Mme Christiane Demontès, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui marquera l’histoire de l’économie sociale et solidaire dans notre pays, car c’est la première fois qu’une loi est consacrée à celle-ci. La commission des affaires sociales a donc souhaité émettre un avis sur ce projet de loi.
Compte tenu de la densité de ce texte, rappelée à l’instant par M. le ministre et par notre collègue rapporteur Marc Daunis, nous avons restreint notre avis aux articles ayant un lien direct ou indirect avec le code du travail, soit une dizaine d’articles au total.
La commission des affaires sociales a adopté la vingtaine d’amendements que je lui ai présentés le 15 octobre dernier. Presque tous ont été adoptés le lendemain par la commission des affaires économiques. Je voudrais rapidement vous en présenter les principaux.
À l’article 7, nous avons ajouté les acteurs du logement et de l’hébergement des personnes défavorisées dans la liste des bénéficiaires de plein droit du nouvel agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ».
Nous avons également porté, à l’article 52, de un à deux ans la période minimale pendant laquelle les entreprises bénéficiant de l’agrément solidaire seront réputées bénéficier de plein droit du nouvel agrément. Ce délai supplémentaire permettra aux entités concernées de s’approprier les dispositions de la nouvelle loi et de modifier leurs statuts sans avoir à convoquer une assemblée générale extraordinaire.
À l’article 9, nous avons rendu obligatoire la conclusion de conventions dans toutes les régions entre les préfets, d’une part, et les maisons de l’emploi et les gestionnaires des plans locaux pour l’insertion et l’emploi, d’autre part, afin de favoriser le recours aux clauses sociales. Ces conventions permettront de repérer les marchés pertinents et les publics à insérer, de guider la rédaction des clauses d’insertion et d’accompagner les entreprises titulaires des lots dans la mise en œuvre des clauses sociales.
La généralisation de ces conventions présente un double intérêt : elle relancera le recours aux clauses sociales pour les marchés publics de l’État, qui accuse un retard certain en la matière ; elle fournira un cadre, sur la base du volontariat, aux grandes collectivités territoriales qui devront mettre en place les schémas de promotion des achats publics socialement responsables prévus, justement, à l’article 9.
Nous avons enfin souhaité sécuriser les dispositions de l’article 33, relatif aux entrepreneurs salariés associés des coopératives d’activité et d’emploi, les CAE. Nées au milieu des années quatre-vingt-dix pour permettre à des porteurs de projets de créer et de développer leurs activités dans un cadre coopératif, autonome et sécurisé, ces coopératives remplissent deux grandes missions : elles accompagnent les entrepreneurs dans la définition et la mise en œuvre de leurs projets ; elles mettent à leur disposition des services mutualisés qui comprennent, notamment, la gestion financière, sociale et administrative. Elles offrent donc une véritable alternative à l’auto-entreprenariat, aux couveuses d’activité et aux sociétés de portage salarial.
Selon la Confédération générale des SCOP, on comptait, au 31 décembre 2012, quatre-vingt-onze entreprises autonomes et quarante-quatre établissements secondaires, qui rassemblaient 5 000 salariés, leur nombre augmentant de 15 % à 20 % par an.
Il s’est toutefois avéré que les critères classiques du contrat de travail ne convenaient pas aux spécificités de ces coopératives, compte tenu de l’absence de lien de subordination entre la direction et les entrepreneurs et des modalités de calcul de la rémunération, fondée sur le chiffre d’affaires réalisé par ces derniers.
C’est pourquoi l’article 33 crée un nouveau contrat dans le code du travail, distinct du contrat de travail de droit commun, au profit des entrepreneurs salariés associés des coopératives d’activité et d’emploi.
Par souci de lisibilité, nous avons clairement distingué les règles du contrat des entrepreneurs salariés associés de celles qui sont applicables aux entrepreneurs salariés n’étant pas encore devenus associés de la coopérative à l’issue de la période de test de trente-six mois de leurs projets.
Compte tenu du principe d’assimilation présenté à l’article L. 7331-1 du code du travail, nous avons également supprimé les dispositions redondantes pour éviter tout risque d’interprétation a contrario. Le développement de ces coopératives originales pourrait entraîner, toujours selon la Confédération générale des SCOP, plus de 10 000 créations nettes d’emploi dans les cinq années à venir. Avec un cadre juridique ainsi sécurisé, nous donnons tous les moyens à ces coopératives pour se développer.
Trois amendements votés par la commission des affaires sociales n’ont pas été adoptés par la commission des affaires économiques. Compte tenu de l’importance qu’ils revêtent à mes yeux, je les ai présentés à nouveau, mercredi dernier, moyennant quelques adaptations, à la commission, qui les a adoptés. Je voudrais les évoquer brièvement.
Le premier amendement concerne la fourchette des rémunérations dans les entreprises qui demandent à bénéficier du nouvel agrément solidaire prévu à l’article 7. Le texte de la commission des affaires économiques prévoit que la moyenne des sommes versées aux cinq salariés ou dirigeants les mieux rémunérés doit être inférieure à un plafond fixé à sept fois la rémunération annuelle d’un salarié à temps complet qui perçoit le SMIC, ou le salaire minimum de branche si celui-ci est supérieur. Nous avons souhaité maintenir cette disposition, mais en remplaçant la référence au salaire minimum par la moyenne des cinq rémunérations les plus faibles dans l’entité considérée. Nous rendons ainsi le dispositif plus dynamique et vertueux : d’une part, en renforçant l’attractivité du secteur de l’économie sociale et solidaire pour certains profils techniques très recherchés ; d’autre part, en tirant vers le haut les salaires les plus faibles dans l’entité considérée, afin de lutter contre les « trappes à pauvreté ».
Nous aurons l’occasion de débattre de cette question lorsque je présenterai cet amendement ; je m’en réjouis, car nous sommes plus forts quand nous réfléchissons et prenons des décisions collectivement.
Le deuxième amendement porte sur l’information préalable des salariés lors d’une transmission d’entreprise, prévue à l’article 11 du projet de loi. Je rappelle que le dispositif de cet article concerne toutes les entreprises, et pas seulement celles de l’économie sociale et solidaire. La rédaction actuelle du texte ne prévoit aucun délai précis pour l’information préalable des salariés en cas de cession d’un fonds de commerce dans les entreprises employant entre cinquante et deux cent quarante-neuf salariés. Nous avons souhaité, par souci d’efficacité et de simplicité, instaurer un délai de deux mois en cas de carence du comité d’entreprise coïncidant avec une absence de délégués du personnel, en reprenant ainsi la règle prévue pour les entreprises employant moins de cinquante salariés.
Les études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, montrent en effet qu’il ne s’agit pas d’une hypothèse d’école puisque, selon une publication datée d’avril 2013, 6 % des établissements de plus de cinquante salariés ne disposaient d’aucune institution représentative du personnel en 2010-2011.
Nous avons également adopté un amendement similaire à l’article 12, concernant les cas de cession des parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital dans les sociétés qui emploient entre cinquante et deux cent quarante-neuf salariés.
Enfin, outre ces trois amendements, la commission des affaires sociales a adopté un amendement à l’article 33, afin de poursuivre la sécurisation du dispositif, en précisant notamment que tous les entrepreneurs salariés, qu’ils soient ou non associés, jouissent des mêmes droits, sont soumis aux mêmes sujétions et doivent être affiliés aux assurances sociales du régime général.
Tel est, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le fruit des travaux de la commission des affaires sociales.
Nous aurons l’occasion, au cours du débat, d’aborder des questions qui dépassent le strict cadre de l’avis de la commission des affaires sociales, mais auxquels nous attachons une grande importance. Je pense, par exemple, à la place des structures d’insertion par l’activité économique dans le projet de loi, ou encore à la définition de l’utilité sociale et de l’innovation sociale. Sur tous ces sujets, vos explications et précisions, monsieur le ministre, sont attendues et permettront de répondre à certaines de nos interrogations, mais surtout à celles des personnes que j’ai pu auditionner.
Je voudrais, pour conclure, rappeler ces mots empreints de sagesse de Léon Bourgeois, prix Nobel de la paix et ancien sénateur, extraits de son ouvrage Solidarité : « la loi de solidarité des actions individuelles finit par apparaître, entre les hommes, […] non comme une nécessité extérieurement et arbitrairement imposée, mais comme une loi d’organisation intérieure à la vie […], un moyen de libération ».
Je souhaite que le développement des associations, des fondations, des mutuelles, des coopératives et des sociétés commerciales relevant du champ de l’économie sociale et solidaire ou aspirant à y entrer permette de promouvoir les valeurs humanistes, la solidarité et la démocratie participative, qui sont parfois mises à mal dans notre société.
Tel est l’objectif de ce projet de loi, que je soutiens avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, rapporteur pour avis.
M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire a pour ambition d’encourager un changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire dans tous ses aspects, afin de construire avec les entreprises relevant de ce secteur une stratégie de croissance plus robuste, plus riche en emplois, plus durable et plus juste socialement.
À cet égard, la question du financement des organismes composant le secteur de l’économie sociale et solidaire est fondamentale. Le présent projet de loi tend à créer ou à rénover des dispositifs destinés à renforcer les capitaux propres des organismes d’assurance mutualistes et paritaires, des associations et des fondations. La commission des finances a souhaité limiter le champ de sa saisine à ces dispositions, qui relèvent clairement de sa compétence.
J’évoquerai d’abord les dispositions relatives aux sociétés d’assurance, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance.
Ces organismes sont des sociétés de personnes sans capital social. Leurs fonds propres résultent non du capital versé par des actionnaires, mais de la mise en réserve de leurs résultats.
Ce principe fondamental du mutualisme et du paritarisme présente l’inconvénient de fermer l’accès aux marchés de capitaux pour le renforcement de ces fonds propres. Seuls des titres de dette peuvent être émis par ces organismes, sous des formes variées.
Cette restriction n’a pas empêché jusqu’ici le développement des acteurs mutualistes et paritaires dans le secteur de l’assurance, au sein duquel ils occupent une place majeure : 53 % du marché de l’assurance automobile, 50 % de celui de l’assurance habitation et l’essentiel du secteur des complémentaires santé.
Le monde mutualiste et paritaire a même fait preuve d’une remarquable résilience durant la crise financière qui a profondément ébranlé certaines des sociétés de structure capitaliste classique que l’on présentait pourtant comme les mieux adaptées à une économie de plus en plus financiarisée.
On observe cependant un double mouvement qui pourrait placer certains de ces organismes dans une situation difficile : d’une part, l’accroissement de la concurrence sur le marché de l’assurance, qui conduit à une réduction des marges, et donc de la possibilité d’accumuler des bénéfices ; d’autre part, le renforcement des exigences de solvabilité imposées aux assureurs, en particulier au travers de la directive européenne « Solvabilité II », dont on peut d’ailleurs se demander si elle tient suffisamment compte des spécificités et des points forts du modèle mutualiste.
Ces règles obligent les assureurs à disposer de plus de fonds propres pour assurer la couverture de leurs engagements et imposent aussi une définition de plus en plus restrictive des instruments de financement admis dans la catégorie des fonds propres de la meilleure qualité.
Il ne faut pas que ce souci légitime de garantir la solidité des assureurs conduise indirectement à imposer comme standard la société de capitaux, au détriment du modèle mutualiste, qui a justement fait la preuve de sa robustesse.
Dans cette perspective, le présent projet de loi prévoit la création de titres spécifiques, dénommés certificats mutualistes s’ils sont émis par des sociétés d’assurance mutuelle ou par des mutuelles, qui relèvent respectivement du code des assurances et du code de la mutualité, et certificats paritaires s’ils sont émis par des institutions de prévoyance, qui relèvent du code de la sécurité sociale.
Le régime de ces certificats répond à une triple contrainte : premièrement, le respect des principes mutualistes ; deuxièmement, la satisfaction des critères prudentiels permettant de classer les fonds recueillis parmi les capitaux propres de la meilleure qualité ; troisièmement, la protection des épargnants.
S’agissant du respect des principes mutualistes, je souligne que les certificats ne donnent ni droits de vote supplémentaires en assemblée générale, ni droit sur l’actif net de l’émetteur.
Les organismes mutualistes se sont développés sur un fondement affinitaire qui conserve aujourd’hui toute sa force et constitue l’un des moteurs essentiels de leur action. Le dispositif proposé permet de préserver cette spécificité si précieuse.
Le périmètre des souscripteurs des certificats est ainsi restreint aux personnes liées par une affectio societatis directe ou indirecte avec l’émetteur. La commission des finances a adopté sur ce point un amendement d’harmonisation entre les différents types de certificats, amendement intégré par la commission des affaires économiques dans le texte qui vous est soumis.
Enfin, comme la logique de souscription doit, avant d’être économique, répondre à la volonté du souscripteur de soutenir l’action et le développement de l’organisme auquel il est lié, la rémunération des certificats est plafonnée à une fraction des résultats de l’émetteur.
S’agissant de l’aspect prudentiel, tous les fonds propres ne sont pas logés à la même enseigne. Pour pouvoir être pris intégralement en compte au titre de la couverture des engagements de l’assureur, les fonds doivent présenter certaines caractéristiques tenant à leur « permanence », à leur capacité à absorber les pertes enregistrées par l’émetteur et à la flexibilité de leur rémunération.
C’est le cas des certificats : la rémunération est fixée discrétionnairement et chaque année par l’assemblée générale de l’émetteur ; ils sont susceptibles d’absorber les pertes de celui-ci ; il n’y a pas de remboursement possible, sauf liquidation de l’émetteur, et seulement après désintéressement de l’ensemble des créanciers ; les rachats sont mis en place de façon facultative par l’émetteur, de manière contingentée et sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR. Le projet de loi définit un ordre de priorité, sur lequel la commission des finances a proposé un amendement d’harmonisation, adopté par la commission des affaires économiques.
S’agissant, enfin, de la protection de l’épargnant, le présent projet de loi renvoie aux obligations d’information et de conseil déjà prévues pour certaines opérations de capitalisation organisées par le code des assurances et le code de la sécurité sociale. La commission des finances a adopté un amendement visant à clarifier et à compléter ces obligations, amendement qui a été intégré au texte établi par la commission des affaires économiques.
Il me semble que, avec ces amendements, le dispositif proposé est équilibré, étant entendu que la souscription de ces titres trouve sa justification dans la volonté de soutenir l’émetteur et d’accompagner son développement. La commission des finances a ainsi émis un avis favorable à l’adoption de l’article 36.
Parmi les dispositions relatives aux organismes d’assurance, j’ai également souhaité examiner celles qui tendent à favoriser le développement de la coassurance en matière d’assurance de personnes.
En effet, interviennent dans ce domaine des organismes d’assurance régis par des corpus de règles différents. L’objet de l’article 34 du présent projet de loi est de permettre la réalisation de telles opérations. Pour cela, il procède à une mise en cohérence des dispositions des trois codes des assurances, de la mutualité et de la sécurité sociale. Il faut souligner que l’alignement s’opère sur les dispositions les plus protectrices des assurés.
Cette harmonisation est particulièrement nécessaire aux mutuelles, dont la taille et le champ géographique ne correspondent pas toujours à l’ampleur des contrats de branche.
Là encore, le dispositif proposé veille au respect des principes de gouvernance propres au secteur mutualiste : les salariés couverts par de tels contrats bénéficient du statut de sociétaire et d’adhérent de chacune des sociétés d’assurance mutuelles et des mutuelles participant à l’opération de coassurance. Je considère donc que ce dispositif constitue un progrès. La commission des finances a approuvé cet article.
L’autre volet du champ de la saisine de la commission des finances concerne les dispositions relatives au financement au sens large des associations, des fondations et des fonds de dotation, regroupées au sein des titres V et VI de ce projet de loi.
Il s’agit d’un sujet de grande importance. En effet, comme le souligne l’étude d’impact annexée au projet de loi, la France a un vivier de plus d’un million d’associations, qui comptent plus de 21 millions d’adhérents et environ 13 millions de bénévoles. En termes d’emplois, comme le rappelle l’étude d’impact, l’effectif salarié total des associations s’élève à près de 1,8 million de personnes, soit un peu moins de 80 % du total de l’économie sociale et solidaire.
Notre capacité à conforter le modèle associatif et à renforcer les canaux de financement des associations représente donc, pour notre pays, un véritable enjeu, y compris économique.
Tel est l’objet de l’article 40 du projet de loi, relatif à la réforme des titres associatifs. Comme vous le savez, les associations sont autorisées à émettre des obligations depuis 1985. Certaines d’entre elles, dénommées « titres associatifs », présentent la particularité de n’être remboursables que sur la seule initiative de l’émetteur ; ce sont donc des « quasi-fonds propres ». En outre, quand il n’est pas fait appel public à l’épargne, les obligations émises par les associations sont rémunérées à un taux plafonné, qui est la somme du taux moyen du marché obligataire du trimestre précédent et d’une rémunération définie par arrêté du ministre chargé de l’économie, laquelle ne peut excéder trois points.
Cependant, aujourd’hui, les associations ne font que peu usage de ces titres, qui restent par ailleurs mal connus des investisseurs.
L’article 40 du projet de loi vise à donner un nouveau souffle à ce mode de financement, en faisant des titres associatifs des instruments plus conformes aux pratiques du marché.
À cette fin, il est proposé de mieux borner l’horizon de remboursement des titres associatifs en permettant que les contrats d’émission de titres associatifs puissent stipuler que le remboursement aura lieu à une échéance déterminée d’au moins sept ans, dès lors que les excédents constitués depuis l’émission, déduction faite des éventuels déficits constatés durant la même période, dépassent le montant nominal de l’émission.
De plus, ces nouveaux titres « à durée déterminée » pourront faire bénéficier leurs souscripteurs d’une rémunération additionnelle, à définir par arrêté, dans la limite de 2,5 %. Ainsi, le taux maximal de ces dernières opérations pourrait s’établir au niveau du taux moyen du marché obligataire plus 5 %, soit, dans les conditions actuelles de taux, à 7,30 %.
La commission des finances a exprimé son accord avec ce système, tout en adoptant un amendement destiné à renforcer l’encadrement des émissions, lequel a été intégré dans le texte de la commission des affaires économiques. Elle a également approuvé l’article 47 du projet de loi, qui donne aux fondations le droit d’émettre de tels titres.
De même, la commission des finances a approuvé l’article 46, relatif aux fondations d’entreprise, qui permettra aux mandataires sociaux, sociétaires, adhérents ou actionnaires de l’entreprise fondatrice d’effectuer des dons à ces structures, à l’instar de leurs salariés.
Enfin, est proposée, à l’article 48, une légère modification des conditions de création des fonds de dotation, qui sont des structures issues de la mise en œuvre de la loi de modernisation de l’économie de 2008. Comme vous le savez, ces outils se caractérisent par leur grande simplicité de fonctionnement par rapport aux traditionnelles fondations reconnues d’utilité publique. Sans remettre en cause cet atout, cet article vise à éviter que ne se multiplient des « fonds dormants », en prévoyant l’instauration, au moment de la création d’un fonds, d’une « dotation plancher » dont le montant serait fixé par décret. L’étude d’impact précise que le montant de 25 000 euros est envisagé par le Gouvernement. La commission des finances a soutenu cette démarche, moyennant l’adoption d’un amendement destiné à mieux encadrer le pouvoir réglementaire. Cet amendement a, lui aussi, été intégré dans le texte de la commission des affaires économiques.
Je terminerai en évoquant les articles 41 et 42 du projet de loi.
Il s’agit ici de définir le droit applicable en cas de fusion ou de scission d’associations. L’inscription de telles dispositions dans ce texte est une initiative très heureuse du Gouvernement, car le vide juridique actuel pénalise fortement la rationalisation du paysage associatif et les rapprochements d’associations.
En termes fiscaux – aspect qui intéresse au premier chef la commission des finances –, ce texte ne comporte pas de dispositions normatives. Pourtant, selon les éléments recueillis auprès de Bercy, la mise en œuvre des articles 41 et 42 aura des conséquences fiscales, la définition du régime des fusions étant une condition sine qua non pour que l’administration fiscale soit en mesure de préciser que le régime de sursis d’imposition et les droits de mutation forfaitaires applicables aux fusions de sociétés s’appliquent également à ces opérations. Il faudra donc veiller à ce que la direction de la législation fiscale s’empare bien du sujet après la promulgation de la loi. Sur la base de ces éléments, la commission des finances a approuvé l’adoption de ces articles.
En conclusion, monsieur le ministre, je suis heureux de pouvoir vous dire que la commission des finances s’est prononcée en faveur de l’adoption par le Sénat de ce projet de loi très riche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, rapporteur pour avis.
M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l’ensemble de nos travées, chacun a conscience des limites de ce que j’appellerai « l’économie traditionnelle ».
M. Bruno Sido. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois. Nous avons tous appris que, même dans une période de forte croissance, la seule recherche du profit ne permet de satisfaire ni l’ensemble des besoins collectifs ni la demande d’emploi, en particulier dans les zones connaissant de grandes difficultés. Il existe donc un consensus sur la nécessité de se doter de nouveaux outils, parmi lesquels l’économie sociale et solidaire.
Bien sûr, l’économie sociale et solidaire ne résoudra pas à elle seule le problème du chômage, de la désertification de certains territoires et de la désindustrialisation de notre pays. Elle n’est d’ailleurs pas un outil irréprochable ; elle peut encore progresser.
Pourquoi fait-elle cependant consensus ? Selon moi, ce consensus repose non pas sur une idéologie, mais sur l’expérience. Chacun d’entre nous connaît en effet une entreprise de l’économie sociale et solidaire ayant offert une alternative au modèle classique de l’entreprise là où l’on pensait que rien n’était possible.
Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, a une grande ambition. L’économie sociale et solidaire représente une autre façon d’entreprendre, que je vous sais gré d’avoir évoquée en employant des mots de philosophe. Ce faisant, vous avez placé le débat au niveau où il doit se situer.
Entreprendre sans recherche du lucre : dans le monde actuel, voilà une grande audace, que nous approuvons avec enthousiasme !
Votre texte présente un autre mérite, celui d’apporter des réponses concrètes aux questions suivantes : comment mieux définir les entreprises de l’économie sociale et solidaire ? Comment faciliter leur création ? Comment améliorer leur financement et assurer leur pérennité ?
Quant aux réflexions formulées par la commission des lois, elles pourraient se résumer en une seule interrogation : comment favoriser le développement de l’économie sociale et solidaire ?
Le projet de loi traite cette question sous plusieurs angles : la définition de l’économie sociale et solidaire – comme l’a dit M. le rapporteur, il était temps d’en donner une –, le financement public, l’accès aux marchés publics et, plus globalement, la dynamique de l’entreprise.
Le financement public peut prendre différentes formes. Sur ce point, comme sur d’autres, l’étude d’impact me paraît d’excellente qualité.
La première forme de financement public est la subvention publique, laquelle est devenue un objet juridique dangereux, pour une raison très simple : il est parfois difficile de la distinguer du marché public lui-même. Un juge peut ainsi requalifier une subvention publique en un acte qui aurait dû relever d’un marché ou d’une délégation de service public. Lorsque cela se produit, c’est la catastrophe, car l’entreprise doit alors rembourser les sommes perçues, ce qui peut la conduire à la faillite ou à la liquidation judiciaire. Il était donc grand temps de sécuriser la notion de subvention, en lui donnant pour la première fois une définition, que la commission des lois propose de simplifier.
En matière de financement public, l’accès aux marchés publics constitue un deuxième volet. Aujourd’hui, seulement 5 % des marchés publics des collectivités territoriales et 2,5 % de ceux de l’État comportent une clause d’insertion : nous sommes très loin des objectifs que nous cherchons à atteindre !
Au travers du schéma de promotion des achats publics socialement responsables, le présent texte nous invite, dans un esprit de pragmatisme, à une prise de conscience. Il vise à provoquer un débat, et non à imposer. Il s’agit d’un choix excellent, qui aura des vertus pédagogiques, mais il faudra peut-être, un jour, aller plus loin.
La commission des lois propose, quant à elle, de retenir, pour l’application obligatoire de ce schéma, un seuil démographique, et non de montant annuel d’achats. Ce seuil démographique reste à préciser, mais ce serait plus clair.
J’ajouterai que si les collectivités territoriales sont invitées à passer davantage de marchés publics comportant des clauses d’insertion, l’État, qui recourt deux fois moins qu’elles à ces dernières, doit aussi consentir un effort de ce point de vue. Je sais que tel est votre souhait, monsieur le ministre.
Le troisième point, en matière de financement public, a trait à cette idée remarquable de transposer à l’économie sociale et solidaire ce qui marche bien dans l’économie classique, en créant, à l’image des sociétés d’amorçage, des SCOP d’amorçage, avec des règles souples devant faciliter l’apport de capitaux.
Il est une autre façon de favoriser ce développement, qui consiste à donner aux salariés la possibilité de reprendre leur entreprise en cas de cession.
Sur ce point, je vais vous faire part de l’avis non pas unanime, mais majoritaire, de la commission des lois.
Je trouve, pour ma part, qu’il y a trop de discussions sur la question du droit prioritaire des salariés à l’information. Pourquoi le simple fait d’accorder aux salariés une priorité d’information fait-il autant débat ? Ne dramatisons pas les choses !
Prenons l’exemple, très concret, d’un boulanger qui part à la retraite : il en informe ses salariés, qui ont deux mois pour décider ou non de reprendre l’entreprise. Pense-t-on vraiment que, pendant ce délai, les banquiers vont refuser leur aide, les fournisseurs se désengager et les clients aller voir ailleurs ?
Je rappellerai d’abord que s’applique en principe une clause de discrétion. On nous objectera sans doute qu’elle ne sera pas respectée, mais je ferai tout de même observer qu’une telle clause s’impose déjà en cas de cession d’entreprise, sans que l’on constate de débordements particuliers ou d’effets pervers en termes de divulgation de l’information donnée au comité d’entreprise. Il faut, je crois, se fonder sur cette expérience.
En la matière, nous devons faire confiance, me semble-t-il, aux règles bien connues de l’économie de marché. Ce qui déterminera l’attitude d’un repreneur, d’un banquier ou d’un fournisseur, ce sera non pas l’information préalable donnée aux salariés, mais l’état financier, économique et social de l’entreprise. Si la situation de l’entreprise est bonne, les banquiers, les fournisseurs et les clients ne lui tourneront pas le dos. Revenons donc aux règles de l’économie de marché, qui doivent permettre – paradoxalement, peut-être ! – de répondre aux inquiétudes exprimées ici ou là.
À l’inverse, doit-on aller plus loin et créer un droit préférentiel de rachat de l’entreprise par les salariés ? J’attire l’attention sur un point : comment justifier juridiquement qu’une offre de reprise puisse s’imposer au propriétaire de l’entreprise, qui se trouvera alors privé de tout choix ? Comment, d’ailleurs, mettre en œuvre un tel droit préférentiel ? Par exemple, le montant de l’offre des salariés devra-t-il être aligné sur celui de l’offre la plus élevée présentée par des repreneurs extérieurs à l’entreprise ? Si oui, nous voyons quel mauvais cadeau pourrait être fait aux salariés ; si non, nous serons confrontés à une difficile question de constitutionnalité. Nous nous heurterions alors, en effet, au droit de propriété et surtout au principe de liberté contractuelle, que le Conseil constitutionnel a invoqué dans son arrêt du 13 juin 2013.
Reste que le présent texte peut être amélioré. La commission des lois souhaiterait notamment que le délai d’information de deux mois s’applique également aux entreprises de plus de cinquante salariés.
Je tiens à saluer la partie du projet de loi relative au droit associatif. Elle apporte des précisions très utiles et offre aux associations davantage de possibilités pour acquérir, administrer et, parfois, vendre des biens et des immeubles. C’est là une perspective tout à fait intéressante. La commission des lois a approuvé l’ensemble de ces dispositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)