M. Jean-Jacques Hyest. Si nous parlons de la métropole, nous avons pour l’instant exclu la grande couronne. (Mme la ministre s’exclame.)
Par ailleurs, la semaine dernière, M. le président Sueur ainsi que M. le rapporteur doivent s’en souvenir, nos excellents collègues ont rédigé un rapport sur les établissements publics fonciers. Bien que les auteurs de ce rapport n’aient pas tous la même orientation politique, ils avaient conclu à la pertinence de l’échelon départemental. Cela m’avait interpellé.
L’établissement public foncier régional est utilisé en Seine-et-Marne, et plutôt mieux que d’autres départements qui sont inclus dans son périmètre.
On a parfois l’impression que ce qui fonctionne bien déplaît. Nous avons tout de même quelques expériences passées beaucoup moins satisfaisantes : les agences foncières de la région d’Île-de-France. Je pourrais vous parler de l’Agence foncière et technique de la région parisienne, qui, pour les villes nouvelles, laisse certainement aux plus anciens des souvenirs plutôt mitigés sur la qualité de la gestion.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Faire un grand « machin », je ne suis pas sûr que cela réponde aux besoins en proximité.
Ayant la chance de vivre en Île-de-France mais tout de même loin de Paris,…
M. Pierre-Yves Collombat. Quelle chance !
M. Jean-Jacques Hyest. … j’ai souvent entendu dire dans les échelons régionaux – c’est pourquoi je crains toujours que les départements ne soient progressivement, y compris sur le plan de l’administration d’État, réduits à peu de chose – que nos territoires avancés sont beaucoup trop loin pour qu’on s’y déplace. Je pourrais vous en apporter des preuves écrites. C’est ainsi.
Je ne comprends pas la finalité de votre proposition, madame la ministre. Si c’est rationaliser, cela coûte moins cher,…
M. Jean-Jacques Hyest. … notamment en termes de frais de structures. Mais, dès lors, qu’il y ait au moins des antennes réelles, afin que nous soyons certains de disposer d’interlocuteurs de proximité,…
Mme Sophie Primas. Et des budgets !
M. Jean-Jacques Hyest. … et des budgets. Autrement… (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) De toute façon, la taxe spéciale d’équipement, la TSE, on le sait bien, est payée par tout le monde et, quoi qu’on en dise, elle est à peu près proportionnelle à la richesse globale du foncier. Que cela soit départemental ne changera pas grand-chose, puisqu’il s’agit tout de même de grands départements. Dans certains très petits départements, on ne peut pas toujours créer des agences foncières. Les besoins sont-ils importants ? J’en suis moins sûr.
Je n’ai pas de parti pris, mais j’ai cosigné les amendements de ceux de mes collègues qui m’ont démontré que leurs établissements publics fonciers fonctionnaient très bien. Je ne vois pas l’intérêt de casser ce qui fonctionne. Surtout que l’EPF régional, et c’est le moins que l’on puisse dire, n’a pas trouvé tout son…
M. Jean-Jacques Hyest. Non, ce n’est pas normal !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n’est pas normal ! Paris pouvait l’utiliser. La Seine-Saint-Denis pouvait l’utiliser. Le Val-de-Marne pouvait l’utiliser. Or ils l’ont peu utilisé. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il n’y a pas eu de mobilisation locale.
Mme Sophie Primas. La preuve, c’est qu’ils ont déjà un territoire plus grand !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Moi non plus, je n’ai pas été convaincue par les arguments qui ont été présentés, puisqu’on a, d’un côté, un EPF Île-de-France qui marche moyennement sur un territoire qui est déjà peut-être trop grand et, de l’autre, des EPF départementaux qui font leur preuve.
Je souhaiterais profiter de l’examen de ces amendements pour revenir sur un événement assez important que M. Karoutchi a évoqué au cours de la discussion générale.
Mesdames les ministres, vous n’êtes pas en cause directement, mais vous représentez ici le Gouvernement, donc je souhaite vous faire part de cet événement.
Le 27 septembre dernier, la ministre de l’égalité des territoires et du logement a adressé des lettres de mission relatives à la préfiguration d’un établissement public foncier – dont nous parlons ce soir – couvrant l’ensemble de l’Île-de-France, au préfet de la région Île-de-France et au directeur de l’établissement foncier Île-de-France.
M. René Vandierendonck, rapporteur. Eh oui !
Mme Sophie Primas. Ces documents appellent une réaction immédiate, tant sur la forme que sur le fond.
Je commencerai par la forme. La pratique consistant à adresser à un élu de la République, président d’un établissement public de l’État, une simple photocopie de la lettre de mission envoyée au préfet où le nom du destinataire de la copie est grossièrement surligné et sans le moindre courrier d’accompagnement est pour le moins cavalière, vous l’imaginez.
J’ajoute, sur la forme toujours, que les délégués du personnel des établissements publics des trois départements ont été prévenus avant même leur président.
M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est scandaleux !
Mme Sophie Primas. Vous pouvez imaginer leur émoi lorsque, avec ce courrier que j’ai ici, ils ont compris qu’on allait rationaliser, comme vous venez de le dire dans l’hémicycle. On peut les comprendre.
Sur le fond, les deux courriers indiquent : « Dès à présent, l’article 13 bis du projet de loi relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles prévoit que la région d’Île-de-France compte – au présent – un seul établissement foncier de l’État, l’évolution des EPF existants vers cet objectif étant prévue au plus tard au 31 décembre 2015. »
Il est pour le moins surprenant qu’un ministre considère comme déjà acquise la rédaction d’un projet d’article législatif quelques jours avant son examen en deuxième lecture au Sénat, quelques mois avant la deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Cela manifeste un manque de considération à l’égard des débats parlementaires, une entorse au principe de séparation des pouvoirs. C’est pour moi un incident parlementaire majeur, et chacun ici devrait s’en émouvoir quelles que soient les travées sur lesquelles il siège.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est inacceptable !
Mme Sophie Primas. Parfaitement !
Sur le fond également, il est précisé à M. le directeur de l’Île-de-France qu’il disposera « à l’appui des directions générales des établissements, afin d’établir en lien avec les services régionaux de l’État les modalités opérationnelles de la fusion », et il est annoncé au préfet de région qu’« il appartiendra de garantir la coopération pleine et entière de chacune des équipes dans la concertation en vue de la fusion des quatre établissements ».
Il convient de rappeler ici que le décret instituant chacun des quatre établissements fonciers concernés définit le rôle du directeur général de manière très précise : il prépare et exécute les délibérations du conseil d’administration ; il ne reçoit ses ordres que de ce dernier et en aucun cas du ministre ou d’un préfet, ni a fortiori d’un autre directeur d’établissement.
Les EPF sont des établissements publics dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière, et non des services déconcentrés de l’État.
Madame la ministre, vous avez dit tout à l’heure, en parlant de l’article 12 : « Nous avons respecté le Sénat ». En l’espèce, ni le Sénat ni l’Assemblée nationale ne sont respectés. M. Caffet a affirmé tout à l’heure dans son exposé : « C’est nous qui faisons la loi ». J’ai envie de dire à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement, qui s’est fait récemment l’avocate des principes républicains, qu’il serait particulièrement bienvenu qu’elle les applique à sa propre pratique ministérielle.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Comme cela a été souligné, on a affaire à des institutions, les EPF, qui fonctionnent. M. le président Sueur a rappelé tout à l’heure l’intérêt et la pertinence de l’échelon départemental – je n’y reviendrai pas. En outre, nous avons eu un débat sur les PLH pour montrer la pertinence de garder des plans au niveau de l’intercommunalité.
Par conséquent, nous disposons d’instruments qui fonctionnent. Cela a été démontré dans le rapport qu’a rappelé M. Hyest il y a quelques instants. Or on veut supprimer tout cela, en nous disant : Ne vous inquiétez pas, on fera en sorte que cela fonctionne et ce sera réalisé avec tout le monde. On l’a vu à l’instant, avant même que nous ayons eu le temps de discuter et de décider, l’administration est en marche pour que tout cela avance sans même que quiconque soit au courant.
J’ajoute, notre collègue l’a rappelé à l’instant, que les EPF relèvent du domaine réglementaire et que nous sommes en train de les faire passer dans la loi !
M. René Vandierendonck, rapporteur. Tout à fait !
M. Hervé Marseille. Au moment où le ministre du logement est en train de procéder à une étude, de consulter, de formuler des propositions, l’administration est déjà en marche. Nous n’avons pas eu le temps de voter qu’un autre ministre est en train de soumettre des propositions je ne sais pas à qui, je ne sais pas comment.
Par conséquent, là encore, on est dans la confusion.
Quand bien même ce principe serait voté, avant d’avoir construit le moindre logement, il faudra bien sûr indemniser les EPF existants, qui ont travaillé, réalisé des investissements et détiennent du foncier. Il faudra commencer à se livrer à des évaluations et indemniser les départements qui ont investi et financé, avant d’avoir construit quoi que ce soit.
De grâce, quand on a des instruments qui fonctionnent et qu’on attend des propositions, faisons en sorte que celles-ci permettent d’articuler les antennes départementales sur un instrument régional, métropolitain, qui aura peut-être, dans les années suivantes, par la force de la marche, vocation à s’unifier définitivement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Tout cela relève assez largement du théâtre d’ombres, ce qui, d’ailleurs, peut être distrayant à ce moment de la soirée.
Toutes ces dispositions, M. Marseille l’a dit excellemment, sont de nature réglementaire.
M. Jean-Jacques Hyest. Ben alors ?
M. Alain Richard. Cet article 13 bis ne devrait pas exister.
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. Alain Richard. Il a une vertu purement cosmétique. Les spécialistes du droit public français savent bien que la création d’un établissement public est du domaine réglementaire, à la seule exception, énoncée dans l’article 34 de la Constitution, de la création de nouvelles catégories d’établissements publics. Cette catégorie existe depuis longtemps ; donc, nous sommes hors sujet.
Il s’agit en réalité – nous sommes quelques-uns à le savoir dans cet hémicycle et un peu plus largement en Île-de-France – d’une compétition bureaucratique organisée de longue date, dont le gouvernement actuel s’est fait le jouet, qui ne présente rigoureusement aucun intérêt opérationnel puisque la taille critique des établissements dont on parle est déjà acquise.
Cela fera l’objet d’un rapport de la Cour des comptes dans quatre ou cinq ans, qui démontrera qu’on aura consacré du temps, de l’énergie et du travail administratif à une fusion qui est totalement inutile. Mais, puisque, de toute façon, le Gouvernement s’est laissé convaincre qu’il fallait prendre une telle décision, cette fusion aura lieu.
Aussi, nous perdons entièrement notre temps pour une opération qui n’a aucun intérêt ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – M. Hervé Marseille applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. Votons !
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.
Mme Hélène Lipietz. Je suis moi aussi extrêmement choquée par la teneur de la lettre de mission de la ministre. C’est totalement inacceptable ! Je ne comprends pas comment elle a pu rédiger une telle lettre et dans de telles conditions.
Cela étant dit, M. Karoutchi m’a convaincue, parce qu’il a prononcé une phrase qui m’a prouvé la nécessité absolue de supprimer tout département pour créer une véritable métropole parisienne. Si je ne me trompe pas, notre collègue a dit que, si l’on supprimait les EPF au niveau départemental, les départements ne verseraient plus d’argent.
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
Mme Hélène Lipietz. Or l’intérêt d’un EPF n’est pas pour ses propres ressortissants territoriaux ; il est que l’ensemble des habitants de la métropole trouvent un logement digne et décent, que les habitants de Seine-Saint-Denis qui habitent un taudis puissent vivre dans un pavillon luxueux des Hauts-de-Seine, ou inversement… (M. Roger Karoutchi sourit.)
Oui, cela me paraît vraiment scandaleux et rappelle les discussions que j’ai entendues à l’époque où je siégeais en même temps que M. Karoutchi au conseil régional. J’avais été extrêmement choquée d’entendre les mêmes arguments, le même égoïsme territorial de la part de nos collègues des départements qui ont créé ensuite un EPF départemental : mon argent est à moi et il ne va pas vers les autres ! (Mme Sophie Primas s’exclame.)
C’est pourquoi il me paraît absolument nécessaire qu’il y ait un grand EPF régional. Si cette mesure ne relève pas du domaine de la loi, c’est le règlement qui devra la prévoir.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour ma part, je suis assez peu sensible à l’argument selon lequel il s’agirait d’une disposition réglementaire. En effet, sur une question de cette importance, il ne me semble pas totalement absurde que le Parlement décide, malgré les restrictions juridiques !
Par ailleurs, entre le centralisme plus ou moins bureaucratique ou démocratique d’une part, et la féodalité de l’autre, il existe peut-être un moyen terme. Je viens d’une région qui dispose d’un seul EPF pour presque six millions d’habitants et qui fonctionne assez bien – j’y reviendrai. Ainsi, le projet de doter la région d’Île-de-France d’un seul établissement me semble assez cohérent.
Cela étant, pourquoi avons-nous abordé ce problème ?
Vous affirmez que les établissements départementaux d’Île-de-France fonctionnent bien.
M. Philippe Kaltenbach. Ça, c’est ce qu’ils disent !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ça fonctionne peut-être dans les Hauts-de-Seine !
M. Pierre-Yves Collombat. Qu’est-ce que cela signifie ? Bien fonctionner, cela veut-il dire faire des bénéfices ? Avoir beaucoup de crédits partout ?
M. Jean-Jacques Hyest. C’est équilibrer ses comptes !
M. Pierre-Yves Collombat. Ou encore équilibrer ses comptes ?
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n’est déjà pas mal !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce serait encore meilleur si ce système permettait de produire, par exemple, du logement !
Mme Sophie Primas. C’est ce que nous faisons !
M. Pierre-Yves Collombat. Chers collègues, j’ai écouté M. Karoutchi qui, il y a quelques instants, affirmait : « Chaque année, nous déplorons de n’avoir créé que la moitié, le tiers ou le quart des logements que nous devrions produire. » Qu’il se rassure, c’est plus ou moins le cas partout !
J’ai suivi ce dossier de plus près dans ma région. Les obstacles à la construction de logements sont multiples. En tout cas, là où des établissements publics fonciers existent, ce n’est pas le portage du foncier qui pose problème. En tout cas, c’est vrai en région PACA, et je serais étonné que l’Île-de-France ne dispose pas de stocks.
En revanche, une fois ces stocks constitués, il est assez difficile de réaliser des opérations, et ce pour deux raisons au moins.
Premièrement, même si les maires souhaitent, très souvent, mener des opérations, leurs administrés, eux, n’en veulent généralement pas ! C’est ainsi chez nous. Pour développer un projet foncier, vous devez vous battre comme un chiffonnier, faire face à l’accumulation des recours et des retards. C’est la bagarre !
Deuxièmement, contrairement à ce que répètent tous les préfets et tous les gouvernements successifs, je reste persuadé que la plupart des plans de financement ne sont pas bouclés – sauf à mendier auprès des collectivités territoriales…
Par conséquent, les réserves foncières sont plus étendues que les opportunités réelles de réalisation. Or plus la surface couverte est large, plus le nombre d’opportunités susceptibles de se présenter est grand, et plus on est à même de concentrer les crédits sur les opérations qui pourront aboutir.
Voilà une dizaine d’années que l’établissement public foncier de PACA existe. Il a fallu – là aussi – se battre comme des chiffonniers pour l’obtenir. Au début, c’était un peu la guerre civile, notamment entre les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône, chacun souhaitant capter le pouvoir, notamment en matière bureaucratique. De fait, un établissement public foncier, c’est tout de même pas mal de bureaucratie.
M. René Vandierendonck, rapporteur. En Nord–Pas-de-Calais, c’est cinquante personnes !
M. Pierre-Yves Collombat. La plupart des membres du groupe auquel j’appartiens voteront en faveur de cette disposition. Si, comme vous le dites, et je vous crois volontiers, l’établissement public foncier régional actuel a un peu tendance à dormir sur ses deux oreilles, l’arrivée de troupes fraîches permettra de les réveiller ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Une assemblée qui viendra leur demander des comptes et les faire bouger, cela ne peut qu’introduire de la vitalité démocratique dans ces établissements qui pourraient éventuellement en manquer !
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je ne reprendrai pas ce que viennent de dire M. Richard et MM. les rapporteurs. Je soulignerai simplement que nous sommes bel et bien dans un théâtre d’ombres. Cet article est strictement inutile !
Madame la ministre, l’État a le pouvoir de créer ce qu’il veut en la matière. Dès lors, je ne sais même pas pourquoi on nous invite à débattre de cette question.
M. Roger Karoutchi. Par ailleurs, le rapport à la commission des lois souligne que le département est l’échelon pertinent. Et on nous dit : « Tant pis ! Faisons comme si de rien n’était ! »
Entre nous soit dit, que vient faire cette proposition d’EPFR unique dans ce débat relatif à la métropole ? Sauf erreur de ma part, la métropole, c’était, jusqu’à présent, Paris et les trois départements de la petite couronne.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Non !
M. Roger Karoutchi. D’un coup d’un seul, on voit surgir une espèce d’établissement public foncier couvrant les huit départements, l’ensemble de la région ! On nous dit : « Allez hop, avec ce texte relatif aux métropoles, on vous ajoute cet EPFR, ni vu ni connu. De toute manière, c’est un théâtre d’ombres, et Mme Duflot a déjà résolu le problème ! » C’est surréaliste !
À mon sens, nous parlions de la petite métropole, à l’échelle de quatre départements. Peu importe. Le Gouvernement n’en doit pas moins prendre ses responsabilités : s’il veut mener cette réforme, qu’il passe en force, par décret, sans rien nous demander. De toute manière, il ne s’agit pas d’une disposition de nature législative ! Je le répète, c’est surréaliste !
Par ailleurs, je précise à Mme Lipietz que nous ne nous sommes pas compris tout à l’heure : en évoquant les efforts accomplis par les départements, je ne prétendais pas opposer ceux qui sont riches et ceux qui ne le sont pas. Je soulignais simplement que, même si le taux de la taxe spéciale d’équipement est unifié partout, certains conseils généraux fixeront toujours des priorités à l’échelle du département, comme certains conseils municipaux le font à l’échelle de leur commune. Or, lorsqu’on définit de tels axes d’action, on mobilise les crédits de la collectivité, pas l’argent des autres.
M. Roger Karoutchi. Si un conseil général affirme que, malgré l’EPF ou je ne sais quel dispositif, il souhaite mettre l’accent sur telle ou telle priorité, on ne peut pas l’en empêcher. On ne cesse de nous vanter la métropole de demain, si belle que nous en serons tous absolument stupéfaits. Cette instance serait en mesure prendre des initiatives en faveur de la vie quotidienne. Et le département, lui, n’aurait pas cette capacité ? Bien sûr que si !
Je ne comprends pas ce débat. Je le répète, lorsque nous avons créé cet établissement en région, il y a quelques années, j’ai suggéré d’en former huit et de les fédérer en un seul. Sur ce point, c’est moi qui avais raison. Telle aurait été la bonne solution.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ça ne s’est pas fait !
M. Roger Karoutchi. Or la Région l’a refusée. Ne tentez pas de nous faire culpabiliser aujourd’hui ! Le conseil régional a dit : « Non, c’est non ! Il n’y aura pas d’établissement par département, il n’y en aura qu’un à l’échelle de la région tout entière ! » Dès lors, certains conseils généraux ont répondu : « Puisque c’est ainsi, nous ne voulons pas de cette solution, nous allons créer notre propre EPF ». Voilà la vérité ! Il ne faut pas renverser la responsabilité dans cette affaire.
Enfin, monsieur Collombat, je comprends très bien que certaines régions ne comptent qu’un seul établissement. Toutefois, je vous le rappelle en toute courtoisie : l’Île-de-France, dans son ensemble, compte 12 millions d’habitants.
M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai qu’il y a le critère démographique !
M. Roger Karoutchi. Cette population équivaut à celle de la Belgique ou à celle des Pays-Bas. Et on affirme qu’un seul établissement public foncier suffit ! Pourquoi pas ? Mais c’est un territoire énorme ! Paris, à lui seul, dénombre plus de 2 millions d’habitants ! Chacun des départements de la petite couronne en compte un peu plus d’1,5 million !
Chacun des territoires d’Île-de-France présente ses spécificités, c’est une évidence. Privilégions la proximité. Je ne vois pas ce que l’on gagnerait à supprimer les établissements départementaux existants. Je vois parfaitement quel serait l’intérêt de disposer de huit établissements fédérés au sein d’une coordination régionale, en lien avec le schéma régional du logement, qui existe déjà. Mais, expliquez-moi, pourquoi casser ce qui fonctionne ?
Je le répète, le présent texte est relatif aux métropoles et, en l’occurrence, ce débat s’étend aux huit départements, à la région tout entière. Je ne comprends pas du tout à quoi l’on joue ! (Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il m’est d’autant plus facile de répondre aux différents orateurs que cette initiative ne vient pas du Gouvernement !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En juin 2011 – avant que j’aie l’honneur de siéger au Gouvernement –, nous avions publié un texte avec une fédération d’élus, pour souligner qu’il était tout à fait impératif de recréer des EPF régionaux. Nul n’en avait alors pris ombrage. Ce document se fondait notamment sur certaines études de chambres régionales des comptes, appelant elles-mêmes à la régionalisation de ces établissements publics. Cette histoire dure depuis longtemps.
En juin 2012, j’ai été conviée une première fois devant la commission des affaires économiques, en raison de ma double responsabilité au titre de la modernisation de l’action publique et de la décentralisation. Il s’agissait précisément d’évoquer la transition des EPF départementaux vers des EPF régionaux.
Le Gouvernement aurait pu agir entièrement par décret. Ainsi, nous n’aurions pas eu à débattre de cette question ce soir. Cela étant, la commission des affaires économiques du Sénat nous a demandé d’informer les commissions sénatoriales de ce dossier et, si possible, d’en débattre. Ce sujet est lourd en termes de financements – chacun l’a rappelé –, en particulier pour l’Île-de-France : elle jugeait partant qu’il méritait d’être débattu par le Parlement. Au reste, Claude Dilain a préparé des amendements à ce titre.
Dans le même temps, Mme Duflot, qui, à mon sens, n’est pas soumise à des pressions extraordinaires, a suivi ma proposition de juin 2012, que je revendique : elle a lancé une procédure, non de préfiguration, mais d’étude. Le but visé est simple : savoir ce que le système existant coûte en termes de fonctions supports.
De fait, le comité interministériel de modernisation de l’action publique a demandé que l’on réduise le nombre de nos opérateurs, compte tenu du coût que représentent les fonctions supports. C’est là une mission tout à fait normale, pour un État qui estime ne devoir payer que les temps pleins nécessaires.
La mutualisation des moyens engendre nécessairement des économies. Néanmoins, si l’on débat de ce sujet au titre du présent texte, ce n’est pas à ce propos : ces économies relèvent de la responsabilité de l’État, et la Cour des comptes incite déjà le Gouvernement à agir en ce sens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en la matière, une étude financière est en cours d’élaboration et, avant que cette mesure soit effective, elle vous sera transmise.
M. Alain Richard. Nous verrons !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Un tel document est tout à fait indispensable. Claude Dilain en avait demandé la rédaction. Ce travail nécessite, il est vrai, du temps, mais les experts se sont déjà mis à l’ouvrage. Pour ma part, je ne dispose pas des moyens suffisants pour mener cette étude au sein de la direction générale des collectivités locales. J’ai donc demandé à la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, puis à la Cour des comptes, si elles étaient disposées à évaluer tous nos EPF.
M. René Vandierendonck, rapporteur. Tous !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mme Duflot est chargée de ce dossier. Je l’inviterai à insister dès à présent sur cet enjeu, afin que le Parlement puisse disposer de chiffres.
Cette question présente un autre aspect, qui, lui, justifie notre débat de ce soir. À ce titre, j’entends avec beaucoup de plaisir les arguments de M. Collombat.
Il s’agit bien d’analyser ce qui se passe réellement en termes de prélèvement de taxes pour les habitants. Trois départements sont particulièrement observés. En suivant les opérations foncières sur plusieurs départements, grâce à un EPFR, il serait possible de mutualiser la ressource !
L’établissement public foncier des Yvelines, par exemple, et c’est un élément intéressant, se porte très bien.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas la question !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il lui reste 7,5 millions d’euros de trésorerie cumulée en fin d’année !
Mme Sophie Primas. Il crée 9 000 logements !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet établissement a assuré pour 46 millions d’euros d’acquisitions représentant 125 opérations, il a fait 22 cessions pour un montant de 17,5 millions d’euros et il a malgré tout réussi à dégager 7,5 millions d’euros de trésorerie cumulée. Il va très bien !
M. Roger Karoutchi. Pour 9 000 logements !