M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote sur les amendements nos 6 rectifié et 3.
M. Gérard Roche. M. Daudigny a fait beaucoup d’efforts pour me convaincre, mais il y a certains éléments de son raisonnement que je ne comprends pas tout à fait.
Il soutient qu’il n’y a pas lieu d’exclure du système des remboursements différenciés l’ensemble des professions conventionnées, dans la mesure où elles ne peuvent pas pratiquer de dépassements d’honoraires. En quelque sorte, il serait inutile d’interdire aux camions de rouler à plus de 100 kilomètres par heure, étant donné que les moteurs sont conçus pour qu’ils ne puissent pas rouler plus vite.
Reste qu’une dérive est possible. M. Vanlerenberghe a pris tout à l’heure l’exemple des kinésithérapeutes, dont l’acte est tarifé seize euros ; la sécurité sociale rembourse dix euros et la complémentaire santé, en général, 40 % des six euros restant.
Si des kinésithérapeutes adhèrent à un réseau, la sécurité sociale remboursera toujours dix euros, dans la mesure où ils sont conventionnés, mais qu’est-ce qui empêchera les complémentaires de rembourser 60 % du reste à charge de leurs patients, contre seulement 30 % ou 40 % du reste à charge des patients des kinésithérapeutes qui n’adhèrent à aucun réseau ?
Il y a là un risque sérieux de dérive susceptible en tout cas de susciter un sentiment de « magouille » face à certaines connivences, réelles ou supposées. En revanche, si tous les professionnels de santé étaient exclus du dispositif, le problème ne se poserait plus !
Si vous vouliez faire une exception, il fallait la prévoir pour les chirurgiens-dentistes. En ce qui les concerne, l’acte conventionné est l’acte médical ; il n’y a donc aucun problème. La sécurité sociale en rembourse une partie, puis la complémentaire intervient. Cependant, s'agissant des prothèses, ce n’est pas à la source qu’il faut réguler le prix. Le prix pertinent est celui auquel le chirurgien-dentiste facture la prothèse, et je peux vous dire que les coefficients multiplicateurs peuvent être parfois à deux chiffres… Or cela, on ne le régulera pas !
En tout cas, n’ayant pas compris l’argumentation du rapporteur général, je voterai l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je compléterai les propos de Gérard Roche.
Il faut bien s’entendre : il ne s’agit pas ici des dépassements d’honoraires mais, en quelque sorte, des compléments du ticket modérateur que les mutuelles, en général, remboursent.
Même s’ils ne le font pas aujourd'hui, rien n’empêchera les organismes complémentaires de pratiquer à l’avenir des remboursements différenciés selon que les kinésithérapeutes – pour reprendre cet exemple – adhèrent ou non à un réseau. Tout le monde est d'accord pour reconnaître qu’il faut sortir l’ensemble des professions médicales conventionnées du champ des remboursements différenciés, mais on ne légifère pas parce que ces pratiques n’existent pas pour le moment. Il y a de quoi s’étonner, car, à mon sens, le législateur n’est pas là uniquement pour corriger : il lui faut également prévenir !
M. le président. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Bertrand, Collin et Requier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les mutuelles ou unions relevant du code de la mutualité, les entreprises d’assurances régies par le code des assurances ou les institutions de prévoyance régies par le présent code ne peuvent instaurer de différences dans le niveau des prestations pour les actes de médecine qu'en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La proposition de loi vise à réduire les inégalités d’accès aux soins en précisant le rôle des organismes complémentaires des secteurs peu régulés, dans lesquels les tarifs sont libres et le reste à charge pour les patients est important.
Bien que la commission des affaires sociales ait interdit la modulation des prestations du fait d’une convention entre un médecin et un organisme complémentaire, le texte n’interdit pas aux organismes complémentaires de pratiquer des remboursements différenciés pour les actes de médecine. En ce sens, il généralise un système de prise en charge à deux vitesses pour l’ensemble des soins de santé courants.
Nous vous proposons donc d’exclure la pratique des remboursements différenciés pour les actes de médecine, que ces remboursements soient le fait de mutuelles, d’assurances ou d’institutions de prévoyance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à n’autoriser les modulations du remboursement des actes de médecine qu’en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille.
L’exposé des motifs fait état de l’ensemble des soins courants, mais je note que l’amendement ne concerne que les actes de médecine. Or cette notion d’ « actes de médecine » est floue. Je rappelle que, selon le code de la santé publique, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes font partie des professions médicales.
En outre, en renvoyant à des actes et non à des professionnels, l’amendement soulèverait certainement des difficultés au regard de la convention médicale de l’assurance maladie.
En tout état de cause, l’amendement me semble assez largement satisfait par le texte de la commission, qui ne permet pas aux conventions entre un OCAM et un médecin d’entraîner une modulation des remboursements.
Je souhaite donc, pour la clarté de nos débats, que cet amendement soit retiré ; à défaut, l’avis de la commission ne pourrait être que défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Je précise que l’amendement est totalement satisfait par l’alinéa 10 de l’article 2.
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 12 rectifié est retiré.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Bruguière, Cayeux, Debré et Deroche et MM. Cambon, Cardoux, J. Gautier, Milon et Savary, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette information ne peut contrevenir aux principes déontologiques fondamentaux qui organisent les relations du professionnel de santé avec le patient.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Nous avons dénoncé la logique souvent purement financière des réseaux actuels, qui n’ont aucune base législative ou réglementaire. Cet amendement vise à préciser que l’information délivrée par l’organisme assureur à ses assurés ou adhérents « ne peut contrevenir aux principes déontologiques fondamentaux qui organisent les relations du professionnel de santé avec le patient ».
Nous voulons ainsi absolument éviter les dérives qui transforment la prestation médicale en marchandise et, par conséquent, le patient en objet de marchandage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à préciser dans la proposition de loi que l’information délivrée par les OCAM à leurs assurés ne peut contrevenir aux « principes déontologiques fondamentaux » qui organisent les relations entre le professionnel et le patient.
Si, comme je l’avais indiqué en commission, je comprends bien l’objectif des auteurs de l’amendement, je suis dubitatif quant à la portée exacte de l’expression « principes déontologiques fondamentaux ».
Par exemple, je ne souhaite pas que cette référence puisse empêcher les OCAM d’orienter leurs adhérents vers les professionnels du réseau. Or l’interdiction de la publicité fait partie de la déontologie des chirurgiens-dentistes, et il ne faudrait pas que l’information du patient soit assimilée à de la publicité. Ce risque existe.
Je m’en remets donc à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Madame Procaccia, je ne suis pas certaine de comprendre l’objectif de cet amendement. Les règles déontologiques régissent les relations entre le professionnel et le patient. Ces règles ne peuvent pas être transposées à la relation entre un assureur, ou un OCAM, et un adhérent, sauf à ce qu’il soit écrit dans chaque contrat que les règles déontologiques des professionnels de santé sont garanties et que leur respect est vérifié par les ordres ou les autorités compétentes.
Parmi les règles déontologiques figurent, par exemple, l’interdiction de refuser un patient ou l’obligation de toujours pratiquer le soin nécessaire. On ne voit pas ce que ces prescriptions déontologiques ont à voir avec un contrat entre un OCAM et un adhérent. Par conséquent, votre amendement introduit plus de flou juridique et d’incertitude qu’il ne résout le problème de la juste information de l’adhérent, qui constitue effectivement un enjeu très important.
Comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, la bonne information de l’adhérent fait partie des principes généraux qui doivent s’appliquer aux réseaux, et cette information doit être délivrée avant la conclusion du contrat et tout au long de son exécution.
M. le président. Madame Procaccia, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Oui, monsieur le président, car l’ambiguïté que nous relevons depuis le début demeure. Il existe en effet une profession médicale qui est en même temps un ordre, celle de chirurgien-dentiste. Or les ordres sont soumis à des règles déontologiques. En outre, on ne peut pas ici assimiler les chirurgiens-dentistes à des commerçants, comme les opticiens ou les audioprothésistes, car ils ne s’occupent pas uniquement de prothèses mais jouent un rôle important, et même essentiel – vous le savez, madame la ministre – , en matière de soins et de prévention.
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Bruguière, Cayeux, Debré et Deroche et MM. Cambon, Cardoux, J. Gautier, Milon et Savary, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 863-9. - Les clauses contraires aux dispositions de l’article L. 863-8 sont réputées non écrites. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Il s’agit de garantir la sanction des clauses présentes dans les conventions – notamment celles des réseaux fonctionnant sans base réglementaire ou législative – qui seraient contraires aux dispositions de la loi. Nous proposons donc de préciser que « les clauses contraires aux dispositions de l’article L. 863-8 sont réputées non écrites ».
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à préciser que les clauses contraires aux dispositions de l’article L. 863-8 du code de la sécurité sociale, que l’article 2 de la proposition de loi introduit, sont « réputées non écrites ».
Mes chers collègues, une clause réputée non écrite est une clause contraire aux dispositions expresses de la loi. Dire de ces clauses qu’elles sont « non écrites » revient à dire qu’elles sont censées n’avoir jamais existé. Il s’agit d’un point juridique propre au droit des contrats.
Dans le nouvel article L. 863-8, nous posons des principes fondamentaux qui ne ressemblent pas nécessairement à ceux que l’on trouve habituellement en droit de la consommation ou de l’habitation. Ces principes ne sont pas tous aussi précis qu’une clause contractuelle. De ce fait, je ne suis pas certain que l’expression « réputées non écrites » soit judicieuse pour l’ensemble de l’article L. 863-8. C’est pourquoi j’exprime une réserve, moins sur le fond que sur la rédaction de l’amendement.
La commission s’en remet à nouveau à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Si les clauses présentes dans une convention étaient contraires à la loi, elles seraient par définition sans fondement juridique et donc contestables devant un juge. Dire que les clauses contraires à la loi sont nulles et non avenues n’aura pas de conséquence si l’adhérent ne les conteste pas.
Mme Catherine Procaccia. Je maintiens l’amendement !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Chaque année pour une période de trois ans, le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 septembre, un rapport dressant un bilan et une évaluation des conventions mentionnées à l’article L. 863-8 du code de la sécurité sociale. Il porte notamment sur les garanties et prestations que ces conventions comportent, leurs conséquences pour les patients, en particulier en termes d’accès aux soins et de reste à charge, et leur impact sur les tarifs et prix pratiqués par les professionnels, établissements et services concernés.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Milon, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia et M. Savary, est ainsi libellé :
Première phrase
Supprimer les mots :
pour une période de trois ans
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Nous ne remettons pas en cause l’intérêt du rapport, mais nous souhaiterions que la durée de l’évaluation ne soit pas limitée à trois ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement concerne le rapport demandé au Gouvernement. Il vise à supprimer la durée de trois ans introduite par l’Assemblée nationale.
Aline Archimbaud avait posé la même question la semaine dernière, et je lui avais répondu qu’il était dorénavant d’usage, dans un souci de simplification du droit, de ne plus prévoir de ces « rapports éternels » qui tombent en désuétude tout en demeurant inscrits dans la loi. C’est Jean-Luc Warsmann, ancien président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui avait fait adopter ce principe dans le cadre d’une loi de simplification.
Pour autant, il ne s’agit que d’un usage nouveau qui connaît déjà certaines exceptions. La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat, pour ce dernier avis qui vient clore des travaux sérieux menés dans une assemblée tout entière vouée à la sagesse !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Procaccia, si, de manière générale, la sagesse est toujours recommandée, le Gouvernement a plutôt envie d’émettre ici un avis défavorable.
Mme Catherine Procaccia. Mais il n’émet jamais que des avis défavorables !
Mme Marisol Touraine, ministre. On ne peut pas, d’un côté, réclamer de la simplification et, de l’autre, multiplier les tâches qui viennent complexifier et alourdir le travail de l’administration.
Il est facile de demander un rapport au Gouvernement, mais je vous rappelle que ce sont les services des ministères qui les rédigent. Si vous souhaitez que le nombre de fonctionnaires soit plus limité, vous ne pouvez pas en permanence aggraver la charge de travail de personnes auxquelles il est demandé de se recentrer sur l’essentiel de leurs missions.
Je vais m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, non sans indiquer que, à trop demander de rapports, on prend le risque que les documents ne soient pas remis en temps et en heure, voire qu’ils ne soient pas remis du tout !
Pour être tout à fait claire, j’aurais préféré que l’on ne demande pas un rapport annuel immédiatement, mais cette disposition était inscrite dans la proposition de loi telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale. En effet, à mes yeux, il aurait fallu donner le temps aux réseaux de se mettre en place pour pouvoir apprécier leur fonctionnement et établir des rapports d’évaluation qui aient une portée significative et apportent un éclairage qui fasse sens.
Vous avez entendu mon appel à la sagesse et chacun comprendra ce qu’il veut de cette position du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote sur l'article 3.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je regrette que nous n’ayons pas adopté cet amendement, car, à mon sens, il est important d’évaluer le dispositif.
J’ai bien compris que ce texte avait pour objet d’encadrer par la loi des pratiques certes déjà autorisées, mais peu cernées.
Il est donc d’autant plus important que nous mesurions les effets de la législation que nous mettons en place. Il ne faut pas voter ce texte allégrement, car nous connaissons les marges d’erreur qui peuvent exister. Cette évaluation me paraît donc nécessaire. Vous ne voulez pas qu’elle soit faite chaque année, soit, mais « chaque année pour une période de trois ans », avouez que, de toute manière, la formulation n’est pas très claire !
M. Jean-Louis Carrère. Effectivement, c’est un peu bizarre !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cette formule peut être diversement interprétée…
Je souhaiterais que cette évaluation prenne en compte le maximum de critères. Le texte prévoit qu’elle porte « notamment sur les garanties et prestations que ces conventions comportent » – très bien ! –, « leurs conséquences pour les patients » – essentiel ! –, « en particulier en termes d’accès aux soins » – on revient à ce que nous disions tout à l’heure sur l’article 2 et nous pourrions ajouter la proximité, même s’il n’est plus l’heure ! – « et de reste à charge, et leur impact sur les tarifs et prix pratiqués par les professionnels ».
Vous le voyez, nombre de critères sont évoqués, et il me paraît important de connaître les résultats de l’évaluation du dispositif à leur regard le plus rapidement possible.
Nous voterons bien sûr l’article 3, car il est essentiel pour le texte, mais, madame la ministre, sachez qu’il s’agit pour nous non d’accroître la charge de travail des services, mais de nous doter d’un outil nécessaire, si l’on ne veut pas que le système de remboursements modulés qui se met en place devienne une jungle.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Alquier. L’accès aux soins est une priorité de la politique de santé du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.
Si le vote de cette proposition de loi ne peut suffire, à lui seul, à résoudre les difficultés d’accès aux soins, il pourrait néanmoins en constituer l’une des réponses.
Je l’ai dit dans mon intervention générale et beaucoup, ici, l’ont redit, il y avait urgence à légiférer, les trois familles d’organismes complémentaires devant être mises sur un pied d’égalité.
C’est d’autant plus vrai, aujourd’hui, alors que l’objectif d’une généralisation des complémentaires santé de qualité a été réaffirmé par le Président de la République et que la concurrence entre organismes est vive.
Au-delà de cette urgence, cette proposition de loi a le mérite de procéder à un toilettage du système et de mieux encadrer les conventions entre tous les organismes complémentaires et certains professionnels de santé.
Ce vide juridique qu’il faut aujourd’hui combler nous donne l’occasion de revoir le cadre des réseaux de soins et d’en préciser les contours.
Positivons : cela nous permet de commencer à fixer les règles du jeu entre les réseaux et les organismes complémentaires, mais il nous faudra aller plus loin, des obstacles financiers innombrables s’opposant au droit à la santé et à l’accès aux soins.
Entre 2000 et 2011, la part du reste à charge a sensiblement augmenté. La protection des Français s’est rétrécie au cours des dernières années, mais il ne faut pas nous résigner !
C’est la raison pour laquelle la réduction du reste à charge et le niveau réel des remboursements doivent être pour le Gouvernement, pour l’assurance maladie et pour le législateur que nous sommes, le fil conducteur des années à venir.
Je le répète, les choix du groupe socialiste sont clairs : il faut améliorer les remboursements et faire pression sur les prix. Les deux ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et je refuse de dire que les complémentaires doivent avancer inexorablement parce que l’assurance maladie serait, elle, condamnée à reculer.
Nous avons une double responsabilité : nous devons consolider l’assurance maladie, son champ d’action et son financement ; nous devons fortifier l’intervention des complémentaires, tout en régulant mieux leurs contrats et en leur permettant de concourir à l’efficacité du système de protection.
Tel est l’objet de cette proposition de loi. Il s’agit d’une première étape qui ne minimise pas les autres, bien au contraire, et qui était indispensable pour toutes les raisons évoquées précédemment.
Je tiens à remercier encore une fois M. le rapporteur général, qui, par son écoute, a permis de trouver un très bon équilibre à l’occasion de l’examen de ce texte.
Je sais que le cheminement de cette proposition de loi n’a pas été facile : son aboutissement est tout à l’honneur de ses promoteurs et des idées que nous défendons avec eux ! En votant cette proposition de loi, nous franchissons une étape nécessaire et indispensable sur la voie d’une solidarité efficace et moderne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Marc Daunis. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas un scoop que de dire que le groupe CRC s’abstiendra sur cette proposition de loi, puisque je l’avais déjà annoncé lors de mon intervention en discussion générale. Nous nous sommes également abstenus sur tous les amendements, car nous avons considéré que ce texte n’était pas de nature à régler le problème qui nous était posé.
Effectivement, un certain nombre de soins, tels que les soins dentaires, mais aussi les prothèses auditives et les lunettes, sont mal remboursés. Cependant, si le constat est juste, les réponses apportées sont de court terme.
Comme je l’ai déjà dit, il faut resituer cette proposition de loi dans le contexte actuel, notamment européen, qui se caractérise par une transformation progressive, mais continue, de notre système de solidarité pour le faire évoluer vers un système de plus en plus assurantiel. D’une certaine manière, nous tendons vers une libéralisation de la santé.
Il s’agit d’une fuite en avant, avec des ruptures : je n’y reviendrai pas, mais je voudrais tout de même insister sur quelques points.
Avec ce texte, je crois vraiment que l’égalité est rompue, car, finalement, nous acceptons le principe d’un remboursement différencié selon le praticien. Mais, dans ce cas, le choix du patricien est-il réel ou contraint ? La question est d’importance, car elle induit, dans la logique du texte, une modification des rapports entre le praticien et le patient, avec le risque très fort, finalement, d’une dérive vers un système dans lequel le patient devient client.
Je regrette également très fortement, comme l’ensemble de mon groupe, d’assister, dans cet hémicycle, à un renoncement, sous l’effet d’une sorte de fatalisme qui nous ferait accepter que la sécurité sociale ne rembourse plus les soins dont nous avons longuement parlé tout au long de notre débat. Il n’y aurait donc rien d’autre à faire que d’ouvrir le marché aux mutuelles, comme nous l’avons déjà fait pour les assurances.
Je crois vraiment que d’autres mesures sont possibles, à condition d’avoir la volonté politique de les porter. Une majorité à gauche serait en mesure de le faire et j’espère qu’elle s’y résoudra.
À mon sens, il est possible de renforcer la sécurité sociale, notamment au travers d’une autre logique de financement, à la hauteur des besoins.
Par exemple, il faudrait en finir avec les exonérations patronales qui, je le rappelle, portent sur 30 milliards d’euros, ce qui n’est pas une petite somme. Nous devrions aussi essayer de tendre vers l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, ce qui procurerait des ressources importantes à la sécurité sociale. Enfin, nous pourrions envisager de mettre à contribution les revenus financiers des retraites chapeau : il me semble que la gauche avait voté cette mesure au Sénat en 2012 !
Par ailleurs, nous pourrions faire en sorte, ensemble, de renforcer le rôle des pouvoirs publics qui, à notre sens, sont les seuls garants non seulement de la sécurité sanitaire des soins et de la santé publique, mais également de la lutte contre les abus.
Il est vrai que le groupe CRC a tendance à répéter ce genre d’arguments. Non que nous restions bloqués sur un dogme immuable, mais nous pensons que la répétition est pédagogique.
Nous sommes loin d’en avoir fini avec cette question, qui va revenir en force lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’espère que, à ce moment-là, nous aurons des réponses qui correspondent aux valeurs que nous semblons partager à gauche, mais qui, selon nous, devraient se concrétiser par d’autres actes.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Je serai bref, car mon groupe et moi-même sommes déjà longuement intervenus.
Ce débat a été extrêmement intéressant. Je remercie la commission et le rapporteur général, qui a réalisé un travail considérable et dont le souci de la concertation s’est révélé très positif. Le dossier était très complexe, car, il faut bien le dire, de nombreux intérêts privés étaient en jeu. La difficulté tenait également aux nombreux chevauchements entre secteur non conventionné, où les réseaux se justifient complètement, et secteur conventionné, où tel n’est pas le cas, à notre avis.
En tant que parlementaires, nous devons nous mettre à la place des gens que nous représentons : certains d’entre eux sont de condition très modeste et ont besoin d’une aide pour accéder au secteur non conventionné, et ils n’ont pas toujours les moyens de payer une prothèse dentaire ou auditive ou encore une paire de lunettes. Cette proposition de loi va certainement améliorer leurs possibilités d’accès aux soins. Il faut donc qu’elle soit adoptée et l’ensemble de notre groupe, à l’exception de l’un de ses membres, la votera.