M. le président. Madame Pasquet, l'amendement n° 187 est-il maintenu ?
Mme Isabelle Pasquet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. Jean-Claude Lenoir. Il est excellent !
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 67 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 15 ter, modifié.
(L'article 15 ter est adopté.)
Article 16
I. – Les quatre premiers alinéas de l’article L. 6243-3 du code du travail sont ainsi rédigés :
« L’État prend en charge les cotisations et contributions sociales des apprentis qui font l’objet d’exonérations, dans les conditions suivantes :
« 1° Sur une base forfaitaire globale, pour les cotisations dues au titre des articles L. 3253-14, L. 5423-3 et L. 5424-15 ;
« 2° Sur la base d’un taux forfaitaire déterminé par décret, pour le versement pour les transports prévu aux articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales ;
« 3° Sur une base forfaitaire suivant des modalités déterminées par décret, pour les autres cotisations et contributions. »
II. – L’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale n’est pas applicable à la part des cotisations d’assurance vieillesse dont l’assiette est comprise entre la base mentionnée au 3° de l’article L. 6243-3 du code du travail et la rémunération de l’apprenti au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
III. – Le code du service national est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas de l’article L. 120-26 sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le service est accompli en France, l’assiette des cotisations au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles et des allocations familiales, ainsi que des contributions définies aux articles L. 136-2 du code de la sécurité sociale et 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, est constituée des indemnités prévues à la section 4 du présent chapitre.
« Les taux de ces cotisations et contributions sont fixés selon les modalités prévues aux articles L. 136-8, L. 241-2, L. 241-3 et L. 241-6 du code de la sécurité sociale, ainsi qu’à l’article 19 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 précitée. Pour la cotisation au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, un taux forfaitaire est fixé par arrêté.
« Leur versement, y compris celui des cotisations et contributions à la charge de la personne volontaire, est assuré par la personne morale agréée en application de l’article L. 120-30 du présent code ou par l’organisme versant l’indemnité pour le compte de l’Agence du service civique.
« Les cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle autres que celles mentionnées au premier alinéa du présent article ne sont pas dues. » ;
2° Les deux derniers alinéas de l’article L. 120-28 sont supprimés.
IV. – A. – Les embauches réalisées en contrat à durée déterminée en application de l’article L. 5132-15-1 du code du travail et ouvrant droit au versement de l’aide mentionnée à l’article L. 5132-2 du même code donnent lieu, sur la part de la rémunération inférieure ou égale au salaire minimum de croissance, pendant la durée d’attribution de cette aide, à une exonération :
1° Des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales ;
2° De la taxe sur les salaires ;
3° De la taxe d’apprentissage ;
4° Des participations dues par les employeurs au titre de l’effort de construction.
B. – L’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale n’est pas applicable à l’exonération mentionnée au A du présent IV.
M. le président. L'amendement n° 189, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au premier alinéa de l’article L. 6243-2 du code du travail, les mots : « près abattement d’un pourcentage, déterminé par décret, du salaire minimum de croissance » sont supprimés.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Le nombre d’apprentis que compte notre pays est important, même en période de crise, preuve s’il en est que l’apprentissage constitue encore pour les employeurs une véritable aubaine.
Ces apprentis ont un statut de salarié et cumulent formation théorique et formation pratique, c’est-à-dire des cours et une activité professionnelle pendant une période qui peut durer de une à trois années.
Malgré ce statut, leur rémunération est inférieure au SMIC, puisqu’elle se situe entre 25 % et 78 % du salaire minimum.
Les employeurs, quant à eux, s’acquittent, par rapport à un salarié de droit commun, d’une cotisation réduite, puisqu’ils ne cotisent que sur le temps où l’apprenti est réellement accueilli dans l’entreprise et sur une base amputée de 11 %. Cela participe de l’attrait de l’apprentissage, puisqu’une partie des cotisations dont devraient logiquement s’acquitter les employeurs est prise en charge par l’État.
Des mesures positives en faveur des retraites des apprentis figurent dans la réforme des retraites. Pour autant, vous avez maintenu ce mécanisme d’exonération qui nous paraît superfétatoire, puisque les rémunérations des apprentis sont modestes. Il nous semble donc que les employeurs pourraient s’acquitter de la totalité des cotisations sociales. Cela renforcerait le financement de notre système de protection sociale et accroîtrait plus encore les droits à retraite des apprentis.
Nous proposons donc de supprimer cette exonération partielle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à supprimer l’exonération partielle applicable aux cotisations patronales versées pour les apprentis et dont l’État prend en charge une partie.
La suppression de cette exonération, en renchérissant le coût de l’apprentissage, limiterait son attrait pour les entreprises et réduirait donc les opportunités de formation pour les bénéficiaires de ce type de dispositif.
Une telle mesure entrerait par ailleurs en contradiction avec les objectifs fixés par le Gouvernement en matière de développement de l’apprentissage.
La commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
Est approuvé le montant de 3,8 milliards d’euros correspondant à la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale, mentionné à l’annexe 5 jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 17
M. le président. L'amendement n° 191, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 242-4-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 242-4-1. – Est considérée comme une rémunération au sens de l’article L. 242-1 la gratification, en espèces ou en nature, versée aux personnes mentionnées aux a, b et f du 2° de l’article L. 412-8. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. En travaillant à l’élaboration du projet de loi portant réforme des retraites, nous avons reçu de nombreux témoignages de jeunes nous faisant part de leurs déboires et des mésaventures qu’ils avaient vécues au cours de leur stage.
Sans vouloir noircir à outrance le tableau, force est de constater que le stage est de plus en plus considéré par les employeurs comme le moyen de disposer d’une main-d’œuvre flexible, peu chère, aux droits réduits et disposant de peu ou très peu de capacités de résistance face aux demandes les plus incongrues.
En effet, en période de crise, l’accès des jeunes à l’emploi est particulièrement complexe ; le marché du travail est peu accueillant à l’égard de ceux-ci.
Derniers entrés, premiers sortis : en période de crise, les moins de vingt-cinq ans sont les premiers à être « remerciés » par l’entreprise, au point que le taux de chômage des jeunes est toujours deux fois supérieur au taux de chômage de l’ensemble de la population.
Mais si, jusqu’alors, les jeunes diplômés étaient relativement épargnés par la précarité réservée au moins diplômés, tel n’est plus le cas.
Comme cela est rappelé dans un article du journal Le Monde, « huit mois après la sortie de l’école, le taux des jeunes diplômés en emploi est passé de 77 % pour la promotion 2007 à 64 % pour la promotion 2009, selon la dernière enquête “jeunes diplômés” ».
Pour les jeunes, le stage apparaît alors comme la première étape dans la vie active. Or les employeurs, certains du moins, pleinement conscients de cette situation, en profitent pour abuser des jeunes. L’indemnisation des stages, à hauteur de 417,09 euros, n’est obligatoire que pour les stages de deux mois et plus. Mais dans les faits, le stage sans cotisation retraite ni autres cotisations sociales est devenu la norme.
Aussi, afin de remédier à cette situation et de garantir aux stagiaires de vrais droits, notamment en matière de retraites, nous proposons, au travers de cet amendement, d’introduire dans l’assiette des cotisations sociales la gratification versée lors d’un stage en entreprise, de telle sorte que, contrairement à ce qui est prévu dans votre réforme des retraites, madame la ministre, les stagiaires ne soient pas les seuls à financer leurs droits en matière de retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet d’introduire dans l’assiette des cotisations sociales la gratification versée lors d’un stage en entreprise.
Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites prévoit, à la suite de l’adoption d’un amendement de nos collègues députés, la prise en compte des périodes de stage effectué par les étudiants, afin que ces derniers bénéficient de deux trimestres au titre de la retraite, imputables sur les quatre trimestres qu’ils peuvent racheter à un tarif aidé.
Cette contribution financière, qui sera de 12,5 euros par mois pendant deux ans et de 25 euros par mois pendant un an, n’est pas une cotisation, puisqu’il ne s’agit pas d’une période travaillée au sens classique du terme. Ce n’est pas non plus un rachat, puisque nous ne sommes pas dans le cadre du dispositif de rachat tel qu’il existe.
Au vu de ces éléments, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. L'amendement n° 225 rectifié bis, présenté par Mme Gourault, M. Vanlerenberghe, Mme Dini, M. Jarlier, Mmes Létard et Férat, M. Marseille, Mme Morin-Desailly, MM. Lasserre, Roche, J.L. Dupont, Maurey, Amoudry, Dubois, Deneux et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 382-31 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nonobstant toutes dispositions contraires, la fraction représentative des frais d’emploi n’est pas prise en considération dans le montant des indemnités de fonctions mentionnées aux alinéas précédents. »
II. – Le I s’applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2014.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement a été élaboré et porté par Jacqueline Gourault.
Vous vous souvenez certainement que, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, nous avions prévu l’affiliation obligatoire de l’ensemble des élus locaux au régime général de sécurité sociale.
Or si personne ne conteste le bien-fondé de ce dispositif, les modalités de mise en œuvre, qui ont sans doute été un peu trop rapides et sans concertation, ont suscité quelques difficultés, particulièrement s’agissant des indemnités de fonction qui sont assujetties à cotisation au premier euro.
En l’occurrence, le problème est simple : la fraction représentative des frais d’emploi, qui est incluse dans ces indemnités de fonctions, ne peut être considérée comme un revenu. Aussi, cet amendement tend à les exclure, ce qui est d’ailleurs en cohérence avec la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à réduire l’assiette des cotisations sociales dues par les élus des collectivités territoriales en excluant la fraction représentative des frais d’emploi du montant des indemnités de fonctions assujetties.
À ce jour, la nature de la fraction représentative des frais d’emploi des élus locaux suscite toujours une interrogation : doit-elle être considérée ou non comme un revenu ? Toutefois, ce doute devrait être définitivement levé par l’adoption de la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, adoptée en première lecture par le Sénat le 29 janvier dernier. En effet, l’article 2 de ce texte indique que la fraction représentative des frais d’emploi n’est pas prise en compte pour le calcul des ressources ouvrant droit à une prestation sociale.
Aussi, la commission demande l’avis du Gouvernement sur cette question, qui est soulevée dans le cadre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui devrait, à mon sens, réunir une large majorité de suffrages au sein de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Madame Jouanno, cet amendement tend à exclure de l’assiette sociale des élus locaux la fraction de leur indemnité de fonction représentative des frais d’emploi. Or, à ce jour, les élus locaux bénéficient déjà de deux abattements : le premier est un abattement forfaitaire annuel, dont le montant peut atteindre 11 633 euros, selon le nombre de mandats exercés ; le second est un abattement supplémentaire de 10 %, qui s’applique aux contribuables élus n’ayant pas opté pour les frais réels pour la déclaration de leurs revenus.
Par rapport aux autres catégories d’assurés sociaux, il ne serait pas juste de considérer que les déductions fiscales, déjà plus importantes s’agissant des élus, doivent avoir leur pendant en matière sociale. De fait, lorsqu’un salarié déduit 10 % de son revenu au titre des frais professionnels, la somme correspondante fait bel et bien l’objet de cotisations au titre des droits sociaux. Il ne viendrait pas à l’esprit des employeurs d’en demander l’exclusion de l’assiette sociale !
Par conséquent, cet amendement tend à créer entre les élus et les autres assurés sociaux une différence qui n’aurait pas de justification.
M. Gérard Longuet. Si !
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est la raison pour laquelle il ne paraît pas souhaitable de l’adopter.
Je précise à cet égard que la proposition de loi votée en janvier dernier a conduit à engager, sur ce sujet, une concertation avec les élus, laquelle est toujours en cours. Quoi qu’il en soit, on ne peut aboutir à la création d’une niche sociale spécifiquement réservée aux élus.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la ministre, nous exprimons sur ce sujet une approche différente de la vôtre. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre de cette question lors de l’examen du précédent PLFSS. Pour votre part, vous tendez à considérer la fonction d’élu comme une profession et à la professionnaliser, sans pour autant lui conférer le statut ou les moyens correspondants.
Il s’agit, en l’espèce, de cotisations supplémentaires relatives aux maladies professionnelles et aux accidents du travail. Cela signifie que les élus pourraient prétendre à des indemnités journalières en cas de maladie au titre de leurs fonctions, et qu’ils devraient les déclarer auprès de leur exécutif local. Or telle n’est pas la conception que nous avons des mandats locaux !
Il s’agit là d’une mesure de justice sociale mal comprise.
De plus, ce dispositif est extrêmement difficile à instaurer. À preuve, il commence simplement à être mis en œuvre ! Mais, avant même que les décrets ne soient signés, pour fixer les différentes applications possibles et créer le logiciel de gestion des fiches de paye des élus, il entre en vigueur avec une rétroactivité au 1er janvier. Cette mesure ajoute, en cours d’année, des charges supplémentaires sur les budgets ! Pour les collectivités concernées, c’est-à-dire les grosses mairies, les départements ou les régions – en deçà d’un certain seuil, les communes ne sont pas visées –, une nouvelle charge apparaît, qui représente des centaines de milliers d’euros, notamment pour les conseils généraux ou régionaux.
On ne peut pas, d’une part, demander aux collectivités territoriales de faire des économies et, de l’autre, leur imposer sans cesse des charges supplémentaires, qui ne correspondent pas véritablement à la réalité de la situation. C’est la raison pour laquelle cet amendement me semble, pour ma part, particulièrement judicieux.
Je le répète, l’assiette prise en compte en l’état est bien trop large. Il s’agit, via cet amendement, de la réduire. Aucune comparaison ne tient avec les fiches de paye des salariés !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 225 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UDI-UC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 57 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l’adoption | 171 |
Contre | 164 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.
M. Jean-Claude Lenoir. Les élus locaux nous remercient !
M. Claude Dilain. Pas la population…
M. Gérard Longuet. Merci à Mme Gourault !
M. le président. L'amendement n° 230, présenté par Mme Jouanno, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième ligne de la deuxième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa de l’article 575 A du code général des impôts, le nombre : « 64,7 » est remplacé par le nombre : « 66,2 ».
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Mes chers collègues, cet amendement est très différent du précédent. Il vise à taxer l’industrie du tabac.
Vous le savez, ce secteur est dominé par quatre grands fabricants qui, étrangement, augmentent leurs prix le même jour et dans les mêmes proportions chaque année, ce qui laisse planer quelques soupçons d’entente illicite… Ces industriels déclarent, tout aussi étrangement, des bénéfices de 50 millions d’euros en France, alors que cette somme atteint en réalité 1 milliard d’euros : profitant de dispositions fiscales, ils peuvent exporter légalement une partie de leurs bénéfices et, ce faisant, se livrer à un jeu d’optimisation ! Et je ne parle même pas du commerce illicite.
Toutes ces questions mériteraient bien une commission d’enquête, que je vous proposerai, même si le groupe auquel j’appartiens a déjà exercé son droit de tirage.
Cela étant, cet amendement tend à augmenter de 1,5 point les droits de consommation sur le tabac, et à les porter ainsi à 66,2 %. Le rendement d’une telle mesure serait d’environ 250 millions d’euros. Le but visé est simple : faire contribuer l’industrie du tabac, qui organise légalement son optimisation fiscale, à la politique de santé publique.
Aujourd’hui, vous le savez sans doute, le tabac contribue par différentes taxes au budget de l’État, à hauteur de 14 milliards d’euros. Mais, pour la collectivité, il représente un coût de 47 milliards d’euros et 73 000 vies perdues chaque année.
Actuellement, l’habitude est de faire payer les débitants de tabac ou les fumeurs. Or il serait légitime que les fabricants contribuent. Plusieurs de nos collègues députés l’ont d’ailleurs déjà tenté, mais les modalités qu’ils ont employées n’ont pas été jugées légales. Cette disposition, elle, l’est. Bien sûr, je ne doute pas que les industriels du tabac menaceront de répercuter cette nouvelle hausse sur le prix des cigarettes, qu’ils crieront aux suppressions d’emplois et qu’ils dénonceront des pertes financières insupportables. Mais, sur ce dernier point, il suffit de regarder le cours du tabac en bourse pour s’assurer qu’il n’en est rien !
Par ailleurs, madame la ministre, vous pourrez demander à votre collègue ministre délégué au budget de ne pas signer l’arrêté d’homologation des prix du tabac, et donc de ne pas répercuter cette hausse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à augmenter de 1,5 point le droit de consommation proportionnel sur le tabac.
Compte tenu des ravages provoqués par le tabac et des profits réalisés par les entreprises qui le distribuent, il est difficile de rester insensible aux buts visés à travers ces dispositions.
Toutefois, il faut souligner que, après dix ans d’inertie en la matière, les taxes sur le tabac ont fait l’objet de fortes augmentations au cours des deux dernières années. Le prix du tabac a depuis lors augmenté de plus de 30 %, passant de 5 euros à 6,60 euros. Au reste, pour la première fois au premier semestre 2013, ce produit a affiché une baisse de recettes fiscales.
Nous travaillons sur ce sujet, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, au titre de la fiscalité comportementale. Des propositions seront formulées dans ce domaine, tant sur la structure que sur le niveau des taxes applicables à l’ensemble des produits du tabac, et pas simplement des cigarettes, seules visées par cet amendement !
Comme elle l’a fait hier dans un autre domaine, la commission demande le retrait de cet amendement dans l’attente des conclusions d’un rapport. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Jouanno, je comprends parfaitement vos préoccupations en la matière, et j’y souscris : nous devons lutter contre le tabagisme et contre les fléaux sanitaires qu’il provoque. Je songe tout particulièrement aux jeunes, car la consommation précoce de tabac accroît les risques et l’exposition aux risques tout au long de la vie.
Sur le plan fiscal, je note que le relèvement de la TVA entraînera une hausse du prix du tabac.
Néanmoins, la politique de lutte contre le tabagisme ne se résume pas à un enjeu de fiscalité. Elle doit s’inscrire dans un cadre plus large. C’est d’ailleurs ce que garantit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, à travers des dispositions que nous n’aurons sans doute pas l’occasion d’aborder… Je songe aux mesures favorisant l’accès au sevrage tabagique. Vous le savez, le présent texte multiplie par trois le montant de la prise en charge du sevrage tabagique pour les jeunes de vingt à vingt-cinq ans !
En conséquence, le Gouvernement invite au retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. À travers cet amendement, deux problèmes différents se posent.
D’une part, l’optimisation fiscale aujourd’hui mise au jour est un véritable enjeu. Si nos concitoyens fumeurs connaissaient les pratiques d’optimisation des industriels du tabac, ils seraient particulièrement outrés, alors même que les buralistes et les consommateurs sont régulièrement mis en cause ! Je souligne cependant que, pour les consommateurs, c’est à juste titre.
D’autre part, en effet, le tabac est, comme chacun sait, un véritable fléau dans notre pays. La lutte contre le tabagisme permet de sauver des vies !
Je rappelle tout de même que le tabagisme constitue un facteur de risque supplémentaire, notamment d’artériosclérose ou de maladie carcinologique. Ces mesures incitatives doivent permettre de lutter contre le tabagisme, et l’appétence en général, puisqu’un sujet génétiquement appétant à ce type de consommations peut l’être à d’autres.
J’en reviens aux propos de M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, évoquant l’inertie de la droite durant dix ans. Ce reproche ne me paraît pas fondé. Hier, on nous accusait d’amnésie, aujourd’hui d’inertie : de tels propos ne font pas avancer les choses !
Je réponds à cette accusation comme hier : vous proposez de reporter des amendements comme celui-là, et ce n’est franchement pas acceptable. Hier soir, on nous a reproché d’avoir augmenté les prélèvements quand nous étions au pouvoir. En conséquence, qu’avez-vous fait ?
M. Jean-Claude Lenoir. Ils les ont encore augmentés !
M. René-Paul Savary. Vous avez mis en application ce que vous dénonciez, mais de façon encore plus prononcée ! C’est là, à mes yeux, une source d’incompréhension largement partagée dans le pays, comme l’indiquent les mouvements sociaux auxquels nous assistons.
Plutôt que de s’invectiver, il est important d’adresser à nos concitoyens des signes forts. Cet amendement permet cela, s’agissant de l’action contre le tabagisme.
En outre, madame la ministre, des mesures sont prises pour lutter contre le tabagisme des jeunes. Je les approuve et je vous soutiens dans cette démarche de prise en charge des moyens permettant de lutter contre la dépendance.