me permet d’aborder le second point de mon intervention.

Juste après la clôture de notre débat, nous examinerons en deuxième lecture la loi de programmation militaire. Comme je suis un esprit cohérent – tout au moins, j’estime l’être, et vous me direz plus tard ce que vous en pensez, mes chers collègues (Sourires.) –, je vous fais observer qu’il y aurait une contradiction certaine entre notre prise de position quasi unanime pour soutenir le Gouvernement et un vote contre les crédits de la programmation militaire. Cette loi nous confère en effet les moyens de notre action.

Nous voyons bien que sur les questions de sécurité et de politique étrangère les forces politiques savent se rassembler, car c’est l’intérêt national qui est en jeu. En luttant contre les menaces que nous avons clairement identifiées, c’est bien la sécurité de notre pays et de nos concitoyens que nous défendons. En particulier, je ne comprends pas comment il est possible d’affirmer qu’il n’y a pas de développement sans sécurité, pas plus qu’il n’y a de sécurité sans développement, tout en refusant de se doter des moyens nécessaires à la réalisation de cet objectif, auquel je souscris.

Pour autant, les discussions à l’ONU ou au sein de l’Union européenne posent très concrètement, monsieur le ministre, la question des limites de notre politique d’intervention en République centrafricaine comme au Mali ou en Côte d’Ivoire, et peut-être demain dans un autre pays. Le surcoût des OPEX en 2013, constaté en loi de finances rectificative, est tout de même de 1,26 milliard d’euros, à comparer aux 630 millions budgétés en loi de finances initiale pour 2013 et aux 450 millions provisionnés pour 2014.

Certes, le financement est couvert par la réserve interministérielle et nous y avons veillé en loi de programmation militaire. Il ne pèsera donc pas sur le budget du ministère de la défense. Toutefois, nous voyons bien la limite de la multiplication des interventions, alors même que nous avons beaucoup de mal à seulement stabiliser les crédits en euros constants.

Ces interventions sont pleinement justifiées, et la France doit assumer ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Il est cependant évident que nous ne pouvons supporter seuls le poids tant militaire que financier de ces interventions ad vitam aeternam. Le relais des organisations régionales, de l’ONU comme de l’Union européenne est indispensable sur ces deux plans. Il faut mettre nos partenaires européens devant leurs responsabilités. Si les menaces de déstabilisation en Afrique concernent directement l’Europe, alors il faut en tirer les conséquences autrement qu’en paroles et que par la politique du carnet de chèques.

La France participe déjà par son aide bilatérale, que ce soit en matière d’aide au développement ou de formation. À cela s’ajoutera la quote-part de notre pays à l’appui financier de l’Union. En plus, nous devrions supporter seuls le fardeau de l’intervention militaire ! (M. Gérard César applaudit.) Si je me félicite des soutiens apportés par certains de nos alliés, je note aussi le silence assourdissant d’autres partenaires, et non des moindres. L’inutilisation, donc peut-être l’inutilité, des groupements tactiques de l’Union européenne, ou battlegroups, est flagrante.

Nous ne pouvons être durablement les seuls à prendre nos responsabilités. Toutes ces questions, vous l’avez compris, monsieur le ministre, devront être clairement posées lors du Conseil européen des 19 et 20 décembre prochain. Nous vous dirons demain soir quelle est la position que nous souhaitons vous voir porter à ce sommet européen, dont nous attendons beaucoup. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce fut un débat de grande qualité. M. Legendre a brossé une vaste fresque historique, allant de l’Oubangui-Chari jusqu’à Sangaris. Mme Ango Ela nous a fait part de réflexions littéraires sur la mort et la Centrafrique. Ce fut, sur la forme comme sur le fond, un débat de haute tenue. Il convient de noter tout particulièrement la hauteur de vue dont ont fait preuve les orateurs de toutes les travées dans leur analyse de la situation en Centrafrique et sur le continent africain.

Je me réjouis également de la très large unanimité dont les différentes interventions se font l’écho, aussi bien sur la nécessité que sur la manière d’agir. Ce point n’est pas secondaire. J’ai pu constater, durant tout le déroulement de l’opération Serval, combien nos soldats étaient sensibles à l’unanimité du Parlement, qui faisait bloc derrière eux.

M. Henri de Raincourt. C’est certain !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Quand on siège dans cet hémicycle, ou dans celui de l’Assemblée nationale, on n’imagine peut-être pas l’impact que cette unanimité peut avoir sur nos armées. C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je voulais vous en remercier.

Cette position, en outre, nous donne plus de force sur le plan international, mais aussi européen – certains orateurs en ont fait mention –, pour montrer notre détermination, notre singularité et notre puissance. En effet, qui, en Europe, peut intervenir comme nous le faisons au Mali et en Centrafrique ?

Je vous remercie donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité de vos propos, et je me félicite du large consensus dont ils témoignent.

Je tenais également à vous dire à quel point j’ai été touché par l’hommage rendu aux soldats de première classe Nicolas Vokaer et Antoine Le Quinio. J’y suis d’autant plus sensible que je les ai croisés il y a dix jours, à Libreville, pour préparer l’intervention. Quelques jours auparavant, j’avais également rencontré leurs camarades à ce que l’on appelle le « 8 », c'est-à-dire le 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine, ou RPIMa, de Castres. Ce régiment d’élite, à la longue histoire, très intégré dans la population, est aujourd’hui en deuil.

Ces deux soldats participaient aux premières missions de désarmement, que nous avons décidé de mettre en œuvre depuis hier matin. En effet, la principale mission de nos forces et de la future Mission internationale de stabilisation de la Centrafrique, la MISCA, est le désarmement. Ce n’est pas chose aisée. On a pu considérer – certains articles de presse allaient dans ce sens – qu’il s’agissait d’une opération de police. Ce n’est pas le cas : c’est une opération de guerre.

L’intervention de nos forces n’est ni simple ni calme. Elle comporte des risques, demande une vigilance extrême et suppose d’être menée jusqu’au bout. Il faut désarmer toutes les milices, celles de la Séléka comme de l’anti-Balaka, et confisquer et détruire toutes les armes. Il faut faire en sorte que se constitue, par la suite, une armée digne de ce nom, l’état actuel des Forces armées centrafricaines, les FACA, étant proche du néant. Ce processus ressemblera alors un peu à celui qui est en cours au Mali.

Plusieurs orateurs, entre autres M. Rebsamen et M. le président de la commission des affaires étrangères, ont soulevé les deux enjeux principaux de cette intervention : la Centrafrique fait face à un chaos humanitaire et à un effondrement sécuritaire. Les deux sont liés. C’est par solidarité, par une espèce de devoir, qui nous vient de notre responsabilité dans la région, mais aussi à cause du risque sécuritaire, que nous devons intervenir.

Ce risque ne concerne pas que la région, que les voisins de la République centrafricaine ; il touche également l’Europe et la France. Laisser le désordre et le non-droit s’installer dans cet État, c’est, du fait de sa situation géographique et de son histoire, ouvrir la porte à tous les terrorismes et à toutes les formes de trafic. Certains orateurs ont cité les tentations que pourraient éprouver des mouvements comme la LRA, Boko Haram ou d’autres encore si nous n’intervenions pas. L’état de non-droit prévaudrait, et un creuset de tous les dangers se formerait. Il faut le faire comprendre à la population française : en intervenant, nous assurons aussi notre propre sécurité.

Certains orateurs, notamment Mme Demessine, s’interrogeaient sur les objectifs de notre intervention. Je le rappelle, nous sommes mandatés par la résolution du Conseil de sécurité. C’est bien cet organe qui nous amène à intervenir, c’est lui qui nous incite à utiliser la force, si nécessaire. Les objectifs fixés par ce mandat sont d’une très grande clarté.

Il nous faut, tout d’abord, assurer un minimum de sécurité. C’est ce vers quoi nous tendons à travers le désarmement, afin que la population puisse recommencer à vivre librement.

Il nous faut, ensuite, assurer une présence humanitaire significative. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas possible aujourd’hui : des gens sont assassinés aux portes des hôpitaux.

Il nous faut, en outre, aider la MISCA à se déployer. Je ne crois pas qu’il faille juger de manière hâtive les forces africaines et considérer qu’elles ne pourraient pas intervenir. Certains pays, j’en conviens, disposent d’armées plus ou moins bien structurées. Néanmoins, les forces présentes – j’ai indiqué dans mon propos initial qu’elles comptent de 2 500 à 3 000 soldats –, qui composent ce que nous appellerons à compter du 19 décembre prochain la MISCA sont suffisamment organisées pour pouvoir réagir, intervenir et contribuer au désarmement.

Avec les troupes qui les rejoindront plus tard, elles seront également en mesure d’assurer la sécurité dans le pays. Je vous le rappelle, en effet, à l’occasion d’une réunion qui s’est tenue à l’Élysée samedi après-midi, après le sommet pour la paix et la sécurité en Afrique, l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement de la zone ont décidé de faire passer le nombre de soldats composant la future MISCA de 3 000 à 6 000, voire 6 500.

Il nous faut, enfin – le mandat des Nations unies l’indique –, permettre qu’un processus électoral soit lancé et que la transition s’achève au plus vite. Je le signale à M. Bockel, qui m’a interrogé sur ce point, cela signifie qu’elle doit avoir lieu avant la fin de l’année 2014. L’échéance initiale, fixée par la feuille de route de Libreville, rectifiée par celle de N’Djamena et validée par l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement de la zone était le début de l’année 2015. Toutefois, les mêmes chefs d’État et de gouvernement ont estimé, samedi dernier, qu’il fallait aller plus vite.

Cela supposera la constitution de documents d’état civil et la création de cartes d’électeur ; tout un processus, en somme, qui devra être accompagné par les Nations unies et l’Union européenne, pour que la démocratie revienne. Je suis convaincu que des élites s’affirmeront pour permettre ce processus. La tâche est difficile, mais elle est incontournable et elle devra être accomplie au cours de l’année 2014.

Des précisions m’ont été demandées sur le calendrier. Nous l’avons indiqué, et le Président de la République l’a répété, l’opération, pour la France, sera forte et rapide. Bien sûr, on ne peut pas donner le jour et l’heure auxquels l’intervention se terminera, cinq jours seulement après son début ! Le gouvernement qui le ferait serait irresponsable. Je puis simplement vous dire une chose : notre volonté est que notre action soit forte et rapide et se fasse sur la base des objectifs que j’ai mentionnés.

Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous étions déjà présents à Bangui, dans le cadre de l’opération Boali, à la suite du coup d’État de 2003, perpétré par le président Bozizé. Cette mission, beaucoup plus contrainte et restreinte, consistait à sécuriser l’aéroport, protéger les ressortissants français et apporter un soutien logistique – modeste – à la Force multinationale d’Afrique centrale, la FOMAC, qui venait d’être mise en place.

Nous avons dit que l’intervention serait d’environ six mois. Elle durera peut-être un peu plus, peut-être un peu moins ; je ne m’enfermerai pas dans un tel type de raisonnement. Le principe, c’est que l’opération doit être menée rapidement. Son point de départ, incontournable, est le désarmement. Voilà notre mission principale.

Il a été fait état du rôle de l’Europe dans cette affaire. Je voudrais faire observer, en premier lieu, que le mandat des Nations unies s’adresse aux Africains, soutenus par la France. J’indique, en second lieu, que cela n’empêche pas les pays européens de nous aider. C’est d’ailleurs ce que font certains d’entre eux.

Il est encore un peu trop tôt pour dresser la liste exhaustive de toutes les participations. Il a été fait mention des soutiens britannique et allemand. Je sais que la Belgique s’interroge également sur une aide éventuelle. Depuis deux jours, d’autres pays européens nous ont fait savoir qu’ils étaient tout à fait disposés à nous apporter un soutien logistique. C’est indispensable, pour nous comme pour les Africains. En effet, faire passer les forces de la MISCA de 3 000 à 6 000 soldats requiert toute une logistique de transport. Certains pays européens sont même disposés à aller plus loin. J’espère qu’ils seront au rendez-vous. Nous aurons l’occasion de le vérifier dans les jours qui viennent.

Les différentes interventions sur ce sujet m’amènent néanmoins à vous faire part d’une réflexion. Avec ce qui vient de se passer, il est, je pense, indispensable que l’Europe s’interroge sur les groupements tactiques.

Logiquement, dans une crise de ce type, le groupement tactique de permanence devrait être mobilisé. Les groupements tactiques ont été créés pour cela, mais ils n’ont jamais servi ! Vous le savez, ils sont placés en alerte deux par deux, tous les six mois. Aujourd’hui, ce sont les Britanniques et les Lituaniens. À partir du 1er janvier prochain, ce seront les Grecs et les Bulgares et, à partir du 1er juillet prochain, les Belges et les Danois. Des régiments sont placés en alerte, des unités prédisposées à intervenir. Elles ne le font jamais, pourtant, car le lieu de la décision politique nécessaire à leur mobilisation et à leur action fait défaut.

À mon sens, l’opération en Centrafrique, avec ses deux composantes humanitaire et sécuritaire, est l’occasion de se poser la question du bon usage du groupement tactique. Je souhaite que la France interpelle ses amis européens et les incite à réfléchir à cette question.

Je voudrais aussi répondre à M. Rebsamen, qui a proposé que la part du budget de la défense ne soit pas comprise dans le calcul des déficits budgétaires nationaux par la Commission. À titre personnel, cela me convient bien ! Néanmoins, je ne suis pas sûr que l’on puisse y arriver rapidement.

Je ferai néanmoins observer que le projet de loi de programmation militaire, que nous allons examiner en deuxième lecture dans quelques instants, compte quelques initiatives en la matière. La commission des affaires étrangères du Sénat et la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale ont en effet proposé d’accroître la solidarité au plan européen, dans le cadre du mécanisme Athéna, en faisant en sorte qu’une partie des dépenses liées aux opérations militaires soit prise en charge par l’Union européenne. À mon sens, il s’agit d’un biais pertinent, pour assurer, dans ce type d’intervention, une véritable solidarité à l’échelle européenne.

J’en viens à la transition, qui a fait l’objet de quelques questions – pardonnez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de passer d’un sujet à l’autre, mais j’essaie de répondre à tous les orateurs.

Je le rappelle, une feuille de route a été adoptée. Le chef de l’État et le Premier ministre actuels sont des autorités de transition. Ils ont, en principe, renoncé à être candidats lors des prochaines échéances électorales. Le dispositif s’apparente ainsi à celui qui a cours au Mali. Nous souhaitons que ces autorités, notamment le chef de l’État par intérim, Michel Djotodia, qui sont les seules à être reconnues actuellement, puissent faire appliquer le processus de désarmement et le cantonnement. Tel sera, j’en suis convaincu, le message que leur transmettra ce soir le Président de la République. En effet, ce point est incontournable : s’il reste encore un minimum d’autorité, autant s’en servir pour cantonner et désarmer !

Cette évolution ne peut bien évidemment se faire sans une perspective de développement. Mme Demessine a eu raison de beaucoup insister sur la question de l’approche globale. À l’instar de ce qui s’est passé pour le Mali, une conférence des donateurs sera mise en place pour la République centrafricaine au début de l’année prochaine. (M. Alain Gournac s’exclame.) Cela a été affirmé de manière très claire samedi dernier au Conseil de paix et de sécurité, à la fois par le secrétaire général des Nations unies et par M. Van Rompuy.

Il faut, tout d’abord, organiser cette conférence et, ensuite, mettre en œuvre le processus. Nous sommes toutefois aujourd’hui dans une situation où il est impossible de déclencher ce processus tant le délabrement est grave, tant les violences, les rapines et exactions de toutes sortes rendent le pays tout à fait instable. Il faut commencer par rétablir le minimum d’ordre qui permettra d’agir. C’est en ce sens que sont mobilisés nos soldats, qui s’y emploient avec beaucoup de professionnalisme et de courage.

Je voudrais terminer mon propos en apportant, dans ce panorama plutôt sombre, deux notes d’optimisme. Je les tire du Conseil de paix et de sécurité, où j’ai été extrêmement frappé de la prise de conscience, par les 53 chefs d’État et de gouvernement des pays d’Afrique représentés, que la sécurité de leurs pays ne peut être garantie par leur seule armée, dont l’unique mission serait de protéger des frontières légitimes.

Il existe une prise de conscience que la sécurité de chacun des États est liée à la sécurité collective en Afrique, laquelle passe par la nécessité de construire une force de réaction rapide africaine qui aurait pu, si elle avait été instruite et structurée, jouer le rôle aujourd’hui tenu par les forces françaises au Mali. Le rôle de la France, mais aussi celui de l’Europe, est de les accompagner dans la mise en place de ce système de force de réaction rapide, qui devrait aboutir en 2015.

Enfin, je suis frappé également de la prise de conscience de la nécessité d’assurer la sécurité des trafics maritimes au large du golfe de Guinée. Sans lien direct avec la crise centrafricaine, celle-ci concerne les mêmes pirateries et les mêmes risques, latents dans cette zone. Le Conseil de paix et de sécurité a pris des engagements à cet égard.

Telles sont les deux conditions majeures qui, une fois réunies, permettront de faire en sorte, madame Ango Ela, que la mort qui, en Afrique, se levait de bonne heure, se lève désormais le plus tard possible !

En tout cas, c’est pour cela que nous avons envoyé nos forces en République centrafricaine. Nous souhaitons que, aux côtés des forces africaines, leur présence, leur courage, leur détermination permette à ce pays de retrouver, enfin, des cheminements plus harmonieux. (Applaudissements.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’engagement des forces armées en République centrafricaine.

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Demande de constitution d'une commission spéciale

M. le président. J’ai reçu, transmise par M. le président de l’Assemblée nationale, la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Ce texte a été publié le 9 décembre dernier.

En application de l’article 16, alinéa 2 bis, du règlement, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, m’a saisi aujourd’hui d’une demande de constitution d’une commission spéciale sur cette proposition de loi.

Cette demande a été affichée et notifiée au Gouvernement, ainsi qu’aux présidents des groupes politiques et des commissions permanentes.

Elle sera considérée comme adoptée sauf si, avant la deuxième séance qui suit cet affichage, soit à l’ouverture de la séance du jeudi 12 décembre, j’étais saisi d’une opposition par le Gouvernement ou le président d’un groupe.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

vice-président

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Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Discussion générale (suite)

Programmation militaire pour les années 2014 à 2019

Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (projet n° 188, texte de la commission n° 196, rapport n° 195).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, messieurs les présidents de commissions, mesdames, messieurs les sénateurs, nous venons de débattre en détail de l’intervention de nos forces en République centrafricaine destinée à enrayer le conflit intérieur qui secoue ce pays et qui meurtrit depuis des mois sa population. Ce contexte de crises internationales, dont le rythme ne cesse de dominer l’actualité de notre sécurité et de notre défense, est devenu une donnée permanente.

Nos regards sont aujourd’hui tournés tout spécialement vers le continent africain et ses rives. Ils peuvent demain se concentrer, à la faveur de développements nouveaux, sur la protection de nos intérêts de sécurité et la mise en jeu de nos responsabilités, et de celles de l’Europe, au Proche et Moyen-Orient ou dans l’Océan indien, pour ne citer que certaines des zones potentielles les plus incertaines.

C’est aussi ce contexte qui donne son sens au projet de loi de programmation militaire. Tandis que nous préparons l’avenir de notre politique de défense, le monde nous rappelle la nécessité d’être vigilants et prêts à faire face.

Nous nous retrouvons donc aujourd’hui pour d’ultimes échanges, que je souhaite fructueux, sur la programmation qu’attend notre défense pour les six années à venir.

D’ores et déjà, un pari est tenu : celui de pouvoir vous soumettre ce texte en deuxième lecture avant la fin de l’année et d’être ainsi en capacité – si votre vote le confirme, mesdames, messieurs les sénateurs – de promulguer la loi au 1er janvier 2014.

L’enjeu, c’est d’abord de pouvoir mettre en œuvre les dispositions de la loi dès le 1er janvier dans de nombreux domaines, qu’ils soient opérationnels, industriels ou sociaux, et d’éviter un immobilisme qui serait, au mieux, néfaste, au pire, destructeur.

L’enjeu, c’est aussi de marquer notre détermination sur un sujet que j’ai toujours souhaité traiter, avec votre aide, sur un mode aussi consensuel que possible. J’estime, en effet, que les enjeux de défense doivent dépasser les clivages partisans.

Ce projet de loi de programmation militaire nous donne, en outre, la possibilité de répondre aux nombreuses attentes de la communauté militaire et, plus largement, de la communauté de la défense.

Nous avons bâti ensemble une loi de programmation forte par ses ambitions, mais aussi équilibrée par son pragmatisme. Il nous importe de répondre présents au premier rendez-vous de son application.

Bien des choses ont déjà été dites au cours des longs moments de débats que nous avons eus en commission et en séance plénière. C’est pour moi l’occasion de rendre hommage à l’excellent travail conduit par les sénateurs, en particulier par la commission présidée par M. Jean-Louis Carrère. Je ne dirai jamais assez combien les nombreux moments passés au sein de cette commission ont été pour moi un stimulant et un appui précieux. Je voudrais vous en remercier, monsieur Carrère, et saluer tous les membres de cette commission pour leur assiduité et la pertinence de leurs interventions. J’associe à ces remerciements les présidents de la commission des finances et de la commission des lois.

Je commencerai mon propos en soulignant quelques-unes des avancées majeures, introduites à la suite de vos propres travaux, que l’Assemblée nationale a globalement confortées. Je voudrais surtout vous dire de quelle façon elles vont permettre au ministère de la défense de progresser encore dans la réalisation de ses missions au service des Français et de leur sécurité. En effet, chacune de ces avancées représente, j’en ai la conviction, autant de points de départ.

L’une de nos priorités partagées – je commence par elle –, c’est la bonne exécution de cette nouvelle programmation. Cette exécution a souvent fait l’objet d’observations, nous le savons, de part et d’autre de nos assemblées. Nous ne pouvions, dans le contexte extraordinairement contraint de nos finances publiques, demeurer dans le statu quo. J’ai apporté mon soutien à vos initiatives en ce sens.

Le projet de loi définit une série de moyens mis à la disposition des parlementaires. C’est l’une de ses novations majeures, qui respecte l’équilibre et les exigences de la séparation des pouvoirs. Cet ensemble de dispositions, je le vois comme un soutien pour notre défense, car la bonne exécution de la programmation est un objectif commun.

Dans cet ensemble, le contrôle semestriel de la gestion des crédits est désormais inscrit dans la loi, grâce à vos propositions. Le rapport annuel est également introduit dans cette enceinte et conforté par l’exigence d’un débat annuel, conformément au souhait de l’Assemblée nationale – une proposition qui sera tout à fait en cohérence avec les vœux de la Haute Assemblée, me semble-t-il.

Les clauses de rendez-vous et d’actualisation permettront à la représentation nationale de vérifier, sous des angles spécifiques et prioritaires, la bonne adaptation de cette programmation pluriannuelle aux changements de contexte et à l’épreuve des réalisations concrètes.

C’est bien évidemment le contrôle sur pièce et sur place, étendu, sur votre proposition, aux membres de la commission de la défense et des forces armées, qui constitue une avancée majeure en conférant à vos rapporteurs des instruments sans précédent. J’ai, pour ma part, l’intention de tirer tout le parti de ces nouvelles dispositions, afin d’améliorer la façon dont les Français, au travers de leurs représentants, s’approprient les questions relatives à leur défense.

Dans le même esprit, le travail accompli tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale a permis de mieux sécuriser les choix financiers qui permettent de rendre soutenable notre stratégie en matière d’équipement, comme l’équilibre global de cette programmation.

À ce titre, les différentes clauses, relatives respectivement aux ressources exceptionnelles et aux opérations extérieures, qui se trouvaient dans le rapport annexé, figurent désormais dans le corps de la loi, leur portée se trouvant ainsi renforcée. Ces évolutions, engagées au Sénat, ont traversé la procédure et sont aujourd’hui des données importantes de ce projet de loi. Elles renforcent ma propre détermination.

C’est aussi dans le même esprit que, à la suite du projet de loi de finances rectificative pour 2013, le Gouvernement a présenté un ensemble de quatre amendements complémentaires, destinés à sécuriser l’entrée en programmation dans le domaine des investissements. Il s’agissait notamment d’éviter que les aléas de la fin de gestion de l’année 2013 ne viennent perturber certains des choix majeurs de la programmation que je défendais devant vous.

À la suite d’un accord passé entre le ministère dont j’ai la charge et celui du budget, une ressource de 500 millions d’euros a donc été ajoutée au montant des ressources exceptionnelles prévu dans le projet initial.

Cette ressource vise à permettre, autant que nécessaire, de financer sans heurt l’intégralité des programmes de la première période, en particulier les nouveaux, et d’éviter que le ministère ne soit paralysé par une hausse excessive de son report de charges.

Je puis donc vous confirmer concrètement aujourd’hui que, grâce à ces mesures, nous avons d’ores et déjà pu sécuriser le lancement du missile de moyenne portée MMP, qui prendra la succession des missiles Milan, et que, d’ici à la fin de 2013, pourront être engagés les travaux du nouveau standard du Rafale, améliorant ses capacités, avec entre autres l’intégration du missile Meteor et d’un pod de désignation laser de nouvelle génération. Seront aussi lancés le programme de satellites d’écoute électromagnétique CERES, celui du missile anti-navires léger ANL, que nous mènerons en coopération avec nos partenaires britanniques, les nouveaux radars du programme SCCOA, conduit par Thales, ou encore les bâtiments multi-missions, les B2M.

Tous ces engagements annoncés dans la loi de programmation sont désormais mis en œuvre, et je ne doute pas que la vigilance du Sénat sera intacte pour vérifier régulièrement les engagements que j’ai évoqués au cours des différents débats qui nous ont réunis.

Au-delà de la dimension financière, capacitaire et industrielle, cette loi, vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, est marquante, aussi, par les progrès qu’elle instaure dans plusieurs domaines de notre droit. À cet égard, le texte issu des débats à l’Assemblée nationale s’inscrit dans une grande continuité avec celui que vous avez adopté le 21 octobre dernier.

Concernant le renseignement, domaine clef du présent projet de loi, le Gouvernement avait choisi de donner toutes ses chances à une véritable démarche de contrôle parlementaire, qui est la contrepartie naturelle, dans une démocratie, de l’accroissement des moyens des services dont le projet de loi porte, simultanément, la marque.

Vos travaux ont permis de donner sa pleine mesure à cette double ambition. Je relève avec satisfaction que l’Assemblée nationale a œuvré dans le même esprit que le Sénat ; certaines formulations du texte ont été simplement précisées, pour asseoir l’équilibre dont la commission des affaires étrangères du Sénat, en particulier, avait eu l’initiative.

Sur le sujet spécifique de l’accès administratif aux données de connexion et de géolocalisation, là encore, le mérite premier revient au Sénat. Je voudrais saluer M. Sueur et M. Hyest pour l’initiative presque conjointe qu’ils ont prise, laquelle fut votée ensuite à l’unanimité par votre assemblée. Au terme d’un dialogue fructueux entre les commissions des lois, des affaires étrangères et de la défense, un régime juridique complet a été proposé. Ce régime a été conforté par l’Assemblée nationale.

Sur un seul sujet, celui la durée de l’autorisation de géolocalisation en temps réel, la proposition du Sénat a évolué dans le cours des débats. Toutefois, je veux souligner ici que la durée d’autorisation finalement retenue, qui est de trente jours, est bien plus proche des dix jours initialement proposés que des quatre mois envisagés par la commission des lois de l’Assemblée nationale.

Sur le fond, je tiens à souligner l’équilibre que consacre ce texte. Je rappelle qu’il prend appui sur un dispositif qui a reçu la validation expresse du Conseil constitutionnel en 2006. C’est sur cette base reconnue que les services vont bénéficier d’avancées dans l’exercice de leurs missions.

Les services de renseignement des ministères de la défense et des finances auront accès à des données de façon contrôlée. Les motifs de leur action ne seront pas limités au terrorisme, mais comprendront les autres missions de préservation des intérêts fondamentaux de la nation.

Ainsi, la définition de leur intervention sera la même que celle des interceptions de sécurité organisées et contrôlées par la loi de 1991. Il est en effet aujourd’hui indispensable, pour la sécurité de nos concitoyens, face aux risques dont je suis comptable, ainsi que le ministre de l’intérieur, que nos services disposent de capacités adaptées au développement des technologies modernes. Leur dénier ces moyens serait manquer à notre devoir élémentaire.

Cette démarche s’accompagne, conformément à la logique globale de notre texte, que je rappelais précédemment, d’un régime de contrôle renforcé, et donc de garanties accrues du respect des libertés publiques.

Je rappelle quelles sont ces principales garanties. Le contrôle sera désormais exercé au niveau du Premier ministre, et c’est directement à celui-ci qu’il appartiendra d’autoriser le recours aux données de connexion en temps réel.

La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, voit ses moyens de contrôle renforcés et garantis par le nouvel article L. 246-4 du code de la sécurité intérieure, qui lui donne un accès permanent au dispositif de recueil.

D’une façon générale, nous l’avons dit, ce projet de loi de programmation militaire permet au Parlement, par l’intermédiaire de ses représentants au sein de la délégation parlementaire au renseignement, de s’assurer du caractère strictement nécessaire des moyens techniques utilisés par les services.

D’autres mesures sont confirmées par le présent texte : il en est ainsi de l’accès des services de renseignement aux fichiers de police du ministère de l’intérieur ou de la création du passenger name record, le PNR, dont je relève qu’a été explicitement exclu, sur l’initiative de la commission des lois, le traitement des données à caractère personnel sensible. Ces dispositions nécessiteront d’être prolongées par de nouvelles lois, qui devront intervenir au cours de la présente législature.

Nous aurons donc, mesdames, messieurs les sénateurs, d’autres occasions de nous pencher sur le renseignement dans un cadre parlementaire. Et les textes d’application des dispositions que vous allez adopter feront l’objet des consultations qui s’imposent, notamment auprès des organismes compétents, tels que la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Au demeurant, s’agissant du débat plus large sur le respect des libertés, le Gouvernement, comme il s’y est engagé en février dernier lors du séminaire numérique, souhaite mettre en chantier une loi sur les droits et libertés numériques, qui sera proposée au Parlement en 2014 et qui fera l’objet d’une concertation en amont de son dépôt.

Dès à présent, après le vote de la loi, je souhaite qu’un premier bilan de ces nouvelles mesures soit fait dans les six prochains mois, dans le cadre du rendez-vous semestriel que vous avez désormais institué sur la programmation, une initiative que le Gouvernement a soutenue.

Le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui conforte également un développement important dans la réponse apportée aux demandes de réparation faisant suite aux essais nucléaires.

J’avais salué la proposition du Sénat transformant le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, commission consultative placée auprès du ministre de la défense, en autorité administrative indépendante. Je tiens à remercier les sénateurs Corinne Bouchoux et Jean-Claude Lenoir, mais aussi Richard Tuheiava, dont les travaux ont très largement inspiré le dispositif désormais porté par le projet de loi. Cette évolution clarifie le positionnement de cette institution. Il donne des garanties aux demandeurs, en levant l’ambiguïté qui faisait que mon ministère pouvait apparaître jusqu’alors comme étant juge et partie.

Sur ce sujet, le Gouvernement, à l’Assemblée nationale, a proposé l’extension à toute la Polynésie française du critère géographique qui préside à l’examen des dossiers, suggestion qui a été adoptée à l’unanimité.

Je n’entrerai pas dans le détail des évolutions survenues à l’Assemblée nationale ; c’est en effet le rôle de votre rapporteur, qui prendra la parole tout à l’heure. Je voudrais néanmoins rappeler ma position sur deux domaines particulièrement sensibles au ministère de la défense, alors que des efforts considérables sont de nouveau demandés aux femmes et aux hommes qui s’y consacrent.

Le premier est celui des restructurations territoriales. De façon opportune, l’Assemblée nationale a souhaité que le rapport annexé à la loi explicite certains des critères de base qui orienteront les décisions du Gouvernement, notre doctrine en quelque sorte. Je m’en étais déjà entretenu avec vous dans mes diverses interventions. Je rappelle les principaux traits de cette politique.

Les effectifs proprement opérationnels, liés aux contrats assignés aux forces par le chef de l’État, ne représenteront pas plus d’un tiers des déflations. Pour leur grande majorité, les diminutions d’effectifs reposeront donc sur un effort important touchant l’administration au sens large et l’environnement des forces, afin de réduire les coûts d’une structure qui demeure encore, dans bien des domaines, lourde et trop complexe par rapport à nos besoins. J’attacherai dans mes décisions un grand prix à la préservation d’une articulation cohérente entre les armées et les territoires, à la prise en compte de l’aménagement économique de ceux-ci et au respect du lien armée-nation.

Cela signifie que, dans le cadre de ces restructurations, le Gouvernement ne procédera de façon ni arithmétique ni automatique. La mise en œuvre concrète de ces principes impose de prendre le temps de l’analyse fonctionnelle, afin d’éviter des erreurs majeures ou des retours en arrière, préjudiciables à la crédibilité et à la prévisibilité de notre politique.

En second lieu, dans le contexte des travaux sur le Conseil supérieur de la fonction militaire, le CSFM, engagés à la demande du Président de la République, dans le contexte aussi d’évolutions importantes de nos armées, l’objectif est d’améliorer le dispositif de la concertation au sein du ministère de la défense. Pour ma part, je partage l’objectif d’un réexamen pour plus d’efficacité, et ce d’autant plus qu’il figure désormais dans le rapport annexé. C’est encore une perspective qui est ouverte, plus qu’une réponse concrète qui est apportée : celle-ci surgira des travaux en cours, mais une perspective est ainsi tracée.

Seule l’ouverture de compétence des comités techniques ministériels de la défense aux questions d’organisation et de fonctionnement relève du droit positif tel qu’il résulte du texte qui vous est soumis. Elle est de droit commun dans tous les ministères, mais il y a bien une spécificité de la défense à respecter. Là encore, c’est moins un changement radical qui sera mis en œuvre que l’assouplissement d’une exception à la règle commune, d’autant que les organismes militaires à vocation opérationnelle ne figurent pas dans le champ de compétence de ces organismes.

Ces évolutions s’inscrivent d’ailleurs pleinement dans le respect des principes qui guident mon action en la matière, comme ils ont orienté mes prédécesseurs. Il faut à la fois que les armées, et plus largement le ministère de la défense, soient pleinement en phase avec les évolutions de la société, et que la singularité militaire, qui se déduit naturellement de la finalité opérationnelle des armées et des principes de commandement, soit pleinement respectée.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales avancées qui me semblaient se dégager de vos travaux, et qui ont été largement confortées par l’Assemblée nationale. La dynamique que vous avez imprimée à cette loi ne s’est donc pas démentie, et je m’en félicite.

Je souhaite rappeler les grands principes contenus dans ce texte, dont vous avez largement débattu.

Je l’ai dit à plusieurs reprises, cette programmation est cohérente et équilibrée, d’abord parce qu’elle repose sur le maintien d’un effort de défense significatif. Avec plus de 190 milliards d’euros en base, c’est une décision politique forte qui a été prise. Sans pouvoir atteindre les niveaux de la programmation 2009-2014, que la crise a rendus rapidement irréalistes, ces financements nous donnent les moyens de nos objectifs et ne débouchent donc pas sur un déclassement stratégique de notre pays, comme certains ont cru pouvoir le déceler.

Cette programmation est solide, parce que nous avons fait le choix d’exposer une démarche explicite, et très complète, sous votre contrôle, mesdames, messieurs les sénateurs, en ce qui concerne les ressources exceptionnelles, qui dépasseront 6,1 milliards d’euros sur la période.

Elle est solide aussi parce qu’elle trouve sa cohérence dans les principales options qui ont été prises : réalisme ; équilibre entre les efforts demandés aux acteurs de la défense et la préservation de nos atouts majeurs en matière militaire et industrielle ; ambition concernant la modernisation des forces et la prise en compte des priorités pour l’avenir.

La deuxième raison qui sous-tend mon appréciation, c’est que ce projet de loi consacre une programmation responsable, c’est-à-dire à la hauteur des défis stratégiques qui se présentent à nous. Ce texte n’est pas hors-sol. Il tire les conséquences du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Menaces de la force, risques de la faiblesse, dont l’actualité est encore illustrée par la situation en République centrafricaine, dangers de la mondialisation : la clarté de la vision du Livre blanc est nouvelle et sa pertinence difficilement contestable. À sa suite, le projet de loi de programmation militaire porte une nouvelle stratégie militaire, adaptée à notre environnement.

Avec des armées comptant 185 000 militaires, 225 avions de combat, 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, les SNLE, un porte-avions nucléaire, 15 frégates de premier rang, 6 sous-marins nucléaires d’attaque, des capacités d’entrée en premier dans les trois milieux terrestre, aérien et maritime, sur des théâtres de guerre comme de gestion de crise, des forces spéciales renommées et renforcées, des moyens de transport stratégique en voie de renouvellement, le lancement d’une dizaine de satellites militaires dans les années à venir, nous sommes en mesure de faire face aux menaces les plus probables et aux situations d’engagement les plus crédibles pour les quinze prochaines années.

Je tiens à souligner ici qu’aucun sujet n’a été écarté. Pour faire des économies faciles, nous aurions pu d’abord fermer les yeux sur tout un pan des risques attachés à notre environnement stratégique. Nous aurions pu aussi nous engager dans l’abandon d’un certain nombre de nos responsabilités hors du territoire, comme certains nous le proposaient. Telle n’a jamais été notre démarche. Nos réflexions, celles du ministère comme les vôtres d’ailleurs, ont toujours obéi à un principe de sincérité dans la description des menaces, comme dans la définition des moyens pour y faire face.

De la même façon, pour simplifier notre tâche, nous aurions pu faire un certain nombre de choix stratégiques sans nous en justifier. Nous nous y sommes toujours refusés.

À cet égard, j’évoquerai d’un mot la dissuasion. Lors de l’examen de ce texte en première lecture, j’ai entendu, tant à l’Assemblée nationale que dans cette enceinte, que nous ne serions pas favorables au débat sur ce sujet. Je pense notamment aux propos de Mme Demessine et en particulier à un échange qui a eu lieu entre Jean-Pierre Chevènement, plusieurs sénateurs et moi-même. (Mme Michelle Demessine rit.)

Or j’ai approuvé les suggestions formulées en ce sens par la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale sur ce thème, en vue d’organiser un exercice de réflexion. En ce qui me concerne, mes convictions sont fortes et je reste déterminé.

M. Jean-Claude Lenoir. Nous nous en réjouissons !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Tant qu’il existe des armes nucléaires dans le monde, tant que demeurent les risques d’un chantage exercé par d’autres puissances contre nos intérêts vitaux, la dissuasion constitue à mes yeux l’une des garanties fondamentales de notre liberté d’appréciation, de décision et d’action. Nous devons savoir l’adapter aux évolutions des risques et menaces possibles. Il est difficile de le nier, même si certains le déplorent. (Marques d’approbation sur certaines travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est la position du Gouvernement et du ministre de la défense.

M. Alain Gournac. C’est aussi la nôtre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Pour autant, ne craignons pas le débat sur le sujet. Vous souhaitiez que nous en parlions, nous y sommes tout à fait favorables et le débat a toute sa place.

Nos choix stratégiques se sont traduits par des décisions fortes dans le domaine de nos capacités militaires. Sans reprendre ici l’ensemble des programmes en cours de lancement – j’en ai cité rapidement quelques-uns tout à l'heure –, j’indiquerai trois orientations qui ont guidé nos choix.

Tout d’abord, nous avons décidé de combler des lacunes criantes. En ce sens, nous avons suivi les incitations de la commission de la défense du Sénat dans le domaine des drones. Je rappelle aux spécialistes qui se trouvent dans cet hémicycle, et ils sont nombreux, que les premiers drones MALE sont en cours d’acheminement vers Niamey. C’est également le cas dans le domaine du ravitaillement en vol ou encore dans celui du transport aérien.

Ensuite, nous avons souhaité adapter notre dispositif aux nouvelles modalités des opérations. Il s’est agi de mettre en œuvre des principes de différenciation et mutualisation, de renforcer nos forces spéciales et de donner la priorité à la cyberdéfense.

Enfin, nous avons voulu renouveler progressivement certains équipements en fin de vie. C’est l’objet tout particulier du programme Scorpion – on annonçait qu’il ne verrait pas le jour, mais il est bien maintenu et je l’engagerai dès le début de l’année 2014 –, du programme Barracuda ou de la rénovation de matériels plus éprouvés tels que les Mirages 2000 ou les frégates La Fayette.

Je le rappelle, j’ai souhaité le renforcement de notre effort en recherche et technologie, avec des crédits consacrés aux études en amont en hausse par rapport à la période précédente.

L’une de nos priorités, c’est le maintien en condition opérationnelle de nos forces. En effet, il nous faut non seulement un nombre significatif de soldats, mais aussi des militaires entraînés et équipés ; c’est indispensable pour assurer la cohérence et l’équilibre de nos forces dans les six années qui viennent.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de plusieurs mois de travail – plusieurs années même, en ce qui concerne la commission de la défense du Sénat ! –,...

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, rapporteur. Oui !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … qui nous ont en bonne partie rassemblés et permis d’avoir une vision et une réflexion très fortes, j’ai acquis la conviction de disposer, avec ce projet de loi de programmation militaire, du meilleur cadre possible dans les circonstances que nous traversons, pour orienter notre politique de défense dans les six ans qui viennent.

Pour cette raison, j’ai l’honneur de solliciter un vote conforme du Sénat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai souligné en ouvrant ce propos : en matière de défense, l’inaction ou l’immobilisme est préjudiciable à nos intérêts. Les enjeux de défense doivent dépasser les clivages partisans.

L’équilibre de ce projet de loi dépend aussi du respect rigoureux de la feuille de route qu’il dessine. C’est vrai dans le domaine des ressources financières et ce fut le sens de vos amendements. C’est vrai aussi dans le domaine des ressources humaines, où il est important que les dispositions de la loi puissent être mises en application dès le 1er janvier prochain. En vous prononçant ainsi, tout particulièrement dans ce domaine, vous répondrez aux attentes de la communauté militaire et, plus largement, à celles de la communauté de défense.

À de nombreuses reprises et de diverses manières, ces hommes et ces femmes ont exprimé leur besoin de connaître le cap que la nation entend donner à ses armées, comme d’ailleurs à ses entreprises, dans ce domaine régalien. Ce cap, nous vous l’avons proposé. À travers nos échanges, nous l’avons précisé ensemble. Je tiens de nouveau à saluer l’action de la Haute Assemblée à cette fin, sa prise de distance à l’égard de l’immédiateté et, dans le même temps, sa vision de long terme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’heure est maintenant à la mise en œuvre. En votant ce texte aujourd'hui pour qu’il entre en application au 1er janvier prochain, vous marquerez votre détermination à voir cette programmation réussir. Ce sera un chantier de longue haleine et, si j’ose dire, de tous les instants. Je suis pour ma part déterminé à le mener et je sais pouvoir compter sur vous pour y contribuer, au travers de rendez-vous réguliers, dans l’intérêt supérieur de la nation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Gérard César applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce sujet me tient tellement à cœur que je pourrais vous en parler pendant des heures ! Je ne prendrai cependant pas le risque de vous lasser et m’en tiendrai à l’essentiel. (Sourires.)

Le Sénat est appelé à se prononcer en deuxième lecture sur le projet de loi de programmation militaire, après son adoption la semaine dernière par l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, je ne reviendrai pas ici sur les enjeux de ce texte adopté le 21 octobre dernier : vous les connaissez parfaitement. Je me contenterai de rappeler les apports du Sénat qui ont été préservés et même confortés par l’Assemblée nationale.

En première lecture, sur l’initiative de la commission, le Sénat a introduit trois principales avancées, qui n’ont pas été remises en cause lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale.

Nous avons tout d’abord souhaité renforcer la portée des clauses de sauvegarde – bien nous en a pris ! –, afin de garantir le bon respect de la trajectoire financière. Pour autant, vous le savez, mes chers collègues, celle-ci ne me satisfait – ne nous satisfait – pas totalement.

Je rappelle que, conformément à l’engagement du Président de la République de « sanctuariser » les moyens financiers dont disposera la défense nationale, le projet de LPM prévoit un peu plus de 190 milliards d’euros pour la défense sur la période 2014-2019.

Le projet de loi de finances pour 2014, que nous avons examiné récemment en commission, est d’ailleurs conforme à l’euro près. Sur ce montant, 6,1 milliards d’euros sont issus de recettes exceptionnelles, provenant notamment de la vente de fréquences ou de cessions immobilières, soit 3 % du montant total.

Afin de s’assurer que ces ressources seront bien au rendez-vous, au montant et au moment prévus, notre commission a adopté – à l’unanimité, faut-il le rappeler ? – un amendement visant à prévoir, dans la partie normative de la LPM, que, en cas de non-réalisation, ces recettes exceptionnelles seront intégralement compensées par d’autres recettes ou par des crédits budgétaires sur une base interministérielle.

De même, en ce qui concerne la clause de sauvegarde sur les OPEX, nous avons préféré revenir à la rédaction de la précédente LPM. Vous le voyez, lorsque certaines dispositions sont bonnes, nous n’hésitons pas à les conserver !

Pour 2013, le surcoût des OPEX, notamment de l’opération Serval au Mali, a d’ailleurs été intégralement couvert par des financements interministériels. Bravo, monsieur le ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Cela illustre tout l’intérêt de cette clause, notamment au regard de l’intervention en République centrafricaine, dont nous venons de débattre et qui a fait l’objet d’un large consensus sur les travées de notre assemblée.

En première lecture, notre commission a également souhaité introduire un ensemble de dispositions afin de renforcer le contrôle parlementaire de l’exécution de la loi de programmation militaire. Elle a en particulier adopté un amendement, cosigné par l’ensemble des rapporteurs spéciaux, visant à prévoir un contrôle sur pièces et sur place.

Comme nous le savons tous ici, l’exécution de la LPM sera déterminante. Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur nous pour exercer sans faiblir un suivi particulièrement vigilant, exigeant et permanent.

Certes, dans le contexte budgétaire actuel, la trajectoire financière prévue par la LPM est la moins mauvaise possible. Cependant, elle ne répond pas entièrement à nos attentes, voire à nos espérances.

C’est la raison pour laquelle le Sénat a souhaité introduire dans le texte une « clause de revoyure », à laquelle vous étiez très favorable, monsieur le ministre, et une « clause de retour à meilleure fortune », afin de prévoir, si la situation économique le permet, le redressement de l’effort de la nation en faveur de la défense, qui devrait tendre vers l’objectif de 2 % du PIB. À ce moment-là, nous aurons beaucoup à dire, mais n’anticipons pas. Sur les MRTT et la réduction des reports, nous aurons à dire et à faire. (MM. Robert del Picchia et Gérard César s’exclament.)

Sur ces trois volets essentiels pour nous – les clauses de sauvegarde, le contrôle parlementaire de l’exécution et la clause de revoyure et de retour à meilleure fortune –, le texte adopté par l’Assemblée nationale n’a pas remis en cause le vote du Sénat. J’en remercie mes collègues députés.

Quelles ont donc été les principales modifications introduites par l’Assemblée nationale ? Elles sont de trois ordres. Tout d’abord, sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté un ensemble d’amendements visant à majorer, à hauteur de 500 millions d’euros, le montant des ressources exceptionnelles prévues par la LPM.

Cette majoration vise à compenser les annulations de crédits de la fin de gestion de l’année 2013. Elle est donc selon moi de nature à contenir le gonflement du report de charges et à éviter l’aggravation de la « bosse », repoussée d’année en année, c’est-à-dire d’un décalage significatif dans la programmation de l’équipement des forces. Néanmoins, monsieur le ministre, il faudra, comme le réclame notre commission, s’attaquer résolument à ce report de charges. Ce sera l’un des principaux enjeux de la revoyure de 2015.

Monsieur le ministre, nous attendons des engagements concrets sur la résorption de ce report de charges. Nous vous y aiderons. Notre commission sera particulièrement vigilante et innovante sur ce point.

Certes, nous sommes partagés entre le désir qu’ont certains, dont je fais partie, de ne pas vendre tous nos trésors de famille et le souhait qu’ont d’autres, si ces trésors de famille ne sont pas absolument nécessaires pour la conduite de nos programmes, de réaliser de telles cessions, afin de nous débarrasser de ces reports, qui pèsent, voire nous obsèdent. À nous d’avoir l’intelligence et la finesse de parvenir à un moyen terme pour trouver une issue favorable à cette situation.

Sur l’initiative de sa commission des lois, l’Assemblée nationale a également modifié les dispositions relatives à la délégation parlementaire au renseignement. Elle est revenue sur certaines avancées introduites par le Sénat, dans un sens plus conforme aux souhaits du Gouvernement, comme de ceux de plusieurs membres de notre assemblée ; je pense en particulier à Gérard Larcher.

En particulier, les directeurs des services de renseignement pourront se faire accompagner, s’ils le souhaitent, par les collaborateurs de leur choix. En revanche, ils ne seront pas tenus de se rendre aux convocations, comme je l’avais souhaité initialement.

Personnellement, je regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas voulu conserver les avancées introduites par le Sénat, qui auraient permis d’aller vers un véritable contrôle parlementaire. Toutefois, étant donné que le texte actuel représente un progrès important par rapport à la situation précédente, qui elle-même représentait une avancée notable par rapport à la situation antérieure, compte tenu de l’enjeu et afin de privilégier une démarche consensuelle entre les deux assemblées, je n’ai pas souhaité présenter de nouveaux amendements.

Enfin, sur l’initiative de sa commission de la défense, l’Assemblée nationale a souhaité ouvrir une réflexion sur le dialogue social au sein du ministère de la défense. Là encore, de grâce, pas de faux procès ou de polémiques stériles entre nous ! Nous devons être très clairs sur ce point.

L’objectif visé consiste simplement à associer davantage les personnels, civils comme militaires, à la mise en œuvre des réformes, dans un contexte où la réussite de la manœuvre des ressources humaines sera déterminante pour le succès de la LPM dans son ensemble.

Il nous faut impérativement rompre avec cet effet de ciseau, intenable, qui conduit la masse salariale à s’accroître au moment où les effectifs décroissent. Pour autant, les changements sont encadrés et limités.

Sur les autres aspects, nos collègues députés ont approuvé ou conforté les principaux apports de notre assemblée.

Il en va ainsi des dispositions visant à assurer une meilleure protection des militaires face au risque de judiciarisation que nous connaissons tous, ou de la refonte, sur l’initiative de la commission des lois du Sénat, du régime de l’accès aux données de connexion et à la géolocalisation en temps réel, dans un sens plus protecteur des libertés publiques.

C’est pourquoi j’avoue avoir été quelque peu perturbé par le fait que de grands opérateurs se posent des questions sur l’éthique des mesures que nous avons proposées, soulignant leur côté éventuellement liberticide… Il me semble au contraire que nous nous situons dans le droit fil du respect des droits de l’homme et de l’accroissement de la protection des libertés individuelles. Ces braves gens qui crient ainsi au risque liberticide seraient mieux inspirés de lire nos conclusions et nos débats afin de s’imprégner de notre sens des responsabilités, qui est au demeurant largement partagé sur toutes les travées !

C’est en effet sur l’initiative de l’ancien président de la commission des lois que nous avons débattu et voté, de façon absolument unanime, sur ce sujet. (M. le ministre opine.) Qui ne comprend ici que cette forme de géolocalisation en temps réel est absolument déterminante ? Quand on lance une poursuite contre des terroristes, ce n’est pas sur la base d’une géolocalisation datant de trois, quatre, cinq ou huit jours que l’on peut agir avec efficacité, mais bien sur le fondement d’une géolocalisation en temps réel, dont le lancement requiert les mêmes exigences que celles qui étaient demandées auparavant.

Aussi, de grâce, mes chers amis, ne vous laissez pas entraîner dans cette pseudo-polémique, portée par des gens qui permettent beaucoup d’écoutes, sur un très large spectre, mais qui viennent aujourd’hui nous reprocher d’être liberticides, alors que nous nous battons au contraire pour la défense des libertés.

Sur d’autres aspects du texte, les députés sont même allés un peu plus loin. Je pense en particulier au régime d’indemnisation des victimes des essais nucléaires ou encore à l’allongement de dix à trente jours de l’autorisation de la géolocalisation.

Seul un sujet a fait l’objet d’une réelle divergence d’appréciation entre les deux assemblées : le rythme de livraison des avions ravitailleurs MRTT, c'est-à-dire Multi-Role Tanker Transport.

M. Gérard César. Eh voilà !

M. Robert del Picchia. Quatre MRTT !

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Vous m’entendez rarement sur ce genre de sujets très techniques, mes chers collègues. Il faut dire que, au sein de la commission que j’ai l’honneur de présider, Daniel Reiner, Jacques Gautier et Xavier Pintat travaillent déjà d’arrache-pied sur le BAe 146. Je n’ai donc pas trop besoin de m’en soucier, ce qui est fort appréciable ! (Sourires.)

Si notre armée de l’air et notre armée en général sont extraordinairement performantes, l’absence de MRTT pose problème. Le MRTT, c’est un peu l’équivalent de la borne de ravitaillement pour la voiture électrique ; c’est absolument nécessaire ! Si l’on ne peut pas ravitailler les voitures électriques, on ne peut tout simplement pas les commercialiser.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Me permettez-vous de vous interrompre un instant, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Je vous en prie, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est M. le ministre, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vous remercie de m’autoriser à vous interrompre, monsieur le rapporteur. Je souhaiterais en effet vous apporter un éclairage sur les choix respectifs de l’Assemblée et du Sénat.

Je sais que les membres de la commission de la défense du Sénat, de même que son président, sont attachés à la commande de quatre avions MRTT. Je souligne toutefois que le débat ne porte plus aujourd’hui sur le principe même de ces derniers : j’ai en effet souhaité que le processus soit engagé et que l’on passe commande rapidement.

Le problème est aujourd’hui de savoir si l’on s’engage tout de suite sur quatre appareils ou si l’on commence par deux. J’ai proposé que la question du passage de deux à quatre soit posée lors de la révision du texte, prévue en 2015. Il me semble qu’il s’agit là d’un compromis très stimulant.

L’Assemblée nationale et le Sénat pourraient tomber d’accord sur ce principe, en sachant que, pour l’instant, nous n’avons pas encore commandé le premier et qu’un problème de délai de livraison se pose également.

Quoi qu’il en soit, la nécessité de pouvoir disposer rapidement d’avions ravitailleurs est largement partagée au sein de la Haute Assemblée.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. C’est justement parce que nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, que votre interruption est vraiment productive.

En même temps, compte tenu de l’importance de la question du ravitaillement en vol, je considère, monsieur le ministre, qu’elle devrait être traitée en priorité, tant lors de la revoyure de 2015 que lors du prochain Conseil européen sur la relance de l’Europe de la défense, à propos duquel nous aurons l’occasion de débattre demain.

Pour conclure – et ce n’est pas une clause de style ! –, je voudrais remercier l’ensemble des membres de la commission, les deux rapporteurs pour avis, le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances, Yves Krattinger, de leur importante contribution à l’examen de ce projet de loi.

C’est la première fois qu’une loi de programmation militaire est examinée en premier au Sénat. Grâce au travail réalisé par tous les sénateurs, de tous les groupes, je crois que nous avons collectivement démontré tout l’intérêt du bicamérisme et d’une assemblée telle que la nôtre, dont les membres savent placer l’intérêt général au-dessus des clivages partisans et se rassembler sur des sujets essentiels pour notre pays, comme la défense. Pour ma part aussi, d'ailleurs, c’est ici, parmi vous, mes chers collègues, que j’ai appris à dépasser ces problématiques partisanes. Je suis sûr que les militaires qui nous écoutent sont très sensibles à cette approche, et je pense que les Françaises et les Français peuvent l’être également.

Avec cette LPM, la France sera l’un des rares pays en Europe capable de protéger, de manière autonome, son territoire et sa population, grâce au maintien de la dissuasion dans ses deux composantes, capable d’intervenir militairement hors de son territoire pour protéger ses ressortissants, ses valeurs et de tenir son rang sur la scène internationale, comme hier au Mali et aujourd’hui en République centrafricaine.

Nos militaires ont fourni la preuve de leur engagement, de leur dévouement, de leur courage et de leur abnégation. Donnons-leur les moyens de poursuivre leur mission au service de notre pays !

Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission que j’ai l’honneur de présider, à adopter en deuxième lecture ce projet de loi. Nous aurons alors fait un grand pas vers la sauvegarde de notre outil militaire ! (Applaudissements.)

(Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous venons d’avoir sur l’engagement de nos forces armées en République centrafricaine vient rappeler que le maintien d’une capacité de projection, adossée à des troupes pré-positionnées, reste bien un élément indispensable de notre politique de défense.

Hier au Mali, aujourd’hui en RCA, la France montre une nouvelle fois qu’elle dispose d’un outil militaire performant au service de notre diplomatie, et nous pouvons en être fiers !

Cependant, si le dernier Livre blanc prévoit que la France doit être en mesure de déployer entre 15 000 et 20 000 hommes en opération extérieure afin de protéger ses ressortissants, défendre ses intérêts et honorer ses engagements internationaux, en serons-nous encore capables dans les années à venir ? Tel est le cœur du débat.

En toile de fond de l’intervention militaire française en Centrafrique se pose en effet la question de notre capacité à assumer de nouvelles opérations extérieures dans un contexte budgétaire particulièrement contraint. En d’autres termes, il s’agit de savoir si nous avons encore les moyens de nos ambitions.

Permettez-moi tout d’abord de saluer les travaux menés par nos deux assemblées sur ce projet de loi de programmation militaire, notamment dans le cadre de nos commissions de la défense respectives. Certes, les discussions ont été intenses, et certaines divergences de vues se sont exprimées, mais nous ne pouvons que nous réjouir que notre politique de défense suscite un débat transparent et vigoureux. En effet, au-delà de sa dimension militaire, c’est bien tout un pan de notre diplomatie, de notre économie et, plus largement, de la société française qui est concerné.

Ce projet de loi de programmation militaire est sensiblement équivalent dans son contenu à celui que nous avons examiné en première lecture : les grandes orientations du texte ont été préservées et son équilibre a été respecté lors de l’examen à l’Assemblée nationale.

Toutefois, certains sujets font débat. M. Jean-Louis Carrère vient de s’exprimer avec force, et de manière convaincante. Nombre de collègues membres de la commission, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, sont solidaires de son propos, qui est le fruit de nos échanges et de nos travaux.

En tout état de cause, ce projet de loi de programmation acte un certain nombre d’avancées substantielles dans des domaines stratégiques, comme celui du renseignement. Il convient de le souligner.

Le développement d’une capacité de connaissance et d’anticipation est érigé en priorité, et la loi de programmation confère au renseignement de nouveaux moyens juridiques tout en renforçant le contrôle de la délégation parlementaire au renseignement.

Autre dimension centrale, déjà évoquée en première lecture : ce projet de loi donne une nouvelle impulsion à notre politique de cyberdéfense en renforçant les moyens d’action de l’État au travers, notamment, de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI. Le projet de loi vise également à renforcer les obligations des opérateurs d’importance vitale en matière de protection de leurs systèmes d’information, conformément d’ailleurs aux recommandations que nous avions émises dans le rapport qui avait été approuvé par la commission en juillet 2012.

Si nous nous réjouissons de ces dispositions, des inquiétudes demeurent néanmoins. Si vous avez, monsieur le ministre, apporté des garanties lors de nos discussions en première lecture, et encore aujourd’hui d'ailleurs, dans votre propos liminaire, je tiens à revenir sur certaines réserves que nous avions formulées.

Tout d’abord, l’équilibre budgétaire de ce projet de loi de programmation reste pour nous très incertain. Ce serait d’ailleurs une première si une telle loi était respectée, mais nous en acceptons l’augure dans le contexte actuel.

Toutefois, même s’il existe incontestablement une volonté de la respecter, ce qui n’avait jamais été le cas par le passé, l’équilibre de cette loi est-il tenable sur la période de la programmation ? Les ressources exceptionnelles, qui sont au cœur du dispositif, permettront-elles de respecter les engagements budgétaires et donc d’assurer la pérennité de notre outil de défense ?

Comme vous l’avez rappelé, l’équilibre sur la période repose sur 6,1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles. Or un amendement du Gouvernement adopté à l’Assemblée nationale vise déjà une majoration de 500 millions d’euros de ces ressources exceptionnelles. On peut franchement avoir quelques doutes sur notre capacité à les trouver dans ce laps de temps…

Au-delà de l’existence d’une clause de sauvegarde dans cette loi de programmation, la perspective d’un nouveau bras de fer avec Bercy ne peut être évacuée, compte tenu du caractère aléatoire de ces ressources. Avec la suppression de 650 millions d’euros dans le projet de budget rectificatif pour 2013, compensée par 578 millions d’euros de solidarité interministérielle, les crédits du ministère de la défense sont préservés cette année. Toutefois, rappelons que près de 2,2 milliards d’euros de ressources exceptionnelles sont prévus pour l’année prochaine, et qu’elles risquent de manquer à l’appel.

En outre, la sous-budgétisation des OPEX, les opérations extérieures, récemment pointée du doigt par la Cour des comptes, pourrait à terme menacer l’équilibre budgétaire de la défense. Alors que, en moyenne, le coût des opérations extérieures se situe depuis plusieurs années autour de 800 millions d’euros, la loi de finances initiale pour 2013 prévoit des crédits à hauteur de 630 millions d’euros.

À l’heure où la France s’engage en République centrafricaine et poursuit son opération militaire au Mali, cette situation paraît devoir perdurer, dans la mesure où le projet de loi de finances pour 2014 abaisse les crédits OPEX à 450 millions d’euros.

Selon la Cour des comptes, ce sont les dépenses d’équipement qui jouent chaque année le rôle de variable d’ajustement au profit de la masse salariale et des OPEX. Ainsi, l’essentiel des annulations prévues dans le projet de loi de finances rectificative concerne le programme 146, « Équipement des forces ».

Pourtant, la baisse du volume des commandes et le glissement des programmes d’équipement ont des conséquences préjudiciables sur l’ensemble de la filière de défense, qui emploie près de 20 000 personnes. En temps de crise, il s’agit là d’un réservoir de croissance de première importance, et les industriels ne cachent pas leurs inquiétudes.

Finalement, cet équilibre budgétaire incertain fait craindre de nouvelles réductions d’effectifs. Alors que la défense a déjà subi de plein fouet les réformes précédentes, la réduction de plus de 33 000 postes entre 2014 et 2019 risque de bouleverser la cohérence du format de nos armées. Compte tenu des menaces qui persistent, en particulier dans la zone sahélienne, le maintien d’une armée dimensionnée et projetable rapidement est pourtant essentiel pour continuer à assumer nos responsabilités.

Notre engagement opérationnel pourrait davantage s’inscrire dans un cadre européen – la plupart d’entre nous s’accordent d'ailleurs sur ce point –, mais force est de constater, à cet égard, que nous sommes encore loin d’une véritable défense européenne, comme le montre la faible réaction européenne face à la crise en République centrafricaine.

Monsieur le ministre, alors que nous attendons votre feuille de route en matière de défense européenne dans la perspective du Conseil européen de décembre prochain, je souhaite revenir ici brièvement sur votre décision de dissoudre, dans le courant de l’année 2014, le 110e régiment d’infanterie, actuellement stationné à Donaueschingen et rattaché à la brigade franco-allemande, qui m’est chère.

Comme vous le savez, je m’étais fortement engagé en 2009 en faveur du maintien de ce régiment. Je regrette cette décision qui remet en cause l’équilibre de la brigade franco-allemande, la BFA, fondée sur une implantation similaire des forces françaises et allemandes de part et d’autre du Rhin.

Cependant, au-delà du symbole de la réconciliation franco-allemande, peut-on envisager un engagement de la BFA en tant qu’unité opérationnelle à part entière, et non pas uniquement en tant qu’élément français ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de l’état actuel de vos discussions avec votre homologue allemand quant à l’implantation de la brigade de part et d’autre de la frontière, et quant à sa capacité d’emploi, éventuellement en Afrique ?

Nous l’avons compris, dans une période particulièrement difficile, la contrainte budgétaire constitue la colonne vertébrale de la présente loi de programmation. La préservation de l’enveloppe budgétaire de la défense pour les trois prochaines années devrait permettre d’éviter, à court terme, le déclassement de notre outil de défense.

Toutefois, si nous souhaitions pointer plusieurs inquiétudes réelles – en effet, le respect d’une loi de programmation serait une première –, nous devons reconnaître vos efforts, monsieur le ministre, que nous n’avons eu d'ailleurs de cesse de soutenir au sein de notre commission, avec le président Carrère, dont vous avez encore vu à l’instant la pugnacité.

Au-delà des inquiétudes que je viens de rappeler, nous avons le sentiment aujourd’hui que la France conserve, avec ce texte, une défense à un niveau crédible et acceptable. On dit parfois : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console ». Effectivement, au sein de l’Union européenne, peu de pays ont une capacité militaire similaire à la nôtre et peuvent s’engager en opérations comme nous le faisons. Cet état de fait montre l’importance de la mutualisation de nos forces dans certains domaines.

Dans un contexte aussi difficile que celui que nous connaissons, qui pourrait dire : « Je ferais mieux », sauf à faire à des choix toujours difficiles à opérer ?

Nous sommes au côté de nos soldats, engagés sous les couleurs de la France, non seulement pour sauver des vies, mais aussi pour défendre notre influence et notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est une force pour notre pays de disposer de cet atout et de le préserver.

Dans le contexte actuel d’interventions extérieures, il me paraît nécessaire de savoir nous rassembler. Ainsi, comme en première lecture, la majorité du groupe UDI-UC émettra un vote positif. Celui-ci n’en demeure pas moins un vote d’exigence quant à l’exécution de cette loi, qui fera l’objet d’un suivi. D’autres collègues s’abstiendront ou voteront contre.

Si le déclassement stratégique, évoqué par certains, n’est pas la réalité d’aujourd’hui, il nous appartient de tout faire pour qu’il ne soit pas celle de demain. C’est l’espoir que nous voulons traduire par cet engagement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, douze autres orateurs doivent encore s’exprimer dans la discussion générale. Je vous demande de bien vouloir respecter scrupuleusement, lors de vos interventions, le temps de parole qui vous a été imparti. J’y serai particulièrement attentive.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen en seconde lecture de la loi de programmation militaire 2014-2019 prend bien sûr un relief tout particulier avec le sommet franco-africain pour la paix et la sécurité en Afrique qui a eu lieu en cette fin de semaine, et la résolution de l’ONU, sur notre intervention militaire en République centrafricaine

Ces deux événements illustrent concrètement notre discussion de cet après-midi, puisque nous examinons les moyens, les grandes orientations et les enjeux qui sont ceux de notre défense pour les six années à venir.

Lors de l’examen en première lecture, notre groupe vous avait clairement fait part, monsieur le ministre, de notre opposition à certaines de vos conceptions stratégiques. Celles-ci ne correspondent pas à notre conception d’une défense nationale progressiste qui permette à la fois de défendre les intérêts de notre pays et de son peuple, de promouvoir nos valeurs et de mettre en œuvre une politique étrangère d’influence favorisant l’émergence d’un monde plus juste et plus solidaire et faisant progresser la paix et le désarmement.

Nous avions également relevé qu’il n’y avait pas de différence assez nettement affirmée avec la politique menée par le précédent Président de la République, voire qu’il y avait une certaine continuité.

Nous avions ainsi pris les exemples de la pleine réintégration dans le commandement militaire de l’OTAN ou de l’ouverture d’une nouvelle base à Abou Dhabi comme étant ceux de réorientations stratégiques majeures, qui traduisaient un alignement sur des positions atlantistes, sans débat national approfondi autre que parlementaire. C’est sans évoquer notre désaccord fondamental avec la conception de la dissuasion nucléaire qui est celle du Président de la République et avec la part budgétaire trop importante qui lui est accordée, au détriment de nos forces conventionnelles.

Ainsi, le texte de la loi de programmation militaire qui nous revient après son examen par l’Assemblée nationale n’est pas de nature à nous faire changer d’appréciation sur ces aspects de notre politique de défense.

Cela dit, un raisonnement mécanique, voire simpliste, aurait pu nous amener à penser que la loi de programmation militaire étant, comme son nom l’évoque en partie, la traduction financière et budgétaire des grandes orientations de la politique de défense proposées par le Gouvernement, nous devrions la rejeter en bloc parce que nous en repoussons certains aspects. Notre démarche et la réalité des choses sont plus complexes.

Nous sommes fermement attachés à un certain nombre de principes, en particulier au fait que nos forces armées sont celles de notre République. Nous estimons que notre outil de défense doit pouvoir disposer des moyens garantissant son efficacité et sa crédibilité pour assurer les missions qui lui sont confiées au nom de notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous avons reconnu, monsieur le ministre, que dans un budget contraint, en préservant un plancher minimum de ressources, vous aviez tenu le pari de résoudre une difficile équation, celle de maintenir, malgré tout, notre niveau stratégique et notre statut international, en conservant la crédibilité de la dissuasion nucléaire – bien que nous ne partagions pas votre conception –, en continuant d’assurer la protection du territoire et en réduisant quelque peu nos capacités d’intervention hors du territoire national ; tout cela afin de garantir notre autonomie stratégique et notre autonomie financière, qui sont des éléments fondamentaux de la souveraineté nationale.

En matière budgétaire, nos collègues à l’Assemblée nationale n’ont pas réellement modifié l’équilibre général de la loi. Ils ont maintenu l’intégralité des garanties qui avaient été introduites ici, en particulier les clauses de sauvegarde, celles de « revoyure » et de « retour à meilleure fortune », ou bien encore les dispositions relatives au contrôle parlementaire de l’exécution. Ces éléments ont fait l’objet d’une très forte mobilisation de la part de notre commission et de son président.

En outre, je note avec satisfaction la majoration de 500 millions d’euros des ressources exceptionnelles afin de garantir le financement des premiers programmes d’équipement inscrits dans la loi.

De la même façon, à la suite de l’amputation de 650 millions d’euros de crédits d’équipement dans le projet de budget rectificatif pour 2013, vous avez pris l’engagement, en le faisant inscrire dans la loi, que toutes les opérations d’investissement prévues seraient réalisées. Dont acte.

Enfin, pour ce qui concerne le surcoût des opérations extérieures qui, comme on l’a vu avec cette nouvelle intervention en République centrafricaine, pèse lourdement sur nos finances publiques au détriment d’autres priorités, vous avez heureusement obtenu qu’il soit financé par la solidarité interministérielle à hauteur de 578 millions d’euros.

Je note aussi votre volonté de demander, lors du prochain Conseil européen de défense, l’extension du mécanisme européen Athéna, qui permet le financement en commun d’une partie des dépenses relatives à des opérations militaires menées dans le cadre de l’Union européenne. Il faut toutefois prendre cette louable intention pour ce qu’elle est, car actuellement l’Union européenne est très loin d’avoir une politique commune de défense.

Enfin, le système d’indemnisation des victimes des essais nucléaires a aussi progressé, et vous y avez ajouté quelques dispositions. Toutefois, il en faudra d’autres pour que ce dispositif reconnaisse pleinement un droit à l’indemnisation de ces victimes qui, aujourd’hui, restent trop peu nombreuses à être reconnues en tant que telles. Il s’agit d’une première avancée, mais nous devons continuer de travailler.

Néanmoins, malgré tous les garde-fous budgétaires, j’ai encore, comme en première lecture, des doutes sur la cohérence capacitaire et la compatibilité entre les moyens alloués dans votre projet de loi et les ambitions stratégiques élevées qui sont affichées dans le Livre blanc.

Comment tout cela pourra-t-il réellement fonctionner avec un budget dont la stabilité repose en grande partie sur des choix dont je ne partage pas le bien-fondé ? Je pense en particulier à la poursuite de la diminution drastique des effectifs. Ces suppressions d’emplois, qui ne devraient principalement toucher que le soutien et l’administratif, ne peuvent être sans conséquence néfaste sur la cohérence et les capacités de notre outil de défense conventionnel, qui risque d’être affaibli.

En outre, la disparition d’unités, de bases ou d’établissements a malheureusement toujours de graves répercussions sur la situation de nos territoires et de leurs populations.

Enfin, nous contestons toujours fortement la possibilité de cessions de participations de l’État dans nos industries pour compenser un manque de ressources. Vous connaissez notre position sur ce sujet. C’est une politique de Gribouille qui constitue, à nos yeux, de nouveaux abandons de la maîtrise publique dans des secteurs déterminants pour l’indépendance et la souveraineté nationale.

À ce propos, la façon dont le groupe EADS restructure ses activités de défense en sacrifiant ses salariés en vue de préserver la rentabilité financière du groupe illustre les dangers d’une telle démarche. En effet, si ce groupe se permet aujourd’hui de telles pratiques, c’est bien parce que l’État actionnaire s’est de lui-même considérablement affaibli dans la gouvernance de l’entreprise. Nous ne pouvons plus exercer aucune influence sur la stratégie industrielle, et il ne reste plus aujourd’hui au Gouvernement qu’à rappeler M. Enders à ses obligations d’accompagnement social.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai exposé les raisons pour lesquelles le groupe communiste républicain et citoyen contestait certains choix effectués dans ce projet de loi de programmation militaire.

Toutefois, nous sommes conscients que ce texte traduit un équilibre fragile. En outre, il tente, dans une période complexe et pleine d’incertitudes, de sauvegarder une défense nationale qui soit, autant que faire se peut, stratégiquement autonome. En cherchant à sauvegarder cet outil, il s’agit de l’indépendance et de la souveraineté de notre pays. Nous y sommes, comme vous, monsieur le ministre, profondément attachés.

Enfin, les propos que vous avez tenus à l’instant, tout en réaffirmant vos convictions et celles du Gouvernement, réitèrent votre appui à l’ouverture d’un débat sur la dissuasion nucléaire, dans le cadre de la commission de la défense de l’Assemblée nationale.

Ainsi, malgré nos divergences et nos critiques de fond sur certaines orientations stratégiques, notre groupe maintiendra son abstention sur la loi de programmation militaire pour les années 2014-2019. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, l’adoption, en deuxième lecture, par le Sénat du projet de loi de programmation militaire dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, et utilement précisé à cette occasion, marquera la fin positive d’un long marathon que vous avez su mener à bien à partir de l’arbitrage initial du Président de la République, assurant à nos armées une ressource totale de crédits de 190 milliards d’euros sur six ans. Mon concours ainsi que celui des sénateurs du RDSE, au nom desquels je m’exprime, ne vous manqueront pas plus à l’issue de la deuxième lecture qu’à l’issue de la première.

M’étant déjà exprimé lors de cette première lecture, je ne reviendrai pas sur le contenu du projet de loi, que j’approuve. Comme l’a rappelé le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Jean-Louis Carrère, dont je tiens à saluer le travail considérable et l’implication constante, l’Assemblée nationale a approuvé la plupart des avancées introduites par le Sénat, notamment les clauses de sauvegarde permettant le respect de la trajectoire financière dessinée par le projet de loi.

Sur l’initiative du Gouvernement, une majoration potentielle des recettes exceptionnelles, à hauteur de 500 millions d’euros, a été introduite pour compenser les annulations de crédits de la fin de la gestion 2013 que vous avez dû accepter. En effet, le ministère de la défense a dû contribuer à hauteur de 486 millions d’euros à l’effort de réduction des déficits publics demandé à tous les ministères pour que l’État puisse tenir les engagements européens qu’il a pris en la matière. C’est à ce prix que la Commission européenne a accordé son satisfecit au budget de 2014.

Par ailleurs, votre ministère devra prendre en charge un dépassement de la masse salariale de 232 millions d’euros, résultant, pour les trois quarts, des dysfonctionnements du système Louvois ; je ne vous demanderai pas quelle proportion du trop-versé vous espérez récupérer…

Vous avez obtenu le dégel de la plus grande partie des crédits liés à la réserve de précaution et la couverture par des crédits interministériels de l’intégralité du surcoût des opérations extérieures, soit 1,26 milliard d’euros, dont 630 millions seulement avaient été budgétés.

Je mesure tout ce qu’il vous a fallu de ténacité pour parvenir à ces résultats. Il n’en reste pas moins que vous héritez d’une « bosse » – si je puis employer ce terme qui ne vous convient pas du tout ! (Sourires.) – de près de 3 milliards d’euros. Cette bosse, qui n’est pas la vôtre puisqu’elle résulte de la gestion précédente, n’en fait pas moins peser un lourd handicap de départ sur le respect de la trajectoire financière de la programmation, forcément exposée à de multiples aléas. Le surcoût réel des opérations extérieures dépassera inévitablement les 450 millions d’euros prévus par le projet de loi de finances pour 2014, avec la prolongation de l’opération Serval, qui mobilise encore 2 000 hommes au Mali, et le lancement de l’opération Sangaris, qui mobilise 1 600 hommes en Centrafrique.

À mon tour, je m’incline devant nos deux soldats tombés cette nuit, et je m’associe à la douleur de leurs familles.

Toujours au titre des charges non prévues à ce jour, j’ajoute qu’il faudra financer la formation de 20 000 soldats africains chaque année ; le Président de la République s’y est engagé le 6 décembre, lors du sommet franco-africain de Paris.

Le Président de la République a annoncé que l’opération Sangaris serait courte. Cependant, nous le savons tous par expérience, il est plus facile de prendre un billet aller qu’un billet de retour ! Au Mali, le deuxième tour des élections législatives a lieu dimanche prochain, le 15 décembre. Le Mali est un pays indépendant, comme son président nous l’a rappelé très récemment. Il lui incombe donc de résoudre par lui-même le problème structurel qui est le sien depuis son indépendance, en 1960, et de le faire autant que possible par le dialogue, conformément aux accords de Ouagadougou.

M. Jean-Pierre Chevènement. Pour ce qui concerne l’opération Serval, il paraîtrait raisonnable d’atteindre rapidement l’objectif de 1 000 hommes, initialement prévu pour la fin de l’année.

Les autorités maliennes savent que, pour réduire les groupes terroristes qui subsistent dans le nord du pays, il faut les couper de la population, dont le soutien conditionne le retour à une paix durable. La formation de troupes africaines de maintien de l’ordre est donc un objectif essentiel et urgent, comme l’a justement rappelé le Président de la République. On n’imagine pas que la communauté internationale, c'est-à-dire plus précisément l’ONU et l’Union européenne, puisse se décharger de cette mission sur la France.

Pour en revenir aux inévitables tensions qui pèsent d'ores et déjà sur l’exécution de votre budget de 2014, il est nécessaire, monsieur le ministre, que vous obteniez de vos collègues des finances et du budget l’inscription, dans le prochain projet de loi de finances rectificative, des 500 millions d’euros de ressources exceptionnelles, afin de sécuriser la programmation des opérations d’armement jusqu’à l’application de la clause de revoyure, prévue pour 2015. Cette activation rapide est d’autant plus nécessaire que la réalisation des recettes exceptionnelles inscrites dans le projet de loi de programmation militaire peut prendre du temps, comme l’avait fait observer la Cour des comptes dans un rapport de juillet 2012.

J’ajoute que les ressources exceptionnelles pour les années 2014, 2015 et 2016 atteignent 4,8 milliards d’euros, soit 5,4 % des crédits consacrés à la défense. Des décisions rapides peuvent être prises concernant, par exemple, l’ouverture du capital d’entreprises publiques qui ne relèvent pas forcément du secteur de l’armement mais dans lesquelles la participation de l’État est très fortement majoritaire ; de telles opérations se feraient donc sans préjudice pour l’indépendance nationale.

La contradiction entre nos engagements européens et le souci, que vous avez réitéré, de voir la France conserver en Europe une posture militaire de premier rang, implique en bonne logique que les dépenses consacrées à la défense soient déduites du déficit autorisé par les traités européens, comme l’ont suggéré François Rebsamen et Jean-Louis Carrère au cours du débat précédent. Il me semble que cette demande devrait être effectuée officiellement par le Président de la République et par le Gouvernement lors du prochain Conseil européen. Certes, cela prendra un peu de temps, car, nous le savons, l’Europe n’est pas pressée…

Seuls des États comme la France ou la Grande-Bretagne ont la vélocité nécessaire pour intervenir militairement de manière efficace. L’Europe a déjà démontré son impotence en matière stratégique. Ce sont, par conséquent, les États qui ont la capacité de réagir vite quand il le faut, dans le cadre des résolutions de l’ONU, bien entendu.

J’aimerais enfin, monsieur le ministre, que vous puissiez nous confirmer les propos du délégué général pour l’armement concernant les perspectives de vente à l’exportation du Rafale. J’aimerais également que vous nous précisiez où en est la coopération avec la Grande-Bretagne et d’autres partenaires européens s’agissant de l’édification d’une industrie européenne des drones. Il serait paradoxal que le déclassement stratégique de la France apparaisse comme la résultante du choix européen fait il y a plus de deux décennies et maintenu depuis lors par les plus hautes autorités de l’État. Il serait peut-être temps de revoir non pas l’objectif, mais les termes du contrat.

Sous cette modeste réserve, qui m’est personnelle, j’approuve, comme la totalité des sénateurs du RDSE, le projet de loi de programmation militaire assorti des modifications introduites par l’Assemblée nationale, qui ne changent pas la structure du texte sur lequel nous nous étions déjà prononcés le 21 octobre. Ce contrat nous engage tous, car c’est de la survie de la France comme grande nation politique qu’il s’agit. Monsieur le ministre, vous vous êtes battu pour tenir cet engagement, mais nous avons encore à nous battre tous ensemble pour qu’il soit, jusqu’au bout, intégralement tenu. (Applaudissements les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l'UMP. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le douzième projet de loi de programmation militaire, que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, fixe les priorités opérationnelles et les choix majeurs en matière d’équipements et d’effectifs, et donc les dépenses militaires, pour les années 2014 à 2019.

Trois points ont retenu notre attention.

Tout d'abord, la défense est le troisième poste de dépenses de l’État, après l’éducation et la dette : elle reçoit chaque année 31,4 milliards d’euros.

Ensuite, ce projet de loi contient des initiatives qu’il convient de saluer, car elles permettront d’améliorer le fonctionnement de l’armée française et le quotidien de nos soldats, auxquels nous rendons hommage. D’autres portent sur les projets d’équipements ou traduisent la priorité accordée à l’entraînement et, dans une certaine mesure, au renseignement. Nous saluons également l’annonce de l’abandon du logiciel fou Louvois, censé assurer le paiement des soldes.

Ce projet de loi manque cependant l’occasion d’adapter notre outil de défense à nos priorités stratégiques. En effet, ce texte confirme le maintien d’une force de dissuasion nucléaire qui représente à elle seule 23,3 milliards d’euros de crédits sur la période 2014-2019. Or, comme nous l’avons déjà signalé en première lecture, cette décision n’a fait l’objet d’aucun débat en séance publique. Nous n’avons pas, non plus, été associés aux travaux, sûrement riches et de grande qualité, de la commission ad hoc chargée d’élaborer le Livre blanc.

Nous nous étonnons que notre stratégie nucléaire ne soit pas débattue dans cet hémicycle, à défaut d’être davantage remise en question alors que de plus en plus de hauts responsables politiques et militaires s’interrogent ouvertement sur la pertinence d’une force atomique aussi coûteuse que désuète. L’environnement international et géopolitique a totalement changé à partir de 1989, mais nous continuons à nous cramponner à un dispositif ancien, qui ne correspond pas au monde d’aujourd'hui.

Dans un contexte économique très contraint, nous considérons qu’il est urgent de mener une réflexion sur le bien-fondé du maintien en l’état de notre force nucléaire. Pour notre part, nous réclamons un ajustement de notre force de dissuasion ; certains d’entre nous souhaitent même sa remise en cause totale.

Paul Quilès, un homme politique particulièrement responsable, l’ancien Premier ministre Michel Rocard, lui aussi très respecté dans cet hémicycle, ou encore le précédent ministre de la défense, Hervé Morin, posent ouvertement la question : pourquoi ne pas garder la composante sous-marine et supprimer la composante aérienne à échéance de dix ans, ce qui nous permettrait d’économiser environ 1,5 milliard d’euros ? On pourrait utiliser cette somme à la fois pour le désendettement et pour renforcer nos unités d’intervention envoyées sur le terrain dans le cadre de nos engagements internationaux.

N’oublions pas non plus les engagements pris par la France en matière de désarmement, notamment dans le cadre du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP : en le signant, notre pays s’est engagé à « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire ».

Quelles sont nos priorités stratégiques ? Est-il vraiment nécessaire de maintenir en mer quatre sous-marins lanceurs d’engins et de conserver en parallèle une coûteuse composante aéroportée ? Nous ne le pensons pas. Il y a là, pour notre budget de défense, une source de déséquilibre entre les crédits alloués à la dissuasion et les moyens donnés à nos forces conventionnelles, et cela mérite au moins examen. Nous sommes aujourd’hui à un an et demi de la conférence de révision du TNP : la France devra bien alors préciser sa politique de désarmement. Le temps presse !

Ce projet de loi de programmation militaire aurait pu être l’occasion de débattre collectivement des priorités à fixer à notre outil de défense.

Je souhaite à présent insister sur le dossier de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Si le dispositif d’indemnisation a fortement évolué lors de l’examen du projet de loi au Sénat et à l’Assemblée nationale – nous saluons d’ailleurs votre écoute, monsieur le ministre, ainsi que celle de votre cabinet sur ce dossier –; nous jugeons que les avancées demeurent insuffisantes.

En effet, les demandes des victimes, qui vivent souvent des situations difficiles, sont analysées à la seule lumière d’un modèle statistique qui conclut presque toujours à un risque négligeable. Le logiciel utilisé, qui n’a pas été conçu pour cela à l’origine, fait finalement ce pour quoi il a été choisi ; il y a là comme un syllogisme ! Vous le savez, monsieur le ministre, seuls douze dossiers de demande d’indemnisation ont connu un sort favorable, alors que le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le CIVEN, en a reçu près de 840 ! Dix-sept ans après le dernier essai nucléaire, et près de trois ans après la promulgation de la loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite « loi Morin », la France n’arrive toujours pas à indemniser ceux qu’elle a exposés.

Pourquoi ne pas permettre un réel examen des dossiers au cas par cas ?

Du reste, si le système de présomption de causalité avec limite était supprimé, il ne faudrait pas s’attendre pour autant à une multiplication démesurée des nouvelles demandes d’indemnisation de la part des personnels civils et militaires : tout simplement parce que beaucoup d’entre eux sont, hélas, déjà morts ! Quant aux survivants, il leur est très difficile de démontrer le lien entre leurs maladies et leur participation à des essais dont on leur avait affirmé jadis qu’ils étaient « sans danger » ou « propres ». Or, nous le savons désormais, ces termes sont tout aussi « impropres » que l’étaient les essais !

Il convient en outre de rappeler que les crédits de paiement de 10 millions d’euros pour l’indemnisation des victimes des essais nucléaires ont été maintenus dans la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » du projet de loi de finances pour 2014. Dès lors, l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution qui a frappé notre proposition nous laisse interrogatifs. Au demeurant, à quoi bon inscrire une telle somme si le nombre d’indemnisés reste toujours aussi faible ?

Enfin, s’agissant de l’article 13, qui, dans un premier temps, nous avait seulement rendus perplexes, nous pensons aujourd’hui, vu la polémique qu’il suscite, qu’il n’offre peut-être pas toutes les garanties dans une démocratie telle que nous la concevons et la souhaitons.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Pourtant, je vous ai expliqué ce qu’il en était !

Mme Corinne Bouchoux. Finalement, monsieur le ministre, même si nous avons pu, lors du précédent débat sur l’intervention en République centrafricaine, vous faire part de notre soutien global, sachez que, à une exception près, les sénateurs et sénatrices écologistes ne pourront pas voter ce texte pour les raisons que je viens d’évoquer.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Larcher.

M. Gérard Larcher. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons d’avoir un débat sur la situation en République centrafricaine et l’intervention de nos soldats dans ce pays. C’est la démonstration, s’il en était besoin, que notre défense nationale est bien le bras armé de notre diplomatie. C’est l’ultime preuve, s’il en fallait une, que notre armée est la première garantie de notre crédibilité et, à ce titre, le gage de notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

Hasard du calendrier, la résolution 2127 a été votée la veille du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique.

En 1994, sur l’initiative du président Mitterrand, se tenait à Biarritz un sommet franco-africain où il était déjà question de forces d’intervention rapide en Afrique.

Qu’en est-il aujourd’hui, près de vingt ans plus tard et quelques heures avant le vote d’une loi de programmation militaire qui nous apparaît d’ailleurs sous-dotée au regard de nos ambitions concrètes sur la scène diplomatique ?

Comme l’ont fait les orateurs précédents, je veux ici saluer le courage et le comportement exemplaires de nos soldats sur différents théâtres d’opérations. Bien sûr, nous partageons tous l’hommage que le président du Sénat a rendu aux deux militaires tombés pour la paix à Bangui.

En tout cas, alors que nous allons avoir à nous prononcer sur ce projet de loi de programmation militaire, la réalité géopolitique nous rattrape et c’est elle qui doit nous guider dans notre vote. La France, par ses valeurs et par son attachement à la paix dans le monde, ne veut et ne peut déroger à ses obligations morales et humanitaires. Or, pour assumer notre rôle sur la scène internationale, il faut que nous ayons les moyens financiers, humains et industriels correspondants. C’est bien à cette équation aux inconnues multiples que doit répondre une loi de programmation militaire.

Certes, vendredi, le Président de la République a déclaré que l’Afrique devait assurer elle-même sa sécurité, mais force est de constater que les premiers, encore et toujours, à être sur place pour protéger les populations civiles, ce sont les soldats français, aux côtés de ceux de l’Union africaine.

Quels qu’aient été les discours prononcés vendredi dernier à l’Élysée – j’y étais – par les présidents Barroso et Van Rompuy, on ne peut que constater l’absence, sur le terrain, de nos alliés européens, qui laissent la France seule en Centrafrique, à quelques jours d’un Conseil européen consacré à la défense.

Une fois de plus, comme lors de l’opération Serval, nos alliés n’engagent pas leurs forces sur cette terre africaine qui ne leur est pourtant pas étrangère, comme le rappelait Jacques Legendre, puisque beaucoup de ces pays ont avec elle des liens historiques et culturels, des liens qui remontent bien plus loin que le passé récent ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe UMP.) Pourtant, nul parmi eux ne remet en cause la légitimité de cette opération pour prévenir crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Je ne reviendrai ni sur la quantité ni sur la qualité des travaux réalisés au sein de notre commission depuis plus d’un an ; elles sont incontestables, et je voudrais à cet égard remercier le président et nos collègues de toute sensibilité, nombreux à être présents cet après-midi, qui se sont engagés sur le dossier. J’observe cependant, pour le regretter, que cette nouvelle loi de programmation militaire ne bénéficiera qu’assez peu de ces travaux, en dépit de nos efforts de concertation qui ont permis au projet de loi amendé d’arriver à l’Assemblée nationale.

Il me semble que ce projet de loi de programmation militaire est de fait, avant même son adoption, déjà dépassé au regard des objectifs visés.

Monsieur le ministre, je sais que, ces derniers jours, vous parcourez les garnisons et les quartiers militaires, vous préoccupant de la vie quotidienne de nos militaires, ce qui est indispensable et urgent eu égard à l’ambiance actuelle ; le compte rendu du Conseil supérieur de la fonction militaire du mois de juin dernier en témoigne.

Pourtant, dans le même temps, le Gouvernement décide de priver le ministère de la défense de plus de 820 millions d’euros sur la fin de gestion de son budget pour 2013, prétendument sanctuarisé. Cette ponction s’impute en quasi-totalité sur les crédits d’équipement, représentant 10 % de ces derniers hors dissuasion, celle-ci étant heureusement sanctuarisée.

Vous nous avez déclaré pouvoir obtenir, si besoin était, des ressources exceptionnelles en 2014 pour compenser ce prélèvement. Mais d’où viendront-elles et comment pourront-elles être utilisées puisque les contraintes d’emploi de telles ressources sont écrasantes ?

Cette loi de programmation militaire n’est-elle donc pas déjà caduque, victime des différents projets de loi de finances initiale et rectificative qui se succèdent ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Non !

M. Gérard Larcher. L’année 2014 débutera avec un report de charges financières de 4 milliards d’euros pour le budget de la défense : situation sans précédent ! Ce montant représente un semestre de crédits d’équipement, hors dissuasion. Comment peut-on alors parler ici d’une loi de programmation militaire qui sera exécutée jusqu’au dernier euro voté ?

Face à l’instabilité croissante de plusieurs régions du monde, nous déployons de plus en plus de soldats et sur plusieurs théâtres d’opération simultanément. Ce constat devrait nous conduire, à tout le moins, à une stabilisation de nos effectifs. Certes, nous n’ignorons pas la diminution consécutive à la précédente loi de programmation militaire, mais la question mérite d’être posée, d’autant que la défense assure actuellement à elle seule 60 % des baisses d’effectifs de la fonction publique. Est-ce cohérent et juste – pour reprendre les termes du Président de la République le 30 janvier dernier – pour nos soldats, dont le professionnalisme et l’engagement font la fierté de notre pays ?

De plus, nous le savons tous – le rapport de la Cour des comptes sur les crédits du budget de l’État ouverts par décrets d’avance est très éclairant à cet égard –, les dépenses d’équipement jouent, comme chaque année, le rôle de variable d’ajustement au profit de la masse salariale et des OPEX, alors qu’elles étaient nécessaires pour respecter le calendrier de la loi de programmation militaire.

Certes, d’autres ont commis ce péché avant vous,…

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Nous essayons de corriger cela !

M. Gérard Larcher. … mais le cumul de ces pratiques a abouti à une régression considérable de nos capacités opérationnelles en raison d’un maintien en condition opérationnelle insuffisamment financé.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Je ne suis pas d’accord !

M. Gérard Larcher. Monsieur le ministre, nonobstant votre gymnastique budgétaire, avec des reports et des annulations de crédits, nous reconnaissons l’action et le rôle qui ont été les vôtres : je vous en donne même acte avec une certaine admiration, car je sais ce que c’est de se battre pour des crédits.

Néanmoins, je voudrais redire ici que l’attachement à nos armées, que nous partageons, ne rime pas nécessairement avec consensus politique obligatoire. Sur l’engagement de nos forces à l’étranger, il peut y avoir adhésion, comme c’est le cas aujourd’hui, puisque nous sommes totalement aux côtés de nos soldats. Sur les moyens que nous devons y consacrer pour les temps futurs, un tel consensus peut venir à manquer. C’est d’ailleurs pour ces raisons que, non sans regret, les membres du groupe UMP voteront, à quelques abstentions près, contre ce projet de loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons ici un cycle commencé avec les premières réunions de la commission chargée d’élaborer le Livre blanc : travail de longue haleine que nous espérons voir se terminer ce soir par le vote de cette nouvelle loi de programmation militaire.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je l’espère aussi ! (Sourires.)

M. Daniel Reiner. Les débats ont été longs, mais intenses et constructifs, en tout cas utiles.

Il en fut ainsi non seulement au moment de l’élaboration du nouveau Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, mais également pendant cette séquence parlementaire durant laquelle notre modèle de défense a été « interrogé », y compris sur les points les plus sensibles comme la dissuasion nucléaire.

Le Livre blanc a permis d’établir un état des lieux et de dresser un bilan sans concession des faiblesses et des forces de notre modèle de défense. Nous avons actualisé notre analyse stratégique en dégageant de nouvelles priorités. Ce travail nous a conduits à cet exercice de nature législative qu’est l’élaboration d’une loi de programmation militaire.

Plus encore que les débats autour du Livre blanc, le travail parlementaire a suscité de multiples questions. De ce point de vue, ce fut un exercice véritablement démocratique et enrichissant : les deux chambres ont apporté leur touche dans cet exercice et, aujourd’hui, un équilibre a été trouvé sur les points en discussion.

Le Sénat, grâce aux travaux préparatoires conduits par notre commission sous la houlette du président Jean-Louis Carrère, s’était préparé à cette démarche et a pu ainsi apporter sa contribution à ce nouvel acte de la stratégie de défense nationale.

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont approfondi et précisé nombre d’éléments de ce projet. Je tiens à souligner que ces apports opportuns l’ont complété utilement. Il faut saluer le travail de concertation entre les deux chambres – c’est assez rare pour être signalé – pour s’approprier et enrichir ce texte de loi.

Comme le Sénat, l’Assemblée nationale a eu à cœur de sécuriser les ressources financières. C’est ainsi qu’elle a approuvé l’amendement du Gouvernement qui majore de 500 millions d’euros les recettes exceptionnelles, afin de compenser les annulations de crédits du dernier collectif de 2013.

J’ai pourtant noté quelques divergences mineures. Par exemple, sur les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, nous voulions que les parlementaires en faisant partie puissent prendre connaissance du plan national d’orientation du renseignement. Ce n’est plus le cas dans la nouvelle version du texte, mais je note aussi qu’il correspond ainsi mieux aux souhaits de certains sénateurs.

Par ailleurs, s’agissant de la géolocalisation, les délais ont été ramenés à 30 jours, ce qui correspond à une position intermédiaire entre celle du Gouvernement et celle du Sénat.

Nous regrettons enfin que force de loi n’ait pas été donnée au suivi médical et psychologique des militaires revenant d’opérations. Il s’agit d’un sujet sensible, qui demeurera, hélas, d’actualité.

En revanche, l’Assemblée nationale a complété utilement le texte sur plusieurs points, notamment pour faire en sorte que les militaires engagés en OPEX bénéficient de la carte du combattant de façon effective et pour préciser le temps de travail des marins mineurs, l’objectif étant de trouver un équilibre satisfaisant entre les sujétions liées aux obligations militaires et la protection des mineurs. Elle a également souhaité conforter les droits des requérants devant le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, puisque celui-ci devra désormais motiver ses réponses.

Dans le rapport annexé à l’article 2, le Sénat avait, par ses amendements, souligné qu’il importait de rechercher des solutions concrètes de mutualisation et de partage d’acquisition et d’utilisation d’équipements militaires à l’échelle européenne, ainsi que de préciser les effectifs en matière de cyberdéfense et de services de renseignements. Toutes ces dispositions ont été maintenues.

L’Assemblée nationale a souhaité, quant à elle, rénover le dialogue social en incluant un volet sur la concertation des militaires. Ce dernier point devrait permettre d’améliorer encore une expression sociale particulièrement nécessaire au moment où se préparent de nouvelles déflations d’effectifs et un remaniement de la carte des implantations militaires.

Je n’ose parler ici du trop fameux logiciel Louvois : il y aurait trop à dire…

La loi de programmation militaire est un édifice qui repose sur des bases que nous savons fragiles, et même parfois sur des paris. Le projet de loi de finances rectificative qui a abouti à l’annulation de 500 millions d’euros de crédits vient de le prouver. Un devoir de vigilance repose donc sur les parlementaires. À cet effet, nous sommes donnés dans ce texte des moyens supplémentaires de contrôle. Nous les utiliserons.

Cette vigilance portera sur la mise en œuvre des fondamentaux de la défense nationale.

Tout d’abord, notre dissuasion et nos capacités de projection doivent être « sanctuarisées », de manière que la France puisse honorer ses responsabilités vis-à-vis de nos concitoyens et nos alliés.

Ensuite, la définition du modèle d’armée 2025 doit être conforme à la fois à nos ambitions de défense et à nos moyens financiers, ce qui demande un effort supplémentaire de rationalisation et, donc, de nouveaux sacrifices : 23 000 suppressions de postes, en plus des 54 000 résultant de la précédente loi de programmation. Le but est justement de sauvegarder l’essentiel, c’est-à-dire la dissuasion et la capacité d’agir, en permettant à nos militaires d’accomplir les missions tant permanentes qu’occasionnelles.

Méritera également notre attention particulière la révision réaliste de nos contrats opérationnels, qui répondent aux menaces prévisibles à l’échelle de la durée de la loi, en particulier le maintien de notre capacité de projection dans le cadre des opérations de coercition à hauteur de 15 000 hommes et d’intervention sur plusieurs théâtres. Nous l’éprouvons aujourd'hui encore avec la double intervention de la France en République centrafricaine et au Mali.

Permettez-moi, à mon tour, de saluer la mémoire de nos deux combattants tombés au champ d’honneur. Je le fais avec d’autant plus d’émotion que Jacques Gautier et moi avons récemment été merveilleusement accueillis par le 8e RPIMA de Castres.

Bien entendu, notre capacité à être leader d’une coalition et à entrer en premier sur des théâtres d’opérations doit être maintenue.

Je mentionnerai enfin le nécessaire maintien d’une base industrielle de défense de qualité, et ce en dépit de l’étalement de nos grands programmes.

Monsieur le ministre, vous avez su dégager des priorités, qui apparaissent concrètement dans la programmation.

Première priorité : la cyberdéfense, dont il n’est nul besoin d’illustrer ici la nécessité.

Deuxième priorité : la connaissance et l’anticipation. On me permettra – un peu de littérature ne nuit pas ! (Sourires.) – de citer ici Vladimir Nabokov : « science et connaissance, art et anticipation – les deux couples qui se cachent bien des choses, mais quand ils se comprennent rien au monde ne les surpasse ». La France va donc continuer à renforcer ses services de renseignement tant en hommes qu’en matériel, et je pense là, en particulier, aux drones.

Troisième priorité : la recherche et la technologie, dont je n’ai pas entendu parler aujourd'hui. Le montant des programmes d’études amont, affiché en hausse, témoigne de la volonté de garder un temps d’avance sur les technologies clés.

Quatrième priorité : l’entraînement au bon niveau des personnels.

Cinquième priorité : l’entretien programmé et le maintien en condition opérationnelle des matériels, qui bénéficieront de crédits accrus, de sorte que les budgets consacrés aux équipements seront finalement en sensible augmentation par rapport à la loi de programmation précédente.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Voilà !

M. Daniel Reiner. La question d’un soutien de qualité est essentielle. Partagé intelligemment entre services d’État et industries, il doit être à la fois source d’efficacité et d’économie.

De même, il faudra rechercher, là aussi, la mutualisation avec d’autres pays d’Europe. J’ai présent à l’esprit un cas d’école, et qui est d’actualité : le soutien à l’A 400M. Nous avons étudié cette question dans un rapport du Sénat réalisé avec mes collègues Bertrand Auban et Jacques Gautier. Cet avion vient d’entrer en service chez nous, il entrera en service en septembre prochain en Grande-Bretagne. On ne saurait imaginer que nous ne parvenions pas à nous mettre d’accord sur un soutien partagé avec nos amis anglais. Ce serait le gage, pour l’avenir, d’un soutien plus large encore avec les autres futurs utilisateurs européens. À l’inverse, un échec sur ce terrain serait un défi au bon sens.

En résumé, monsieur le ministre, ce texte nous donne les moyens de poursuivre nos efforts dans l’ensemble des domaines qui nous permettront de rester dans le peloton de tête des puissances militaires, celles qui comptent aujourd’hui dans le monde et sont partout reconnues.

Pourtant, nous le savons, nous sommes en présence d’un édifice fragile, qu’il s’agit de préserver. Pour ce faire, nous avons souhaité, Sénat et Assemblée nationale, instaurer une clause de revoyure à la fin 2015 et un contrôle quasi permanent, car nous jugeons important que la représentation nationale soit étroitement associée à la mise en œuvre de la programmation militaire.

Monsieur le ministre, avec ce texte, vous avez souhaité faire œuvre de vérité et de réalisme. Vous avez inscrit votre réflexion et votre action dans une perspective financière qui contribue, pour sa part, au redressement des comptes publics parce qu’il y va de la souveraineté de notre pays.

Vous avez bénéficié de l’engagement et de la décision du Président de la République, chef des armées, de sanctuariser les crédits que la France consent pour assurer sa protection et permettre à notre pays de tenir son rang dans le concert des nations.

Vous pouvez compter sur nous : nous serons à vos côtés pour veiller à la mise en œuvre de cette loi et peut-être, pour une fois, faire en sorte que les engagements soient respectés.

Naturellement, vous l’avez compris, le groupe socialiste apportera son soutien à ce projet de loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.

M. Jeanny Lorgeoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de m’adresser d’abord à notre collègue du groupe CRC qui est intervenue précédemment dans cette discussion : je ne sais pas, chère Michelle Demessine, ce qu’est une défense nationale progressiste ; je ne connais que la défense nationale !

J’évoquerai brièvement l’un de ses piliers : la sécurité extérieure.

Parce que la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, est à la fois un service de renseignement extérieur qui recherche, au-dehors, des informations confidentielles intéressant la sécurité nationale, qu’elle est un service spécial, assurant une présence là où les canaux diplomatiques s’arrêtent et où le secret assure la protection des agents, qu’elle est un service intégré qui maîtrise le spectre complet des modes de recueil du renseignement – sources humaines, capteurs techniques, qu’il s’agisse des intercepteurs électromagnétiques ou de l’imagerie satellitaire, moyens opérationnels, exploitation des sources ouvertes –, il est indispensable que la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 consacre son rôle fondamental dans la protection de la nation.

Le projet de loi de programmation militaire prévoit une enveloppe cumulée de dépenses d’investissements pour le renseignement de 3,4 milliards d’euros pour la période 2014-2019, dont 1,2 milliard d’euros pour la DGSE. Cela inclut la mise en œuvre de grands programmes de renseignement satellitaires, avec deux satellites d’observation spatiale MUSIS, le satellite de renseignement électromagnétique CERES, les drones MALE et les drones tactiques, ainsi que la modernisation des capacités techniques de recueil et de traitement de l’information.

Nous apprécions que la loi de programmation militaire traduise en actes le Livre blanc et qu’elle érige le renseignement en priorité majeure. À cet égard, il était crucial, selon nous, d’inscrire dans la loi la poursuite de la hausse des effectifs – de l’ordre de 300 personnes – et des moyens de la DGSE malgré un contexte global de réduction des effectifs du ministère de la défense.

Cet effort singulier est d’autant plus appréciable qu’un retard important avait été pris naguère et que le service doit répondre à de nouveaux défis, liés à des évolutions technologiques induisant de nouvelles menaces ; je pense notamment aux cyber-attaques.

Il faut rappeler que les crédits et effectifs dédiés à la DGSE ne représentent que 2 % des crédits et effectifs totaux du ministère. Ils sont donc en deçà de ceux dont disposent, par exemple, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne.

En outre, monsieur le ministre, nous apprécions qu’un point d’équilibre ait été trouvé entre deux couples de nécessités contradictoires : premièrement, la double nécessité de renforcer le contrôle parlementaire en élargissant les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement et de protéger l’anonymat de nos agents pour assurer leur sécurité ; deuxièmement, la double nécessité de renforcer notre sécurité nationale, y compris en accédant à des données de connexions et par la géolocalisation en temps réel, au demeurant de manière strictement encadrée, et de sauvegarder nos libertés individuelles.

L’article 13 a pour objet d’empêcher des actes terroristes et non de s’insinuer dans la sphère intime de la vie privée. Comme son nom l’indique, Big Brother renvoie au-delà de l’Atlantique. C’est là que l’angoisse numérique doit s’exprimer, si elle doit s’exprimer.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. Jeanny Lorgeoux. Je terminerai ce coup de projecteur très furtif en rendant hommage à la mémoire de Denis Allex, tombé en Somalie après un long calvaire, et aux 5 000 personnels civils et militaires de la DGSE, dont le travail méconnu, souterrain et périlleux est essentiel à la défense des intérêts de la France, et il l’est aujourd'hui notamment en Afrique, de même qu’il l’a été hier.

Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’avoir, y compris dans ce domaine, investi résolument pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, la France est engagée militairement sur un nouveau théâtre d’opérations. C’est tout naturellement que mes premières pensées vont à nos soldats, dont nous connaissons l’engagement et le professionnalisme. Je tiens à saluer tout particulièrement le courage et le sacrifice de nos deux soldats tombés au combat.

Je ne reviendrai pas sur le détail des crédits alloués à chaque programme, car certains de mes collègues le feront mieux que moi : je pense à Jacques Gautier et à Xavier Pintat, qui n’ont pas ménagé leur peine pour que cette loi de programmation militaire puisse s’éloigner du scénario du pire, ou du moins pire !

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, elle non plus, n’a pas ménagé ses efforts, multipliant les publications et les signaux d’alerte adressés au Gouvernement. Je songe là notamment à la conférence de presse organisée le 13 mars dernier sur l’initiative du président de la commission, Jean-Louis Carrère, au cours de laquelle celui-ci a affirmé à juste titre : « Je pourrais reprendre à mon compte la célèbre apostrophe de Danton en 1792 en disant qu’aujourd’hui ″la patrie est en danger″, car sa défense l’est. Je suis en effet convaincu que notre sécurité serait compromise si les mesures de réduction de l’effort de défense qui sont envisagées étaient adoptées. C’est tout le sens de la démarche de rassemblement du Sénat que nous avons entreprise. »

Pour ces propos, pour votre pugnacité, pour cette démarche collective de responsabilité sénatoriale, je souhaite vous remercier, monsieur le président de la commission.

Il reste que, sept mois plus tard, les chiffres ont parlé d’eux-mêmes. Oui, monsieur le ministre, il est bien dommage que les travaux du Sénat ne vous aient pas plus inspiré, vous-même, ou plutôt votre collègue du budget, pour que soient alloués de réels moyens à la défense nationale.

Après plus d’une année de mobilisation, force est de constater que le résultat est assez décevant : en effet, entre la publication du Livre blanc et le vote auquel nous procéderons dans quelques instants, la seule constance gouvernementale réside dans la communication.

Je ne reviendrai pas sur les modifications et autres reports de crédits, car la défense n’est pas faite seulement de chiffres et de programmes.

Dans le même temps, nous avons assisté à une surenchère strictement verbale en faveur de la puissance technologique. En réduisant les budgets, on voudrait nous faire croire que l’on peut s’engager sur des théâtres d’opérations avec moins d’hommes, à condition qu’ils soient suréquipés. Mais nous devons avoir les moyens de les soutenir tactiquement et logistiquement !

Personne ne reviendra sur la priorité absolue que nous devons accorder aux drones, mais la technologie n’est rien si le professionnalisme et la réactivité des hommes ne sont pas au rendez-vous.

La défense, ce sont d’abord et avant tout des femmes et des hommes dont l’engagement pour la nation dépasse de loin les politiques partisanes et appelle le respect. Ce respect et cette gratitude doivent trouver d’autres formes d’expression que celle du recueillement devant les monuments aux morts ! Il revient aux parlementaires que nous sommes d’inscrire dans la loi les conditions de cette reconnaissance et de la traduire dans les réalités et les contingences du quotidien.

Aussi, lorsque nous apprenons que le paiement des indemnités de service en campagne de 2013 ne pourra être effectué qu’en 2014, notre devoir est de réagir. Qu’en serait-il si cette situation se produisait pour d’autres corps de fonctionnaires ?

Nous devons prendre la mesure des changements structurels et identitaires auxquels nos armées sont confrontées. Le turnover issu de la professionnalisation a introduit une distorsion entre les officiers supérieurs aux longues carrières et les soldats engagés aux contrats courts. Cela implique une gestion des ressources humaines novatrice pour, d’une part, fidéliser les sous-officiers et, d’autre part, « dépyramider ».

Nous ne pouvons, par ailleurs, attendre de nos soldats qu’ils soient motivés, bien formés et prêts aux sacrifices avec toujours moins de moyens et des matériels vieillissants.

Dans cet environnement où la confiance n’est plus et où les hommes s’angoissent face à la déliquescence de leur outil de travail, monsieur le ministre, vous avez accepté, à l’Assemblée nationale la création d’une section consacrée au dialogue social. Il est nécessaire que les militaires puissent obtenir un relais et une véritable prise en compte des problèmes qu’ils rencontrent au quotidien, face aux difficultés spécifiques de leur méfier. À cet égard, il importerait que soit créée par le ministère de la défense une cellule d’écoute ou d’échange afin d’entendre et de gérer ce malaise. Mais ce malaise ne sera pas réglé avec cette « arme d’apparat » qu’est le dialogue social et que l’on appelle dans la société civile, le syndicalisme.

Oui, les militaires ont besoin d’un espace de parole, mais uniquement au sein des armées et pour elles. Si vous ne préservez pas cette spécificité, c’en sera fini des armées en tant qu’institution.

Si des officiers sont sortis de leur réserve pour nous alerter quant à leur situation, c’est d’abord et avant tout parce qu’ils souhaitent plus de moyens pour exercer leur mission.

J’aborderai un dernier point qui me semble important. Les contraintes économiques ont vu naître une compétition militaire et industrielle pour les dotations publiques, ainsi qu’une concurrence de plus en plus ouverte entre les trois armes. Cela est dangereux pour l’institution, pour son fonctionnement et pour sa cohésion. Au sein de nos hémicycles, tel paraît soutenir plus l’armée de terre, tel autre défendrait l’armée de l’air ou la marine...

Représentants de la nation, nous devons nous garder de ces tentations et avoir pour seuls objectifs l’unité et la puissance de nos armées. Le chef de l’État et vous-même, monsieur le ministre, en êtes les premiers garants. Car la responsabilité des politiques tient à la globalité et à la hauteur de vue.

Ayant épuisé mon temps de parole et soucieux de respecter la demande de Mme la présidente, j’ajouterai simplement que, en toute conscience, je voterai contre ce projet de loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre environnement stratégique est de plus en plus incertain et, si les conflits changent de visage, ils n’autorisent aucun relâchement dans notre politique de sécurité et de défense.

C’est pourquoi la France n’a jamais cessé d’être vigilante et qu’elle prend ses responsabilités chaque fois que cela s’avère nécessaire. Elle le montre au Mali depuis bientôt un an et elle le prouve en République centrafricaine depuis la semaine dernière.

Lors d’un déplacement à l’ONU de la commission des affaires étrangères, en octobre dernier, nous avons pu mesurer avec Christian Cambon, Leila Aïchi et Jean-Marie Bockel à quel point, dans les milieux internationaux, on fait souvent la différence entre la pusillanimité de Barack Obama sur la Syrie et la réactivité de François Hollande sur le Mali.

J’ajoute que, si les Français savaient mieux ce qu’est l’image de la France sur la scène internationale, ils seraient beaucoup plus fiers de leur pays.

Alors, pour que la France reste digne de son histoire et lucide face à son avenir, le projet de loi de programmation militaire que nous discutons ce soir doit lui garantir les capacités militaires nécessaires à sa sécurité comme à ses responsabilités internationales.

C’est un texte d’équilibre, qui vise à moderniser notre modèle de défense en l’adaptant aux nouvelles donnes stratégiques et qui doit permettre à la France de respecter ses engagements internationaux tout en assumant ses trois missions fondamentales : la protection du territoire, la dissuasion et la capacité d’intervention extérieure.

Mais si tout cela est possible, c’est évidemment au prix d’un effort budgétaire très important pour la France.

Monsieur le ministre, nous débattrons demain dans cet hémicycle de l’Europe de la défense, et nous aurons l’occasion de vous dire que, pendant que le monde est en train de réarmer – je pense à la Chine, à l’Inde, au Brésil, à la Russie –, l’Europe, elle, ne doit pas désarmer. Le sommet européen de la semaine prochaine doit donc être l’occasion de relancer l’Europe de la défense en adoptant une « feuille de route » dans les domaines opérationnel, capacitaire, industriel et même institutionnel.

Il faut des mesures pragmatiques, bien sûr, mais il faut aussi une vision et une ambition. Pour que l’Europe ne se résume pas à un grand marché, elle doit avoir une défense autonome si elle souhaite devenir, enfin, une grande puissance à l’échelle du monde.

Mais en attendant l’Europe de la défense, la France ne peut continuer à faire autant d’efforts sans que ces efforts soient reconnus par ses partenaires européens, y compris sur le plan budgétaire.

C’est en effet au nom de nos valeurs communes que nous allons combattre au Mali ou en Centrafrique. Et c’est dans l’intérêt de l’Europe tout entière que nous sommes intervenus en Libye ou que nous pourrions, demain, agir en Syrie.

Cet effort, notamment dans ses implications financières, n’est pas reconnu comme il convient par l’Europe, d’autres l’ont dit avant moi cet après-midi : le président Carrère, François Rebsamen, Jean-Pierre Chevènement. Nous devons donc agir pour que Bruxelles desserre l’étau de nos finances publiques en déduisant les dépenses militaires du calcul du déficit autorisé.

Cette déduction pourrait être partielle, bien sûr, et elle devrait être définie en fonction de critères à préciser. Le pourcentage de PIB consacré à la défense, par exemple, pourrait être pris en compte. D’autres solutions existent. Je sais que c’est difficile, vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, en réponse à François Rebsamen, mais il faut absolument aller dans cette direction. Il est en effet plus facile, pour un pays, d’être exemplaire sur le plan budgétaire, compétitif sur le plan industriel et excédentaire sur le plan commercial quand on est passif, pour ne pas dire inexistant, sur la scène internationale.

Monsieur le ministre, la France assume trop souvent seule le rôle qu’on serait en droit d’attendre de l’Europe. (M. Michel Bécot applaudit.) Qu’elle en soit au moins gratifiée par nos amis européens, et pas seulement sous la forme de beaux discours ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Michel Bécot. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc réunis pour l’examen en deuxième lecture du projet de loi de programmation militaire. Il s’agit là d’un texte sur lequel le Sénat, saisi en premier, s’est beaucoup investi, et au premier chef le président de notre commission, Jean-Louis Carrère, dont je salue le travail et la passion.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Jacques Gautier. Je formulerai très rapidement six observations.

Premièrement, nos collègues députés ont su, dans l’ensemble, compléter de façon judicieuse notre contribution sans la dénaturer. Je m’en réjouis et les en remercie. Je remercie également mon collègue et ami Daniel Reiner, qui a effectué un précieux travail de liaison entre les deux chambres à des fins d’explication (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.), si précieux du reste, mes chers collègues, que nous devrions nous en inspirer à l’avenir pour d’autres textes.

Deuxièmement, les députés ont adopté, sur l’initiative du Gouvernement, un amendement qui complète la trajectoire financière du projet de loi de programmation militaire de 500 millions d’euros, si nécessaire. Cela va, bien sûr, dans le bon sens.

Nous savons, monsieur le ministre, que c’est votre engagement personnel qui a permis d’arracher ce complément et je salue votre action. Mais nous ne sommes pas dupes : la recette est incertaine – 2014 ou 2015 – et le combat va continuer avec Bercy.

Cela m’amène à ma troisième observation : le report de charges. Il a atteint cette année 3,6 milliards d’euros – 3,1 milliards d’euros si l’on tient compte de votre amendement dès 2014 – dont 2,1 milliards pour le seul programme146, le tout en forte augmentation.

Le ministère de la défense a toujours connu des reports de charges, mais nous atteignons là un sommet. Si je m’en tiens aux rapports successifs de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur les divers projets de loi de finances – ils n’ont jamais été démentis –, je trouve 1,7 milliard d’euros de report de charges à la fin de 2009, seulement 719 millions d’euros à la fin de 2010, de nouveau 1,5 milliard d’euros à la fin de 2011, 1,7 milliard d’euros à la fin de 2012 et 3,6 milliards d’euros, ou 3,1 milliards, cette année.

Cette explosion n’est pas supportable. Il sera nécessaire, comme c’est prévu dans le projet de loi de programmation militaire, d’apporter des réponses budgétaires lors de la clause de revoyure de 2015, pour au moins, monsieur le ministre, réduire sensiblement cette « bosse » que le ministère pousse devant lui !

Quatrième observation : cette clause de revoyure sera d’autant plus importante que vous devrez prendre des décisions en ce qui concerne, outre ce report de charges, les avions ravitailleurs, les drones, les Rafale – en fonction de l’export – et un certain nombre de programmes nécessaires à nos forces ; je pense aux missiles et aux munitions.

Monsieur le ministre, je souhaite de tout cœur, dans l’intérêt de notre pays, que la reprise économique soit au rendez-vous et qu’elle vous donne les moyens de corriger la trajectoire de ce projet de loi de programmation militaire. Si, malheureusement, ce n’était pas le cas, vous devriez faire face à la réalité. À mon avis, la seule option possible passerait alors par des cessions d’actifs, comme je le proposais au travers de mes amendements en première lecture. Sinon, nous devrions faire le deuil de la LPM et notre outil de défense serait gravement obéré.

Cinquième remarque : après être intervenue au Mali, la France intervient, sous mandat des Nations unies, en République centrafricaine. Nous en avons parlé cet après-midi, et je m’en félicite.

Vendredi dernier, au sommet de l’Élysée, le secrétaire général de l’ONU, le président Barroso et bien d’autres ont félicité la France. Les Nations unies et l’Union européenne ont promis des soutiens financiers et logistiques pour la force africaine… Parfait ! Mais, encore une fois, c’est la France qui intervient sur le terrain, c’est elle qui paiera et qui paie déjà le prix de la sueur et du sang !

M. Christian Cambon. Et voilà !

M. Jacques Gautier. Il est temps, à quelques jours du sommet européen sur la défense, d’obtenir, comme cela a été demandé, soit l’envoi de groupements tactiques à nos côtés, soit des compensations, y compris financières. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Ma sixième et dernière remarque concerne l’ensemble du budget de l’État pour 2014. Bercy a décidé de geler, au 1er janvier prochain, 7 % des crédits votés par nos assemblées, soit 300 millions d’euros supplémentaires, puisque l’an dernier ce gel était limité à 6 %. C’est bien la preuve que Bercy ne table pas sur un retour de la croissance ! Cela pose aussi la question de la sincérité et de la véracité des budgets qui sont votés par nos assemblées. Il faudra bien qu’un jour les gouvernements, par-delà les différences partisanes, réfléchissent à une mise à plat du fonctionnement budgétaire pour plus de transparence et de véracité, comme nous devons le faire dans nos diverses collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, je m’étais abstenu sur ce texte en première lecture. Aujourd’hui, je constate que l’Assemblée nationale n’a pas dénaturé notre travail, qu’elle l’a complété et que votre amendement de 500 millions d’euros, cette somme fût-elle insuffisante, va dans le bon sens. Certes, ce projet de loi demeure fragile et de nombreuses incertitudes demeurent, voire s’amplifient. Mais ce n’est pas au moment où des milliers de soldats Français sont déployés en OPEX, parfois dans des conditions dangereuses, comme au Mali ou en Centrafrique, que je peux voter contre ce projet de loi. Pour moi, voter contre serait pire pour notre armée et pour nos industries de défense que de laisser passer un texte a minima et insuffisant.

M. Jacques Gautier. Je m’abstiendrai donc, monsieur le ministre, comme certains de mes collègues de l’UMP, en rêvant, au moins en matière de défense, d’une grande coalition à l’allemande, où nous pourrions ensemble, en amont, faire les meilleurs choix pour nos armées et notre outil de défense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, du RDSE et du groupe socialiste. – Mme Leila Aïchi applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément aux engagements du Président de la République, et malgré un contexte économique et budgétaire extrêmement difficile, l’effort consacré par la nation à sa défense sera maintenu à un niveau significatif.

Entre 2014 et 2019, les ressources du ministère de la défense s’élèveront à 190 milliards d’euros courants. En sanctuarisant le budget de la défense nationale, le Président de la République a fait le choix de maintenir un niveau d’ambition élevé sur la scène internationale, à la hauteur des besoins et des responsabilités de notre pays. Il faut rappeler que peu de pays dans le monde peuvent, comme la France, se prévaloir d’une armée capable d’assumer les trois missions fondamentales que sont la protection du territoire national et de sa population, une dissuasion nucléaire à deux composantes et l’intervention sur des théâtres extérieurs.

Depuis le précédent Livre blanc, celui de 2008, le contexte stratégique a connu des évolutions majeures, et notamment les conséquences que l’on sait de la crise économique et financière. Ainsi, le projet de LPM, tout en maintenant l’effort consacré par la nation à sa défense, a dû prendre en compte l’objectif de redressement des finances publiques, dont la dégradation est devenue en elle-même un enjeu de souveraineté.

Par conséquent, afin de dégager les marges de manœuvres budgétaires nécessaires pour que la France conserve son rang sur la scène internationale, le projet de loi prolonge de façon modérée la réduction du format de nos armées, avec la suppression de 23 500 emplois entre 2014 et 2019.

Cette déflation d’effectifs, qui se fait en cohérence avec la refonte des contrats opérationnels et les objectifs fixés par le Livre blanc de 2013, est assortie d’un large plan de mesures d’accompagnement du personnel civil et militaire appelé à quitter le service. Je souhaite qu’une attention particulière soit portée, sur le long terme, à l’accompagnement social, économique et territorial du nouveau format d’armée défini par ce Livre blanc.

Cette manœuvre de ressources humaines ambitieuse s’inscrit dans le contexte rendu difficile par les insuffisances du système de paye Louvois. Je tiens d’ailleurs à saluer la décision courageuse que vous avez prise, monsieur le ministre, de remplacer ce système informatique.

La définition du nouveau format d’armée ainsi que les efforts d’économie consentis par le ministère de la défense supposeront une optimisation du plan de stationnement du ministère, dans un souci de mutualisation des soutiens, de densification des emprises et de réduction des dépenses de fonctionnement. La LPM prévoit, pour la période 2014-2019, une enveloppe de 150 millions d’euros en faveur de l’accompagnement économique, sur la base d’un principe de contractualisation au niveau local.

Dans un souci d’utilisation efficiente des fonds et d’équité à l’égard des collectivités, il est indispensable d’expliciter sur le terrain les mesures prévues pour accompagner les restructurations dans les territoires les plus fragiles. Vous avez d’ailleurs commencé ce travail, monsieur le ministre.

Cet effort pédagogique est aussi nécessaire pour remonter le moral des troupes, qui ont déjà consenti par le passé de nombreux efforts, en interarmées, en termes de mutualisation et de rationalisation du dispositif de soutien. Du reste, l’annonce faite par le ministère le 25 octobre dernier de débloquer immédiatement des fonds à hauteur de 30 millions d’euros pour les bases de défense a été accueillie avec soulagement par les militaires, d’autant que ces fonds sont prioritairement destinés à financer des dépenses concrètes comme des équipements, les réfections de locaux et certaines facilités.

Un sujet d’inquiétude demeure pourtant : la question des gels de crédits, que nous avons évoquée. Ce sont 820 millions d’euros qui risquent de manquer aux armées en 2014. Si ces crédits ne sont pas dégelés, c’est toute la programmation militaire qui risque de voler en éclats.

Monsieur le ministre, vous aviez annoncé, le 15 novembre dernier, qu’un accord avait été trouvé avec Bercy. Pourriez-vous nous préciser quel est le sort réservé à ces 820 millions d’euros ?

Enfin, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de ma satisfaction s’agissant de la façon dont se sont déroulés les débats tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale sur ce projet de LPM, démontrant la capacité de la représentation nationale à adopter des choix stratégiques pour la nation dans un consensus transpartisan. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE. – Mme Leila Aïchi et M. Jacques Gautier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Pintat.

M. Xavier Pintat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote d’une loi de programmation militaire est un moment important dans une législature. Nous devons tout faire pour préserver la valeur de nos forces armées, respecter les hommes et les femmes qui les composent, préserver la qualité des équipements dont ils disposent et veiller à la préparation qu’ils reçoivent. Nous devons tout faire, y compris éviter de nous quereller, car il y va de l’intérêt de la nation.

Alors, que penser de ce projet de loi tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale ?

Je ferai d’abord remarquer que l’Assemblée nationale n’a que peu modifié le texte et qu’elle a conservé la quasi-totalité des acquis du Sénat. Dont acte ! Nous pouvons saluer le travail effectué par notre commission en première lecture, sous l’impulsion efficace de son président, Jean-Louis Carrère.

J’observe cependant que l’Assemblée nationale a supprimé le seul apport du groupe UMP du Sénat : la modification du calendrier de livraison des avions ravitailleurs. Lorsqu’on est à la recherche d’un consensus transpartisan, une telle mesure est regrettable, même si nous avons pris acte de votre déclaration liminaire, monsieur le ministre.

Ensuite, nous avons appris, entre les deux lectures de ce texte, qu’il y aurait un report de charges de 3,6 milliards d’euros de l’exercice 2013 sur l’exercice 2014. Jacques Gautier l’a rappelé, jamais le report de charges n’avait été aussi important, puisqu’il s’élevait seulement à 1,5 milliard d’euros à la fin de 2011. Plus grave encore, à l’heure où nous délibérons, ce report n’est pas compensé par des ouvertures de crédits.

Autant le dire tout de suite, cette loi de programmation militaire ne pourra pas être respectée !

Du reste, il m’a fallu faire mes propres recherches et lire votre interview, monsieur le ministre, sur le blog de La Tribune pour connaître le montant exact du report de charges : une information que j’aurais préféré lire dans un rapport officiel…

Vous allez sans doute me répondre que les 500 millions d’euros votés à l’Assemblée nationale sont une garantie. Mais j’ai entendu trop de gouvernements, de tous bords, faire des promesses pour ignorer que celles-ci n’engagent parfois que ceux qui les écoutent !

Si vous aviez gagné l’arbitrage, cet amendement aurait été inclus dans le projet de loi de finances. Or il n’y figure pas !

Ce double constat étant dressé, ayons le courage de regarder la vérité en face.

La vérité est que la précédente majorité, à laquelle j’appartenais, a fait passer l’effort de défense de 1,75 % du PIB à 1,5 %, ce que je regrette, et qu’elle a réduit le format de nos forces armées en faisant partager l’idée que 1,5 % du PIB était le plancher en dessous duquel on ne pouvait aller.

Mais la vérité est aussi que la majorité actuelle se berce d’illusions en invoquant un retour à meilleure fortune à 1,8 % du PIB et en croyant à des « clauses de garantie ».

La vérité est, enfin, que l’effort de défense de notre pays passera de 1,5 % en 2013 non pas à 1,3 %, comme on l’espérait encore il y a un mois, mais à 1,1 % en 2019, puisque nous savons maintenant que la programmation ne pourra pas être respectée.

Encore une fois, il ne s’agit pas, monsieur le ministre, de vous mettre en cause. Vous savez l’estime que notre commission vous porte, tant sur un plan personnel que pour votre engagement. Il s’agit, s’il en est encore temps et que nous en sommes encore capables, de chercher les raisons de cette mécanique implacable qui conduit le Gouvernement – je devrais dire tous les gouvernements – à réduire l’effort de défense.

C’est en sénateur convaincu que la défense est l’ultime garant de notre liberté que je me suis efforcé de comprendre les raisons de cette situation. J’ai trouvé deux éléments de réponse.

D’abord, la défense est, par définition, la Grande Muette, et c’est bien ainsi. Mais il faut que nous soyons raisonnables : on ne peut pas reporter l’entier fardeau des ajustements budgétaires sur les forces armées au seul prétexte qu’elles ne diront rien !

Aucune administration de l’État n’a été autant saignée à blanc. Aucune n’accepterait ce que les armées ont accepté. Si l’on veut éviter que le désespoir gagne nos armées, il nous faut, nous parlementaires de tous bords, nous mobiliser tous ensemble pour la défense et vous aider, monsieur le ministre, à obtenir les arbitrages qu’on vous refuse.

Ensuite, je vois dans l’affaire du report de crédits la suite malheureuse de ce qui s’est passé lors de la commission du Livre blanc. Ce n’est un secret pour personne : jamais il n’a été fourni aux membres de la commission « l’équation budgétaire », c’est-à-dire le montant des moyens mis à la disposition des armées.

Et cela continue avec la LPM, car le report de crédits devrait être intégré dans la construction budgétaire et ne pas constituer un aléa insupportable pour le budget de la défense.

M. Jeanny Lorgeoux. C'est spécieux !

M. Xavier Pintat. C’est pourquoi il nous faut desserrer la contrainte financière.

Certains plaident pour la vente d’une partie non stratégique de nos participations dans les entreprises de défense, considérant que cet argent serait mieux investi dans la recherche, dans l’emploi, au service de nos exportations, qu’en stériles participations dont tout le monde a pu constater l’inutilité dans l’affaire BAE-EADS.

D’autres croient aux marges susceptibles d’être dégagées par le choix d’une défense intelligente à l’OTAN et de la mutualisation, avec le pooling and sharing, pour mettre fin aux gaspillages inutiles.

Nous devons en priorité concentrer nos investissements sur nos besoins capacitaires communs.

Une autre politique est donc possible. Pour y parvenir, la confiance sera déterminante.

Je voudrais terminer en relayant la vive émotion suscitée par la nouvelle rédaction de l’article 13 auprès des internautes, qui s’expriment largement dans les médias depuis quarante-huit heures.

Il n’est pas souhaitable, dans un pays qui se veut exemplaire en matière de protection des libertés et de respect des droits de l’homme, de proposer sans expertise préalable une généralisation des interceptions administratives et de permettre aux services de l’État d’accéder à tous les documents stockés dans les serveurs des fournisseurs d’accès à Internet comme des hébergeurs, sur les disques durs ou dans les clouds, bien au-delà des seules données de géolocalisation, objet initial de l’article 13.

De tels pouvoirs, même sous contrôle, pensés à l’origine pour les télécommunications et non pour le numérique, dépassent largement le cadre de la lutte contre le terrorisme et me semblent disproportionnés au regard des libertés individuelles.

Contrairement à la position que j’avais adoptée en première lecture, et que je ne regrette pas, car on ne s’oppose pas a priori à une loi de programmation militaire, je ne voterai pas ce texte pour toutes les raisons que je viens d’évoquer et pour tirer la sonnette d’alarme.

M. Jeanny Lorgeoux. C’est bien dommage !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. À la suite des propos de notre collègue Xavier Pintat, je souhaite dire quelques mots de l’article 13 du projet de loi, dont la rédaction actuelle est très largement issue d’un amendement que j’avais défendu en première lecture en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois.

Des campagnes ayant été lancées voilà quelques jours à l’encontre de cet article, je tiens à rappeler avec quelque solennité dans quelles conditions on est parvenu au texte qui nous est maintenant soumis.

En première lecture, au Sénat, nous avons voté cet article dans une rédaction qui était d’ailleurs assez proche de celle qu’avait proposée notre collègue Jean-Jacques Hyest. Il est le fruit d’un important travail mené avec Jean-Louis Carrère et en dialogue avec vous, monsieur le ministre. Cet article a ensuite été adopté par la commission de la défense et par la commission des lois de l’Assemblée nationale, puis par l’Assemblée nationale elle-même.

Je le dis avec force, nous devons avoir, en matière de renseignement, les moyens de lutter contre le terrorisme, mais en prévoyant en même temps des garanties et des moyens de contrôle qui assurent le respect des libertés individuelles, de la vie privée et des données personnelles. Eh bien, je défie quiconque de me prouver que cet article n’apporte pas ces garanties et ces possibilités !

Premièrement, s’agissant des « fadettes », le Parlement a fait le choix de prévoir que c’est le Premier ministre, et non plus le ministre de l’intérieur, comme c’est le cas actuellement, qui doit donner son autorisation.

Deuxièmement, pour avoir accès à la géolocalisation, ce qui est particulièrement nécessaire lorsque l’on veut lutter contre le terrorisme, l’un des trois ministres compétents – celui de la défense, celui de l’intérieur ou celui chargé des douanes – devra en faire la demande écrite et motivée au Premier ministre. Il reviendra à ce dernier, ou à la personne qui répondra en son nom, de fournir une réponse écrite. Cette garantie, aujourd’hui, n’existe pas ; nous l’avons instituée.

Je précise que les dizaines de milliers d’interceptions actuellement opérées ne sont pas, aujourd'hui, soumises aux deux conditions que je viens d’exposer.

Troisièmement, nous augmentons considérablement le rôle de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS. Nous lui donnons des pouvoirs de contrôle, mais aussi d’intervention dans le cours du processus, ainsi que la faculté de faire connaître ses positions, afin qu’il en soit tenu compte.

Quatrièmement, je rappelle que la CNIL – Commission nationale de l’informatique et des libertés – a été auditionnée, notamment sur cette mouture de l’article 13, non seulement par le rapporteur pour avis que j’étais, mais aussi par le rapporteur qu’est le président Jean-Louis Carrère.

J’ajoute que la CNIL sera forcément amenée à s’exprimer sur le décret qu’il sera nécessaire de prendre pour appliquer cette loi, ainsi que l’a indiqué M. le ministre.

Nous sommes accusés d’élargir le champ d’intervention à la recherche de renseignements relatifs à certaines réalités économiques et scientifiques, à la sécurité nationale ou à la prévention de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous. Or tout cela figure dans la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications : c’est devenu l’article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure et j’invite chacun à s’y référer.

Certains, qui semblent se réveiller soudainement, nous reprochent aujourd'hui d’avoir retenu ces champs d’application. Mais, chers collègues, nous ne faisons que reprendre intégralement ce qui a été voté il y a vingt-trois ans !

Cinquièmement, au lieu de rafistoler la loi de 2006, qui, vous le savez, sera caduque au 31 décembre 2015, nous avons réinscrit tout le processus dans la loi de 1991.

Mes chers collègues, le vote de ce dispositif par notre assemblée a suscité de nombreux commentaires positifs, jusqu’à la parution, trois semaines et demie plus tard, d’un communiqué de l’Association des services internet communautaires, l’ASIC, association qui regroupe les majors du web, selon laquelle l’article 13 poserait des problèmes en matière de libertés publiques. Ce communiqué a créé une sorte d’emballement et provoqué toute une série de déclarations sur les réseaux sociaux.

M. Jeanny Lorgeoux. Qu’ils lisent les textes !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. D'ailleurs, ces réactions sont très symptomatiques de la façon dont fonctionne notre société…

À ceux qui nous accusent aujourd'hui de porter atteinte aux libertés, à la vie privée et aux données personnelles, à propos d’un texte qui, bien évidemment, est perfectible – nous aurons encore de multiples occasions de débattre de la sécurité de l’Internet –, mais ne comprend que des garanties nouvelles, nous disons qu’ils feraient peut-être bien de balayer devant leur porte ! En effet, après avoir d'abord nié avoir fourni des informations à la National Security Agency, la NSA, et au programme PRISM, ces majors du web ont fini par reconnaître que toute une économie reposait sur des milliards de données personnelles. (M. Robert del Picchia s’esclaffe.)

M. Jeanny Lorgeoux. Évidemment !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pour ce qui nous concerne, nous avançons : nous voulons nous doter de services de renseignement efficaces, pouvoir aller rechercher les otages et lutter contre le terrorisme, mais nous le faisons en nous dotant des garanties et des capacités de contrôle qui sont absolument nécessaires.

Telle est la mise au point que je tenais à faire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Gautier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reprendrai pas l’ensemble des problématiques soulevées par le présent projet de loi de programmation militaire, ayant déjà eu de multiples occasions de donner ma position sur la plupart des sujets évoqués par les différents orateurs qui viennent de se succéder à la tribune.

Toutefois, je veux apporter quelques éléments complémentaires sur des points très précis soulevés par les uns et les autres.

M. Jean-Pierre Chevènement a évoqué la « bosse » du report de charges. Bien que j’aie moins d’ancienneté que lui dans la vie parlementaire, je me permets de lui rappeler que, en 1978, alors que j’étais jeune député et que je siégeais à la commission de la défense de l’Assemblée nationale, cette bosse existait déjà ! Et il fallait déjà la « pousser » ! Je suis aujourd'hui ministre, et il faut toujours pousser la bosse…

Autrement dit, cette situation n’est pas nouvelle. Cela étant, elle est préoccupante et je suis assez d’accord avec ceux – y compris M. Gautier – qui considèrent que le report de charges devient insupportable.

Néanmoins, il n’est pas aussi insupportable que ne l’affirme M. Larcher, qui a avancé le chiffre de 4 milliards d’euros. Nous n’en sommes pas là ! Grâce aux 500 millions d’euros que j’ai obtenus pour compenser le report de charges ayant résulté du règlement de la loi de finances pour 2013, le report de charges s’élève à 3,1 milliards. Certes, c’est encore beaucoup trop, et il faudra essayer de remédier à cette situation à l’avenir.

Cependant, les 500 millions d’euros que je viens d’évoquer me permettront de passer les commandes prévues dès la fin de l’année 2013 et le début de l’année 2014. J’ai dressé tout à l'heure la liste de ces commandes, extrêmement importantes, qui permettent d’assurer la fiabilité complète du projet de loi de programmation soumis à votre examen.

Monsieur Reiner, votre suggestion concernant l’A 400M me permet de faire une observation concernant la coopération avec les Britanniques en matière de défense, laquelle sera à l’ordre du jour du sommet franco-britannique qui se tiendra à la fin du mois de janvier prochain. De notre côté, nous espérons notamment une éventuelle collaboration en matière de soutien à l’A 400M : ayant réceptionné notre premier appareil et le Royaume-Uni s’apprêtant à en faire autant, nous sommes en train de discuter de la possibilité de mettre en place les bases d’une mutualisation. Ce serait un pas important dans la collaboration entre la France et la Grande-Bretagne.

M. Chevènement a demandé des précisions sur l’évolution des drones d’observation et sur la possibilité, pour l’Europe, de se doter de machines spécifiques sans avoir besoin d’aller acheter « sur étagère », essentiellement aux États-Unis, comme nous l’avons fait par le passé, en raison de l’absence de capacités au niveau européen.

Si tout va bien, la question d’un projet de drone de nouvelle génération réalisé en commun par l’ensemble des pays européens sera à l’ordre du jour du Conseil européen consacré aux questions de défense des 19 et 20 décembre prochain et sera, je l’espère, validé par les chefs d’État et de gouvernement. Ce serait une très grande avancée, qui s’ajouterait au « club des utilisateurs de Reaper », qui sera lui aussi lancé lors dudit Conseil. J’espère que ces éléments satisferont Jean-Pierre Chevènement.

J’ai bien noté que plusieurs intervenants avaient formulé les mêmes interrogations et exprimé les mêmes inquiétudes concernant les ressources exceptionnelles.

Comme je l’ai dit et répété, j’estime que ces ressources ne sont pas si exceptionnelles que cela puisqu’elles représentent 3,5 % de l’ensemble des 190,6 milliards dont est dotée l’enveloppe jusqu’à la fin de l’année 2019. Cela étant, l’inscription, dans le rapport annexé au projet de loi de programmation, de la possibilité même de ces ressources exceptionnelles et des registres sur lesquels elles seraient mobilisées constitue déjà une avancée.

Au reste, mesdames, messieurs les sénateurs, la série de cliquets ou de clauses de sauvegarde que votre assemblée a prévue devrait vous rassurer sur le fait que les ressources exceptionnelles seront au rendez-vous ! En tout état de cause, j’en suis intimement convaincu, et les 500 millions d’euros que j’ai pu obtenir pour la fin de gestion de l’année 2013 témoignent de la volonté du Gouvernement de conforter ces orientations.

M. Bockel m’a interrogé sur la brigade franco-allemande. Si j’ai pris la décision de dissoudre le 110e régiment d’infanterie de Donaueschingen, c’est en particulier parce qu’il était très onéreux et que son implantation n’était peut-être pas la plus évidente. En revanche, nous allons affecter à la brigade franco-allemande le 1er régiment d’infanterie de Sarrebourg, qui est plus historique – c’est l’un des plus anciens de France – et plus important, mais aussi mieux équipé puisqu’il dispose de systèmes FÉLIN. Ce régiment apportera une contribution significative à la brigade franco-allemande, avec une répartition entre la France et l’Allemagne qui sera alors, de surcroît, plus équilibrée.

Reste le sujet de la mobilisation de la brigade franco-allemande sur un certain nombre d’objectifs. Mon homologue allemand et moi-même en sommes toujours au même point, à savoir que nous sommes convaincus de la nécessité de réfléchir ensemble à la possibilité de mobiliser rapidement tout ou partie de la brigade franco-allemande sur un théâtre d’opérations, qui pourrait être, demain, le Mali. En tout cas, c’est dans cette direction que nous travaillons.

Monsieur Trillard, si certains ne percevront l’indemnité pour services en campagne, ou ISC, qu’en 2014, c’est parce que le logiciel Louvois ne fonctionne pas bien ! Croyez bien que je subis tous les mois les perturbations qu’il crée. Vous savez les conséquences que les distorsions de Louvois sur le versement des soldes peuvent avoir sur le moral des forces : quand je vais sonder le moral des unités, il est essentiellement question de ce logiciel ! Nous essayons de remédier à cette difficulté. À cet égard, j’ai pris des décisions qui s’imposaient.

Enfin, je ne vais pas redire à M. Gautier combien je suis préoccupé par le concept de « groupement tactique » ; j’y ai fait allusion tout à l'heure. C’est un sujet de réflexion pour moi comme, je l’espère, pour les acteurs européens. En effet, si ces groupements existent d'ores et déjà dans les textes, nous devons désormais préciser les modalités de leur mobilisation, qui ont fait et font encore défaut, comme nous venons de le voir en République centrafricaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les quelques remarques que je voulais faire en complément de mon propos introductif et en guise de réponse aux interrogations des orateurs. Je vous remercie une nouvelle fois de vos contributions à l’élaboration de ce texte, dont je souhaite évidemment qu’il puisse être adopté ce soir.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux objectifs de la politique de défense et à la programmation financière

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Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Article 3

Article 2

(Non modifié)

Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2014-2019 et précise les orientations en matière d’équipement des armées à l’horizon 2025.

RAPPORT ANNEXÉ

(Non modifié)

La loi de programmation militaire 2014-2019 constitue la première étape de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de défense et de sécurité nationale définie dans le Livre blanc de 2013. Elle s’appuie sur l’analyse d’un environnement international en pleine évolution, où se maintiennent à un niveau élevé les risques et menaces pour la sécurité de la France et des Français. Elle conjugue, dès lors, la volonté de maintenir un niveau d’ambition élevé, adapté à ces besoins de sécurité et aux responsabilités internationales de notre pays, avec la nécessité du redressement des finances publiques. Elle s’appuie, à cette fin, sur une stratégie militaire renouvelée et une utilisation plus efficiente de nos moyens, garanties par un niveau de ressources significatif. L’effort de défense de la France sera maintenu, en conférant un haut degré de priorité à la préservation et au développement de nos capacités industrielles et en recherchant un plus haut degré d’interaction avec nos alliés et partenaires.

1. UNE NOUVELLE STRATÉGIE DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ NATIONALE

1.1. Un nouveau contexte stratégique

1.1.1. Un environnement en évolution rapide

Depuis l’adoption de la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, l’environnement stratégique de notre pays a été modifié en profondeur par plusieurs évolutions majeures.

Au plan économique, une crise financière internationale durable a modifié les rapports de forces internationaux et limite particulièrement les marges de manœuvre des États-Unis et de l’Europe par l’effort majeur de réduction de la dépense et de la dette publiques qu’elle impose ; la crise qui en est résulté pour l’Union européenne et la baisse de l’effort de défense au-dessous de 1 % du produit intérieur brut (PIB) dans plusieurs pays constituent autant d’obstacles pour la construction de l’Europe de la défense.

Sur le plan géopolitique, il y a lieu de relever :

– les inflexions de la politique étrangère des États-Unis, dont la nouvelle posture stratégique suscite de leur part une demande d’implication accrue des Européens dans des zones dont la stabilité est un enjeu spécifique pour l’Europe ;

– les révolutions dans le monde arabe, dont l’évolution encore incertaine a des conséquences sur la sécurité nationale et européenne compte tenu de la proximité géographique de cette zone, de l’importance de nos intérêts et des liens de toute nature tissés avec ces pays ;

– la problématique de la sécurité sur le continent africain, fortement influencée par les déstabilisations intervenues dans toute la zone sahélienne du fait de l’implantation de groupes jihadistes armés.

1.1.2. Des risques et les menaces qui demeurent élevés

L’analyse de ce contexte met en évidence la persistance d’un très large spectre de risques et de menaces. L’augmentation rapide des dépenses militaires et des arsenaux conventionnels dans certaines régions du monde vient rappeler que les conflits entre États restent une possibilité que notre défense ne saurait ignorer. La France et l’Europe doivent prendre en compte les menaces de la force (tensions géopolitiques, effort d’armement, déstabilisation de certaines régions), les menaces de la faiblesse (difficultés pour certains États de contrôler leurs frontières ou leur territoire, facilitant la création de sanctuaires pour des groupes criminels, d’espaces de transit des trafics ou de bases arrière pour les groupes terroristes), et les effets multiplicateurs de la mondialisation sur les facteurs de risque et de menace pour notre sécurité et celle de l’Europe (terrorisme, trafics, risques pesant sur la sécurité maritime, changement climatique, menaces cybernétiques visant les infrastructures ou les systèmes d’informations, prolifération nucléaire, biologique et chimique ou prolifération des missiles balistiques).

1.1.3. Des défis militaires accrus et complexes

Les caractéristiques des crises et des conflits font peser sur les forces armées des contraintes nouvelles. Leur environnement opérationnel immédiat les oblige à prendre en compte le besoin de protection dans des contextes asymétriques et l’utilisation, par un nombre croissant d’adversaires de toute nature, d’armements performants ou de technologies critiques. Par ailleurs, les développements intervenus ces dernières années dans le champ médiatique, dans celui des technologies de l’information et dans l’environnement juridique des opérations ont augmenté la complexité de leur conception et de leur gestion.

Les menaces de la force se traduisent par des conflits impliquant des forces de niveau étatique ; la faiblesse des États et la fragilité des sociétés engendrent des crises dans lesquelles les belligérants agissent au milieu des populations et utilisent des modes d’actions asymétriques. Ces conflits présentent de façon croissante une composante cybernétique.

Ces évolutions rendent indispensable l’adaptation de notre stratégie de sécurité nationale.

1.2. Une stratégie de sécurité nationale adaptée au nouveau contexte

1.2.1. Un concept de sécurité nationale confirmé

Le Livre blanc de 2013 a confirmé le concept de sécurité nationale, introduit dans la stratégie française en 2008 et inscrit par la loi dans le code de la défense en 2009.

Ce concept tire les conséquences de la continuité des menaces et des risques intérieurs et extérieurs qui pèsent sur la France, son territoire, sa population, ses intérêts de sécurité. Il favorise une approche globale dans l’identification des crises susceptibles d’affecter la vie de la Nation comme dans les réponses à leur apporter. La stratégie de sécurité nationale revêt une dimension interministérielle et requiert l’association de multiples acteurs pour prévenir et gérer les conséquences des crises majeures. L’action des forces armées s’envisage conjointement avec celle de l’ensemble de l’appareil d’État – forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, ministères, services publics, collectivités territoriales – et des opérateurs, publics et privés, d’infrastructures et de réseaux vitaux.

Le Livre blanc de 2013 a, dans ce cadre, identifié des priorités, parmi lesquelles figurent le renforcement de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », la politique de cybersécurité, la capacité à lutter contre le terrorisme et la consolidation des capacités de l’État à répondre aux crises.

1.2.2. Des priorités géostratégiques adaptées à l’évolution du contexte

Le Livre blanc énonce et hiérarchise des priorités géostratégiques cohérentes avec l’analyse, par la France, de son environnement international et avec les responsabilités qu’elle entend exercer :

– protéger le territoire national et les ressortissants français, garantir la continuité des fonctions essentielles de la Nation, et préserver notre souveraineté. Les risques et les menaces identifiés sont les agressions par un autre État contre le territoire national, les attaques terroristes, les cyber-attaques, les atteintes au potentiel scientifique et technique, la criminalité organisée dans ses formes les plus graves, les crises majeures résultant de risques naturels, sanitaires, technologiques et industriels, et les attaques contre nos ressortissants à l’étranger ;

– garantir avec nos partenaires européens et alliés la sécurité de l’Europe et de l’espace nord atlantique, par un rôle actif au sein de l’Union européenne et de l’OTAN. La stabilité de tous les pays de l’espace européen est une priorité. La nature étroite et profonde de nos relations bilatérales avec les États-Unis et le Canada, nos engagements de défense collective au titre du traité de l’Atlantique nord et notre communauté de valeurs fondent entre nous une solidarité de droit et de fait ;

– stabiliser avec nos partenaires et alliés le voisinage de l’Europe. Il s’agit notamment d’éviter l’émergence de menaces susceptibles d’affecter les approches orientales de l’Europe, la zone méditerranéenne, le Sahel – de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique – et une partie de l’Afrique subsaharienne – notamment le golfe de Guinée et les pays riverains ;

– participer à la stabilité au Proche et Moyen-Orient et dans le golfe arabo-persique et, dans ce cadre, avoir la capacité de mettre en œuvre, en coordination avec nos alliés, les accords de défense souscrits par la France en protégeant ses intérêts stratégiques et de sécurité. La sécurité de la zone qui s’étend des rives de la Méditerranée orientale au golfe arabo-persique et jusqu’à l’océan Indien revêt une importance majeure pour l’Europe et l’équilibre international. La France est engagée par des accords de défense à Djibouti, aux Émirats Arabes Unis, au Koweït et au Qatar. Elle entretient une base interarmées à Abu Dhabi, met en œuvre un accord de coopération avec Bahreïn et souhaite développer des relations étroites avec l’Arabie Saoudite ;

– contribuer à la paix et à la sécurité internationale dans le monde, en portant une attention particulière à la sécurité de l’océan Indien et à la maîtrise des risques en Asie du Sud. La France entend promouvoir des intérêts globaux, justifiant le maintien d’un réseau diplomatique étendu et des capacités de présence et d’action dans ces régions et sur tous les océans. Elle consolidera donc son engagement politique en Asie, dans l’océan Indien, dans le Pacifique et en Amérique latine, à travers sa coopération de défense, une présence militaire active, le développement de partenariats stratégiques et l’intensification de ses réseaux de coopération.

La France participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l’optique d’un désarmement général et complet. Elle veillera notamment à l’universalisation du traité de non-prolifération et à celle du traité international d’interdiction des essais nucléaires. Elle s’engagera ainsi résolument dans la négociation d’un nouveau traité interdisant la production de matières fissiles destinées aux armes. Elle agira tout particulièrement pour aboutir à mettre en place un régime international efficace de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes.

1.2.3. Le rôle moteur de la France dans la construction de l’Europe de la Défense

La France partage avec ses partenaires européens la plupart des menaces et des risques auxquels elle est confrontée. C’est pourquoi, dans le cadre de sa stratégie de défense et de sécurité nationale, la France considère que la construction européenne en matière de défense et de sécurité est une nécessité. Elle souhaite que l’impulsion, pour les Européens, vienne du plus haut niveau politique des États membres, à travers les orientations et décisions que prend le Conseil européen. La France œuvrera avec ses principaux partenaires européens, et au premier rang desquels le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Pologne, l’Espagne et l’Italie, en faveur du renforcement de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne, conduisant à une défense commune européenne crédible et autonome. La France soutiendra le principe d’une solidarité accrue pour la prise en charge des dépenses liées à des opérations militaires conduites pour la sécurité de l’Europe et, à ce titre, demandera que soit étendu le mécanisme européen (Athena) qui permet le financement en commun d’une partie des dépenses relatives à des opérations militaires menées dans le cadre de l’Union européenne.

Cette impulsion doit permettre de donner tout son sens à une démarche européenne pragmatique et concrète, reposant sur des actions conjointes de prévention, sur des opérations extérieures et sur des programmes d’armement communs. Pour mettre en œuvre ces orientations, il est hautement souhaitable d’obtenir l’accord de nos partenaires européens sur les questions fondamentales que sont la création, à terme, d’un état-major permanent de planification des opérations ou d’une agence européenne d’armement dotée d’une réelle autorité. Il s’agit de favoriser le développement et les mutualisations des capacités militaires les plus onéreuses, tout en encourageant la consolidation de l’industrie de défense des pays européens. La France s’efforcera, dans cette logique, de contribuer à une redynamisation de l’effort de l’Union européenne en matière de gestion de crise et de maintien de la paix. Il s’agira notamment de mettre en œuvre une approche globale, comprenant des actions militaires plus ambitieuses, incluant l’emploi des groupements tactiques (GTUE) en qualité d’instrument de réponse rapide de l’Union européenne et interagissant davantage avec les actions civiles de la Commission européenne. Il convient de saluer la contribution de la brigade franco-allemande à l’effort de coopération européenne en matière de défense. Sa redynamisation, au travers d’un engagement opérationnel accru, pourrait d’ailleurs constituer le socle d’un approfondissement de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne.

Dans le même temps, la France entend occuper toute sa place au sein de l’Alliance atlantique et de son organisation militaire, composante essentielle de la défense collective de ses membres, forum naturel du lien transatlantique et cadre commun privilégié de l’action militaire conjointe de l’Amérique et de l’Europe. La France s’attachera donc à développer, avec ses partenaires européens, un engagement dynamique dans l’OTAN. Elle continuera à participer activement aux opérations de l’alliance. Elle est attachée à la solidarité de l’alliance dans toutes ses dimensions militaires : elle veillera notamment au maintien d’une combinaison appropriée de capacités nucléaires, conventionnelles et de défense antimissile ; elle s’attachera particulièrement à l’adaptation de cette alliance politico-militaire aux engagements les plus probables. Elle y exprimera sa vision de l’organisation atlantique et du rôle de l’Europe dans la relation transatlantique en matière de défense et de sécurité.

L’OTAN et l’Union européenne jouent ainsi un rôle complémentaire dans la stratégie de défense et de sécurité nationale de la France. Celle-ci exercera pleinement ses responsabilités dans l’une comme dans l’autre organisation pour contribuer à la sécurité collective. C’est notamment en raison de sa place au sein de l’Europe, qui lui confère, avec d’autres, des responsabilités particulières d’entraînement, que la France conservera une capacité d’intervention militaire significative ; cette capacité doit aussi lui permettre de préserver l’autonomie d’action nécessaire pour intervenir en propre face à une agression ou une menace d’agression sur ses intérêts stratégiques.

1.3. Une stratégie militaire renouvelée

Le Livre blanc de 2013 décrit les fondements d’une nouvelle stratégie militaire, adaptée à ce nouveau contexte. La présente loi détaille la première étape de sa mise en œuvre, à travers le développement du modèle d’armée qui lui est associé.

1.3.1. Les trois priorités de notre stratégie

La stratégie générale présentée dans le Livre blanc se caractérise tout d’abord par une articulation nouvelle autour des trois grandes priorités, étroitement complémentaires, qui structurent l’action des forces armées : la protection, la dissuasion et l’intervention.

La protection du territoire national et des Français, en métropole comme outre-mer, est première. Elle vise à garantir l’intégrité du territoire contre toute menace de nature militaire, à assurer aux Français une protection efficace contre l’ensemble des risques et des menaces, en particulier le terrorisme et les cyberattaques, à préserver la continuité des grandes fonctions vitales de la Nation et à garantir sa résilience. La protection du territoire ne saurait être assurée sans que la France dispose de la capacité de dissuasion et d’intervention.

La dissuasion nucléaire vise à protéger la France de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Elle permet notamment d’écarter toute menace de chantage sur ses intérêts qui tendrait à paralyser sa liberté de décision et d’action. Elle constitue la garantie ultime de la sécurité, de la protection et de l’indépendance de la Nation.

L’intervention à l’extérieur du territoire national vise, par la projection de capacités militaires, à protéger les ressortissants français et européens, à défendre les intérêts de la France dans le monde et à honorer nos engagements internationaux et nos responsabilités. Elle s’effectue en recherchant prioritairement un cadre multinational s’appuyant de façon privilégiée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable. Elle conforte par là même la crédibilité de la dissuasion.

1.3.2 Quatre principes directeurs pour notre stratégie militaire et l’adaptation de nos capacités

Afin de donner aux forces armées les moyens d’assurer ces trois missions fondamentales dans leur nouveau contexte, un nouveau modèle d’armée a été défini dans le Livre blanc de 2013. Il repose sur quatre principes directeurs, dont la combinaison dessine une stratégie militaire renouvelée.

► Le maintien de notre autonomie stratégique

Ce principe vise à garantir à la France une liberté permanente d’appréciation de situation, de décision et d’action, ainsi qu’à préserver sa capacité d’initiative dans des opérations que lui dictent la défense de ses intérêts et la prise de responsabilité liée à ses engagements internationaux. L’autonomie stratégique doit également permettre à la France, lorsqu’elle décide de s’engager en coalition, d’y jouer un rôle conforme à ses objectifs politiques.

Les moyens autorisant ou commandant l’autonomie d’appréciation, de planification et de commandement seront donc conservés ou développés. De même, certaines capacités militaires critiques seront privilégiées, en particulier : celles qui conditionnent la défense de nos intérêts vitaux ; celles qui sont nécessaires à la prise d’initiative dans des opérations simples et probables ; celles qui permettent de disposer des moyens nécessaires pour exercer en pleine souveraineté le rôle souhaité dans une coalition. Ainsi les capacités de commandement interarmées, de renseignement, de ciblage, de frappes de précision dans la profondeur, les forces spéciales et certains moyens de combat au contact de l’adversaire feront l’objet d’un effort particulier. Il en est de même de celles qui sont liées à la capacité de fédérer et d’entraîner des partenaires au sein d’une coalition tout en conservant notre indépendance d’appréciation : capacité autonome à « entrer en premier » sur un théâtre dans les trois milieux, terrestre, naval et aérien, capacité de commandement dans une opération interalliée.

La cohérence du modèle d’armée avec les missions dans lesquelles la France est susceptible d’engager ses forces armées

Les forces armées doivent pouvoir agir sur tout le spectre des conflits potentiels où la France risque d’être engagée et répondre à la diversité des situations de crise identifiées dans le Livre blanc. Le modèle défini dans le Livre blanc de 2013 leur permettra de répondre aux menaces d’emploi de la force exercées par des États, de conduire dans la durée des opérations de gestion de crises de tous types visant à faire cesser les situations de violence, de faire respecter le droit, de participer aux côtés de nos partenaires, en particulier européens, à la protection de nos intérêts communs de sécurité face aux risques amplifiés par la mondialisation.

Le principe de différenciation des forces en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir

La différenciation des forces repose sur le constat de la variété des missions et l’analyse de leurs spécificités militaires. Elle consiste à distinguer les forces en fonction de ces spécificités : mise en œuvre de la dissuasion nucléaire, protection du territoire et des Français, opérations de coercition et de guerre, gestion de crises sous les formes très diverses qu’elles revêtent aujourd’hui, ces engagements appellent des moyens et des stratégies différents.

Il s’agit à la fois d’un principe d’efficience – entraîner et équiper nos unités et nos équipages en fonction des spécificités de chaque mission – et d’un principe d’économie – ne financer les capacités les plus onéreuses que pour les missions où elles sont indispensables.

En vertu de ce principe de différenciation et en cohérence avec les missions que les forces françaises pourront être appelées à remplir, nos armées s’appuieront le plus longtemps possible sur les capacités existantes de façon à permettre la modernisation des équipements dans les secteurs clés où la supériorité technologique est le facteur déterminant du succès. La situation financière du pays ne permettra pendant quelques années qu’une modernisation progressive de certains équipements. Le choix des investissements doit également permettre de sauvegarder tous les secteurs majeurs d’une industrie performante, où la recherche de la compétitivité sera permanente. Cet ajustement du rythme de la modernisation dans les prochaines années sera appliqué de manière différenciée en fonction des défis opérationnels que nos forces doivent pouvoir relever. Sur terre, sur mer ou dans les airs, nos forces continueront de disposer des moyens du meilleur niveau leur permettant de s’imposer face à un adversaire de qualité étatique ; la rénovation de certaines de nos capacités, notamment des frégates légères furtives, des avions mirage 2000D, de certains appareils de transport aérien ou des moyens blindés permettra par ailleurs de conserver des volumes de forces significatifs, adaptés aux opérations de protection, de présence ou de gestion de crise dans la durée.

Le principe de mutualisation

Ce principe repose, par exception au principe de différenciation, sur la mutualisation des ensembles de capacités rares et critiques conçues et engagées au bénéfice de plusieurs types de missions, selon les besoins et le temps des engagements. Ces capacités militaires ou de sécurité peuvent être mutualisées au bénéfice de différentes missions des armées (protection, dissuasion, intervention), ou entre plusieurs organismes de l’État (pour les capacités techniques partagées entre services de renseignement), ou pour une mise en commun avec nos partenaires européens.

Nous pourrons ainsi tirer le meilleur parti de l’acquisition et de l’utilisation de certains des systèmes les plus coûteux. Ainsi, l’accompagnement des composantes aérienne ou océanique de la dissuasion, l’engagement dans une opération majeure de haute intensité, la sécurisation des approches du territoire ou d’un théâtre de gestion de crise font souvent appel aux mêmes moyens, que notre stratégie devra pouvoir utiliser de manière centralisée. Cette mutualisation pourra également s’appliquer au niveau européen, en particulier dans le domaine spatial, dans les domaines du transport aérien, du ravitaillement en vol, de la capacité aéronavale, de la surveillance des théâtres d’opérations, ou de la logistique dans les zones de crise.

1.3.3. Les cinq fonctions stratégiques, les contrats opérationnels et les capacités militaires associées

La stratégie française repose sur une convergence accrue entre les cinq grandes fonctions stratégiques identifiées progressivement depuis la professionnalisation des forces armées. Les objectifs de cette stratégie s’incarnent notamment dans les contrats opérationnels assignés par le Président de la République aux armées. Ces nouveaux contrats opérationnels, qui entreront en vigueur au 1er janvier 2014, distinguent des missions permanentes – postures à tenir pour le renseignement, la protection du territoire et de la population, la dissuasion, les capacités de réaction en urgence – et non permanentes – opérations de coercition majeures ou opérations de gestion de crise.

La connaissance et l’anticipation

La fonction « connaissance et anticipation » vise à donner à la France une capacité d’appréciation autonome des situations, indispensable à une prise de décision libre et souveraine comme à la conduite de l’action. Le renseignement joue un rôle central dans cette fonction, qui conditionne aussi l’efficacité des forces ; il constitue l’une des priorités majeures du Livre blanc de 2013.

Plus précisément, le développement de nos capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement sera prioritaire sur toute la durée de la planification d’ici 2025-2030. Les efforts porteront sur les composantes spatiales et aériennes, pour l’imagerie comme pour l’interception électromagnétique, ainsi que sur les ressources humaines. Toutes les opérations récentes ont montré l’impérieuse nécessité de disposer de drones qu’il s’agisse de drones de théâtre de moyenne altitude longue endurance (male) ou de drones tactiques. La mutualisation du renseignement d’origine satellitaire sera proposée à nos partenaires européens, de même que la capacité à déployer et exploiter les drones de surveillance. Des capacités de veille stratégique, la maîtrise et le traitement automatisé de l’information ainsi que de nouveaux moyens de surveillance et d’interception électromagnétique garantiront l’efficacité de cette fonction stratégique. L’effort consenti depuis le début des années 2000 au bénéfice des capacités techniques interministérielles sera poursuivi. En raison de son importance nouvelle, le développement des activités du renseignement dans le domaine cyber et des moyens techniques associés sera poursuivi ; il doit permettre de mieux identifier l’origine des attaques, d’évaluer les capacités offensives des adversaires potentiels et, si nécessaire, d’y répondre.

Dans le même temps, la communauté française du renseignement sera consolidée sous l’égide du coordonnateur national du renseignement. La mutualisation des moyens et une plus grande interopérabilité entre les services seront recherchées. Les effectifs dédiés à la fonction renseignement seront mis en cohérence avec les besoins nouveaux associés à la mise en œuvre des équipements techniques et à l’analyse de flux d’informations accrus. Le renseignement fera l’objet d’une attention prioritaire et bénéficiera d’un effort financier substantiel sur la période 2014-2019. S’agissant du renseignement intérieur, la transformation de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en une direction générale de la sécurité intérieure, directement rattachée au ministre de l’intérieur, s’accompagnera du recrutement d’au moins 430 personnels supplémentaires sur les cinq prochaines années. Pour leur part, les services de renseignement relevant du ministère de la défense bénéficieront d’un renforcement des effectifs de l’ordre de 300 postes supplémentaires. Outre le contrôle administratif, via la constitution d’une fonction d’inspection du renseignement, le contrôle parlementaire de la politique du Gouvernement en matière de renseignement sera étendu par le renforcement des compétences et des attributions de la Délégation parlementaire au renseignement, porté par la présente loi.

La dissuasion

La dissuasion française repose sur la retenue qu’impose à un adversaire étatique la perspective de dommages inacceptables, hors de proportion avec l’enjeu d’une agression ou d’une menace d’agression contre les intérêts vitaux de la France. Par essence purement défensive, son exercice relève de la responsabilité directe du Président de la République. Elle doit pouvoir s’adapter à la diversité des situations qui résultent, notamment, de la croissance ou de la modernisation de certains arsenaux dans le monde et des risques de la prolifération nucléaire au Moyen-Orient et en Asie. Elle contribue par son existence à la sécurité de l’Alliance atlantique et à celle de l’Europe. Elle garantit en permanence notre autonomie de décision et notre liberté d’action dans le cadre de nos responsabilités internationales.

Le maintien de deux composantes, océanique et aéroportée, a été réaffirmé par le Président de la République pour répondre au besoin de complémentarité des performances et des modes d’action, et pour se prémunir d’une surprise opérationnelle ou technologique. Ce choix impose de poursuivre l’effort nécessaire à la crédibilité et à la pérennité des capacités nécessaires à la mise en œuvre de la dissuasion par les deux composantes. Cet effort exerce aussi un effet d’entraînement sur nos aptitudes technologiques et nos capacités industrielles. Il sera conduit dans le respect du principe de stricte suffisance de l’armement nucléaire attaché à notre concept de dissuasion.

La protection

La fonction protection vise à garantir l’intégrité du territoire, à assurer aux Français une protection efficace contre l’ensemble des risques et des menaces, en particulier le terrorisme et les cyberattaques, à préserver la continuité des grandes fonctions vitales de la Nation et à garantir sa résilience. Si l’ensemble des fonctions stratégiques et des moyens civils autant que militaires concourent à la protection, les armées garantissent, en métropole comme outre-mer, la sûreté du territoire, de son espace aérien et de ses approches maritimes.

Dans ce cadre, les postures permanentes de sûreté de nos armées seront maintenues. Les forces armées continueront également à apporter une contribution à l’action de l’État en mer. En cas de crise majeure, elles doivent pouvoir renforcer les forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, avec un concours qui pourra impliquer jusqu’à 10 000 hommes des forces terrestres, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes.

La capacité de déploiement majeur doit permettre de contribuer, au profit de l’autorité civile, et en quelques jours, à la sécurité des points d’importance vitale, à celle des flux essentiels pour la vie du pays, au contrôle de l’accès au territoire, à la sauvegarde des populations.

Les capacités pouvant être mises en œuvre dans ce cadre comprennent des dispositifs terrestres aériens et maritimes de sécurisation et des moyens spécialisés des armées permettant de concourir au rétablissement des fonctions essentielles du pays en cas de crise (communication, circulation, transport).

Cette posture sera complétée par le dispositif de cyberdéfense militaire, qui fera l’objet d’un effort marqué sur la période de programmation, en relation étroite avec le domaine du renseignement. La France développera sa posture sur la base d’une organisation de cyberdéfense étroitement intégrée aux forces, disposant de capacités défensives et offensives pour préparer ou accompagner les opérations militaires. L’organisation opérationnelle des armées intégrera ainsi une chaîne opérationnelle de cyberdéfense, cohérente avec l’organisation et la structure opérationnelles de nos armées, et adaptée aux caractéristiques propres à cet espace de confrontation : unifiée pour tenir compte de l’affaiblissement de la notion de frontière dans cet espace ; centralisée à partir du centre de planification et de conduite des opérations de l’état-major des armées, pour garantir une vision globale d’entrée et une mobilisation rapide des moyens nécessaires ; et spécialisée car faisant appel à des compétences et des comportements spécialement adaptés. La composante technique confiée à la direction générale de l’armement (DGA) aura pour mission de connaître et anticiper la menace, de développer la recherche amont, et d’apporter son expertise en cas de crise informatique touchant le ministère de la défense.

La prévention des crises

La prévention des crises qui affectent notre environnement inclut des actions diversifiées, allant de l’élaboration de normes nationales et internationales à la lutte contre les trafics, au désarmement, à la consolidation de la paix, ainsi qu’à la coopération militaire.

Dans cette perspective, la France s’appuiera notamment sur des déploiements navals permanents dans une à deux zones maritimes et sur des moyens prépositionnés (base des Émirats Arabes Unis et plusieurs implantations en Afrique). En accord avec les États concernés, la France maintiendra en Afrique des forces déployées dans la bande sahélo-saharienne et sur les façades est et ouest africaines afin de contribuer activement à la sécurité de ce continent. Des actions de coopération structurelle et opérationnelle permettront la consolidation des capacités militaires et des architectures de sécurité sous-régionales africaines dans le cadre de l’Union africaine et, le cas échéant, la mise en œuvre des résolutions des Nations Unies et la protection des ressortissants français. Ces déploiements seront adaptés afin de disposer de capacités réactives et flexibles en fonction de l’évolution des besoins. Les accords de coopération ou de défense entre la France et les pays africains concernés seront publiés et soumis au Parlement.

Les moyens et équipements utilisés pour cette fonction sont ceux des autres fonctions stratégiques. Les capacités dédiées à l’intervention dans le cadre d’opérations majeures de coercition peuvent notamment être utilisées pour empêcher un acteur régional de s’en prendre à nos intérêts de sécurité ou à ceux de nos alliés ou partenaires.

L’intervention

L’intervention extérieure a pour objectif d’assurer, par la projection de nos capacités militaires à distance du territoire national, la protection de nos ressortissants à l’étranger et la défense de nos intérêts stratégiques et de sécurité, comme de ceux de nos partenaires et alliés ; elle doit nous permettre d’exercer nos responsabilités internationales.

Nos capacités militaires d’intervention seront développées de manière différenciée, en fonction des missions que les armées sont appelées à remplir.

Les opérations de gestion de crise appellent des moyens militaires permettant de contrôler de vastes espaces, robustes, adaptés à des missions poursuivies dans la durée, à même de faire face à des situations de violence diffuse au milieu des populations, face à des adversaires utilisant des modes d’action asymétriques. Dans ces crises, nos capacités militaires devront permettre aux armées de s’engager dans la durée sur deux ou trois théâtres distincts, dont un en tant que contributeur majeur. Le total des forces déployées à ce titre sur l’ensemble des théâtres sera constitué, avec les moyens de commandement et de soutien associés :

– de forces spéciales et d’un soutien nécessaire à l’accomplissement des missions envisagées ;

– de l’équivalent d’une brigade interarmes représentant 6 000 à 7 000 hommes des forces terrestres ;

– d’une frégate, d’un groupe bâtiment de projection et de commandement et d’un sous-marin nucléaire d’attaque en fonction des circonstances ;

– d’une douzaine d’avions de chasse, répartis sur les théâtres d’engagement.

La nature des opérations ou leur sécurisation pourra rendre nécessaire l’utilisation de moyens supplémentaires permettant des frappes à distance à partir de plateformes aériennes ou navales.

Les opérations à dominante de coercition nécessitent des forces du meilleur niveau technologique, capables de prendre l’ascendant sur un adversaire de niveau étatique déployant des moyens militaires organisés et disposant d’une puissance de feu importante. Les capacités militaires que nous développerons à ce titre devront nous permettre de mener en coalition, sur un théâtre d’engagement unique, une opération majeure dans un contexte de combats de haute intensité. Cet engagement, d’une durée limitée, suppose un préavis suffisant, évalué aujourd’hui à environ 6 mois, ainsi que la ré-articulation de notre dispositif dans les opérations qui seraient en cours.

Les armées devront pouvoir assumer tout ou partie du commandement de l’opération. À ce titre, les forces françaises conserveront la capacité de participer à une opération d’entrée en premier sur un théâtre de guerre dans les trois milieux (terrestre, naval et aérien).

La France pourra engager dans ce cadre, avec les moyens de commandement et de soutien associés :

– un ensemble significatif de forces spéciales ;

– jusqu’à deux brigades interarmes représentant environ 15 000 hommes des forces terrestres, susceptibles d’être renforcées par des brigades alliées pour constituer une division de type OTAN, dont la France pourra assurer le commandement ;

– jusqu’à 45 avions de chasse, incluant les avions de l’aéronautique navale ;

– le porte-avions, deux bâtiments de projection et de commandement, un noyau clé national d’accompagnement à base de frégates, d’un sous-marin nucléaire d’attaque et d’avions de patrouille maritime ; la permanence de cette capacité aéronavale s’inscrira dans le cadre de la force intégrée franco-britannique prévue par les accords de Lancaster House ;

– les moyens permettant d’assurer les fonctions de commandement, de renseignement et de logistique de l’opération (transport, santé, essence, munitions, stocks de rechange).

À l’issue de cet engagement, la France gardera la capacité à déployer sur le théâtre concerné une force interarmées pouvant participer à une opération de gestion de crise dans la durée.

Enfin, au titre de leurs missions permanentes, les armées disposeront d’un échelon national d’urgence de 5 000 hommes en alerte, rassemblant des moyens adaptés aux opérations de gestion de crise comme aux opérations de coercition. Ce réservoir de forces permettra de constituer une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes, projetable dans un délai de 7 jours à 3 000 km du territoire national ou d’une implantation à l’étranger. Les armées devront rester capables de mener, avant ce délai de 7 jours, une action immédiate par moyens aériens.

2. La loi de programmation 2014-2019, une étape vers le modèle d’armée de l’horizon 2025

Le Livre blanc de 2013 définit un modèle d’armée qui sera atteint entre 2025 et 2030. Ce modèle détermine ainsi le point de convergence des efforts d’équipement exposés dans la présente loi.

2.1. Une dissuasion à deux composantes

D’ici 2025, la pérennisation de la dissuasion nucléaire française sera conduite dans le respect du principe de stricte suffisance et le maintien des savoir-faire techniques et industriels sera assuré.

La période 2014-2019 sera marquée à la fois par la poursuite de la modernisation des composantes et par la préparation de leur renouvellement.

2.1.1. Composante océanique

La composante océanique bénéficiera notamment de la livraison du M 51.2 avec sa tête nucléaire océanique, de l’adaptation de deux snle ng au missile M 51, du lancement des travaux d’élaboration du sous-marin nucléaire lanceur d’engin de 3° génération (snle 3G) et du lancement du développement de la future version du missile M 51 (M 51.3).

2.1.2. Composante aéroportée

La modernisation de la composante aéroportée sera poursuivie, notamment par la livraison de rafale permettant la transformation du second escadron nucléaire, le lancement des travaux de rénovation à mi-vie du missile asmp-a et des études technologiques de son successeur.

Le renouvellement des ravitailleurs C 135 (56 ans en 2019), longtemps retardé, sera engagé par le lancement en 2014 de l’acquisition d’une flotte de 12 mrtt, dont les deux premiers seront livrés sur la période. Ces nouveaux appareils répondront au besoin mutualisé des fonctions de dissuasion, de protection et d’intervention.

2.1.3. Transmissions nucléaires

Les systèmes de transmissions nucléaires feront l’objet de mesures de modernisation touchant principalement les réseaux d’infrastructures de transports des services (ramses), le système de transmissions de la composante océanique (transoum), le système de transmissions de la composante de dissuasion aéroportée (transaero) et le système de communication de dernier recours (syderec ng).

2.1.4. Simulation

Le programme de simulation apporte à la dissuasion la garantie fondamentale de la fiabilité, de la sûreté et de la capacité de renouvellement dans le temps et en pleine souveraineté de nos armes nucléaires. Il sera poursuivi, avec la mise en service du Laser mégajoule en 2014 et la poursuite de la coopération franco-britannique dans le cadre du programme teutates.

2.2. Les capacités dédiées au renseignement

Au cours de la période 2014-2019, dans le domaine de l’imagerie spatiale, la France prévoit la mise en service de la composante spatiale optique (CSO) de musis (Multinational Space-based Imaging System for surveillance, reconnaissance and observation) qui permettra des prises de vues en extrême haute résolution et une capacité de revisite (délai entre deux survols d’un même point du globe) améliorée.

Les programmes de drones d’observation et de surveillance seront mis en œuvre de façon à prendre le relais des systèmes provisoires et vieillissants détenus jusqu’à ce jour par les armées. Ils devront apporter dans les délais les plus courts les capacités indispensables tant au niveau des théâtres d’opérations qu’au niveau tactique. Pour faire face à l’urgence et rattraper le retard qui pénalise aujourd’hui nos armées, ils seront acquis dans un premier temps auprès des États qui les produisent, compte tenu de l’absence de solutions nationales ou européennes. Ils devront emporter à terme des capteurs optique ou électromagnétique français ou européens. 12 drones de théâtre, de moyenne altitude longue endurance (male), seront acquis sur la période de la loi de programmation. Il sera proposé à nos partenaires européens de partager nos expériences et nos capacités, et d’impliquer nos industries dans l’adaptation de ces équipements à nos propres besoins. La génération suivante de ces drones sera en outre préparée en privilégiant la coopération européenne.

Moins endurants(1) et plus nombreux, les drones tactiques permettent l’appui direct en renseignement des forces. La génération actuelle (sdti) arrivera à obsolescence entre 2015 et 2017 ; de nouveaux systèmes de drones plus récents seront acquis pour disposer d’une quinzaine de vecteurs à l’horizon 2019 sur la trentaine prévue dans le modèle.

[(1) Les drones tactiques agissent à portée radio.]

Des avions légers de surveillance et de renseignement compléteront le dispositif sur le segment d’évaluation et de suivi des crises. Leur emploi pourra être mutualisé entre les forces et les services de renseignement.

Par ailleurs, un flux financier sera nécessaire pour valoriser les systèmes d’exploitation actuels afin de prendre en compte les nouveaux capteurs et, ultérieurement, d’en assurer la cohérence avec le système d’information des armées (SIA) et la compatibilité avec les architectures jisr de l’OTAN.

Le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) est une composante essentielle du dispositif d’ensemble. La capacité ROEM spatiale est la seule à pouvoir établir la cartographie exhaustive des activités électromagnétiques adverses. À ce titre, elle est indispensable à la sauvegarde des aéronefs et navires. Elle garantit l’actualisation des contremesures et permet enfin de contrôler des sites protégés par des défenses sol-air. La France dispose aujourd’hui du démonstrateur elisa, constellation de satellites-démonstrateurs lancée en 2011, et qui sert à la définition du programme ceres. Celui-ci sera développé durant la période de programmation pour une mise en service au plus tard en 2020. Pour sa partie terrestre, le dispositif stratégique fixe de recueil de ROEM opéré par les armées et la direction du renseignement militaire (DRM) est constitué de centres d’interception et de la chaîne de radiogoniométrie. Des investissements sont nécessaires à la modernisation des équipements d’interception et de localisation, et à la rationalisation des systèmes d’exploitation associés (projets ROEM stratégique et SEVE(1)). S’agissant du renseignement aéroporté, les capacités du transall gabriel seront remplacées à l’horizon de l’arrêt de la flotte transall avec l’entrée en service de la charge universelle de guerre électronique (cuge) dont le vecteur devra être déterminé. Dans le domaine maritime, la charge utile du bâtiment Dupuy de Lôme sera modernisée en 2017. Les moyens mobiles de renseignement électromagnétique (escadron électronique sol de l’armée de l’air, baies COMINT de la marine nationale et brigade de renseignement de l’armée de terre), qui appuient au plus près les forces engagées pour fournir notamment le renseignement d’alerte, devront être en partie renouvelés sur la période à venir, à travers le projet ROEM tactique.

[(1) Système de valorisation des écoutes.]

Dans le domaine de la connaissance du milieu géophysique indispensable aux opérations, un système d’information géophysique sera réalisé dans le but de mettre à disposition des forces l’ensemble des données géophysiques nécessaires à la conduite des opérations et au fonctionnement des systèmes d’armes dans les meilleures conditions de performances.

À la fin de la période, la modernisation des équipements de navigation par satellite des armées (omega) sera lancée. Elle inclura le développement d’une capacité autonome de géolocalisation capable d’utiliser les signaux GPS et Galileo, et résistant aux interférences et au brouillage.

2.3. Les capacités dédiées à la protection du territoire

2.3.1. Cyberdéfense

Les moyens dévolus à la cyberdéfense feront l’objet d’un renforcement significatif. Les ressources humaines seront accrues grâce à un plan de renforcement substantiel concernant notamment plusieurs centaines de spécialistes. En particulier, les effectifs de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, qui devront atteindre 500 agents en 2015, seront régulièrement augmentés, à la hauteur des efforts consacrés par nos principaux partenaires européens. Les moyens du ministère de la défense consacrés à la cyberdéfense poursuivront les montées en puissance décidées antérieurement avec le recrutement d’au moins 350 personnels supplémentaires sur la période 2014-2019. Les investissements dans les études amont et dans l’acquisition d’équipements seront significativement relevés, notamment au sein du programme SSI-CYBER. En particulier, la poursuite de la réalisation de l’opération Moyen Technique de Lutte Informatique Défensive (MTLID) permettra d’étendre le périmètre des systèmes surveillés et de fournir à la chaîne opérationnelle une situation unique d’intérêt cyberdéfense.

2.3.2. Sauvegarde maritime

La sauvegarde maritime participe à la fonction protection et aux missions d’action de l’État en mer. Elle s’appuie sur un ensemble de moyens armés par la marine et par la gendarmerie maritime.

La nouvelle version du système spationav, qui fédère et redistribue les informations de surveillance maritime, est en cours de déploiement sur l’ensemble des façades métropolitaines ainsi qu’aux Antilles et en Guyane. Elle intègre de nouveaux capteurs et sera interconnectable avec les systèmes équivalents européens.

Deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) seront livrés en 2017. La capacité navale d’intervention reposera par ailleurs en métropole et outre-mer sur le maintien d’unités existantes (frégates de surveillance, avisos et patrouilleurs reconvertis, patrouilleurs P 400 et de service public), en attendant la livraison après 2020 des nouveaux patrouilleurs hauturiers batsimar. La flotte sera complétée par deux patrouilleurs à faible tirant d’eau « plg » spécifiquement adaptés à la Guyane, qui seront livrés en 2016, ainsi que par trois bâtiments multi-missions B2M qui seront livrés aux Antilles, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie en 2015 et 2016.

En matière de capacité aérienne de surveillance et d’intervention maritime, la flotte de quatre atlantique 2 dédiés à cette mission, de quatre falcon 50 M et de cinq falcon 200 gardian sera complétée par la livraison en cours de quatre falcon 50 reconvertis, qui seront en outre dotés d’une capacité de largage de chaînes Sar. La commande des futurs avions de surveillance et d’intervention (avsimar) interviendra au delà de la période de programmation.

Le système de lutte anti-mines futur (slamf) devrait reposer sur des drones de surface et sous-marins et sur des bâtiments porteurs dits « bateaux-mères ». Ce projet fait l’objet d’une coopération franco-britannique et d’un développement sur la période. Le modèle prévoit que la livraison des huit systèmes de drones anti-mines, des quatre bateaux-mères et de cinq nouveaux bâtiments-bases pour plongeurs démineurs débutera en 2021.

2.3.3. Sûreté aérienne

Le programme sccoa (Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales) poursuivra la modernisation des capacités de surveillance de l’espace aérien et des approches du territoire, de surveillance de l’espace exo-atmosphérique, de contrôle des vols, de commandement des opérations aériennes et de la défense sol-air. Il amènera les centres français de détection et de contrôle au standard OTAN en 2015 et débutera le renouvellement des radars. Parallèlement, la rénovation des avions de détection et de commandement aéroportés de l’armée de l’air et de la marine sera poursuivie.

2.3.4. Défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC)

La poursuite des opérations de défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) pérennisera les capacités existantes et comblera certaines lacunes jugées critiques, en particulier par l’intégration aux SIC existants des capacités de gestion de l’information NRBC et d’aide au commandement, la modernisation des équipements de protection individuelle et collective, une amélioration des capacités de détection sur l’ensemble du spectre des menaces, notamment dans le domaine chimique, le remplacement des moyens majeurs de décontamination, la préservation et l’optimisation des moyens de contre-mesures médicales contre les agents principaux de la menace NRBC.

2.4. Les capacités de commandement

À l’horizon 2025, les armées françaises disposeront des capacités de commandement et de contrôle permettant d’assurer à tout moment, au niveau stratégique, le commandement opérationnel et le contrôle national des forces engagées. Elles pourront aussi bien planifier et conduire des opérations autonomes ou en tant que nation-cadre d’une opération multinationale, que contribuer au plus haut niveau à des opérations multinationales. Les armées disposeront ainsi de la capacité de déployer des systèmes de commandement de théâtre d’opérations et de coordination logistique de théâtre dans les différents milieux pour des opérations de niveau division ou équivalent. Dans le cadre d’un engagement majeur, notamment au sein de l’OTAN, les armées conserveront la capacité de mettre sur pied des commandements de composante terrestre, maritime et aérienne du niveau d’un corps d’armée ou équivalent. La « numérisation des opérations » visera à obtenir un avantage stratégique et tactique sur l’adversaire par la supériorité informationnelle, en particulier pour permettre la circulation de l’information brute ou traitée entre les capteurs de renseignement, les centres de traitement et les centres de commandement.

Dans la période 2014-2019, en ce qui concerne les capacités de télécommunication à longue distance, sera lancée la réalisation du programme comsat ng éventuellement sous forme non patrimoniale, destiné à garantir la continuité de service du système syracuse, et du programme descartes, pour rénover les réseaux de télécommunications d’infrastructure du ministère. Le renforcement des réseaux de communication opérationnels concernera notamment contact, avec de premières livraisons en 2018, ASTRIDE à partir de 2014 et l’achèvement de rifan 2 avant 2020 et la mise en service opérationnel du système de commandement et de conduite des opérations (ACCS) dans le cadre du programme sccoa. Enfin, le traitement et la gestion de l’information seront assurés par le Système d’information des armées (SIA) dont les premiers équipements seront livrés à compter de 2014.

2.5. Les forces spéciales

Les forces spéciales se sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes. Complémentaires des forces conventionnelles, elles sont particulièrement adaptées aux besoins accrus de réaction dans l’urgence, en souplesse et dans la profondeur contre un dispositif hostile ou complexe. Elles offrent au commandement militaire et aux autorités politiques des options diverses et adaptées, souvent fondées sur la surprise. Elles disposent d’une chaîne de commandement direct, dont les moyens seront accrus et la dimension interarmées confortée. Leurs effectifs seront renforcés d’environ 1 000 hommes, de façon progressive, adaptée à la spécificité de leurs actions et de leur recrutement et formation. Leurs équipements feront l’objet d’un effort spécifique, marqué en particulier par la réalisation du programme de transmissions sécurisées melchior et les livraisons des premiers véhicules adaptées aux opérations spéciales (programme d’ensemble vlfs/plfs). Les moyens aériens et aéromobiles feront l’objet d’un effort particulier. L’ensemble de la flotte de caracal des armées sera regroupé sur un seul site sous l’autorité du commandement des opérations spéciales.

2.6. Les forces terrestres

À l’horizon 2025, les forces terrestres disposeront d’unités adaptées à la diversité, à la durée, à la dispersion et au durcissement des opérations. Elles offriront une capacité opérationnelle de l’ordre de 66 000 hommes projetables, comprenant les forces spéciales terrestres, sept brigades interarmes, des unités d’appui et de soutien opérationnel, les unités prépositionnées et celles qui sont implantées dans les outre-mer, ainsi que la contribution française à la brigade franco-allemande.

Les brigades interarmes seront articulées en trois composantes complémentaires. Deux brigades seront aptes à l’entrée en premier et au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds. Trois brigades multi rôles seront prioritairement équipées et entraînées pour la gestion de crise. Enfin deux brigades légères seront capables d’intervenir dans des milieux spécifiques et difficiles ou très rapidement, par exemple en lien avec les forces spéciales ou en complément de leur action.

Les forces terrestres comporteront également des unités d’appui et de soutien opérationnel : une brigade logistique rassemble les unités destinées à ravitailler les forces et maintenir leurs équipements ; une brigade de renseignement dispose de plusieurs unités spécialisées aptes au renseignement d’origine humaine, électromagnétique ou à la mise en œuvre de drones. Une brigade de transmission et d’appui au commandement assure les liaisons nécessaires, notamment lorsque sont déployés des états-majors du niveau du corps d’armée ou de la division dans le cadre des opérations nationales ou multinationales ; enfin les régiments d’hélicoptères de combat et plusieurs unités spécialisées (lutte NBC, bataillon cynophile) sont à même de renforcer les forces déployées.

La poursuite de l’effort de numérisation et une préparation opérationnelle appropriée garantiront la cohérence entre ces trois composantes et leur capacité à se renforcer mutuellement. Ces forces disposeront à l’horizon 2025 d’environ 200 chars lourds, 250 chars médians, 2 700 véhicules blindés multi rôles et de combat, 140 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque, 115 hélicoptères de manœuvre et une trentaine de drones tactiques.

La période 2014-2019 constitue une étape déterminante dans la constitution de ce modèle.

2.6.1. Le renouvellement de nos capacités de combat aéroterrestre entre 2014 et 2019

L’opération d’ensemble scorpion vise à renouveler les moyens du combat de contact terrestre comme un tout cohérent et évolutif. Elle sera lancée en 2014. Organisée autour d’un système d’information de combat dont sera livrée mi-2016 une première version (SICS V0) puis une évolution en 2018 (SICS V1). Elle comprend également le remplacement de plusieurs matériels majeurs, différenciés en fonction des types d’opération auxquelles seront en priorité destinées les différentes brigades. scorpion permettra ainsi d’acquérir la supériorité opérationnelle et d’accélérer le rythme de la manœuvre des forces de contact dans les opérations de coercition, comme de soutenir des engagements dans la durée face à une menace asymétrique au milieu des populations dans les opérations de gestion de crise.

La rénovation de la composante blindée lui permettra d’emporter la décision dans les opérations d’entrée en premier, et de constituer un élément dissuasif et d’assaut dans les crises. La période sera d’abord marquée par la fin des livraisons des 630 vbci en 2015, dont 95 disposeront d’un niveau de protection adapté aux théâtres d’opérations les plus exigeants. La rénovation de 200 chars leclerc débutera en 2018, les premières livraisons étant attendues à partir de 2020. Le développement de 248 ebrc (Engins Blindés de Reconnaissance de Combat) sera initié, les premières commandes intervenant en 2018.

Les opérations de gestion de crise nécessitent des volumes de forces importants, équipés de matériels robustes et durables, aptes à faire face à des pics de violence et à intervenir dans des situations marquées par la difficulté d’identifier les belligérants. À cette fin, la rénovation de l’infanterie et des unités d’appui et de soutien du contact, très sollicitées par les opérations actuelles, repose principalement sur le remplacement des vab (Véhicule de l’Avant Blindé) par 2 080 vbmr (Véhicule Blindé Multi-Rôle) livrés à compter de 2018.

La supériorité des combattants au contact sera améliorée par la livraison, à partir de 2017, des premiers des 90 000 aif (Armement Individuel Futur) en remplacement du famas, par les dernières livraisons, en 2014, des 18 552 équipements individuels du combattant felin, puis de 4 000 gilets modernisés, renforçant ainsi la protection et les capacités des forces dans un souci d’allègement du combattant débarqué.

Par ailleurs, pour améliorer la cohérence des forces du contact, des études sont poursuivies pour préparer les livraisons ultérieures de 1 470 vbae (Véhicules Blindés d’Aide à l’Engagement), la modernisation des équipements du combattant (felin v2) et les évolutions du vbci.

2.6.2. Appui (missiles, artillerie et génie) et soutien logistique

Le missile antichar milan sera remplacé à partir de 2017 par le missile moyenne portée (mmp), qui sera doté de performances opérationnelles, d’une polyvalence et d’une souplesse d’emploi supérieure. Le blindé médian ebrc sera équipé d’un missile de type mmp, à capacité d’agression antichars et anti-abris performante lors de son entrée en service dans les forces. L’acquisition d’un nouveau missile air-sol sera lancée à l’horizon 2021, pour remplacer les missiles air/sol hellfire dotant les hélicoptères tigre.

La capacité d’appui à l’engagement des forces sera améliorée avec le remplacement après 2019 de l’ebg (engin blindé du génie) par le mac (module d’appui au contact).

La transformation du lance-roquette multiple (lrm) en lance-roquette unitaire (lru) fournira une capacité d’appui tout temps, précise et réactive jusqu’à 70 km, adaptée aux engagements actuels ; 13 lanceurs seront livrés en 2014.

Le porteur polyvalent terrestre (ppt) permet une meilleure protection des équipages pour le ravitaillement, le transport de postes de commandement et de systèmes d’armes et l’évacuation de véhicules endommagés ; 450 véhicules auront été livrés en 2016.

2.6.3. Combat aéromobile et aéromobilité intra-théâtre

L’engagement des forces au contact nécessite le maintien de la mobilité tactique assurée conjointement par les hélicoptères de manœuvre et les hélicoptères d’attaque. Les gazelle « armées » (canon, hot et mistral) seront pour partie progressivement remplacées par des tigre, dont 21 tigre had livrés entre 2013 et 2020 en complément des 39 tigre hap, déjà livrés et mis progressivement au standard had

En complément des 26 cougar rénovés et des caracal, les puma seront progressivement remplacés par 68 hélicoptères nh 90 - tth, dont 38 seront livrés avant 2019. Une commande permettra ensuite de compléter la cible à 115 hélicoptères de manœuvre.

2.7. Les forces navales

À l’horizon 2025, les forces navales contribueront à la dissuasion nucléaire au travers de la permanence des patrouilles de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, ainsi qu’au travers de la force aéronavale nucléaire. Elles seront dimensionnées pour les opérations de haute intensité ou de crise majeure grâce à des capacités de combat de premier plan, polyvalentes, disposant de feux précis et puissants et s’intégrant sans difficulté dans les dispositifs multinationaux avec la faculté d’en prendre le commandement. Ces moyens s’articuleront autour du porte-avions, des sous-marins nucléaires d’attaque, des bâtiments de projection et de commandement, des frégates de défense aérienne et des frégates multi-missions. Ces capacités seront complétées par des unités de combat moins puissantes, permettant de préserver le potentiel des forces lourdes, et un nombre suffisant de moyens pour assurer la présence en mer. Enfin, les forces navales seront également constituées d’unités légères aptes au contrôle des espaces maritimes, dans nos approches et outre-mer : frégates de surveillance, patrouilleurs, bâtiments d’assistance. Les forces navales disposeront ainsi, à l’horizon 2025, de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, de 6 sous-marins nucléaires d’attaque, d’un porte-avions, de 15 frégates de premier rang, d’une quinzaine de patrouilleurs, de 6 frégates de surveillance, de 3 bâtiments de projection et de commandement, d’avions de patrouille maritime, ainsi que d’une capacité de guerre des mines apte à la protection de nos approches et à la projection en opération extérieure.

Dès la période 2014-2019, outre leurs capacités dédiées à la protection de nos approches maritimes et à l’action de l’État en mer, elles connaîtront une transformation importante de leurs capacités de lutte sous la mer, d’action vers la terre et de contrôle des espaces maritimes.

2.7.1. Groupe aéronaval (GAN) 

Le deuxième arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle débutera en 2016. Outre le rechargement des cœurs nucléaires et une révision générale, cet arrêt sera mis à profit pour réaliser une opération visant au maintien de ses principales capacités opérationnelles et son adaptation à un groupe aéronaval centré sur le rafale, consécutif au retrait définitif de service, en 2016, du super-étendard modernisé.

2.7.2. Sous-marins

Fin 2019, le premier des 6 nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque barracuda, remplaçant les rubis, aura été livré et admis au service actif. Les barracuda présenteront des capacités multi rôles, mettant en œuvre notamment, outre des capacités de renseignement, la torpille lourde, le missile de croisière naval (MdCN) et, lorsque nécessaire, des nageurs de combat.

2.7.3. Frégates

La construction et l’admission au service actif des frégates multi-missions (fremm), commencées avant 2014, se poursuivront. Sur les 11 fremm déjà commandées, 6 bâtiments seront livrés d’ici à 2019. Les deux suivants auront une capacité renforcée de défense aérienne, pour remplacer les deux frégates antiaériennes d’ancienne génération Cassard et Jean Bart, et compléter les deux unités de type horizon. Pour les trois suivantes, qui seront livrées d’ici à 2025, leur type pourra être adapté, en fonction de l’analyse du besoin et du marché, la décision étant prise au plus tard en 2016. Les fremm embarqueront le MdCN à partir de 2014, le missile antinavires exocet mm 40 B3 à portée étendue, la torpille anti-sous-marine mu 90, l’hélicoptère de combat anti-sous-marin nfh 90 et le missile de défense aérienne et anti-missiles aster.

Dans ce cadre, les opérations de rénovation des frégates furtives flf seront lancées en fin de période, au fil des arrêts techniques programmés. Ces frégates permettront d’assurer les missions résultant des contrats opérationnels, dans l’attente des nouvelles frégates de taille intermédiaire (fti) dont le programme sera engagé dans la période pour remplacer les frégates flf.

2.7.4. Logistique

La flotte logistique flotlog destinée à remplacer les actuels pétroliers ravitailleurs polyvalents et autres bâtiments de soutien comportera 3 unités, dont la première sera commandée en fin de période.

2.7.5. Patrouille maritime

La rénovation des avions de patrouille maritime ATL 2 entrera en réalisation avec de premières livraisons en 2018. Quatre avions auront été rénovés fin 2019 sur les quinze prévus.

2.7.6. Hélicoptères embarqués

Le nfh 90 (Nato Frigate Helicopter) version combat équipe les frégates de nouvelle génération horizon et fremm, à raison d’un hélicoptère par frégate. Le nfh 90 participe aussi aux missions de sauvetage en mer dans sa version soutien. Pour assurer ces missions de combat et soutien naval, 27 nfh 90 sont en cours de livraison. Les 24 premiers seront livrés avant la fin de la présente loi.

2.7.7. Torpilles et missiles

Les sna et les snle seront équipés de la nouvelle torpille lourde livrée à partir de 2016.

150 missiles de croisière navals, tirés de frégates fremm ou de sous-marins barracuda, seront livrés pendant la LPM.

La modernisation du missile exocet tiré de navire (mm 40) se poursuivra. Celle des exocet tirés d’avions (am 39) et de sous-marins (sm 39) sera étudiée.

En cohérence avec le principe de différenciation, un missile antinavires léger (anl) pour hélicoptère, destiné au combat en zone littorale et au combat asymétrique, contre des embarcations légères notamment, sera développé en coopération franco-britannique.

La livraison des missiles d’autodéfense aster 15 des fremm se poursuivra. La rénovation à mi-vie du système d’autodéfense (saam) du porte-avions sera réalisée à l’occasion de son arrêt technique majeur. Les études concernant les opérations de rénovation à mi-vie du principal système d’armes (paams) des frégates horizon et des missiles de la famille aster (15 et 30) seront lancées.

2.8. Les forces aériennes

À l’horizon 2025, les forces aériennes continueront d’assurer, en permanence, la mise en œuvre de la composante aéroportée de la dissuasion et la protection de l’espace aérien national et de ses approches. Elles poursuivront leur modernisation pour disposer de flottes d’avions polyvalents du meilleur niveau assurant des capacités d’entrée en premier, d’appréciation de situation, d’interopérabilité, de frappe dans la profondeur, de transport stratégique et tactique et d’appui de la manœuvre terrestre adaptées à un conflit majeur. Elles conserveront par ailleurs un nombre d’aéronefs suffisants, en prolongeant des avions plus anciens spécialisés, notamment pour remplir les missions de protection du territoire ou de gestion de crise. La préparation opérationnelle sera différenciée, un effort particulier étant réalisé pour disposer d’un premier cercle de forces employables avec un très haut niveau de réactivité dans tout le spectre des opérations. Cette démarche sera soutenue par une rénovation de l’entraînement et de la formation des pilotes de chasse (projet Cognac 2016). S’appuyant sur un centre de commandement et de conduite permanent et interopérable avec nos alliés, les forces aériennes comprendront notamment 225 avions de chasse (air et marine), ainsi qu’une cinquantaine d’avions de transport tactique, 7 avions de détection et de surveillance aérienne (air et marine), 12 avions ravitailleurs multi rôles, 12 drones de surveillance de théâtre, des avions légers de surveillance et de reconnaissance et 8 systèmes sol-air de moyenne portée.

Durant la période de la loi de programmation, les forces aériennes poursuivront la montée en puissance de la flotte rafale et mettront progressivement en œuvre des nouvelles capacités dont la nécessité s’est affirmée dans les opérations récentes.

2.8.1. Surveillance de l’espace extra-atmosphérique

Cette capacité sera pérennisée avec la consolidation des moyens existants pour les orbites basses (radar graves) et la mise en service en 2018 d’un système de traitement, de fusion et de diffusion des informations.

2.8.2. Aviation de chasse

Seront livrés sur la période, 26 nouveaux rafale air et marine, les livraisons à l’exportation également prévues permettant d’atteindre une cadence de production satisfaisante. Les 10 rafale marine déjà livrés entre 1999 et 2001 seront rénovés au dernier standard fonctionnel.

Par ailleurs, l’intégration de nouvelles capacités (missiles air-air longue distance meteor et systèmes de désignation pdl-ng) sera réalisée dans le cadre du développement d’un nouveau standard et appliquée sur l’ensemble de la flotte rafale air et marine déjà livrée. Seize de ces pdl-ng sont livrés en 2018 et 2019, pour une commande de 20 Pods.

Les opérations de prolongement des mirage 2000D, spécialisés dans les attaques au sol, débuteront, les premiers appareils rénovés étant livrés en 2019.

Le nouveau dispositif d’entraînement et de formation des équipages de combat, s’appuyant notamment sur des avions de formation à coût d’utilisation réduit et sur la simulation associée, sera mis en place à compter de 2017.

Enfin, une partie importante du financement de la recherche par la défense sera concentrée sur la préparation du futur système de drones (horizon 2030), notamment en coopération avec les Britanniques.

2.8.3. Capacité de projection aérienne tactique

Les livraisons d’avions de transport A 400M débuteront en 2013. Ces premières livraisons permettent de poursuivre le retrait engagé de la flotte C 160 en limitant les impacts de la réduction temporaire de capacités grâce aux performances supérieures de projection aérienne stratégique et tactique de ce nouvel appareil.

Pour répondre aux besoins des forces spéciales, la rénovation des C 130 en service sera engagée en 2015, afin de prolonger cette flotte dont le renouvellement a été repoussé après 2026. La livraison des appareils rénovés est prévue à compter de 2018.

2.8.4. Capacité de projection aérienne stratégique et de ravitaillement en vol

Le renouvellement des ravitailleurs C 135 (56 ans en 2019) sera engagé par le lancement en 2014 de l’acquisition d’une flotte de 12 mrtt, deux étant livrés sur la période, dont le premier en 2018. Cette nouvelle flotte répondra au besoin mutualisé des fonctions de dissuasion, de protection et d’intervention, en apportant des capacités importantes de ravitaillement en vol, de projection de puissance et de forces, de transport de fret et d’évacuations sanitaires aériennes lourdes. À terme, la capacité de projection stratégique et de ravitaillement en vol reposera sur la complémentarité entre les mrtt et les A 400M.

2.8.5. Missiles

Les 100 premiers missiles de croisière aéroportés scalp rénovés seront livrés au cours de l’année 2019, pérennisant ainsi la capacité jusqu’à l’horizon 2030.

En 2019, sera livré un premier lot de missiles air-air de supériorité aérienne meteor réalisés en coopération.

En 2017 sera lancé le développement du successeur du missile air-air mica. La livraison des kits aasm (armement air-sol modulaire) déjà commandés sera achevée pendant la période.

Le lancement prévu en 2014 de l’évolution du samp/t et du missile aster 30 (block 1 NT), qui équipe également les frégates et le porte-avions, permet d’accroître les performances anti-missiles balistiques et de traiter les obsolescences missile de l’ensemble de la famille à l’échéance de leur mi-vie.

2.9. Les organismes et les services interarmées

Les forces armées continueront de s’appuyer sur les organismes interarmées qui en conditionnent l’efficacité, sur les théâtres d’opération, comme sur le territoire national. C’est le cas, entre autres, du service des essences, de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information, du service du commissariat des armées, des services de soutien tels que la structure interarmées de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense, de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres et du service de soutien de la flotte.

Le service de santé des armées engagera une reconfiguration obéissant à un double principe de concentration sur ses missions majeures et d’ouverture dynamique sur la santé publique.

Il continuera en effet de jouer le rôle essentiel qui est le sien pour le soutien des soldats, particulièrement en opération, comme plus largement dans notre stratégie de défense et de sécurité nationale sur le territoire. Acteur déterminant de l’engagement opérationnel des forces, jusque dans les missions d’entrée en premier sur les théâtres d’opérations les plus exigeants, ses capacités seront, également, planifiées et sollicitées dans la gestion des crises, notamment en matière de gestion des crises sanitaires. Il prolongera les actions lui permettant de disposer de capacités uniques pour réagir aux situations en ambiance NBC.

Il continuera à développer le dispositif de suivi et d’accompagnement médical et psychologique mis en place pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures (OPEX) à l’issue desquelles ils risqueraient de développer des symptômes post-traumatiques.

Il sera en mesure de mettre en œuvre un dispositif sanitaire de veille opérationnelle composé d’un ensemble de modules d’intervention susceptibles d’être projetés avec une forte réactivité et dans la durée pour tous les types de missions des forces, notamment pour la protection des populations.

Dans le même temps, les relations du service de santé des armées avec la santé publique seront renforcées dans un esprit de synergie et de complémentarité géographique et fonctionnelle, en intégrant les structures militaires d’offre de soins dans les évolutions du système de santé public.

L’administration générale et le soutien commun connaîtront une profonde réorganisation visant à améliorer significativement la qualité de l’administration, du soutien et du service rendu à l’usager en posant les fondements d’un pilotage effectif et direct des opérateurs de terrain par le service du commissariat des armées (administration de bout en bout).

2.10. Récapitulatif : les principaux équipements du nouveau modèle d’armée

D’ici 2025, la réalisation de ce modèle d’armée permettra de combler certaines lacunes dans nos capacités actuelles, par exemple dans les domaines du renseignement, du transport aérien, du ravitaillement en vol, ou de l’aéromobilité. Il implique cependant une prolongation et donc un vieillissement accru de certains équipements, ainsi que des limitations temporaires de capacités, qui pourront être partiellement atténuées par des mutualisations ou un soutien européens. La France entend, à cet égard, s’engager résolument dans l’initiative de mutualisation et de partage capacitaire (Pooling and Sharing) développée dans le cadre de l’Union européenne. Cette démarche concernera les domaines du renseignement et des communications d’origine satellitaire, du déploiement et de l’exploitation des drones de surveillance, du transport stratégique, du ravitaillement en vol, du déploiement d’un groupe aéronaval et de la logistique dans les zones de crises. La réalisation du modèle d’armée repose, en outre, sur une certaine remontée des financements, dès le troisième tiers de la période de programmation, permettant de prendre en compte, en particulier, les échéances du renouvellement des composantes de la dissuasion et la livraison de nouveaux équipements conventionnels. C’est la raison pour laquelle les armées seront organisées afin de pouvoir, dans le cadre de la différenciation des forces, tirer le meilleur parti des parcs les plus anciens, tout en exploitant les capacités des équipements modernes au fur et à mesure de leur arrivée.

Ce nouveau modèle d’armée induit de nouvelles restructurations et une adaptation des formats. Ces décisions permettront à nos forces armées d’assurer pleinement les contrats opérationnels définis, tout en mettant en œuvre d’importantes mesures de rationalisation et de modernisation de l’action publique.

Parcs d’équipements et livraisons des principaux équipements LPM 14-195(1)

[(1) Un « X » indique la fonction stratégique considérée comme principale ; un « + » toutes les autres auxquelles l’équipement participe.]

 

Fonctions stratégiques

Principaux équipements concourant à la fonction

Parc / contrat opérationnel Livre Blanc

Parc 2013

Livraisons14-19

Connais-sance et anticipa-tion

Pro-tec-tion

Dis-sua-sion

Préven-tion

Inter-vention

X

+

+

+

MUSIS

2

0

2

X

+

CERES

1 système

0

Livraison 2020

X

+

+

Contact (équipements radio + nœuds de communication)

14 600

0

685+559

X

+

+

+

SIA (sites)

247

0

232

X

+

+

+

MALE (systèmes/vecteurs)

[SIDM Harfang]

4/12

0/0

[1/4]

4/12

X

+

+

+

Syst. Drones Tact. (systèmes/vecteurs)

2/30

0

2/14

X

+

+

+

ISR Léger

3

0

3

X

+

+

BSAH (acquisitions ou affrètements)

8

0

8

X

+

+

+

SLAMF (bâtiments + système de drones)

(4+8)

Premières commandes sur la période

+

+

X

+

+

ATL2 rénovés

15

0

4

+

+

X

+

+

MRTT

12

0

2

+

X

LRU

13

0

13

+

X

Chars leclerc rénovés

200

Commandés sur la période

+

X

EBRC

248

Commandés sur la période

+

X

VBCI

630

528

102

+

X

VBMR

2 080

0

92

+

+

X

AIF

90 000

0

21 340

+

+

X

FELIN

18 552

14 206

4 346

+

+

X

PPT

1 600

72

378

+

+

X

MMP (postes/missiles)

400

/2 850

0/0

175/450

+

X

TIGRE

Cible globale : 140 hélicoptères de reco-attaque.

43

16

+

+

X

NH 90 TTH

Cible globale : 115 HM(1)

9

29

+

+

+

X

NH 90 NFH

27

11

13

+

+

X

ATM2 CdG

1

0

1

+

+

+

+

X

FREMM

15 frégates de 1er rang (dont FDA)

1

5

+

+

+

+

X

Rénovation FLF – développement FTI

Commandée sur la période

+

+

X

FLOTLOG

3

Commandés sur la période

+

+

+

+

X

BARRACUDA

6

0

1

+

+

+

+

X

rafale

225en parc(2)

118

26(3)

+

+

X

Rénovation M 2000D

0

6

+

+

X

A 400M

Cible globale 50 avions de transport

tactique

2

13

X

AASM

1 748

1 216

532

[(1) HM : Hélicoptères de manœuvre.]

[(2) Parc constitué de 185 avions Air et 40 avions marine constitué de rafale, de mirage 2000-5 et de Mirage 2000D.]

[(3). Tenant compte de l’export.]

Les principaux équipements opérationnels de nos armées aujourd’hui et en 2019(1)

[(1) Intégrant les nouveaux équipements et les matériels plus anciens.]

 

Début 2013

Fin 2019

Cohérence interarmées

Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA).

ROEM(1) stratégique et tactique et ROIM spatial et tactique :

2 C 160G gabriel ;

2 satellites helios.

2 systèmes de drones male Harfang + 2 systèmes de drones tactiques.

Systèmes d’information des armées (SIC 21, SIC F…).

Plusieurs systèmes d’information géophysiques (Kheper, DNG3D…).

Communications par satellites souveraines (2 satellites syracuse).

Moyens C2 de niveau MJO(2) (nation-cadre), architecture de communication résiliente, capacité de ciblage, capacité d’opérations spéciales, soutien interarmées, capacité NRBC.

Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA).

ROEM stratégique et tactique et ROIM spatial et tactique :

2 C 160G gabriel ;

2 satellites musis.

4 systèmes de drones male + 2 systèmes de drones tactiques sdt (14 vecteurs aériens) + avions ISR légers.

Système d’information des armées (SIA).

Le système d’information géophysique des armées.

Communications par satellites souveraines (2 satellites syracuse).

Moyens C2 de niveau SJO(3) (nation-cadre) ou d’état-major de composante de niveau MJO, architecture de communication résiliente, capacité de ciblage, capacité d’opérations spéciales, soutien interarmées, capacité NRBC

Forces terrestres

254 chars Leclerc.

256 AMX 10RC + 110 ERC 90.

110 AMX 10P + 440 VBCI.

3 200 VAB.

157 canons de 155 mm dont 77 caesar + 13 LRU.

186 hélicoptères d’attaque et de reconnaissance (39 tigre + 147 gazelle).

121 hélicoptères de manœuvre (90 puma + 23 cougar + 8 caracal).

10 000 équipements felin.

200 chars Leclerc à rénover.

236 chars médians AMX 10RC(4).

630 VBCI.

2 190 VAB + 92 VBMR.

77 canons caesar + 13 LRU.

140 hélicoptères d’attaque et de reconnaissance (59 tigre + 81 Gazelle).

115 hélicoptères de manœuvre (38 NH 90 + 43 Puma + 26 cougar + 8 caracal).

18 552 équipements felin.

Forcesnavales

4 SNLE.

6 SNA type Rubis.

1 porte-avions nucléaire avec son groupe aérien.

17 frégates de 1er rang (dont 5 frégates légères furtives).

BPC et 1 TCD.

6 frégates de surveillance.

18 patrouilleurs et 3 Batral.

Guerre des mines : 11 CMT.

4 pétroliers-ravitailleurs d’ancienne génération.

22 ATL2.

15 avions de surveillance maritime.

31 hélicoptères moyens/lourds embarqués (dont 9 NFH).

52 hélicoptères légers.

4 SNLE.

6 SNA (5 type Rubis + 1 Barracuda).

1 porte-avions nucléaire avec son groupe aérien.

16 frégates de 1er rang en service(5).

BPC.

6 frégates de surveillance.

3 bâtiments multi missions B2M + 2 patrouilleurs guyanais PLG + 7 avisos A 69 + 6 patrouilleurs d’ancienne génération de tout type.

Guerre des mines : 10 CMT.

4 pétroliers-ravitailleurs d’ancienne génération, dont un maintenu en réserve(6).

18 ATL2, dont 4 rénovés.

16(7) avions de surveillance maritime (12 de type Falcon et 4 ATL2).

24 hélicoptères moyens/lourds embarqués NFH.

40 hélicoptères légers.

Forces aériennes

320 avions de combat en parc, dont 110 Rafale (35 marine), 160 Mirage 2000 de tout type, 25 Mirage F1 et 25 Sem.

4 E 3F AWACS.

14 avions ravitailleurs et 5 avions de transport stratégique (A 340 et A 310).

54 avions de transport tactique (C 130 et C 160).

42 hélicoptères moyens (dont 3 VIP).

42 hélicoptères légers.

215 avions de combat en parc(8).

4 E 3F AWACS.

14 avions ravitailleurs(9) + 4 avions de transport stratégique (A 340 et A 310) + 2 MRTT(10).

43 avions de transport(11).

32 hélicoptères moyens(12) (dont 3 VIP).

(dont 40 hélicoptères légers (Fennec).

[(1) Renseignement d’origine électromagnétique.]

[(2) Major Joint Operation : Dans le vocabulaire OTAN, opération du niveau corps d’armée pour l’armée de terre, de niveau JFACC 350 sorties/jour pour l’armée de l’air et de niveau Task Force pour la marine.]

[(3) Small Joint Opération : dans le vocabulaire OTAN, opération du niveau division ou équivalent.]

[(4) Nombre inférieur au format Livre blanc, dû à la diminution naturelle de ce parc d’ancienne génération.]

[(5) Deux frégates anti-sous-marines d’ancienne génération (désarmées post-2019 en fonction de l’admission au service actif des fremm pour maintenir au niveau requis la capacité de lutte sous la mer), 5 fremm (sur 6 livrées, la dernière étant en essais en fin de période), 4 frégates de défense aérienne (dont 2 faa d’ancienne génération) et 5 frégates légères furtives (à rénover).]

[(6) Compte tenu de leur âge, un pétrolier-ravitailleur est maintenu en réserve en cas d’avarie grave sur l’un des 3 autres.]

[(7) Selon la date exacte de retrait des Falcon F 200 arrivant en fin de vie.]

[(8) Le nombre d’avions dans les forces, transitoirement inférieur au format du Livre blanc, rejoindra ce format par la suite grâce à la poursuite des livraisons Rafale et aux opérations de prolongement de vie des Mirage 2000D et Mirage 2000-5. Au sein des armées, sera étudiée l’utilisation optimale des flottes en cours de retrait pour réaliser l’activité organique des équipages nécessaires aux contrats.]

[(9) Les C 135FR/KC 135, aux capacités sensiblement inférieures à celles des MRTT et à la disponibilité incertaine, seront retirés du service dès que possible au fur et à mesure de la livraison de ces derniers, de façon à ce que les contrats de dissuasion soient assurés sans restriction.]

[(10) Outre le ravitaillement en vol et le transport stratégique, les MRTT possèderont des capacités améliorées de transports de fret et d’évacuation sanitaire aérienne lourde.]

[(11) Cette flotte sera constituée de 15 A 400M, de 14 C 160 maintenus en service pour compenser partiellement le décalage des livraisons A 400M et de 14 C 130.]

[(12) La flotte d’hélicoptères moyens comprendra des Puma, des Super Puma, des EC 225 et des EC 725 Caracal.]

2.11. La réserve militaire

Les réserves constituent une partie intégrante du nouveau modèle d’armée.

2.11.1. La réserve opérationnelle

La réserve opérationnelle est indispensable aux forces armées pour qu’elles remplissent l’ensemble de leurs missions, notamment sur le territoire national ou en cas de crise grave.

Les axes d’évolution majeurs mis en exergue par le Livre blanc concernent :

une optimisation des capacités de la réserve opérationnelle par l’amélioration de la cohérence entre le niveau de formation et d’entraînement, les besoins opérationnels des armées et la durée des engagements. L’objectif est d’attirer en priorité des femmes et des hommes disposés à servir au minimum vingt jours par an et pendant plusieurs années, et dans certains cas jusqu’à cent-vingt jours pour agir en renfort des unités d’active, et ainsi accroître la fidélisation des réservistes ;

un recours accru et structuré au soutien de réservistes opérationnels dans des domaines déficitaires ou sensibles, tels que la cyberdéfense. L’objectif sera de développer et d’animer, au sein de la réserve opérationnelle, des réseaux d’experts susceptibles de renforcer efficacement et utilement la performance de la défense dans des domaines duaux, civils et militaires ;

un élargissement des recrutements en favorisant l’adhésion de réservistes issus de la société civile. La diversité des réservistes constitue un vecteur majeur pour favoriser l’étroitesse du lien entre la Nation et son armée sur l’ensemble du territoire. La recherche de partenariats constructifs avec les entreprises, notamment par l’établissement de conventions, sera développée pour mieux valoriser le rôle des réservistes et accroître l’adhésion des employeurs au principe de la réserve ;

une amélioration du mode de gestion de la réserve opérationnelle de disponibilité afin qu’en cas de crise grave sur le territoire national, la France dispose de ressources mieux identifiées et plus rapidement mobilisables.

Dans ce but, l’effectif de la réserve opérationnelle du ministère de la défense sera maintenu, et les budgets consacrés à la réserve resteront stables et, en particulier, suffisants pour la formation et l’entraînement des réservistes opérationnels.

2.11.2. La réserve citoyenne

Le Livre blanc de 2013 réaffirme le fait que la réserve citoyenne, constituée de bénévoles, appartient pleinement à la réserve militaire et constitue un vecteur de cohésion entre la Nation et les armées. Elle constitue en particulier un atout majeur au service de la résilience de la Nation et de la diffusion de l’esprit de défense. Elle permet aussi d’apporter aux armées des expertises additionnelles dans des domaines présentant une forte dualité.

Son déploiement sera encouragé notamment dans les départements ne possédant plus d’implantation militaire autre que la gendarmerie nationale. Par ailleurs, une attention particulière sera apportée à son recrutement pour qu’elle représente la société française de manière équilibrée et dans toute sa diversité.

Un vivier sera identifié pour faire bénéficier la défense de réseaux et de compétences pointues dans des domaines spécifiques. Ainsi, pour faire face aux enjeux de la cybersécurité, un réseau de réservistes citoyens, constitué sous l’égide de l’état-major des armées pour la cyberdéfense, sera développé afin d’apporter son concours au ministère.

Dans le cadre du plan d’égalité des chances du ministère, le réseau des réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté (RLJC) sera développé : l’objectif sera d’améliorer la couverture des quartiers sensibles par le réseau des RLJC, en s’adaptant à la nouvelle géographie de la politique de la ville et en encourageant les échanges ainsi que les synergies entre les différents acteurs locaux.

3. LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE

3.1 L’activité opérationnelle : un objectif prioritaire de la loi de programmation militaire

L’activité opérationnelle des forces revêt une importance prioritaire car elle garantit la qualité, la motivation et l’attractivité de l’armée professionnelle. Elle est une dimension à part entière de la crédibilité du nouveau modèle d’armée et l’une des clés de son efficacité. Elle comprend, d’une part, l’activité conduite en opérations et, d’autre part, la préparation opérationnelle nécessaire à la qualification des forces. La préparation opérationnelle est évaluée par comparaison avec des normes qui traduisent les besoins de régularité des actions d’entraînement ; elle est par ailleurs complétée par recours à des moyens de simulation. Les normes d’entraînement des armées françaises sont cohérentes avec celles de l’OTAN qui sont à la fois une référence et une exigence pour l’intégration des moyens nationaux dans ce cadre, bien qu’elles soient loin d’être toujours effectivement respectées par les pays membres, en raison le plus souvent des diminutions budgétaires récentes.

Des indicateurs qualitatifs complètent le suivi des objectifs quantitatifs pour permettre aux chefs d’état-major d’armées de mesurer le niveau d’entraînement(1).

[(1) Les journées de préparation opérationnelles de l’armée de terre s’ajoutent à la participation aux opérations, alors que dans tous les autres cas les normes d’activité intègrent à la fois le besoin en entraînement et la part d’activité opérationnelle prévisible.]

Normes annuelles d’activité (hors simulation) :

TERRE :

– Journées de préparation opérationnelle (hors opérations extérieures et intérieures) : 90 jours.

– Heures de vol par pilote d’hélicoptère : 180 heures.

MARINE :

– Jours de mer par bâtiment (bâtiments hauturiers) : 100 jours (110 jours).

– Heures de vol par pilote de chasse : 180 heures.

(pilotes qualifiés à l’appontage de nuit : 220 heures).

– Heures de vol par équipage de patrouille maritime : 350 heures.

– Heures de vol par pilote d’hélicoptère : 220 heures.

AIR :

– Heures de vol par pilote de chasse : 180 heures.

– Heures de vol par pilote de transport : 400 heures.

– Heures de vol par pilote d’hélicoptère : 200 heures.

3.2 Un effort financier important au service d’une préparation opérationnelle renouvelée

L’activité opérationnelle a connu une évolution à la baisse dans la période récente, s’inscrivant désormais sous les normes reconnues. Elle résulte de la dynamique des coûts d’entretien à la hausse, sous-tendue par le vieillissement des parcs, l’arrivée de matériels de nouvelle génération au coût d’entretien plus élevé et une hausse du coût des facteurs de production plus rapide que l’inflation. Cette baisse est aggravée par la dégradation des stocks de pièces de rechange dans lesquels les armées ont puisé depuis plusieurs années et dont l’effet est désormais sensible.

L’inversion de cette tendance est une priorité forte de cette loi de programmation militaire. À cette fin, celle-ci marque un effort financier important dans ce domaine. Les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4,3 % par an en valeur pour s’établir à un niveau moyen de 3,4 Md € courants par an sur la période.

L’effet de cet effort financier sera renforcé par l’application du principe de différenciation à l’activité et à l’entraînement, qui doit permettre à chacune des armées de tirer le meilleur parti de leurs ressources en distinguant :

– un ensemble de forces de coercition apte à s’engager dans les trois milieux terrestre, naval et aérien sous faible préavis contre un adversaire du meilleur niveau, ce qui suppose un entraînement spécifique à l’aide des équipements de premier rang ;

– des forces à même de prendre part à des opérations de gestion de crise dans la durée dont l’entraînement, au delà d’un socle commun, est ciblé et modulé en fonction de la variété des missions.

Pour favoriser l’entraînement, il conviendra de s’appuyer à la fois sur des équipements au coût d’entretien moindre, à l’instar des avions de formation des pilotes de chasse ou des hélicoptères gazelle, et sur des moyens de simulation.

Sur la période 2014-2015, cet effort permettra de contenir les effets d’inertie liés à l’insuffisance des stocks, de commencer à les reconstituer et d’obtenir une stabilisation globale de l’activité à un niveau comparable à celui de 2013 (15 % environ en deçà des normes).

L’effet attendu de la mise en œuvre du nouveau modèle d’armée, des réformes qui seront engagées dans le domaine du soutien conjugué à l’effort financier consenti sur la période doivent permettre au niveau d’activité d’atteindre les normes mentionnées au paragraphe 3.1, à partir de 2016, au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle.

3.3. Les espaces d’entraînement

La préparation opérationnelle doit pouvoir s’appuyer sur des espaces d’entraînement et des infrastructures adaptées. Elle doit tenir compte de la montée en puissance de la réglementation nationale et européenne relative à la protection de l’environnement.

Les camps d’entraînement représentent un ensemble d’espaces dédiés à la manœuvre, au tir et à l’aguerrissement. La rationalisation et l’amélioration des espaces d’entraînement s’appuieront sur des modalités nouvelles de soutien, intégrant en permanence les problématiques de prévention, de maîtrise des risques et d’environnement durable. La préservation de ces espaces, outils majeurs de préparation opérationnelle ouverts aussi à nos alliés, conditionne la capacité d’engager des forces entraînées et aptes à remplir leurs missions.

L’entraînement aéro-maritime est caractérisé par le besoin de grands espaces aériens et maritimes, mais aussi, dans les mêmes zones, de volumes sous la mer, notamment pour l’immersion de sonars, de sous-marins ou de bouées acoustiques. Les zones d’exercices, Atlantique et Méditerranée principalement, satisfont les besoins, mais l’arrivée des armements nouveaux, notamment les missiles de croisière, nécessitera de nouvelles zones adaptées pour les tirs d’entraînement.

La robustesse du dispositif de l’armée de l’air repose sur un réseau de bases aériennes et d’espaces d’entraînement qui intègre à la fois les contraintes environnementales et les exigences particulières du milieu aérospatial. La répartition harmonieuse des zones d’entraînement et des champs de tir air-sol sur le territoire s’avère indispensable.

4. LA POLITIQUE INDUSTRIELLE

La France fait le choix de considérer que l’industrie de défense est une composante essentielle de son autonomie stratégique. Elle est aussi un facteur de compétitivité pour l’ensemble de l’économie. Elle joue un rôle majeur pour l’emploi industriel.

S’agissant des participations publiques dans les entreprises du secteur de la défense, l’État mettra en œuvre une politique d’actionnaire dynamique, d’association des salariés, privilégiant l’accompagnement des entreprises dans leurs choix stratégiques, le contrôle des activités de souveraineté, le renforcement de la dimension européenne de l’industrie de défense, ainsi que le soutien au développement et à la protection des technologies critiques.

4.1. Le maintien des grands secteurs industriels

L’industrie de défense garantit notre sécurité d’approvisionnement en équipements de souveraineté et en systèmes d’armes critiques, comme leur adaptation aux besoins opérationnels, tels qu’ils sont définis par le ministère de la défense. Elle fonde aussi l’expression d’une ambition à la fois politique, diplomatique et économique.

Dans une période où les opérations militaires connaissent des évolutions rapides, un effort particulier est nécessaire pour maintenir à un niveau d’excellence mondiale des compétences accessibles ou maîtrisées par l’industrie française, et pour être en mesure de développer de nouvelles technologies et de nouveaux types d’armement intégrant les évolutions récentes observées dans les domaines comme la cybernétique, l’espace, le traitement de l’information, les drones, voire la robotique, sans que cette liste soit définitive. Le Livre blanc de 2013 a fait du maintien des compétences de ce cœur une priorité de haut niveau.

Les programmes d’armement, mais aussi l’ensemble des activités qui concourent au maintien de ces compétences (études amont, subventions, soutien des matériels…), ont été ajustés de manière à concilier les contraintes calendaires d’équipement en capacités militaires et les principaux impératifs de continuité et de viabilité de l’activité industrielle : bureaux d’études et production. Des négociations de contrats sont prévues sur la plupart des grands programmes, afin d’adapter les cibles et les cadences de production.

Le niveau de la dépense annuelle consacrée aux programmes d’armement permettra d’assurer la poursuite des programmes en cours. Tous les principaux secteurs de compétences de notre industrie de défense seront préservés, à savoir l’aéronautique/drones de combat, les missiles, l’aéronautique de transport, les hélicoptères, les sous-marins, les navires armés de surface, l’armement terrestre, le renseignement/surveillance et les communications/réseaux.

L’industrie de défense, sur ces bases, sera en mesure de remporter des succès importants à l’exportation : rafale, sous-marins scorpene, missiles, frégates fremm, véhicules blindés vbci, canons caesar, A 400M, hélicoptères nh 90 et tigre joueront un rôle important sur le marché international.

4.2 Une priorité à la recherche et technologie

Dans une période de forte contrainte financière et alors que la compétition internationale va s’exacerber, du fait de la réduction de nombreux marchés nationaux et de l’affirmation de nouveaux acteurs mondiaux dans l’industrie de défense, le maintien d’un effort substantiel de recherche et technologie (R&T) constitue un objectif majeur de la présente loi. La gouvernance de la R&T sera adaptée et organisée par grands domaines industriels, pour relever simultanément les défis capacitaires, industriels, technologiques, souvent dans le cadre de coopérations internationales, en interaction avec le monde civil.

Les crédits destinés aux études amont représenteront 0,73 Md € en moyenne annuelle sur toute la période de la loi, effort similaire à celui qui a été réalisé depuis le redressement opéré en 2013. Ils permettront de développer les technologies nécessaires aux futures capacités militaires pour lesquelles une autonomie partielle ou totale est requise. Ils assureront la disponibilité, la viabilité et la compétitivité des compétences industrielles et étatiques associées, en exploitant, chaque fois que ce sera justifié, les voies de coopération internationale. Dans le cadre de la stratégie de développement durable du ministère de la défense, ces crédits continueront de favoriser l’éco-conception des équipements de défense, qui permet d’augmenter leur autonomie, de diminuer leur consommation énergétique et qui facilite leur démantèlement.

Les priorités 2014-2019 porteront plus spécifiquement sur :

– la préparation du renouvellement des deux composantes de la dissuasion ;

– la conception des futurs aéronefs de combat au travers d’une dépendance mutuelle organisée autour du couple franco-britannique, la préparation des évolutions du rafale, l’autoprotection et les travaux spécifiquement militaires sur les hélicoptères, l’insertion des drones dans la circulation aérienne en coopération européenne ;

– la montée en puissance de la rationalisation de l’industrie franco-britannique pour le renouvellement et la rénovation des systèmes de missiles ;

– la lutte sous-marine, les systèmes de combat naval modulaires opérant en réseaux, les architectures innovantes pour les bâtiments de surface ;

– la montée en puissance de la cyberdéfense ;

– la poursuite des efforts sur la protection des véhicules, des équipages et des combattants, la surveillance des itinéraires ; les nouvelles technologies pour munitions ;

– la préparation de futurs programmes spatiaux d’écoute, d’observation et de communication ; la poursuite de l’effort sur le traitement des images, la guerre électronique, l’exploitation et le traitement des données de renseignement, la numérisation de l’environnement géophysique, les évolutions des systèmes de radionavigation.

L’excellence des compétences industrielles sera maintenue dans les autres domaines, notamment sur les systèmes de communications.

L’effort de coopération avec la recherche civile sera poursuivi pour susciter et encourager les synergies autour des technologies duales, démultiplier l’efficacité de politiques publiques de soutien à l’innovation et faire partager les enjeux de la défense à la recherche civile. Les axes suivants seront privilégiés : l’augmentation du soutien aux PME-PMI-ETI innovantes au travers des dispositifs du pacte défense PME(1) opérés en partenariat, l’orientation de la recherche civile à partir des attentes de la défense. De plus, le ministère de la défense renforcera les synergies entre les études amont, les activités des organismes et écoles sous tutelle défense (ONERA, ISL…) et la recherche duale (CNES et CEA).

[(1) Notamment RAPID (régime d’appui aux PME pour l’innovation duale) et ASTRID (Accompagnement spécifique des travaux de recherche et d’innovation défense).]

4.3. La coopération industrielle

La coopération industrielle, essentiellement à une échelle européenne, répond à un double objectif pour l’État : favoriser la réalisation de programmes d’armement en partageant les coûts de développement et asseoir le maintien de certaines compétences existantes ou le développement de nouvelles sur une base plus large, permettant de faire face, dans les deux cas, à la complexité croissante des équipements et des technologies maîtrisées.

Dans cet esprit, la présente loi s’attache à préserver l’essentiel des programmes d’équipement réalisés en coopération européenne. Ceux-ci touchent des secteurs essentiels de l’activité des forces, hors la dissuasion nucléaire proprement dite : renseignement spatial, transport aérien, bâtiments navals, aéromobilité, missiles, drones de combat… Aucun programme européen n’est en l’occurrence supprimé. La France, tout en tirant avec ses partenaires les leçons des erreurs qui ont affecté la vie et le financement de certains programmes en raison des lourdeurs de la coopération, encouragera ces projets concrets. En outre, sur un plan politique, elle défendra les orientations suivantes :

– le partage des activités de développement et de production doit désormais être organisé selon un strict principe d’efficacité industrielle et de performance économique en tenant compte des contributions de chacun ;

– les potentialités de l’Agence européenne de défense (AED) et de l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR) doivent être exploitées. À cette fin, des moyens humains et matériels suffisants doivent être mis à la disposition de l’AED ;

– la France veillera à ce que l’industrie européenne joue tout son rôle s’agissant des initiatives de l’OTAN en matière d’acquisition.

Au niveau européen, la France veillera à la mise en place de cadres communs pour le soutien des capacités technologiques et industrielles partagées, en s’appuyant, notamment, sur l’expérience franco-britannique dans le domaine des missiles, fondée sur un principe d’interdépendances librement consenties.

La réussite d’une démarche de partage efficace des coûts et de répartition des technologies passe aussi par la définition de mécanismes de transfert de technologies optimisés et fluides au sein des groupes industriels, construits avec nos partenaires. Différentes initiatives en cours s’inscrivent dans cette démarche, dans le domaine des missiles ou pour la préparation des futurs drones de combat (UCAV). Cette approche devra viser, pour chacun des domaines de compétences et des technologies, existants ou en développement, une cible de juste niveau de maîtrise industrielle qu’il faut que la France conserve.

La dispersion et la fragmentation actuelles de l’industrie de défense en Europe est une source de duplications inutiles et coûteuses, un facteur de faiblesse sur le plan de la compétitivité économique comme sur le plan politique par les divisions qu’elles entraînent. La politique industrielle doit aussi favoriser la réussite d’opérations de consolidation industrielles européenne, qui renforceront la pérennité de l’appareil européen dans ce domaine.

4.4. La politique d’exportation

Le soutien aux exportations de défense constituera un volet majeur de la politique industrielle du Gouvernement, allant de pair avec une pratique exigeante du contrôle.

Les exportations d’armement représentent en effet plus de 30 % des 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires du secteur de l’industrie de défense dans l’économie française et sont donc à la fois un signe et un facteur de sa compétitivité. Elles passeront de plus en plus par la mise en œuvre de coopérations industrielles et techniques au service de partenariats stratégiques et des relations globales de défense que la France entend développer. En s’engageant dans des relations d’armement avec la France, notamment par la signature de grands contrats, ces pays renforcent durablement nos liens tant au niveau militaire qu’au niveau politique, économique et industriel et deviennent ainsi de véritables partenaires. En maintenant des compétences en matière de recherche et de développement au sein des bureaux d’études et en alimentant les chaînes de production, les commandes à l’exportation contribuent à la pérennité de nos entreprises ainsi que notre autonomie stratégique. Les contraintes budgétaires et le coût croissant des systèmes d’armes les rendent indispensables comme complément du marché intérieur, réduisant la dépendance des entreprises à l’évolution des commandes de l’État et renforçant leurs capacités d’autofinancement.

La stratégie d’exportation d’armement s’inscrira pleinement dans le cadre de la Charte des Nations Unies qui reconnaît, dans son article 51, à tout État membre le droit de la légitime défense, individuelle ou collective. Elle s’appuiera sur l’application de normes internationales interdisant ou réglementant l’usage de certaines armes, tout en luttant contre la prolifération et les trafics illicites. La France continuera de s’impliquer dans l’élaboration de normes internationales rigoureuses, comme les traités visant à interdire certaines armes frappant sans discrimination des populations civiles, le traité sur le commerce des armes, signé le 3 juin 2013, à New York, et les outils internationaux et européens de contrôle des flux de matériels sensibles.

Il sera régulièrement rendu compte des résultats de la stratégie d’exportation au Parlement, par les rapports annuels réalisés à cette fin et le débat devant les commissions parlementaires auxquels ils donnent lieu.

Conformément aux conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, des propositions seront rapidement présentées afin de renforcer les différentes procédures de contrôle des exportations sensibles. Ces propositions pourraient viser à rassembler sous une même autorité nos différents instruments de contrôle des technologies civiles et militaires à usage de défense et de sécurité.

5. Les ressources financières

Le périmètre de la présente loi de programmation porte sur l’ensemble de la mission « Défense », hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions » et dans la structure de la loi de finances pour 2013(1).

[(1) Il inclut également les ressources exceptionnelles retracées en dehors de la mission « Défense » mais ne prend pas en compte les fonds de concours et attributions de produit rattachés à cette mission.]

Le Président de la République a fait le choix du maintien d’un effort de défense significatif, afin de donner à la France les moyens de mettre en œuvre un modèle d’armée ambitieux à l’horizon 2025. Cet effort s’élèvera à 190 milliards d’euros courants (179,25 Md €2013) sur la période 2014-2019.

Durant les trois premières années de la programmation, le montant des crédits sera préservé au niveau de la loi de finances initiale pour 2013. Il s’agit d’un effort équilibré, permettant de conjuguer souveraineté stratégique et souveraineté budgétaire.

Ressources sur le périmètre de la loi de programmation

 

(En milliards d’euros)

2013 (pour information)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total 2014-2019

Ressources totales

31,38

31,38

31,38

31,38

31,56

31,78

32,51

189,98

Dont crédits budgétaires

30,11

29,61

29,61

30,13

30,65

31,50

32,36

183,86

 

Les ressources indiquées dans le tableau pourront être complétées d’un montant de 0,5 milliard d’euros, conduisant au total révisé de 190,48 milliards d’euros courants sur la période, en cas de besoin, afin que la soutenabilité financière des opérations d’investissement soit garantie sur toute la durée de la programmation.

5.1. Nature des ressources

Les ressources définies par la présente la loi de programmation se composent de :

– 183,9 Md € courants de crédits budgétaires ouverts en loi de finances initiale sur le périmètre du budget général. S’élevant à 29,6 Md € courants en 2014, la ressource budgétaire sera stabilisée, à périmètre constant, en valeur entre 2014 et 2015, puis en volume dès 2016. À partir de 2018, elle suivra une progression de 1 % en volume ;

– 6,1 Md € de ressources exceptionnelles sur la période 2014-2019, auxquels pourront s’ajouter 0,5 milliard d’euros de ressources exceptionnelles, en cas de besoin, afin que la soutenabilité financière des opérations d’investissement soit garantie en tout état de cause jusqu’à la première actualisation de la programmation.

Afin d’atteindre le montant prévu de ressources exceptionnelles affectées à la mission « Défense », seront notamment, et sans que cette liste soit exhaustive, mobilisés au bénéfice de celle-ci :

– l’intégralité du produit de cession d’emprises immobilières utilisées par le ministère de la défense. Les dispositions prévues à l’article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, pour les immeubles domaniaux occupés par le ministère de la défense, seront prorogées jusqu’au 31 décembre 2019 dans la loi de finances pour 2015 ;

– d’un nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA) au bénéfice de l’excellence technologique de l’industrie de défense, financé par le produit de cessions de participations d’entreprises publiques ;

– le produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences comprise entre les fréquences 694 MHz et 790 MHz ;

– des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation ;

– le cas échéant, le produit de cessions additionnelles de participations d’entreprises publiques.

Montant et calendrier des ressources exceptionnelles

 

(En milliards d’euros)

2013 (pour information)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2014-2019

Ressources exceptionnelles

1,27

1,77

1,77

1,25

0,91

0,28

0,15

6,12

 

Dans l’hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne sont pas réalisés conformément à la présente loi de programmation, ces ressources sont intégralement compensées par d’autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d’un financement interministériel. Ce principe concerne l’ensemble des ressources exceptionnelles, y compris le complément éventuel de 0,5 milliard d’euros sécurisant l’entrée en programmation.

Dans l’hypothèse, à l’inverse, où le montant des ressources exceptionnelles disponibles sur la période 2014-2019 excède 6,1 milliards d’euros, l’excédent, à concurrence de 0,9 milliard d’euros supplémentaires, bénéficie au ministère de la défense.

5.2 L’effort au profit de l’équipement sera préservé

Le renouvellement de nos matériels bénéficiera du maintien d’un volume de crédits significatifs sur toute la période de programmation, tout en adaptant le rythme de livraison des matériels dans les années immédiatement à venir, pour prendre en compte le nécessaire effort de maîtrise des dépenses publiques. Une enveloppe de 102,4 Md € courants sur la période 2014-2019 sera ainsi consacrée à l’équipement. En moyenne, la dotation annuelle s’élèvera à plus de 17 Md € courants.

 

(En milliards d’euros)

LFI 2013 (pour information)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total2014-2019

Moyenne

Agrégat «Équipement»

16,0

16,4

16,6

16,7

17,1

17,4

18,2

102,4

17,1

 

Parmi les équipements, l’effort au profit de la dissuasion nucléaire s’élèvera, sur la période de programmation, à environ 23,3 Md € courants.

Les opérations d’équipement conventionnel seront financées à hauteur de 49,2 Md € sur la période 2014-2019. Celles-ci regroupent :

– les programmes à effet majeur, auxquels sera consacrée une ressource d’environ 34 Md € ;

– les programmes d’environnement et les équipements d’accompagnement qui complètent la cohérence capacitaire et organique des forces (15,2 Md €).

Pour les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels et à l’infrastructure, la programmation prévoit d’y consacrer respectivement 20,6 Md € et 6,1 Md € entre 2014 et 2019.

Les études amont seront également préservées avec une dotation annuelle moyenne de 0,73 Md € courants (y compris les études relatives aux opérations de dissuasion).

5.3. Le financement des opérations extérieures

Afin de sécuriser le financement des opérations extérieures, la programmation repose sur une dotation prévisionnelle annuelle dans le budget de la mission « Défense » en adéquation avec les nouveaux contrats opérationnels et les priorités stratégiques définis dans le Livre blanc. Par rapport à la période précédente, il est en particulier tenu compte de la limitation de nos engagements, dans le modèle retenu, à une moyenne de trois théâtres importants, de l’adaptation de notre dispositif en Afrique aux nouvelles menaces sur la sécurité des pays amis et de la nécessaire reconfiguration du dispositif actuel des forces prépositionnées, en cohérence avec les analyses précitées.

La présente programmation retient un montant de 450 M € pour la dotation prévisionnelle annuelle au titre des opérations extérieures.

En gestion, les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l’objet d’un financement interministériel.

5.4. Le financement des dépenses de fonctionnement et d’activité

Le ministère de la défense poursuivra les efforts d’économies entrepris sur ses coûts de structure. De tels efforts permettront de diminuer en valeur les crédits au profit du fonctionnement et de l’activité (3,5 Md € courants en moyenne par an, hors provision OPEX) par rapport à la dotation 2013, malgré la dynamique de ces dépenses fortement corrélée à l’inflation et à l’évolution des indices des matières premières.

Toutefois, en cas de hausse du prix constaté des carburants opérationnels, la mission « Défense » bénéficiera de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l’activité opérationnelle des forces.

6. POLITIQUE DE RESSOURCES HUMAINES ET ÉVOLUTION DES EFFECTIFS

Les hommes et les femmes du ministère de la défense partagent des valeurs communes. Ils ont choisi, sous divers statuts, de servir leur pays, qui, grâce à eux, est en mesure de faire face à tout type de crise et qui a vis-à-vis d’eux un devoir de solidarité. C’est pourquoi au moment où l’évolution du ministère de la défense prévue par le Livre blanc impose la conduite d’actions particulièrement délicates dans le domaine des ressources humaines, une gestion attentive, proche du personnel, devra être entreprise, compte tenu de l’importance des déflations déjà opérées et de celles qui résultent de la présente loi. En effet, à son échéance, ce sont 82 000 suppressions de postes, hors externalisation, qui auront été réalisées au ministère de la défense en douze ans, entre 2008 et 2019.

6.1. La condition du personnel

Le ministère de la défense engage une nouvelle évolution de grande envergure qui ne pourra être conduite efficacement à son terme sans l’adhésion et la mobilisation de l’ensemble des personnels, civils et militaires. Une attention particulière devra être portée à la condition du personnel en assurant une équité de traitement. La prise en compte des conditions de vie et d’exercice dans lesquelles civils et militaires remplissent leurs missions, au delà des compensations financières existantes, se traduira par un plan ministériel d’amélioration de la condition du personnel sous enveloppe budgétaire mais visant à rechercher des pistes de facilitation, notamment dans les domaines du logement, de l’aide sociale, du soutien familial et de la chaîne des soutiens.

Elle se traduira également par le maintien d’un réseau territorial de compétences en matière de ressources humaines de proximité, au sein de chaque unité et de chaque formation.

En ce qui concerne plus spécifiquement la condition militaire qui recouvre l’ensemble des obligations et sujétions propres à l’exercice du métier militaire, ainsi que les garanties et les compensations que la Nation estime nécessaire d’apporter aux militaires, elle doit être appréhendée à l’aune de son impact sur l’emploi des forces. Par sa répercussion sur le moral du personnel, elle est un élément constitutif de la capacité opérationnelle des forces, et partant, du succès de leur engagement sur tous les théâtres, en métropole, outre-mer et à l’étranger. L’engagement de la Nation dans ce domaine doit être sans faille et prendre en compte le militaire et sa famille. En particulier, l’indispensable simplification du dispositif indemnitaire des militaires sera étudiée, à enveloppe constante. De même, un effort particulier de reconnaissance doit être entrepris à l’égard des militaires blessés au service de notre pays. Les modalités de la généralisation du droit, actuellement régi par la loi n° 52-1224 du 8 novembre 1952 réglementant le port de l’insigne des blessés de guerre, au port de l’insigne des blessés à l’ensemble des militaires ayant subi, en situation de guerre comme en opération extérieure, une blessure reconnue par le service de santé des armées seront déterminées par un décret pris après avis du Conseil d’État.

6.1.1 La concertation et le dialogue social

La rénovation de la concertation et du dialogue social seront la règle afin que les attentes et les interrogations soient mieux entendues.

L’évolution de la concertation pour les militaires prendra trois formes :

– les modes de désignation des membres des instances de concertation locales et nationales, et notamment des conseils de la fonction militaire (CFM) et du conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), seront revus afin de renforcer leur légitimité et d’améliorer ainsi le fonctionnement des instances de représentation des personnels ;

– un groupe de liaison permanent du CSFM, composé de membres élus, sera mis en place. Il pourra être entendu par le ministre, en dehors des sessions, sur tout sujet de préoccupation ou pour tout échange sur un projet ;

– une réflexion sera engagée en vue de mettre en place des structures de concertation pour les militaires au sein de leur organisme d’emploi, consultées sur les questions relatives à l’organisation et au fonctionnement de ces services, et associées à la définition et à la mise en œuvre des mesures de réorganisation des services du ministère de la défense. Un tel dispositif de concertation, organisé suivant une logique d’employeur et traitant des questions concernant les services, serait complémentaire du dispositif actuel, organisé suivant une logique de corps et traitant des questions statutaires.

Enfin, sur le plan de l’expression et des libertés fondamentales, un chantier sera ouvert à l’occasion de la 90e session du CSFM en décembre 2013, afin de déterminer les évolutions possibles, en cohérence avec les exigences propres à la neutralité des armées et à leur cohésion. Ces évolutions seront mises en œuvre progressivement afin qu’en 2019 le personnel militaire ne subisse plus de limitation de leurs libertés fondamentales autres que celles strictement nécessaires en raison des spécificités du métier des armes.

L’évolution du dialogue social pour les personnels civils passera par une association plus étroite des organisations représentatives de ces personnels à la définition et à la mise en œuvre des mesures de réorganisation du ministère de la défense.

6.2. L’évolution des effectifs

Au titre de la présente loi, cette manœuvre comportera deux volets : des restructurations et la déflation des effectifs, conditionnée par des mesures d’accompagnement pour les personnels concernés. Il convient d’y associer un impératif de maîtrise de la masse salariale.

Le pilotage de cette politique sera confié au secrétaire général pour l’administration et à une direction des ressources humaines ministérielle rénovée. Ils exerceront une autorité fonctionnelle renforcée sur l’ensemble des gestionnaires de ressources humaines du ministère et seront responsables devant le ministre de la maîtrise des effectifs et de la masse salariale dans un programme regroupant les crédits du titre. Cette réforme a pour objet de mettre fin à l’absence de maîtrise de la masse salariale constatée ces dernières années.

Les réductions d’effectifs obéiront à un triple principe de prévisibilité, d’équité et de transparence. Les arbitrages rendus, année après année, veilleront par conséquent à préserver le plus possible les unités opérationnelles, à éviter au maximum les dissolutions d’unités, à faire des choix en cohérence avec le schéma d’organisation fonctionnelle de nos forces, à intégrer les contraintes économiques y compris en termes d’aménagements existants dans les garnisons, à prendre en considération les paramètres d’aménagement mais aussi socio-économiques des territoires et à préserver le lien armée-Nation par une présence géographique de nos armées cohérente. À cet égard, tous les organismes du ministère contribueront à la réalisation de l’objectif, tout particulièrement les services centraux, les soutiens et les états-majors.

De même, une attention particulière sera portée à la situation individuelle du personnel civil et militaire. Les mesures d’accompagnement seront adaptées. Un dispositif de suivi étroit est mis en place pour rendre compte au ministre de la défense des réponses apportées aux dysfonctionnements du système de paye Louvois, souvent dénoncés par les militaires qui en ont subi les effets néfastes dès 2011.

La diminution nette des effectifs de la mission « Défense » comprendra sur la période 2014-2019, outre les 10 175 postes en 2014 et 2015 au titre de la précédente réforme, une diminution de 23 500 équivalents temps plein emploi, résultant des objectifs à la fois opérationnels et de gestion fixés dans le Livre blanc. Le total des déflations sur la période s’élèvera donc à 33 675 emplois. Les éventuelles diminutions d’effectifs de la mission « Anciens combattants », de montants comparativement peu élevés, ou du Service industriel de l’aéronautique, viendraient en déduction de cette cible. De même, les gains en effectifs obtenus au titre des éventuelles externalisations seront comptabilisés, pour la part excédant le transfert de ressources de masse salariale nécessaire aux contrats d’externalisation.

La déflation totale des 33 675 effectifs respectera le cadencement suivant :

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total 2014-2019

Déflation LPM 2014-2019

-5 000

-7 500

-7 500

-3 500

-23 500

Créations de postes(1)

réformes précédentes

+ 103

+ 103

+206

Déflation résiduelle réformes précédentes

-7 881

-2 500

-10 381

Déflation totale

-7 881

-7 500

-7 397

-7 397

-3 500

0

-33 675

[(1) Créations d’emplois décidées dans le domaine de la cyberdéfense.]

Les effectifs du ministère de la défense (missions « Défense » et « Anciens combattants ») atteindront ainsi 242 279 ETPE en 2019, dont 235 940 rémunérés par le titre 2 de la mission « Défense »(1). La répartition de la nouvelle déflation des effectifs (-23 500) portera, d’une part, sur les forces de combat, pour 8 000 emplois, auxquels s’ajoutera une réduction de 1 100 emplois dans les forces prépositionnées et les outre-mer engagée dès 2014 et, d’autre part, sur le soutien, les structures organiques, l’environnement et l’administration du ministère, à hauteur d’environ 14 500 emplois. Cette répartition correspond à la volonté politique de préserver les forces opérationnelles, en faisant porter l’effort le plus important sur les autres secteurs de la mission « Défense ».

[(1) L’écart correspond aux effectifs du Service industriel aéronautique qui sont rémunérés par cet organisme (compte de commerce) et aux effectifs de la mission « Anciens combattants ».]

La déflation globale des effectifs 2014-2019 (- 33 675) concernera les trois armées, à hauteur de 15 500 suppressions d’emplois environ, le reliquat portant sur les services interarmées et les organes ministériels.

La déflation des effectifs affectera les militaires et les civils : de l’ordre de 26 200 postes de militaires et de 7 400 postes civils seront touchés. Les mesures d’accompagnement seront mises en œuvre afin que les départs et les mobilités s’effectuent dans le respect de chacun, avec équité, transparence et en garantissant des préavis suffisants.

Dans la déflation des effectifs militaires, un effort de dépyramidage sera conduit, visant à réduire le pourcentage d’officiers dans la population à statut militaire de 16,75 % à 16 % en fin de programmation. Alors qu’ils représentaient moins de 15,5 % des effectifs militaires en 2008, les officiers ont en effet vu leur proportion augmenter jusqu’à 16,75 % des effectifs militaires globaux en 2013. L’effort de déflation doit inverser cette trajectoire. Il sera appuyé par des outils incitatifs d’aide au départ. La diminution sur le périmètre d’ensemble du ministère sera de l’ordre de 5 800 postes d’officiers. L’objectif global de 16 % d’officiers recouvre des différences entre les armées et les services. Il traduit un retour au taux d’encadrement de fin 2010 dans chacun de ces services ou armées en tenant compte de leurs spécificités.

En outre, pour stabiliser le modèle et l’effort de dépyramidage, la déflation des effectifs sera de l’ordre de 11 200 sous-officiers. Le nombre d’hommes du rang diminuera d’environ 9 300 militaires.

Ces résultats seront obtenus par une répartition, cohérente avec les objectifs du Livre blanc, entre les départs naturels, les départs incités, une gestion rigoureuse des avancements et un ajustement des recrutements aux besoins prévisionnels. La gestion des ressources humaines du ministère s’appuiera sur une gouvernance rénovée guidée et une démarche prévisionnelle renforcée.

Enfin, le dépyramidage infra catégoriel s’inscrira dans le cadre du contingentement des effectifs par grade.

Pour le personnel civil, de l’ordre de 7 400 postes seront supprimés selon la répartition suivante : environ 300 catégorie A, 1 100 catégorie B, 2 300 catégorie C et 3 700 ouvriers de l’État. Cette répartition contribue au rééquilibrage des différentes catégories de personnels civils et traduit leur montée en compétence qui consacre leur place et leur part dans les effectifs du ministère de la défense.

La répartition des déflations par catégories, militaires et civiles, pourra connaître des évolutions en fonction des conclusions de l’analyse fonctionnelle de tous les emplois du ministère de la défense qui vient d’être commandée par le ministre. Ce travail doit permettre de définir de manière objective les emplois ayant vocation à être exclusivement tenus par des militaires, d’une part, des civils, d’autre part ; le nombre d’emplois dits « mixtes » devra demeurer réduit. L’objectif est que chaque catégorie dispose d’une visibilité sur ses perspectives professionnelles et que les gestionnaires puissent développer une politique plus proactive et performante.

Le succès de cette nouvelle politique de gestion des ressources humaines reposera sur la capacité du ministère à mettre en œuvre des systèmes d’information performants pour la politique et la gestion des ressources humaines. À cet égard, le développement et la mise en place du logiciel « Source » sont désormais classés en priorité ministérielle.

6.3. La maîtrise de la masse salariale

Le renforcement du pilotage des effectifs et de la masse salariale du ministère est engagé. Il doit permettre de garantir une meilleure maîtrise des dépenses de personnel.

En cas de risque de dépassement de la masse salariale (hors dépenses « hors socle ») qui ne serait pas dû à une mesure générale non connue au moment de la construction de la loi de finances, le ministère de la défense proposera et mettra en œuvre des mesures d’économies permettant de couvrir ce risque.

La rénovation de la gouvernance de la politique de ressources humaines et de son volet budgétaire conduit à confier la responsabilité des dépenses de personnel aux gestionnaires, précisément chargés de la gestion de ces personnels, sous l’autorité fonctionnelle du directeur des ressources humaines, responsable opérationnel de la gestion et de la maîtrise des crédits du titre 2.

Pour une meilleure visibilité de l’effet des déflations sur la masse salariale, la présentation du titre 2(1) dans le rapport annuel d’exécution de la loi de programmation militaire fera apparaître, pour chaque annuité, l’évolution :

– d’une part, des rémunérations et charges afférentes (économies brutes liées à la déflation, atténuées des mesures générales et catégorielles, et complétées du glissement vieillesse technicité) ;

– d’autre part, des dépenses conjoncturelles de l’accompagnement des restructurations.

[(1) Hors CAS pensions et OPEX mais y compris le Service de santé des armées.]

6.4. Les mesures d’accompagnement

La réalisation des objectifs de déflation, de dépyramidage et de maîtrise de la masse salariale, dans la logique de flux qui caractérise la gestion du personnel militaire, est conditionnée par la mise en œuvre effective de mesures d’aide au départ. Certaines concernent ainsi les personnels civils comme militaires et sont adaptées aux statuts et besoins de chaque catégorie et aux objectifs de déflation par catégorie. Ces leviers portent sur :

– le renforcement de la reconversion, pour les personnels militaires ;

– des mesures financières d’incitation au départ, intéressant environ 1 500 militaires et 400 civils par an, et d’incitation à la mobilité ;

– les reclassements dans les fonctions publiques, avec un potentiel supérieur à 2 100 par an pour le personnel militaire.

6.4.1. Les mesures spécifiques nécessaires pour le personnel militaire

Pour atteindre l’objectif fixé par le nouveau modèle d’armée, des mesures conjoncturelles d’accompagnement viseront à permettre la réalisation des objectifs de déflation tout en participant à l’atteinte de la pyramide cible. Ces mesures concernent la promotion fonctionnelle, la pension afférente au grade supérieur (PAGS) et le pécule d’incitation au départ. Elles s’ajouteront à des mesures pérennes relatives à la rénovation du dispositif actuel de disponibilité.

6.4.2. Des mesures spécifiques nécessaires pour le personnel civil

Un plan d’accompagnement des restructurations proche du dispositif utilisé lors de la précédente loi de programmation est également indispensable. Il vise à favoriser la mobilité interne au ministère et vers les autres fonctions publiques, en encourageant la recherche de solutions individualisées, tenant compte des attentes et des contraintes de chaque personnel. Il comporte également un volet incitatif aux départs volontaires. Les mesures spécifiques au ministère de la défense porteront donc sur :

– le complément spécifique de restructuration pour les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public recrutés pour une durée indéterminée ;

– l’indemnité de conversion attribuée aux ouvriers de l’État ;

– le complément exceptionnel de restructuration attribué aux ouvriers de l’État ;

– l’indemnité de départ volontaire accordée aux personnels ouvriers de l’État ;

– l’indemnité de départ volontaire pour création ou reprise d’entreprise pouvant être attribuée aux ouvriers de l’État quittant l’administration et créant ou reprenant une entreprise privée.

Les principales évolutions du dispositif par rapport à celui de la loi de programmation militaire précédente concernent les conditions d’octroi des indemnités destinées aux ouvriers de l’État, qui ne nécessitent plus d’occuper un poste restructuré.

7. LA MODERNISATION DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

7.1. La réforme de l’organisation et de la gouvernance du ministère de la défense

La rénovation de la gouvernance et de l’organisation des grandes fonctions d’administration et de soutien du ministère de la défense favorisera la réalisation du modèle d’armée défini dans le Livre blanc. Elle s’inscrira dans l’effort de modernisation de l’action publique. Elle prend la forme d’un programme ministériel de modernisation et de simplification qui détaille l’ensemble des projets de transformation organiques, fonctionnels et transverses du ministère.

L’action publique au sein du ministère de la défense associera, sous l’autorité du ministre, ses grands subordonnés :

– le chef d’état-major des armées en tant que responsable des contrats opérationnels, de la préparation et de l’emploi des forces ainsi que de la préparation de la programmation ;

– le délégué général pour l’armement en tant que responsable de l’équipement des forces et de la préparation de l’avenir technologique et industriel du pays ;

– le secrétaire général pour l’administration comme seul responsable fonctionnel transversal pour l’ensemble des fonctions d’administration générale, budgétaires, financières et de ressources humaines.

Au regard des enjeux opérationnels, financiers et organisationnels, sont considérés comme prioritaires, dans le périmètre des fonctions d’administration et de soutien, les cinq domaines suivants : la gestion des ressources humaines, l’organisation de la chaîne financière, l’organisation des soutiens en bases de défense, le maintien en condition opérationnelle des matériels (MCO) et les relations internationales. Pour chacun de ces domaines, les orientations suivantes seront mises en œuvre :

– l’unification des crédits de personnel (titre 2) sous la responsabilité du secrétaire général de l’administration, appuyé sur une direction des ressources humaines ministérielle, dotée d’une autorité fonctionnelle renforcée sur tous les organismes, gestionnaires, simplifiera la répartition des compétences et garantira le pilotage et la maîtrise des effectifs et de la masse salariale ;

– le renforcement de l’autorité fonctionnelle de la direction des affaires financières améliorera la qualité et le contrôle de l’information budgétaire et comptable utilisée par les acteurs du ministère et les décideurs budgétaires externes, pour les budgets annuels et la programmation, sur tous les types de dépenses ;

– la simplification et l’optimisation de l’organisation territoriale des soutiens aura pour objectif l’amélioration de la qualité du soutien rendu aux forces et aux formations soutenues en bases de défense. Cette démarche s’appuiera sur une rénovation de la gouvernance ministérielle, le renforcement du pilotage et du commandement des bases de défense, centré sur la coordination des services de soutien et la qualité du service rendu. Les groupements de soutien des bases de défense seront intégrés dans le service du commissariat ;

– l’amélioration de l’organisation de l’entretien des matériels et le déploiement du projet relatif à la chaîne de soutien permettront de mieux maîtriser la programmation et les coûts logistiques et d’améliorer la disponibilité des matériels. Des travaux, dont les résultats seront rendus au plus tard en 2015, seront conduits sur l’évolution possible du maintien en condition opérationnelle des matériels ;

– l’unification et la simplification des fonctions internationale et de communication seront réalisées, afin notamment de garantir une meilleure cohérence dans les multiples aspects de l’action internationale d’un ministère très sollicité, tout en optimisant les effectifs et la masse salariale concernée au sein du ministère.

Dans le même temps, le projet Balard vise à regrouper, à compter de 2015, sur un site unique, les états-majors, directions et services, encore aujourd’hui dispersés en Île-de-France.

Ce projet, levier de modernisation, aura notamment pour objectifs :

– l’amélioration de la gouvernance du ministère grâce à la co-localisation de l’administration et des états-majors sur un seul site ;

– la rationalisation des effectifs de l’administration centrale ;

– l’optimisation du coût du soutien grâce à la mutualisation ou l’externalisation des services ;

– la modernisation des conditions de travail pour les agents civils et militaires qui travailleront sur le site ;

– la rationalisation de la gestion des emprises immobilières de la défense et la valorisation immobilière résultant de l’optimisation du site et de la cession d’une ressource foncière importante en plein Paris ;

– la déconcentration en province des services dont le maintien en région parisienne n’est pas indispensable.

7.2. L’accompagnement social et économique des restructurations

La poursuite de la transformation de l’organisation du ministère, la modernisation de ses modes de fonctionnement et l’adaptation du format au nouveau contrat opérationnel se traduiront par un nouvel effort de déflation d’effectifs et des mesures de restructuration.

Ces restructurations seront coordonnées afin d’optimiser le plan de stationnement du ministère, dans un souci de mutualisation des soutiens, de densification des emprises et de réduction des dépenses de fonctionnement.

Le dispositif d’accompagnement comprendra un accompagnement social des agents du ministère, un accompagnement économique des territoires impactés par les mesures de restructuration et un accompagnement immobilier.

7.2.1. L’accompagnement social des restructurations

Les hommes et les femmes de la défense méritent une attention toute particulière. Elle se traduira par des mesures d’accompagnement social, adaptées aux enjeux des déflations décidées et des restructurations à conduire.

Le plan d’accompagnement des restructurations (PAR) comportera des mesures financières d’incitation et d’accompagnement au départ et à la mobilité. Elles comprendront pour les militaires la promotion fonctionnelle, l’octroi d’une pension afférente au grade supérieur et le pécule défiscalisé d’incitation au départ. Le volet civil du PAR visera à favoriser la mobilité interne au ministère et vers les autres fonctions publiques en favorisant la recherche de solutions individualisées. Il comportera également un volet incitatif aux départs volontaires.

 

(En millions d’euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total 2014 -2019

Total PAR

193,5

197,8

189,9

178,8

138,3

35

933,3

 

7.2.2. L’accompagnement économique des territoires

Un accompagnement économique adapté à la situation spécifique de chacun des territoires les plus sévèrement affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense sera réalisé au travers, principalement, d’une démarche de contractualisation au bénéfice des territoires et de mesures d’ordre fiscal. L’instrument privilégié de cette démarche sera le contrat de redynamisation de site de défense (CRSD) élaboré, sous l’égide du préfet et conjointement avec l’ensemble des collectivités territoriales concernées, par les services de la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) et de la délégation à l’accompagnement des restructurations (DAR). Le dispositif de cession à l’euro symbolique de certaines emprises libérées par la défense sera reconduit par la loi de finances, moyennant quelques aménagements, pour les collectivités les plus fortement affectées par les restructurations.

Les préfets seront chargés d’assurer la mise en œuvre de ce dispositif et le suivi des CRSD, en relation étroite avec les administrations centrales concernées.

Les interventions de l’État seront recentrées et concentrées sur un nombre limité d’actions choisies parmi les plus structurantes et les plus efficientes, parmi lesquelles figureront nécessairement celles dont la finalité principale sera la reconversion des sites libérés par la Défense.

Un montant global de 150 M € sera affecté à cet accompagnement économique via le fonds pour les restructurations de la défense (FRED) à hauteur des deux tiers du total et le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) à hauteur d’un tiers du total.

Par ailleurs, un dispositif de prêt participatif de revitalisation (reprise et développement) au bénéfice de PME situées dans les territoires affectés par les restructurations de défense sera mis en place dans le cadre de la Banque publique d’investissement, dans la continuité de l’action actuelle de la société SOFIRED, et en association avec le ministère de la défense.

Le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT), instauré par l’article 173 de la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009 (article L. 2335-2-1 du code des collectivités territoriales) pour leur apporter une aide au fonctionnement, sera maintenu jusqu’au 1er janvier 2022.

7.3. La politique immobilière

Pour remplir ses missions, accueillir la préparation opérationnelle des forces, développer et maintenir en condition ses équipements et soutenir son personnel et son fonctionnement, le ministère de la défense utilise un parc immobilier important en métropole, outre-mer et à l’étranger.

Le ministère de la défense est chargé de l’infrastructure militaire et établit, à ce titre, la programmation des équipements et des infrastructures. Il en contrôle la mise en œuvre. Il prépare les infrastructures nécessaires à l’accueil des unités et des matériels, rationnalise les implantations des organismes au sein des villes et cède les emprises et les bâtiments inutiles pour réduire les surfaces utilisées. Cette optimisation de l’infrastructure nécessaire aux forces et aux services est mise en œuvre par la réalisation des schémas directeurs immobiliers de base de défense.

Les grands programmes nécessitent des infrastructures spécifiques pour accueillir scorpion, barracuda, rafale, a 400m, mrtt, fremm, nh 90, tigre. Il faut ajouter les rénovations des réseaux électriques des grands ports rendues indispensables notamment par l’arrivée de nouveaux navires ainsi que la rénovation de certaines installations nucléaires. Il est par ailleurs nécessaire de mener une rénovation lourde des hôpitaux des armées.

Le ministère doit poursuivre et intensifier la mise à niveau des espaces d’entraînement de l’armée de terre, des plateformes aériennes ou des installations portuaires liées à l’exploitation nucléaire imposée par l’autorité de sûreté nucléaire de défense.

Les investissements de soutien général ou d’environnement – composante essentielle de la vie quotidienne du personnel et de la condition militaire – la maintenance lourde et l’entretien du patrimoine sont maintenus.

Les ressources budgétaires sont complétées du produit des cessions des immeubles devenus inutiles à la défense. L’intégralité des produits des cessions immobilières réalisées sur la période 2014-2019 sera affectée au financement de l’infrastructure de la défense. La consommation des crédits correspondants est effectuée selon des modalités adaptées. Ce dispositif sera complété par la possibilité ouverte au ministère de la défense d’une indemnisation à son profit du transfert des immeubles vers d’autres services de l’État. Cette possibilité sera mise en œuvre pour atteindre les hypothèses de cessions de biens immobiliers prévus par la présente loi de programmation militaire.

Le dispositif spécifique de conduite des négociations en vue de l’aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles au ministère de la défense sera reconduit pour permettre une reconversion des sites par la réalisation de projets d’aménagement urbain ou de développement économique. À cet effet, la mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI) mènera, en lien avec France Domaine, et avec les collectivités concernées, les études d’aménagement et négociera, le cas échéant, la cession amiable sans mise en concurrence.

Une réforme du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique sera mise en œuvre avant le 31 décembre 2014 pour faciliter la cession des emprises immobilières.

8. Le renforcement du lien armée-nation

8.1. Un lien armée-Nation, vecteur de cohésion nationale

Le Livre blanc de 2013 souligne l’importance d’un lien fort entre l’armée et la Nation. La cohésion nationale, l’adhésion de la Nation aux politiques mises en œuvre mais également le recrutement, la reconnaissance du métier des armes, le soutien de la population à l’action des forces ainsi que la capacité de résilience face aux crises passe notamment par la pérennité et le renforcement du lien entre les forces armées et la société.

À cet égard, renforcer la diffusion de l’esprit de défense est une des clés pour permettre aux Français de mieux appréhender les enjeux liés à la défense et à la sécurité nationale et de comprendre la légitimité́ des efforts qui leur sont consacrés.

Cette densification de la relation doit se faire au profit de l’ensemble des strates de la population. Le Livre blanc identifie néanmoins un certain nombre d’acteurs à privilégier parmi lesquels les élus, grâce notamment aux correspondants défense, les trinômes académiques et plus largement les enseignants, l’IHEDN, y compris au travers de son réseau régional, les futurs dirigeants publics ou privés, les réservistes, la jeunesse en général et les étudiants, futurs cadres de la Nation, en particulier, tous susceptibles d’être des relais au sein de la société pour maintenir et développer l’esprit de défense, véritable vecteur de cohésion nationale.

8.2. Un lien armée-Nation densifié et renouvelé

Conformément aux conclusions du Livre blanc, le renforcement de la relation entre tous les secteurs de la défense et la société passe par plusieurs axes d’action concrets :

– renforcer l’implication de la représentation nationale en matière de contrôle de l’activité gouvernementale dans des domaines clés : le suivi et l’actualisation des grands choix de la programmation militaire, le renseignement, les opérations extérieures, la politique d’exportation, notamment. Le lien entre les armées et le pays passe en effet par une pleine association des élus aux décisions concernant la politique de défense ;

rénover le parcours de citoyenneté, notamment au travers de l’enseignement de défense et d’une refonte des protocoles existant entre la défense et l’éducation nationale ainsi que la défense et l’enseignement supérieur et la recherche. Il s’agit notamment de l’étendre à l’enseignement agricole jusqu’alors oublié, de renforcer la lisibilité et le dynamisme de chacun des acteurs (trinômes académiques, référents défense, chercheurs, etc.), de développer la formation initiale des enseignants à la défense en particulier dans le cadre des futurs ESPE(1). Il s’agit en outre de développer davantage de synergies dans les domaines de l’égalité des chances, de l’insertion professionnelle des jeunes adultes et de la cohésion sociale. Enfin, il s’agit d’accroître les partenariats avec le monde universitaire et les grandes écoles pour favoriser le rayonnement et le développement de la recherche stratégique et contribuer à la formation des futurs cadres de la Nation sur les questions de défense ;

[(1) École supérieure du professorat et de l’éducation.]

– renforcer l’impact de la « Journée Défense et citoyenneté » (JDC). Seul lien institutionnel formel subsistant aujourd’hui entre les jeunes et la défense, la JDC est un complément indispensable à une armée professionnelle pour favoriser l’adhésion du citoyen aux objectifs de défense. Il s’agit non seulement de renforcer le volet défense, mais également de moderniser les vecteurs pédagogiques mis en œuvre afin de mieux les adapter aux modes de communication et aux sujets d’intérêt des jeunes. Un effort particulier sera en outre réalisé pour créer une continuité en amont et en aval de la JDC afin de poursuivre le lien au-delà de cette simple journée ;

– développer le volontariat dans les armées, qui permet à des jeunes de connaître une première intégration parmi les acteurs de la défense nationale ;

– valoriser le patrimoine des armées. La défense est le deuxième acteur culturel de l’État. Elle dispose en effet d’un important patrimoine : archives, bibliothèques, collections des musées nationaux, « musées de tradition », etc. Ce patrimoine est à la fois le creuset de l’identité des armées et un levier fort pour rappeler l’héritage de la Nation et entretenir l’esprit de défense. L’objectif est en particulier de mieux valoriser l’ensemble de ce patrimoine et de faciliter son accès au plus grand nombre ;

– développer la politique mémorielle. Connaître le passé et sauvegarder l’héritage de nos aînés, c’est aussi une manière d’apprendre à être citoyen et de comprendre les enjeux de la défense. L’objectif est de préserver et de transmettre à tous, en particulier aux plus jeunes, la mémoire et les valeurs républicaines ;

– renforcer la communication sur l’action de la défense au profit de la Nation en particulier au travers d’un effort accru d’information concernant les moyens matériels et humains que constituent nos forces, de la poursuite des actions destinées à expliquer la nature de nos engagements, mais également au travers d’illustrations concrètes de l’implication de la défense au profit de la vie socio-économique de notre pays.

L’exécution de la présente loi de programmation fera l’objet d’un suivi annuel qui sera examiné en Conseil de défense. Un rapport annuel d’exécution sera également transmis aux commissions compétentes du Parlement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi, sur l'article.

Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque nous débattons aujourd’hui de notre modèle d’armée pour les cinq prochaines années, je souhaitais profiter des travaux réalisés à l’Assemblée nationale sur le changement climatique pour aller plus loin, d’un point de vue tant militaire que diplomatique.

Alors que le rapport annexé entend s’inscrire dans une vision prospective, la France peine à se positionner sur l’émergence de nouveaux risques, au premier rang desquels figure le dérèglement climatique.

Ce dernier constitue un facteur d’instabilité à part entière, ayant des conséquences stratégiques majeures sur la sécurité des États et du système international. En effet, nul n’ignore que le dérèglement climatique accroît les stress hydriques, nourriciers, démographiques et redistribue les cartes de l’accès aux ressources. Il devient une source de tensions dans des zones déjà instables : le Soudan, le Nigeria, la Somalie, la mer de Chine méridionale, le Moyen-Orient et bien d’autres.

À l’occasion du sommet de l’Élysée, le Président de la République a lui-même reconnu qu’il y avait « urgence pour l’environnement et aussi pour la sécurité, car quand il y a des désordres climatiques, c’est aussi un facteur qui permet à des groupes d’utiliser la pauvreté, la misère, le désarroi, pour essayer de faire prévaloir leurs intérêts ».

C’est justement sur la base de la prééminence de ce lien entre dégradations socio-environnementales et conflits que la Green Defense promeut une redéfinition de la vision militaire classique. Elle prend le parti d’une approche préventive des conflits et, par là, cherche à donner à l’Europe de la défense une occasion de prendre chair.

Du fait de sa dimension globale, le dérèglement climatique doit être intégré au diagnostic stratégique de la France.

La pensée française reste dictée par une vision traditionnelle de la gestion des risques. En effet, si une approche globale existe, elle demeure cantonnée à une gestion post-conflit.

Pour ce qui nous concerne, notre réflexion s’appuie sur un constat simple : la nature des risques et des menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’Europe et sur la France a fondamentalement changé. Ce que le Livre blanc appelle « menace de la faiblesse », incarnée par la faillite des États malien ou centrafricain, est à notre sens la menace principale, celle qui doit structurer notre outil de défense.

Ce sont ces crises qui, du fait du dérèglement climatique, accapareront demain les efforts de nos armées et de nos diplomates. En effet, une vision préventive des conflits passe également par une diplomatie adaptée.

Lors de la table ronde sur le braconnage organisée la semaine dernière, le Président de la République a rappelé la volonté de la France de prendre part à la lutte contre cette pratique et contre le trafic illégal de biodiversité. Un premier pas significatif consisterait ainsi à inclure une clause sur la protection de l’environnement dans les conventions de défense ratifiées par la France.

En effet, parmi les trafics illégaux, celui qui porte sur les espèces protégées est le troisième au monde par les sommes en jeu, représentant près de 20 milliards de dollars chaque année. Alors que ces activités criminelles alimentent directement des réseaux mafieux et terroristes, la lutte menée contre elles constitue l'un des éléments clés de la prévention des conflits, notamment sur le continent africain.

Les États-Unis ont, dès les années 2000, élevé les mutations climatiques et leurs conséquences sur les sociétés au rang d’enjeu stratégique. Il s’agit, pour la France, de ne pas accuser de retard ! Si une réflexion sur la sécurité environnementale a été amorcée au niveau de l’état-major français, et je m’en réjouis, l’effort ne doit pas s’arrêter là.

Posons-nous la question de l’efficacité de la dissuasion face à un stress hydrique ou nourricier. Interrogeons-nous sur la capacité, pour un quelconque pays, de sécuriser ses approvisionnements sans assurer d’abord la paix mondiale qui soutient son économie.

Ainsi, il nous paraît primordial, pour la France, de dresser une feuille de route précise pour les prochaines années.

Cela me conduira, monsieur le ministre, à vous soumettre deux questions.

Faisant écho aux récentes déclarations du Président de la République, il semble nécessaire de reconnaître le dérèglement climatique comme un risque stratégique à part entière. Quelle en sera la traduction concrète pour notre modèle d’armée dans les années à venir ?

D’un point de vue diplomatico-militaire, quelle solution proposez-vous pour intégrer une clause sur la protection de l’environnement dans l’ensemble de nos futurs traités bilatéraux de défense ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. C’est effectivement en tant que président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que je voudrais, en quelques mots, appuyer la démarche de Leila Aïchi.

D’abord, je salue, ma chère collègue, la constance de votre engagement : depuis que nous avons le plaisir de vous compter parmi nous au sein de la commission, vous n’avez cessé de travailler, de façon très constructive et novatrice, à l'éveil de nos consciences – notamment la mienne ! (Sourires.)

Au-delà des seuls enjeux environnementaux – on pense, par exemple, à l’écoconception des matériels militaires, déjà prévue par la loi de programmation –, vous nous invitez à aller plus loin et à aborder plus globalement les bouleversements géopolitiques qui naissent aujourd’hui et qui, plus encore, naîtront demain des changements climatiques.

Votre intervention de ce soir témoigne de cet engagement. Je souscris à votre approche : nous devons avoir l’audace d’une vision prospective et prendre en compte l’émergence de nouveaux risques, aux conséquences multidimensionnelles.

Ce sont, en effet, des facteurs d’instabilité à part entière. Vous parlez de stress hydrique, de déséquilibres alimentaires, de dynamiques démographiques ; on pourrait ajouter à cette liste les logiques d’accaparement – à l’œuvre notamment dans les grands pays émergents, comme l'indiquait tout à l'heure Mme Demessine – des terres et des ressources, voire de l’accès à l’eau potable. Nous reconnaissons qu’il s'agit là d’indéniables facteurs de tensions, souvent observables à l’échelle régionale. Le Livre blanc reconnaît d’ailleurs les conséquences stratégiques de la fonte des glaces, notamment dans l’Arctique. Un amendement adopté par l’Assemblée nationale à l’article 2, que nous sommes en train d’examiner, est venu conforter et amplifier cette approche.

Sans doute nous faut-il aller plus loin, comme vous nous y invitez. C’est d’ailleurs ce qu’a fait le Président de la République en incluant un important volet « changement climatique » au récent sommet avec les chefs d’État africains.

Je souhaite donc que nous ayons un dialogue nourri avec le Gouvernement sur ce sujet, en particulier dans la perspective de la conférence consacrée au climat. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Michelle Demessine et M. Jean-Claude Peyronnet applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je partage votre préoccupation, madame la sénatrice : vous avez raison d'appeler à cet instant notre attention sur les risques que représentent les enjeux climatiques dans les conflits du futur, au regard des risques de la faiblesse ou des menaces de la force, pour reprendre les termes du Livre blanc.

Le président Carrère a rappelé qu’un amendement avait été adopté à l’Assemblée nationale pour alerter sur les conséquences de ces menaces nouvelles, et je suis très ouvert à un dialogue sur ce sujet.

Je pense que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat pourrait constituer le bon creuset pour élaborer des éléments complémentaires qui aillent, madame Aïchi, dans le sens que vous indiquez.

Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Bouchoux et Ango Ela, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 29

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans cette perspective, le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2019, un rapport sur le coût du démantèlement des composantes sous-marine et aéroportée de la dissuasion nucléaire.

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Bouchoux et Ango Ela, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 40

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour défendre ces deux amendements.

Mme Corinne Bouchoux. Je veux d'abord saluer la courtoisie et la sérénité des débats de cet après-midi, et surtout dire la satisfaction que nous ont procurée les propos du président Jean-Louis Carrère et de M. le ministre à la suite de l'intervention tout à fait pertinente de notre collègue Leila Aïchi, qui est habituellement, dans notre groupe, chef de file sur les questions de défense.

Ces amendements s’inscrivent dans le droit fil de notre interpellation concernant l'absence d'une discussion suffisamment ample, à nos yeux, sur la dissuasion nucléaire.

L’amendement n° 7 rectifié tend à la remise d'un rapport avant le 31 décembre 2019 sur le coût du démantèlement des composantes sous-marine et aéroportée de la dissuasion nucléaire. Nous sommes tout à fait conscients que ce coût est colossal. Peut-être est-il aussi un obstacle à la mise en place de la politique que nous appelons de nos vœux. Pour autant, la peur n’évite pas le danger et nous aimerions avoir un éclairage précis sur ce dossier.

Quant à l’amendement n° 8 rectifié, il tend à rouvrir le débat sur la place de la dissuasion nucléaire dans notre stratégie de défense. Ce débat devrait se tenir non pas au sein de la commission des affaires étrangères, entre experts de grande qualité, mais en séance publique, de manière que tous les membres de la Haute Assemblée puissent y prendre part.

Même si nous ne nourrissons que peu d'espoirs quant au sort de ces deux amendements, nous aimerions qu’ils permettent au débat de réaliser une sorte de saut qualitatif. Il existe une pluralité d'approches sur ce sujet et nous pensons que la « biodiversité », y compris lorsqu’il s’agit des visions de la défense, est une richesse pour le pays : ce n’est en aucun cas un handicap ou une faiblesse.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. C’est un avis défavorable qu’a émis la commission à une très large majorité.

Toutefois, je voudrais dire à Mme Bouchoux que, sur les deux points qu’elle a évoqués, nous essaierons d'aller dans le sens qu’elle souhaite. D'une part, nous nous efforcerons de trouver les modalités de calcul des coûts réels entraînés par un démantèlement de telle ou telle composante de la dissuasion. D'autre part, vous connaissez, ma chère collègue, ma position sur la dissuasion nucléaire – elle est aussi claire que celle de M. le ministre –, mais je souscris tout à fait à la possibilité d'organiser au sein de notre assemblée un débat serein et nourri qui y serait consacré.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je me suis exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet. J’émets le même avis défavorable sur les deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l'article 2 et du rapport annexé.

(L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Article 3 bis

Article 3

(Non modifié)

Les crédits de paiement de la mission Défense, hors charges de pensions, exprimés en milliards d’euros courants évolueront comme suit :

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

29,61

29,61

30,13

30,65

31,50

32,36

 

Ils seront complétés par des ressources exceptionnelles, provenant notamment de cessions, exprimées en milliards d’euros courants qui évolueront comme suit :

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

1,77

1,77

1,25

0,91

0,28

0,15

 

De plus, le montant des recettes exceptionnelles peut être augmenté de 0,5 milliard d’euros afin de sécuriser la programmation des opérations d’armement jusqu’à la première actualisation de la programmation si la soutenabilité financière de la trajectoire des opérations d’investissement programmée par la présente loi apparaît compromise. Dans l’hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne seraient pas réalisés conformément à la présente loi de programmation, ces ressources seraient intégralement compensées par d’autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d’un financement interministériel.

Dans l’hypothèse où le montant des ressources exceptionnelles disponibles sur la période 2014-2019 excéderait 6,1 milliards d’euros, l’excédent, à concurrence de 0,9 milliard d’euros supplémentaires, bénéficierait au ministère de la défense. – (Adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Article 4

Article 3 bis

(Non modifié)

La dotation annuelle au titre des opérations extérieures est fixée à 450 millions d’euros. En gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l’objet d’un financement interministériel.

Les opérations extérieures en cours font, chaque année, l’objet d’un débat au Parlement.

Le Gouvernement communique, préalablement à ce débat, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier des opérations extérieures en cours. – (Adopté.)

Article 3 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Article 4 bis

Article 4

(Non modifié)

Les réductions nettes d’effectifs du ministère de la défense (missions Défense et Anciens combattants) s’élèveront à 33 675 équivalents temps plein et s’effectueront selon le calendrier suivant :

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

- 7 881

- 7 500

- 7 397

- 7 397

- 3 500

0

 

Ces réductions d’effectifs porteront sur les seuls emplois financés sur les crédits de personnel du ministère de la défense. Au terme de cette évolution, en 2019, les effectifs du ministère de la défense s’élèveront ainsi à 242 279 agents en équivalents temps plein. – (Adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Article 4 ter

Article 4 bis

(Non modifié)

La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont la première interviendra avant la fin de l’année 2015. Ces actualisations permettront de vérifier, avec la représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi et les réalisations. Elles seront l’occasion d’affiner certaines des prévisions qui y sont inscrites, notamment dans le domaine de l’activité des forces et des capacités opérationnelles, de l’acquisition des équipements majeurs, du rythme de réalisation de la diminution des effectifs et des conséquences de l’engagement des réformes au sein du ministère de la défense.

Ces actualisations devront également tenir compte de l’éventuelle amélioration de la situation économique et de celle des finances publiques afin de permettre le nécessaire redressement de l’effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l’objectif d’un budget de la défense représentant 2 % du produit intérieur brut.

Elles seront l’occasion d’examiner le report de charges du ministère de la défense, afin de le réduire dans l’objectif de le solder et de procéder au réexamen en priorité de certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions RAFALE, à la lumière des résultats à l’export. – (Adopté.)

Chapitre Ier bis

Dispositions relatives au contrôle parlementaire de l’exécution de la loi de programmation

Article 4 bis
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Article 4 quater

Article 4 ter

(Non modifié)

Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et des forces armées suivent et contrôlent l’application de la programmation militaire. Aux fins d’information de ces commissions, cette mission est confiée à leur président ainsi qu’à leurs rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances dans leurs domaines d’attributions et, le cas échéant, pour un objet déterminé, à un ou plusieurs des membres de ces commissions spécialement désignés. À cet effet, ils procèdent à toutes auditions qu’ils jugent utiles et à toutes investigations nécessaires sur pièces et sur place auprès du ministère de la défense et des organismes qui lui sont rattachés ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l’économie et des finances. Ceux-ci leur transmettent, sous réserve du second alinéa, tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif utiles à l’exercice de leur mission.

La mission des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et les pouvoirs mentionnés au premier alinéa ne peuvent ni s’exercer auprès des services spécialisés de renseignement mentionnés au I de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ni porter sur les sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l’État. – (Adopté.)

Article 4 ter
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Article 4 quinquies

Article 4 quater

(Non modifié)

Chaque semestre, le ministre de la défense présente aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan détaillé de l’exécution des crédits de la mission Défense de la loi de finances et de la loi de programmation militaire. – (Adopté.)

Article 4 quater
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Article 4 sexies (texte non modifié par la commission)

Article 4 quinquies

(Non modifié)

L’article L. 143-5 du code des juridictions financières est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « commissions chargées des affaires sociales » sont remplacés par les mots : « autres commissions permanentes » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le respect des dispositions prévues aux I et IV de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, le Gouvernement transmet à la délégation parlementaire au renseignement les communications de la Cour des comptes aux ministres portant sur les services de renseignement, ainsi que les réponses qui leur sont apportées. » – (Adopté.)

Article 4 quinquies
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Article 4 septies

Article 4 sexies

(Non modifié)

Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat d’orientation budgétaire, un rapport sur l’exécution de la loi de programmation militaire. Ce rapport fait l’objet d’un débat.

Ce rapport décrit la stratégie définie par le Gouvernement en matière d’acquisition des équipements de défense. Cette stratégie définit les grandes orientations retenues en matière de systèmes d’armes et précise les technologies recherchées.

Ce rapport décrit également la mise en œuvre des dispositifs budgétaires, financiers, fiscaux et sociaux, instaurés pour l’accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense.

Ce rapport décrit, enfin, la ventilation, en dépenses, des ressources issues des recettes exceptionnelles. Cette ventilation est détaillée entre actions et sous-actions des programmes concernés.

Mme la présidente. L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mmes Bouchoux et Ango Ela, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ce rapport précise spécifiquement les coûts de l’ensemble des programmes afférents à chaque composante de la dissuasion nucléaire.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Dans la même perspective que précédemment, nous souhaitons que le rapport prévu par l’article 4 sexies précise spécifiquement les coûts de l’ensemble des programmes afférents à chaque composante de la dissuasion nucléaire. Si nous voulons avoir un débat serein sur la doctrine, il est important que nous disposions de ces éléments.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. La commission a rendu un avis défavorable.

Si l'on pose le principe d'un large débat sur les questions de dissuasion nucléaire, il pourra être donné satisfaction à Mme Bouchoux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4 sexies.

(L'article 4 sexies est adopté.)

Article 4 sexies (texte non modifié par la commission)
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Article 5

Article 4 septies

(Non modifié)

À compter de l’exercice budgétaire 2015, le rapport annuel sur les exportations d’armement de la France est adressé au Parlement au plus tard à la date du 1er juin de chaque année. – (Adopté.)

Chapitre II

Dispositions relatives au renseignement

Article 4 septies
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Article 6

Article 5

(Non modifié)

L’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Il est constitué une délégation parlementaire au renseignement, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat.

« Elle exerce le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière de renseignement et évalue la politique publique en ce domaine. À cette fin, elle est destinataire des informations utiles à l’accomplissement de sa mission. Lui sont notamment communiqués :

« 1° La stratégie nationale du renseignement ;

« 2° Des éléments d’information issus du plan national d’orientation du renseignement ;

« 3° Un rapport annuel de synthèse exhaustif des crédits consacrés au renseignement et le rapport annuel d’activité des services spécialisés de renseignement désignés par décret ;

« 4° Des éléments d’appréciation relatifs à l’activité générale et à l’organisation des services spécialisés de renseignement.

« En outre, la délégation peut solliciter du Premier ministre la communication de tout ou partie des rapports de l’inspection des services de renseignement, ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence.

« Ces documents, ces informations et ces éléments d’appréciation ne peuvent porter ni sur les opérations en cours de ces services, ni sur les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard, ni sur les procédures et méthodes opérationnelles, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement. » ;

1° bis Au début du premier alinéa du II, est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« La délégation parlementaire au renseignement est composée de quatre députés et de quatre sénateurs. » ;

2° Le III est ainsi rédigé :

« III. – La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres compétents, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, le coordonnateur national du renseignement, le directeur de l’Académie du renseignement ainsi que les directeurs en fonction des services spécialisés de renseignement mentionnés au I. Les directeurs de ces services peuvent se faire accompagner des collaborateurs de leur choix en fonction de l’ordre du jour de la délégation. La délégation peut également entendre les directeurs des autres administrations centrales ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement.

« Elle peut inviter les présidents de la Commission consultative du secret de la défense nationale et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité à lui présenter les rapports d’activité de ces commissions. » ;

2° bis Au premier alinéa du IV, la référence : « III » est remplacée par la référence : « I » ;

3° (Supprimé)

4° Il est ajouté un VIII ainsi rédigé :

« VIII. – La délégation parlementaire au renseignement exerce les attributions de la commission de vérification prévue à l’article 154 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001). » – (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

(Non modifié)

I. – L’article 154 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001) est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi rédigé :

« II. – La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs, membres de la délégation parlementaire au renseignement, désignés de manière à assurer une représentation pluraliste. Le président de la commission de vérification est désigné chaque année par les membres de la délégation. » ;

2° Le second alinéa du VI est ainsi rédigé :

« Le rapport est présenté aux membres de la délégation parlementaire au renseignement qui ne sont pas membres de la commission. Il est également remis, par le président de délégation, aux présidents et rapporteurs généraux des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, ainsi qu’au Président de la République et au Premier ministre. »

II. – Le I entre en vigueur à compter de la première désignation des membres de la commission de vérification. Cette désignation intervient dans un délai de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. – (Adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

(Non modifié)

L’article 656-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « services », il est inséré le mot : « spécialisés » ;

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« S’il est indiqué par l’autorité hiérarchique que l’audition requise, même effectuée dans les conditions d’anonymat indiquées aux premier et troisième alinéas, comporte des risques pour l’agent, ses proches ou son service, cette audition est faite dans un lieu assurant l’anonymat et la confidentialité. Ce lieu est choisi par le chef du service et peut être le lieu de service d’affectation de l’agent. » – (Adopté.)

Article 7
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Article 10

Article 8

(Non modifié)

I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° À l’intitulé, les mots : « des services de la police et de la gendarmerie nationales » sont supprimés ;

2° L’article L. 222-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

– les mots : « à l’indépendance de la Nation, à l’intégrité de son territoire, à sa sécurité, à la forme républicaine de ses institutions, aux moyens de sa défense et de sa diplomatie, à la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger et aux éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique » sont remplacés par les mots : « aux intérêts fondamentaux de la Nation » ;

b) Le début du neuvième alinéa est ainsi rédigé : « II. – Pour les seuls besoins de la prévention des atteintes et des actes mentionnés au premier alinéa du I, les agents individuellement désignés et dûment habilités des services spécialisés de renseignement mentionnés au I de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires sont également… (le reste sans changement). » ;

c) Les dixième et avant-dernier alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État détermine les services spécialisés de renseignement mentionnés au premier alinéa du présent II et les modalités de leur accès aux traitements automatisés mentionnés au présent article. »

II. – (Non modifié).

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8.

(L’article 8 est adopté.)

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Article 8
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Article 11

Article 10

(Non modifié)

I. – Le chapitre II du titre III du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 232-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 232-7. – I. – Pour les besoins de la prévention et de la constatation des actes de terrorisme, des infractions mentionnées à l’article 695-23 du code de procédure pénale et des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, du rassemblement des preuves de ces infractions et de ces atteintes ainsi que de la recherche de leurs auteurs, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé des transports et le ministre chargé des douanes sont autorisés à mettre en œuvre un traitement automatisé de données.

« Sont exclues de ce traitement automatisé de données les données à caractère personnel susceptibles de révéler l’origine raciale ou ethnique d’une personne, ses convictions religieuses ou philosophiques, ses opinions politiques, son appartenance à un syndicat, ou les données qui concernent la santé ou la vie sexuelle de l’intéressé.

« II. – Pour la mise en œuvre du traitement mentionné au I, les transporteurs aériens recueillent et transmettent les données d’enregistrement relatives aux passagers des vols à destination et en provenance du territoire national, à l’exception des vols reliant deux points de la France métropolitaine. Les données concernées sont celles mentionnées au premier alinéa de l’article L. 232-4 du présent code.

« Les transporteurs aériens sont également tenus de communiquer les données relatives aux passagers enregistrées dans leurs systèmes de réservation.

« III. – Les transporteurs aériens mentionnés au II informent les personnes concernées par le traitement mentionné au I.

« III bis. – Les données mentionnées au II ne peuvent être conservées que pour une durée maximale de cinq ans.

« IV. – En cas de méconnaissance des obligations fixées au présent article par une entreprise de transport aérien, l’amende et la procédure prévues à l’article L. 232-5 sont applicables.

« V. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret détermine les services autorisés à interroger l’unité de gestion chargée de la collecte des données auprès des transporteurs aériens, de leur conservation et de leur analyse, en précisant si cette autorisation est délivrée à des fins de prévention ou à des fins de répression. »

II. – (Non modifié).

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10.

(L’article 10 est adopté.)

Article 10
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Article 13 (Texte non modifié par la commission)

Article 11

(Non modifié)

L’article L. 234-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase, les mots : « de la police et de la gendarmerie nationales spécialement habilités à cet effet » sont remplacés par les mots et deux alinéas ainsi rédigés : « individuellement désignés et spécialement habilités :

« 1° De la police et de la gendarmerie nationales ;

« 2° Dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 234-1, des services spécialisés de renseignement mentionnés au I de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. » ;

2° La seconde phrase devient le dernier alinéa. – (Adopté.)

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Article 11
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Article 14 (Texte non modifié par la commission)

Article 13

(Non modifié)

I. – Le livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L’intitulé du titre IV est complété par les mots : « et accès administratif aux données de connexion » ;

2° Il est ajouté un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Accès administratif aux données de connexion

« Art. L. 246-1. – Pour les finalités énumérées à l’article L. 241-2, peut être autorisé le recueil, auprès des opérateurs de communications électroniques et des personnes mentionnées à l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ainsi que des personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques, y compris les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée, à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu’aux communications d’un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelant, la durée et la date des communications.

« Art. L. 246-2. – I. – Les informations ou documents mentionnés à l’article L. 246-1 sont sollicités par les agents individuellement désignés et dûment habilités des services relevant des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget, chargés des missions prévues à l’article L. 241-2.

« II. – Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision d’une personnalité qualifiée placée auprès du Premier ministre. Cette personnalité est désignée pour une durée de trois ans renouvelable par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, sur proposition du Premier ministre qui lui présente une liste d’au moins trois noms. Des adjoints pouvant la suppléer sont désignés dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée établit un rapport d’activité annuel adressé à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Ces décisions, accompagnées de leur motif, font l’objet d’un enregistrement et sont communiquées à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. 

« Art. L. 246-3. – Pour les finalités énumérées à l’article L. 241-2, les informations ou documents mentionnés à l’article L. 246-1 peuvent être recueillis sur sollicitation du réseau et transmis en temps réel par les opérateurs aux agents mentionnés au I de l’article L. 246-2.

« L’autorisation de recueil de ces informations ou documents est accordée, sur demande écrite et motivée des ministres de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget ou des personnes que chacun d’eux a spécialement désignées, par décision écrite du Premier ministre ou des personnes spécialement désignées par lui, pour une durée maximale de trente jours. Elle peut être renouvelée, dans les mêmes conditions de forme et de durée. Elle est communiquée dans un délai de quarante-huit heures au président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

« Si celui-ci estime que la légalité de cette autorisation au regard des dispositions du présent titre n’est pas certaine, il réunit la commission, qui statue dans les sept jours suivant la réception par son président de la communication mentionnée au deuxième alinéa.

« Au cas où la commission estime que le recueil d’une donnée de connexion a été autorisé en méconnaissance des dispositions du présent titre, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce qu’il y soit mis fin.

« Elle porte également cette recommandation à la connaissance du ministre ayant proposé le recueil de ces données et du ministre chargé des communications électroniques.

« Art. L. 246-4. – La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité dispose d’un accès permanent au dispositif de recueil des informations ou documents mis en œuvre en vertu du présent chapitre, afin de procéder à des contrôles visant à s’assurer du respect des conditions fixées aux articles L. 246-1 à L. 246-3. En cas de manquement, elle adresse une recommandation au Premier ministre. Celui-ci fait connaître à la commission, dans un délai de quinze jours, les mesures prises pour remédier au manquement constaté.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des informations ou documents transmis.

« Art. L. 246-5. – Les surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les opérateurs et personnes mentionnées à l’article L. 246-1 pour répondre à ces demandes font l’objet d’une compensation financière de la part de l’État. » ;

3° Les articles L. 222-2, L. 222-3 et L. 243-12 sont abrogés ;

4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 243-7, les mots : « de l’article L. 243-8 et au ministre de l’intérieur en application de l’article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques et de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique » sont remplacés par les références : « des articles L. 243-8, L. 246-3 et L. 246-4 » ;

5° À l’article L. 245-3, après le mot : « violation », sont insérées les références : « des articles L. 246-1 à L. 246-3 et ».

II, III et IV. – (Non modifiés)

Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié ter, présenté par Mme Bouchoux, M. Gattolin, Mmes Benbassa, Blandin et Lipietz et M. Placé, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. On ne peut pas nous soupçonner de porter la voix des majors qui ont été tout à l'heure dénoncées par le président Jean-Pierre Sueur ! Il n’y a, de notre part, aucun revirement inexplicable : nous avons simplement été interpellés par un certain nombre de concitoyens, notamment de geeks.

Ils nous ont alertés sur le fait que l'on n’était pas vraiment obligé de passer devant un juge et qu’il n’y avait pas vraiment de demande d'autorisation préalable.

Par ailleurs, la CNIL a peut-être été auditionnée, mais je ne suis pas sûre qu’elle ait été saisie pour avis dans les formes appropriées.

Pour toutes ces raisons, nous avons été troublés par cet article 13 et, si nous ne méconnaissons pas la nécessité de lutter de façon énergique contre le terrorisme, nous en proposons la suppression en attendant que les choses soient remises à plat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 13, dont on parle beaucoup, souvent à tort et à travers. Puisqu’il semble que mon collègue et ami Jean-Pierre Sueur n’ait pas été convaincant tout à l'heure, je vais m’efforcer de faire, à mon tour, assaut de pédagogie.

Je souligne d’abord qu’une grande majorité d'entre nous a la volonté de parvenir à un vote conforme. Il n’est pas question d’avoir un débat bâclé, mais il faut que notre défense dispose d'un budget à compter du 1er janvier prochain. Ce n’est pas là un argument à proprement parler, j’en conviens, mais il s’agit au moins d’un élément de contexte.

Initialement, cet article 13 prévoyait uniquement de clarifier le régime de la géolocalisation d’un objet – téléphone ou ordinateur portable, par exemple – en temps réel. II visait ainsi à répondre à une fragilité juridique résultant d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 2 septembre 2010, dans lequel celle-ci rappelait la nécessité de disposer à cet égard d’une loi « particulièrement précise ».

En première lecture, le Sénat avait adopté un amendement présenté par le président et rapporteur pour avis de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, ayant un objet beaucoup plus large puisqu’il visait à refondre le régime juridique de l’accès aux données de connexion issu de l’article 6 de la loi du 23 janvier 2006 – les fameuses « fadettes » – en le rapprochant du régime des interceptions de communications issu de la loi du 10 juillet 1991, plus protecteur des libertés publiques.

Ce rapprochement répond à une préoccupation exprimée par la CNCIS, par la délégation parlementaire au renseignement et par les commissions des lois des deux assemblées. Le régime actuel de l’accès aux données de connexion, applicable uniquement en matière de prévention du terrorisme, est en effet un régime transitoire qui, vous le savez, doit être réformé avant la fin 2015.

Le dispositif adopté par le Sénat est à la fois plus adapté aux besoins opérationnels des services, car il sera ouvert à tous les services de renseignement et pour des motifs plus larges que la seule prévention du terrorisme, mais aussi plus protecteur des libertés publiques.

Je vous laisse en juger, madame Bouchoux.

D’une part, les demandes motivées d’accès aux données de connexion seront soumises à la décision d’une personne qualifiée auprès du Premier ministre et du Premier ministre lui-même, et non pas du ministre de l’intérieur comme aujourd’hui. Non que l’un soit plus digne de confiance que l’autre ! Mais l’autorisation du Premier ministre induit tout de même une certaine sacralisation.

D’autre part, chaque demande fera l’objet d’un contrôle effectué par la CNCIS, autorité administrative indépendante présidée par un magistrat et où siègent des parlementaires.

Les conditions d’utilisation de la géolocalisation en temps réel seront, quant à elles, plus strictes que celles prévues initialement par le projet de loi puisqu’elles seront identiques à celles prévues pour les interceptions de sécurité : l’autorisation sera accordée par décision écrite du Premier ministre sur demande écrite et motivée du ministre concerné, puis communiquée au président de la CNCIS.

Les auteurs de l’amendement soutiennent que la CNIL n’a pas été saisie de cet article. Il est vrai que, si elle a été consultée par le Gouvernement sur plusieurs articles du projet de loi, elle ne l’a pas été sur la nouvelle rédaction de cet article puisque celle-ci découle d’un amendement parlementaire. Le reproche que vous nous faites est donc infondé. Pour autant, mon collègue Jean-Pierre Sueur et moi-même, en des temps et en des lieux différents, avons chacun auditionné, pendant plus d’une heure, les représentants de la CNIL, qui ont ainsi pu faire valoir leur point de vue.

En outre, et cela devrait vous rassurer, il est prévu que les modalités d’application de cet article seront fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL et de la CNCIS, et que ce décret précisera notamment la procédure de suivi des demandes ainsi que les conditions et durée de conservation des informations ou documents.

Enfin, à l’Assemblée nationale, tant la commission des lois que la commission de la défense ont approuvé la rédaction de cet article. Le seul changement apporté par les députés concerne la durée de l’autorisation de la géolocalisation en temps réel. En effet, alors que le Sénat avait retenu un délai maximal de dix jours, la commission des lois de l’Assemblée nationale a souhaité porter la durée des autorisations à quatre mois. Nous avons néanmoins obtenu que la commission de la défense retienne un délai de trente jours, ce qui nous paraissait plus compatible avec l’esprit de la loi. Au sein de notre commission, au Sénat, nous avons considéré qu’un délai de trente jours représentait un équilibre raisonnable pour concilier l’impératif d’efficacité et la protection des droits et libertés individuelles.

Aussi, ma chère collègue, je puis vous assurer que le respect des libertés individuelles a été notre préoccupation constante.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Bien que je me sois déjà exprimé sur le sujet lors de la discussion générale, je veux reprendre certains éléments qui ont été évoqués par Mme Bouchoux, mais aussi, en réponse, par le président Carrère, dont je rejoins l’argumentation.

Il n’était pas dans l’intention du Gouvernement, je tiens à le souligner, de traiter de l’ensemble des questions touchant l’accès aux données de connexion détenues par les opérateurs de communications électroniques par les services de renseignement lors de l’examen de la loi de programmation militaire. Notre préoccupation en la matière se bornait au cas particulier de la géolocalisation en temps réel.

Mais le président Carrère a rappelé le souhait du Sénat, dans sa sagesse coutumière,…

Mme Nathalie Goulet. Et légendaire ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … sur l’initiative du président Sueur et de M. Hyest, de revisiter plus globalement le régime juridique de l’accès de ces données par l’ensemble des services de renseignement.

Le texte de l’article 13, ainsi que cela a été dit tout à l’heure, est donc issu d’une initiative parlementaire que le Gouvernement a soutenue. Il a été voté à l’unanimité au Sénat, et je considère qu’il s’agit là d’une contribution juste et équilibrée.

Je voudrais néanmoins procéder à quelques rappels, puisque cet article semble faire débat, un débat d’ailleurs étonnamment tardif s’agissant d’un sujet dont il est question depuis déjà un certain temps.

M. Jeanny Lorgeoux. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En tout cas, même si ce débat ne concerne pas seulement la question militaire, je tiens à répéter que l’article 13 part d’un dispositif d’accès administratif aux données de connexion qui existe dans notre droit positif depuis 2006 et que le Conseil constitutionnel a validé en son temps au nom de l’apport du renseignement à la préservation des intérêts fondamentaux de la nation.

Si cet article étend effectivement le régime existant pour l’adapter aux missions et à la réalité de nos services de renseignement, en épousant d’ailleurs le périmètre d’autorisation des interceptions de sécurité organisé par la loi de 1991, il en renforce surtout le contrôle par rapport à la situation actuelle, ainsi que cela a été dit tout à l’heure par le président Sueur.

Ce contrôle est de nature à la fois politique, démocratique et technique, du fait notamment de l’intervention du Premier ministre en matière de géolocalisation en temps réel et des pouvoirs accrus conférés à la CNCIS, autorité administrative indépendante.

Comme l’a souligné le président Carrère, la CNIL sera appelée à se prononcer sur le décret d’application de l’article 13 et notamment sur les modalités et la durée de conservation des données.

En outre, le cas échéant, étant donné les durées limitées des dispositions relatives à l’accès aux fichiers administratifs et au PNR – passenger name record –, ce dispositif pourra être réexaminé au bout d’un premier temps de fonctionnement lors des rendez-vous législatifs à venir en matière de renseignement, puisque le Gouvernement soumettra au Parlement, assez rapidement je l’espère, un projet de loi dans ce domaine.

Enfin, le Gouvernement est soucieux du respect des libertés publiques et individuelles, comme en témoigne le projet, annoncé lors du séminaire intergouvernemental du 28 février 2013 consacré au numérique, de présenter en 2014 un texte de loi sur les droits et libertés numériques, tâche qui reviendra à ma collègue Fleur Pellerin

Pour ma part, j’estime que l’article 13 permet d’atteindre un bon équilibre entre l’efficacité opérationnelle, qu’il convient évidemment de préserver, et le respect des libertés publiques, auquel nous sommes tous très attachés.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Il me semble que, à la lumière de toutes ces explications, Mme Bouchoux devrait pouvoir retirer son amendement, car il est clair qu’il n’a pas réellement d’objet.

Mme la présidente. Madame Bouchoux, l'amendement n° 11 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Corinne Bouchoux. Oui, madame la présidente.

Nous sommes extrêmement sensibles à l’honneur que nous ont fait M. le président de la commission et M. le ministre en nous apportant toutes ces précisions, mais notre inquiétude n’est pas totalement levée. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Nous, nous avons été convaincus !

Mme Corinne Bouchoux. Nous n’avons aucun doute sur l’issue du vote, mais nous pensons qu’en démocratie il faut aussi poser des questions qui dérangent. Bien sûr, nous pourrons revoir notre position lorsque nous aurons obtenu certaines assurances.

J’ajouterai simplement que, pour notre génération, ces questions ont une résonance quelque peu troublante : elles évoquent des affaires d’écoutes, impliquant des gouvernements de couleurs très différentes, qui ont marqué notre jeunesse.

Bien que nous soyons très sensibles à la qualité des réponses qui nous ont été apportées, nous maintenons donc cet amendement. C’est une question de principe et de démocratie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je ne voterai pas cet amendement de suppression, et ce pour plusieurs raisons.

Nous sommes évidemment très attachés au respect de la vie privée, surtout à l’heure d’Internet. Notre assemblée a d’ailleurs produit plusieurs rapports sur le sujet, notamment sous la plume d’Anne-Marie Escoffier et d’Yves Détraigne. Le Sénat a donc toujours été très préoccupé par cette question du respect de la vie privée.

Cette loi de programmation militaire conférera aux services de renseignement un accès légal aux données personnelles détenues par les opérateurs de communications électroniques, et il est tout à fait normal que certains s’en émeuvent.

Toutefois, ni Jean-Pierre Sueur ni le président Carrère ne passent pour des liberticides !

M. Roland Courteau. M. le ministre non plus !

Mme Nathalie Goulet. Pour ma part, je leur fais entièrement confiance.

Le ministre et le président de la commission des lois – comment pourrait-on le soupçonner, lui tout particulièrement, de ne pas veiller scrupuleusement au respect des libertés ? – nous ont indiqué que les principales instances compétentes seraient saisies lors d’une demande d’accès aux données de connexion et qu’elles exerceraient de surcroît un contrôle sur les modalités d’application du présent article.

M. Jeanny Lorgeoux. Tout à fait !

Mme Nathalie Goulet. Je ne vois donc aucune raison de remettre en cause l’ensemble de ces dispositions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié ter.

(L'amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Hérisson et César et Mme Lamure, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer les mots :

du réseau

par les mots :

de l’opérateur

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 1, présenté par MM. Hérisson et César et Mme Lamure, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 246-5. – La totalité des surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les opérateurs et personnes mentionnées à l’article L. 246-1 pour répondre à ces demandes font l’objet d’une compensation financière intégrale de la part de l’État, à hauteur des surcoûts engendrés. » ;

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Chapitre III

Dispositions relatives à la protection des infrastructures vitales contre la cybermenace

Article 13 (Texte non modifié par la commission)
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Article 15

Article 14

(Non modifié)

Au chapitre Ier du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la défense, sont insérés des articles L. 2321-1 et L. 2321-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 2321-1. – (Non modifié)

« Art. L. 2321-2. – Pour répondre à une attaque informatique qui vise les systèmes d’information affectant le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation, les services de l’État peuvent, dans les conditions fixées par le Premier ministre, procéder aux opérations techniques nécessaires à la caractérisation de l’attaque et à la neutralisation de ses effets en accédant aux systèmes d’information qui sont à l’origine de l’attaque.

« Pour être en mesure de répondre aux attaques mentionnées au premier alinéa, les services de l’État déterminés par le Premier ministre peuvent détenir des équipements, des instruments, des programmes informatiques et toutes données susceptibles de permettre la réalisation d’une ou plusieurs des infractions prévues aux articles 323-1 à 323-3 du code pénal, en vue d’analyser leur conception et d’observer leur fonctionnement. »

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Berthou, sur l'article.

M. Jacques Berthou. Mon propos porte sur l’article 14, mais pourrait concerner également les articles 15 et 16 bis figurant aussi dans le chapitre III qui traite de la protection des infrastructures vitales contre la cybermenace.

L’importance de la cybersécurité, de la cyberdéfense, de la protection de tous nos réseaux interconnectés n’est plus à démontrer. De nos jours, les potentiels de croissance et de développement de chaque pays sont indissociablement liés à l’amélioration des technologies d’information et de communication. Mais l’utilisation de ces dernières est source de vulnérabilité : piratage, sabotage, espionnage, saturation volontaire des réseaux mettent en danger les centres vitaux de notre pays. C’est la raison pour laquelle les différents systèmes d’information et de communication doivent être protégés. Et l’État doit jouer un rôle majeur dans la définition des politiques de protection et de défense de l’ensemble de ces systèmes.

De surcroît, cette menace est vouée à se renforcer à l’avenir : les citoyens, les sociétés, les États sont tous les jours plus dépendants des systèmes d’information et d’Internet, alors même que la diversité et la délocalisation des attaques ne cessent de se développer.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jacques Berthou. Il s’agit donc de trouver le cadre législatif le plus adapté pour limiter les risques de cybermenace, tout en organisant sous l’autorité du Premier ministre la coordination de l’action gouvernementale.

En matière de défense, notre sécurité nationale et notre souveraineté pourraient être mises en cause par des attaques de ce type. Je me réjouis que ces préoccupations trouvent une traduction dans le Livre blanc de la défense, ainsi que dans le présent projet de loi de programmation militaire : oui, la cyberdéfense est une priorité nationale !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques Berthou. Et je crois que le Gouvernement, par le biais du texte qu’il nous soumet, fait en l’espèce preuve de volonté.

Pour démontrer cette volonté, j’évoquerai tout d’abord l’augmentation des moyens qui seront mis à la disposition de toute la chaîne de commandement interarmées et ministérielle, des groupes d’intervention rapide, les GIR, et du Centre d’analyse de lutte informatique défensive, le CALID, eux-mêmes en étroite collaboration avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, proche de toutes les structures qui exercent des activités de cyberdéfense et dont les effectifs seront augmentés. En effet, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit un renforcement significatif des effectifs de l’ANSSI et une augmentation de 20 % de son budget d’ici à 2015. Il permet également à l’État d’imposer des règles aux opérateurs d’importance vitale concernant leurs systèmes d’information critique. De ce fait, l’État pourra prendre des mesures de lutte informatique défensive en cas de grave attaque informatique. Parallèlement sera opérée une évolution de notre système juridique en la matière.

Enfin, il me semble de plus en plus important et urgent de rappeler à l’ensemble des acteurs économiques de notre pays les dangers des cyberattaques. La prise de conscience collective et l’importance des moyens mis en œuvre pour sécuriser au mieux nos atouts économiques et industriels sont indispensables à nos intérêts fondamentaux.

Grâce à ces dispositifs ambitieux, dont certains sont rappelés à l’article 14, j’ai la conviction, monsieur le ministre, que, dans les prochaines années, notre pays saura répondre au défi de la cyberdéfense.

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par MM. Hérisson et César et Mme Lamure, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

procéder

insérer par les mots :

, en liaison avec les personnes physiques ou morales concernées,

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Article 16 bis

Article 15

(Non modifié)

Le chapitre II du titre III du livre III de la première partie du code de la défense est ainsi modifié :

1° Est insérée une section 1 intitulée : « Dispositions générales » et comprenant les articles L. 1332-1 à L. 1332-6 ;

2° Après l’article L. 1332-6, est insérée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Dispositions spécifiques à la sécurité des systèmes d’information

« Art. L. 1332-6-1. – Le Premier ministre fixe les règles de sécurité nécessaires à la protection des systèmes d’information des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 et des opérateurs publics ou privés qui participent à ces systèmes pour lesquels l’atteinte à la sécurité ou au fonctionnement risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation. Ces opérateurs sont tenus d’appliquer ces règles à leurs frais.

« Les règles mentionnées au premier alinéa peuvent notamment prescrire que les opérateurs mettent en œuvre des systèmes qualifiés de détection des événements susceptibles d’affecter la sécurité de leurs systèmes d’information. Ces systèmes de détection sont exploités sur le territoire national par des prestataires de services qualifiés en matière de sécurité de systèmes d’information, par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information ou par d’autres services de l’État désignés par le Premier ministre.

« Les qualifications des systèmes de détection et des prestataires de services exploitant ces systèmes sont délivrées par le Premier ministre.

« Art. L. 1332-6-2. – Les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 informent sans délai le Premier ministre des incidents affectant le fonctionnement ou la sécurité des systèmes d’information mentionnés au premier alinéa de l’article L. 1332-6-1.

« Art. L. 1332-6-3. – À la demande du Premier ministre, les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 soumettent leurs systèmes d’information à des contrôles destinés à vérifier le niveau de sécurité et le respect des règles de sécurité prévues à l’article L. 1332-6-1. Les contrôles sont effectués par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information ou par des services de l’État désignés par le Premier ministre ou par des prestataires de service qualifiés par ce dernier. Le coût des contrôles est à la charge de l’opérateur.

« Art. L. 1332-6-4. – Pour répondre aux crises majeures menaçant ou affectant la sécurité des systèmes d’information, le Premier ministre peut décider des mesures que les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 doivent mettre en œuvre.

« Art. L. 1332-6-5. – L’État préserve la confidentialité des informations qu’il recueille auprès des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 dans le cadre de l’application de la présente section.

« Art. L. 1332-6-6. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions et limites dans lesquelles s’appliquent les dispositions de la présente section. » ;

3° Est ajoutée une section 3 intitulée : « Dispositions pénales » et comprenant l’article L. 1332-7 ;

4° Le même article L. 1332-7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Est puni d’une amende de 150 000 € le fait, pour les mêmes personnes, de ne pas satisfaire aux obligations prévues aux articles L. 1332-6-1 à L. 1332-6-4. Hormis le cas d’un manquement à l’article L. 1332-6-2, cette sanction est précédée d’une mise en demeure.

« Les personnes morales déclarées responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions prévues à la présente section encourent une amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code. » – (Adopté.)

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Article 15
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Article 16 quater

Article 16 bis

(Non modifié)

I. – Le chapitre Ier du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complété par un article L. 2321-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 2321-3. – Pour les besoins de la sécurité des systèmes d’information de l’État et des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2, les agents de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, habilités par le Premier ministre et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, peuvent obtenir des opérateurs de communications électroniques, en application du III de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, l’identité, l’adresse postale et l’adresse électronique d’utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d’information vulnérables, menacés ou attaqués, afin de les alerter sur la vulnérabilité ou la compromission de leur système. »

II. – (Non modifié).

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 16 bis.

(L’article 16 bis est adopté.)

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Chapitre III bis

Dispositions relatives aux matériels de guerre, armes et munitions, à certains produits chimiques et aux produits explosifs

Article 16 bis
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Article 16 quinquies

Article 16 quater

(Non modifié)

Au début du deuxième alinéa du I de l’article L. 2335-1 du code de la défense, les mots : « Un décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « L’autorité administrative ». – (Adopté.)

Article 16 quater
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Article 16 sexies

Article 16 quinquies

(Non modifié)

Le chapitre II du titre IV du livre III de la deuxième partie du code de la défense est ainsi modifié :

1° L’article L. 2342-8 est ainsi modifié :

a) Au I, après le mot : « transit, », sont insérés les mots : « le transfert entre États membres de l’Union européenne, » ;

b) Après le 2° du II, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Le transfert entre États membres de l’Union européenne des produits chimiques inscrits au tableau 1 est soumis aux articles L. 2335-9 et suivants. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 2342-59, à l’article 2342-62 et au 2° des articles L. 2342-68 et L. 2342-69, après le mot : « transit, », sont insérés les mots : « le transfert entre États membres de l’Union européenne, » ;

 L’article L. 2342-60 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « transit », sont insérés les mots : « , le transfert entre États membres de l’Union européenne » ;

b) Au cinquième alinéa, après le mot : « commerce », sont insérés les mots : « , le transfert entre États membres de l’Union européenne ». – (Adopté.)

Article 16 quinquies
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Article 18

Article 16 sexies

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article L. 2352-1 du code de la défense, les mots : « et la conservation » sont remplacés par les mots : « , la conservation et la destruction ». – (Adopté.)

Chapitre IV

Dispositions relatives au traitement pénal des affaires militaires

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Article 16 sexies
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Article 19

Article 18

(Non modifié)

I. – (Non modifié)

II. – L’article 698-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la première phrase, la référence : « de l’article 697-1 », est remplacée par les références : « des articles 697-1 ou 697-4 » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, l’action publique ne peut être mise en mouvement que par le procureur de la République lorsqu’il s’agit de faits commis dans l’accomplissement de sa mission par un militaire engagé dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales françaises, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d’otages, l’évacuation de ressortissants ou la police en haute mer. » – (Adopté.)

Article 18
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Article 22 A

Article 19

(Non modifié)

La section 3 du chapitre III du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense est ainsi modifiée :

1° L’article L. 4123-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces diligences normales sont appréciées en particulier au regard de l’urgence dans laquelle ils ont exercé leurs missions, des informations dont ils ont disposé au moment de leur intervention et des circonstances liées à l’action de combat. » ;

2° Après le mot : « international », la fin du II de l’article L. 4123-12 est ainsi rédigée : « et dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales françaises, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d’otages, l’évacuation de ressortissants ou la police en haute mer, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l’ordre, lorsque cela est nécessaire à l’exercice de sa mission. » – (Adopté.)

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Chapitre V

Dispositions relatives aux ressources humaines

Section 1 A

Dispositions relatives à l’attribution de la carte du combattant aux militaires ayant participé à des opérations extérieures

Article 19
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Article 22

Article 22 A

(Non modifié)

Au 1° de l’article L. 4123-4 du code de la défense, après la référence : « L. 136 bis, », est insérée la référence : « L. 253 ter, ». – (Adopté.)

Section 1

Dispositions relatives à la protection juridique

Article 22 A
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Article 24

Article 22

(Non modifié)

I. – L’article L. 4123-10 du code de la défense est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa, après le mot : « conjoints, », sont insérés les mots : « concubins, partenaires liés par un pacte civil de solidarité, » ;

2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Cette protection peut également être accordée, à sa demande, au conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité qui engage une instance civile ou pénale contre les auteurs d’une atteinte volontaire à la vie du militaire du fait des fonctions de celui-ci. En l’absence d’action engagée par le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité, la protection peut être accordée aux enfants ou, à défaut, aux ascendants directs du militaire qui engagent une telle action.

« Cette protection est également accordée, dans les mêmes conditions que celles prévues au huitième alinéa, aux ayants droit de l’agent civil relevant du ministère de la défense victime à l’étranger d’une atteinte volontaire à sa vie du fait de sa participation à une mission de soutien à l’exportation de matériel de défense.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions et limites de la prise en charge par l’État au titre de la protection, des frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales par le militaire ou les ayants droit mentionnés au présent article.

« Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions de l’article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure et de celles de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. »

II. – (Non modifié).

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 22.

(L’article 22 est adopté.)

Section 2

Dispositions relatives à la gestion des personnels de la défense

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Article 22
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Article 25

Article 24

(Non modifié)

I. – Jusqu’au 31 décembre 2019, les officiers et les sous-officiers de carrière en position d’activité peuvent, sur leur demande écrite, bénéficier d’une promotion dénommée « promotion fonctionnelle », dans les conditions et pour les motifs prévus au présent article.

La promotion fonctionnelle consiste, au vu de leurs mérites et de leurs compétences, à promouvoir au grade supérieur des officiers et des sous-officiers de carrière afin de leur permettre d’exercer une fonction déterminée avant leur radiation des cadres ou, s’agissant des officiers généraux, leur admission dans la deuxième section.

Pour bénéficier d’une promotion fonctionnelle, les officiers et les sous-officiers de carrière doivent avoir acquis des droits à la liquidation de leur pension dans les conditions fixées au II de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou pouvoir bénéficier d’une solde de réserve au titre de l’article L. 51 du même code.

Un décret en Conseil d’État détermine, pour chaque grade, les conditions requises pour être promu en application du présent article. Ces conditions tiennent à l’ancienneté de l’intéressé dans le grade détenu et à l’intervalle le séparant de la limite d’âge applicable à ce grade avant l’entrée en vigueur de la présente loi.

II. – Nul ne peut être promu en application du présent article à un grade autre que ceux d’officiers généraux s’il n’est inscrit sur un tableau d’avancement spécial établi, au moins une fois par an, par corps.

La commission instituée à l’article L. 4136-3 du code de la défense présente au ministre de la défense tous les éléments d’appréciation nécessaires.

Sous réserve des nécessités du service, les promotions fonctionnelles ont lieu dans l’ordre du tableau d’avancement spécial. Les décisions précisent l’ancienneté dans le grade de promotion au terme de laquelle intervient la radiation des cadres ou l’admission dans la deuxième section des officiers généraux.

À l’issue du processus de sélection prévu aux alinéas précédents, la promotion fonctionnelle est décidée par le ministre de la défense, sous réserve de l’accord écrit préalable de l’intéressé. Cet accord vaut engagement d’occuper la fonction mentionnée au deuxième alinéa du I du présent article et acceptation de la radiation des cadres ou de l’admission dans la deuxième section des officiers généraux, qui ne peut intervenir moins de vingt-quatre mois et plus de trente-six mois après la promotion.

Le refus d’occuper la fonction liée à la promotion fonctionnelle entraîne la perte du bénéfice de celle-ci.

III et IV. – (Non modifiés).

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 24.

(L’article 24 est adopté.)

Article 24
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Article 26

Article 25

(Non modifié)

I. – Peuvent prétendre, à compter du 1er janvier 2014 et jusqu’au 31 décembre 2019, sur demande agréée par le ministre de la défense et dans la limite d’un contingent annuel fixé par arrêté conjoint du ministre de la défense et des ministres chargés de la fonction publique et du budget, au versement d’un pécule modulable d’incitation au départ déterminé en fonction de la solde budgétaire perçue en fin de service :

1° Le militaire de carrière en position d’activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d’âge de son grade pouvant bénéficier d’une solde de réserve en application de l’article L. 51 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’une pension de retraite liquidée dans les conditions fixées aux articles L. 24 et L. 25 du même code ;

2° Le militaire engagé en position d’activité rayé des contrôles avant quinze ans de services ;

3° Par dérogation au 2°, le maître ouvrier des armées en position d’activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d’âge qui lui est applicable.

Le pécule est attribué en tenant compte des nécessités du service, de l’ancienneté de service du militaire et de l’intervalle le séparant de la limite d’âge de son grade.

Le montant du pécule perçu est remboursé par tout bénéficiaire qui, dans les cinq années suivant son admission dans la deuxième section des officiers généraux, sa radiation des cadres ou sa radiation des contrôles, souscrit un nouvel engagement dans les armées ou les formations rattachées, à l’exclusion de la réserve militaire, est nommé dans un corps ou un cadre d’emplois de l’une des fonctions publiques ou est recruté par contrat en application des lois n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ou n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

Le remboursement est effectué dans le délai d’un an à compter de l’engagement, de la titularisation ou de la prise d’effet du contrat.

Un décret détermine, pour chaque catégorie de militaires mentionnée aux 1°, 2° et 3°, les conditions d’attribution ainsi que les modalités de calcul, de versement et, le cas échéant, de remboursement du pécule.

Le pécule modulable d’incitation au départ des militaires est exclusif du bénéfice des dispositifs d’incitation au départ prévus aux articles 23 et 24 de la présente loi ainsi que du bénéfice de la disponibilité prévue à l’article L. 4139-9 du code de la défense.

Les limites d’âge mentionnées au présent article sont celles résultant de l’article 33 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, dans sa rédaction en vigueur à la date du 1er janvier 2014.

II. – (Non modifié)

III. – Les pécules modulables d’incitation à une seconde carrière attribués en application de l’article 149 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 demeurent régis par les dispositions prévues à ce même article, dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2013.

IV. – (Non modifié).

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 25.

(L’article 25 est adopté.)

Article 25
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Article 28 bis

Article 26

(Non modifié)

I. – (Non modifié)

II. – La disponibilité accordée en application de l’article L. 4139-9 du code de la défense est exclusive du bénéfice des dispositifs d’incitation au départ prévus aux articles 23 à 25 de la présente loi.

III et IV. – (Non modifiés).

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 26.

(L’article 26 est adopté.)

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Article 26
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Article 28 ter A

Article 28 bis

(Suppression maintenue)

Article 28 bis
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Article 28 ter B

Article 28 ter A

(Non modifié)

Après l’article L. 4121-5 du code de la défense, il est inséré un article L. 4121-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4121-5-1. – Le temps de service des militaires mineurs ayant suivi avec succès un cursus de formation d’une des écoles préparatoires de la marine nationale et âgés de plus de dix-sept ans est limité à onze heures par jour, lorsqu’ils sont embarqués.

« Pour chaque période de vingt-quatre heures, ils bénéficient d’une période minimale de repos de huit heures consécutives.

« Pour chaque période de sept jours, ils bénéficient d’une période minimale de repos de vingt-quatre heures consécutives.

« Sous réserve de disposer d’un temps de récupération ne pouvant être inférieur à huit heures par jour, les militaires mineurs ayant suivi avec succès un cursus de formation d’une des écoles préparatoires de la marine nationale et âgés de plus de dix-sept ans peuvent être tenus d'assurer un service de nuit lorsqu’ils sont embarqués. Est considéré comme service de nuit tout service de 22 heures à 6 heures. La durée de ces services ne peut dépasser quatre heures. Ils sont réservés aux seules activités strictement nécessaires au fonctionnement des bâtiments de la marine nationale. » – (Adopté.)

Article 28 ter A
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Article 28 ter

Article 28 ter B

(Non modifié)

À la fin du second alinéa du II de l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, le mot : « services » est remplacé par les mots : « organismes militaires à vocation opérationnelle, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État ». – (Adopté.)

Section 3

Dispositions relatives au Foyer d’entraide de la Légion étrangère

Article 28 ter B
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Article 28 quater

Article 28 ter

(Non modifié)

I. – (Non modifié)

II. – Après le chapitre VII du titre Ier du livre IV de la troisième partie du code de la défense, il est rétabli un chapitre VIII ainsi rédigé :

« Chapitre VIII

« Foyer d’entraide de la Légion étrangère

« Section 1 

« Dispositions générales

« Art. L. 3418-1. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère est un établissement public de l’État placé sous la tutelle du ministre de la défense.

« L’activité du Foyer d’entraide de la Légion étrangère s’exerce au profit des militaires et des anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger, ainsi qu’à leurs familles.

« Art. L. 3418-2. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère assure les missions suivantes :

« 1° L’aide matérielle, administrative et financière aux militaires et aux anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger, ainsi qu’à leurs familles ;

« 2° L’accueil des militaires et des anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger, en difficulté afin de leur offrir un accompagnement social, une adaptation à la vie active ou une aide à l’insertion sociale et professionnelle ;

« 3° L’accueil d’anciens militaires ayant servi à titre étranger handicapés ou âgés afin de leur offrir un soutien médico-social ;

« 4° La mise en œuvre de mesures de protection des majeurs ordonnées par l’autorité judiciaire à l’égard des anciens militaires ayant servi à titre étranger ;

« 5° Le maintien et la promotion de l’identité légionnaire notamment par la réalisation et la vente de publications et d’objets de communication ;

« 6° Le soutien financier aux actions relatives à la mémoire de la Légion étrangère ;

« 7° L’octroi de subventions au profit des personnes morales à but non lucratif agissant dans le domaine de l’action sociale ou médico-sociale à destination des militaires ou des anciens militaires, servant ou ayant servi à titre étranger.

« Section 2 

« Organisation administrative et financière

« Art. L. 3418-3. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère est administré par un conseil d’administration présidé par le général commandant la Légion étrangère.

« Il comprend, en outre :

« 1° Des représentants de l’État, dont des représentants de la Légion étrangère ;

« 2° Des représentants des bénéficiaires des prestations délivrées par l’établissement ;

« 3° Des membres nommés en raison de leur compétence.

« Art. L. 3418-4. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère est dirigé par un directeur général nommé par arrêté du ministre de la défense, sur proposition du conseil d’administration.

« Art. L. 3418-5. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère n’a pas de but lucratif. Ses ressources sont constituées par :

« 1° Les subventions et prestations en nature que le Foyer d’entraide de la Légion étrangère peut recevoir de l’État, des collectivités territoriales et de toutes autres personnes publiques et privées ;

« 2° Les revenus des biens meubles et immeubles propriétés de l’établissement ;

« 3° Les dons et legs ;

« 4° Le produit du placement de ses fonds ;

« 5° Le produit des aliénations ;

« 6° Les recettes provenant de l’exercice de ses activités.

« En outre, il peut souscrire des emprunts et recevoir des contributions financières des cercles et des foyers.

« Art. L. 3418-6. – Le Foyer d’entraide de la Légion étrangère observe, pour sa gestion financière et comptable, les règles du droit privé. Il n’est pas tenu de déposer ses fonds au Trésor.

« Art. L. 3418-7. – Le personnel du Foyer d’entraide de la Légion étrangère comprend :

« 1° Des militaires affectés par ordre de mutation dans les conditions du droit commun et servant en position d’activité ;

« 2° Des personnels régis par le code du travail.

« Section 3 

« Dispositions diverses

« Art. L. 3418-8. – L’État met gratuitement à la disposition du Foyer d’entraide de la Légion étrangère les biens immobiliers nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

« Art. L. 3418-9. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du Foyer d’entraide de la Légion étrangère. » – (Adopté.)

Article 28 ter
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Article 28 quinquies

Article 28 quater

(Non modifié)

L’établissement public mentionné à l’article L. 3418-1 du code de la défense, dans sa rédaction résultant du II de l’article 28 ter de la présente loi, est substitué aux droits et obligations du Foyer d’entraide de la Légion étrangère dont il reprend les activités et la dénomination. – (Adopté.)

Article 28 quater
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Article 29

Article 28 quinquies

(Non modifié)

L’article L. 4124-1 du code de la défense est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le ministre de la défense communique aux commissions compétentes de chaque assemblée parlementaire un rapport annuel de synthèse des travaux du Conseil supérieur de la fonction militaire. » – (Adopté.)

Chapitre VI

Dispositions relatives aux immeubles, sites et installations intéressant la défense

Article 28 quinquies
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Article 33 bis

Article 29

(Non modifié)

Le III de l’article 73 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière est ainsi rédigé :

« III. – Jusqu’au 31 décembre 2019, par dérogation à l’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles utilisés par le ministère de la défense peuvent être remis à l’administration chargée des domaines en vue de leur cession sans que ces immeubles soient reconnus comme définitivement inutiles pour les autres services de l’État. » – (Adopté.)

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Chapitre VII

Dispositions diverses et finales

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Article 29
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Article 33 ter

Article 33 bis

(Non modifié)

La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi modifiée :

1° A L’article 2 est ainsi modifié :

a) Les 2°, 3° et 4 sont remplacés par un 2° ainsi rédigé :

« 2° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française. » ;

b) Après la référence : « 1° », la fin du dernier alinéa est supprimée ;

1° À l’article 3, les mots : « du ministère de la défense et des autres » sont remplacés par le mot : « des » ;

2° L’article 4 est ainsi modifié :

a) Le I est remplacé par des I à IV ainsi rédigés :

« I. – Les demandes d’indemnisation sont soumises au comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui se prononce par une décision motivée dans un délai de huit mois suivant le dépôt du dossier complet.

« II. – Le comité d’indemnisation, qui est une autorité administrative indépendante, comprend neuf membres nommés par décret :

« 1° Un président, dont la fonction est assurée par un conseiller d’État ou par un magistrat de la Cour de cassation, sur proposition respectivement du vice-président du Conseil d’État ou du premier président de la Cour de cassation ;

« 2° Huit personnalités qualifiées, dont au moins cinq médecins parmi lesquels au moins :

« – deux médecins nommés sur proposition du Haut Conseil de la santé publique en raison de leur compétence dans le domaine de la radiopathologie ;

« – un médecin nommé sur proposition du Haut Conseil de la santé publique en raison de sa compétence dans le domaine de la réparation des dommages corporels ;

« – un médecin nommé sur proposition du Haut Conseil de la santé publique en raison de sa compétence dans le domaine de l'épidémiologie ;

« – un médecin nommé, après avis conforme du Haut Conseil de la santé publique, sur proposition des associations représentatives de victimes des essais nucléaires.

« Le président peut désigner un vice-président parmi ces personnalités qualifiées.

« Le mandat des membres du comité est d’une durée de trois ans. Ce mandat est renouvelable.

« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre du comité qu’en cas d’empêchement constaté par celui-ci. Les membres du comité désignés en remplacement de ceux dont le mandat a pris fin avant son terme normal sont nommés pour la durée restant à courir dudit mandat.

« En cas de partage égal des voix, celle du président du comité est prépondérante.

« Dans l’exercice de leurs attributions, les membres du comité ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité.

« III. – Les crédits nécessaires à l’accomplissement des missions du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires sont inscrits au budget des services généraux du Premier ministre.

« La loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées n’est pas applicable à la gestion de ces crédits.

« Le président est ordonnateur des dépenses du comité.

« Le comité dispose d’agents nommés par le président et placés sous son autorité.

« IV. – Le président du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires a qualité pour agir en justice au nom du comité. » ;

b) Le II devient le V et le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le comité le justifie auprès de l’intéressé. » ;

c) Le III est abrogé ;

d) Le IV devient un VI ainsi rédigé :

« VI. – Les modalités de fonctionnement du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, les éléments que doit comporter le dossier présenté par le demandeur, ainsi que les modalités d’instruction des demandes, et notamment les modalités permettant le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense, sont fixés par décret en Conseil d’État. Elles doivent inclure la possibilité, pour le requérant, de défendre sa demande en personne ou par un représentant. » ;

e) Il est ajouté un VII ainsi rédigé :

« VII. – Le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires publie un rapport annuel d’activité. » ;

3° L’article 7 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ministre de la défense » sont remplacés par le mot : « Gouvernement » ;

b) À la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « un représentant de chacun des ministres chargés de la défense, de la santé, de l’outre-mer et des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « quatre représentants de l’administration » ;

c) À la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « ministre de la défense » sont remplacés par le mot : « Gouvernement ». – (Adopté.)

Article 33 bis
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Article 34

Article 33 ter

(Non modifié)

I. − Les ayants droit des personnes mentionnées à l’article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, décédées avant la promulgation de la présente loi, peuvent saisir le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires dans un délai de cinq ans à compter de cette promulgation.

II. − Les demandes d’indemnisation formulées sur le fondement de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 précitée ayant fait l’objet d’une décision de rejet au motif qu’elles n’entraient pas dans le champ de l’article 2 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, font l’objet d’un nouvel examen au regard des dispositions de la présente loi dès lors que ces demandes remplissent la nouvelle condition prévue au 2° du même article 2.

III. − Le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires continue à instruire les demandes d’indemnisation, dans la composition qui est la sienne à la date de promulgation de la présente loi, jusqu’à l'entrée en vigueur du décret en Conseil d’État prévu au VI de l’article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 précitée, puis des décrets de nomination correspondant à la nouvelle composition du comité. – (Adopté.)

Article 33 ter
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 34

(Non modifié)

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les dispositions relevant du domaine de la loi permettant :

1° De tirer les conséquences de la création d’un corps unique de commissaires des armées en remplaçant les références aux anciens corps de commissaires d’armées dans le code de la défense, le code civil et le code de l’environnement et en modifiant ou abrogeant diverses dispositions législatives devenues ainsi obsolètes ;

2° De modifier les titres III, IV et V du livre III et le livre IV de la deuxième partie du code de la défense pour :

a) Abroger ou modifier les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet ;

b) Mettre le code de la défense en conformité avec la nouvelle nomenclature des matériels de guerre, armes, munitions et éléments instituée par la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif ;

c) Étendre avec les adaptations nécessaires aux îles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et aux Terres australes et antarctiques françaises le régime des importations et exportations des matériels de guerre et matériels assimilés en provenance ou à destination de l’un de ces territoires ainsi que les dispositions relatives à l’acquisition et à la détention d’armes et de munitions pour la pratique du tir sportif ;

d) (Supprimé)

e) Supprimer la référence au service chargé du contrôle des entreprises de fabrication ou de commerce de matériels de guerre, armes et munitions au sein du ministère de la défense ;

f à h) (Supprimés)

i) Corriger les erreurs matérielles ;

3° De modifier la cinquième partie du code de la défense pour :

a) Compléter la codification des dispositions domaniales intéressant la défense nationale en ajoutant un titre IV au livre Ier relatif à l’incorporation au domaine de l’État des biens des forces ennemies et codifier l’article 1er du décret-loi du 1er septembre 1939 relatif aux prises maritimes ;

b) Prendre en compte les évolutions des réglementations budgétaire, financière et comptable particulières au ministère de la défense en refondant le plan du livre II, en ne conservant sans modification que le seul article L. 5221-1 et en mettant à jour les articles L. 5213-1 et L. 5213-2 ;

c) Abroger ou modifier les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet ;

4° De modifier le code de la défense, le code général des collectivités territoriales et le code de l’environnement afin :

a) De définir dans le code de la défense les différentes catégories d’installations et activités nucléaires intéressant la défense ;

b) D’insérer dans le code de la défense, en les adaptant, les dispositions du III de l’article 2 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ;

c) D’insérer dans le code de la défense des dispositions définissant les obligations d’information applicables aux installations et activités nucléaires intéressant la défense selon des modalités conciliant les principes d’organisation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection avec les exigences liées à la défense nationale ;

d) De procéder aux modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer la cohérence rédactionnelle du code de la défense et du code de l’environnement avec les dispositions insérées en application des a à c, de remédier aux éventuelles erreurs dans les dispositions relatives aux installations et activités nucléaires intéressant la défense et d’abroger les dispositions devenues sans objet ;

e) D’adapter les dispositions du code de l’environnement relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire afin de préciser quelles sont les installations et activités nucléaires intéressant la défense soumises à ces dispositions ;

f) D’insérer dans le code de la défense et le code général des collectivités territoriales des dispositions visant à renforcer la protection des installations nucléaires ;

5° De modifier les dispositions statutaires relatives aux militaires et aux fonctionnaires civils pour :

a) Transposer aux militaires les nouvelles dispositions relatives au congé parental mises en place au profit des fonctionnaires par l’article 57 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

b) Adapter les dispositions relatives aux congés des militaires pour prendre en compte le cas des militaires ayant été blessés ou ayant contracté une maladie au cours d’une guerre ou d’une opération extérieure et se trouvant dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions à l’issue de leurs congés de maladie ;

c) (Supprimé)

d) Prévoir la limite d’âge applicable aux officiers du corps technique et administratif de la marine qui seront admis d’office dans le corps des officiers spécialisés de la marine ;

e) Modifier les dispositions organisant l’accès à la fonction publique, afin notamment :

– d’améliorer les dispositifs actuellement prévus pour les militaires aux articles L. 4139-2 et L. 4139-3 du code de la défense ;

– de modifier les titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires afin de permettre aux militaires de se porter candidats aux concours internes des trois fonctions publiques ;

– d’améliorer les dispositifs de recrutement au titre des emplois réservés prévus par le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, notamment en différenciant selon les publics concernés les durées d’inscription sur les listes d’aptitude à ces emplois et en permettant la réinscription de personnes déjà radiées ;

f) Sécuriser juridiquement la rémunération versée aux volontaires dans les armées et aux élèves ayant le statut de militaire en formation dans les écoles désignées par arrêté du ministre de la défense ;

6° De garantir aux bureaux enquêtes accidents défense, dans le champ des accidents de tir, de munitions et de plongée intervenant à l’occasion d’activités militaires, les mêmes prérogatives que celles que la loi leur a déjà reconnues pour les accidents de transport ;

7° De modifier le code de la défense pour y substituer les mots : « zone de défense et de sécurité » aux mots : « zone de défense » ;

8° De refondre le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre afin :

a) D’y insérer les dispositions pertinentes qui n’ont pas encore été codifiées, dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de l’ordonnance concernée ;

b) D’améliorer le plan du code ;

c) De corriger les éventuelles erreurs ou insuffisances de codification ;

d) D’assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence des textes faisant l’objet de la codification ;

e) D’harmoniser l’état du droit ;

f) D’abroger les dispositions devenues sans objet ;

9° D’abroger les dispositions non codifiées relatives aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre devenues sans objet.

À l’exception de celles prévues aux 8° et 9°, les ordonnances sont publiées au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi. Le projet de loi de ratification de ces ordonnances est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du quinzième mois suivant la publication de la présente loi.

Les ordonnances prévues aux 8° et 9° sont publiées au plus tard le dernier jour du vingt-quatrième mois suivant la promulgation de la présente loi. Le projet de loi de ratification est déposé au Parlement au plus tard le dernier jour du trentième mois suivant la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)

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Article 34
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, vous nous avez montré votre sincérité lors de l’élaboration du présent projet de loi de programmation militaire, dans un contexte difficile ; je n’en doute donc pas. Pour autant, ce texte comporte quelques incertitudes et imperfections. J’en relèverai brièvement certaines.

Tout d’abord, la programmation démarre mal, en raison d’un report de charges de 3,6 milliards d’euros. Certes, il convient d’y soustraire les 500 millions d’euros que vous avez promis. Néanmoins, on note un déficit.

Par ailleurs, nous avons déjà eu l’occasion de nous expliquer au sujet des recettes exceptionnelles. Je pense que vous tiendrez vos engagements, mais sans doute pas dans le calendrier que vous vous êtes fixé.

En outre, à partir de 2016, vous avez prévu un renforcement des crédits traditionnels de l’État. Mais vous risquez de rencontrer quelques difficultés si la croissance ne repart pas, du fait du chevauchement entre des recettes traditionnelles qui ne seront pas au rendez-vous et des recettes exceptionnelles qui n’auront pas encore été totalement réalisées.

De plus, comme l’actualité nous le montre, les OPEX sont sous-financées.

Vous avez prévu une clause de sauvegarde en cas de retour à meilleure fortune, que nous ne pouvons qu’espérer. Si les OPEX coûtent plus cher que prévu, des prélèvements seront opérés sur les autres budgets. À ce stade, avouez qu’il s’agit d’une simple déclaration d’intention, sans aucune valeur juridique d’engagement.

L’externalisation de certaines fonctions est un autre point d’incertitude, les expériences passées n’ayant pas fait la preuve qu’elle fut forcément une source d’économies. Surtout, cette externalisation va porter principalement sur les fonctions de soutien. En période d’intervention, je ne suis pas certain que l’autonomie de nos armées s’en trouvera renforcée.

Enfin, le Président de la République s’était engagé à un redressement des finances publiques en toute justice. Or l’effort ne me semble pas justement réparti entre les différents départements ministériels, les forces armées supportant l’essentiel de la diminution des effectifs.

Nous devons la sincérité à nos armées, monsieur le ministre. Votre discours est sincère, mais je crains hélas qu’il ne soit en décalage avec les actes que vous nous demandez d’entériner à la faveur du présent projet de loi de programmation militaire : c’est la raison pour laquelle bon nombre de membres du groupe UMP voteront contre ce texte.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission.

J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission et, l'autre, du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 90 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 310
Pour l’adoption 164
Contre 146

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 est définitivement adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
 

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 11 décembre 2013 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Proposition de loi tendant à créer des sociétés d’économie mixte contrat (n° 81, 2013-2014) ;

Rapport de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission des lois (n° 199 rectifié, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 200, 2013-2014).

2. Proposition de loi relative au financement du service public de l’assainissement par des fonds de concours (n° 840, 2012-2013) ;

Rapport de M. Jean-Claude Frécon, fait au nom de la commission des finances (n° 186, 2013-2014) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 187, 2013-2014).

En outre, à quatorze heures trente :

-Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l’environnement du contrat retenu in fine pour la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds ;

-Désignation des trente-trois membres de la mission d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques.

À vingt et une heures trente :

3. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART