M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, sur l’article.

M. Christian Cambon. Madame la ministre, je souhaite revenir sur cette affaire du « fait maison », qui secoue beaucoup la profession.

Votre texte a le mérite d’aborder le problème de la qualité de la restauration sous l’angle d’une meilleure information du consommateur.

Pourtant, il n’apporte qu’une réponse partielle et bien éloignée des attentes des professionnels, comme mon collègue Antoine Lefèvre vient de le souligner.

On est en effet, dans ce secteur, en plein paradoxe. La restauration française est, certes, un fleuron pour l’image de marque de la France. Le prestige de ses tables étoilées et la qualité de sa gastronomie y ont largement contribué. Cela vient d’être rappelé, le « repas gastronomique » français a été officiellement reconnu par l’UNESCO, dans le cadre du patrimoine culturel immatériel.

Et pourtant, dans le même temps, des milliers de restaurants ne pratiquent plus que le réchauffage, qui, comme son nom l’indique, consiste à décongeler des surgelés, à réchauffer des plats sous vide ou des conserves alimentaires.

Dans d’autres restaurants, on pratique simplement l’assemblage : sur une même assiette, on sert aux clients des produits qui n’ont pas été élaborés sur place ou qui l’ont été très partiellement.

Par chance, d’autres, enfin, pratiquent la cuisine « maison ». Ces véritables artisans respectent nos savoir-faire traditionnels et proposent des repas préparés entièrement sur place, à base de produits bruts. Ils utilisent souvent des produits issus de l’agriculture locale, de nos terroirs ou de nos marchés d’intérêt national, garantie de fraîcheur et de qualité.

Or les consommateurs recherchent de plus en plus la transparence sur l’origine, la composition et la qualité gustative des produits qu’ils consomment dans les restaurants.

Les récents scandales alimentaires n’ont fait qu’accroître leur méfiance. En réponse, les professionnels ont multiplié les labels de toutes sortes. Malheureusement, cela n’a pas eu pour conséquence de mieux informer le client.

Hélas ! cela vient d’être dit, votre texte ne répond vraiment pas à cette attente. Aux dires des professionnels eux-mêmes, signaler la mention « fait maison » n’est pas applicable et, surtout, ce sera incontrôlable.

Après cette mention viendra peut-être un jour celle des plats allergènes, comme certaines associations commencent à le demander. Nos cartes de restaurant finiront ainsi par ressembler à une ordonnance médicale !

Il faut donc que le législateur propose une solution qui valorise vraiment le métier de cuisinier. C’est le sens de la proposition de loi que j’ai déposée le 18 avril 2013 et qui a déjà été signée par plus de soixante de nos collègues. Elle porte création d’une appellation « artisan restaurateur », lequel s’engagera à cuisiner sur place avec des produits bruts, n’ayant jamais été travaillés en amont. Plusieurs collègues ont déposé des amendements allant dans le même sens.

Madame la ministre, il faut vraiment avoir le courage d’une mesure forte. En effet, vous le savez, les recettes de ce secteur sont en baisse, alors même que le Gouvernement va les pénaliser un peu plus en portant le taux de TVA de 7 % à 10 % dès le 1er janvier 2014. (Exclamations sur certaines travées de l'UMP.)

Alors, il faut soutenir l’action courageuse de ces restaurateurs qui cuisinent eux-mêmes, et cela sans stigmatiser les autres modes de restauration, qui ont aussi leur rôle à jouer.

En donnant à ces restaurateurs l’appellation d’artisan, ce que le dictionnaire définit celui qui « travaille de ses mains », vous leur apporterez une aide aussi décisive que celle qui sauva les artisans boulangers. Vous aurez, surtout, madame la ministre, le mérite de revaloriser ces métiers de bouche, créateurs d’emplois, et de redonner ses lettres d’or à un secteur qui contribue au rayonnement de la France.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, rapporteur.

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Toute une série d’amendements porte sur ce thème et je souhaite exposer ma position générale sur cette question.

Quel est l’objectif du label « fait maison » ? Il n’est aucunement de stigmatiser un type de restauration au profit d’un autre. Nous avons en France une restauration diversifiée, et c’est tant mieux ! Chaque type de restaurant, outre qu’il représente un grand nombre d’emplois, correspond aussi à un besoin particulier des consommateurs en termes d’attente et de pouvoir d’achat.

Les grandes chaînes de restauration, de plats préparés et semi-préparés d’origine industrielle ont donc toute leur place dans ce paysage.

Pourquoi ce label « fait maison » ? Parce qu’il existe aujourd’hui une demande forte des consommateurs pour connaître plus précisément l’origine et le mode d’élaboration des plats qu’ils consomment au restaurant.

En effet, les choses ne sont pas assez claires. D’un côté, il y a des restaurants dans lesquels le consommateur sait qu’il consomme du « fait maison ». C’est le cas, en particulier, des restaurants qui bénéficient du titre de « maître restaurateur ». De l’autre côté, il y a des restaurants dans lesquels le consommateur sait – ou présume très fortement – qu’il consomme de la cuisine de type industriel.

Entre ces deux ensembles, il existe une zone grise avec des restaurants qui proposent une carte mixte, comportant à la fois des plats artisanaux et des plats industriels ou semi-industriels sans qu’il soit possible de les distinguer aisément les uns des autres. C’est à cette confusion que le label « fait maison » entend apporter une réponse.

Les Français n’ont rien contre la cuisine industrielle, je le répète, mais ils ne veulent pas qu’on leur fasse manger de l’industriel quand ils croient manger de la cuisine artisanale. Ils ne veulent pas non plus payer de l’industriel au prix de l’artisanal. Permettre de distinguer l’un de l’autre correspond tout simplement à cet impératif d’une information claire et loyale des consommateurs, information qui, aujourd’hui, n’existe pas. Actuellement, un restaurateur peut écrire « fait maison » sur sa carte. Comme le label n’est défini par aucune norme, il ne peut être contrôlé et cela n’apporte donc aucune garantie au consommateur.

J’ai auditionné les professionnels. Ils disent que le « fait maison » peut être défini sans créer une usine à gaz réglementaire. Cela peut se faire par une discussion entre eux et l’administration.

J’ai également entendu la ministre et ses services. Ils disent que le contrôle de ce label est possible et qu’il est même relativement simple à effectuer. Il suffit de contrôler les factures d’approvisionnement pour se rendre compte assez vite si le restaurant triche avec le « fait maison ».

Je suis donc pour la création de ce label, qui est à la fois souhaitable et possible en pratique. Il reste à savoir si son utilisation doit être facultative ou obligatoire. Les députés l’ont rendue obligatoire, en première lecture. Certains d’entre vous voudraient revenir en arrière. J’estime que ce retour est contraire aux intérêts des consommateurs, qui ont droit à une information claire et loyale. J’estime aussi que ce retour en arrière serait mauvais pour la filière de la restauration traditionnelle, car les restaurateurs de type artisanal ont besoin d’une impulsion forte pour monter en gamme et pérenniser leur activité.

Voyez les chiffres : depuis trente ans, la restauration rapide et la restauration des grandes chaînes se développent fortement, alors que la restauration traditionnelle connaît de grandes difficultés. Son créneau, son avenir, c’est la qualité. Si l’on n’est pas capable de garantir cette qualité aux yeux des consommateurs, ces difficultés vont continuer de s’aggraver.

Rendre obligatoire la mention du « fait maison » est, à mes yeux, la seule façon de résorber la zone grise dont je parlais et de lever le doute sur l’origine des plats servis. Une mention facultative ne suffira pas, en effet, à enclencher une dynamique positive, car les dizaines de milliers de restaurants en France qui présentent sur leur carte à la fois des plats « faits maison » et des plats industriels ne prendront pas d’eux-mêmes le risque de dévaloriser une partie de leur carte. Ils continueront à jouer sur un flou, commode à court terme, mais qui les condamne à long terme.

Le caractère obligatoire de la mention les incitera à monter en gamme et renforcera la confiance des consommateurs à l’égard de toute la filière. Je suis donc clairement favorable à un dispositif obligatoire d’identification pour le consommateur du plat « fait maison ».

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 503, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

II. - En conséquence, alinéa 7

Remplacer la référence :

Art. L. 121–82–2

par la référence :

Art. L. 121–82–1

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Notre groupe n’est pas favorable à la mention « fait maison », qui est selon nous beaucoup trop floue et qui ne pourra pas être contrôlée au regard du nombre d’établissements de restauration en France : près de 200 000.

Il est vrai que, dans ce métier, aucun titre particulier n’est exigé. Pour être coiffeur, il faut un diplôme. En revanche, n’importe qui peut s’installer comme restaurateur. Ce n’est pas tout à fait normal.

La cuisine française, on l’a dit, est capable du meilleur, fort heureusement, grâce à nos grands chefs, hommes ou femmes, mais aussi du pire. Il semble même que cette dernière tendance se développe actuellement.

Nous proposons, en contrepartie, de développer la formation de maître restaurateur et d’apprenti, ce qui permettrait une évolution qualitative de la restauration française. L’État a certainement son rôle à jouer dans ce domaine de la formation dans la restauration.

M. le président. L'amendement n° 313 rectifié, présenté par MM. Revet, Pointereau et Pierre, est ainsi libellé :

1° Alinéa 4

Après les mots :

restauration commerciale

insérer les mots :

qu’il s’agisse de vente sur place, à emporter ou à livrer de plats préparés

2° Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Est considéré comme un produit brut tout produit qui n’a pas subi de transformation de nature à modifier ses caractéristiques organoleptiques.

3° Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce décret précise de façon limitative les produits non bruts pouvant cependant être utilisés pour l’élaboration de plats « faits maison ».

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Le a) du 1° étend l’obligation d’information sur les conditions d’élaboration des plats à toutes les formes de restauration commerciale – ventes de plats à consommer sur place, à emporter ou à livrer –, afin de l’appliquer également aux traiteurs et organisateurs de réceptions.

Le b) du 1° l’étend aux activités de restauration accessoires, ce qui permet de couvrir également les chambres d’hôte et les hôtels qui, parfois, font de la petite restauration.

Le 2° définit précisément la notion de « produit brut », qui n’est pas toujours évidente à saisir.

Le 3° permet aux professionnels d’utiliser un certain nombre de produits non bruts spécifiques, tels que les charcuteries, salaisons ou condiments, pour l’élaboration de plats « faits maison ».

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 343 rectifié est présenté par MM. Lasserre et Tandonnet, Mmes Dini, Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 502 est présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 597 rectifié bis est présenté par MM. Poniatowski et Lefèvre, Mme Lamure, MM. Cambon, Bécot, Pointereau, Houel, Cornu, Leleux, Billard et Milon, Mme Sittler, MM. Ferrand et Delattre, Mme Mélot, M. Revet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Remplacer le mot :

précisent

par les mots :

peuvent préciser

La parole est à M. Henri Tandonnet, pour présenter l’amendement n° 343 rectifié.

M. Henri Tandonnet. Je serai bref sur cet amendement, qui est très important pour nos restaurateurs.

Nous approuvons, bien entendu, la création du label « fait maison ». Cependant, le présent amendement a pour objet de supprimer l’inscription obligatoire de cette mention sur les cartes et les menus des restaurants et de rétablir la simple possibilité proposée par le Gouvernement en première lecture à l’Assemblée nationale, disposition qui semble plus raisonnable.

Si les consommateurs méritent une information claire et transparente, il ne faut pas qu’elle se fasse au détriment de notre diversité gastronomique. Obliger les professionnels à inscrire la mention « fait maison » sur leurs cartes conduirait à dévaloriser les autres plats qui n’en bénéficieraient pas, voire à opposer les entreprises de restauration entre elles. Ce serait négliger le fait que chaque type de restauration correspond à un besoin particulier du consommateur en termes d’attente – moment de détente, événement festif,… – et de pouvoir d’achat.

Par ailleurs, il sera très difficile de faire appliquer cette disposition, compte tenu du nombre d’établissements qui existent dans notre pays. La filière a manifesté son accord pour l’adoption de la mention « fait maison », mais dans la mesure où celle-ci reste facultative. La rendre obligatoire serait source de nombreuses difficultés et infractions, et serait de nature à freiner le travail artisanal, plutôt que de le favoriser.

Nous souhaitons donc en rester à la proposition initiale et rendre cette mention facultative.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 502.

Mme Mireille Schurch. Nous souhaiterions que le label « fait maison », s’il était adopté, devienne facultatif.

Je m’étonne, monsieur le rapporteur ! D’habitude, lorsque nous présentons certains amendements, c’est vous qui les trouvez compliqués à mettre en œuvre. En l’occurrence, je vous souhaite bien du courage, compte tenu des moyens alloués à la DGCCRF, pour faire vérifier dans les 200 000 restaurants français si les plats sont bien « faits maison »…

Par ailleurs, si cette mention était facultative, donc si le restaurateur avait la possibilité, ou non, d’en donner connaissance, cela valoriserait les plats « faits maison ». Le caractère obligatoire, au contraire, risque d’entraîner une dévalorisation des plats ne bénéficiant pas de ce label.

M. Christian Cambon. Évidemment !

Mme Mireille Schurch. Si vous pensez que vous êtes en capacité de mettre en place ce contrôle pour tous les restaurants, alors nous souhaitons donc que cette mention soit facultative, pour les raisons que je viens d’indiquer.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour présenter l'amendement n° 597 rectifié bis.

M. Antoine Lefèvre. J’ai déjà indiqué, lors de mon intervention sur l’article, quel était l’objet de cet amendement.

Je n’ai pas été convaincu par vos propos, monsieur le rapporteur. Vous nous avez indiqué qu’en étudiant les factures, il serait très facile de prouver qu’un plat a été « fait maison ». J’en doute très fortement et je souhaite bien du courage aux agents qui seront appelés à exercer ce contrôle !

Cela me rappelle ce film des années quatre-vingt, Que les gros salaires le doigt !, dans lequel on voyait l’un des personnages, dont le métier était de contrôler des restaurants, qui, pour ce faire, coupait sur place des tranches de foie gras et vérifiait les factures y afférentes.

Pour connaître un peu le secteur de la restauration, il me paraît très compliqué de mettre en place une telle mesure. Je souhaiterais donc que la mention « fait maison » reste facultative.

M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Cambon, G. Bailly, Beaumont, Bécot, Bizet et Buffet, Mmes Bruguière et Cayeux, MM. Cardoux, Carle, César, Cointat, Cléach, Charon, Chauveau, Couderc, Dallier et del Picchia, Mme Des Esgaulx, MM. Doublet, Dufaut, Duvernois, Ferrand et Fouché, Mme Garriaud-Maylam, MM. Gilles, Gournac, Grignon, Grosdidier et Houel, Mme Hummel, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, J. Gautier et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon et Pinton, Mme Procaccia et M. Reichardt, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L’utilisation de produits de substitution dans la préparation des plats doit être mentionnée.

La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Les crises successives qu’a connues le secteur de l’agriculture incitent de plus en plus les consommateurs à rechercher la transparence sur l’origine, les composants et la qualité gustative des produits qu’ils achètent et consomment.

La présence d’additifs ou de produits de substitution dans les denrées alimentaires ne doit pas induire le consommateur en erreur sur le produit consommé dans les restaurants ou en vente à emporter. Or de plus en plus de produits de substitution sont utilisés pour assurer des performances économiques au détriment des valeurs gustatives et nutritives.

Savez-vous, mes chers collègues, que, dans huit pizzas sur dix achetées dans le commerce, le fromage a été purement et simplement remplacé par une préparation dénommée « fromage analogue » ou, plus poétiquement, « lygomme » ? (Sourires.) Il s’agit d’une pâte composée de protéines laitières, d’huile de palme, d’exhausteurs de goût, d’amidon et d’arômes. Il est vrai que cela coûte 200 % moins cher qu’un vrai fromage de type mozzarella.

Autres exemples : le jambon peut contenir du plasma et du sirop de blé.

Quant aux steaks hachés, ils peuvent être « complétés » avec des protéines de soja ou de la fibre de bambou.

M. Antoine Lefèvre. Quelle horreur !

M. Christian Cambon. Hélas ! la Commission européenne a autorisé ces produits, sous la condition que la liste des ingrédients soit affichée sur les étiquettes des emballages. Mais lorsqu’un fast food ou un restaurateur vend un plat préparé contenant l’un de ces produits, le consommateur n’a pas la possibilité de vérifier l’étiquette !

Cet amendement vise donc à garantir plus de transparence en obligeant le restaurateur ou l’établissement de vente à emporter à informer le consommateur quant à l’utilisation de produits de substitution dans la préparation des plats qu’il achète.

M. le président. L'amendement n° 676, présenté par MM. Fauconnier et M. Bourquin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les modalités de mise en œuvre de la mention « fait maison », les conditions d'élaboration des plats « faits maison » et celles permettant au consommateur d'identifier les plats« faits maison » et ceux qui ne le sont pas sont précisées par un décret conjoint des ministres chargés du commerce et de la consommation.

La parole est à M. Alain Fauconnier, rapporteur.

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Concernant la qualité et les conditions d’élaboration des plats servis dans les restaurants, la loi doit se contenter de fixer les objectifs et de renvoyer au décret le soin de déterminer les conditions concrètes de signalement de la qualité.

L'objectif est de permettre au consommateur d'identifier avec certitude si le plat qu’il commande est « fait maison » ou bien s’il s’agit d’un plat industriel ou semi-industriel. Pour cela, il faut que l’information sur l’élaboration des plats soit obligatoire. C’est cette obligation que les députés ont imposée en première lecture.

Le présent amendement renvoie clairement au niveau du décret le choix de la forme de l’information délivrée au consommateur et permettant de distinguer les plats « faits maison » de ceux qui ne le sont pas.

Cette information, la forme qu’elle prendra, les logos et les mentions seront choisis par l’administration, après une large concertation avec les professionnels du secteur.

M. le président. L’amendement n° 312 rectifié, présenté par MM. Revet, Pointereau et Pierre, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ne peuvent utiliser les appellations « restaurant », « traiteur », « auberge », « brasserie », « bistrot », « pizzeria », « table d’hôtes » et « crêperie » que les personnes ou entreprises mentionnées au premier alinéa du présent article qui font figurer sur leur carte ou sur tout autre support la mention « fait maison ».

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Cet amendement a pour objectif de créer une incitation pour les professionnels à inscrire sur leurs menus et documents commerciaux l’information sur les conditions d’élaboration de leurs plats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauconnier, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 503 de M. Le Cam, la commission, considérant que la suppression pure et simple de la mention « fait maison » est une erreur, émet un avis défavorable.

J’ajoute que l’objet de l’amendement est contradictoire : d’un côté, il rejette le label « fait maison », et, de l’autre, il reconnaît l’utilité du titre de « Maître restaurateur ». Or, pour prétendre à ce titre de maître restaurateur, il faut proposer une cuisine faite sur place avec des produits bruts, c’est-à-dire une cuisine « faite maison » !

L’amendement n° 313 rectifié vise à préciser dans la loi la définition du « fait maison ».

Cette définition suppose des échanges approfondis entre les professionnels et l’administration. La loi doit fixer les principes, sans entrer dans les menus détails. Il est donc souhaitable de renvoyer cette définition précise au niveau règlementaire.

L’avis est donc également défavorable.

J’en viens aux trois amendements identiques nos 343 rectifié, 502 et 597 rectifié bis.

J’ai longuement expliqué pourquoi j’étais opposé au caractère facultatif de la mention « fait maison ». Nombre de restaurateurs ayant, à court terme, à jouer sur le flou de l’information, ils ne se saisiront pas spontanément d’une mention qui serait seulement facultative.

J’ajoute que le problème du contrôle se poserait dans les mêmes termes si la mention « fait maison » était seulement facultative.

M. Martial Bourquin. Très bien !

M. Alain Fauconnier, rapporteur. C’est un vrai sujet, car, que la mention soit ou non facultative, il faudra exercer des contrôles.

Il est vrai qu’il existe plusieurs milliers d’établissements de restauration. Cela n’empêche pas la DGCCRF – certes, tant bien que mal, malgré les coupes claires qu’ont subies ses effectifs ! – de parvenir à les contrôler, en utilisant des méthodes basées sur des tests. La question du contrôle est donc, me semble-t-il, un faux problème.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

S’agissant de l’amendement n° 79 rectifié, le décret qui définira l’information donnée au consommateur fera évidemment de l’utilisation de produits de substitution un critère clé.

Quand figurera la mention « fait maison », on aura la certitude qu’il n’y aura pas dans le plat de produits de substitution, d’exhausteur de goût, d’ingrédients semi-préparés, etc. Plutôt que de multiplier les informations ponctuelles, je préfère donc la stratégie qui consiste à généraliser autant que possible un label exigeant et facile à comprendre pour le consommateur, ce qui est le cas du label « fait maison ».

L’avis est donc défavorable.

M. Antoine Lefèvre. Ce sera incontrôlable !

M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’amendement n° 312 rectifié va encore plus loin que ce que je souhaitais faire (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.), car il retire à tout établissement le titre de restaurant dès lors qu’il ne sert pas du « fait maison ». C’est peut-être aller un peu loin !

Mme Catherine Procaccia. C’est sans nuance ! (Sourires.)

M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. J’émets le même avis que le rapporteur sur l’amendement n° 503. Il est en effet contradictoire d’affirmer, d’un côté, que le secteur de la restauration doit progresser, évoluer, mieux informer le consommateur, être plus vertueux, et, de l’autre, qu’il ne faut en rien changer la situation actuelle. Ne rien faire, ce serait très grave !

Lors du comité de filière, un certain nombre de propositions émanant des organisations professionnelles ont été développées. Le label « fait maison » est rapidement apparu comme celui qui correspondait le mieux aux attentes à la fois des consommateurs et des professionnels par la simplicité de sa mise en œuvre et la clarté de sa définition : la transformation, sur place, de produits bruts, sans additifs. Des précisions seront apportées par voie réglementaire, car un certain nombre d’exceptions sont à prévoir, notamment pour les fromages ou les charcuteries.

L’effectivité du contrôle est garantie. Les agents de la DGCCRF procèdent déjà à des contrôles des entreprises de restauration. Cependant, s’il leur est aujourd’hui possible de vérifier un certain nombre de mentions, ils ne peuvent s’appuyer sur aucune base légale pour savoir comment s’opèrent la transformation, la réalisation et l’élaboration des plats. La procédure sera aisée : il leur suffira de se rendre dans le restaurant, d’examiner les factures des produits achetés et la composition de ces derniers pour déterminer s’ils ont été transformés ou pas. Ils pourront avoir accès aux différentes pièces de l’établissement et aux réfrigérateurs pour savoir si les produits sont frais, bruts et nécessitent une transformation ou s’ils sont transformés, industriels et issus d’autres entreprises.

Ce dispositif est utile et permettra de réaliser des avancées.

Depuis la première lecture à l’Assemblée nationale, comme beaucoup d’entre vous, j’ai effectué de nombreux déplacements sur le terrain. Tout comme les consommateurs, les professionnels sont satisfaits de cette logique vertueuse.

M. Christian Cambon. Ce n’est pas vrai !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Bien sûr que si !

Mme Michèle André. Elle a raison !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Monsieur le sénateur, sans vouloir polémiquer, j’ai souvent l’occasion de rencontrer les professionnels. Certes, d’autres propositions ont été émises, mais les restaurateurs se sont ralliés à cette mesure, élaborée dans la concertation, qu’ils trouvent intéressante et qui permettra au consommateur de connaître ceux qui transforment et qui cuisinent, sans stigmatiser les autres.

M. Christian Cambon. Ce n’est pas ce qu’ils disent !

Mme Sylvia Pinel, ministre. L’amendement n° 313 rectifié a pour objet une extension du dispositif « fait maison » à la vente à emporter et aux activités de traiteur et d’hôtellerie. Cette extension a déjà été introduite dans le texte issu de la commission des affaires économiques. Je souhaite que la définition des produits bruts soit travaillée en lien avec les professionnels de la restauration dans le cadre du comité de filière, comme nous avons commencé à le faire, afin de prendre en compte toutes les situations et que celles-ci soient précisées par décret.

Je peux d’ores et déjà vous indiquer qu’il s’agira de produits crus ne contenant, notamment à l’occasion de leur conditionnement et du procédé utilisé pour leur conservation, aucun agent, conservateur ou additif alimentaires chimiques. Des exceptions de bon sens seront prévues, je l’ai déjà mentionné, pour des produits dont on s’attend à ce qu’ils soient fabriqués ailleurs, comme le pain ou les fromages, et pour certaines opérations comme la salaison ou la découpe.

Il me semble utile, pour des questions de cohérence et pour éviter des erreurs, faute de concertation suffisante, de renvoyer cette définition et l’ensemble des exceptions à un décret d’application. Les objectifs fixés par les auteurs de cet amendement sont donc déjà largement atteints ou le seront par la voie réglementaire.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

J’en viens aux amendements identiques nos 343 rectifié, 502 et 597 rectifié bis.

La mention « fait maison » vise à qualifier un mode de fabrication des plats sur place. Il s’agit de regagner la confiance des consommateurs sur les composants choisis et les procédés de fabrication. En effet, ceux-ci se préoccupent de plus en plus de l’origine des produits alimentaires qui leur sont proposés. Cela s’explique notamment par le fait que bien des restaurateurs proposent des plats qui ne sont pas confectionnés sur place ou servent des préparations industrielles réchauffées.

Si la qualité de ces préparations n’est pas en cause, il reste nécessaire d’en informer les consommateurs, qui sont en droit d’attendre un autre type de service de la part d’un professionnel de la restauration. Ces pratiques, largement répandues, donnent une mauvaise image du secteur de la restauration traditionnelle française qui est reconnue à l’échelon l’international, qui contribue au rayonnement de la France et qui est un secteur pourvoyeur d’emplois. Il s’agit donc de répondre au besoin d’information des consommateurs, mais aussi de valoriser le travail des professionnels et notre gastronomie, dont l’impact touristique est indéniable.

Dès lors, il faut assurer l’effectivité de cette réforme en la rendant obligatoire. Il est vrai qu’à l’issue du comité de filière le Gouvernement proposait de la rendre facultative. L’Assemblée nationale, qui s’est largement prononcée en faveur de cette mesure, a décidé, après de longs débats, de la rendre obligatoire. Je me rallie à cette idée qui permet de tirer la profession vers le haut.

Cette mention « fait maison » doit pouvoir être contrôlée, vérifiée, mise en œuvre, afin de créer une dynamique vertueuse auprès des professionnels. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

L’amendement n° 79 rectifié tend à prévoir que l’utilisation de produits de substitution dans les plats préparés soit portée à la connaissance du consommateur. L’amélioration de l’information est bien l’objectif du Gouvernement et, en rendant obligatoire la mention « fait maison », monsieur Cambon, il répond à votre préoccupation, puisque les plats préparés à partir de ces produits-là ne pourront pas bénéficier de ce label.

L’objet de l’amendement n° 676 de la commission est de renvoyer à un décret d’application le soin de préciser ce qui n’est pas fait maison. Cela me semble de bon sens, car cela permettra aux restaurateurs de ne pas avoir à indiquer partout sur leur carte ce qui est ou n’est pas fait maison. J’attache beaucoup d’importance à la visibilité et à la clarté des informations délivrées au consommateur. En effet, il ne faudrait pas que les cartes de nos restaurants ressemblent à des ordonnances, comme certains d’entre vous ont pu le craindre.

Une unique mention, figurant par exemple au bas de la carte, permettra aux consommateurs de savoir que les plats qui ne bénéficient pas du label « fait maison » ont été élaborés à partir d’ingrédients ou sont constitués d’éléments qui ont été réalisés ailleurs. La mise en œuvre de cette mention ne doit pas être complexe, car le Gouvernement tient à l’effectivité de ce nouveau dispositif. Ainsi, nous aurons la certitude que les consommateurs, notamment les moins avertis – je pense à nos visiteurs étrangers –, seront clairement informés de l’origine des plats qui leur seront servis.

L’amendement n° 312 rectifié vise à restreindre les appellations « restaurant », « auberge », « traiteur », « brasserie », etc. aux établissements qui font figurer sur leur carte la mention « fait maison ». Si je ne peux qu’approuver la volonté de rendre effectif ce label, cette proposition, qui émane du syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs, le SYNHORCAT, et qui a été abordée lors du comité de filière pour la restauration que j’ai mis en œuvre, ne peut recevoir l’aval du Gouvernement, car elle ne fait pas consensus au sein de la profession.

Tout d’abord, cette proposition est discriminante pour les professionnels qui ont choisi de ne pas travailler uniquement avec des produits bruts, ce qui peut aussi correspondre à l’attente de leurs clients. Elle l’est aussi pour les consommateurs eux-mêmes, qui se verraient privés de l’accès au restaurant, car, le plus souvent, les établissements qui ne transforment pas eux-mêmes leurs produits sont moins chers.

Ensuite, en adoptant cette proposition, il est à craindre que certains types d’établissements soient oubliés, tels les cafés, les relais ou certains établissements qui veulent renforcer leur identité et insister sur leur origine par des intitulés spécifiques. Il est donc impossible d’être exhaustif.

Enfin, cette proposition posera un problème de visibilité aux consommateurs, notamment aux touristes étrangers. Un logo unique et identifiable par tous est donc préférable.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.