M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne suis pas certain que l’avenant à la convention fiscale franco-canadienne, qui nous réunit ce soir, alors qu’il est prêt de dix-neuf heures à Montréal, méritait un débat. Au moins celui-ci ne devrait-il pas nous emmener, du moins je l’espère, trop tard dans la nuit.
La commission des finances avait proposé de recourir à la procédure d’examen simplifiée, suivant en cela notre rapporteur, Mme Michèle André, dont le rapport explique que le présent projet de loi vise à étendre la convention fiscale qui lie la France au Canada à la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit donc plus d’une régularisation ou d’une adaptation que d’une novation.
En étendant le bénéfice du régime mère-fille aux sociétés qui ont investi en Nouvelle-Calédonie, ce texte se situe dans une perspective de long et moyen terme permettant le développement économique de ce territoire.
Chacun l’a compris, son adoption permettra à la société canadienne Falconbridge, qui a investi dans l’extraction du nickel, de bénéficier d’une franchise d’impôt sur les dividendes qu’elle rapatrie au Canada. Il ne s’agit donc pas d’un cadeau fiscal qui aurait des conséquences sur nos finances publiques.
Nous le voyons bien, ce texte est surtout le prétexte à un certain nombre de développements tout à fait intéressants, mais assez éloignés, me semble-t-il, de sa technicité propre.
Partageant les conclusions de Mme le rapporteur, et sous le bénéfice des observations qui viennent d’être formulées par M. Gattolin, les membres du groupe UMP voteront sans réserve cet avenant à la convention fiscale entre la France et le Canada. Vous le constatez, mes chers collègues, j’ai été bref ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Bocquet, qui devait être présent ce soir, mais n’a pas pu rester pour assister à ce débat, ce qu’il regrette.
Dans un premier temps, l’inscription à l’ordre du jour de ce projet de loi portant ratification d’un avenant à la convention fiscale entre la France et le Canada ne nous a pas inquiétés.
Notre groupe, attaché à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, pouvait être amené à considérer qu’un simple avenant à une convention fiscale concernant deux pays membres du G20, pour lesquels on peut penser que le droit fiscal est quelque chose d’assez solidement établi, ne nécessitait pas d’intérêt particulier.
Toutefois, dubitatifs sur la qualité du travail législatif qu’implique le recours à la procédure d’examen simplifiée, nous avons lu l’exposé des motifs et l’étude d’impact annexée au projet de loi. Ainsi donc, l’avenant ne s’intéresse nullement à une entreprise canadienne implantée dans l’Hexagone. Il concerne en fait une entreprise intervenant sur le territoire de Grande Terre, en Nouvelle-Calédonie. Il s’agit en l’espèce de la société Falconbridge, domiciliée à Toronto, associée, au sein de Koniambo Nickel SAS, ou KNS, à la Société minière du Sud Pacifique, propriété des collectivités locales du territoire.
Mme la rapporteur a rappelé à ce propos la raison d’être de la SMSP, entité portée, entre autres, par la province Nord de Nouvelle-Calédonie. Elle est destinée à mettre en œuvre l’exploitation des ressources du sous-sol néo-calédonien pour le bénéfice social et économique de la population locale.
La mine de Koniambo est exploitée pour l’heure par une entreprise comptant 51 % de capitaux néo-calédoniens, ceux de la SMSP, et 49 % de capitaux canadiens, qui font l’objet du présent avenant.
Le gisement, passé sous maîtrise canaque en vertu des accords de Nouméa, est plein de promesses : vingt-cinq années d’exploitation d’un minerai de bonne qualité, des retombées immédiates en termes d’emploi, des possibilités de qualification des jeunes et des salariés du secteur, et des ressources financières nouvelles pour les collectivités locales.
La juste répartition du produit de l’exploitation du nickel, première ressource de la Nouvelle-Calédonie, était et demeure une condition sine qua non de la mise en œuvre des accords de Nouméa, aboutissant à la réduction des inégalités sociales et économiques dont souffre le territoire et qui furent à l’origine des incidents sérieux qu’il connût par le passé.
Le fait que la SMSP ait recherché un autre partenariat que celui de la Société Le Nickel-Eramet, qui exploite pour sa part le gisement de Goro, dans le sud de Grande Terre, trouve son origine dans une situation marquée par la « confiscation » des revenus du nickel par la population caldoche.
Le partenaire choisi fut donc Falconbridge. Après de nombreuses péripéties, le projet de l’usine du nord a vu le jour et commencé à fonctionner le 19 avril dernier, avec une première coulée de nickel et plus de 6,3 milliards de dollars d’investissements sur place.
Ces investissements ont été rendus nécessaires par la construction même de la mine, de l’usine de traitement du minerai, de la centrale électrique destinée à fournir l’énergie indispensable au traitement, du port de Vavouto, afin de favoriser l’exportation de la production du site, mais aussi des équipements et infrastructures indispensables à la préservation des équilibres environnementaux et à la reconstitution des espaces d’origine.
Ainsi le montant des investissements a-t-il atteint un niveau particulièrement significatif, largement supérieur à ce qui était initialement prévu, ne serait-ce que parce que des éléments comme le traitement rationnel des cendres et mâchefers de la centrale électrique au charbon ou la surveillance des équilibres écologiques sont pleinement intégrés, ce qui ne manque pas d’avoir un coût.
Est-il pour autant légitime, comme le prévoit le présent projet de loi, de ratifier un avenant à une convention fiscale dont l’objet, en intégrant la Nouvelle-Calédonie, après la Nouvelle-Écosse ou le Nouveau-Brunswick, au périmètre d’application de la convention, est de permettre le versement des dividendes versés à la partie canadienne « en franchise d’impôt ».
Partis de Koniambo par la voie électronique, ces dividendes parviennent à Toronto pour être soumis, en vertu du droit fiscal canadien, au taux d’imposition de 0 % ! C’est-à-dire que 49 % des dividendes éventuellement tirés du nickel néo-calédonien ne seront soumis à aucune imposition, de quelque nature que ce soit.
Mes chers collègues, en réalité, l’avenant à la convention fiscale qui nous est soumis consiste à valider législativement un schéma d’optimisation fiscale pour le compte de la société Falconbridge.
Enfin, parler de Falconbridge, c’est taire le reste, à l’instar du rapport. Glencore Xstrata, le vrai patron de Falconbrigde et de KNS, est domicilié dans le canton de Zoug, plus précisément dans la localité de Baar. Comptant un peu plus de 110 000 habitants à la fin de l’année 2010, ce canton est un authentique paradis fiscal, où le taux de l’impôt sur les sociétés s’élève à 4 % jusqu’à 100 000 francs suisses et à 7 % au-dessus de cette somme, paradis accueillant rien de moins que 200 000 sociétés boîtes aux lettres, dont Glencore, mais aussi Metro, Pelikan, ou encore un groupe spécialisé en gestion de fortune nommé « SaintGraal » ! On y trouve aussi le groupe Petroplus, dont nous avons appris à connaître les agissements en Seine-Maritime, pour ce qui concerne la raffinerie de Petit-Couronne.
Glencore est une machine à tirer parti de l’optimisation fiscale, comme l’attestent ses quatre implantations européennes dans le canton de Zoug, l’île de Jersey, la City de Londres et le port de Rotterdam. Devons-nous lui faire le cadeau d’une exemption fiscale ne préjugeant pas, de surcroît, la poursuite définitive de l’engagement du groupe sur le site de Koniambo ? Nous ne le pensons pas.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC voteront contre le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, signée le 2 mai 1975 et modifiée par l'avenant du 16 janvier 1987 puis par l'avenant du 30 novembre 1995, signé à Paris le 2 février 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique du projet de loi.
Je rappelle que ce vote sur l’article unique a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 22 octobre 2013, à quatorze heures trente et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (n° 851, 2012-2013) ;
Rapport de M. Claude Dilain et M. Claude Bérit-Débat, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 65, 2013-2014) ;
Avis de Mme Aline Archimbaud, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 29, 2013-2014) ;
Avis de M. Jean-Luc Fichet, fait au nom de la commission du développement durable (n° 44, 2013-2014) ;
Avis de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 79, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 66, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 22 octobre 2013, à zéro heure cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART