M. Jeanny Lorgeoux. Cet amendement est relatif au Fonds d’entraide de la Légion étrangère, le FELE, en tant qu’outil de solidarité et d’entraide au service des légionnaires et de leurs familles. Comme vous le savez, ce fonds constitue l’un des piliers sur lesquels la Légion étrangère peut compter pour exercer ses missions.
Le statut juridique actuel du FELE, établissement public administratif régi par les dispositions applicables aux cercles et foyers militaires, ne correspond plus à la réalité de ses missions.
La réforme de son statut doit permettre d’assurer la pérennité de l’institution et de ses missions, de maintenir des liens étroits avec le commandement de la Légion étrangère et de doter le fonds des moyens humains, juridiques et matériels qui lui sont indispensables. Le statut proposé, celui d’un établissement public sui generis placé sous la tutelle du ministère de la défense, semble répondre parfaitement à ces objectifs.
Je tiens à préciser qu’il s'agit d’une démarche de longue haleine, puisqu’elle a été engagée en 2008 par notre ancien collègue Jean-François Picheral et soutenue par l’ancien président de notre commission, M. Josselin de Rohan, tandis que notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam a déposé, en juillet 2009, une proposition de loi portant création d’une fondation pour la Légion étrangère, sur le modèle de la Fondation Saint Cyr.
Enfin, les liens entre le Sénat et la Légion étrangère sont aussi étroits qu’anciens. Ils ont été ravivés par Christian Poncelet, ancien président de la Haute Assemblée. En effet, ce dernier a joué un rôle déterminant dans l’adoption, en 1999, de la loi modifiant les conditions d’acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l’armée française, loi dite « Français par le sang versé ». Il est devenu, ès qualités, président d’honneur de l’association Atouts Légion, émanation du bureau d’aide à la reconversion de la Légion étrangère qui vise à aider les anciens légionnaires à avoir une seconde carrière ; M. Jean-Pierre Bel est, de fait, l’actuel président d’honneur de cette association. Enfin, Christian Poncelet a organisé une prise d’armes des légionnaires dans le jardin du Luxembourg le 13 juillet de chaque année.
Les liens entre le Sénat et la Légion étrangère sont si forts et si anciens que certains esprits lyriques disent même qu’ils remontent à la Rome antique, du temps où les signiferi, les porte-enseigne des légions, marchaient en tête, au nom du Sénat et du peuple de Rome – Senatus populusque romanus ! (Bravo ! et applaudissements.)
M. le président. Le sous-amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 22 rectifié ter, alinéa 30
Supprimer les mots :
souscrire des emprunts et
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce sous-amendement visait à légèrement atténuer la portée de l’amendement déposé par M. Lorgeoux.
Après réflexion, je laisse à la sagesse du Sénat le soin d’apprécier si le Fonds d’entraide de la Légion étrangère doit, ou non, être autorisé à souscrire des emprunts, pour parvenir à une gestion plus stricte et mieux maîtrisée des deniers publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement de M. Lorgeoux et, dans sa grande sagesse, elle demande à l'unanimité à M. le ministre de bien vouloir retirer son sous-amendement. En effet, celui-ci tend à supprimer la possibilité pour le foyer d’entraide de la Légion étrangère de souscrire des emprunts.
Une telle interdiction pourrait se justifier pour empêcher ce foyer de réaliser des investissements inconsidérés. Néanmoins, comme cette structure est composée d'anciens militaires et qu’elle est placée sous la tutelle du ministère de la défense, cela reviendrait à dire que les militaires ne se font pas confiance à eux-mêmes…
Pour que nous puissions voter, dans la sérénité, l'amendement présenté par M. Lorgeoux et ses collègues, nous vous demandons, monsieur le ministre, de retirer votre sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 22 rectifié ter.
Par ailleurs, monsieur le président, je retire l'amendement n° 64.
M. le président. Le sous-amendement n° 64 est retiré.
La parole est à M. Jeanny Lorgeoux, pour explication de vote.
M. Jeanny Lorgeoux. Je voulais remercier M. le ministre et M. le rapporteur et signaler que cet amendement est cosigné par mes collègues Roger, Garriaud-Maylam, Poncelet et Dulait.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je remercie mon collègue d'avoir signalé que j’étais, en effet, cosignataire de cet amendement.
Je le remercie également d'avoir mentionné, par ailleurs, la proposition de loi déposée en 2009, qui était sensiblement différente. J’avais été approchée par la Légion étrangère pour réfléchir au statut de ce foyer d'entraide. Après de nombreuses réflexions, discussions et analyses juridiques, j’avais pensé que le statut de fondation serait peut-être meilleur pour le foyer d'entraide de la Légion étrangère, qu’il donnerait probablement plus de liberté à ce dernier, en particulier pour faire appel à des fonds extérieurs et pour les recueillir.
Évidemment, je me rallie totalement à la position de notre collègue Lorgeoux, mais il me semblait important que vous connaissiez l'existence de cette proposition de loi sur ce statut de fondation. Nous pourrions en discuter très longuement : le statut de fondation m'était vraiment apparu plus utile au foyer d'entraide de la Légion étrangère, mais il pourra toujours être revu plus tard, si nous constatons des limites dans l'application du statut d'établissement public, puisque tel était déjà le cas.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.
Je constate par ailleurs que l’amendement n° 22 rectifié ter a été adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 23 rectifié ter, présenté par MM. Lorgeoux et Roger, Mme Garriaud-Maylam et MM. Poncelet et Dulait, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’établissement public mentionné à l’article L. 3418-1 du code de la défense est substitué aux droits et obligations du Foyer d’entraide de la Légion étrangère dont il reprend les activités.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Dispositions relatives au Foyer d’entraide de la Légion étrangère
La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.
M. Jeanny Lorgeoux. Cet amendement de coordination tend à transférer les entités, les droits et les obligations du Foyer d’entraide de la Légion étrangère au nouvel établissement public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.
L'amendement n° 32 rectifié bis, présenté par MM. Trillard, Pintat, J. Gautier, Cambon, Dulait, Laufoaulu, Charon, Gournac, G. Larcher, J.P. Fournier et Paul, Mme Garriaud-Maylam et MM. Couderc, P. André, Beaumont et Cléach, est ainsi libellé :
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
…. – Le ministère de la Défense met en place, autant que faire se peut, un dispositif de suivi et ou d’accompagnement médical et psychologique pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures (OPEX) à l’issue desquelles ils risqueraient de développer des symptômes post-traumatiques.
La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Cet amendement a pour objet d'insérer, après l'article 28, un article rappelant que le ministère de la Défense met en place, autant que faire se peut, un dispositif de suivi et ou d’accompagnement médical.
Bien entendu, monsieur le ministre, vous le faites déjà, mais vous avez oublié d'en parler dans ce texte, et il ne serait pas inutile, selon moi, que nos militaires sachent qu’il s'agit d'une constante et que vous avez donc l'intention de continuer dans ce sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je serai évidemment favorable à cet amendement, mais je suis un peu déçu, monsieur Trillard, que la mise en place du dispositif de suivi ou d'accompagnement se fasse – je cite le texte de l'amendement – « autant que faire se peut » !
Vous savez qu’il s'agit là d'une de mes priorités et que j’ai mené de nombreuses actions dans ce domaine, si bien que je souhaiterais que votre formulation soit quelque peu différente. À vous lire, on dirait que tout commence, alors que le sujet me tient à cœur depuis mon arrivée au ministère, comme c’était déjà le cas, me semble-t-il, pour mon prédécesseur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Je pense que M. Trillard pourrait réécrire ainsi l’article additionnel qu’il propose d’insérer dans le projet de loi : « Le ministère de la défense développera un dispositif de suivi et ou d'accompagnement médical et psychologique mis en place pour les militaires ayant été engagés », etc.
M. le président. Monsieur Trillard, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
M. André Trillard. J’y souscris bien volontiers, monsieur le président, et je rectifie donc mon amendement en ce sens.
Monsieur le ministre, je tiens à vous présenter mes regrets si je vous ai provoqué : n’ayant rien vu sur ce sujet et pensant qu'il présentait une certaine importance, il m'avait paru intéressant de vous aiguillonner.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 32 rectifié ter, présenté par MM. Trillard, Pintat, J. Gautier, Cambon, Dulait, Laufoaulu, Charon, Gournac, G. Larcher, J.P. Fournier et Paul, Mme Garriaud-Maylam et MM. Couderc, P. André, Beaumont et Cléach, et qui est ainsi libellé :
Après l'article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
…. – Le ministère de la Défense développera un dispositif de suivi et ou d’accompagnement médical et psychologique mis en place pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures (OPEX) à l’issue desquelles ils risqueraient de développer des symptômes post-traumatiques.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 28.
Chapitre VI
Dispositions relatives aux immeubles, sites et installations intéressant la défense
Article 29
(Non modifié)
Jusqu’au 31 décembre 2019, par dérogation aux dispositions de l’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles utilisés par le ministère de la défense peuvent être remis à l’administration chargée des domaines en vue de leur cession sans que ces immeubles soient reconnus comme définitivement inutiles pour les autres services de l’État. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 29
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Krattinger, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 29
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Jusqu'au 31 décembre 2019, l'aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense avant le 31 décembre 2008 a lieu soit par adjudication publique, soit à l'amiable, selon des modalités définies par un décret en Conseil d’État. L'aliénation des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense après le 31 décembre 2008 et compris dans un site ayant fait l'objet d'une décision de restructuration prise par ce ministre a lieu dans les mêmes conditions jusqu'au 31 décembre 2019. Le décret ci-dessus mentionné précisera les cas dans lesquels cette aliénation pourra être consentie sans publicité ni mise en concurrence.
La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Il s’agit de prolonger une procédure sur laquelle se fonde l’action de la mission de réalisation des actifs immobiliers, la MRAI, dont le terme est actuellement fixé, me semble-t-il, au 31 décembre 2014.
Compte tenu de l’ampleur et de la complexité du programme de restructuration immobilière du ministère, ainsi que de la nature des emprises à céder, il est nécessaire, afin de garantir la réalisation des cessions en temps et en heure – les recettes en sont très attendues –, de conserver les adaptations dont bénéficie le ministère de la défense au regard de la procédure de cession de droit commun, qui est celle des autres administrations de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 29.
Article 30
(Non modifié)
Le code de la défense est ainsi modifié :
1°Au début de l’article L. 5111-1, les mots : « Les établissements du ministère de la défense » sont remplacés par les mots : « Les établissements relevant du ministère de la défense ou présentant un intérêt pour la défense nationale » ;
2° À l’article L. 5111-6, les mots : « sans l’autorisation du ministre de la défense » sont remplacés par les mots : « sans autorisation de l’autorité administrative ». – (Adopté.)
Article 31
(Non modifié)
L’article L. 123-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du III est supprimée ;
2° Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Sont exclus du champ d’application du présent chapitre afin de tenir compte des impératifs de la défense nationale :
« 1° Les installations réalisées dans le cadre d’opérations secrètes intéressant la défense nationale, ainsi que, le cas échéant, les plans de prévention des risques technologiques relatifs à ces installations ;
« 2° Les installations et activités nucléaires intéressant la défense mentionnées au III de l’article 2 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, sauf lorsqu’il en est disposé autrement par décret en Conseil d’État s’agissant des autorisations de rejets d’effluents ;
« 3° Les aménagements, ouvrages ou travaux protégés par le secret de la défense nationale ;
« 4° Les aménagements, ouvrages ou travaux intéressant la défense nationale déterminés par décret en Conseil d’État, ainsi que l’approbation, la modification ou la révision d’un document d’urbanisme portant exclusivement sur l’un d’eux. » ;
3° Il est ajouté un V ainsi rédigé :
« V. – L’enquête publique s’effectue dans le respect du secret de la défense nationale, du secret industriel et de tout secret protégé par la loi. Son déroulement ainsi que les modalités de sa conduite peuvent être adaptés en conséquence. » – (Adopté.)
Article 32
(Non modifié)
À l’article 413-5 du code pénal, après le mot : « terrain », sont insérés les mots : « , dans un port ». – (Adopté.)
Chapitre VII
Dispositions diverses et finales
Article 33
(Non modifié)
I. –Au premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l’indemnisation des rapatriés, après les mots : « formations supplétives », sont insérés les mots : « de statut civil de droit local ».
II. – Les dispositions du I sont applicables aux demandes d’allocation de reconnaissance présentées avant leur entrée en vigueur qui n’ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée.
III. – La demande de bénéfice de l’allocation de reconnaissance prévue à l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est présentée dans un délai d’un an suivant l’entrée en vigueur de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié bis, présenté par MM. Gilles et Milon, Mme Bruguière, Mlle Joissains, M. Couderc, Mme Garriaud-Maylam, MM. Revet, Falco, Pintat, Doublet, D. Laurent, Bécot, B. Fournier, Lefèvre, Laufoaulu, Charon, Doligé et Leleux, Mme Sittler, MM. César, P. Leroy, Pierre et Dulait, Mme Lamure, MM. Houel, Cardoux et Legendre, Mme Mélot, M. Dufaut, Mme Deroche et MM. Bourdin, Reichardt, Poncelet et Gaillard, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 33 rectifié ter, présenté par MM. Gilles, Cléach et Milon, Mme Bruguière, Mlle Joissains, MM. Falco, Couderc et Cambon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Revet, Pintat, Doublet, D. Laurent, Bécot, B. Fournier, Lefèvre, Laufoaulu, Charon, Doligé et Leleux, Mme Sittler, MM. César, P. Leroy, Pierre, Dulait et Ferrand, Mme Lamure, MM. Houel, Cardoux et Legendre, Mme Mélot, M. Dufaut, Mme Deroche et MM. Poncelet, Bourdin, Reichardt et Gaillard, et qui est ainsi libellé :
I. - Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. - Les indemnisations ou compensations concernant les anciens supplétifs de l’armée française en Algérie et assimilés, prévues par les lois n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 et n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés s'appliquent à toutes les personnes concernées, quel qu’ait été leur statut (statut civil de droit local, statut civil de droit commun) et à leurs ayants droit.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour défendre ces deux amendements.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. L’amendement n° 34 rectifié bis vise à supprimer l’article 33. On nous demande en effet subrepticement, au détour d’un projet de loi de programmation militaire avec lequel elle n’a pas grand-chose à voir, de statuer sur la question des harkis, supplétifs et assimilés ayant combattu durant la guerre d’Algérie aux côtés de l’armée française.
Cinquante ans après la fin de la guerre d'Algérie, nous aurions pu espérer que tous les harkis et assimilés qui avaient combattu aux côtés de notre armée puissent, enfin, bénéficier de la reconnaissance de la France, une fois pour toutes.
Or le Gouvernement semble ne toujours pas vouloir clore ce dossier et nous propose d'ignorer la décision du Conseil constitutionnel publiée au Journal officiel le 4 février 2011, entérinée par la décision du Conseil d’État du 20 mars dernier.
En dépit de l’inconstitutionnalité de la mesure, considérée comme « dépourvue de base légale », il nous est demandé de réintroduire dans la loi un distinguo pour ces supplétifs, entre ceux, arabo-berbères, qui relèvent du statut civil de droit local et ceux, de souche européenne, qui relèvent du statut civil de droit commun.
Ainsi, avec l’article 33, le Gouvernement, après les deux décisions évoquées, ne mettra pas un point final aux parcours chaotiques et particulièrement humiliants des demandes de reconnaissance de ces deux catégories de forces auxiliaires en Algérie et entend pérenniser une discrimination dépourvue de base légale.
Alléguant le respect de la volonté du législateur, l’article 33 réintroduit donc une notion ségrégationniste entre des supplétifs ayant pourtant participé aux mêmes actions civiles et militaires au péril de leurs vies.
Outre son inconstitutionnalité, ce distinguo repose sur des appréciations dépassées de la situation des intéressés. En effet, depuis l’indépendance de l’Algérie, la description de la réalité des harkis, appelés tantôt « rapatriés particuliers », tantôt « supplétifs réfugiés », a gagné en clarté grâce aux travaux d’historiens tels que le général Maurice Faivre, responsable d’une harka durant la guerre d’Algérie, qui a pu accéder aux archives militaires. Ses travaux corroborent ceux d’autres historiens, le général François Meyer, lui-même ancien chef de harka, et M. Guy Pervillé.
Les enjeux du chiffrage sont, aujourd’hui encore, au cœur des polémiques liées à la destinée des anciens harkis. L’exposé des motifs du projet de loi fait état de 9 000 supplétifs de statut civil de droit commun.
Or, parmi les harkas créées au sein des 700 SAS – les sections administratives spécialisées – ou SAU – les sections administratives urbaines –, la plupart n’avaient pas de supplétifs au statut civil de droit commun et les autres n’en comptaient que deux ou trois. On peut donc estimer le nombre de ces « harkis blancs », comme ils se désignent eux-mêmes, à seulement 500.
Ils ont vécu leur transfert en métropole comme un déracinement similaire à celui de leurs semblables arabo-berbères de souche. Ils ne sont pas revenus dans la mère patrie, comme l’on continue de le prétendre : ces supplétifs d’origine européenne et leur famille n’avaient généralement plus d’attaches avec la métropole, que leurs ancêtres avaient quittée trois ou quatre générations plus tôt. En fuyant l’Algérie, eux aussi ont perdu tous leurs biens.
Faut-il rappeler que, d’avril 1943 à mai 1945, 20 000 d’entre eux, appelés sous le drapeau français, ont été tués au combat contre les Allemands ?
Le temps n’est-il pas venu de manifester une certaine solidarité nationale envers ces Français dont l’existence même était menacée, qui ont tout perdu et qui demeurent les perpétuels oubliés des indemnisations ? Le Gouvernement va-t-il leur infliger une nouvelle vexation en leur refusant le droit à la reconnaissance nationale et le bénéfice de son allocation ?
L’honneur du législateur, aujourd’hui, serait de solder ce douloureux dossier sans exclusive et sans arbitraire, de respecter les deux décisions mentionnées, afin qu’aucune discrimination ne s’applique plus aux forces auxiliaires auxquelles il doit rendre hommage, et de faire en sorte que la nation les indemnise en raison des épreuves subies, à la hauteur de leur fidélité à l’égard de la France.
Quant à l’amendement n° 33 rectifié ter, c’est un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. En supprimant l'article 33, l’adoption de l’amendement n° 34 rectifié bis ouvrirait de facto par la voie législative le bénéfice de l’allocation de reconnaissance aux supplétifs de l’armée française de statut civil de droit commun. D'ailleurs, Mme Garriaud-Maylam l'a admis.
Chère collègue, le législateur, de façon constante depuis 1987, et cela quelles que soient les majorités politiques – les gouvernements de Jacques Chirac en 1987, d'Édouard Balladur en 1994, de Lionel Jospin en 1999, de Jean-Pierre Raffarin en février 2005 –, a entendu réserver ce bénéfice aux supplétifs de l’armée française de statut civil de droit local, c’est-à-dire aux combattants d’origine arabo-berbère qui ont combattu aux côtés de l’armée française et qui ont dû quitter l’Algérie au péril de leur vie et solliciter une demande de naturalisation.
Sans méconnaître leur situation, les supplétifs de statut civil de droit commun de souche européenne n’ont pas connu exactement les mêmes difficultés d’intégration et de réadaptation sur notre territoire. C’est ce qui a toujours justifié la distinction entre les deux catégories.
Le nombre de bénéficiaires de l’allocation, si l’on suit les auteurs de cet amendement, passerait de 6 000 à 15 000, pour un coût de l’ordre de 270 millions d’euros. En opportunité, cet amendement n’est donc ni juste ni raisonnable.
Il n’est pas juste, car le préjudice subi par les harkis, leur déracinement, leurs difficultés d’intégration sont beaucoup plus importants que ceux des supplétifs de statut civil de droit commun, et je crains qu’il n’entraîne, de surcroît, de nouvelles revendications.
À mon sens, il n’est pas non plus raisonnable dans la situation économique actuelle de notre pays. Au moment où nous devons garantir un niveau minimal de moyens à la défense, nous ne disposons pas de 270 millions d’euros pour ouvrir cette allocation spécifique à de nouvelles catégories. Si nous connaissions une autre situation économique, nous pourrions réfléchir à une forme d'indemnisation certainement plus adaptée, mais, dans les circonstances actuelles, ce serait très compliqué.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je m’étonne des chiffres que M. le rapporteur vient d’avancer.
Certes, je ne suis pas la première signataire de cet amendement, qui a été travaillé essentiellement par nos collègues Bruno Gilles et Alain Milon, même si j’en suis évidemment solidaire. Mais, pour ma part, j’ai entendu parler de 500 allocataires supplémentaires par an, et non d’une augmentation qui porterait de 6 000 à 15 000 le nombre de bénéficiaires du dispositif ! Vous comprenez donc mon étonnement…
Je suis moi-même persuadée de l’impérieuse nécessité de réduire les dépenses publiques, et je suis très soucieuse de la trésorerie et des dépenses encourues aujourd’hui. Mais, là, nous parlons simplement, selon les informations dont je dispose, de 500 personnes qui se sentent discriminées ; je pense vraiment que le Parlement s’honorerait à prendre leur situation et leurs revendications en compte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Ma chère collègue, nous vous communiquerons les chiffres transmis par le ministère !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, il s’agit d’un sujet délicat.
Nos collègues Hélène Lipietz et Kalliopi Ango Ela ont été très fortement sensibilisées au problème. La distinction établie à l’article 33 n’est justifiée, si j’ai bien compris, par rien d’autre que des considérations budgétaires. (M. le rapporteur le conteste.)