M. André Reichardt. Il nous laisse surtout sur notre faim ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici aujourd’hui au terme d’un processus législatif qui s’est inscrit dans une durée longue, en raison notamment de l’alternance de mai 2012. Le contexte qui a environné nos travaux a malheureusement peu évolué puisque notre pays n’a cessé de s’enfoncer dans une crise économique et sociale majeure.
M. Charles Revet. Et il s’enfonce encore !
Mme Valérie Létard. Or la consommation constitue, avec l’investissement, un moteur puissant de notre économie. Ce projet de loi arrive donc à point nommé devant notre assemblée.
Afin de contribuer au retour de la confiance, gage d’une consommation plus dynamique, il doit améliorer la protection des consommateurs, mieux encadrer les nouveaux modes de consommation et se préoccuper des plus fragiles, pour qui l’accès à certains biens et services de première nécessité est de plus en plus difficile.
Dans le même temps, nous savons bien qu’une reprise durable de la croissance repose aussi sur la compétitivité de nos entreprises et leur capacité à investir et à innover. Nous devons donc trouver le point d’équilibre entre davantage de protection pour les consommateurs et un environnement de contraintes réglementaires raisonnables pour les entreprises.
Le groupe UDI-UC a été largement sollicité par l’ensemble des acteurs de terrain. Nous avons beaucoup reçu et écouté. En règle générale, notre regard sur le projet de loi a été bienveillant et constructif, à la recherche de ce point d’équilibre.
C’est ainsi que nous avons été, par exemple, sensibles aux arguments des fédérations du commerce. Nous vous proposerons donc de réajuster le dispositif qui oblige à rembourser une marchandise avant même que le vendeur ne soit parfaitement assuré qu’elle lui a bien été renvoyée, et en bon état.
Nous avons aussi jugé que certaines amendes prévues par le texte présentaient parfois un caractère excessif. Nous vous proposerons notamment de revoir celles qui sont prévues à l’article 10 dans le cas d’une annulation de livraison d’un bien ou de fourniture d’un service. En effet, vouloir punir certains comportements délictueux ne doit pas aboutir à mettre en péril la survie économique d’une entreprise.
De même, concernant le « délai Châtel », il nous a semblé qu’une durée de deux ans était un compromis raisonnable, qu’il fallait maintenir. Le secteur de la vente à distance, très présent dans mon département, m’a alerté sur la manière dont certaines familles au budget serré étalent leurs achats de rentrée ou d’équipement en utilisant ponctuellement une carte d’enseigne et sur la difficulté qu’elles pourraient rencontrer pour la souscrire à nouveau périodiquement. Au départ, j’étais plutôt favorable à un délai d’un an. Cependant, après avoir entendu les arguments exposés et les exemples donnés, nous estimons qu’un laps de temps de deux ans constitue un bon compromis.
Dans le même temps, nous sommes restés très attentifs au consommateur. En effet, notre groupe soutient résolument une autre mesure, qui est un peu le pendant de la précédente : je veux parler du raccourcissement à cinq ans de la durée des plans de redressement personnel pour les personnes surendettées. Pendant la durée du plan, elles n’ont plus que quelques centaines d’euros de reste-à-vivre par mois ; dès lors, cinq ans, c’est déjà bien long pour des familles qui doivent, après avoir fait cet effort, reconstruire un projet de vie pour l’ensemble de leurs enfants, et ce avec des moyens extrêmement réduits. Cinq ans me paraissent suffisants pour leur permettre d’évacuer leurs difficultés financières, de régler bon nombre de problèmes et d’éteindre leurs dettes de consommation.
Bien évidemment, dans cette lutte contre les abus en matière d’octrois de crédits excessifs, la création, à l’article 22 bis, du registre national des crédits est un outil précieux. Il y a plus de dix ans que notre famille politique porte cette demande au Parlement ! Le 26 avril 2012, je déposais encore une proposition de loi à ce sujet, tandis qu’en novembre de la même année une proposition de loi du groupe UDI était rejetée à l’Assemblée nationale.
Toutefois, nous avions alors avancé puisque vous reconnaissiez, monsieur le ministre, que ce fichier positif serait « un moyen concret de lutter contre le surendettement et que le Gouvernement y était désormais favorable » ; vous en apportez d’ailleurs la preuve aujourd’hui.
Je le dirai très simplement : indépendamment des tribulations législatives et politiques de nos demandes, nous nous félicitons que ce dispositif figure dans ce projet de loi. Il s’agit d’une avancée majeure, car les travaux de notre groupe de travail sur le surendettement ont mis en lumière que, au-delà des personnes qui entrent dans une procédure de surendettement, il y a désormais un phénomène plus général de « malendettement », qui traduit la fragilisation financière des classes moyennes. La fuite en avant par le crédit renouvelable n’en est que l’un des révélateurs.
La Banque postale le constate aussi à travers son taux élevé de refus de rachats de crédits. Elle ne donne pas suite à 60 % des dossiers qu’elle reçoit, les emprunteurs qui les déposent étant déjà trop endettés pour qu’un rachat de crédits puisse les aider.
Savoir stopper la spirale du crédit de trop, avant l’incident de paiement, est donc bien devenu une véritable nécessité.
C’est pourquoi notre souci, dans ce débat, est de construire un dispositif simple et efficace. Or il faut bien avouer que, malgré le travail tout à fait pertinent de la commission des affaires économiques et de ses rapporteurs, le texte actuel conduit à s’interroger sur la faisabilité de sa mise en œuvre. Bien sûr, il est incomplet puisqu’il ne recensera pas les crédits immobiliers. Mais c’est un bon début, et rien n’empêche de penser que nous pourrons combler cette lacune ultérieurement.
Ce qui nous inquiète davantage, c’est l’économie même du dispositif de l’article 22 bis, qui nous apparaît encore bien trop complexe pour être rapidement opérationnel. Voilà pourquoi nous avons cherché à l’améliorer.
En introduisant l’article 22 septies, notre commission a justement souhaité apporter une simplification en réduisant à deux le nombre de décrets d’application. Nous nous proposerons de compléter son travail en toilettant l’article 22 bis de tous les autres décrets qui restent apparents dans le texte.
Nous avions prévu de ramener à deux ans, plutôt que trois, le délai de publication des décrets d’application, sachant qu’il faudra ensuite aux établissements de crédit environ deux ans et demi, en moyenne, pour procéder aux ajustements techniques nécessaires et sachant aussi que, bien sûr, tous ces délais s’additionnent. Curieusement, cet amendement est tombé sous le coup de l’article 40. C’est bien dommage, car cette addition de délais, qu’il convient de réduire, ne correspond ni au temps du consommateur ni à celui de la crise. Il nous faut faire en sorte que chaque mois gagné permette un meilleur accompagnement des milliers de ménages qui ont besoin d’être mieux protégés.
Pour accélérer encore l’efficacité immédiate du fichier, nous vous proposerons de reprendre le stock de crédits existants, afin que le registre national dispose d’emblée de l’historique des crédits souscrits. Comment pourrions-nous justifier devant l’opinion et les ménages les plus fragiles qu’il faille attendre encore vingt-quatre ou trente-six mois, le temps de la montée en puissance du fichier ? Aider les personnes en difficulté financière, c’est agir en urgence dans la crise, et non se fixer un objectif à l’horizon de six, huit ou dix ans !
Désormais, monsieur le ministre, nous portons collectivement cette responsabilité. Une fois le « fichier positif » voté, il doit être utile très vite.
Voilà pourquoi nous souhaitons que ce fichier recense aussi tous les rachats de crédits et prenne en compte le montant de tous les crédits renouvelables, y compris les réserves non utilisées : cela permettra d’aider les personnes au bon moment, et non lorsqu’il est déjà trop tard, et de responsabiliser définitivement les établissements de crédit.
Certes, le fichier positif ne sera pas un remède miracle contre toutes les fragilités financières de nos concitoyens. D’autres mesures seront également utiles dans ce combat contre le malendettement et le surendettement. Nous vous en proposerons.
Cependant, l’exemple de la Belgique, l’expérience de la fondation CRESUS et nos auditions au sein du groupe de travail me conduisent à penser que ce répertoire est réalisable techniquement, viable financièrement, respectueux de nos libertés et surtout, ainsi amendé, utile socialement, ce qui est l’essentiel.
Je souhaite que le Sénat soit sensible à nos arguments et que nos amendements puissent être adoptés.
C’est d’ailleurs en fonction du sort réservé aux amendements que l’UDI-UC aura présentés, en particulier sur l’action de groupe, le registre national et le crédit à la consommation, que nous déterminerons notre position sur l’ensemble de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2008, nos concitoyens subissent les effets dévastateurs d’une succession de crises qui ont toutes pour conséquence directe ou indirecte la hausse du chômage et de la précarité, la baisse du pouvoir d’achat et du niveau de vie.
Cette spirale récessive a fortement et durablement affecté notre économie, mais la majorité plurielle et le Gouvernement conjuguent leurs efforts pour restaurer le plus rapidement possible une croissance durable et génératrice d’emplois.
Le projet de loi relatif à la consommation est une pierre supplémentaire de cet édifice. Il ne vise pas seulement à redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens ; il rééquilibrera aussi les relations entre les consommateurs et les professionnels, ainsi que les relations interentreprises.
L’introduction de l’action de groupe dans le droit français, qui figure à l’article 1er, a fait et fera encore couler beaucoup d’encre. Il y a ceux qui y sont opposés, le plus souvent par scepticisme, et ceux qui trouvent que le dispositif ne va pas assez loin.
Les membres du groupe RDSE cosignataires d’une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Plancade déposée le 5 avril dernier souhaiteraient, pour leur part, un dispositif qui soit dès à présent plus large et plus ambitieux. D’où nos amendements.
De notre point de vue, l’action de groupe est nécessaire pour permettre la réparation de dommages de masse et pour favoriser une meilleure régulation économique. Il nous semble urgent de l’introduire non seulement dans le domaine de la consommation et de la concurrence, mais aussi dans celui de la santé. N’en déplaise à nos partenaires écologistes, nous sommes encore réservés pour ce qui concerne l’environnement.
Le Gouvernement a annoncé une action de groupe en matière de santé mais, pour l’instant, aucun texte n’a été présenté. Pourquoi attendre ? Le scandale du Mediator et bien d’autres justifient l’application rapide de l’action de groupe aux produits de santé.
Ces grands scandales sont incompréhensibles pour nos concitoyens, qui ont confiance, à juste titre, dans les mécanismes mis en place aux niveaux national et européen pour les protéger. Pourtant, malgré des règles et des contrôles stricts, de telles affaires sont fréquentes, notamment dans le domaine alimentaire... Celle de la viande de cheval a récemment marqué les esprits.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Robert Tropeano. Elle m’avait conduit à vous interroger, monsieur le ministre, le 11 avril dernier, à l’occasion d’une séance de questions d’actualité, sur les moyens de la DGCCRF.
Les agents de la DGCCRF font un travail aussi essentiel que remarquable. Sans eux, la sécurité des produits, qu’elle soit générale, alimentaire ou sanitaire, ne serait pas garantie. Or cette direction souffre depuis plusieurs années, vous le savez, d’une réduction drastique et inacceptable de ses moyens, alors que les besoins sont de plus en plus importants. Je rappelle les chiffres, qui sont accablants : 560 postes ont été supprimés depuis 2007, ce qui a conduit à une baisse de 13 % du nombre de contrôles effectués sur le terrain. On ne peut pas continuer ainsi !
Ce projet de loi renforce les pouvoirs et élargit encore les missions des agents de la DGCCRF. Ainsi, ceux-ci pourront désormais effectuer des contrôles « mystères ». Les matériaux et objets importés destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires seront davantage contrôlés.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens, mais elles seront dénuées d’efficacité si les moyens de cette administration ne sont pas significativement renforcés. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que le projet de loi de finances pour 2014 tiendrait compte de cette nécessité. J’espère que ce sera le cas, et nous vous y aiderons.
Il est parfois délicat d’arbitrer entre l’intérêt du consommateur et celui des entreprises. Où est l’intérêt de notre économie ?
De nombreux lobbys s’adressent à nous pour nous avertir du risque que fait peser telle ou telle disposition sur le maintien de l’emploi dans un secteur particulier. Pour autant, il nous semble qu’il faut parfois faire des choix clairement favorables aux consommateurs. C’est aussi faire le pari d’une nouvelle économie, plus juste et plus responsable, mais également créatrice d’emplois.
Notre devoir est également de protéger nos concitoyens, notamment les plus vulnérables d’entre eux. C’est l’objectif poursuivi au travers de plusieurs amendements du groupe RDSE.
Nous souhaitons, par exemple, un dispositif véritablement efficace pour lutter contre le démarchage téléphonique, une pratique par laquelle de nombreuses entreprises s’immiscent de manière répétée dans la sphère privée des consommateurs, sans leur accord.
L’article 5 du projet de loi prévoit la création d’une liste d’opposition au démarchage téléphonique. Le dispositif proposé a certes été amélioré par nos deux rapporteurs en commission des affaires économiques. Ils ont notamment renforcé l’information des consommateurs quant à l’existence d’une telle liste et précisé que l’interdiction de contacter les personnes figurant sur celle-ci s’applique également si le démarchage est réalisé depuis l’étranger.
Pour autant, ce dispositif reste insuffisant, car il suppose une démarche volontaire du consommateur, que chacun n’est pas nécessairement en mesure d’effectuer.
En outre, même avec une information renforcée, certains consommateurs continueront d’ignorer l’existence de cette liste. C’est pourquoi nous proposons de reprendre les dispositions de la proposition de loi de plusieurs membres du groupe RDSE qui, déposée sur l’initiative de son président, Jacques Mézard, a été adoptée à l’unanimité par le Sénat, le 28 avril 2011.
Faut-il rappeler que notre collègue Nicole Bonnefoy, déjà rapporteur pour avis du projet de loi Lefebvre, avait repris et fait adopter une seconde fois par la majorité sénatoriale cette disposition en décembre 2011 ?
La liste d’opposition au démarchage existe déjà : il s’agit de Pacitel. Mais, nous le voyons bien, cela ne fonctionne pas. Ce n’est pas en créant une sorte de Pacitel amélioré que nous protégerons mieux les consommateurs. Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à confirmer votre vote de 2011 et à adopter l’amendement n° 118 du RDSE.
Ce projet de loi prône également de nouveaux moyens de consommation et met en œuvre une valorisation accrue des produits de qualité, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
La mention « fait maison » dans la restauration, défendue par la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, permettra aux consommateurs de choisir en toute connaissance de cause le repas pris en dehors de leur domicile.
De la même façon, l’extension des indications géographiques aux produits non alimentaires est une mesure très attendue pour valoriser les produits de qualité de nos territoires et permettre d’y maintenir des activités de tradition.
Enfin, je tiens à apporter mon soutien aux amendements à l’article 62 qui ont été adoptés en commission et qui sont favorables aux viticulteurs.
Cet article est désormais conforme à l’esprit du projet de loi qui vise, rappelons-le, à rééquilibrer les relations commerciales, trop souvent défavorables aux producteurs, et à lutter contre les pratiques abusives ou déloyales. Or c’est bien de cela qu’il s’agit puisque, comme l’a précisé mon collègue et ami Roland Courteau devant notre commission, certains négociants laissent le vin en cuve pendant des mois en attendant une baisse des prix afin de renégocier les contrats. Pourtant, le droit prévoit que l’acheteur doit verser un acompte de 15 % dans les dix jours suivant la vente. Il est actuellement permis de déroger à cette règle, qui figure dans le code rural et de la pêche maritime, par un accord interprofessionnel. Mais de tels accords sont très défavorables aux viticulteurs, qui doivent supporter l’ensemble des coûts de stockage de leur marchandise alors que celle-ci est déjà vendue. C’est pourquoi il est tout à fait justifié de supprimer cette possibilité de dérogation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi a le mérite de constituer un ensemble plutôt cohérent de mesures renforçant les pouvoirs des consommateurs et favorisant le bon fonctionnement de notre économie.
Bien sûr, il reste perfectible sur de nombreux points, et c’est pourquoi nous vous proposerons des amendements qui, je l’espère, emporteront le plus souvent possible l’adhésion de notre Haute Assemblée. Dans ces conditions, le groupe du RDSE apportera alors son entier soutien au texte coproduit par le Gouvernement et le Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je constate avec plaisir que le débat est ouvert. La majorité soutient ce texte, ce qui est la moindre des choses, tandis que la plupart des autres groupes ont déclaré qu’ils se détermineraient à l’issue de la discussion. Telle est bien la finalité du travail parlementaire !
M. Charles Revet. Cela dépend de vous !
M. Richard Yung. C’est un dialogue, mon cher collègue !
J’insisterai sur deux points : la mise en place d’une action de groupe, qui est la mesure phare de ce projet de loi, et la création des indications géographiques à vocation industrielle, dont on parle moins mais qui mérite d’être évoquée.
En ce qui concerne l’instauration de l’action de groupe, je tiens à souligner l’importance et la rapidité de l’action du Gouvernement, la discussion du présent texte intervenant un peu plus d’un an après votre prise de fonctions, monsieur le ministre. Sans vouloir polémiquer, je relèverai que les gouvernements précédents ont mis plus de dix ans pour ne pas aboutir sur cette question !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Ladislas Poniatowski. C’est bien parti…
M. Richard Yung. Je me rappelle ce tango argentin permanent, mené tour à tour par MM. Chirac, Chatel et Lefebvre. Quel était le fond du problème ? Le MEDEF était –et il est toujours – contre l’action de groupe.
Mme Gisèle Printz. Eh oui !
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. François Calvet. Le MEDEF n’a pas tort !
M. Richard Yung. La discussion montrera peut-être qu’il a tort ; à mon avis, c’est bien le cas !
J’ai eu plusieurs fois l’occasion de m’en expliquer avec des responsables du MEDEF : les garanties figurant dans le texte présenté par le Gouvernement font que l’action de groupe, telle qu’elle est conçue ici, ne constituera en aucun cas un danger pour les entreprises.
M. François Calvet. On verra !
M. Richard Yung. Une action de groupe existe dans la plupart des grandes économies européennes.
M. François Calvet. Ce n’est pas la même !
M. Richard Yung. Que je sache, l’économie néerlandaise ne s’est pas effondrée à la suite de la création de l’action de groupe !
Le MEDEF a une position doctrinaire en la matière.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Richard Yung. Voilà le fond du problème ! Vous nous reprochez souvent d’avoir une attitude doctrinaire, mais je vous retourne cette critique, chers collègues de l’opposition !
Ces atermoiements nous ont fait perdre beaucoup de temps. Nous sommes le dernier grand pays européen à ne pas avoir mis en place une action de groupe.
Mme Lamure nous a offert un florilège des arguments invoqués pour justifier cet attentisme. Ainsi, il faudrait attendre les propositions de la Commission européenne : voilà déjà cinq ans que nous patientons, et il y en a encore pour trois ans ! À trop attendre, nous arriverons après la revue, tandis que tous les autres pays se seront dotés, pendant ce temps, d’une législation en la matière.
Vous avez également affirmé, madame Lamure, que tous les moyens nécessaires existent déjà en droit français, notamment la représentation conjointe. Or, depuis dix ans que ce dispositif est en vigueur, il n’a été utilisé que dans un seul cas… Quel formidable outil ! Cette démarche est beaucoup trop coûteuse et compliquée : personne ne s’y retrouve, personne ne l’utilise.
Vous avez par ailleurs parlé d’investissement, mais il s’agit ici d’un projet de loi de structure, et non de relance de la consommation ou de politique économique ! Il ne faut pas déplacer le débat sur des terrains qui ne relèvent pas du champ du texte.
Mme Élisabeth Lamure. Il ne faut pas non plus être trop restrictif !
M. Richard Yung. Enfin, je ne relèverai pas vos propos désobligeants sur notre prétendue ignorance de la vie des entreprises. Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer une telle chose ? Auriez-vous le monopole de la représentation des entreprises ?
M. Ladislas Poniatowski. Ce n’est pas le ministre Hamon qui nous répond, c’est le ministre Yung !
M. Richard Yung. En quelque sorte, le MEDEF, c’est vous ! Nous ne polémiquerons pas (Rires.), mais je tenais tout de même à vous répondre !
Ce projet de loi répond à une demande sociale relayée depuis de nombreuses années par les grandes associations de consommateurs. La création d’une action de groupe permettra une mutualisation des coûts et des risques, et constituera une avancée en termes de démocratisation de l’exercice des recours dans le domaine de la consommation.
Le dispositif conçu par le Gouvernement est équilibré et compatible avec notre tradition juridique. Je note qu’il s’inspire largement des nombreux travaux que j’ai menés dans le passé avec nos anciens collègues Nicole Bricq et Laurent Béteille. Le fait que ce dernier appartenait au groupe UMP témoigne de notre ouverture en la matière.
Il faut souligner quelques avancées importantes : la désignation d’une association « chef de file » en cas de concurrence d’actions portant sur les mêmes faits, grâce à l’adoption en commission d’un amendement présenté par Mme Bonnefoy, la réparation en nature du préjudice et la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le professionnel, mesures introduites par le biais de deux amendements défendus à l'Assemblée nationale par M. Hammadi, enfin l’instauration d’une clause de revoyure, disposition sage et intelligente instaurée par un amendement de Mme Pascale Got.
À l’issue de longues discussions, nous avons choisi la voie de l’opt-in, conformément à notre tradition juridique. Ce dispositif renforcera l’effectivité du droit à réparation pour les « petits » litiges.
Je comprends que la définition du champ d’application de la procédure fasse débat. Faut-il le restreindre à la seule consommation ou l’étendre à d’autres domaines ? Il me semble plus sage, plus conforme à notre tradition de le circonscrire à la consommation dans un premier temps, d’autant qu’est prévue une clause de revoyure.
Il a ainsi été envisagé d’étendre le champ de l’action de groupe au domaine de la santé, mais il existe déjà des dispositifs spécifiques d’indemnisation pour les préjudices de masse relevant de ce dernier, notamment le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM. En outre, la santé intéressant le corps même de l’individu, chaque cas est éminemment particulier : l’action de groupe ne paraît pas constituer une voie très appropriée en la matière, même si les scandales récents du Mediator et des prothèses PIP incitent à l’ouverture. À cet égard, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé s’est prononcée en faveur de la création d’une action de groupe dans le domaine de la santé, mais il devrait s’agir d’une procédure spécifique.
Je constate que le choix de réserver l’initiative de l’action de groupe aux seules associations de défense des consommateurs agréées ne fait pas l’unanimité. Je pense pour ma part que cela permettra d’éviter toute dérive procédurière. Nous savons que ces associations, grâce à leur expertise, jouent un rôle éminent dans la défense de l’intérêt collectif et des intérêts individuels des consommateurs.
Nous aurons à faire preuve de pédagogie, car il s’agit ici d’une approche nouvelle en droit français, mais je suis persuadé que ce dispositif connaîtra le succès. J’ajoute que, dans les pays où existe l’action de groupe, on constate que, dans la plupart des cas, les entreprises choisissent de recourir à la médiation : la procédure va très rarement jusqu’à son terme. D’une certaine façon, l’action de groupe a des incidences bénéfiques pour les entreprises, qui se trouvent incitées à améliorer la qualité de leurs produits ou services et à remédier à certains dysfonctionnements.
J’en viens maintenant à la création d’indications géographiques pour les produits non alimentaires.
Force est de constater que si la procédure nationale de protection des appellations d’origine est très efficace pour les produits alimentaires, elle n’est pas adaptée aux produits artisanaux ou industriels.
Cette situation contraint souvent les professionnels concernés à déposer des noms géographiques en tant que marques – je pense notamment à l’exemple de Laguiole –, ce qui n’est pas de bonne pratique, la marque étant un concept commercial. Que des entreprises puissent utiliser les marques pour protéger des appellations d’origine, quelles qu’elles soient, n’est donc pas une bonne chose. Il s’agit là d’une lacune de notre législation ; pour y remédier, le projet de loi prévoit des filtres, qui permettront à l’INPI de saisir l’exécutif de l’aire géographique concernée de toute demande de dépôt d’une marque reprenant la dénomination d’une commune, d’un pays ou d’une région avant de prendre une décision.
Rendre accessible le dispositif de protection des indications géographiques aux produits industriels ou artisanaux me semble une excellente initiative, qui contribuera à la valorisation de nos produits, ainsi qu’à la relocalisation en France de certaines productions. Cela permettra, d’une certaine façon, de promouvoir le made in France.
Je pense que ce dispositif remportera un grand succès. On estime qu’entre quatre-vingt et cent demandes d’indication géographique pour des produits industriels ou artisanaux pourraient être déposées. Cette démarche est conforme à notre culture, à notre tradition.
Cela nous placera en position forte à l’égard tant de la Commission européenne que des Américains, qui utilisent pour leur part un système tout à fait critiquable de marques dites « collectives ». Je pense que la protection que nous allons mettre en place sera très efficace.
Pour toutes ces raisons, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous soumettre ce texte de progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)