M. Benoît Hamon, ministre délégué. Plusieurs amendements déposés par MM. Retailleau et César, notamment, tendent à faire courir le droit d’information à compter de la cessation d’activité.
Je rappelle que, en cas de cessation d’activité, des droits d’information naissent d’ores et déjà de l’article L. 1234-7 du code du travail ; ils vont de un à six mois avant la cessation, bien au-delà, donc, du délai de deux mois prévu par les amendements, lequel ne présente donc pas véritablement d’intérêt.
Nous, nous voulons que le droit d’information préalable précède la cessation. De la même manière, il doit précéder la phase de recherche de repreneur, afin d’éviter que, le dos au mur, l’on se tourne vers les salariés en dernier recours.
La philosophie du Gouvernement, que je croyais avoir amplement et suffisamment détaillée, est claire : il faut pouvoir saisir l’occasion que représente une offre de reprise par les salariés, que celle-ci soit la seule sur la table ou en concurrence avec d’autres. Cette offre doit être considérée comme une offre à part entière, une offre ordinaire de reprise de l’activité.
Le Gouvernement sera donc défavorable à tous les amendements dont l’objet revient – M. le rapporteur a raison – à supprimer le droit d’information préalable des salariés, qui peuvent vouloir reprendre leur entreprise.
L’amendement n° 3 rectifié bis fait partie de ceux-là, et recueille, à ce titre, un avis défavorable.
L’amendement n° 98, tout comme un autre amendement également déposé par M. Le Cam, traite du droit prioritaire, ou droit de préférence. C’est un sujet sérieux.
Ce droit, je le signale, existe déjà. On peut être prioritaire au moment de racheter l’appartement dont on est locataire. Des formes de droit prioritaire, ou de droit de préemption, existent aussi dans certains cas de cession de terres agricoles, ou de parcelles de forêt, par exemple. J’indique que son exercice est souvent lié à la notion d’intérêt général.
Pour appliquer un droit de préférence à l’offre de reprise des salariés, il faudrait, d’abord, déterminer des critères, ce qui conduirait probablement à judiciariser la transmission d’entreprise de manière considérable. Le juge serait amené à se saisir de questions qui, d’habitude, font l’objet d’un contrat entre parties prenantes, sans passer par la justice.
En outre, accorder, à offres égales, un droit prioritaire à des salariés pose des difficultés sur ce que l’on entend par « offres égales ».
Nous avons donc estimé que ce droit prioritaire, en plus des obstacles potentiels liés au droit de propriété et à la liberté de commerce, garantis par la Constitution – ce n’est pas mince ! –, entraînerait une forme de judiciarisation de la transmission d’entreprise, qui serait assez éloignée de notre objectif d’allier les salariés et le chef d’entreprise au moment de la transmission, lorsque la reprise s’avère difficile. C’est pourquoi je suggérerai aux auteurs de l’amendement n° 98 de bien vouloir le retirer. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 117, qui tend à supprimer le droit d’information pour les salariés.
Même avis sur l’amendement n° 119 rectifié ter, sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer.
L’amendement n° 110 rectifié quater tend à permettre l’information du salarié avant la cessation d’activité. Je le répète, il y a une différence entre la cession et la cessation d’activité.
Je ne prétends absolument pas être le meilleur connaisseur de la transmission d’entreprise mais, à mon sens, quand une entreprise cherche un repreneur, ce sont ses concurrents qui sont les plus intéressés. Ils peuvent avoir intérêt à affaiblir l’entreprise, à la voir cesser son activité, ou bien à la reprendre. Ce sont eux, une fois qu’ils se sont fait connaître comme repreneurs potentiels, qui ont le plus d’intérêt à faire savoir que le chef d’entreprise cherchait à vendre, pour faire perdre de la valeur à l’entreprise cédée.
La possibilité pour les salariés de reprendre leur entreprise a donc un intérêt : valoriser l’entreprise aux yeux des concurrents. Sur un marché donné, une entreprise peut très bien n’avoir qu’un concurrent. Cela arrive même dans des bassins d’emplois assez vastes, à l’échelle, parfois, d’un département. Cet unique concurrent peut être intéressé par la reprise de cette entreprise comme par sa fermeture, qui lui permettrait récupérer ses clients. En revanche, s’il sait que les salariés de cette entreprise peuvent formuler une offre, il a en face de lui un rival. Cela contribue à valoriser l’entreprise, et permet probablement au cédant de vendre à un meilleur prix, à son concurrent ou à ses salariés.
Cet argument permet de sortir d’une vision trop anxiogène de la transmission, même si ce moment est toujours angoissant pour le chef d’entreprise, qui a peur de mettre la clé sous la porte sans réussir à vendre, et pour les salariés, qui ont peur de rester sur le carreau.
J’en viens à l’amendement n° 265 rectifié bis. M. Mézard souligne que la notion d’« intention de céder » est juridiquement floue, et qu’il convient de sécuriser le dispositif, afin que l’interprétation de la loi ne soit pas trop malaisée.
De ce point de vue, la rédaction proposée est intéressante. Elle encadre le moment du déclenchement du droit d’information, qui se fera « au plus tard deux mois avant la cession ». Cette rédaction laisse le chef d’entreprise libre de le déclencher plus tôt. Il fera comme bon lui semble.
Avec cette formulation, on tourne le dos à l’idée selon laquelle le droit d’information ne serait déclenché qu’en l’absence de repreneur ou au moment de la cessation d’activité. Le droit d’information, donc, court à compter du moment où le chef d’entreprise veut céder et s’engage dans une procédure de recherche de repreneur, qui peuvent être aussi les salariés.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, dont l’adoption permettra de donner plus de clarté, et donc de force, à ce nouveau droit.
Nous nous en remettons à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 316 de la commission des lois.
Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 90. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Il est défavorable à l’amendement n° 111 rectifié quater.
Le Gouvernement émet en revanche un avis favorable sur l’amendement n° 37.
Il s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 38 rectifié déposé par M. Anziani au nom de la commission des lois, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 284, qui supprime le renvoi à un décret.
Il est également favorable à l’amendement n° 39 rectifié.
L’amendement n° 109, identique à l’amendement n° 173, conditionne le recours du salarié à la preuve qu’il a perdu une chance réelle d’acheter l’entreprise. Cette disposition reviendrait à supprimer tout recours en nullité intenté par le salarié du fait de la difficulté à prouver cette perte de chance. À chaque fois, la charge de la preuve repose sur le salarié !
Je trouve, personnellement, que l’on a déjà beaucoup encadré ce droit d’information. (M. le rapporteur marque son approbation.) Objectivement, je crois que l’on peut dire que tout le monde est pris au sérieux, et mis devant ses responsabilités. Les salariés aussi, tout simplement parce qu’ils vont peut-être reprendre l’entreprise. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, en formulant une offre qui n’a pas été bien préparée. D’où l’importance des mesures d’accompagnement permises, notamment, par l’article 11 A du présent projet de loi, qui vient d’être adopté. La formation sur la transmission d’entreprise, portant sur les conditions dans lesquelles la reprise est possible, pourra ainsi être dispensée quelques années avant que la question ne se pose.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Le Gouvernement demande aux auteurs de l’amendement n° 160 de bien vouloir le retirer. Il tend à prévoir la possibilité pour les salariés souhaitant faire une offre d’achat de se faire assister par une personne de leur choix, laquelle pourrait avoir accès aux informations sur la santé économique et financière de l’entreprise, normalement détenues par le chef d’entreprise. Pour le Gouvernement, cette disposition, si elle était adoptée, créerait une rupture d’égalité, en accordant de facto aux salariés, à travers leur représentant, la priorité dans l’accès à des informations confidentielles. Cela nous semble rompre l’équilibre de la mesure. Si cet amendement n’était pas retiré, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
M. le rapporteur a émis un avis favorable sur l’amendement n° 162. Le Gouvernement, quant à lui, est plus réservé. Après en avoir discuté en réunion interministérielle, nous avons conclu que cette mesure, qui prévoit la possibilité pour les salariés qui souhaitent faire une offre d’achat de se faire assister par les services des chambres consulaires, n’est pas indispensable. Le Gouvernement demande donc aux auteurs de bien vouloir retirer cet amendement, qui paraît déjà satisfait. Notre avis diffère donc de celui émis par M. le rapporteur.
Le Gouvernement suggère le retrait de l’amendement n° 40. En effet, la demande de référence à une « lettre recommandée avec avis de réception » est déjà satisfaite par l’expression « tout moyen », qui figure à l’alinéa 10.
J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 41, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 303, déposé par M. le rapporteur.
L’amendement n° 101 concerne – cela vaut également pour l’amendement n°°95 – ce qu’il est convenu d’appeler la proposition de loi « sites rentables » ou « économie réelle » ou encore « Florange ». Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire n’est pas le bon véhicule législatif pour adopter de telles mesures. Je demande donc le retrait de ces deux amendements.
L’amendement n° 92, qui porte également sur le droit de préférence, appelle les mêmes observations que les amendements ayant un objet similaire.
Je m’attarderai un peu plus sur l’amendement n° 112 rectifié quater et sur l’étude BPCE L’Observatoire. Les propos de M. le sénateur André Reichardt sont tout à fait exacts. Mais je n’ai jamais prétendu que l’auteur de l’étude approuvait ma solution ; j’ai juste indiqué que son diagnostic était bon. Manque de chance, M. Tourdjman, lui-même salarié d’une banque de l’économie sociale, la BPCE, que dirige M. Pérol, s’est prononcé contre la mesure que nous proposons lors d’un meeting organisé par le MEDEF à Lyon, adressant même un « carton jaune » au Gouvernement. Ses opinions sont parfaitement respectables. Toutefois, à nos yeux, l’essentiel, ce n’est pas son avis ; c’est le diagnostic sur lequel il se fonde. Et ce diagnostic, nous le partageons. Pour le reste, nos désaccords relèvent tout simplement d’une divergence d’approche politique. En conséquence, l’avis est défavorable.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 42 et un avis défavorable sur l’amendement n° 113 rectifié quater, qui concerne la cessation d’activité.
L’amendement n° 43 serait satisfait par l’adoption de l’amendement n° 265 rectifié bis modifié par le sous-amendement n° 316. Nous en suggérons donc le retrait.
L’amendement n° 44 n’aurait probablement plus d’objet non plus en cas d’adoption de l’amendement n° 265 rectifié bis. De surcroît, nous avons décidé de ne pas prévoir explicitement le délai de deux mois pour les entreprises de plus de cinquante salariés dès lors que le délai préfix de consultation du comité d’entreprise prévu dans l’accord national interprofessionnel, l’ANI, signé entre les partenaires sociaux, s’appliquera. Ce délai suspend déjà la cession et il ne nous semblait pas raisonnable d’ajouter un délai au délai. Nous proposons donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 114 rectifié quater prévoit également le droit à l’information lors de la cessation d’activité. Avis défavorable.
L’amendement n° 66 nous semble combler une lacune qui subsistait dans la rédaction initiale du Gouvernement. Avis favorable.
L’avis est également favorable sur l’amendement n° 45, déposé par la commission des lois.
Enfin, je me suis déjà exprimé sur l’amendement n° 95, dont je demande le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Mon rappel se fonde sur l’article 49 de notre règlement.
Pour les sénateurs qui n’appartiennent pas à la commission des affaires économiques mais qui sont quand même mobilisés sur ce texte extrêmement important, il est très difficile de suivre quand trente-sept amendements font l'objet d'une discussion commune !
Je sais que la direction de la séance fait le maximum et que nous sommes tous très attentifs, mais je voulais tout de même souligner la difficulté de travailler dans de telles conditions.
Au demeurant, ce n’est pas la première fois que cela se produit. Lors de l’examen d’un précédent texte, nous avons dû débattre de plus d’une centaine d’amendements en discussion commune.
À mon sens, il faudra bien un jour trouver une solution pour que les membres de la commission des affaires étrangères – c’est mon cas –, de la commission des finances ou d’autres commissions puissent participer à l’examen de ce type de textes dans des conditions satisfaisantes.
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement.
M. Bruno Retailleau. J’approuve les propos de notre collègue Nathalie Goulet. D’ailleurs, sa remarque ne vaut pas seulement pour les textes relevant de la compétence de la commission des affaires économiques.
Les différents amendements qui viennent d’être présentés adoptent, me semble-t-il, des angles très différents. Et je pense que le travail législatif aurait pu gagner en qualité si le regroupement de ces amendements, parfois justifié, n’avait pas été aussi systématique.
Il serait souhaitable de réfléchir à ce problème en prévision de l’examen de prochains textes.
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 11 (suite)
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 98 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 98 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 117.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 316 et sur l’amendement n° 265 rectifié bis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je remercie notre collègue Jacques Mézard et ses collègues du groupe du RDSE de leur contribution à la clarification d’une notion qui, si elle était restée floue, risquait de fragiliser le dispositif.
Au sein du groupe socialiste, nous partageons avec nos collègues du RDSE, ainsi qu’avec les membres des groupes écologistes et CRC, la volonté que le système fonctionne bien, dans la sérénité. Cela suppose que le cadre juridique soit sécurisé. Je remercie donc notre collègue de contribuer à définir le point de départ de la procédure d’information des salariés.
J’aimerais également répondre à l’argument selon lequel le processus ne devrait être engagé qu’en l’absence de repreneur.
Au-delà des éléments juridiques que M. le rapporteur et M. le ministre ont fort opportunément rappelés, j’aimerais rappeler que des personnes commençant à vieillir – je prends l’exemple de mon grand-père et de la PME familiale de bâtiment – ne disposent pas toujours d’un éclairage suffisant quant à la qualité du repreneur. Certes, elles peuvent trouver des conseils et être accompagnées. Mais les salariés peuvent également apporter eux-mêmes un éclairage au chef d’entreprise sur la viabilité et le sérieux de la reprise.
Cela n’enlève rien aux facultés d’arbitrage final du propriétaire. Mais le salarié peut parfois avoir un regard plus aiguisé que le chef d’entreprise, qui, avec le temps, ne voit pas toujours les mauvais coups se profiler à l’horizon.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour explication de vote.
Mme Delphine Bataille. Dans la perspective de ce que Mme Lienemann vient d’indiquer, ainsi que des éléments que M. le rapporteur et M. le ministre ont fort bien rappelés, je souligne que le droit d’information des salariés avant tout projet de cession est un droit nouveau.
Au demeurant, il s’intègre parfaitement dans le prolongement des dispositions que la gauche a fait voter dès 1982, sous l’égide de Jean Auroux ; d’ailleurs, ce dernier assistait hier à nos travaux depuis les tribunes, afin de marquer son attachement à une telle filiation. Ces dispositions ont particulièrement marqué les esprits ; M. Le Cam et ses collègues du groupe CRC s’en souviennent encore aujourd'hui.
Un tel droit nouveau intervient dans un contexte économique difficile, avec des conséquences dramatiques pour l’emploi dans nos territoires.
C’est aussi un droit nouveau pour les salariés des PME, qui sont bien souvent tenus à l’écart des décisions relatives à la vie de l’entreprise, faute d’institutions représentatives.
Certes, et cela a été souligné, dans de nombreuses PME, il y a une forte proximité entre le patron et ses salariés, et l’on peut envisager que la pérennité de l’entreprise fasse l’objet d’échanges francs et transparents entre eux. Cependant, la proximité ne constitue pas un droit. Or seul le droit peut permettre aux intérêts des parties prenantes de l’entreprise de s’exprimer.
Ce matin, j’ai eu un échange avec M. Dallier, qui, je le crois, avait mal interprété nos propos. Nous n’opposons pas bénéfices et créations d’emplois. Nous voulons seulement insister sur l’idée qu’une entreprise ne peut pas se concentrer sur le seul profit. L’emploi est au moins aussi important. Et il n’est pas extravagant que les salariés puissent avoir une chance de s’engager dans la préservation de leur propre emploi lorsqu’il est en jeu !
Personne – je me tourne vers les travées de l’UMP – ne peut faire le procès d’intention au Gouvernement de ne pas tout tenter pour combattre le chômage.
C’est le Gouvernement qui a introduit la reprise d’entreprises par leurs salariés dans le débat politique. Nous le savons, les transmissions ratées font perdre un nombre important d’emplois, aujourd'hui évalué – Mmes Demontès et Lienemann l’ont rappelé – à 50 000. La droite ne peut pas sérieusement prétendre qu’un droit nouveau aurait des conséquences négatives sur l’emploi.
Le Gouvernement a voulu instituer un délai de deux mois pour informer les salariés en cas de cession d’une entreprise. Cette information serait obligatoire dans toute entreprise de moins de deux cent cinquante salariés. Le délai est conforté par l’amendement de M. Jacques Mézard et il demeure le dispositif central du droit d’information des salariés.
M. Marc Daunis, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 265 rectifié bis, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 90, 111 rectifié quater, 43, 44 et 114 rectifié quater n'ont plus d'objet.
M. Marc Daunis, rapporteur. Je n’ai pas très bien compris la position de nos collègues du groupe UMP sur l’amendement n° 265 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. Nous n’avons pas pris part au vote !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 109 et 173.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 160 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 160 est retiré.
Monsieur Le Cam, l'amendement n° 162 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Mohamed Soilihi, l'amendement n° 40 est-il maintenu ?
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des affaires économiques a demandé le retrait de cet amendement.
Je suis peiné de ne pouvoir lui donner satisfaction, car je ne fais que remplacer tout à fait modestement M. Anziani au banc de la commission. Je ne suis pas sûr qu’il aurait accepté de retirer cet amendement, qui vise un objectif de sécurité juridique et de meilleure information des salariés.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que cet amendement était satisfait par l’article 11, qui précise en son alinéa 10 « par tout moyen », ce qui englobe également les lettres recommandées avec avis de réception. Mais, selon nous, cela peut aussi ne pas comprendre ce type d’envois.
Cet amendement vise à sécuriser davantage le dispositif. De surcroît, il apporte de la souplesse en prévoyant le recours à la lettre remise contre récépissé. Il a été énormément débattu au sein de la commission des lois, qui l’a adopté.
M. René Garrec. Je confirme qu’il a été longuement débattu !
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Par conséquent, je le maintiens, monsieur le président.
M. René Garrec. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc Daunis, rapporteur. L’alinéa en question précise que « l’information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers ».
La commission des affaires économiques juge cette rédaction largement suffisante.
De plus, spécifier un moyen d’information nécessiterait, soit de dresser la liste la plus exhaustive possible des moyens, au risque d’alourdir la loi,…
M. René Garrec. Ah non, jamais ! Cela ne fonctionne pas !
M. Marc Daunis, rapporteur. … soit d’exclure d’autres moyens. Voilà pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement. À défaut, la commission des affaires économiques maintiendra son avis défavorable, malgré tout notre respect pour le travail de la commission des lois, qui a été particulièrement important sur ce texte.
M. le président. Monsieur Mohamed Soilihi, confirmez-vous le maintien de cet amendement ?
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 94.
M. Gérard Le Cam. Je le retire, monsieur le président, de même que les amendements nos 92 et 95 !
M. le président. Les amendements nos 94 et 92 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 95 a été précédemment retiré.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Je souhaite clarifier notre position et revenir sur un certain nombre de points qui ont déjà été abordés au fil de la défense des amendements.
Encore une fois, il n’y a pas d’un côté les tenants d’une transmission fluide et de l’autre les défenseurs d’une transmission qui ne le serait pas. La ligne de partage est politique, comme vous l’avez souligné tout à l’heure à juste titre, monsieur le ministre. Vous avez d’ailleurs cité le général de Gaulle, mais je ne suis pas sûr que la référence soit opportune sur ce texte. Proudhon aurait peut-être été plus adapté…
Quoi qu’il en soit, deux visions très différentes nous opposent. Vous soutenez, c’est votre droit, le systématisme lorsque nous défendons le pragmatisme.
Nous voulons tous faciliter et encourager les transmissions, mais il nous semble que le dispositif que vous êtes en train de mettre en place les entravera, les compliquera, les gênera, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, le nouveau dispositif sera source d’insécurité juridique et de contentieux. Bien sûr, vous nous répondrez que le défaut d’information ne sera pas sanctionné par une nullité absolue. Toutefois, il arrivera nécessairement que des transmissions abouties et finalisées soient remises en question pour des raisons de pure forme.
Deuxièmement, ce nouveau dispositif est très complexe. Marc Daunis m’a malicieusement fait remarquer tout à l’heure que nous voulions tous un grand choc de simplification. Or que faites-vous ? Vous ajoutez des pages et des pages à nos codes, qui sont sans doute déjà les plus épais au monde ! En quoi cela simplifiera-t-il et fluidifiera-t-il le processus de transmission ? Vous créez de nouveaux seuils, mes chers collègues. Nouveaux seuils pour cinquante, nouveaux seuils entre cinquante et deux cent cinquante salariés, règles nouvelles, etc.
En commission, j’ai paraphrasé Bossuet, monsieur le ministre : vous déplorez les effets dont vous chérissez les causes… Chacun saute sur sa chaise comme un cabri en disant « simplifions, simplifions, simplifions ! » mais nous passons notre temps à ajouter de nouvelles règles et de nouvelles contraintes.
Troisièmement, ce nouveau dispositif pose un problème de confidentialité. C’est un point important, parce que le processus de transmission est toujours fragile. Susciter une inquiétude chez les fournisseurs, les banquiers ou les clients ne peut conduire qu’à complexifier et, surtout, à gêner le processus de transmission des entreprises.
Certains se sont étonnés : l’UMP et les centristes ne feraient-ils pas confiance aux salariés ? Ce n’est pas de cela qu’il s’agit ! J’ai évoqué tout à l’heure une réunion où nous étions une vingtaine seulement, avec les cabinets de deux ministres, au sujet de FagorBrandt. Or cette entreprise est la propriété de la plus grande coopérative mondiale, qui ne s’est pas comportée correctement avec sa filiale française. Preuve que la vertu n’est pas nécessairement unilatérale !
M. Marc Daunis, rapporteur. On l’a tous dit !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Preuve aussi qu’il faut revoir les filiales !
M. Bruno Retailleau. Bien entendu !
Ce que je veux dire, c’est que les cabinets ministériels, lorsque nous les avons questionnés sur les éventuelles pistes de reprise, nous ont opposé la confidentialité. Nous étions pourtant des élus : président de région, président de département, parlementaires, maires. On nous a répondu que lever le voile sur les intentions de potentiels repreneurs reviendrait d’une certaine façon à tuer celles-ci !
Nous ne nous sommes pas offusqués de cet argument ; nous ne nous sommes pas drapés dans notre dignité d’élus pour réclamer séance tenante le nom des éventuels candidats à la reprise des différents sites de FagorBrandt en France.
Dès lors, pourquoi serait-ce un problème d’opposer aux salariés la confidentialité ? Il ne s’agit nullement de les rabaisser. En tant qu’élu, je ne me sens nullement rabaissé lorsqu’on se retranche derrière la confidentialité pour ne pas me répondre. En vertu de quoi en irait-il autrement pour les salariés ?
Pour conclure, beaucoup de transmissions se passent bien. Or vous légiférez à partir de quelques cas qui sont effectivement problématiques. En créant des contraintes pour tous, vous risquez d’entraver toutes les transmissions. C’est une mauvaise façon de légiférer. Vous nous avez dit tout à l’heure que les cinq organisations représentatives des salariés étaient favorables à la mesure. Je pourrais vous répondre que les cinq organisations représentatives des chefs d’entreprise sont contre.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait, il n’y en a que trois !
M. Bruno Retailleau. Ils sont plus de trois à avoir signé le courrier qu’ils vous ont adressé ! Bref, cet argument n’est pas dirimant.
Pour reprendre une phrase prononcée par Fleur Pellerin et qui a fait, voilà quelques jours, le titre d’un article du journal Le Monde – « Nous avons une vision trop idéologique de l’entreprise », disait-elle –, je pense que vous avez une vision idéologique et décalée de l’entreprise.
Avec ce texte, vous cherchez à créer un climat de suspicion et de défiance à l’égard des chefs d’entreprise, parce qu’ils refuseraient de dialoguer, surtout dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Quand on connaît les réalités, on sait que ce n’est absolument pas le cas. Selon vous, ils ne voudraient pas communiquer d’informations à leurs salariés et ne connaîtraient pas ceux qui pourraient reprendre l’entreprise. Au contraire, leur premier mouvement, quand la nécessité d’une reprise se fait jour, c’est d’aller vers l’intérieur, vers les salariés.
On n’a jamais rien à gagner en alimentant le mouvement de suspicion vis-à-vis des chefs d’entreprise. Or le Gouvernement, par ses zigzags, tantôt en voulant encourager les chefs d’entreprise vers la compétitivité, tantôt en marquant une certaine défiance, donne des signaux contradictoires.
C'est la raison pour laquelle nous ne voterons évidemment pas cet article.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, après la brillante intervention de mon collègue Bruno Retailleau, je voudrais souligner qu’un problème de sémantique nous sépare, qui est l’expression de deux philosophies différentes.
Quelques progrès ont été introduits dans cet article 11, notamment grâce à l'amendement n° 265 rectifié bis de M. Mézard qui, en remplaçant l’intention par la volonté de céder, rend le dispositif un peu plus percutant, mais cela ne nous suffit pas, pour différentes raisons que je vais vous exposer.
Un autre problème de sémantique a trait à la différence entre discrétion et confidentialité. Comme l’a dit mon collègue Bruno Retailleau, lorsque des discussions s’engagent au niveau des entreprises en difficulté ou en reprise d’activité, la confidentialité est absolument nécessaire.
Je fais actuellement la triste expérience, tout à fait concrète, d’une reprise d’actions par mon délégataire de service public en ce qui concerne la gestion d’un aéroport du département de la Marne. Un nouvel actionnaire était prêt à entrer dans le capital de cette société. Des fuites ont eu lieu dans la presse et l’information selon laquelle une reprise allait intervenir a entraîné le retrait de l’actionnaire, qui a jugé que la publication de cette information était contreproductive par rapport à sa stratégie. Il tenait à rester dans la confidentialité, notamment vis-à-vis des banques, et à ne pas exposer directement des projets parallèles à ceux qu’il souhaitait par ailleurs mener. Cet exemple montre bien que cet article peut aussi mettre des entreprises en difficulté.
Enfin, le dernier problème sémantique que je relèverai porte sur la différence, déjà soulignée, entre transmission et disparition.
En cas de cessation des activités d’une entreprise, il est en effet important qu’un certain nombre de mesures soient prévues obligeant à informer les salariés.
M. Marc Daunis, rapporteur. Vous voulez parler de la liquidation ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. En effet !
M. René-Paul Savary. Mais, de toute évidence, il ne faut pas généraliser le dispositif à l’ensemble des transmissions. Ce n’est pas en imposant cette contrainte supplémentaire que vous obtiendrez des résultats.
En l’absence de reprise, dans le cas où l’on s’oriente vers une cessation d’activité, il faut mettre au point un dispositif, mais cela ne doit pas être systématique pour chaque transmission.
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article 11.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Le droit d’information des salariés en cas de transmission d’une entreprise saine porte finalement un objectif louable puisqu’il s’agit de tenter de préserver l’emploi, l’activité ; nous ne pouvons qu’y souscrire. Si, effectivement, l’article 11 nous assurait de pouvoir atteindre ce type de résultats, nous ne pourrions que le voter.
Le problème, c’est que, dans ses contours, cet article est source de confusion. Le projet de loi ne prévoit d'ailleurs pas le risque qu’une offre d’achat soit présentée à la seule fin de retarder la cession.
Le délai d’information de deux mois crée en réalité une période d’incertitude juridique et économique dont il est extrêmement difficile, aujourd’hui, de mesurer les conséquences.
Étant donné que nous sommes incapables de déterminer les risques qu’entraînerait l’application d’un tel article, il faut en appeler au principe de précaution et ne pas le voter.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Au terme de cette discussion très longue sur l’article 11, je maintiens que celui-ci représente une avancée remarquable pour plusieurs millions de salariés.
Ne sont pas simplement concernés ceux qui travaillent dans des structures de moins de cinquante salariés. L’amendement n° 66 de Mme Demontès ouvre un nouvel horizon à ceux qui travaillent dans des entreprises employant entre cinquante et deux cent cinquante salariés, soit plus de 8 millions de salariés qui verront ainsi leurs droits progresser de façon considérable.
À notre collègue Bruno Retailleau, qui a parlé de défiance vis-à-vis des patrons d’entreprise, je voudrais dire que cet article adresse au contraire un message de confiance et d’encouragement aux salariés. Chacun peut voir midi à sa porte, mais, personnellement, c’est dans ce sens que je considère l’article 11. (M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois, applaudit.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc Daunis, rapporteur. Je serai très bref après ces échanges nourris et de qualité.
Je dirai tout d’abord à notre collègue Bruno Retailleau qu’en opposant le systématisme au pragmatisme, il fait fausse route. Nous ne faisons pas preuve de systématisme mais de réalisme, de lucidité par rapport à une situation existante, dont vous ne pouvez pas vous abstraire, surtout vous, monsieur Retailleau, qui êtes élu local. Chaque année en France, 50 000 emplois sont détruits. Quelle que soit la façon dont vous preniez le problème, la force et la violence de ce chiffre demeure.
Ensuite, ne soyons pas caricaturaux. Il est facile de prendre tel ou tel exemple. Il ne s’agit pas ici de dire qu’il y aurait une économie vertueuse en toutes circonstances et en tous lieux. Nous ne nous situons évidemment pas dans un tel contexte.
En revanche, je suis tenté de dire, reprenant la simplification que vous avez faite tout à l’heure, que vous avez une conception ancienne, quelque peu archaïque et presque frileuse de l’entreprise et de l’entreprenariat, par rapport à un monde qui, lui, évolue.
La valeur profonde d’une entreprise peut, certes, être le talent d’un manager ou la qualité d’un marché, …
M. Bruno Retailleau. C’est cela !
M. Marc Daunis, rapporteur. … mais la première richesse d’une entreprise demeurera toujours la valeur de ses salariés, de ses producteurs.
M. Bruno Retailleau. Et alors ?
M. Marc Daunis, rapporteur. Nous voulons que ces talents puissent mieux s’exprimer encore, notamment dans les entreprises de moins de cinquante salariés, là où, pour des raisons objectives, la transmission ne peut pas être anticipée, où elle est parfois presque subie.
Le fait d’avoir inscrit à l’article 11 A la possibilité d’une information des salariés tout au long de la vie de l’entreprise – cette mesure a fait ressortir votre frilosité ; vous l’avez même qualifiée d’« anxiogène » (M. Bruno Retailleau conteste avoir employé ce terme.) – renforcera les droits des salariés et permettra aussi de consolider le précieux tissu économique local, notamment en milieu rural. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je serai moi aussi très bref après ces longs échanges d’arguments, mais je voudrais expliquer les raisons pour lesquelles je me réjouirais si cet article 11 était adopté.
Alors que bon nombre de nos concitoyens, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, ont le sentiment d’avoir perdu la capacité de maîtriser leur vie, ce droit d’information leur rendra incontestablement du pouvoir. C’est en soi une belle chose – et je m’en réjouis en tant que ministre d’un gouvernement de gauche – que la gauche se rassemble afin de donner un pouvoir supplémentaire aux salariés et qu’elle soit, une nouvelle fois, au rendez-vous du progrès social.
Permettez-moi de citer Jean Bodin, philosophe, père d’une des premières théories de la monnaie et auteur de ce célèbre aphorisme : « Il n’est de richesse que d’hommes. » Ce message m’apparaît tout à fait conforme à l’esprit de l’économie sociale et solidaire.
Aujourd’hui, on se préoccupe des hommes dans l’entreprise, sans pour autant se désintéresser de l’activité économique elle-même. En instaurant pour les salariés un droit d’information et une possibilité de reprise, on permet à l’entreprise, personne morale, de perdurer après le départ d’un chef d’entreprise.
Nous sommes aujourd'hui au rendez-vous du progrès social. Je me réjouis que ce message soit adressé aux salariés et qu’un témoignage de confiance à l’égard des entreprises y soit associé. Je me réjouis de ce rassemblement de la gauche en faveur de ce nouveau droit pour les salariés en France ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11