M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’adoption de cet amendement aurait pour effet de déplafonner la cotisation vieillesse des exploitants agricoles. Or ce plafonnement s’inscrit dans le principe contributif de la retraite : au plafonnement des cotisations répond celui des prestations.
En effet, les droits à retraite de base sont acquis de manière forfaitaire. Déplafonner complètement la cotisation en cause aboutirait à faire cotiser les exploitants sur l’intégralité de leurs revenus, sans qu’ils obtiennent pour autant davantage de droits.
En outre, un plafonnement des cotisations s’applique dans les autres régimes : supprimer le plafonnement aboutirait donc à une rupture d’égalité entre cotisants.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le groupe CRC votera cet amendement avec d’autant plus d’enthousiasme qu’il avait déposé des amendements similaires lors de l’examen de précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale. La commission des finances avait alors opposé à ces amendements l’irrecevabilité financière prévue par l’article 40 de la Constitution, au motif que cet élargissement de l’assiette de cotisations sociales entraînait l’ouverture de droits supplémentaires, et donc des dépenses supplémentaires. Je tenais à rappeler ces éléments, parce que, outre que cet article 40 est un véritable couperet à toute initiative du législateur au Sénat ou à l’Assemblée nationale, il est curieux que ce couperet soit à géométrie variable !
Quoi qu’il en soit, nous soutenons la démarche des auteurs de cet amendement, car elle assure, de fait, un financement de la protection sociale réellement proportionnel aux revenus tirés de l’exploitation, conformément à l’esprit du programme du Conseil national de la Résistance. En effet, la surcotisation des assurés les plus modestes, alors que les plus riches bénéficient d’une cotisation plafonnée, n’est absolument pas juste et cet amendement tend à redresser la situation.
M. le président. L’amendement n° 265, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 732-20 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La progression des cotisations est prévue de façon proportionnelle par décret. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à limiter les effets de seuil dans le calcul des cotisations pour les retraites agricoles. En effet, alors que le système actuel comporte des paliers, nous proposons que le calcul soit proportionnel aux revenus, tout en renvoyant l’application exacte du dispositif à un décret ultérieur.
Initialement, la méthode actuelle visait à faire jouer la solidarité entre les agriculteurs, mais elle est devenue une source d’évasion fiscale, les agriculteurs ayant tendance à sous-déclarer une partie de leurs revenus pour ne cotiser qu’au niveau du début du palier.
Finalement, ce sont ceux dont le niveau de revenus est immédiatement supérieur au palier qui contribuent le plus aux retraites en fonction de leurs revenus. Je vous rappelle que la retraite moyenne d’un exploitant agricole est seulement de 800 euros par mois.
Il est donc nécessaire de s’adapter aux pratiques et de réviser, dans le sens d’une cotisation proportionnelle, cette disposition non seulement injuste, mais aussi contre-productive pour les finances publiques, et qui fait reposer l’effort sur les plus fragiles en épargnant les plus aisés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à réformer les modalités actuelles de cotisation des non-salariés agricoles, afin de supprimer l’effet de palier et de lutter contre la sous-cotisation.
Il pose une difficulté du point de vue de la forme, puisqu’il tend à remettre en cause les modalités actuelles de cotisation des non-salariés agricoles sans en avoir évalué les conséquences financières et sans en avoir discuté avec les représentants du monde agricole.
Il pose également une difficulté de fond, puisqu’il porte sur l’assurance vieillesse complémentaire facultative, dont la cotisation est déjà proportionnelle aux revenus, et non sur le régime d’assurance vieillesse obligatoire des non-salariés agricoles.
J’ajoute que l’instauration d’une proportionnalité des cotisations appartient non pas au pouvoir législatif, mais au pouvoir réglementaire.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mes arguments seront identiques à ceux de la commission.
Tout d’abord, madame la sénatrice, l’amendement que vous présentez ne permettrait pas d’atteindre l’objectif que vous vous assignez, car il aurait pour effet de réformer les cotisations de l’assurance vieillesse complémentaire facultative, qui, vous le savez, est librement souscrite.
S’agissant des cotisations sociales du régime agricole de base, elles sont déjà proportionnelles.
Pour l’ensemble de ces raisons, qui ont déjà été développées par M. le rapporteur général, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 266, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 732-59 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Les trois premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« I. – Les cotisations visées à l’article L. 732-58 sont calculées sur la totalité des revenus professionnels ou de l’assiette forfaitaire obligatoire des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, tels que pris en compte aux articles L. 731-14 à L. 731-21. Elles sont fixées de manière progressive dans les conditions prévues au présent article :
« 1° Pour les personnes mentionnées à l’article L. 732-56 dont les revenus sont inférieurs à 1 820 fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l’année précédente, le taux de prélèvement est égal à 4,5 % ;
« 2° Pour les personnes mentionnées à l’article L. 732-56 dont les revenus sont supérieurs à 1 820 fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l’année précédente et inférieurs au plafond annuel prévu à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, le taux de prélèvement est égal à 6 % ;
« 3° pour les personnes mentionnées à l’article L. 732-56 dont les revenus sont supérieurs au plafond annuel prévu à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, le taux de prélèvement est égal à 9 %. » ;
2° Le quatrième alinéa est précédé de la mention :
« II. – » ;
3° Le cinquième alinéa est précédé de la mention :
« III. – » ;
4° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« IV. – En aucun cas, le revenu professionnel pris en compte pour l’attribution annuelle de points portés au compte de l’assuré, ne peut être supérieur au plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à limiter les surcotisations concernant les retraites agricoles des exploitants ayant de faibles revenus.
Actuellement, 74 % des cotisants agricoles perçoivent un revenu inférieur au SMIC annuel, mais doivent acquitter une cotisation minimale calculée sur le SMIC. La majorité des paysans sont donc en situation de surcotisation, et sont parfois très lourdement affectés : il convient d’y remédier. Tel est l’objet de cet amendement, qui tend à créer un système progressif de prélèvement.
Contrairement à notre amendement précédent, qui renvoyait l’application du système proposé à un décret, nous avons établi ici un dispositif qui vise un triple objectif : premièrement, supprimer l’assiette minimale du taux de cotisation, pour éviter une surcotisation aux plus modestes ; deuxièmement, tendre vers un équilibre budgétaire en réajustant les taux de cotisation pour les revenus les plus élevés ; troisièmement, enfin, plafonner l’attribution des points jusqu’à un certain revenu, car les hauts revenus sont très clairement favorisés par le système actuel puisque, soumis au même taux de cotisation, ils bénéficient de points sans aucun plafonnement.
Lors de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites à l’Assemblée nationale, M. le rapporteur Michel Issindou avait affirmé : « Il nous semble qu’il n’y a pas lieu de bouleverser l’ensemble des assiettes sans une réflexion globale et une démarche de concertation. » Cette concertation, nous l’avions proposée en défendant un amendement qui a été rejeté lors de l’examen du projet de loi précité.
Cependant, la concertation, qui est une étape indispensable de toute décision publique, spécialement lorsqu’elle concerne des systèmes complexes comme les retraites agricoles, ne doit pas nous affranchir, en tant que parlementaires, de nos responsabilités.
Lorsque l’injustice est réelle et constatée, il est de notre devoir d’y mettre un terme, si besoin en faisant preuve d’originalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à rendre progressives les cotisations de retraite finançant le régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés.
Il s’inscrit dans la lignée de l’amendement n° 265, dans la mesure où il vise à instituer la progressivité des cotisations de retraite agricole, cette fois pour le régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés.
D’une part, il conduit à ne plus distinguer les exploitants des collaborateurs familiaux, qui ne jouissent pourtant pas d’un niveau de revenu égal et qui, aujourd’hui, ne cotisent pas sur la même assiette.
D’autre part, son adoption augmenterait sensiblement le taux de cotisation, qui est à l’heure actuelle de 3 %. Je ne suis pas certain qu’il faille accroître ainsi les prélèvements pesant sur les non-salariés agricoles, alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit des recettes spécifiques pour financer l’extension de la retraite complémentaire obligatoire.
Par ailleurs, comme je l’ai déjà signalé, la fixation des taux relève du pouvoir réglementaire.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le régime complémentaire obligatoire de retraite agricole est un régime contributif : les droits dépendent des cotisations versées.
Dès lors, l’existence d’une assiette minimale de cotisation, qui peut être supérieure au revenu professionnel des exploitants agricoles, est un dispositif qui protège les droits à retraite des exploitants ayant des ressources réduites, en garantissant l’acquisition d’un niveau minimal de cent points de retraite par année cotisée. Si cette assiette peut être élevée, le taux de cotisation est relativement faible – de l’ordre de 3 % – au regard de ce qui est appliqué dans les régimes de retraite complémentaire des travailleurs indépendants, où le taux est de 7 %.
Votre proposition, madame le sénateur, ne modifie pas les règles d’acquisition des points. Dès lors, la suppression de l’assiette de cotisation minimale réduirait les droits à retraite des exploitants aux revenus les plus modestes. Au contraire, en relevant les taux de cotisation pour les revenus les plus élevés, elle accroîtrait non seulement les prélèvements sur ces exploitants, mais aussi leurs droits à retraite.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 170, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. À l’image du régime général obligatoire de base, le régime de protection sociale des salariés des professions agricoles est victime non pas d’un accroissement des dépenses sociales, mais d’une raréfaction organisée des recettes.
En effet, en vertu de l’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime que notre amendement tend à abroger, les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales pour les travailleurs occasionnels qu’ils emploient, c’est-à-dire, dans les faits, les jeunes âgés de moins de seize ans qui travaillent de manière ponctuelle durant les vacances scolaires ou ceux qui sont employés sous contrat pendant les vendanges.
Si, historiquement, ces exonérations sont présentées comme devant contribuer à accroître la rémunération nette du salarié, force est de constater que les résultats ne sont pas en rapport avec cet objectif.
Conscient de cette situation, le Gouvernement a, dans la loi de finances pour 2013, procédé à une mesure de rééquilibrage de ce dispositif, qui continue à exister, mais est désormais concentré sur les salaires les plus bas.
Ce faisant, comme avec les exonérations générales de cotisations sociales, notre législation incite en quelque sorte les employeurs à maintenir leurs salariés dans une situation financière précaire. Effectivement, plus les salaires sont bas, plus les exonérations de cotisations patronales sont élevées, pour un bénéfice plus que réduit, tant en matière de sécurité de l’emploi et de pouvoir d’achat que d’équilibre des comptes sociaux.
C’est pourquoi nous proposons de renforcer le financement solidaire de la Mutualité sociale agricole en supprimant ces trappes à bas salaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer le régime d’exonération des cotisations patronales bénéficiant aux employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles recourant à des travailleurs occasionnels.
Le régime des exonérations de cotisations liées à l’embauche de travailleurs occasionnels a profondément évolué depuis le 1er janvier dernier, à la suite de l’adoption de la loi de finances pour 2013.
Désormais, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles n’ouvrent plus droit à exonération ; les exonérations sont déterminées conformément à un barème dégressif linéaire, qui limite les effets d’aubaine en se concentrant sur les bas salaires.
Ces exonérations sont dorénavant totales pour une rémunération inférieure ou égale à 1,25 SMIC mensuel, contre 2,5 SMIC auparavant ; elles sont dégressives pour une rémunération mensuelle comprise entre 1,25 SMIC mensuel et 1,5 SMIC mensuel, contre 2,5 SMIC et 3 SMIC auparavant ; enfin, elles sont nulles pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure à 1,5 SMIC mensuel, contre 3 SMIC auparavant.
Il ne me semble pas nécessaire, pour l’instant, d’aller plus loin dans la réforme de ce dispositif.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 171, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 40 % » ;
2° Les deux derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La clé de répartition du produit de cette contribution est fixée par décret. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, vous le savez, nous divergeons sur l’analyse des causes des déficits de notre système de protection sociale.
Pour vous, ils sont, d’abord et avant tout, la conséquence d’un système trop généreux. Ce raisonnement vous conduit nécessairement et mécaniquement à tout faire pour baisser les dépenses sociales dans chacune des branches : dans la branche vieillesse, en gelant les pensions et en durcissant les conditions d’accès à la retraite ; dans la branche maladie, en maintenant sous pression financière les établissements de santé et en procédant à la fermeture des petites unités ; dans la branche famille, en réduisant les prestations et en gelant les mécanismes de revalorisation de certaines prestations.
À l’inverse, le groupe CRC constate que les plans d’économies imposés à la sécurité sociale par le biais de la seule réduction de la dépense se sont tous soldés par des effets mitigés, voire contre-productifs. Ce constat nous conduit à proposer d’agir sur l’autre levier, c’est-à-dire les ressources.
En effet, de nombreux éléments de rémunération échappent aujourd’hui au financement de la sécurité sociale. Mon propos vise notamment les sommes versées au titre de l’intéressement ou de la participation, les abondements de l’employeur aux plans d’épargne d’entreprise, aux plans d’épargne interentreprises, aux plans d’épargne pour la retraite collectifs, ou encore aux rémunérations perçues, sous forme de jetons de présence, pour l’exercice de leur mandat, par les dirigeants, administrateurs et membres des conseils de surveillance des sociétés anonymes et des sociétés d’exercice libéral à forme anonyme.
Ces éléments de rémunération sont assujettis à un mécanisme particulier, que tout le monde connaît. Appelé « forfait social », il progresse, année après année, sans toutefois jamais atteindre un niveau de prélèvement comparable à celui des cotisations sociales. Les employeurs continuent donc à favoriser ces éléments de rémunération au détriment des salaires – notamment des augmentations de ceux-ci –, structurellement plus sécurisants pour les salariés que les éléments indirects de rémunération, qui sont variables et dont l’attribution peut être arbitraire.
Aussi, pour inciter les employeurs à favoriser le salaire, nous proposons de porter le forfait social à un niveau de prélèvement quasiment identique à celui des cotisations sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à porter de 20 % à 40 % le taux du forfait social.
Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 – sous l’égide du gouvernement Fillon –, le forfait social est passé, en quatre ans, de 2 % à 20 %. C’est dire que son taux a été multiplié par dix. La mesure proposée paraît donc excessive.
C’est la raison pour laquelle j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. En effet, le taux du forfait social a déjà été plus que doublé lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2012. Le niveau actuel de 20 % est approprié car, à la différence des cotisations, le forfait social ne permet pas d’acquérir des droits contributifs.
M. le président. L'amendement n° 172, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 5° bis de l’article L. 213-1, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :
« 5° ter Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 245-17 ; »
2° Le chapitre 5 du titre 4 du livre 2 est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières
« Art. L. 245-17. – Les revenus financiers des prestataires de service visés au livre V du code monétaire et financier entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les revenus financiers des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce, à l’exclusion des prestataires visés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisations salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. À l’occasion de l’examen par le Sénat de la réforme des retraites, nous souhaitions proposer, par voie d’amendement, de substituer à l’article 2 du projet de loi en question portant allongement de la durée de cotisations, une mesure qui nous semblait plus juste et qui aurait aussi rapporté plus de ressources à la branche vieillesse. Je veux parler de notre proposition d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières des entreprises à une contribution d’assurance vieillesse.
Puisque le débat a été engagé voilà quelques instants, soyons clairs : nous ne parlons en l’espèce ni de l’épargne des particuliers ni des revenus des petites entreprises ; nous visons bien les revenus des grands groupes financiers et non financiers.
L’adoption d’un amendement de suppression de l’article 2 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites nous a empêchés de défendre notre proposition, que nous vous soumettons de nouveau, mes chers collègues, car elle nous semble opportune. C’est un fait, la répartition des richesses entre capital et travail n’a cessé d’évoluer au détriment de la rémunération des salariés et, donc, par un effet mécanique, au détriment du financement de notre système de protection sociale.
Ainsi, la part de richesses qui a bénéficié au capital, sous la forme de versement de dividendes, par exemple, a augmenté par rapport à celle qui a profité aux salaires. De fait, 10 % du PIB est passé de l’un à l’autre, au détriment du travail.
Dans le même temps, les revenus financiers des grandes entreprises n’ont cessé de s’élever. Leur appliquer les taux des cotisations patronales rapporterait plus de 30 milliards d'euros au régime général.
Mme la ministre de la santé s’était opposée à l’amendement que nous avions déposé sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites au motif qu’il n’était pas un amendement « à trois francs six sous », pour reprendre son expression. Elle souhaitait, par conséquent, se donner le temps de la réflexion.
Bien évidemment, j’ai pris acte de sa réponse, considérée comme positive. Je me dois néanmoins de le préciser, c’est aussi par voie d’amendement que le Gouvernement a fait adopter le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont le coût est quasiment aussi important que la somme ici en jeu !
Quoi qu’il en soit, nous reprenons cette proposition qui permettrait de rééquilibrer les efforts nécessaires au financement de notre système de sécurité sociale en mettant à contribution les revenus financiers de ces grands groupes financiers et non financiers au même niveau que les salaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières à une contribution d’assurance vieillesse. Le taux serait égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse patronale et salariale du secteur privé.
Les auteurs de cet amendement attendent de cette mesure un produit évalué à 30 milliards d’euros. Cela permettrait d’apporter au rééquilibrage des comptes de notre protection sociale une bouffée d’oxygène certaine.
Toutefois, le poids que ferait peser cette contribution d’assurance vieillesse sur l’ensemble des sociétés domiciliées en France ne me semble pas tout à fait cohérent avec le nécessaire besoin de compétitivité de l’activité économique. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cet amendement relève d’une réflexion plus large sur la réforme du financement de la protection sociale, réflexion actuellement menée par le Haut Conseil du financement de la protection sociale. L’incidence de la mesure proposée, beaucoup trop brutale pour les entreprises, serait de l’ordre de 30 milliards d’euros.
À titre subsidiaire, tel qu’il est actuellement rédigé, il est probable que cet amendement n’est pas conforme au droit communautaire. En effet, son adoption provoquerait la taxation des dividendes intragroupes.
Pour ces raisons, tant juridique qu’économique, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.