Mme Michèle André. … que nous serons au moins quelques-uns, ici présents, à partager. Je veux profiter de ce moment pour rendre hommage à la façon dont il nous communique, avec pédagogie, des éléments essentiels dont certains, même sur les travées de l'opposition, ont salué la qualité exceptionnelle.
Il est donc intéressant de noter que le programme de stabilité prévoit une reprise graduelle de l'activité en France tout au long de l'année 2013, bien que la récession semble devoir se prolonger dans la zone euro et bien que la politique monétaire de la Banque centrale européenne ne se transmette qu’imparfaitement, et lentement, à l’économie réelle en raison du processus d’assainissement des bilans bancaires dans certains pays fragiles.
Pourquoi le programme de stabilité prévoit-il une reprise en France ? Parce que les instances européennes et nombre d’observateurs saluent les mesures prises par le Gouvernement en faveur de la croissance, de l’emploi, de la compétitivité et du secteur de la construction, qu’il s'agisse des dispositifs de soutien au financement des entreprises à court terme, tels que le plan trésorerie, du préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou de la simplification de l’environnement réglementaire.
Comme en 2012 et en 2013, le Gouvernement a choisi de poursuivre, en 2014, cet effort de rétablissement structurel de nos finances publiques. À ce titre, en avril 2013, il a présenté un programme de stabilité révisé, prévoyant un net ralentissement de la progression des dépenses sur la période 2013-2017, dont un effort budgétaire de 20 milliards d’euros en 2014, porté à 70 % par des économies et à 30 % par des recettes supplémentaires.
Cet effort doit se poursuivre sur la période 2015-2017, pour permettre à la France de revenir à l’équilibre structurel en fin de période, conformément à la loi de programmation.
Cet effort budgétaire sera notamment réalisé grâce à la baisse en valeur des dépenses de l’État, hors dette et pensions : l’objectif de dépense est diminué de 1,5 milliard d’euros en 2014 par rapport à l’objectif inscrit en loi de programmation. Admettons-le : c’est la première fois qu’un budget aura été construit sur une baisse des dépenses d’un tel montant. On rencontre d'ailleurs bien des difficultés pour le mettre en œuvre, pour le dire et pour le vivre – nous le voyons bien dans les différents ministères. Cet effort est inédit, mais nous devons le faire, et nous le ferons.
Durant le précédent quinquennat, les dépenses, dans le même périmètre, avaient progressé en moyenne de 2 milliards d’euros par an. Nous n’avons donc que peu de leçons à recevoir en matière de gestion économe de la France !
Le déficit du budget de l’État s’élevait à 138 milliards d’euros en 2009, à 149 milliards d’euros en 2010 et encore à 90 milliards d’euros en 2011. Nos prévisions sont de 68,3 milliards d’euros pour 2013. Ne nous dites surtout pas, chers collègues de l’opposition, que nous faisons exploser les déficits ! Ce dernier chiffre est égal à la moitié de ce que vous avez connu, en moyenne, en 2009, 2010 et 2011. Je dis bien : la moitié.
Même le nombre d’emplois supplémentaires créés a été minutieusement calculé afin que soient scrupuleusement respectées les priorités – nous les assumons – du Gouvernement : 8 800 enseignants et 1 000 emplois dans les domaines de la sécurité et de la justice, compensés par environ 13 000 suppressions de postes dans d’autres secteurs. Cela signifie que les effectifs de nos fonctionnaires vont devoir légèrement diminuer, ce dont il convient, d'ailleurs, de ne pas se réjouir gratuitement, car moins de personnel peut signifier une dégradation du service.
Si l’on inclut les opérateurs, 2 000 postes supplémentaires à Pôle emploi ne sont pas superflus, au moment où les demandeurs d'emploi, désespérés, cherchent quel avenir leur est réservé. Pour les universités, 1 000 emplois supplémentaires représentent un investissement d’avenir, tandis que d’autres opérateurs connaîtront une diminution de plus d’un millier d’emplois.
La Commission européenne a accordé un délai de deux ans supplémentaires à la France, soit jusqu’en 2015, pour ramener son déficit public sous la barre des 3 % du PIB, tout en l’appelant à identifier des coupes dans les dépenses. À cet égard, nous savons, monsieur le ministre, que nous pouvons vous faire confiance pour qu’il s'agisse non pas d'un relâchement, mais de la poursuite d'une trajectoire de désendettement, et cela même si, autour de vous, on entend certaines protestations.
Face à de moindres rentrées fiscales dues à une croissance défaillante, le Gouvernement s’est donc prêté à un exercice novateur, afin de parvenir à réduire de manière structurelle les dépenses de l’État par la mise en œuvre de réformes de long terme, sans trahir ses priorités en faveur de l’emploi, de la jeunesse, de la sécurité et de la justice, et par une réduction sans précédent des dépenses de l’État, avec pour objectif de crédibiliser une stratégie, parfois critiquée pour être trop vague, sur les économies.
Ces choix, cohérents tant avec les préconisations de la Cour des comptes qu’avec les recommandations de la Commission européenne, inclinent le groupe socialiste à soutenir fermement la politique du Gouvernement et, plus particulièrement aujourd'hui, les orientations qu’il nous a présentées en matière de finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les perspectives budgétaires pour 2014 ne sont pas très souriantes.
Dans ce sombre contexte, la mission « Outre-mer » serait, semble-t-il, préservée. Il s’agit de tenir compte d’un contexte économique et social extrêmement dégradé et tendu dans l’ensemble des outre-mer, avec, en particulier, des taux de chômage record.
Les outre-mer versent un lourd tribut à la crise, et leur contribution à l’effort de rigueur doit être calibrée en proportion. N’oublions pas que nos concitoyens dans les outre-mer pâtiront, au même titre que ceux de l’Hexagone, des coupes opérées dans les budgets annoncés en baisse, comme ceux de la défense ou de l’agriculture.
Ce débat d’orientation m’offre l’occasion d’aborder un sujet crucial dont il a été beaucoup question ces derniers mois : la défiscalisation et le financement de l’investissement.
Il y a tout juste un mois, le 5 juin dernier, notre délégation à l’outre-mer et la commission des affaires économiques étaient réunies pour examiner un rapport conjoint sur l’impact des dispositifs de défiscalisation pour les économies ultramarines, document présenté par un groupe de travail présidé par notre collègue Marie-Noëlle Lienemann et dont Éric Doligé et moi-même étions rapporteurs.
Cette démarche commune s’est révélée particulièrement fructueuse et percutante. Elle a fait la démonstration concrète du caractère incontournable des dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement dans les outre-mer et a permis de dégager dix propositions de modération de la dépense fiscale et d’optimisation de son impact économique.
Il est vrai que, poursuivis par leur réputation sulfureuse due à des scandales vieux de vingt ans et régulièrement fustigés par l’Inspection générale des finances et la Cour des comptes pour leur coût budgétaire, les dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement outre-mer n’avaient fait l’objet, jusqu’à présent, d’aucune évaluation approfondie, ni surtout d’aucune confrontation aux spécificités des économies ultramarines.
La Cour des comptes se borne à proposer de supprimer la défiscalisation, sans envisager le moins du monde le désastre que cette mesure provoquerait sur des économies particulièrement vulnérables. Voulant la noyer, elle l’accuse d’avoir la rage !
Mme Michèle André. Absolument !
M. Serge Larcher. La connaissance lacunaire de l’impact réel des dispositifs est également imputable à l’incurie de l’administration fiscale : le dernier rapport du bureau des agréments date de 2010, alors même que la loi prescrit une communication annuelle au Parlement. L’administration fiscale ignore par ailleurs la défiscalisation dite « de plein droit », c’est-à-dire non soumise à agrément, et ce sont les organisations syndicales qui nous ont délivré l’information sur les quelque 16 000 dossiers émanant de PME et de TPE.
Le zèle des administrations fiscales est également contestable du strict point de vue budgétaire : en effet, le montant de la dépense fiscale pour l’investissement outre-mer, soit 1,1 milliard d’euros pour 2013, est inférieur à celui d’au moins une quinzaine d’autres dépenses fiscales, bien plus coûteuses et bien moins stigmatisées !
En outre, au cours des dernières années, les outre-mer ont largement contribué à la politique de réduction des niches fiscales, avec les fameux « coups de rabot ».
Il est aujourd’hui impératif de stopper l’hémorragie : la commission des affaires économiques et la délégation à l’outre-mer appellent à l’adoption d’un dispositif rénové et durable, conservant une aide fiscale à l’investissement qui maintienne l’effort consenti et offre une véritable visibilité, une stabilité indispensable aux acteurs économiques, conformément aux engagements pris par le Président de la République.
Comme le martelait le Premier ministre lors de son récent déplacement aux Antilles, il y a, pour se lancer et investir, nécessité de clarté, de prévisibilité, de stabilité. Contre les vents fiscaux dominants, le chef du Gouvernement a fixé le cap en annonçant le maintien de la défiscalisation, notamment pour le logement social et les PME. Je m’en félicite, et nous devons nous en féliciter. Il a également indiqué la création, à titre expérimental, d’un nouveau crédit d’impôt, dont les contours n’ont pas encore été dévoilés.
Nous sommes bien sûr partisans de toute évolution de nature à améliorer l’efficacité de l’aide fiscale ; nous sommes également soucieux des deniers publics et partisans de la modération budgétaire, dès lors que les mesures d’économie ne risquent pas de créer une onde de choc dont le coût, y compris et surtout au plan social, serait bien supérieur au gain attendu.
L’affirmation du principe de maintien des dispositifs de défiscalisation appelle, dans les meilleurs délais, des précisions concrètes sans lesquelles la visibilité n’est pas assurée pour les acteurs économiques. N’oublions pas, en outre, que l’aide fiscale actuelle n’est autorisée par Bruxelles que jusqu’au 31 décembre 2013 : il y a donc urgence à décider.
À notre sens, et conformément aux propositions formulées par le rapport sénatorial, le maintien de l’effort consenti en faveur de l’investissement outre-mer passe par la restauration des conditions de collecte mises à mal par la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2013 : on constate en effet une chute de 35 % du montant de la collecte en juin 2013 par rapport à juin 2012, une complexification et donc un renchérissement des plans de financement. Certains projets risquent même de ne pas réunir les financements nécessaires. Il faut lutter contre ce tarissement des flux défiscalisés en réservant le plafond de 18 000 euros aux seuls investissements outre-mer.
Monsieur le ministre, le développement économique et social des outre-mer serait-il moins important que la préservation du patrimoine architectural français, qui bénéficie d’un plafond spécifique dans le cadre du dispositif Malraux ?
Les critères d’éligibilité aux dispositifs de défiscalisation devront être fixés avec la plus grande prudence : le seul critère de la taille de l’entreprise n’est pas pertinent. Si les TPE et les PME doivent bien sûr être prioritaires, elles sont souvent tributaires des investissements réalisés par des entreprises plus importantes, qui constituent des locomotives et, parfois, le point de départ de toute une filière. Ils doivent se référer essentiellement à la capacité d’accéder au crédit bancaire, qui est la clef de l’investissement.
Le maintien effectif de la défiscalisation passe aussi par la conservation d’un régime de plein droit, moralisé par un renforcement des obligations déclaratives, des contrôles et des sanctions. Généraliser la procédure d’agrément ou même en abaisser les seuils reviendrait à consacrer l’asphyxie administrative de la défiscalisation et, du même coup, du processus d’investissement outre-mer.
En revanche, il serait pertinent de déconcentrer davantage la procédure d’agrément et d’en faire bénéficier les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, en vue d’une appréciation plus pertinente de l’intérêt économique, qui doit se mesurer en fonction des priorités territoriales et du contexte régional, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui, loin s’en faut !
Concernant le logement social, qui constitue une priorité pour nos outre-mer, les dispositifs de défiscalisation réorientés par la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, ont permis un important rattrapage. Il ne faut pas casser ce mouvement vertueux, les procédures étant désormais bien maîtrisées par les acteurs du logement social.
Le rapport de notre groupe de travail sénatorial sur la défiscalisation, en concertation avec ces acteurs et moyennant des simulations probantes, a formulé des propositions pour réduire les frais de gestion liés aux montages en défiscalisation et a préconisé l’expérimentation d’un prêt bonifié servi par la Caisse des dépôts et consignations, qui pourrait progressivement se substituer aux aides fiscales et permettre des économies substantielles. Nous espérons vivement que le Gouvernement explorera ces pistes de réforme prometteuses.
Concernant, enfin, le projet expérimental de crédit d’impôt annoncé par le Premier ministre, je tiens à souligner qu’il devra répondre à de nombreuses conditions pour pouvoir atteindre une efficacité comparable à celle de l’aide fiscale actuelle. Il ne pourra constituer une aide à l’investissement que si la question de l’accès au crédit bancaire est résolue au préalable : cela suppose de mettre en place des mécanismes de préfinancement. Aucun acteur actuellement ne peut assumer ce rôle, qui reviendra à la Banque publique d’investissement, la BPI, dont l’ordonnance d’adaptation à l’outre-mer devrait prochainement être publiée.
Je tiens à préciser – ce point est très important – que le crédit d’impôt, s’il permet d’économiser l’avantage fiscal servi au contribuable investisseur dans les procédures de défiscalisation, n’évitera pas les frais d’intermédiation : le montage des dossiers d’investissement et l’ingénierie des plans de financement ne sont pas à la portée de la plupart des chefs d’entreprise désireux d’investir, et il leur faudra en assumer la charge financière, alors que, avec la défiscalisation, cette charge pèse sur le contribuable.
Enfin, je veux rappeler que le crédit d’impôt ne peut bénéficier aux collectivités, comme la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie, qui disposent de l’autonomie fiscale et, au surplus, ont mis en place des dispositifs locaux de défiscalisation adossés aux mécanismes nationaux. Il faut donc prendre garde d’éviter toute déstabilisation de leurs économies.
Je conclurai en soulignant que la déclaration du Premier ministre a ravivé des espoirs, alors que les signaux délivrés par l’administration fiscale étaient ceux d’une mort annoncée de la défiscalisation. Puissent les dispositifs à venir honorer ces espoirs en aménageant un soutien adapté aux spécificités ultramarines. Progressivité, lisibilité et stabilité doivent gouverner le nouveau schéma de soutien à l’investissement outre-mer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Belle formule !
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le domaine des finances publiques, les outre-mer continuent à être stigmatisés, voire diabolisés, parce qu’ils coûteraient cher au contribuable français.
Dans le tout dernier rapport de la Cour des comptes, celui de juin 2013, sur la situation et les perspectives des finances publiques, seule une demi-page de ce pavé de 253 pages…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. Georges Patient. … est consacrée aux outre-mer, dans un titre significatif : « Réduire les avantages fiscaux excessifs ». Il y est recommandé la suppression des dispositifs de défiscalisation, ce qui entraînerait « une économie nette de 300 millions d’euros ». De même, dans ses rapports publics annuels de 2010 et 2012, la Cour critique « l’inefficacité, le coût et la générosité fiscale exorbitants des dispositifs d’aide à l’investissement outre-mer ».
Je m’élève contre cette vision réductrice et négative, qui ne voit les outre-mer qu’à travers le prisme de la défiscalisation. Cessons de parler de « coût » et de « générosité » quand on les évoque ! Arrêtons les simplifications, la condescendance et regardons ces territoires d’un autre œil.
La « générosité » n’en est pas une. Les outre-mer contribuent également, à l’instar des autres collectivités de France, à l’effort budgétaire et sont pleinement solidaires. Le document de politique transversale pour 2013, qui rassemble l’effort budgétaire de l’État pour l’outre-mer, fait apparaître une diminution des autorisations d’engagement globalement consacrées par l’État aux territoires ultramarins, puisque celles-ci reculent de 1 %, soit une baisse de 138 millions d’euros, pour atteindre un total de 13,8 milliards d’euros.
Je souligne aussi que les outre-mer, ce sont 2,6 millions d’habitants, ce qui représente 4,5 % de la population française, soit l’équivalent de leur poids dans les dépenses publiques, les outre-mer pesant 4,52 % des dépenses du budget général. Les outre-mer sont donc concernés par la politique de réduction des dépenses publiques, alors qu’ils sont, à bien des égards, plus fragiles.
Il convient, en effet, de rappeler que le niveau moyen de développement des départements et collectivités d’outre-mer en 2010 était proche de celui de la France métropolitaine du début des années quatre-vingt-dix, accusant ainsi une vingtaine d’années de retard par rapport à la métropole, selon un rapport de l’Agence française de développement. Dans le détail, la Guadeloupe aurait douze ans de retard par rapport à la France de 2010, la Martinique treize ans et, au sommet, la Guyane et la Polynésie, respectivement vingt-sept ans et vingt-huit ans de retard.
Les outre-mer, ce sont des écarts de revenu par habitant avec la métropole, toujours en 2010, de l’ordre de 55 % avec la Guyane et de 18 % avec la Nouvelle-Calédonie. Ce sont aussi des taux de chômage avoisinant 30 %, et plus de 50 % chez les jeunes. C’est alarmant quand on sait que 41 % de la population ultramarine ont moins de vingt-cinq ans – 50 % en Guyane, 60 % à Mayotte.
Vous comprendrez que, avec de tels indicateurs, et la liste n’est pas exhaustive, les outre-mer bénéficient d’une attention particulière. Ce sont des territoires où il existe une réelle urgence sociale. Le feu de 2009 n’est pas éteint ; j’en veux pour preuve les dernières manifestations en Guyane et aux Antilles autour du prix des carburants, en Nouvelle-Calédonie, à la Réunion, à Mayotte.
Aussi, je salue le fait que, dans ce contexte de réduction sans précédent des dépenses de l’État, les crédits de la mission « Outre-mer » aient été préservés et même augmentés de 1 %. Ce n’est pas de la « générosité », mais la prise en compte d’une réalité socio-économique fragile.
La semaine dernière, lors de son déplacement aux Antilles, le Premier ministre a rappelé, dans un discours prononcé en Martinique devant des acteurs socio-professionnels, les engagements du Président de la République envers les outre-mer en matière économique et financière.
Je pense, tout particulièrement, à deux outils importants pour le développement de nos faibles économies : la défiscalisation et la banque publique d’investissement. Je ne reviendrai pas sur la défiscalisation, mon collègue Serge Larcher ayant très bien évoqué la situation.
Je me contenterai simplement, comme lui, de saluer le maintien de la défiscalisation et de faire part de quelques questions qui subsistent : la définition à retenir pour les entreprises qui resteront éligibles à la défiscalisation, le régime de l’expérimentation du crédit d’impôt mis en place pour le logement social, le délai de cohabitation des deux procédures et la détermination des plafonds attractifs en valeur absolue découplés du plafond global, à l’instar du dispositif Malraux.
S’agissant de l’implantation de la banque publique d’investissement, les inquiétudes des élus et acteurs socio-professionnels ont été levées par le Premier ministre, qui nous a rassurés en précisant qu’il veillerait à ce que « l’ensemble de ces produits soit disponible de manière effective dans les outre-mer » et que sera développée « une stratégie d’intervention spécifique pour prendre en compte les besoins de ces territoires ». Nous devons néanmoins rester vigilants quant à la pleine application de ces dispositions.
Ces décisions, tout comme les mesures prises en faveur des outre-mer depuis le changement politique - je pense à la lutte contre la vie chère, à l’augmentation des postes d’enseignants, aux emplois d’avenir, aux contrats de génération - témoignent désormais d’une véritable prise en considération des réalités ultramarines.
Reste à souligner qu’il est difficile d’apprécier de manière globale l’effort budgétaire envers les outre-mer pour 2014, car la mission « Outre-mer » ne regroupe pas l’ensemble des programmes concourant à la politique publique de l’État en direction de ces territoires.
J’espère simplement que, à l’instar de la mission « Outre-mer », les crédits des autres ministères en direction des outre-mer connaîtront la même évolution. Je pense notamment aux ministères dont les enveloppes ont été augmentées, c’est-à-dire ceux de l’emploi, de l’insertion, de l’enseignement scolaire, du logement, de la sécurité, de la justice. Autant de domaines dans lesquels les besoins sont criants dans les outre-mer, comme dans tous les autres domaines. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, le débat que nous tenons aujourd’hui sur les orientations des finances publiques pour 2014 s’inscrit dans un double contexte.
Il s’agit, tout d’abord, d’un contexte européen nouveau : nous avons adopté, en 2012, de nouvelles règles européennes, afin de répondre à la crise des finances publiques qui a déstabilisé la zone euro, après une crise financière et une crise économique sans précédent depuis 1929 – nous ne l’ignorons nullement, monsieur Dallier.
M. Philippe Dallier. Nous voilà rassurés ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Berson. Ces mesures ont fait débat, car elles impliquent une discipline budgétaire renforcée de la part des pays européens.
Si la création d’un Haut Conseil des finances publiques constitue une contrainte supplémentaire dans l’élaboration et l’exécution du budget de l’État, cette instance doit nous permettre de renforcer notre crédibilité dans un environnement marqué par l’extrême fragilité des finances publiques.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Michel Berson. Cette fragilité constitue une faiblesse dans une période de ralentissement de la croissance à l’échelle européenne et mondiale.
Le redressement des finances publiques de la zone euro est la condition de l’indépendance de celle-ci face aux marchés. Depuis un an, il s’agit d’un objectif capital partagé par la France et nos partenaires européens.
Ce débat prend également place dans un contexte national lui aussi nouveau, marqué non par l’austérité, mais par le sérieux budgétaire. Le rétablissement de l’équilibre structurel des finances publiques, depuis juin 2012, est enfin résolument engagé en France. Il donnera lieu à un effort que l’on peut qualifier d’historique pour 2014. N’en déplaise à l’opposition, il s’agit là d’un marqueur fort de la nouvelle majorité.
Il n’était plus possible, en effet, de laisser le déficit structurel du pays à 5,1 % du PIB, comme c’était le cas en 2011. Grâce aux choix courageux arrêtés dès juillet 2012 par le Gouvernement et la majorité, nous avons ramené le déficit public à son niveau de 2007, soit une réduction de 1,2 point.
On nous reproche souvent d’évoquer l’héritage de la précédente majorité.
Mme Michèle André. Il faut le faire !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne vous en privez pas, cela vous fait tellement plaisir !
M. Michel Berson. Toutefois, quand l’héritage consiste en une augmentation de 600 milliards d’euros de la dette publique et de 170 milliards d’euros de la dépense publique en cinq ans, il faut souligner que de telles dérives ne peuvent s’effacer en une seule année. On doit mesurer à l’aune de ces chiffres l’ampleur de l’effort qu’il convient de réaliser aujourd’hui, puisqu’il n’a pas été entrepris hier.
Faut-il rappeler que le poids de la dépense publique dans la richesse nationale baissera de trois points à l’horizon de 2017, alors qu’il a augmenté de quatre points entre 2007 et 2012 ?
L’exercice budgétaire ne se limite pas à cet effort impérieux de redressement des comptes. Il est aussi le moyen de mobiliser efficacement la dépense publique, pour que notre pays retrouve compétitivité et croissance : 2014 sera l’année de la confirmation de la pertinence des outils mis en place depuis la fin de 2012 dans les secteurs prioritaires pour atteindre cet objectif. Les priorités du Gouvernement, que le groupe socialiste approuve, sont claires : emploi, éducation, logement, justice et sécurité.
En ce qui concerne l’emploi, nous avons créé, dès l’automne dernier, un outil inédit : le crédit d’impôt compétitivité emploi, préconisé par le rapport Gallois. Ce dispositif sera généralisé et portera pleinement ses fruits en 2014. Cette mesure, complémentaire de la création de la Banque publique d’investissement, est un signal fort en direction des entreprises et en faveur de l’emploi.
En ce qui concerne l’école, le projet de refondation a été adopté. Il est soutenu par la création de 10 000 postes supplémentaires en 2014.
En ce qui concerne le logement, là encore, si l’incidence budgétaire est moins importante, les choix qui sont faits vont dans le sens d’une réponse aux besoins des Français.
Pour conclure, je voudrais, monsieur le ministre, formuler une proposition, qui concerne la recherche, un domaine clef pour la compétitivité et la croissance de notre pays.
Un récent rapport de la Cour des comptes sur le financement public de la recherche souligne qu’il s’agit de l’« un des rares domaines de l’action publique où l’augmentation de la dépense publique peut être regardée comme un objectif en soi, au plan européen comme au plan national ».
Venue de la rue Cambon, la remarque est suffisamment rare pour être notée. La recherche, chacun le sait, est le moteur de l’innovation, elle-même carburant de la création d’emplois : 80 % des emplois créés aujourd’hui le sont dans les secteurs d’innovation technologique.
En France, l’aide publique en faveur de la recherche et de l’innovation repose sur le crédit d’impôt recherche. Il s’agit de l’une des premières dépenses fiscales de l’État. Son montant s’élevait, monsieur le ministre, à 1,8 milliard d’euros en 2007 ; à la suite de la réforme de 2008, il devrait se stabiliser autour de 6 milliards d’euros en 2014, soit un triplement en sept ans. Cette croissance considérable interpelle. S’il n’est pas question de remettre en cause cet outil considéré comme un bon levier de croissance à moyen terme, il faut s’interroger sur le niveau élevé atteint par cette dépense fiscale.
Dans un contexte budgétaire très contraint, un plafonnement de ce dispositif à 5 milliards d’euros, grâce à une disposition fiscale appropriée, permettrait, me semble-t-il, de dégager un milliard d’euros d’économies. Cette somme pourrait non seulement réduire utilement le déficit budgétaire, mais aussi, pour partie, être redéployée au profit des grands organismes de recherche et des universités. Les dotations de l’État envers ces institutions seront en effet stabilisées en 2014 par rapport à 2013.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Berson. Un tel ajustement, monsieur le ministre, aurait un effet neutre sur les finances publiques, mais des conséquences très positives sur l’enseignement supérieur et la recherche, un secteur d’avenir, un secteur prioritaire. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.