M. Alain Bertrand. … patois ! (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cette directive n’est pas encore transposable dans le droit français, mais vous avez souhaité le faire par anticipation. Le Gouvernement souhaite que l’on étende, à moyen terme, le principe de ces « marchés réservés » aux acteurs de l’insertion par l’activité économique.
Le Gouvernement vous propose également une sécurisation de la subvention.
C’est un sujet fondamental à l’heure de la raréfaction de la ressource publique et de la tendance lourde à la mise en concurrence, même lorsqu’elle est disproportionnée au regard de l’objectif visé. C’est une demande ancienne du secteur associatif, notamment de la Conférence permanente des coordinations associatives, la CPCA. Ma collègue Valérie Fourneyron pourrait en témoigner, d’autant qu’elle travaille à une nouvelle « charte des engagements réciproques », avec le concours du sénateur Claude Dilain. Cela fait plus de dix ans que le monde associatif attend cette précision juridique.
Je veux saluer le travail effectué par la commission des affaires sociales sur les dispositions relatives à l’emploi. Les propositions qu’elle a faites, sous la houlette de Mme Christiane Demontès, témoignent d’une excellente compréhension des enjeux liés à ce projet de loi en matière de développement de l’emploi.
Ainsi, la réintroduction de la disposition relative à la facilitation des clauses sociales donnera un réel coup de pouce aux structures d’insertion. Les dispositions visant à sécuriser juridiquement les coopératives d’activités et d’emploi permettront à ces dernières de se développer sans risque, et la commission des affaires sociales propose une alternative, un complément au statut d’auto-entrepreneur. En permettant aux sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC, d’embaucher des jeunes au titre d’emplois d’avenir, elle soutient l’ambition prioritaire du Gouvernement de développer l’emploi des jeunes.
J’en viens maintenant aux dispositions qui ont fait couler le plus d’encre : celles qui sont relatives à la facilitation de la reprise d’entreprises par les salariés.
Je tiens tout d’abord à saluer la présence dans les tribunes de Jean Auroux, ministre du travail de François Mitterrand, qui nous fait l’honneur d’assister à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Je crois pouvoir dire que, humblement, modestement, la majorité et le Gouvernement essaient de s’inscrire dans le sillage qu’il a tracé au travers des lois qui portent son nom. Ces lois ont apporté un authentique progrès social aux salariés de ce pays, sans que cela nuise à la performance et à la croissance économiques. Nous allons tenter de faire de même par le biais de ce projet de loi.
Les dispositions relatives à la facilitation de la reprise d’entreprises par les salariés ont naturellement leur place dans ce texte, puisqu’elles visent à promouvoir l’entrepreneuriat collectif, le cas échéant sous la forme coopérative.
Ces dispositions se justifient par le fait que, chaque année, au moins 50 000 emplois disparaissent dans des entreprises saines, qu’il n’y a aucune raison de fermer, mais au sein desquelles la succession du chef d’entreprise a été mal préparée ou ne l’a pas été du tout. En clair, il s’agit de PME en bonne santé, qui ferment parce qu’aucun repreneur ne s’est manifesté. Leurs salariés se retrouvent au chômage et sont parfois amenés à quitter la région avec leurs familles. Chacun d’entre vous a été confronté à cette réalité économique dans son territoire.
Le Gouvernement ne veut pas se résigner à cette situation. Nous ne nous résignons pas au gâchis que représente la destruction de 50 000 emplois par an dans un pays qui connaît un chômage de masse et les difficultés de la crise. Il est insupportable que 50 000 emplois soient perdus chaque année parce que des entreprises en bonne santé ont dû mettre la clé sous la porte, faute de repreneur. Le Gouvernement est donc déterminé à agir pour préserver ces entreprises qui comptent tant pour la cohésion territoriale du pays. C’est pourquoi il souhaite permettre aux salariés de proposer, le cas échéant, une offre de reprise, en leur donnant le temps et les informations nécessaires pour qu’ils puissent le faire, moyennant des contreparties évidentes en matière de confidentialité.
Le projet de loi tout entier réhabilite l’entrepreneuriat collectif, et il n’y a donc pas de raison valable de le combattre dans les circonstances que j’ai décrites. Notre ambition est de placer les salariés en situation d’être des repreneurs potentiels, forts de leur compétence et de leur connaissance de l’outil de production ; ni plus ni moins.
Le droit de propriété n’est pas remis en question : la liberté du cédant reste intacte. Il n’y a pas de préférence accordée à l’offre des salariés, car nous avons jugé qu’il serait difficile de définir les conditions d’équivalence entre plusieurs offres. Nous allons en débattre ensemble, mais l’objectif du Gouvernement est de faire en sorte que ce progrès social, à forte incidence économique pour nos territoires, ne soit pas censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il porterait atteinte au droit de propriété ou à la liberté de commerce. Nous débattrons de ces aspects, je le répète, mais je souhaite que votre assemblée retienne que la volonté du Gouvernement s’exprime tant dans l’ambition sociale que dans le pragmatisme économique de nos propositions.
Ces propositions complètent le « trident » que nous avons conçu pour soutenir le « choc coopératif ».
La première pointe de ce trident est le droit d’information pour les salariés : ils doivent savoir que leur entreprise est à vendre, ne serait-ce que pour avoir le temps de formuler une offre.
La deuxième pointe est la création du nouveau statut de société coopérative de production – SCOP – d’amorçage, qui permettra de limiter la prise de risque initiale des salariés. Le texte ne préjuge pas la forme juridique que choisiront les salariés s’ils se portent candidats à la reprise de leur entreprise, mais, s'agissant d’un projet de loi relatif à l’ESS, il était légitime que le Gouvernement propose une formule facilitant la reprise par le biais d’une SCOP. Le monde des SCOP nous a indiqué que l’obligation, pour les salariés, de détenir au moins 50 % du capital était parfois un obstacle à la reprise d’entreprises en bonne santé.
Enfin, la troisième pointe est la mise en place, en lien avec Bpifrance et la Confédération générale des SCOP, d’un fonds d’aide à la transmission d’entreprise.
Ce trident sera donc complété par les mesures de formation, d’aide et d’accompagnement qui mobiliseront, au côté des salariés candidats à la reprise de leur entreprise, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les chambres de commerce et d’industrie, les unions régionales des SCOP. Plusieurs groupes ont déposé des amendements à ce sujet ; le Gouvernement sera ouvert au débat sur les conditions de l’accompagnement de la transmission d’entreprise.
Ce dispositif est universel au sens où il a aussi vocation à transformer des entreprises de l’économie classique en entreprises relevant de l’ESS. Je n’ai jamais pensé que la SCOP était le moyen de transformer le plomb en or, c'est-à-dire une entreprise en difficulté en une entreprise florissante. Je constate seulement que, parce que nous n’avons pas suffisamment travaillé sur la transmission d’entreprise, ce pays accepte aujourd'hui que l’or – des PME saines – se change en plomb. Permettre de prolonger la vie des entreprises en favorisant leur reprise par leurs salariés : telle est l’ambition du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je salue la contribution décisive de la commission des affaires économiques, de son rapporteur, Marc Daunis, et de son président avisé (Sourires.), Daniel Raoul. Je salue également le travail de la commission des lois et de son rapporteur pour avis, Alain Anziani, qui a considérablement enrichi le texte tout en respectant l’équilibre que nous avons voulu instaurer.
J’évoquerai enfin les nombreuses mesures de modernisation relatives aux différents statuts mutualistes et coopératifs que comporte le projet de loi.
Si les entreprises et organismes de l’ESS ont démontré leur résilience face à la crise, il n’en demeure pas moins qu’ils se trouvent souvent confrontés, en raison de leurs caractéristiques propres et des principes régissant leur action, à des difficultés qui freinent leur développement et entravent la croissance du secteur. Des modernisations et des adaptations étaient donc absolument nécessaires.
Sans citer l’intégralité de ces mesures, je retiens que nous ferons évoluer le statut coopératif comme il n’avait jamais évolué depuis la loi de 1947. Je mentionnerai notamment l’extension du champ d’application de la révision coopérative, qui est une innovation majeure. Elle confortera ceux qui veulent que le modèle coopératif devienne demain une voie alternative pour entreprendre.
Je veux aussi souligner que les mutuelles disposeront de nouveaux outils financiers et de développement, via les certificats mutualistes, les dispositions relatives à la coassurance ou les nouvelles unions, sans que soit pour autant dénaturée la spécificité de la gouvernance mutualiste ; je sais que Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances, y a été très attentif.
Le droit relatif aux associations et fondations intègre lui-même des avancées qui étaient attendues de longue date, avec la rénovation des titres associatifs ou les dispositions relatives aux fusions d’associations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter vise donc plusieurs objectifs. Il définit le champ des entreprises et structures relevant de modèles de développement fondés sur des principes qui en guident l’action et les finalités. Il affirme l’engagement de l’État en faveur de la promotion, de la valorisation, de l’organisation et du développement de l’ESS. Ses dispositions tendent à organiser et à planifier l’action des services de l’État, en lien avec les collectivités territoriales. Il détermine enfin les modalités de représentation de ce secteur socioéconomique auprès des pouvoirs publics.
C’est la première fois qu’un projet de loi décline ces ambitions au service d’une économie qui se veut tout entière au service de l’homme. Je nous souhaite de fructueux débats. Pour paraphraser le célèbre écrivain irlandais, par ailleurs socialiste, George Bernard Shaw, je dirai que, dans la vie, il y a deux catégories d’individus : ceux qui regardent l’économie telle qu’elle est et se demandent : pourquoi ? Et ceux qui imaginent l’économie telle qu’elle devrait être et se disent : pourquoi pas ? (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Marc Daunis, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques soumet à l’examen du Sénat le texte qu’elle a adopté le 16 octobre dernier.
Intervenant au nom de cette commission, je m’astreindrai à juguler ma passion naturelle pour l’économie, et particulièrement pour l’économie sociale et solidaire, afin de conserver le ton qui sied à la fonction de rapporteur. (Sourires.)
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Cela va être difficile !
M. Marc Daunis, rapporteur. L’économie sociale et solidaire n’est pas une idée neuve. Dès les années 1840, des tisserands anglais se sont rendu compte qu’ils pouvaient, en se réunissant, se fournir à moindre coût et gagner leur indépendance. C’est ainsi, en partant des besoins de chacun, que l’économie sociale et solidaire a peu à peu élaboré, par des voies diverses, certaines des réponses qui sont aujourd’hui au cœur de notre économie et de notre société : protection sociale, production agricole, grande distribution, action sanitaire et sociale… L’économie sociale et solidaire est toujours à l’avant-garde de secteurs tels que celui de la gestion des déchets, qui seront demain les moteurs de l’économie dite circulaire.
L’économie sociale et solidaire relève donc d’une attitude pragmatique. Par la coopération ou la mutualisation, ses acteurs recherchent la solution la plus efficace et la plus équitable. Or cette solution ne passe pas forcément par le modèle de l’entreprise capitalistique, qui sépare les apporteurs de capitaux de ceux qui, par leur force de travail, participent plus directement à la production. La crise financière l’a bien montré : l’entreprise capitalistique et son corollaire, l’intermédiation financière, ne constituent pas le seul modèle pour réaliser un projet entrepreneurial.
Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ne relèvent pas pour autant de l’assistanat. Elles recherchent l’équilibre économique et sont parfois plus efficaces que d’autres entreprises. En effet, au lieu de consacrer leurs bénéfices à la rémunération d’intermédiaires tels que les apporteurs de capitaux, elles les utilisent, autant que possible, pour satisfaire à leur objet social, que celui-ci soit la production ouvrière, l’assurance de risques ou l’aide aux personnes défavorisées.
M. le ministre vient de le rappeler, il ne s’agit pas d’opposer les deux modèles. L’économie sociale et solidaire ne se substitue pas à l’économie capitalistique, même si elle est capable de la côtoyer efficacement dans certains secteurs, mais elle apportera de plus en plus souvent une réponse originale dans les domaines où le modèle capitalistique ne trouve pas de rentabilité suffisante ou ne correspond pas ou plus aux aspirations profondes de nos concitoyens, voire aux enjeux humains, économiques, sociaux, environnementaux auxquels sont confrontées notre planète et nos sociétés.
Le présent projet de loi a d’abord pour ambition d’apporter une visibilité à un secteur par essence divers, mais proche des territoires : 75 % des lieux de décision des coopératives sont situés en région, alors que quatre-vingt-dix des cent premières entreprises françaises ont leur siège en Île-de-France.
Ce texte permettra à l’économie sociale et solidaire de franchir une nouvelle étape. De 2001 à 2009, le taux de croissance de l’emploi a été de 2,6 % pour les entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire, contre 1,1 % pour les autres entreprises du secteur privé.
Je me réjouis que le Gouvernement ait décidé de soumettre ce projet de loi en premier lieu à la Haute Assemblée. Monsieur le ministre, soyez-en remercié !
Le travail effectué par la commission des affaires économiques, mais aussi par les trois commissions qui se sont saisies pour avis, montre l’intérêt du Sénat pour ce texte, malgré un calendrier parlementaire très chargé.
Ce projet de loi n’a pas été écrit dans le secret des cabinets et des administrations. Il résulte d’une longue concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur. À cet égard, monsieur le ministre, je tiens à saluer votre engagement personnel dans la préparation de ce texte d’équilibre, que vous avez présenté le 24 juillet dernier. Il concilie une vision d’ensemble avec des réponses concrètes s’adressant à chacune des grandes familles de l’économie sociale et solidaire.
Le projet de loi définit d’abord, pour la première fois – il était temps ! –, le périmètre de l’économie sociale et solidaire, en retenant, dans son article 1er, une approche inclusive. Celle-ci n’allait pas de soi, tant peut être fort l’attachement de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire à des statuts qui, par ailleurs, ont fait leurs preuves.
Au-delà des coopératives, des associations, des mutuelles et fondations, le champ de l’économie sociale et solidaire comprendra donc officiellement des sociétés qui partagent et inscrivent dans leurs statuts, j’y insiste, les grands principes de « lucrativité limitée », de participation et d’ « impartageabilité » des réserves.
En effet, l’économie sociale et solidaire se définit d’abord comme une certaine manière d’entreprendre, plus que comme un statut ou un secteur d’activité donné. Elle a vocation à concerner un pan de plus en plus vaste de l’économie.
La commission a approuvé cette ouverture : elle respecte en effet les grands principes et permet de diffuser dans l’économie les principes de l’économie sociale et solidaire, afin de montrer à des entrepreneurs qui ne sont pas forcément prêts à adopter d’emblée des statuts contraignants tout l’intérêt que pourraient présenter ces derniers pour leur activité.
À l’article 2 est définie l’utilité sociale, requise aussi bien des sociétés commerciales admises dans l’ESS que de celles qui demandent un agrément « entreprise solidaire ». La commission a procédé à une réécriture de cet article dans un souci de clarification. Elle a aussi instauré, sur ma suggestion, une « déclaration de principes » par laquelle les entreprises volontaires pourront signifier leur intention de tenir des engagements, notamment en matière sociale, allant au-delà des principes fondamentaux de l’économie sociale et solidaire.
Le projet de loi consacre également l’existence de grandes institutions transversales de l’ESS : Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, chambres régionales et conseil national de l’économie sociale et solidaire. Dans son volet territorial, il favorise le lien avec l’économie classique au travers des pôles territoriaux de coopération économique. Le texte tend également à prévoir la prise en compte de l’ESS dans les contrats de développement territorial mis en place dans le cadre du Grand Paris. La commission a étendu cette mesure aux schémas régionaux de développement économique.
À l’article 7, le projet de loi vise à réformer l’agrément « entreprise solidaire ». Les dispositions actuelles, insuffisamment précises, font l’objet d’interprétations diverses selon les régions. La commission a donc complété la règle prévue par le texte en matière d’échelle des rémunérations au sein de l’entreprise.
À l’article 10 est définie la notion de subvention, laquelle est aujourd’hui essentiellement jurisprudentielle, ce qui est source d’insécurité juridique. Souvent, les administrations locales préfèrent recourir à la procédure lourde du marché public, alors que la subvention aurait permis d’atteindre le même objectif plus rapidement.
La commission a par ailleurs complété le titre Ier en prévoyant, en cohérence avec les évolutions du droit européen, la possibilité de passer des marchés réservés à des organismes employant des personnes handicapées ou défavorisées. Elle a aussi inscrit dans le texte le dispositif local d’accompagnement, qui, dans bien des territoires, est un instrument puissant de développement de l’économie sociale et solidaire.
Sur ma proposition, la commission a aussi proposé une définition de la notion d’innovation sociale. M. le ministre ayant développé ce point, je n’y reviens pas.
J’en viens au fameux titre II, qui a bénéficié d’une certaine médiatisation, donnant souvent lieu à caricature.
Les articles 11 et 12 instaurent simplement une obligation d’information des salariés avant la cession d’une entreprise, afin de leur permettre de présenter une offre de reprise. La reprise d’une entreprise par ses salariés demeure l’un des meilleurs moyens de préserver l’emploi, de transmettre les talents et de poursuivre le projet entrepreneurial.
On nous a dit que le délai de deux mois était insuffisant : c’est la raison pour laquelle je me suis permis de proposer l’instauration d’un dispositif souple, simple, d’information des salariés, tout au long de la vie de l’entreprise, sur les possibilités et les modalités de reprise. Ce dispositif, qui a été inscrit à l’article 11 A, sera léger pour les entreprises et visera à faire émerger, sur le long terme, les vocations et les compétences parmi les salariés. Les études le montrent : souvent, ni le chef d’entreprise ni les salariés eux-mêmes ne pensent à cette possibilité, ou bien elle ne leur apparaît que de manière trop abstraite, sans qu’ils en perçoivent les avantages et les limites.
Malgré tout, force est de constater que le dispositif des articles 11 et 12 a été source d’incompréhension, certains l’ayant présenté comme une menace grave pour les transmissions d’entreprise, voire une atteinte au droit de propriété.
En fait, nous nous sommes efforcés de faire en sorte qu’il présente des garanties fortes en termes de confidentialité et élargisse l’offre des possibilités offertes au chef d’entreprise en matière de transmission. Ce travail, réalisé par voie d’amendements, contribue, me semble-t-il, à la sécurisation d’un dispositif ô combien important pour la préservation des emplois. Cela a été dit, on s’accorde à estimer à quelque 50 000 le nombre d’emplois détruits chaque année faute d’une solution de reprise.
Le texte comprend ensuite des dispositions à destination de chacune des familles de l’économie sociale et solidaire, tout particulièrement les coopératives, mais aussi le monde mutualiste, les associations, les fondations.
Les coopératives font l’objet d’un volet majeur du texte. Il est vrai qu’elles représentent plus de 70 % du chiffre d’affaires global du secteur de l’ESS. Le mouvement coopératif français est l’un des plus importants du monde, avec 21 000 entreprises coopératives qui emploient, directement ou indirectement, près d’un million de personnes. Dans notre pays, une personne sur deux est membre d’une ou de plusieurs coopératives.
Les coopératives constituent bien un « atout pour le redressement économique », un véritable « pilier de l’ESS », pour paraphraser le titre du rapport d’information de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann présenté en 2012 au nom du groupe de travail sur l’économie sociale et solidaire que j’ai eu l’honneur de présider. Bon nombre des dispositions du projet de loi sont d’ailleurs issues de ce rapport : je vous sais gré, monsieur le ministre, de l’avoir autant pris en considération.
Votre texte vise à conforter le développement du secteur coopératif, à la fois en modernisant les statuts et en assouplissant les règles qui régissent le fonctionnement de ces entreprises.
La définition de l’entreprise coopérative est réaffirmée, à l’article 13, par le rappel et l’actualisation de ses principes fondateurs. La commission y a intégré d’autres principes coopératifs reconnus au niveau international, afin de bien marquer dans la loi la spécificité de ce type d’entreprises. Il me semble que nous sommes parvenus à un bon équilibre dans la rédaction de cet article.
L’article 14 tend à réformer et à généraliser à toutes les familles la procédure dite de « révision coopérative ». Il sera peut-être possible d’aller plus loin encore, en permettant au réviseur d’assister les entreprises dans la mise en œuvre des mesures correctrices.
Le texte vise précisément à développer les sociétés coopératives de production, avec la création, à l’article 15, d’un statut de « SCOP d’amorçage ».
L’article 17 a pour objet d’autoriser la constitution de groupements de SCOP, ce qui représente un autre point important pour les coopératives. L’idée est de favoriser la création de grandes unions, où les salariés d’une SCOP seraient également associés d’autres SCOP. Là aussi, il sera possible de faire évoluer le texte en permettant à des SCOP détenant des filiales sous forme de sociétés de les transformer à leur tour en SCOP, sans pour autant en perdre le contrôle.
Dans un même esprit, à l’article 29, la commission a permis aux entreprises artisanales regroupées en coopératives de réaliser des politiques commerciales communes, pouvant passer par l’établissement de prix communs.
Les articles 21 et 22 du projet de loi visent par ailleurs à conforter les sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC. Les collectivités locales seront notamment autorisées à détenir jusqu’à 50 % de leur capital, contre 20 % aujourd’hui, afin de les pérenniser et de les dynamiser.
Je passerai plus rapidement sur les autres dispositions relatives aux coopératives, en soulignant toutefois que le texte traite d’une majorité des familles existantes.
Le titre IV comprend des dispositions relatives à la famille des mutuelles. Ainsi, aux articles 34 et 35, sont levés des verrous juridiques qui rendent aujourd’hui plus difficile la conclusion de contrats de coassurance entre des mutuelles, des assurances et des institutions de prévoyance, ainsi que de contrats collectifs d’une manière générale. Or ce type de contrats est appelé à se développer, avec la généralisation de l’assurance complémentaire dans les entreprises.
Le projet de loi institue aussi, à l’article 36, des certificats mutualistes et des titres paritaires.
Les titres V et VI concernent, respectivement, les associations et les fondations. Le titre associatif, qui a rencontré peu de succès depuis sa création, est réformé et étendu aux fondations.
Le titre VII ne comprend qu’une disposition, à l’article 49, qui tend à favoriser le recours aux entreprises solidaires par les éco-organismes, dont le champ d’action est particulièrement approprié à ces entreprises. Cette disposition, elle aussi, a fait l’objet d’une présentation déformée : non, elle ne représente pas une menace pour l’emploi, puisqu’elle favorise au contraire des entreprises qui sont créatrices d’emplois, tout particulièrement d’emplois locaux !
Enfin, le titre VIII comprend des dispositions diverses et finales, concernant notamment la mise en œuvre de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » et de l’obligation d’information.
Mes chers collègues, c’est un texte enrichi que vous propose la commission des affaires économiques, sans bouleverser les équilibres obtenus au cours de la remarquable concertation qui s’est poursuivie tout au long de l’élaboration de ce projet de loi.
J’espère que nos débats permettront de faire avancer l’idée selon laquelle l’économie sociale et solidaire ne représente ni un bouleversement redoutable ni une pratique utopique et marginale : ce secteur est porteur d’emplois et de développement, mais il s’agit ici d’emplois et d’un développement plus riches de sens pour les producteurs comme pour les consommateurs, c’est-à-dire pour nos concitoyens. Il est nécessaire de développer une économie au service de l’humain et de replacer l’humain au cœur de l’économie.
M. Didier Guillaume. Quelle intervention !
M. Marc Daunis, rapporteur. Monsieur le ministre, le dialogue entre nous a été franc et fructueux ; il se poursuit, mais le Parlement jouera son rôle de législateur.
Que l’on me permette, en conclusion, de remercier les rapporteurs pour avis et chacun des membres de notre assemblée de la qualité du travail que nous avons effectué ensemble. J’espère que ce travail a été efficace et qu’il pourra contribuer à éclairer nos débats. Le secteur de l’économie sociale et solidaire a besoin de notre reconnaissance et de notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)