Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner l'amendement déposé par le Gouvernement.
article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Après le mot :
formation
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
composée de trois membres désignés pour une durée de cinq ans par le Conseil constitutionnel sur proposition de son président parmi les magistrats de l’ordre judiciaire ou les membres des juridictions administratives, y compris honoraires.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cette disposition, qui a déjà été adoptée par l’Assemblée nationale, tend à sécuriser juridiquement les travaux issus de la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire a en effet souhaité la création de formations chargées du contrôle du recollement des signatures, présidées par un membre du Conseil constitutionnel et composées de deux autres membres désignés par cette même instance.
Tel qu’il est prévu, ce dispositif pourrait être de nature à entraîner une atteinte au principe constitutionnel d’impartialité, puisque les travaux de cette formation seront soumis à l’appréciation du Conseil constitutionnel. Or le membre du Conseil constitutionnel ayant participé aux travaux de la formation se retrouverait, comme on le dit dans le langage courant, à la fois juge et partie, puisqu’il aurait à se prononcer sur des travaux qu’il a lui-même menés.
Le Gouvernement souhaite lever cette difficulté, afin que le travail effectué depuis plusieurs années ne soit pas, in fine, remis en cause par une décision négative du Conseil constitutionnel lui-même.
C’est pourquoi, dans l’esprit de la commission mixte paritaire, il est prévu que ces formations – il pourrait en effet y en avoir plusieurs – seraient composées de trois membres désignés pour une durée de cinq ans par le Conseil constitutionnel sur proposition de son président, parmi les magistrats de l’ordre judiciaire ou les membres des juridictions administratives, y compris honoraires.
Comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale, je précise, pour l’interprétation de nos débats, que ces membres honoraires sont ceux des juridictions administratives comme ceux des juridictions de l’ordre judiciaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu adresser cet amendement à la commission des lois dans des délais qui lui ont permis de se prononcer, ce dont je vous remercie.
Le Gouvernement a pointé une difficulté technique ou juridique, qui pourrait surgir dès lors qu’un membre du Conseil constitutionnel aurait successivement à statuer sur un objet et à être juge de sa propre décision. C'est la raison pour laquelle il est proposé ici un dispositif selon lequel les membres de la formation examinant les recours ou les observations formulées en première instance seraient trois magistrats.
Les trois magistrats sont désignés par le Conseil constitutionnel lui-même et, par conséquent, émanent de lui. Dès lors, le respect de la Constitution – principe qui a guidé les membres de la commission des lois du début à la fin de cette procédure –, est garanti. En effet, la Constitution prévoit que le Conseil constitutionnel, et lui seul, contrôle le processus.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Sur les articles 2 à 19, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Personne ne demande la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l'amendement du Gouvernement.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 67 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 326 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté définitivement.
projet de loi
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant application de l'article 11 de la Constitution.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi portant application de l’article 11 de la constitution
Article 1er A
Après le livre VI bis du code électoral, il est inséré un livre VI ter ainsi rédigé :
« LIVRE VI TER
« DISPOSITIONS APPLICABLES AUX OPÉRATIONS RÉFÉRENDAIRES
« TITRE IER
« RECUEIL DES SOUTIENS À UNE PROPOSITION DE LOI PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 11 DE LA CONSTITUTION
« Chapitre IER
« Financement des actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens
« Art. L. 558-37. – Les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution ne peuvent excéder 4 600 €.
« Tout don de plus de 150 € consenti à un parti ou groupement politique en vue du financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire. Le parti ou groupement politique délivre un reçu pour chaque don.
« Le montant global des dons en espèces faits au parti ou groupement politique en vue du financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens ne peut excéder 20 % du total des fonds récoltés.
« L’ensemble des opérations financières conduites par un parti ou groupement en vue de la campagne de collecte de soutiens fait l’objet d’une comptabilité annexe et détaillée dans les comptes de ce parti ou groupement politique.
« À l’exception des partis ou groupements politiques, les personnes morales ne peuvent participer au financement d’actions tendant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution ni en consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en fournissant des biens, services ou autres avantages, directs ou indirects, à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.
« Aucun État étranger ou personne morale de droit étranger ne peut participer, directement ou indirectement, au financement de telles actions.
« La violation des six premiers alinéas du présent article est passible des peines prévues au II de l’article L. 113-1. »
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Article 3 bis
L’article 4 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les trois premiers alinéas du présent article ne sont pas applicables à une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution et transmise au Conseil constitutionnel dans les conditions prévues à l’article 45-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. »
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Article 3 quater
Le livre VI ter du code électoral, tel qu’il résulte de l’article 1er A de la présente loi, est complété par un titre II ainsi rédigé :
« TITRE II
« ORGANISATION DU RÉFÉRENDUM
« Chapitre IER
« Dispositions générales
« Art. L. 558-44. – Le corps électoral, appelé à se prononcer sur le projet ou la proposition de loi soumis au référendum, décide à la majorité des suffrages exprimés.
« Art. L. 558-45. – Il est mis à la disposition des électeurs deux bulletins de vote imprimés sur papier blanc dont l’un porte la réponse "oui" et l’autre la réponse "non".
« Lorsque plusieurs référendums sont organisés le même jour, il est mis à disposition des électeurs un bulletin de vote imprimé sur papier blanc permettant de répondre à chaque question posée par la réponse "oui" ou "non".
« Art. L. 558-46. – Sont applicables aux opérations référendaires régies par le présent titre :
« 1° Les chapitres Ier, II, V, VI et VII du titre Ier du livre Ier, à l’exception des articles L. 52-3, L. 55, L. 56, L. 57, L. 58, des deux derniers alinéas de l’article L. 65, de l’article L. 66, des deux derniers alinéas de l’article L. 68, des articles L. 85-1, L. 88-1, L. 95, des 1° à 5° du I de l’article L. 113-1 et du II du même article ;
« 2° Les articles L. 385, L. 386, L. 387, L. 389, L. 390-1 et L. 393 ;
« 3° Les articles L. 451, L. 477, L. 504 et L. 531.
« Pour l’application de ces dispositions, il y a lieu de lire : “parti” ou “groupement habilité à participer à la campagne” au lieu de : “candidat” ou “liste de candidats”.
« Chapitre II
« Recensement des votes
« Art. L. 558-47. – Dans chaque département, chaque collectivité d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, il est institué une commission de recensement siégeant au chef-lieu et comprenant trois magistrats, dont son président, désignés par le premier président de la cour d’appel ou, à Saint-Pierre-et-Miquelon, par le président du tribunal supérieur d’appel.
« Aux îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le président de la juridiction d’appel peut, si le nombre des magistrats du siège est insuffisant, désigner, sur proposition du représentant de l’État, des fonctionnaires en qualité de membres de la commission prévue au premier alinéa.
« Il est institué une commission de recensement siégeant à Paris et comprenant trois magistrats, dont son président, désigné par le premier président de la cour d’appel de Paris, compétente pour les votes émis par les Français établis hors de France.
« Art. L. 558-48. – La commission de recensement est chargée :
« – de recenser les résultats constatés au niveau de chaque commune et, aux îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, au niveau de la collectivité d’outre-mer ;
« – de trancher les questions que peut poser, en dehors de toute réclamation, le décompte des bulletins et de procéder aux rectifications nécessaires, sans préjudice du pouvoir d’appréciation du Conseil constitutionnel.
« La commission prévue au dernier alinéa de l’article L. 558-47 exerce les missions mentionnées aux deux alinéas précédents pour les votes émis par les Français établis hors de France.
« Art. L. 558-49. – Au plus tard le lendemain du scrutin, à minuit, la commission de recensement adresse au Conseil constitutionnel les résultats du recensement et le procès-verbal auquel sont joints, le cas échéant, les procès-verbaux portant mention des réclamations des électeurs.
« Le recensement général des votes est effectué par le Conseil constitutionnel. »
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Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Personne ne demande la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
4
Loi de finances pour 2014
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2014, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 155, rapport n° 156).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, poursuivre nos réformes en soutien à la croissance, rétablir les équilibres financiers de la nation, préparer l’avenir sans abaisser le niveau de nos ambitions sociales : tel est le cap fixé par le Président de la République, tel est l’objectif servi par le projet de loi de finances pour 2014 qui est soumis à votre examen.
Un projet de loi de finances est toujours un acte fondateur de l’action d’un gouvernement, quel qu’il soit. Il y a un an, mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous présentions, avec les autres membres du Gouvernement, le premier budget de la gauche au pouvoir depuis dix ans, un budget tout entier tourné vers la défense de notre souveraineté financière.
La France luttait alors contre la récession dans une zone euro qui jouait sa survie. Nous commencions tout juste à mettre en place nos instruments de politique économique ; le pacte de compétitivité n’avait pas encore vu le jour ; la France entamait à peine son dialogue avec la Commission européenne sur ses cibles budgétaires et elle venait tout juste de prendre de premières mesures pour enrayer un déficit public qui avait atteint des niveaux inacceptables – il s’élevait à 5,3 % du PIB en 2011 et aurait été de même ampleur en 2012 si nous n’avions pas agi.
Le budget que nous avions défendu alors était un budget conçu pour éviter à la France le scénario du pire, un budget de redressement pour permettre à notre pays de garder la maîtrise de son destin, face à des marchés financiers dont le risque de prédation ne pouvait être négligé.
Un an après, le chemin parcouru est considérable. La zone euro n’est plus en proie à des attaques spéculatives. Surtout, l’activité économique en France a changé de tendance. Avant l’embellie observée au printemps, c’est-à-dire avant le rebond plus fort qu’il n’était anticipé du deuxième trimestre, la France était sur une tendance de stagnation, de croissance nulle, il faut bien l’avouer.
Or, depuis le printemps, toutes les enquêtes, qu’elles émanent de l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, de la Banque de France ou des organisations internationales comme le FMI, le Fonds monétaire international, la Commission européenne ou l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, suggèrent que nous sommes désormais sur une tendance d’environ 1 % de croissance en rythme annuel. Toutes ces institutions ont revu leurs prévisions de croissance à la hausse depuis l’été.
Le résultat du troisième trimestre, s’il a pu frapper les esprits, ne remet pas en cause ce diagnostic. Tout d’abord, il ne constitue pas une surprise, puisqu’il avait été anticipé par l’INSEE ; ensuite, le rebond de l’activité au quatrième trimestre est en marche – j’en veux notamment pour preuve l’évolution positive des ventes d’automobiles – ; enfin, l’amélioration de la tendance n’exclut pas des à-coups, un profil un peu heurté : il arrive qu’un moteur qui redémarre pétarade un peu. (Sourires.)
Il faut du temps pour qu’une amélioration de la conjoncture se traduise concrètement dans le quotidien des Français, j’en suis bien conscient, mais cette embellie n’est pas une vue de l’esprit.
Notre scénario de reprise de croissance a été conforté par tous les instituts de conjoncture indépendants et les institutions internationales.
Le Haut Conseil des finances publiques, une institution que nous avons créée voilà un an avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a qualifié nos prévisions de croissance pour 2013 de « plausibles », puis de « réalistes ».
La Commission européenne, et j’en suis fier, vient elle aussi de valider notre scénario la semaine dernière : ses dernières prévisions s’établissent à 0,2 % en 2013, 0,9 % en 2014 et 1,7 % en 2015 ; elles sont donc pleinement en ligne avec les nôtres et même légèrement plus optimistes pour 2013. La France est sur la voie du redressement, grâce à la politique que nous menons et grâce, surtout, au dynamisme et à la résilience des acteurs économiques.
Oui, nous voyons les premiers résultats de notre action. Et je ne veux pas apparaître ici comme un adepte de la méthode Coué, absurdement porté à l’autosatisfaction.
Dans son édition datée du 20 novembre dernier, un quotidien du soir titrait : « Moscovici et Benzema, match nul ». Mais c’était avant que la France ne l’emporte ! Après la victoire des Bleus au Stade de France, je trouve finalement cette comparaison pas si déshonorante…
Je connais aussi bien – je n’ose pas dire mieux – que quiconque les problèmes économiques du pays et les difficultés dont nous avons hérité. Je ne veux pas tomber dans la facilité, je sais tout ce que la France fait et tout ce qu’elle a encore à faire. Toutefois, à quoi sert-il de diffuser un pessimisme qui n’est pas de mise ? L’économie française va mieux ; elle doit aller encore mieux à l’avenir, et nous devons faire encore plus pour la compétitivité et la croissance.
Ce message de confiance dans le pays, nos compatriotes ont besoin de l’entendre de la part des formations politiques républicaines, qui ont l’ambition d’élever notre pays, sauf à nourrir des inquiétudes qui, nous le savons, profitent à d’autres.
La reprise est là, elle est réelle. Il est vrai aussi qu’elle est fragile, je ne le cache pas. Nous devons conforter et amplifier ce redressement, en restant résolument engagés dans la voie des réformes de croissance. Notre tâche n’est pas finie. Il faut poursuivre le travail de réforme.
C’est ce que je retiens de la dégradation récente de la note de la France par l’agence Standard & Poor’s. J’ai pointé les limitations, réelles, dont souffre à mes yeux cet exercice. Comme je l’ai souligné le jour même de la dégradation de la note de notre pays, l’analyse de cette agence me semble incomplète, et même approximative. D’autres aussi ont pris leurs distances avec ses conclusions, notamment le gouverneur de la Banque de France. Je tire toutefois de cet épisode deux convictions renouvelées.
Premièrement, l’économie française est forte, ce qui explique que les investisseurs aient continué à faire confiance imperturbablement à la France, que nos spreads n’aient pas même bougé d’un point de base et que l’écart avec l’Allemagne ne se soit pas non plus réduit.
Deuxièmement, il faut maintenir le cap de la crédibilité et de la force d’une politique de redressement.
Je pense au cap des réformes économiques, sur lequel je reviendrai dans quelques minutes, mais aussi au cap du sérieux budgétaire et de l’équilibre structurel, que le projet de loi de finances pour 2014 vient confirmer. Ce sont des acquis que nous devons à tout prix préserver.
Le déficit public devrait ainsi s’établir cette année à 4,1 % du PIB, au-delà, il est vrai, de la prévision initiale de 3,7 %. Ce dépassement tient pour une très large part à l’impact de l’environnement économique et de la faible inflation sur les recettes fiscales, la TVA et l’impôt sur les sociétés – j’imagine que Bernard Cazeneuve reviendra sur ces points.
Toutefois, la dépense, elle, est maîtrisée, et l’effort structurel est extrêmement important – de 1,7 point de PIB en 2013, après 1,3 point en 2012. C’est aussi la reconnaissance de l’importance de cet effort structurel qui explique que la commission européenne, la semaine dernière, ait dans son avis validé sans réserve notre stratégie budgétaire.
Pour 2014, notre objectif de déficit nominal est de 3,6 %, en cohérence avec nos engagements européens, et l’effort structurel représentera 0,9 point de PIB.
Je reviens sur l’avis de la Commission européenne, qui a estimé que nous étions parfaitement en ligne avec nos engagements européens et avec la recommandation du Conseil du 21 juin dernier, à la différence de nombreux pays de l’Union européenne. La Commission reconnaît ainsi la réalité des efforts structurels que nous conduisons. Pour ma part, je m’en félicite.
Je tiens aussi à formuler une remarque importante sur l’évolution des déficits : mesdames, messieurs les sénateurs, il ne vous aura pas échappé que celle-ci va dans le bon sens. En 2011, le déficit s’établissait à 5,3 % du produit intérieur brut ; en 2012, nous l’avons ramené à 4,8 % ; en 2013, il sera à 4,1 % et à 3,6 % à la fin de 2014. Nous avons certes gagné deux ans, mais pas pour ne rien faire ; nous devons mettre à profit ces deux années pour redresser nos finances publiques et notre économie. Notre déficit passera en deçà des 3 % du PIB en 2015, avec un effort structurel qui devra être maintenu.
Nous réalisons cet effort de redressement des comptes tout en tendant vers la stabilité des prélèvements obligatoires pour 2014. Sur un effort de redressement budgétaire total de 18 milliards d’euros, 2 milliards d’euros proviendront en effet de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale et, surtout, 15 milliards d’euros proviendront d’économies de dépenses publiques par rapport à leur évolution spontanée – je précise au passage que tous les pays de l’Union européenne effectuent ce calcul de la même manière.
Nous avons fait le choix de réaliser, à court terme, des ajustements au moyen d’une hausse des prélèvements obligatoires. Contrairement à d’autres, nous n’avons aucune hostilité de principe à l’égard de l’impôt, qui incarne notamment le service public et le consentement citoyen. Néanmoins, nous pensons également que, dans un deuxième temps – nous y sommes ! –, c’est par des économies que doivent se réaliser les efforts.
Le sérieux budgétaire est donc un cap que nous tenons. Cependant, nous avons aussi choisi d’élaborer un projet de budget pour 2014 résolument favorable à l’offre productive, un budget de soutien déterminé à la compétitivité des entreprises et à l’investissement.
Comme le disait en 1953 Pierre Mendès-France, que l’on gagne toujours à relire, la priorité, c’est « d’accroître la masse des biens à répartir ». En effet, on ne peut redistribuer et répartir que ce que l’on a produit.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Bravo !
M. Pierre Moscovici, ministre. Il faut donc véritablement encourager la production, c’est-à-dire faire le choix de la création, de l’invention, de l’innovation. C’est faire le choix de produire, préalable indispensable à la répartition.
C’est un choix assumé par le Gouvernement : c’est la voie qui mène et mènera à un redressement durable de l’économie et de l’emploi. Ce n’est pas un choix qui sert les intérêts de quelques-uns, c’est un choix au service de tous les Français, car nous partageons tous le même objectif : l’emploi.
La création d’emplois de demain, c’est dans l’entreprise, avec les salariés, qu’elle aura lieu. C’est grâce à la croissance que les entreprises créeront et développeront ces emplois. C’est ce mouvement de croissance et d’emplois que nous voulons accélérer, avec le projet de loi de finances. Voilà ce qui fait la signature de ce budget, sa marque propre.
M. Gaëtan Gorce. Ce budget ne contribue pas à un tel projet !
M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Gorce, en tant que sénateur socialiste, vous aurez à cœur, j’en suis sûr, de soutenir à l’action du Gouvernement et de la majorité.
M. Gaëtan Gorce. Je suis libre de ma pensée !
M. Pierre Moscovici, ministre. Évidemment, certaines réalités rendent notre tâche plus difficile. Notre pays ne dispose pas, contrairement à ce que certains pensent, de marge de manœuvre pour une relance keynésienne. C’est aussi le legs des précédents gouvernements. C’est donc plutôt vers eux que vous devriez vous tourner, monsieur Gorce.
De même, nous ne pouvons nier les difficultés de notre appareil productif et la perte de compétitivité mise en évidence par le rapport Gallois, qui constituent aujourd’hui une réelle menace. Toutefois, ayons confiance, dans la capacité de rebond de notre économie et dans notre propre capacité à l’aider à se redresser.
Pour stimuler cette reprise, nous avons d’abord décidé de poursuivre le rétablissement de la compétitivité de nos entreprises, en soutenant tous les leviers de l’investissement productif.
En effet, l’investissement productif, privé et public, c’est le moteur de la croissance.
M. Jean Arthuis. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. Hélas, il est en baisse !
M. Pierre Moscovici, ministre. Or cet investissement productif, convenons-en, reste aujourd’hui à la peine, même s’il a un peu mieux résisté depuis un an que dans le reste de la zone euro. C’est pourquoi nous avons choisi de concentrer sur lui nos efforts, avec une palette large de mesures en faveur de la compétitivité des entreprises.
Tout d’abord, l’année 2014 sera celle de la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Ce dispositif a permis de renverser la vapeur en termes de coût du travail, notamment par rapport à l’Allemagne. Nous voulons faire un effort de convergence avec ce pays.
Je suis élu d’un territoire où l’industrie automobile est puissante et je m’entretenais encore avec les constructeurs français de ce secteur il y a deux jours, lors d’un voyage en Israël où j’accompagnais le Président de la République. Nous constatons des difficultés de compétitivité ; nous devons les dépasser. Tel est l’objectif du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Les premiers travaux d’évaluation montrent en effet que ce dispositif bénéficie à hauteur de 20 % à l’industrie, soit environ deux fois plus que la contribution de ce secteur au produit intérieur brut. Je parle là uniquement de l’impact direct du CICE sur le secteur manufacturier, mais il faut aussi compter sur l’impact indirect, ce que l’on appelle « l’effet de second tour », sous la forme d’une baisse du prix des consommations intermédiaires. Surtout, le CICE aura un effet incitatif dès 2013 ; d’après les premières évaluations, il aura sauvé ou contribué à créer 30 000 emplois.
C’est un choix fort : nous devons veiller à ce qu’il soit aussi un choix cohérent et lisible. C’est la raison pour laquelle l’effet favorable sur le coût du travail du CICE sera intégralement préservé en 2013 et en 2014. En effet, une politique économique exige de la constance, de la persistance, des efforts sur le temps long.
Rappelons-nous que l’Allemagne, présentée il y a dix ans comme « l’homme malade de l’Europe », possède aujourd’hui l’économie la plus puissante du continent. Elle a mis une décennie à se redresser. Je ne préconise pas les mêmes remèdes qu’en Allemagne.