M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice, je comprends l’objectif de cet amendement et je devine les situations individuelles et familiales auxquelles vous faites allusion.
Cependant, dans le même temps, je dois vous dire ma gêne face à votre proposition qui conduirait à modifier l’équilibre que nous défendons entre, d’une part, la volonté de la jeune femme mineure et, d’autre part, le rôle de ses parents ou de son représentant légal.
Autant je suis déterminée à faire en sorte que le droit à l’IVG soit respecté, que les femmes puissent y avoir accès sans subir de pression morale ni psychologique, en bénéficiant d’un accès tant à l’information qu’aux centres et établissements qui le pratiquent, autant je ne crois pas qu’il soit opportun de remettre en cause l’équilibre que je viens d’évoquer.
Par ailleurs, j’observe que la législation actuelle ne rend pas impossible toute IVG sans le consentement des titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal. Je vous renvoie à l’article L. 2212-7 du code de la santé publique : si la mineure ne veut pas que ses parents soient consultés ou si le consentement n’est pas obtenu, l’IVG peut être pratiquée à la demande de l’intéressée. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix. Selon moi, les cas envisagés par votre amendement sont déjà couverts.
Compte tenu de ces éléments, l’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, notre amendement vise à remettre en cause non pas l’équilibre que vous évoquiez, mais le rôle que la loi fait jouer au médecin dans ce processus.
Le médecin doit bien évidemment être à l’écoute de la jeune fille. La loi permet à cette dernière, si elle le souhaite, de ne pas informer sa famille de sa démarche. En revanche, vous conviendrez avec moi qu’il y a davantage qu’une simple nuance, en pratique, entre « s’efforcer d’obtenir » et « conseiller ».
Dans les faits, aujourd’hui, un certain nombre de médecins ne sont tout simplement pas à l’écoute de ces jeunes filles. Même dans les cas les plus difficiles, il est de leur devoir de rappeler que l’entourage familial n’est pas forcément là pour juger ou sanctionner, mais qu’il peut aussi aider et accompagner.
Je le redis, je crois sincèrement que l’évolution que nous proposons ne remet pas en cause l’équilibre auquel vous avez fait référence, mais vise à atténuer le poids du médecin dans le processus.
M. le président. L’amendement n° 144 rectifié, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2212-8 du code de santé publique est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à supprimer la clause de conscience des médecins, qui représente un obstacle majeur dans l’accès des femmes à une interruption volontaire de grossesse. Nous avons pu apprendre, notamment grâce au témoignage rapporté par notre collègue Laurence Rossignol, que les femmes souhaitant pratiquer une IVG se heurtaient à des difficultés de plus en plus fréquentes et nombreuses, de différents ordres d’ailleurs.
Je pense notamment à la montée des intégrismes religieux, notamment catholiques, avec les prières devant les hôpitaux, comme l’hôpital Tenon. Je vous avais d’ailleurs saisie de ce problème, madame la ministre, et je sais que vous essayez d’y apporter une réponse.
On assiste à une montée des violences pour empêcher l’accès des femmes à l’IVG, avec des intimidations, des intrusions dans les locaux du Planning familial. Par ailleurs, certains médecins ont une attitude intrusive à l’égard de la vie privée de la patiente pour essayer de la faire renoncer à son droit à l’IVG. Ces situations existent aussi dans les hôpitaux, y compris publics, alors que les médecins pratiquant dans ces établissements devraient normalement avoir une attitude différente.
Pour ma part, j’estime que, lorsqu’on est médecin, on doit pouvoir faire preuve d’une attitude d’ouverture et ne pas essayer d’influencer la patiente.
Avec cet amendement, dont nous espérons qu’il sera adopté, nous souhaitons améliorer les conditions d’accès à l’IVG pour toutes les femmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. L’avis est le même que pour l’amendement précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice, la question de l’offre sanitaire en matière d’IVG constitue une préoccupation forte pour vous comme pour nous. Je sais que les inégalités régionales dans l’accès à des centres d’IVG sont aujourd’hui parfois vécues comme une remise en cause de ce droit pour lequel nous avons tellement lutté.
Comme vous, j’estime qu’il est nécessaire de trouver des solutions pour progresser sur la question de l’accès à l’IVG. Sur ce point, je vous renvoie d’ailleurs aux décisions déjà prises par le Gouvernement depuis le 31 mars dernier, avec la prise en charge à 100 % de l’IVG ou encore la revalorisation de 50 % des forfaits d’IVG.
Pour ce qui est de l’accès à l’IVG, nous manquons pour l’instant de données. Il serait un peu précipité de remettre en cause la clause de conscience des médecins sans disposer d’éléments plus précis sur l’organisation de l’offre de soins sur le territoire, sur les attentes des femmes quant à la méthode choisie, ainsi que sur l’implication et la formation des professionnels de santé.
Je ne renvoie pas la réponse à ces questions aux calendes grecques. Comme vous le savez, je les ai déjà posées à la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a engagé un travail important sur ce sujet et qui m’a remis un rapport d’étape vendredi dernier ; elle poursuit ses travaux, qui devraient être achevés à la fin du mois d’octobre. Vous le savez aussi, d’autres travaux sont en cours avec, notamment, la production d’une plate-forme internet d’ici à la fin du mois de septembre qui permettra d’accéder à une information sur ce sujet qui soit plus fiable et plus neutre.
Dans ce contexte qui évolue positivement, je ne souhaite pas que la question de la clause de conscience des médecins soit posée, car on pourrait croire que c’est la seule question qui mérite d’être discutée, alors que ce sont assurément les autres points que j’ai évoqués qui doivent être traités.
C’est pourquoi le Gouvernement exprime un avis défavorable.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je partage l’analyse d’un phénomène à appréhender d’une façon plus globale. Dans cet hémicycle, à d’autres moments, nous avons interpellé la ministre de la santé sur les fermetures d’hôpitaux de proximité et singulièrement sur celles des centres d’interruption volontaire de grossesse, qui nous préoccupaient.
C’est ainsi que nous souhaitons, par cet amendement, attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que l’accès à l’IVG devient, de plus en plus, un parcours du combattant.
Si des luttes importantes de femmes et de féministes, dans les années 1970, ont permis des avancées réelles, on sait fort bien aussi que, concernant les droits des femmes, ils ne sont jamais acquis une bonne fois pour toutes.
Aujourd’hui, on constate effectivement une régression due à différents facteurs et l’on rencontre, nous semble-t-il, de plus en plus de résistances au niveau du corps médical. C’est un problème qu’il faut traiter et nous maintenons donc notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Au début de l’examen du projet de loi, nous avons évoqué, les uns et les autres, les difficultés d’accès à l’interruption volontaire de grossesse que l’on rencontre aujourd’hui. Je ne reprends pas toutes les raisons qui sont évoquées, car je souscris totalement à ce qui a été dit.
Pour autant, je m’interroge fortement sur la suppression de la clause de conscience pour les médecins, car je ne suis pas du tout sûre qu’elle améliorerait la situation.
Autant il me semble nécessaire qu’un médecin-chef qui met en avant la clause de conscience ait l’obligation d’organiser dans son service l’accueil des interruptions volontaires de grossesse, autant je pense très sincèrement – d’autant plus que j’ai endormi beaucoup de patientes pour des interruptions volontaires de grossesse sans avoir évoqué la clause de conscience – que l’on touche à l’exercice fondamental de ce métier en supprimant cette clause.
Je ne pense pas que l’on puisse obliger un médecin qui soulève la clause de conscience à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse. En revanche, il faut exiger que cette personne n’exerce pas de droit d’entrave ni ne tienne de discours moralisateur absolument inadmissible. C’est pourquoi aborder le problème de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse par le biais de la suppression de la clause de conscience ne me semble pas une bonne solution.
M. André Reichardt. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Si j’entends ce qui est dit sur l’attachement à la clause de conscience, j’observe que l’on parle aujourd’hui de plus en plus de la laïcité et de la place qu’elle doit tenir, en particulier dans les lieux publics. Or je crois que, lorsqu’on rentre à l’hôpital public, les clauses de conscience ne devraient pas pouvoir être invoquées uniquement par les médecins, et jamais par les patientes ou les patients.
Selon moi, une réflexion générale s’impose. Nous devons nous interroger sur l’image que nous renvoyons à l’ensemble des patients qui rentrent dans un hôpital public – ce type de questionnement se rencontre dans tous les lieux publics – lorsque nous autorisons la clause de conscience pour le médecin. Nous maintenons notre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 144 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS VISANT À METTRE EN ŒUVRE L’OBJECTIF CONSTITUTIONNEL DE PARITÉ
Chapitre Ier
Dispositions relatives au financement des partis et groupements politiques et aux candidatures pour les scrutins nationaux
Article additionnel avant l’article 18
M. le président. L’amendement n° 146 rectifié, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 18
I. - Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, favorisent l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et leur égal accès à la création et la production culturelle, artistique, intellectuelle et patrimoniale ainsi qu’à leur diffusion.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre Ier A
Dispositions relatives à l’égalité dans le domaine de la création, de la production culturelle, intellectuelle et patrimoniale.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. La rédaction de cet amendement, qui a été rectifié pour mieux s’inscrire dans ce projet de loi, a été inspirée par la loi-cadre espagnole relative à la représentation des femmes dans le milieu de la culture. Elle a également fait l’objet d’un travail avec les associations – je pense notamment aux différents collectifs H/F pour la culture.
Il nous paraissait en effet essentiel d’introduire le terme de culture dans ce projet de loi. Dans mon intervention générale, j’ai dit que la question de l’égalité devait toucher l’ensemble des champs de la société, y compris la culture. Nous souhaitions donc présenter des propositions concrètes, comme l’ont annoncé d’autres intervenants.
Le rapport de la délégation aux droits des femmes présenté par Brigitte Gonthier-Maurin, dont nous aurons l’occasion de débattre dans quelques semaines dans cet hémicycle, montre qu’il existe aujourd’hui de grandes disparités dans le milieu de la culture, où l’on imagine souvent que les artistes seraient égaux par nature ! Je pense évidemment aux deux rapports remis au ministère de la culture par Reine Prat. Ils avaient mis le feu aux poudres en révélant les inégalités flagrantes et consternantes rencontrées dans le domaine de la culture, des constats similaires pouvant malheureusement être faits aujourd’hui.
On est donc en droit de se poser la question : où sont aujourd’hui les metteuses en scène, les chorégraphes, les auteures, les cheffes d’orchestre, les compositrices, les directrices de grandes compagnies ? C’est bien en France qu’il est quasiment impossible pour une femme d’être recrutée comme première soliste dans un orchestre, sauf à être auditionnée derrière un paravent... À titre d’exemple, les trois femmes cheffes d’orchestre françaises ont créé leurs propres orchestres, faute d’être programmées !
Ainsi, il est nécessaire d’orienter l’action publique vers un objectif d’égal accès des femmes et des hommes à la production culturelle et artistique. Cet amendement a donc vocation à ouvrir ce chantier et à fixer les grandes orientations à suivre afin de pouvoir, y compris dans le domaine de la culture, chausser les lunettes de l’égalité.
Comme vous le rappeliez, madame la ministre, en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, rien ne justifie que le secteur de la création soit exonéré de cette exigence républicaine. Le talent n’a pas de sexe, la démocratie non plus ! Alors, j’appelle à un peu d’audace et de confiance pour que, dans ce champ-là, les choses évoluent également !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Le texte de cet amendement a effectivement été rectifié après le passage en commission, mais il semble encore trop peu normatif et trop flou pour figurer efficacement dans un texte de loi. Tel qu’il est rédigé, cet amendement me paraît satisfait par les objectifs énoncés à l’article 1er de ce projet de loi. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour dire les choses simplement, je suis très heureuse que l’on inscrive l’égalité pour l’accès à la culture dans la loi et je suis donc favorable à cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 18.
Article 18
I. – L’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi modifié :
1° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il prouve qu’il n’a pas entendu présenter un candidat à l’élection des députés, un parti ou groupement politique peut s’opposer, selon des modalités déterminées par décret, au rattachement de ce candidat. Ce candidat est alors déclaré n’être rattaché à aucun parti ou groupement politique en vue de la répartition prévue aux alinéas précédents. » ;
2° Au sixième alinéa, les mots : « bénéficiaires de » sont remplacés par les mots : « éligibles à ».
II. – Après les mots : « pourcentage égal », la fin du premier alinéa de l’article 9-1 de la même loi est ainsi rédigée : « à 150 % de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats sans que cette diminution puisse excéder le montant total de la première fraction de l’aide. »
III (nouveau). – Le présent article est applicable à compter du premier renouvellement général de l’Assemblée nationale suivant la publication de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 188, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu’un candidat s’est rattaché à un parti ou à un groupement politique qui ne l’a pas présenté, il est déclaré n’être rattaché à aucun parti en vue de la répartition prévue aux alinéas précédents. Les modalités d’application du présent alinéa sont précisées par un décret qui prévoit notamment les conditions dans lesquelles les partis et groupements établissent une liste des candidats qu’ils présentent. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous abordons les règles de rattachement des candidats aux partis et groupements politiques.
Le projet de loi, tel que nous vous l’avions présenté initialement, prévoyait de nouvelles règles pour éviter les rattachements non souhaités. En effet, ces derniers n’étaient pas sans conséquences pour les partis qui, alors même qu’ils voulaient respecter la parité, subissaient des rattachements de candidats ne l’ayant pas respectée et s’exposaient donc à acquitter des pénalités financières injustifiées. C’est pourquoi nous avions souhaité que les rattachements des candidats n’ayant pas été présentés par un parti ou un groupement ne soient plus pris en compte.
La commission des lois du Sénat a préféré maintenir un dispositif de libre rattachement des candidats et prévoir que celui-ci puisse être contesté a posteriori par les partis sur la base d’indices objectifs.
Si je comprends bien l’objectif de cette modification, qui vise à éviter des rattachements de façade, celle-ci soulève malgré tout plusieurs difficultés. Ainsi, elle prive les partis du contrôle sur les candidats qui se rattachent ou non à eux et elle laisse un pouvoir d’appréciation au ministère de l’intérieur, ce qui, au vu de la nécessaire impartialité de l’État, ne me semble pas non plus souhaitable.
C’est pourquoi, dans un but de simplification et de cohérence avec les objectifs fixés, je vous propose de revenir au texte initial du Gouvernement qui, avant tout, a vocation à préserver l’objectif de parité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Il s’agit d’un amendement du Gouvernement revenant sur la position de la commission qui n’a pu, par conséquent, le réexaminer. Je pense cependant que celle-ci doit maintenir sa position pour les raisons suivantes.
Le constat est partagé : la législation actuelle permet à des candidats de se rattacher à un parti qui peut avoir présenté des candidates officielles – donc avoir fait des efforts pour la parité –, puis voir ainsi ses efforts ruinés par des candidats dissidents – souvent des hommes dans les cas qui nous préoccupent – dont le rattachement lui vaut des sanctions ou des pénalités financières. Cette situation n’est donc pas satisfaisante.
Le Gouvernement adopte un point de vue contraire à celui de la commission, en laissant le parti décider seul. Mais des détournements redeviennent alors possibles par un phénomène inverse : le parti présentera puis rattachera des candidates, tout en laissant des candidats dissidents se présenter avec la perspective de les rattacher, et la parité, au final, ne s’en trouvera pas mieux, sans que personne puisse contester le rattachement éventuel du candidat ou de la candidate. La proposition du Gouvernement ne me semble pas meilleure que celle de la commission, si l’on s’attache au fait qu’une seule des deux parties de ce dialogue endosse toute la responsabilité – pour dire les choses gentiment.
C’est pourquoi la commission propose que les candidats se rattachent librement, mais que le parti ait la possibilité de contester ce rattachement sur la base d’éléments objectifs qui peuvent être très simples : utilisation du logo, financement de la campagne et tous autres indices fiables, permettant a posteriori de corriger ou non les pénalités financières devant être appliquées au parti, car tel est finalement l’enjeu de cet article.
Le fait que l’État intervienne ne me paraît pas gênant ; il me paraît plus gênant que le parti soit juge et partie en désignant, seul, des candidats sans contestation possible. L’État n’intervient pas dans le scrutin, mais seulement a posteriori, pour examiner des éléments objectifs apportés par le parti afin de confirmer ou d’infirmer le rattachement d’un candidat.
Je demande donc le retrait de cet amendement sur lequel, à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la rapporteur, vous voyez bien que les contestations risquent de se multiplier et de déboucher sur de nombreux contentieux, ce que nous souhaitons tout de même éviter.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur. Le droit français est soumis au principe du contradictoire et il permet ici un contentieux, qui n’ira pas très loin, car les éléments objectifs à produire sont simples…
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Je veux simplement exprimer mon doute sur le choix de la commission, car la formule proposée par le Gouvernement me paraît plus lisible et plus simple.
Le rattachement est logiquement sous le contrôle des partis et, selon moi, il est plus simple de leur laisser la responsabilité de composer ces listes et d’y rattacher qui ils veulent, plutôt que d’inverser la charge de la preuve, comme le fait le texte de la commission.
À titre personnel, je ne suivrai donc pas la position de la commission.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 138, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. - Le premier alinéa de l’article 9-1 de la même loi est complété par les mots : « ce parti ou ce groupement politique ne peut bénéficier de l’aide publique au titre de la première fraction »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’amendement n° 138 reprend en grande partie une proposition de loi déposée par Bruno Le Roux, Jean-Marc Ayrault et Élisabeth Guigou à l’Assemblée nationale en 2010, visant à supprimer tout financement au titre de la première fraction pour les partis qui ne présenteraient pas autant d’hommes que de femmes aux élections législatives. Alors que les règles de parité sont respectées sur les scrutins de liste, il est inenvisageable aujourd’hui de tolérer que des partis favorisent encore les candidatures masculines lors des élections législatives.
Les sanctions actuelles restent beaucoup trop faibles et les grands partis, notamment, préfèrent subir les sanctions financières plutôt que de présenter des candidats de manière paritaire. Si cet amendement était adopté, la présentation déséquilibrée de candidats deviendrait donc trop contraignante financièrement et la parité deviendrait ainsi une réalité lors des élections législatives.
M. le président. L’amendement n° 139, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le pourcentage :
150 %
par le pourcentage :
200 %
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit d’un amendement de repli qui vise, en la réduisant quelque peu, à maintenir la sanction portant sur la première fraction du financement pour éviter que les partis ne recourent au paiement de l’amende plutôt que de présenter des candidatures à parité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable au titre du respect du principe de proportionnalité. La violation de ce principe semble évidente dans le premier des amendements et nous paraît importante dans le second.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission. Il faut veiller, en effet, à la proportionnalité de la sanction. Supprimer tout financement public au titre de la première fraction aux partis politiques qui ne respecteraient pas les règles de parité serait problématique.
C’est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas engagés sur cette voie, mais vers une modulation du montant de l’aide publique. Ce faisant, nous avons respecté les décisions du Conseil constitutionnel, notamment celle du 30 mai 2000 sur la loi favorisant l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, selon lesquelles le dispositif instauré ne doit pas revêtir le caractère d’une sanction, mais celui d’une modulation de l’aide publique à caractère incitatif.
Tels sont les principes que nous avons respectés. Je tiens toutefois à souligner que la modulation que nous introduisons, assez importante, devrait se révéler bien plus dissuasive que l’actuelle. Avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 140, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article 9-1 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’écart entre le nombre de parlementaires de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou groupement dépasse 10 % du nombre total de ces parlementaires, le parti ou groupement n’est pas éligible à l’aide au titre de la seconde fraction. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Après la première fraction du financement public, nous nous attaquons à la seconde.
Les sanctions financières pour non-respect de la parité aux élections législatives s’appliquent aujourd’hui uniquement sur la première fraction du financement public. Or ces sanctions sont largement compensées par le financement des partis au titre de la seconde fraction, notamment pour les plus grands. Ainsi, la seconde fraction permet de compenser une partie de la minoration de la première fraction encourue pour non-respect de la parité.
S’il n’est pas possible de prévoir exactement quels candidats seront élus ou non – car je sens que cet argument me sera opposé –, les partis peuvent cependant veiller à ce que les femmes ne soient pas systématiquement investies dans des circonscriptions où elles sont données a priori perdantes, car telle est la réalité de la vie politique.
Une marge d’appréciation de 10 % paraît donc tout à fait raisonnable et contraindra les partis à faire élire autant de parlementaires de sexe masculin que de parlementaires de sexe féminin. À l’heure des tableaux Excel, que maîtrisent tous les secrétariats aux élections des partis politiques, il doit leur être possible de jouer avec cette marge de 10 %.