Mme la présidente. L'amendement n° 42, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
bénéficiaire
insérer les mots :
et ceux des membres du bureau
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Aux termes de cet amendement, la liste des subventions devra indiquer, pour chacune, non seulement le nom du bénéficiaire, mais également, le cas échéant, le nom des membres du bureau de l’association concernée. Il s'agit de faire en sorte que les subventions soient attribuées à des associations qui sont, au moins en apparence, distinctes d’un parlementaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ces trois amendements tendent à compléter ou à préciser l’article 4 ter, relatif à la publication de l’usage de ce qu’il est convenu d’appeler la réserve parlementaire. Cet article a été adopté à l’unanimité par le Sénat en première lecture. L’Assemblée nationale l’a conservé en nouvelle lecture, se bornant à prévoir que cette publication se ferait en annexe non pas du projet de loi de finances mais du projet de loi de règlement, ce qui paraît logique.
Je vous propose d’en rester là. Il y a eu un vote unanime en faveur de la publication de l’usage de la réserve parlementaire. C’est positif. Je ne crois pas utile d’aller au-delà de ce qui a été voté à la fois par l’Assemblée nationale et par le Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sur le fond, les amendements et l’argumentation de M. Masson ne sont pas à rejeter. La question est de savoir si le Parlement veut que la loi, une fois qu’elle a posé le principe de la publication de l’usage qui est fait de la réserve parlementaire, entre à ce point dans les détails.
Certes, des problèmes de répartition pourront se poser, mais les bureaux des assemblées devront jouer leur rôle. À la limite, le législateur pourrait intervenir si, d’aventure, ils ne le faisaient pas. Il est étonnant que ce soit l’exécutif qui fasse ce rappel !
Avec ces amendements, on s’aventure tout de même sur un terrain un peu difficile pour les assemblées. Le Gouvernement ne le souhaite pas. Il est extrêmement satisfait, puisqu’il était question de transparence, que la décision de prévoir une publication, déjà assez détaillée, de l’affectation de la réserve parlementaire ait été prise collectivement.
S'agissant de l’amendement n° 42, je pense que le mieux est l’ennemi du bien. Je ne suis pas sûr qu’il entre dans le domaine de la loi de préciser que, pour chaque subvention, le nom des membres du bureau des associations concernées devra être indiqué. La composition du bureau des associations est publique. La transparence, cela consiste à dire à quelles associations les fonds de la réserve parlementaire sont attribués. Si quelqu'un veut connaître la composition du bureau d’une association, il lui suffit de se rendre à la préfecture.
J’ajoute que, sur la question de la liberté d’association, le Conseil constitutionnel est, et depuis fort longtemps, extrêmement vigilant.
M. Jean-Jacques Hyest. Sa première vraie décision portait sur ce sujet !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. En effet, et c’est une décision que tous les juristes ont été amenés à étudier.
Je ne suis pas sûr que, si cet amendement était adopté, on ferait plaisir au juge de la défense des libertés, au premier rang desquelles figure la liberté d’association.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. L’argument de notre rapporteur est qu’il ne faut surtout pas modifier ce qu’on a voté en première lecture. C’est quand même un peu court,…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Je le reconnais, ce n’est pas le meilleur argument que l’on puisse avancer !
M. Jean Louis Masson. … d’autant qu’il a fait des pieds et des mains pour que nous modifiions notre vote sur l’article 1er. Maintenant, il nous demande le contraire ! On ne peut pas dire blanc à un moment et noir à un autre ! Il aurait donc été préférable d’invoquer un meilleur argument.
Monsieur le ministre, je vous rappelle que j’ai déposé deux amendements, car votre réponse ne concernait que l’amendement n° 3. Du reste, elle ne m’a pas convaincu et, pour beaucoup d’entre nous, il est souhaitable que la réserve parlementaire soit répartie à égalité entre les parlementaires ; c’est un principe d’équité. Le fait de prévoir que chaque parlementaire est l’égal des autres et que tous les parlementaires sont traités sur un pied d’égalité ne porte tout de même pas atteinte au Parlement !
Sur l’amendement n° 4, monsieur le ministre, vous ne m’avez donc pas répondu. Il ne s’agit pas du tout d’encadrer la réserve parlementaire, mais d’éviter que certains domaines ne restent en dehors du principe de publication de la réserve parlementaire. Cet amendement vise à faire en sorte que tout ce qui relève de la réserve parlementaire soit publié, car, en l’état actuel du texte, un certain nombre de structures peuvent passer entre les gouttes. Cette disposition ne porterait nullement atteinte à la marge de manœuvre du Parlement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Masson, pour être clair et transparent – c’est le moment ou jamais ! –, je crois comprendre que vous évoquez la réserve parlementaire qui ne transite pas par les parlementaires…
M. Jean Louis Masson. Non, il s'agit d’autre chose. Nous avons débattu de cette question en première lecture : le représentant du Gouvernement avait évoqué le cas de certaines réserves parlementaires qui, sur la proposition de tel ou tel ambassadeur, ont été affectées dans tel ou tel pays pour financer diverses actions. J’en appelle à tous mes collègues présents en première lecture. Trois ou quatre sénateurs sont intervenus pour dire que ce problème se posait, et qu’il ne fallait pas l’oublier. Le Gouvernement doit être cohérent avec lui-même !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce n’est pas ce que j’avais compris, mais votre précision me permet de simplifier ma réponse. Je m’inscris en faux : je pense qu’aucun ministre n’a pu expliquer qu’on avait utilisé la réserve parlementaire pour financer des structures dans des pays étrangers.
M. Gérard Longuet. Mais si ! Cela concerne, par exemple, les lycées français à l’étranger !
M. Jean-Claude Lenoir. Ou les alliances françaises !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Les alliances françaises, c’est différent, vous le savez bien !
Je peux même vous dire autre chose, si vous voulez aller jusqu’au bout de cette protestation.
M. Jean Louis Masson. Ce n’est pas une protestation !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sous l’ancienne majorité, vous avez demandé chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, que les améliorations dont vous n’aviez pas obtenu le financement par le budget des anciens combattants – je pense notamment à l’augmentation de la rente mutualiste –, soient financées par un prélèvement sur la réserve parlementaire. C’était en quelque sorte un moyen d’adaptation et, à cet égard, la transparence était totale puisque la décision figurait dans la déclaration budgétaire. Pour justifier cette pratique, on avançait l’idée que, au fond, ces sommes étaient utilisées collectivement.
Vous avez soulevé une autre question, qui a sa place dans ce débat, et je veux donc vous donner une indication à son sujet.
Il y a une réserve parlementaire qui est dite « présidentielle » parce que, gérée jusqu’en 2007par le ministère de l’intérieur, elle a ensuite été placée, si j’ai bien compris, sous la tutelle de l’Élysée.
La transparence, qui s’impose dorénavant de par une décision de justice et le vote probable de ces dispositions sur la réserve parlementaire stricto sensu, devra naturellement s’imposer globalement à l’autre enveloppe, de manière que tout soit publié. On ne peut pas l’inscrire dans ce texte, car c’est assez compliqué sur le plan législatif. On en parlera probablement au moment de la discussion de la loi de finances, mais je précise que, évidemment, la démarche du Gouvernement est globale et concerne tant la réserve parlementaire que l’ensemble des subventions exceptionnelles. Aucune raison ne peut justifier qu’il y ait la moindre opacité sur ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Sur la réserve parlementaire, il y a quand même eu une évolution depuis le changement de majorité.
M. Jean-Claude Lenoir. Elle a diminué !
M. Jean Desessard. Lorsque je suis arrivé en 2004, on ne savait jamais combien on allait obtenir au titre de la réserve parlementaire. J’ai préparé des dossiers portant sur 15 000 euros, sur 20 000 euros, avant d’apprendre que certains de mes collègues, qui avaient sans doute plus d’entregent au Sénat, bénéficiaient de sommes très importantes.
Je le répète, il y a eu, de la part de la majorité sénatoriale actuelle, une remise à niveau dans le sens de l’égalité puisque chaque sénateur dispose maintenant du même montant à attribuer. Il y a donc déjà eu un souci de transparence.
M. Jean Louis Masson. Non !
M. Jean Desessard. Ah si ! L’évolution a même été considérable. Il peut toujours y avoir, à la marge, quelques nuances, mais la situation actuelle n’a rien à voir avec celle qui prévalait à mon arrivée au Sénat ! Nous sommes parvenus à instaurer la transparence vis-à-vis des parlementaires.
Nous en sommes maintenant à la seconde phase, qui doit aboutir à la transparence à l’égard de l’ensemble des citoyens. Il est tout à fait normal que les Français connaissent la destination des fonds publics et ce à quoi chaque parlementaire accorde de l’importance au travers des projets ou des actions qu’il défend.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne peux pas laisser dire que les choses n’ont changé qu’avec l’actuelle majorité sénatoriale.
Monsieur Desessard, soyons précis : les règles de transparence ont été fixées à l’époque du précédent président.
M. Jean Desessard. Certes, il y avait eu une légère évolution !
M. Jean-Jacques Hyest. Si votre groupe n’est ni démocratique ni égalitaire, c’est votre problème, pas le nôtre !
Mme Hélène Lipietz. Mais il est très égalitaire !
M. Jean Desessard. Personne n’avait 3 millions d’euros dans notre groupe !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je comprends la volonté de notre collègue Jean Louis Masson de clarifier complètement les choses, mais, à trop vouloir durcir les règles, on risque de tout complexifier.
Par ailleurs, je suis étonné de ce que vient de dire notre collègue Jean Desessard, pour qui j’ai au demeurant beaucoup de respect et d’amitié. La réserve parlementaire ne doit pas toujours faire l’objet de suspicions. En effet, la plupart des parlementaires l’utilisent à bon escient. De surcroît, elle a toujours été parfaitement encadrée, hier comme aujourd’hui.
J’ouvre une parenthèse : personnellement, je n’ai appris qu’il y a très peu de temps que la réserve parlementaire pouvait être utilisée aussi pour les associations ; je ne l’utilisais que pour les communes, surtout les petites, ou pour les petites intercommunalités.
Je referme la parenthèse pour dire que les différents services du ministère de l’intérieur ont toujours géré ces fonds en toute transparence. D’expérience, je sais que les dossiers ne sont pas préparés n’importe comment. Ils sont destinés à abonder des investissements souvent portés par des petites communes. Lors de la première lecture, beaucoup de collègues ont témoigné qu’ils utilisaient la réserve pour aider des petits projets d’investissement portés par des petites collectivités aux moyens financiers très limités. Je le répète, tout est parfaitement clarifié au niveau du ministère de l’intérieur, auquel nous devons fournir les devis et les délibérations des conseils municipaux.
J’ajoute que ces subventions correspondent à des travaux qui sont confiés à des entreprises ou à des artisans locaux. Il s’agit donc aussi d’une aide non négligeable pour l’économie locale.
Pour moi, franchement, il n’y a ni doute ni suspicion. M. le rapporteur a rappelé tout à l’heure que tout était très organisé. En revanche, je suis assez réservé et sceptique sur la publication d’une liste : qui cela va-t-il intéresser ? Quand on parle de la réserve parlementaire, je ne suis pas sûr que les simples conseillers municipaux des communes aidées sachent de quoi il en retourne. Au fond, c’est un peu la même chose que pour la dotation d’équipement des territoires ruraux, qui est attribuée par les préfets et sous-préfets, donc par l’État, en application de la loi de finances : souvent, on constate une méconnaissance complète du fonctionnement des institutions ; les citoyens ne savent pas forcément que le ministère de l’intérieur aide directement l’ensemble des collectivités territoriales.
Je veux bien être pour la transparence, mais il faut rester réaliste !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mes chers collègues, je ne voudrais pas que ce débat fasse passer au second plan la très importante déclaration que vient de faire M. Vidalies.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. M. le ministre vient en effet de dire quelque chose que je n’ai jamais entendu auparavant, ni au Sénat ni à l’Assemblée nationale, à savoir que les dotations des différents ministères qui, quel que soit le nom qu’elles portent, sont attribuées, à titre exceptionnel ou pas, aux collectivités ou aux associations seraient rendues publiques.
Monsieur le ministre, je tiens à saluer cette déclaration…
M. Gérard Longuet. Faite tardivement et à notre demande !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. … car, monsieur Longuet, après un premier pas fait avec ce que l’on appelle la réserve parlementaire, un second pas sera ainsi fait par le Gouvernement. C’est très bien ! Tout cela va dans le sens du progrès démocratique !
Mme Hélène Lipietz. Madame la présidente, M. le ministre m’ayant convaincu, je retire l’amendement n° 42 !
Mme la présidente. L’amendement n° 42 est retiré.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4 ter.
(L'article 4 ter est adopté.)
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Articles 6, 7 et 7 bis
(Conformes)
Article 8
Pour l’application de la présente loi, les références à la législation et à la réglementation fiscales s’entendent, dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, comme visant la législation et la réglementation applicables localement.
L’administration fiscale compétente localement dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie peut être sollicitée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans les mêmes conditions que l’administration fiscale compétente au niveau national.
Chacune des personnes concernées par les articles 6 à 7 bis de la présente loi organique établit une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts suivant les modalités prévues aux articles 3 et 10 de la loi n° … du … relative à la transparence de la vie publique, au plus tard le 1er juin 2014 – (Adopté.)
Mme la présidente. Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique, la parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Comme l’a indiqué notre présidente, Éliane Assassi, lors de la discussion générale, le groupe CRC votera ce texte, qui marque un vrai progrès en matière de transparence et de démocratie.
Nous sommes dans une période où beaucoup de nos concitoyens marquent leur défiance à l’égard des élus : un fossé s’est creusé, et pas seulement depuis l’affaire Cahuzac. J’ai à l’esprit d’autres affaires qui, malheureusement, ont contribué à créer cette situation ; je pense au financement des campagnes présidentielles, dont on parle beaucoup actuellement, ou à l’arbitrage rendu dans l’affaire Tapie.
Bien sûr, le moyen le plus efficace de réduire cette fracture, au-delà du débat que nous venons d’avoir sur la transparence des patrimoines, serait d’abord de tenir les engagements pris au moment des élections. Cela vaut bien évidemment pour tous les gouvernements, ceux d’hier comme celui d’aujourd’hui.
Par ailleurs, il est bien normal que nos concitoyens puissent aussi avoir connaissance du patrimoine de leurs élus et de son évolution, comme c’est le cas aujourd’hui pour les ministres, sans que cela ait entraîné de problèmes particuliers.
À mon sens, c’est le moyen de montrer que nous ne tirons pas de profits personnels de notre mandat d’élu. Il s’agit d’une bonne chose pour la transparence et la démocratie.
De ce point de vue, il faut faire confiance à l’intelligence de nos concitoyens et nous ne devons pas nous réfugier dans une attitude frileuse, comme certains ont pu s’y laisser aller au cours de nos débats, que ce soit en première lecture ou aujourd’hui. Ce type d’attitude ne peut qu’entraîner et nourrir la défiance des Français.
Nous nous félicitons que nos amendements sur la publication au Journal officiel et sur la mise en place de sanctions en cas de publication mensongère aient été retenus. Il s’agit d’une véritable avancée, qui nous a permis d’avoir un texte beaucoup plus équilibré.
Concernant la réserve parlementaire, la transparence sur son utilisation va évidemment constituer un progrès, même si l’on peut continuer de s’interroger sur le bien-fondé de ce système, qui ne paraît pas des plus démocratiques. Certes, il s’agit d’une vieille tradition parlementaire, mais je ne crois pas pour autant qu’elle doive nécessairement perdurer, d’autant que les inégalités dans sa mise en œuvre, comme on a pu le constater, étaient très grandes.
J’en veux pour preuve ce que la presse a révélé au sujet d’un certain président de la commission des finances qui bénéficiait d’un montant au titre de la réserve parlementaire à peu près vingt fois supérieur à la moyenne de celui de ses collègues et qui la réservait exclusivement à sa propre commune, sans que cela ait de réelles retombées pour les autres communes de son département. Ce genre de situation ne contribue pas à rendre très populaire la réserve parlementaire, d’autant que, en l’occurrence, il n’était pas question de « petites communes » et de « petits projets ». Il s’agissait en fait de moyens très importants réservés à une seule commune, alors que, dans le même temps, ce parlementaire s’employait à faire voter à la baisse les crédits au profit des collectivités locales…
Considérant que ces textes, projet de loi organique et projet de loi ordinaire, constituent une avancée, même si d’autres progrès restent à accomplir en matière de transparence, nous les voterons.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Alors que nous arrivons au terme de la discussion de ce projet de loi organique en nouvelle lecture, je ne peux m’empêcher, d’abord, de relever les changements intervenus dans les prises de position de la majorité sur un certain nombre de dispositions auxquelles nous étions très attachés et qui se sont traduites par des votes lors de l’examen de ce texte en première lecture.
Ces revirements me donnent à penser que le sophisme fait des progrès, et parfois des ravages, dans notre assemblée : on peut défendre une position un jour et la combattre le lendemain, le tout avec une présentation impeccable sur le plan intellectuel. C’est un bel exercice ! Toutefois, au sophisme j’aurais préféré le paralogisme qui, au moins, exclut chez son auteur toute volonté de tromper son auditoire.
Ensuite, mes chers collègues, je vous rappelle que ce projet de loi organique subit, sur décision du Gouvernement, la procédure accélérée. Nous sommes quelques-uns sur ces travées à travailler en cet après-midi du jeudi 25 juillet et nous pourrions penser que l’urgence va conduire l’Assemblée nationale à adopter ce texte dans les heures qui viennent. Eh bien, non ! L’Assemblée nationale n’examinera ce texte qu’en septembre !
C’est dire que nous nous sommes privés du temps qui eût été nécessaire pour que ce texte fût amélioré,…
M. Jacques Legendre. C’est vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. … d’abord par des travaux en commission, puis par des travaux en séance plénière, à des moments où les travées auraient pu être plus garnies…
Par ailleurs, comme je l’ai dit tout à l’heure, les dispositions dont nous allons reparler dans quelques instants, lors de l’examen des articles du projet de loi ordinaire, vont s’appliquer à un « public » bien plus large que les seuls parlementaires, qu’il s’agisse des déclarations de patrimoine, des incompatibilités ou des conflits d’intérêts.
Je le répète avec force, il y a longtemps que les parlementaires n’ont pas été accusés de conflit d’intérêts à l’occasion des votes émis au sein des assemblées : tout simplement parce qu’ils ne font pas partie de l’exécutif ! Je le rappelle pour mémoire – et même si c’est pour accabler sa mémoire ! –, le dernier qui ait été pris dans les mailles du filet et ait fait l’objet d’une condamnation, ce fut André Rives-Henrÿs, en 1974.
En revanche, sur cette question des conflits d’intérêts, je souhaite bien du plaisir aux exécutifs territoriaux lorsqu’ils se retrouveront exposés aux foudres de la loi qui sera sans doute définitivement adoptée en septembre !
Enfin, cette loi va contribuer à édifier des piloris dans les rues de nos villes, parce que les parlementaires seront désignés à la vindicte populaire par des courants populistes que vous prétendez combattre, mais que, finalement, vous encouragez.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ben voyons !
M. Jean-Claude Lenoir. Les parlementaires sont désignés comme les coupables d’une situation créée par un ministre qui a menti au chef de l’État, au chef du Gouvernement et à toute l’Assemblée nationale !
Vous donnez à cette affaire une réponse qui n’est pas du tout adaptée en orientant les projecteurs sur les parlementaires. Ce n’est pas nouveau et l’histoire regorge de situations où les parlementaires ont été désignés à la vindicte du peuple. C’est un risque que vous prenez. Vous encouragez ainsi la mise en cause insidieuse, trop souvent répétée, des parlementaires que nous sommes. Or nous accomplissons notre mandat avec le souci constant et unanime, je le crois, de servir notre pays.
Le groupe UMP votera donc contre ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. On l’avait compris !
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Je rappellerai brièvement la position du groupe du RDSE : transparence, oui, suspicion, non ! Nos arguments ont été suffisamment développés en première lecture pour que je n’y revienne pas.
J’ajouterai simplement un mot sur les conflits d’intérêts : quand on veut tout cerner, on ne cerne rien ! Ces problèmes relèvent surtout de la morale personnelle et non pas de textes qui ne permettront jamais de tout régler.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je tiens à réitérer mes regrets quant au déroulement de la procédure d’examen de ce texte, qui a été tout à fait chaotique. Le Gouvernement a voulu le faire passer en force, à la va-vite, en prétextant l’urgence. Or l’adoption de ce texte ne revêt aucune urgence : j’en veux pour preuve le fait que l’Assemblée nationale ne le votera qu’en septembre. Si l’Assemblée nationale peut attendre le mois de septembre, nous pouvions le faire, nous aussi ! Ce procédé n’est pas correct, car cette loi est importante, malgré tout.
Je voterai contre ce texte, comme tous les sénateurs non inscrits – cette unanimité est suffisamment rare pour être soulignée ! – parce que je suis persuadé que son application va « pourrir » injustement la vie de nombreux parlementaires parfaitement honnêtes et en règle, mais qui seront harcelés au motif que la valeur réelle de leur appartement est supérieure à sa valeur déclarée ou que leur niveau de revenus est beaucoup trop élevé, etc. De telles polémiques relèvent de la plus basse démagogie et sont affligeantes pour notre démocratie !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Le groupe écologiste va voter ce projet de loi organique avec enthousiasme. Il répond en effet aux exigences des citoyens parce qu’un certain nombre de scandales ont eu lieu et parce que nous ne visons pas simplement les agissements d’une personne…
M. Jean-Jacques Hyest. Il n’y a pas eu de condamnation judiciaire !
M. Jean-Claude Lenoir. Pas d’amalgames !
M. Jean Desessard. Bien sûr ! En même temps, on ne peut pas se contenter de réclamer plus de transparence : il fallait changer la loi et passer aux actes. Les parlementaires doivent également prendre conscience du fait qu’il est important pour eux de rendre des comptes sur leur usage des fonds publics. En votant ce texte, nous prenons non seulement un engagement législatif, mais aussi l’engagement personnel de nous conformer aux objectifs et aux valeurs que nous défendons.
Le groupe écologiste votera donc sans réserve ce projet de loi organique, qui améliorera la transparence et permettra de répondre à la défiance exprimée à l’égard des parlementaires et des politiques en général.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Le groupe socialiste se réjouit de l’évolution de la réflexion du Sénat, notamment sur la publication au Journal officiel des patrimoines des parlementaires. L’ensemble des groupes ont contribué à faire évoluer ce projet de loi organique, que le groupe socialiste votera avec satisfaction !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 332 :
Nombre de votants | 348 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l’adoption | 168 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)