M. Jean-Vincent Placé. Mes collègues Chantal Jouanno et Jean-Claude Requier se sont déjà exprimés avec beaucoup de compétence et de sérieux.
Lorsque Chantal Jouanno, d’autres collègues et moi-même avons adressé un courrier sur le sujet au Premier ministre, certains nous ont reproché de nous préoccuper d’un sport de gens aisés.
Or, comme l’a notamment démontré Mme Jouanno, l’équitation se démocratise. Elle témoigne d’une attention à la nature, à l’environnement, ainsi que d’un attachement aux animaux. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Elle traduit la préoccupation d’un autre mode de vie, d’un autre mode de consommation, d’une autre manière d’envisager le rapport à notre société.
Je souscris aux propos de notre collègue Jean-Claude Requier. Qu’ils se situent sur le littoral ou dans nos campagnes, dans le Lot, dans le Calvados de mon enfance, en Charente-Maritime ou dans le Maine-et-Loire, département d’élection de Corinne Bouchoux, les petits centres équestres sont des lieux non seulement de sport, mais également, et l’on ne s’en rend pas suffisamment compte, de socialisation. M. le président, qui préside par ailleurs le conseil général du Calvados, le sait parfaitement.
Dans ce dossier, notre attachement à nos terroirs s’oppose à la réglementation européenne qui s’abat aveuglément. Dieu sait à quel point Chantal Jouanno, Jean-Claude Requier et moi-même sommes de fervents partisans de la construction européenne. Mais nous voyons là le mauvais côté de la bureaucratie et de la technocratie qui s’attaquent à nos territoires. C’est extrêmement préoccupant pour le pacte social que nous défendons.
Mes collègues du groupe écologiste et moi-même sommes extrêmement attentifs, car le problème qui se pose va au-delà du sujet évoqué dans ces amendements. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La cause des centres équestres est évidemment au cœur des préoccupations de tous les sénateurs présents ce soir de cette enceinte. Nous avons tous, à un titre ou à un autre, un attachement particulier pour l’équitation, que nos jeunes, nos enfants pratiquent sur nos territoires.
Toutefois, en tant que rapporteur général de la commission de finances, mon propos n’est pas de me prononcer sur cette activité en soi. En revanche, mes chers collègues, je me dois de vous informer de notre position : la commission s’en tient sur ce dossier à la ligne de conduite qu’elle s’est fixée sur la question du taux réduit de TVA.
De surcroît, nous étions en l’espèce confrontés à une problématique particulière. La France était menacée d’une amende d’environ 30 millions d’euros. Il importait donc de faire preuve de vigilance.
Des dispositions ont été prises à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne le 8 mars 2012 pour tenter de contourner l’obstacle. L’Union européenne n’a pas été satisfaite par les aménagements juridiques décidés par la France et a inscrit à l’ordre du jour de son collège infraction du 20 novembre 2013 la question du régime français du taux réduit de TVA applicable aux centres équestres afin de décider du lancement d’une procédure de manquement sur manquement.
Alerté par la Représentation permanente de la France à Bruxelles au début de ce mois, le Gouvernement a pris, le 12 novembre, un décret prévoyant le retour au taux normal de TVA de 20 % pour les centres équestres à compter du 1er janvier 2014. En retour, le 19 novembre dernier, la Commission européenne a retiré le point en question de l’ordre du jour de sa réunion du lendemain.
Par anticipation, afin d’éviter un contentieux et une amende du montant susvisé accompagnée d’une astreinte évaluée à 250 000 euros par jour, le Gouvernement a renoncé à faire valoir ses arguments devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Ces éléments confortent, pour les centres équestres, l’avis que j’ai émis tout à l’heure au sujet de la TVA à 5,5 %. Je relève également que l’Union européenne a adopté la même position à l’égard de tous les autres États membres ; aucun autre pays n’a conservé un taux réduit pour ses activités équines.
Plusieurs collègues ont souligné l’importance de la filière équestre en France, tant pour nos territoires, pour l’emploi que pour le sport.
J’ai bien noté, monsieur le ministre, que des dispositions ont été annoncées permettant d’espérer une compensation quasi intégrale pour 2014. Dès lors, les centres équestres pourront faire face à la mesure en cause. Néanmoins, pourriez-vous nous fournir les éléments d’information susceptibles de rassurer la filière équine ?
Cela étant, la commission des finances maintient la ligne qu’elle s’est fixée et n’accepte pas l’élargissement du taux de TVA à 5,5 % aux activités équestres. Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je souhaite faire le point sur le taux de TVA qui s’appliquera aux centres équestres au terme de notre décision de nous conformer à la réglementation européenne.
Nous savons depuis longtemps que l’application d’un taux réduit de TVA aux activités équestres pose un problème d’euro-compatibilité. Malgré cela, il a été décidé en 2004 de soumettre ces dernières à un taux réduit. Depuis, nos relations avec la Commission européenne n’ont cessé de se tendre, la décision prise étant en contravention avec les directives européennes relatives aux taux de TVA. La Commission nous a donc clairement demandé de nous mettre en conformité avec le droit européen, à la suite d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du mois de mars 2012 qui condamnait la France et lui enjoignait de cesser d’appliquer le taux réduit de TVA.
Ce gouvernement a pris des dispositions, l’an dernier à la même époque, à l’occasion de l’examen des textes financiers. Il a décidé de poursuivre les discussions avec la Commission européenne, malgré l’arrêt précité, afin d’essayer de faire prévaloir une nouvelle fois nos arguments. Nous mettrons à profit ce temps de négociation pour tenter de trouver, avec les centres et la filière équestres, une solution. Toutefois, la Commission européenne a constamment réaffirmé sa position.
Selon vous, madame Jouanno, la décision de la Commission n’aurait pas vocation à s’appliquer aux installations sportives. Vous estimez que, en considérant le problème sous cet angle, nous pourrions éventuellement continuer à appliquer le taux réduit de TVA.
Or le jugement de la Cour de justice de l’Union européenne est très clair : la notion de droit d’utilisation d’installations sportives, qui pourrait éventuellement justifier l’application du taux réduit de TVA, n’englobe certainement pas les activités d’enseignement, d’animation et d’encadrement de l’équitation. Le seul cas, madame la sénatrice, où ce taux dérogatoire pourrait être appliqué, c’est quand le cavalier se rend avec son propre cheval dans le centre équestre et utilise celui-ci comme un plateau sportif.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas fréquent !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous qui connaissez bien les activités équestres, madame Jouanno, vous conviendrez que ce n’est pas la loi du genre. C’est un peu comme les poissons volants ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Dans la plupart des centres équestres, on pratique l’équitation avec un cheval qui appartient au centre. Quand on monte son propre cheval, c’est généralement qu’il réside dans le centre équestre. C’est donc une tout autre catégorie !
Monsieur le président de la commission des finances, nous venons tous deux d’un département équestre. Nous connaissons bien ces questions : ce genre de cas n’est fréquent ni à Chantilly, ni à Lamorlaye, ni à Compiègne ! (M. le président de la commission des finances opine.) Selon les éléments d’information dont je dispose, cela représenterait un millième des cas concernés. Il n’y a pas d’issue !
Par conséquent, on ne peut, quand on a procédé à une analyse juridique de la situation – elle est sans ambiguïté –, continuer à affirmer qu’il est possible d’appliquer en l’espèce le taux réduit, sauf à tromper nos interlocuteurs sciemment. En nous entêtant à agir pertinemment en contravention avec le droit, nous conduirions la filière dans une impasse. Pour lui faire plaisir, nous prendrions la responsabilité de la ruiner. À la fin, il n’y aura plus de solution du tout. Ce n’est pas la position du Gouvernement.
Tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous souhaitons aider ce secteur à conserver ses emplois. Comment ? Le Gouvernement envisage trois mesures.
Premièrement, nous prévoyons de maintenir le taux de TVA actuel pour tous les contrats en cours jusqu’au 31 décembre de l’année 2014. Ainsi, nous aurons encore une année pour travailler avec les acteurs de la filière.
Deuxièmement, nous sommes tout à fait déterminés à réintroduire ce sujet dans le cadre de la renégociation de la directive TVA qui pourra commencer avant la fin de l’année et aboutir au cours de l’année prochaine et à le présenter comme une priorité pour la France. Nous sommes prêts à nous mobiliser et à nous battre. Nous serons d’autant plus forts devant la Commission européenne que nous nous serons dispensés d’adopter des amendements tels que ceux que nous examinons. Une attitude différente ne manquerait pas d’apparaître comme une forme d’entêtement et pourrait conduire la Commission à ne pas prendre en considération nos arguments lorsque nous négocierons le retour à un taux réduit de TVA pour la filière.
Tous ceux qui s’intéressent de près aux questions européennes savent qu’un tel bras de fer n’aboutit généralement qu’à la crispation de la Commission, contraire à l’objectif recherché.
Troisièmement, nous avons prévu de mettre en place un fonds d’accompagnement de la filière et des centres équestres, de telle sorte que l’incidence de l’augmentation du taux de TVA n’ait un effet négatif ni sur l’emploi ni sur les équilibres comptables et financiers.
Ces centres bénéficient, pour une grande partie d’entre eux, du CICE, eu égard au niveau de salaire de leurs collaborateurs.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous êtes attachés autant que nous le sommes à l’aboutissement de ce dossier, retirez vos amendements ! Leur adoption serait une très mauvaise manière faite à la filière équestre en raison des contraintes juridiques que je viens de vous indiquer.
Nous sommes déterminés à sauver ce secteur. Compte tenu du droit, la méthode que nous préconisons est la seule possible. Nous pourrons mettre d’autant plus rapidement en œuvre nos engagements que nos interlocuteurs entreront plus vite dans la négociation et que nous pourrons leur apporter les contreparties qu’ils attendent de nous. (M. David Assouline applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote sur les amendements identiques nos I–462 rectifié et I–504 rectifié.
M. Jean-Claude Frécon. Comme d’autres collègues présents ce soir dans cet hémicycle, je fais partie, au sein du groupe d’études de l’élevage du Sénat, de la section Cheval. Cela fait au moins huit ans que nous luttons, avec tous les gouvernements, pour obtenir la non-application de la prescription européenne concernant la TVA relative à la filière équine.
Des avancées doivent être notées, notamment pour la filière équine agricole élevant des chevaux pour leur viande. En revanche, le taux normal de TVA s’applique pour les chevaux de course, même si nombre d’entre eux ne dépassent pas le stade de l’espoir et rejoignent également la filière viande.
Pour ce qui concerne les centres équestres, je voulais apporter un certain nombre de précisions, mais M. le ministre a tout dit mieux que je ne saurais le faire.
Chers collègues, mon département compte de nombreux centres équestres. Moi aussi, je souhaite les soutenir. Mais est-ce une bonne façon de le faire que de se comporter comme des enfants dans une cour d’école ? Vous voulez obtenir satisfaction sur un point précis sans regarder l’avenir. Voyez l’impasse dans laquelle nous sommes par rapport à la Cour de justice européenne !
Pour ma part, afin de défendre au mieux l’avenir des centres équestres de mon département, je suivrai la voie indiquée par le Gouvernement, même si j’ai pu être séduit un temps par ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il s’agit d’un problème particulièrement délicat. D’un côté, il y a la question de l’euro-compatibilité, qui n’a peut-être pas été traitée avec tout l’empirisme nécessaire au cours des années passées. De l’autre, il y a le retentissement d’une telle décision sur une filière dont les caractéristiques ont été très bien décrites.
Nombre d’entre vous, mes chers collègues, ont connu la filière équestre voilà vingt ou trente ans et peuvent faire la différence avec ce qu’elle est devenue, c'est-à-dire une très grande fédération sportive ; le milieu s’est beaucoup élargi, notamment en termes sociologiques.
Ce sujet ne fait pas seulement appel au rationnel. Il s’y mêle également beaucoup de ressenti. Mme Jouanno a parfaitement évoqué tous les aspects de cette pratique sportive qu’est l’équitation. Jean-Vincent Placé les a aussi abordés, mais en se plaçant sur le plan plus général du rapport à l’environnement et à la nature, sujet auquel il est très attaché.
Pour ma part, en ma qualité de rapporteur général, pendant une longue période, j’ai eu à travailler sur ces sujets et, comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, en tant qu’élu d’un département dans lequel les activités équestres sont très importantes, je suis également saisi de toutes sortes de demandes que, jusqu’à présent, j’ai traitées avec beaucoup de modération. J’estime en effet que l’un de nos devoirs est de ne pas bercer d’illusions des personnes qui, de bonne foi, défendent une thèse mais s’autopersuadent peut-être un peu trop.
Dans un passé récent, nous avions, le plus largement possible, appliqué la fiscalité de l’agriculture à la filière équestre. C’était la volonté qui s’était exprimée en vue de donner une impulsion à cette dernière, ce qui a parfaitement réussi, puisque c’est bien ce qui a été fait, notamment dans la loi de finances pour 2004. Il faut se souvenir que, à cette époque, la taxe professionnelle s’appliquait, qu’elle était très lourde pour les centres équestres et que la seule façon d’alléger leurs charges était bien d’assimiler leurs services aux activités agricoles, ce qui avait des conséquences favorables en matière de TVA. Ce régime s’est appliqué de 2005 à 2012.
Dans la loi de finances pour 2012, vos prédécesseurs, monsieur le ministre, connaissant l’issue probable du contentieux communautaire déjà en cours, avaient cherché un autre fondement juridique permettant de maintenir le statu quo. Il a été considéré qu’il s’agissait de prestations correspondant au droit d’utilisation des animaux à des fins d’activités physiques et sportives et de toutes installations nécessaires à cet effet. Le taux réduit s’est donc appuyé sur le motif sportif.
Le contentieux communautaire a bien débouché sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, mais celui-ci – comme vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur le ministre – porte sur l’ancien fondement, c’est-à-dire sur le fondement agricole, qui a été considéré, sans aucune ambiguïté et de manière définitive par la Cour de justice comme n’étant pas acceptable.
Plusieurs autres arrêts, concernant en particulier les Pays-Bas, l’Autriche et l’Allemagne, sont d’ailleurs intervenus pendant cette période. Les choses ont été jugées de la même façon, et ces États se sont mis en conformité.
S’agissant de l’utilisation d’installations sportives, le rapporteur général a très justement rappelé, et je n’y reviens pas, la procédure de mise en demeure et la menace d’un recours en manquement sur manquement.
La Commission européenne s’est crispée sur le sujet, estimant peut-être que la France avait fait preuve d’une certaine arrogance dans la gestion de cette procédure, ce qui n’est jamais une bonne chose en matière européenne et ce qui réserve souvent des désillusions.
Ce qui n’a pas été fait – et vous en avez certainement mesuré le risque, –, c’est de soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne le fondement du droit d’utilisation d’installations sportives. Cela a sans doute choqué le milieu équestre et c’est un facteur d’incompréhension, notamment à l’égard du fonctionnement des institutions européennes. Que la Commission ait pu considérer que la filière équestre ne pouvait pas être assimilée à une activité sportive – alors que l’équitation est depuis toujours une grande discipline olympique – en récusant le fondement sportif pouvait difficilement être compréhensible pour les acteurs de cette filière.
Bref, monsieur le ministre, vous avez pris la décision – c’est une décision d’opportunité mais qui se fonde sans doute aussi sur la mesure des risques juridiques – de ne pas saisir la Cour de justice pour qu’elle juge du bien-fondé de l’argument « utilisation d’activités sportives ».
Bien sûr, dès lors que ce choix a été effectué, personne ne connaîtra la position de la Cour de justice de l’Union européenne sur cet aspect particulier du sujet.
Sur les amendements proposés, la prudence dans la gestion des finances publiques incite à donner raison au rapporteur général. Je regrette de le dire à un certain nombre de collègues membres de cette assemblée.
Pour autant, faut-il, dès 2014, poser ce problème au motif que nous procédons aujourd’hui à une révision des taux de TVA qui résulte des décisions fiscales prises l’année dernière ? N’est-il pas possible de nous donner encore une année de transition, d’une certaine façon ? Vous avez bien dit, monsieur le ministre, que vous acceptiez l’année de transition, qu’il n’y aurait pas de couperet au 1er janvier 2014.
En conclusion, je suis encore dans l’incertitude sur le sort à réserver à ces amendements.
Adopter des amendements tendant à assujettir la filière équestre au taux intermédiaire de 10 % pourrait être un signal montrant que le Sénat est sensible aux problèmes de cette filière. Dès lors que la durée de vie de ces amendements ne serait peut-être pas très longue, leur adoption pourrait ne pas créer de risques communautaires supplémentaires, mais elle témoignerait de l’intérêt des différents groupes de cette assemblée pour ce sujet.
Elle montrerait également notre volonté d’accompagner les efforts entrepris de manière que, si la hausse du taux jusqu’à 20 % est inéluctable, une compensation puisse être envisagée. Cet accompagnement permettrait d’éviter que ne se produisent toutes les catastrophes annoncées. Comme me le disait en aparté Chantal Jouanno, il ne doit pas y avoir une petite fille à qui l’on puisse dire que le poney qu’elle monte va être mis au couteau en raison d’une décision prise froidement à Bruxelles et relayée par le Gouvernement !
C’est donc à un long travail complexe qu’il faut nous livrer. Peut-être passe-t-il psychologiquement par le vote d’amendements, mais j’en laisse naturellement juge chacun des membres de notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président de la commission des finances, ainsi qu’à votre fonction et à la qualité de votre argumentation, permettez-moi de vous faire remarquer qu’il est déjà très difficile de faire de la politique et du droit dans les assemblées ; si, désormais, il faut s’y préoccuper de psychologie, les choses vont devenir extraordinairement compliquées !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est pourtant ce que nous faisons déjà !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Compte tenu des multiples nuances psychologiques dont cet hémicycle est le reflet, et qui sont autant de richesses humaines, nous risquons d’y passer beaucoup de temps sans jamais épuiser le sujet.
Cela étant, les arguments juridiques que vous avez exposés sont les bons, mais il faut aller au bout du raisonnement.
L’idée que la France aurait été condamnée au mois de mars 2012 sur la base d’éléments renvoyant à la dimension agricole de l’activité équestre et qu’elle pourrait obtenir gain de cause en invoquant le fondement de l’utilisation des animaux à des fins sportives n’est pas exacte.
Dans la mise en demeure qu’elle nous a adressée de façon réitérée, la Commission européenne considère que les opérations pour lesquelles la France a été condamnée par la Cour de justice incluent nécessairement les activités d’enseignement, d’animation, d’encadrement de l’équitation, ainsi que les prestations d’élevage, etc.
Sa mise en demeure effectuée dans le cadre du lancement de la procédure de manquement sur manquement est sans ambiguïté sur le sort qui nous est réservé. Le risque juridique est derrière nous, la messe est dite.
Reste la sanction financière qui peut s’élever jusqu’à 50 millions d’euros. Et dans quelques mois, dans le contexte des finances publiques que nous connaissons, qu’en sera-t-il ? Je sais qu’après avoir voté ce soir 10 milliards d’euros de dépenses supplémentaires,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est très virtuel, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … on n’est plus à 50 millions près, mais pour moi, cette somme a son importance.
Je préfère que soit créée une enveloppe pour aider la filière à sortir de ses difficultés plutôt que de la retrouver dans la rue de Tournon. Même à cheval, la rue de Tournon présente des risques ! Nous devons veiller à ne pas nous trouver dans une situation inextricable. Nombreux sont ceux qui comptent dans leurs circonscriptions des centres équestres. Par l’adoption de ces amendements, nous n’aurions in fine réglé aucun des problèmes, alors qu’il est de notre devoir d’apporter des solutions.
Donc, je le répète, monsieur le président Marini, la mise en demeure de la Commission européenne est sans ambiguïté. Nous pouvons toujours jouer sur les taux de TVA, quoi qu’il en soit, ce que nous demande cette dernière, c’est de nous aligner sur ceux du droit commun.
Cela étant, dès lors que les contrats courent jusqu’à la fin de l’année 2014, nous pouvons envoyer un signal d’apaisement à la Commission dans la perspective de la négociation sur la directive TVA de manière à pouvoir revenir très rapidement sur cette question. Si nous agaçons ceux avec lesquels nous voulons négocier en faisant preuve de cette arrogance évoquée tout à l’heure, alors, nous nous privons de toute possibilité d’atteindre l’objectif recherché.
J’en appelle donc à la sagesse du Sénat, en lui demandant de ne pas adopter ces amendements, ce qui nuirait gravement à la filière équestre.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Tous les arguments ont été évoqués sur le sujet, et nous savons effectivement, depuis la discussion budgétaire de l’an dernier, que les choses vont être très difficiles.
Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur la compensation qui a été évoquée. Pourriez-vous, dans la perspective de trouver une solution satisfaisante pour tout le monde, nous préciser les contours de la dotation que vous comptez allouer ? Il ne doit pas être très compliqué de calculer le manque à gagner pour les centres équestres. Comment cette dotation sera-t-elle répartie ? Qui décidera de son utilisation ? Par où va-t-elle transiter ? Le fonds d’encouragement aux projets équestres régionaux ou nationaux pourrait, par exemple, être utilisé. La compensation permettra d’attendre, d’ici à la fin 2014, la renégociation de la directive TVA qui, si j’ai bien compris, devrait porter sur l’ensemble des taux.
Elle permettra surtout, à quelques mois des élections européennes, de ne pas transformer les 700 000 licenciés de la Fédération française d’équitation, qui se sentent concernés par cette question, en autant d’anti-européens.
Monsieur le président, afin que nous puissions rapidement nous concerter, je vous demande une suspension de séance de trois minutes.
M. le président. Mon cher collègue, avant d’envisager une suspension de séance, je vous propose d’écouter toutes les explications de vote.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, j’aurais préféré que M. le ministre nous apporte des explications sur les mesures de compensation avant que je n’intervienne de nouveau…
Étant également membre de la section Cheval, je sais que l’on y débat beaucoup de courses et d’élevage. Néanmoins, nous parlons ce soir des centres équestres, ce qui est radicalement différent. Les compensations envisagées concernent non pas l’élevage ou d’autres activités, mais uniquement ces centres. J’insiste sur ce point important : il faut bien distinguer les différentes activités.
Non, monsieur Frécon, nous ne sommes pas dans une cour d’école. Ici, nous faisons de la politique ! J’ai simplement évoqué un sentiment anti-européen, malheureusement croissant, qui pourrait être alimenté par ce genre de discours. C'est d’un secteur économique que nous parlons, et je n’en connais aucun qui, en une année, serait capable d’assumer une augmentation de treize points de TVA ! De plus, on le sait, la filière en cause est exsangue ; les centres équestres ont déjà du mal à survivre, particulièrement en milieu rural. Notre débat soulève des questions économiques très concrètes.
Nous ne cherchons pas à savoir qui a raison et qui a tort. Nous nous demandons comment réussir à passer cette étape et comment nous pourrions adresser un message très clair à l’Union européenne, à la Commission et à la Cour de justice.
Pour avoir travaillé à la Représentation permanente de la France à Bruxelles, je sais que le rapport de forces est efficace avec les institutions européennes. Or sur bien d’autres sujets conflictuels, nous n’avons pas hésité à nous y engager. Je suis surprise que, sur cette question, nous nous montrions plus frileux…
Monsieur le ministre, vous avez rappelé les conclusions de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Mais la Commission a bien précisé, à l’occasion d’une question posée par Gaston Franco et Sophie Auconie, que si l’application d’un taux réduit de TVA à l’ensemble du secteur équestre n’a pas été prévue par la réglementation communautaire, le droit d’admission aux manifestations sportives et le droit d’utilisation d’installations sportives sont bien éligibles au taux réduit dans ce secteur.
Tel est bien l’unique objet de l’amendement que je vous ai proposé.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Je serai brève, car beaucoup a déjà été dit, mais je tenais à apporter un témoignage. Voilà quelques années – vous faisiez alors partie, madame Jouanno, du Gouvernement –, nous avions travaillé sur la thématique du sport féminin. Nous avions rencontré à cette époque, en 2011, la fédération qui, déjà, s’inquiétait de cette problématique de la TVA.
J’ai entendu les arguments des uns et des autres, et j’ai écouté avec attention les explications apportées par M. le ministre. Il nous a montré combien il serait difficile de mettre en place un fonds national qui ne serait pas condamné, si nous ne tenions pas compte des observations qui nous ont été faites.
Certes, il y a l’aspect sportif, mais, comme l’a souligné très clairement la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, les centres équestres assurent aussi de l’enseignement, de l’animation, des loisirs.
M. Francis Delattre. Il y a aussi des compétitions !
Mme Michèle André. Il serait sage de suivre l’avis du rapporteur général et de continuer de travailler sur cette question.
Il est donc préférable de ne pas voter ces amendements. C’est ce que fera le groupe socialiste.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.