Mme Annie David. C’est vrai !
M. Michel Magras. J’ai noté que vous aviez parlé des départements d’outre-mer. Pour ma part, j’ai fait entendre la voix d’une collectivité d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je tiens à répondre à Annie David.
Catherine Procaccia a souligné que la délégation sénatoriale à l’outre-mer pouvait tout à fait se charger du travail que vous souhaitez confier à une commission. La délégation sénatoriale à l’outre-mer présente l’avantage de réunir des élus nationaux d’outre-mer et de métropole, tandis que votre commission se composerait uniquement d’élus nationaux et d’élus locaux des départements et territoires d’outre-mer. À moins qu’il ne manque une virgule au texte qui figure dans votre amendement, votre proposition n’est donc pas du tout la même que celle de Catherine Procaccia.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 348.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Article 10 bis (nouveau)
Le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et pourtant exclues du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité établie par le décret n° 2013-187 du 4 mars 2013 instituant à titre exceptionnel une allocation transitoire de solidarité pour certains demandeurs d'emploi, qui prévoit l’obligation pour elles de justifier de tous leurs trimestres à la date de la fin des droits de l’allocation chômage.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Cet article, introduit par voie d’amendement par nos collègues députés, précise que le Gouvernement devra remettre aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et pourtant exclues du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité établie par le décret du 4 mars 2013, alors même qu’elles justifient de tous leurs trimestres à la date de la fin de droits de l’allocation chômage.
Bien entendu, je me félicite de l’introduction de cet article parce qu’elle est au moins le signe que la situation des milliers de personnes concernées ne reste pas ignorée.
Cependant, cet article n’est pas entièrement satisfaisant. Nous le savons toutes et tous puisque nous recevons depuis des mois les appels de détresse de ces femmes et de ces hommes qui, après avoir cotisé tout au long d’une vie professionnelle qui a souvent démarré très tôt, se sont retrouvés sans emploi alors qu’ils étaient déjà des seniors. Beaucoup d’entre eux avaient accepté avec confiance, avant 2010, un départ volontaire dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui les plongeait dans le chômage, sans imaginer que l’âge légal de départ à la retraite serait repoussé en 2010. Nombre d’entre eux sont aujourd’hui en fin de droits et n’ont donc plus suffisamment de ressources pour vivre dignement.
Au moment de leur perte d’emploi, ces femmes et ces hommes avaient l’assurance de bénéficier de l’allocation équivalent retraite – un minimum social majoré pouvant atteindre 1 030 euros – jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge de la retraite. Cependant, à la fin de l’année 2010, le gouvernement Fillon a supprimé l’AER et repoussé l’âge de départ à la retraite ; la gauche sénatoriale avait alors largement protesté contre ces deux mesures. L’allocation transitoire de solidarité a certes été créée pour remplacer l’AER, mais elle ne s’adresse qu’aux salariés de plus de soixante ans ; un nombre important de chômeurs reste donc en dehors de ce dispositif. C'est pourquoi notre groupe a déposé, en juin 2012, une proposition de loi tendant à rétablir l’AER.
Ému par ces situations, le Premier ministre a annoncé au début de l’année 2013 le rétablissement de l’AER pour les personnes nées en 1952 et 1953. On imagine la grande joie que cette annonce a suscitée !
Malheureusement, le décret du mois de mars 2013 instituant la nouvelle allocation à titre exceptionnel a exclu un nombre important de bénéficiaires, puisque les trimestres validés au titre de l’allocation de solidarité spécifique ne sont pas pris en compte. Ainsi, une personne peut voir les trimestres pour lesquels elle a bénéficié de l’allocation de solidarité spécifique être validés par la CARSAT pour le calcul de la retraite, mais non pris en compte pour le bénéfice de l’ATS.
À cet égard, de 10 000 à 11 000 personnes, chômeurs et chômeuses âgés en fin de droits, inscrites à Pôle emploi avant le 31 décembre 2010, peuvent aujourd’hui prétendre à l’ATS, tandis que près du double en sont exclues.
Comment ne pas être ému par le témoignage de cette femme âgée de 59 ans, arrivée en fin de droit d’allocation d’aide au retour à l’emploi à la fin du mois d’août 2013, qui a commencé à travailler à 17 ans et comptabilise 172 trimestres validés, pour seulement 164 reconnus, à qui l’on refuse le bénéfice de l’ATS en raison d’un trimestre manquant, et qui devra vivre avec les 470 euros de l’ASS pendant encore deux années, soit sous le seuil de pauvreté ? Comment ne pas imaginer la situation dans laquelle se retrouveront les seniors nés en 1954, 1955 et 1956, trop âgés pour les employeurs, mais trop jeunes pour bénéficier de la retraite ?
Mes chers collègues, il est urgent d’agir !
Au mois de novembre 2012, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, M. Michel Sapin avait exclu tout retour à l’AER, renvoyant à de futures négociations sur l’avenir de la retraite. Nous y sommes !
Madame la ministre, la solidarité ne souffre désormais d’aucun délai. Ces hommes et ces femmes qui vivent aujourd’hui l’angoisse des minima sociaux, qui expriment le sentiment d’indignité dans lequel les a plongés, en tout premier lieu, la rupture imposée de leur activité professionnelle – la première injustice est bien le licenciement des salariés lorsqu’ils atteignent l’âge de 56 ou de 57 ans – ne peuvent se satisfaire – et ils nous en font part – d’un nouveau report de décision les concernant, dans l’attente d’un rapport qui leur soit favorable.
La loi de finances pour 2013 les ayant déjà rejetés, la réforme des retraites, qui se revendique comme de justice, de solidarité et de plus d’égalité, ne peut pas les rejeter de nouveau.
Aussi, je vous demande, madame la ministre, de nous assurer que le Gouvernement mettra tout en œuvre pour réparer cette injustice sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Pour compléter les propos de Mme Annie David, je tiens à préciser que les membres du groupe CRC voteront néanmoins en faveur de l’article 10 bis issu des travaux de l’Assemblée nationale
Comme vous le savez, mes chers collègues, l’allocation transitoire de solidarité a remplacé l’allocation équivalent retraite, supprimée le 1er janvier 2011 par le précédent gouvernement, « remplacé » n’étant peut-être pas le qualificatif le plus adéquat, puisque, en réalité, l’ATS n’a jamais été l’équivalent de l’AER.
En effet, les conditions d’attribution de cette nouvelle allocation sont, de l’avis de tous, plus complexes à réunir, au point que 39 000 personnes qui auraient pu relever de l’AER sont exclues du bénéfice de l’ATS.
Le décret du 4 mars 2013, qui a précisé les conditions d’application de cette nouvelle forme d’allocation, ne répond pas aux attentes de milliers de salariés privés d’emploi, qui arrivent en fin de droits et qui, malheureusement, ne sont pas parvenus à cotiser un nombre de trimestres suffisant pour partir à la retraite.
Le cumul d’une allocation transitoire de solidarité, aux conditions d’entrée trop restrictives, et des mesures d’allongement de la durée de cotisation adoptées sans discontinuer depuis plusieurs décennies aura pour effet de faire plonger ces salariés privés d’emploi dans le dispositif de l’allocation spécifique de solidarité.
L’article 10 bis se borne à prévoir la remise d’un rapport. Nous en connaissons toutes et tous la raison, mais nous ne nous lassons pas de la répéter : l’article 40 de la Constitution nous empêche de jouer notre rôle de législateur et participe, à sa manière, à la politique de rigueur que nous ne cessons de dénoncer.
En effet, réintroduire par voie d’amendement parlementaire l’AER telle qu’elle existait avant sa suppression exigerait de mobiliser des recettes supplémentaires ce qui, vous le savez bien, mes chers collègues, nous est interdit. Les parlementaires en sont donc réduits à ne déposer qu’une demande de rapport, lequel sera par ailleurs insatisfaisant puisqu’il se limitera à envisager la question des salariés privés d’emploi nés en 1952 et 1953, alors que, de toute évidence, il faudrait mener une réflexion globale portant sur l’ensemble de celles et ceux de nos concitoyens qui sont confrontés au risque de basculement vers l’allocation spécifique de solidarité ou pour qui l’allongement des durées de cotisation et le report de l’âge de départ à la retraite, décidés en 2010, seront nécessairement synonymes de précarité.
Toutefois, malgré la réserve que je viens d’émettre, les membres du groupe CRC, je le répète, voteront en faveur de l’article 10 bis, tout en souhaitant que le rapport demandé aborde tous les aspects de fond de la question.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. À mon tour, je voudrais intervenir pour poser un certain nombre de questions à Mme la ministre. Nous avons l’impression que l’article 10 bis permet, à peu de frais, d’aborder dans le présent projet de loi la question de l’allocation transitoire de solidarité.
Je dis bien « à peu de frais », puisqu’il ne prévoit qu’une demande de rapport. Il ne tend donc pas au rétablissement complet et total de l’allocation équivalent retraite que nous n’avons eu de cesse de demander depuis sa suppression en 2011. Nous avions pourtant cru ce rétablissement possible à la suite des propos de M. le Premier ministre.
Autant dire que son remplacement partiel par l’ATS ne nous a pas satisfaits. De la même manière, nous ne nous satisfaisons pas du fait que vous nous proposiez d’attendre encore trois mois un rapport qui, disons-le, ne nous donnera aucun élément supplémentaire sur la situation sociale des salariés privés d’emploi potentiellement éligibles à l’ATS, voire à l’AER, ni même sur les coûts d’une telle mesure pour les comptes sociaux.
L’article que nous examinons ne peut par conséquent pas nous convenir, d’autant que nous avons été nombreuses et nombreux à être alertés par nos concitoyens sur leurs conditions d’accès à l’ATS.
La situation actuelle me conduit à vous poser deux questions concrètes, madame la ministre.
Tout d’abord, à la suite de la publication du décret du 4 mars 2013, certains salariés privés d’emploi ont pu bénéficier de l’ATS, parce que les CARSAT prenaient en compte les trimestres de l’ASS, ce qui nous paraît particulièrement logique puisque cette allocation permet, sous certaines conditions, de valider des trimestres. Pourtant, si nos informations sont exactes, le Gouvernement aurait donné consigne de ne plus intégrer les trimestres validés au titre de l’ASS, privant ainsi certains bénéficiaires éventuels du bénéfice de l’ATS. Pourriez-vous nous confirmer cet élément plutôt étonnant ?
Par ailleurs, la possible adoption de l’amendement, déjà partiel, qui a été déposé au présent article conduira à ignorer la situation des assurés nés après 1953, pour qui rien n’est prévu. Cette omission fait craindre à beaucoup une suppression progressive du dispositif en cause. Madame la ministre, pourriez-vous nous dire ce qu’il en est réellement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 369 rectifié bis, présenté par MM. M. Bourquin, Daudigny, Kerdraon, Fichet et Mirassou, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
trois mois
par les mots :
un mois
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’ai évoqué le sujet de l’AER, suspendue en 2011 par le précédent gouvernement et remplacée par l’ATS. Je tenais à le rappeler, car, en écoutant les propos des uns et des autres, on a parfois le sentiment que l’histoire de ce pays a commencé voilà un an et demi. Non, il y a eu aussi un avant !
M. Philippe Bas. Heureusement !
M. Yves Daudigny. Cela étant, le décret no 2013-187 du 4 mars 2013 témoigne d’une volonté réelle de répondre à une urgence sociale. Il s’agit, par cet amendement, de permettre d’évaluer et de corriger les difficultés d’application rencontrées tout en faisant preuve de la même exigence, et ce avant la fin de cette année budgétaire.
De plus, les années concernées étant restreintes aux classes d’âges 1952 et 1953, une évaluation longue du dispositif préalablement à toute décision risque d’être perçue comme étant dilatoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent d’avancer de deux mois la date de remise du rapport, demandé par nos collègues députés, sur la situation des personnes nées en 1952 et 1953 ne percevant pas l’ATS.
Cette demande de rapport témoigne de véritables difficultés et nous avons tous été interpellés par un certain nombre de nos concitoyens à ce sujet. Mme Annie David nous a d’ailleurs donné un exemple concret.
J’espère, madame la ministre, que vous pourrez nous préciser les intentions du Gouvernement quant à la date de remise de ce rapport. Dans l’attente, la commission est convenue de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je souhaite insister sur certains points qui ont déjà été évoqués.
Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite mis en œuvre par la précédente majorité a effectivement créé une situation imprévue et injuste pour certains demandeurs d’emploi entre la fin de leur période d’indemnisation au titre du chômage et la date de liquidation de leurs droits à une pension de retraite.
Ces chômeurs, qui pensaient en toute bonne foi pouvoir partir à la retraite à la fin de cette période d’indemnisation, se seraient alors retrouvés sans ressources.
Pour remédier à cette situation, l’allocation transitoire de solidarité a été reconduite au mois de mars dernier. Ses conditions ont toutefois été assouplies, notamment au regard de l’indemnisation chômage, pour les chômeurs en fin de droits nés en 1952 et 1953, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, et justifiant d’une durée d’assurance complète. Je puis vous assurer que le Gouvernement porte une attention toute particulière à cette population.
L’article 10 bis, ajouté par les députés socialistes et écologistes pendant l’examen du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, dispose qu’un rapport sur l’ATS doit être remis dans les trois mois suivant la promulgation de la future loi.
Ce délai me paraît être de bon sens, car les interrogations soulevées méritent précisément un rapport de qualité, ce qui suppose que les services disposent d’un temps suffisant. Si l’on souhaite que ce document ait une efficacité, il faut se donner les moyens techniques de faire en sorte qu’il apporte de véritables réponses. D’aucuns soutiennent que l’on en connaîtrait déjà les conclusions. Quelle serait alors sa pertinence ?
Quoi qu’il en soit, le délai de trois mois me semble raisonnable ; le réduire encore davantage serait préjudiciable à la qualité des travaux. C’est pourquoi, monsieur Daudigny, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Ce rapport peut être élaboré très rapidement.
M. Jean Desessard. Pas en un mois !
Mme Annie David. Les chiffres relatifs à la situation en cause sont déjà connus, madame la ministre. En effet, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, M. Sapin nous les avait communiqués et avait indiqué que le budget ne pouvait pas les absorber. Ainsi, les services du ministère gagneront du temps.
Nous sommes tous destinataires de messages assez dramatiques. Sincèrement, à mon sens, ce n’est pas un bon signal que de remettre le rapport encore à plus tard, car il est question de situations d’urgence. Je pense réellement que cette demande de raccourcissement du délai est raisonnable. S’il le faut, nous pouvons même donner un coup de main au ministère en faisant remonter très rapidement les données des départements.
Madame la ministre, il s’agirait d’un geste fort envers ces femmes et ces hommes qui espèrent être entendus.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10 bis, modifié.
(L'article 10 bis est adopté.)
Chapitre II
Favoriser l’emploi des seniors
Articles additionnels avant l'article 11
Mme la présidente. L'amendement n° 166, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 1231-1, les mots : « , ou d’un commun accord, » sont supprimés ;
2° Au second alinéa de l’article 1233-3, les mots : « à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, » sont supprimés ;
3° Les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 sont abrogés.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. La loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail a créé le dispositif de rupture conventionnelle. Rappelons que cette loi est issue d’un accord conclu entre le patronat et certaines organisations syndicales. Toute ressemblance avec l’accord national interprofessionnel portant sur la sécurisation des parcours professionnels serait, bien sûr, purement fortuite…
Nous avions, à l’époque, dénoncé ce dispositif en expliquant que l’égalité présupposée entre l’employeur et l’employé n’existait pas. C’est, au contraire, sur l’absence d’égalité entre les deux que repose tout notre droit du travail. Nous y voyons une brèche supplémentaire dans la législation relative au licenciement.
En effet, soit l’initiative de la rupture conventionnelle vient de l’employeur, et il s’agit alors de contourner la législation en matière de licenciement, soit elle vient du salarié, et l’on voit mal, dans ce cas, quel intérêt aurait le salarié à accepter une telle rupture.
S’agit-il réellement d’un avantage ? On peut en douter au vu de la politique de radiation que mène Pôle Emploi et de la pénurie d’emplois qui pèse sur notre pays.
En 2011, le journal L’Humanité… (Exclamations sur les travées de l’UMP) – c’est une bonne lecture ! – dressait une liste non exhaustive d’entreprises ayant utilisé le dispositif pour passer outre les obligations relevant d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou tout simplement pour se séparer d’un salarié trop âgé : « 1 191 plans sociaux ont été comptabilisés pour l’ensemble de l’année 2010, contre 2 245 en 2009. Une réduction des PSE qui pourrait être expliquée, dans certains cas, par la montée en puissance de la rupture conventionnelle. »
On sait très bien que certains ont été contraints d’accepter ce mode de licenciement sous la pression de leur entreprise.
Près de cinq ans après leur création, nous portons toujours le même regard critique sur ces ruptures conventionnelles. Et nous ne sommes pas les seuls !
Ainsi, l’évaluation du Centre d’analyse stratégique met en évidence un certain nombre de dérives en s’appuyant sur les constatations de l’administration du travail relatives à l’utilisation détournée de la rupture conventionnelle, notamment pour « éviter la procédure collective de licenciement pour motif économique, éviter la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, éviter de respecter l’obligation de reclassement, éviter le transfert automatique des contrats de travail en cas de changement d’employeur, frauder l’assurance chômage dans les entreprises familiales ».
Certes, le taux de retour à l’emploi est plus important qu’après un licenciement, mais il est moins important qu’après une démission. Néanmoins, ce retour à l’emploi est parfois synonyme de précarisation de l’emploi puisqu’un salarié sur six devient travailleur indépendant et que 18 % concluent un CDD, contre seulement 11 % de ceux qui ont démissionné.
C’est pour toutes ces raisons que nous demandons, avec cet amendement, l’abrogation de ce dispositif.
On peut, bien sûr, écarter cette proposition en la qualifiant de cavalier législatif… Toutefois, dans la mesure où il ne semble pas envisagé, à l’occasion de prochains textes, de revenir sur cette disposition, à notre sens fortement contestable, il nous semble très important de l’évoquer à l’occasion de ce débat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur Billout, ainsi que vous l’avez vous-même laissé entendre, cet amendement est évidemment sans lien avec ce projet de loi sur les retraites. Je rappelle que la rupture conventionnelle est issue d’un accord national interprofessionnel de 2008 relatif à la modernisation du marché du travail.
L’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit vous-même, il s’agit d’un cavalier législatif. Vous ne serez donc pas étonné que j’émette, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je me réjouis, madame la ministre, madame la rapporteur, de vous entendre émettre un avis défavorable sur un amendement dont l’objet est de remettre en cause la rupture conventionnelle.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est seulement parce que cette proposition n’a rien à faire dans le texte !
Mme Catherine Procaccia. Je sais toutes les réticences qui ont été celles de l’actuelle majorité à l’égard de ce dispositif. Or vous vous êtes contentées, madame la rapporteur, madame la ministre, de motiver votre rejet de l’amendement par le fait que c’est un cavalier, sans ajouter que vous envisagiez de remettre en cause la rupture conventionnelle. Vous auriez pu le faire. Or, ni l’une ni l’autre, vous ne l’avez fait !
M. Gérard Longuet. Dont acte !
Mme Catherine Procaccia. Dans les entreprises où j’ai travaillé, la rupture conventionnelle n’existait pas et elle était vraiment attendue par les salariés. Je dis bien : les salariés !
Comme vous, monsieur Watrin, j’ai pris connaissance, la semaine dernière, des éléments fournis par le Centre d’analyse stratégique. Ils sont moins critiques que vous, mon cher collègue, mais aussi moins dithyrambiques que je ne peux l’être, en particulier pour ce qui est des ruptures conventionnelles concernant les personnes de plus de cinquante-cinq ans.
Il n’empêche que, si une proportion notable de personnes choisit, après une rupture conventionnelle, d’exercer une activité individuelle, ce peut aussi être en vertu d’un choix de vie.
En tout cas, je me félicite que, pour l’instant du moins, aucun projet de texte gouvernemental ne vienne signer la fin de la rupture conventionnelle, que je continuerai à défendre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je sais que mes collègues communistes ne vont pas être d’accord avec ce que je vais dire, car je connais leur position : ils l’ont clairement exprimée. Soit dit en passant, j’aurais aimé entendre la position des socialistes sur la rupture conventionnelle. En effet, un débat a eu lieu sur ce sujet en commission mixte paritaire, et je crains de n’avoir qu’à moitié compris quelle était cette position. À moins qu’une moitié seulement du groupe socialiste ne se soit exprimée... En tout cas, je n’ai pas entendu « la » position des socialistes à propos de la rupture conventionnelle.
M. Jacky Le Menn. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean Desessard. Personnellement, je suis pour la rupture conventionnelle. Certes, il y a des abus, des excès, mais le fait qu’il y ait accord entre l’employeur et le salarié pour mettre fin à un contrat de travail me paraît de nature à protéger le salarié des pressions morales qu’il pourrait subir de la part de l’employeur. C’est une modalité de négociation intéressante.
Sans connaître avec certitude, donc, la position des socialistes sur le sujet, je pense qu’ils sont pour la rupture conventionnelle. Si le dispositif appelle des contreparties, s’il mérite des aménagements, mieux vaut faire appel aux inspecteurs du travail, quitte à renforcer ce corps, plutôt que de supprimer cette disposition.
Mme la présidente. L'amendement n° 169, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 5121-14 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’inspection du travail procède annuellement au contrôle de l’application de l’accord ou du plan d’action dans l’entreprise. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Les salariés âgés qui sont touchés par la pénibilité de leur poste de travail souhaitent partir en retraite un peu plus tôt. La réalité sociale de notre pays nous a amenés à déposer cet amendement, dont l’objet est de s’assurer que l’accord ou le plan d’entreprise en faveur de l’emploi des salariés âgés est effectivement mis en œuvre.
Bien entendu, si, dans les grandes entreprises, les organisations syndicales, les institutions comme les CHSCT ou les comités d’entreprise, jouent leur rôle et peuvent agir en cas de difficulté, il n’en va pas de même dans les PME et les très petites entreprises.
Nous le savons, par ailleurs, les délégués du personnel ont bien peu de moyens pour exister et exercer sereinement tous les contrôles nécessaires. Le temps leur manque. Ainsi, les discussions sur les salaires ou les conditions de travail, pour ne citer que ces exemples, absorbent pas mal de leur énergie.
En revanche, nous avons, dans notre pays, la chance de disposer d’un corps des inspecteurs du travail. Oui, ils font un travail admirable ! Encore faut-il leur donner des moyens, car ils travaillent dans des conditions difficiles. Il serait nécessaire d’augmenter leurs effectifs et de renforcer leurs prérogatives, comme leurs capacités d’intervention. D’ailleurs, nous attendons une réforme en ce sens.
L’objet de cet amendement est de permettre aux inspecteurs du travail d’être les garants de ces accords, s’assurant que les négociations sur la pénibilité ont bien lieu et que les dispositifs pour les salariés âgés sont respectés.
N’oublions jamais qu’après le vote d’une loi, ce qui compte, c’est son application ! Qui est mieux placé que l’État, les organisations syndicales et les structures paritaires pour contrôler que la loi est bel et bien appliquée ?
Du fait de la complexité de notre droit du travail et de la multiplication des mesures qui y touchent de près ou de loin, les salariés ont besoin de femmes et d’hommes pour les aider à décrypter les textes et à prévenir les chausse-trapes que certains chefs d’entreprise, il faut le dire, n’hésitent jamais à employer contre leurs salariés !
Nous pensons que les inspectrices et les inspecteurs du travail sont les meilleurs remparts, notamment dans les petites et moyennes entreprises, pour le respect des règles à l’intérieur de celles-ci.
Tel le sens de cet amendement qui, s’il est voté, trouvera aussi tout son sens dans le cadre d’une réforme plus globale de l’inspection du travail, que nous appelons de nos vœux, car elle assurerait à ce corps les moyens de ses missions.