M. Jean Arthuis. Mais nous attendons des actes !
Allons donc jusqu’au bout de la décentralisation et laissons aux élus territoriaux le pouvoir d’innover dans l’organisation des services publics locaux. Ils ont besoin de liberté et ils sont prêts à assumer leurs responsabilités en fonction des attentes de leurs concitoyens et des moyens financiers dont ils disposent. La raréfaction des moyens sera sans doute le levier le plus efficace des réformes des collectivités territoriales.
Je salue bien sûr le travail de notre commission des finances et de notre commission des affaires sociales. Il nous éclaire et nous met face à nos responsabilités. Notre lucidité est également avivée par les excellentes recommandations de la Cour des comptes, qui nous appelle à nos devoirs.
Au fond, mes chers collègues, nous savons ce qu’il faudrait faire mais nous ajournons sans cesse l’acte décisif. La lucidité sans le courage ne sert à rien. Alors, messieurs les ministres, osons les vraies réformes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (M. Francis Delattre applaudit.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce 4 juillet, nous abordons la discussion du traditionnel débat d’orientation des finances publiques pour l’exercice 2014, à une heure tardive, un jeudi soir.
Si la raison d’être de cet exercice est bien d’informer le Parlement en lui communiquant les orientations de politique économique et budgétaire sur lesquelles le futur budget sera construit, nous doutons encore, monsieur le ministre, que, à la fin de nos échanges, nous serons beaucoup plus avancés et mieux informés, tant le Gouvernement multiplie les annonces tout en repoussant la résolution de l’équation de leur financement.
Ont ainsi été annoncés 10 000 postes supplémentaires dans l’éducation nationale, comme nous l’a indiqué M. Peillon récemment, en plus des 60 000 promis pendant la campagne électorale,…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous en aviez supprimé tellement !
M. Philippe Dallier. … 2 000 postes de plus à Pôle emploi, 100 000 places de crèches, une réforme des rythmes scolaires à la charge des collectivités locales – elle coûtera au moins un milliard d’euros –, en période de baisse des dotations… La liste n’est pas exhaustive, car il faut bien constater qu’il ne se passe guère de semaine sans annonce qui aura forcément un coût et un impact sur le déficit public.
D’un côté, on affirme réduire les dépenses publiques ; de l’autre, on continue à promettre pour calmer la grogne des déçus, qui semblent assez nombreux. Voilà qui ne manque pas de nous inquiéter pour les années à venir, mais, pour tout dire, monsieur le ministre, ce que nous attendions d’abord, c’est une loi de finances rectificative.
Car enfin, comment parler sérieusement du budget 2014, alors que la plus grande incertitude règne sur le bouclage de l’exercice 2013 ?
On nous a parfois reproché, dans le passé, de multiplier les lois de finances rectificatives, mais celles-ci permettent d’ajuster le budget au plus près de la réalité de la conjoncture économique.
Je sais bien qu’il n’est jamais agréable de devoir constater la dégradation de la situation, comme c’est le cas actuellement, et en tirer les conséquences, mais c’est aussi cela la véritable sincérité budgétaire, c’est aussi cela la transparence dont vous nous avez tant parlé, c’est aussi cela la gestion prudente, qui s’appuie sur des données économiques actualisées et les plus fiables possible, avant de fixer les orientations pour l’année suivante et à plus long terme.
Nous le savons aujourd’hui, les recettes attendues pour 2013 s’annoncent bien moindres que ce qui a été prévu à l’automne dernier. Cela s’explique principalement par des prévisions de croissance trop optimistes, que nous avions d’ailleurs dénoncées à l’époque.
Pour justifier votre refus d’une loi de finances rectificative, vous nous dites que vous avez déjà effectué les corrections nécessaires à l’occasion de la présentation du programme de stabilité, au printemps dernier.
Cet argument nous paraît d’autant plus irrecevable que le programme de stabilité est un document de prévision présenté aux instances européennes, même si nous en avons débattu ici, toutefois sans vote.
En outre, ce document n’est déjà plus d’actualité, puisque, depuis sa présentation, le Gouvernement a annoncé, et c’est heureux, une réforme des retraites et la probable modification du régime fiscal des plus-values de cession, après la révolte dite « des pigeons », qui coûtera probablement plusieurs centaines de millions d’euros.
Par ailleurs, si le déficit budgétaire pour 2013 a été revu à la hausse de près de 7 milliards d’euros dans le programme de stabilité, ce sont très vraisemblablement plus d’une dizaine de milliards d’euros qui pourraient manquer en recettes, du fait des mauvaises rentrées de recettes de TVA, d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu, mais aussi de droits de mutation.
Aussi, on peut se demander quel sera le montant du dérapage budgétaire cette année : 7 milliards d’euros, 10 milliards d’euros, ou davantage encore ? La question reste posée !
Cependant, la bataille de chiffres, à laquelle vous vous êtes livré avec le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, notre collègue Gilles Carrez, dans le sens duquel la Cour des comptes est plutôt allée, nous laisse craindre une très mauvaise surprise.
Dans ces conditions, le gel programmé de certains crédits sera-t-il suffisant ? À l’évidence, il ne permettra pas de tenir les 3,7 % de déficit. Pourra-t-il nous éviter de dépasser les 4 %, chiffre maintenant avancé par le Gouvernement ? Nous n’en sommes pas convaincus, et nous aimerions, hypothèses à l’appui, que vous nous en fassiez la démonstration en présentant une loi de finances rectificative.
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas nous contenter de vos déclarations de bonne tenue des dépenses, d’autant que nous pouvons craindre aussi une vraisemblable envolée des dépenses sociales.
Comment être rassuré également alors que votre politique de modernisation de l’action publique balbutie tout juste – vous l’avez d’ailleurs dit – et ne donne guère de résultats pour le moment ?
À ce sujet, on aurait envie de vous demander, monsieur le ministre, pourquoi vous avez supprimé le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Que n’avez-vous continué la RGPP ! Vous en auriez fait porter la responsabilité à vos prédécesseurs, comme c’est si souvent le cas maintenant, et vous auriez pu y apporter les modifications que vous souhaitiez. Cela vous aurait permis d’éviter de perdre au moins deux ans dans la maîtrise de la dépense publique.
La RGPP est morte, vive la MAP ! Au fond, les termes nous importent peu. Ce qui nous intéresse, c’est que, au lieu de nous parler d’objectifs et de les considérer comme étant quasiment acquis, vous nous donniez un calendrier précis et des exemples de résultats concrets de votre politique de modernisation de l’action publique.
À l’évidence, pour 2013, des ajustements budgétaires importants sont indispensables, et la Cour des comptes ne dit d'ailleurs pas autre chose. Ils légitiment, à nos yeux, un collectif budgétaire. Le Parlement, de même que l’opposition assurément, est bien dans son rôle lorsqu’il vous demande des chiffres actualisés et des mesures tangibles. Il pourrait alors exercer ses prérogatives constitutionnelles, dans le cadre d’une procédure législative.
Tout cela justifie, à nos yeux, un vote des assemblées, ce qui n’a pas été le cas sur le programme de stabilité, malgré la demande du président de la commission des finances Philippe Marini, et qui ne le sera pas non plus aujourd'hui sur ce débat d’orientation.
L’ajustement que nous réclamons, monsieur le ministre, c’est – vous vous en doutez ! – non pas une augmentation des recettes, ce qui, sans croissance, signifie nécessairement une augmentation des impôts et des taxes, mais une maîtrise des dépenses. Nous savons bien que c’est plus difficile, mais vous n’avez pas d’autre choix.
Vous justifiez le refus du Gouvernement de présenter une loi de finances rectificative par deux arguments : laisser jouer les stabilisateurs budgétaires et ne pas recourir à l’impôt dans le contexte actuel.
Dans notre pays, il est vrai que le gel d’une partie des crédits ouverts, à titre de précaution, a démontré son utilité dans le passé. Vous nous parlez maintenant de « surgel », mais ces mesures ne constituent pas une politique en tant que telle.
S’il n’y a pas de rationalisation sérieuse de la dépense publique sur le moyen et le long terme, ces gels et surgels ne sont que des pis-aller qui pourraient laisser croire que, comme le disent certains, le Gouvernement tergiverse, attendant le retour de la croissance, comme certains le retour du soleil après la pluie.
Nous pensons, pour notre part, que pour faire revenir la croissance, il faut nous en donner les moyens en rendant à nos entreprises des marges de manœuvre pour investir et être plus compétitives.
Quant à la hausse des impôts, c’est, jusqu’à présent, la méthode que vous avez presque exclusivement utilisée pour améliorer le solde budgétaire, et nous en voyons aujourd’hui les limites.
Les entreprises et les particuliers n’en peuvent plus du véritable « matraquage fiscal » – j’ose employer le terme – que vous leur avez infligé, avec pour résultat une croissance qui ne repart pas et, en prime, une baisse de la consommation des ménages.
Bien sûr, vous dites maintenant aux Français que les impôts n’augmenteront plus. Pourtant, restent à venir la hausse de la TVA à partir du 1er janvier 2014, la deuxième baisse du quotient familial dans le cadre de la réforme des allocations familiales, la hausse des cotisations AGIRC-ARRCO, pour sauver les régimes, et la hausse, au 1er janvier 2014, de 10 % de l’écotaxe, seulement trois mois après sa mise en place.
Pour toutes ces raisons, il nous semble que la situation économique de la France justifie de ne pas attendre l’automne prochain : les ajustements budgétaires et les réformes doivent être engagés le plus tôt possible, c’est-à-dire dès maintenant, tout simplement pour qu’ils produisent des effets au plus vite.
Que nous disent d’ailleurs les autorités européennes pour que notre pays retrouve le chemin de la compétitivité ? Selon la Commission européenne, « le budget 2013 doit être exécuté de manière rigoureuse et les efforts d’assainissement résolument poursuivis dans les années à venir » et « la composition de l’ajustement budgétaire devrait évoluer progressivement vers des réductions de dépenses, contrairement à ces dernières années, où les mesures d’accroissement des recettes ont représenté l’essentiel de l’effort ».
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C'est faux !
M. Philippe Dallier. Dans cette perspective, « la stabilité du cadre fiscal et de l’environnement réglementaire des entreprises devrait conserver une priorité élevée ». Ce n’est pas moi qui le dis, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, je cite un document de travail des services de la Commission !
La Cour des comptes ne dit d’ailleurs pas autre chose, permettez-moi de le souligner. Selon elle, la France ne pourra tenir ses engagements et objectifs que si des mesures fortes, portant désormais essentiellement sur la dépense publique, sont rapidement prises.
Voilà une convergence de vues qu’il faut souligner entre un organe national, la Cour des comptes, et les instances européennes. Elle est d’autant plus intéressante que les déclarations de certains membres de la majorité, fustigeant la Commission européenne qui prétendrait nous « dicter » notre politique, étaient très malvenues, au moment même où vous deviez aller expliquer à nos partenaires que nous ne tiendrions pas nos engagements.
Et que dire des déclarations de certains ministres, qui ont contraint le Président de la République à rassurer nos partenaires, en leur expliquant que, en France, un membre du Gouvernement peut dire n’importe quoi, pour peu qu’il appartienne à un courant du parti socialiste assez puissant, mais que, finalement, ce n’est pas bien grave...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà !
M. Philippe Dallier. Tout cela est d’un effet déplorable et ne sert pas la France. Aussi, de grâce, cessons les guerres picrocholines avec les instances européennes!
L’engagement européen de la France implique que l’on accepte le regard des autres sur nos propres choix, qu’on le perçoive non comme une ingérence, mais comme un dialogue constructif, qui doit être utile aux Français et aux Européens.
Par ailleurs, on ne défendra la souveraineté de notre pays qu’en réduisant notre déficit et notre dette publique.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Dallier. Personne ne le fera à notre place, et c’est non seulement la condition du retour de la croissance, mais aussi l’assurance que la voix de la France portera en Europe.
Sur ce point, la divergence entre la France et l’Allemagne est particulièrement inquiétante : l’Allemagne a désormais une dette de huit points de PIB inférieure à celle de la France et elle sera vraisemblablement à l’équilibre budgétaire en 2014, peut-être même en excédent budgétaire.
En Allemagne, les objectifs à atteindre ne sont pas un sujet de débat partisan. Ils font l’objet d’un large consensus, si bien que le résultat des élections de septembre prochain, quel qu’il soit, n’aura pas d’influence sur ces objectifs partagés.
Si l’on veut être crédible, donc écouté, on ne peut pas plaider, comme vous le faites, pour un gouvernement économique européen et entendre certains ministres protester contre les recommandations des instances européennes. Il faut donc engager les réformes sans tarder et cesser de laisser croire aux Français que tous les outils seraient déjà dans la boîte et qu’il n’y aurait plus qu’à attendre les résultats.
Parmi les outils phare, votre crédit d’impôt compétitivité emploi, ou CICE, ne sera d’ailleurs certainement pas le nec plus ultra du retour à la compétitivité de nos entreprises, quand on sait les interrogations, souvent exprimées, que soulève ce dispositif, en termes de financement dans la durée, d’effet d’aubaine parfois, de complexité et de faible ciblage sur l’industrie enfin. Surtout, les 10 milliards d’euros qui y seront consacrés, si tant est qu’on atteigne ce montant cette année, correspondent tout juste aux prélèvements supplémentaires sur les entreprises. En somme, on donne d’une main ce que l’on avait déjà pris de l’autre !
De même, l’accord national interprofessionnel, l’ANI, signé au début de l’année et traduit dans la loi, ne constitue pas une véritable politique de flexisécurité, alors qu’il ne concerne que les périodes de retournement conjoncturel.
Ces deux exemples doivent être considérés non comme un aboutissement, mais seulement comme un premier pas, qu’il faut consolider par des réformes structurelles de long terme.
Monsieur le ministre, la situation du pays n’est pas bonne, et les Français, pas plus que nous, ne voient de raison d’espérer une amélioration. Pendant de trop long mois, au début de cette législature, le Gouvernement a nié la gravité de la crise. Le Président de la République en a même fait l’aveu publiquement, à la télévision, en déclarant qu’il en avait sous-estimé la portée.
Dans un second temps, c’est le poids de l’héritage que vous avez invoqué. Notre dette publique et notre déficit structurel viennent certes de loin, de très loin même, et nous en portons tous une part de responsabilité, mais c’est bien la crise de 2009 qui a précipité les choses.
Monsieur le ministre, vous avez, comme plusieurs orateurs de gauche, évoqué à plusieurs reprises la période 2002-2012, pendant laquelle les déficits publics et la dette s’étaient largement accrus.
Mme Michèle André. Eh oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est trop facile !
M. Philippe Dallier. Sur le constat, vous avez raison, mais l’honnêteté intellectuelle aurait tout de même voulu que vous rappeliez deux points.
Premièrement, vous auriez dû préciser que, en 2002, dernière année du gouvernement Jospin, le déficit budgétaire était de 50 milliards d’euros. À la fin de 2007, il avait été ramené à 37-38 milliards d’euros.
Deuxièmement, il y a un élément que vous avez oublié, ou dont vous n’avez jamais entendu parler : le monde a vécu la plus grave crise qu’il ait connue depuis 1929. En une année, les recettes de l’État se sont effondrées de 25 %. Nous avons encaissé ce choc, et n’importe quel gouvernement aurait été dans la même situation que nous.
M. Francis Delattre. C'est juste !
M. Philippe Dallier. Nous avons essayé de soutenir la relance et, cela a été rappelé, vous trouviez à l’époque que nous n’en faisions pas assez, que nous aurions dû dépenser davantage pour soutenir l’investissement et la consommation des ménages.
Que se serait-il alors produit ? Nous aurions encore plus creusé le déficit ! Aussi, de grâce, ayez au moins l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître. Ne nous faites pas croire que les années 2002 à 2012 ont été un long fleuve tranquille, au cours duquel nous aurions laissé filer les dépenses. Il s'est passé quelque chose en 2008 et en 2009, qui a précipité la situation difficile à laquelle nous nous sommes efforcés de faire face. Et c'est maintenant à vous, qui êtes aujourd'hui au pouvoir, de prendre la relève. Nous vous jugerons sur les résultats que vous obtiendrez !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Dallier. Cependant, je tiens aussi à rappeler à cette tribune que la Cour des comptes, elle-même, a reconnu que notre pays était entré dans une trajectoire de redressement des finances publiques à partir de 2011.
D’ailleurs, nous avions enregistré, entre 2010 et 2011, un léger sursaut de croissance : 1,5 % en 2010 et 1,7 % en 2011 selon l’INSEE. De même, nous avions enregistré une légère décrue du chômage – trop légère, certes –, dont le taux s'est établi à 9,4 % en 2010, contre 9,2 % en 2011, selon la même source.
Toutefois, vos critiques, de manière assez paradoxale, ne semblent pas vous empêcher de vous approprier certaines mesures engagées par la précédente majorité et que vous aviez alors combattues.
À ce sujet, j’aimerais rappeler quelques éléments intéressants. Vous vous félicitez des conditions de la mise en œuvre du mécanisme européen de stabilité, mais je vous rappelle que celui-ci a été lancé au début de 2012 et que, à l'époque, dans l'opposition, le groupe socialiste du Sénat ne l'avait pas voté. Les 10 milliards d'euros d’investissements supplémentaires que la Banque européenne d'investissement va engager étaient sur la table des négociations avant votre arrivée au pouvoir. De même, la taxe sur les transactions financières est une initiative de la précédente majorité, que vous avez, certes, menée à son terme.
Aussi, monsieur le ministre, au lieu d’accuser les autres ou de vous approprier certaines de leurs actions, nous attendons que vous assumiez pleinement vos responsabilités, aujourd’hui et maintenant. Nous attendons que vous nous donniez des éléments d’information concrets sur la manière dont vous allez utiliser les deux années de sursis obtenues de Bruxelles pour remettre nos finances publiques d’aplomb.
Quand allez-vous engager, au niveau nécessaire, la baisse des dépenses publiques, et sur quoi va concrètement déboucher la modernisation de l'action publique ? Comment aller vous réformer les retraites en évitant une augmentation du coût du travail, ce qui serait préjudiciable à nos entreprises et à la création d’emplois ? Allez-vous engager la réforme de l’assurance chômage, et comment ? Comment allez-vous contribuer à l’amélioration de la compétitivité et à la profitabilité de nos entreprises, préalable à la création de richesse et d’emplois ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les instances européennes ont donné à la France un délai de deux ans pour rééquilibrer ses finances publiques. Deux ans, c’est d’autant plus court que l’on pourrait faire face, entre-temps, à un retournement de la confiance que les marchés financiers accordent encore à notre dette publique.
Philippe Marini, alors rapporteur général de la commission des finances, avait intitulé l’un de ses rapports L’insoutenable légèreté de la dette. Nous sommes encore dans ce paradoxe et, quelque part, c'est tant mieux. Néanmoins, nous savons aussi la conséquence immédiate, pour l’ensemble de notre économie, que représenterait le renchérissement du coût de nos emprunts.
Ce qui se passe en ce moment au Portugal ne peut nous laisser indifférents, d'abord parce que l’Europe devra peut-être intervenir, ensuite parce que c’est un signal d’alerte supplémentaire pour tous ceux qui hésitent encore à prendre les décisions difficiles qui s’imposent.
Il faut donc agir, et de façon déterminée. Notre pays a besoin de réformes, d’action et de visibilité, car le retour à la confiance des acteurs économiques est aussi un facteur déterminant de la reprise.
C’est sur ces différents sujets, monsieur le ministre, que nous souhaiterions vous entendre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2013, le débat d’orientation des finances publiques s’inscrit, pour la troisième fois, dans le cadre du semestre européen, qui instaure une procédure de surveillance de la préparation des budgets nationaux par les autorités communautaires. Qu'on le déplore ou que l'on s'en réjouisse, c'est un fait sur lequel nous ne reviendrons pas.
En 2013, comme en 2011 et en 2012, ce débat s’inscrit également dans un contexte d’extrême fragilité des finances publiques de notre pays.
Il faut dire que les dix ans de gestion de l’économie française par les gouvernements précédents ont mis celle-ci dans une situation difficile. Les importants cadeaux fiscaux faits aux contribuables les plus aisés, répétés régulièrement pendant dix ans,…
M. Francis Delattre. Encore les cadeaux fiscaux !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C'est la vérité !
Mme Michèle André. … ont provoqué le creusement des déficits publics, une hausse de l'endettement et de la charge de la dette, ainsi qu’une casse de l’État-providence présentée comme inévitable au motif que celui-ci serait un concept dépassé.
Évidemment, même un bel outil ne fonctionne plus quand on le détruit. Et quand on veut noyer son chien, on l’accuse d’avoir la rage.
M. Francis Delattre. Pauvre bête ! (Sourires.)
Mme Michèle André. Pourtant, nous, socialistes, avons un cap pour notre nation : celui d’une République sociale, comme il est inscrit dans notre Constitution depuis 1946. C’est-à-dire un État protecteur, qu’il s’agit de défendre quand il est menacé, de réparer quand il est abîmé, enfin de toujours consolider et développer.
L’État-providence n’est passé de mode que dans les têtes des idéologues et des communicants de tout poil qui font en sorte que nous nous appropriions cette antienne. Néanmoins, je pense qu’ils auront du mal à y arriver.
Ils n’y parviendront pas, car les pauvres, les pauvres sans travail, les travailleurs pauvres – innovation sémantique qui nous vient d'ailleurs de la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher –, les vieux pauvres, les jeunes pauvres, ceux qui, de plus en plus nombreux, habitent – si l’on peut dire – dans les rues de nos villes, tous ceux-là nous empêchent de trouver normal que d’aucuns demandent de rogner les prestations sociales de ceux que l’on stigmatise sons l’appellation d’assistés.
Ils nous empêchent de trouver normal que l’on parle de charges sociales ou de coûts sociaux, sans jamais parler du coût du capital, de la charge que représente l’exigence indécente de rentabilité à deux chiffres par certains actionnaires.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Michèle André. Ceux-ci n’ont d’argent à placer que parce qu’ils ont, justement, du capital disponible : on a allégé les impôts qu’ils auraient dû payer au sein d’un État solidaire qui se respecte.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Alors il faut le prendre ! Prenez-leur tout ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Pourquoi pas ?
Mme Michèle André. La crise, cela a été prouvé, monsieur Dallier, n’intervient que pour une part minoritaire dans nos difficultés. Vous le savez tous, et Philippe Seguin, lui-même, l'avait fait remarquer. Il serait honnête que, de chaque côté de l’hémicycle, nous l'admettions.
La crise n’est donc pas la cause principale du creusement des déficits et du gonflement de la dette, puisqu’il a fallu emprunter pour compenser les allègements d’impôts dont ont bénéficié certains, qui gagnent ainsi, d'ailleurs, sur les deux tableaux : on diminue leurs impôts et, parallèlement, la grande masse des contribuables est obligée de les rémunérer pour les prêts que ces économies leur ont ainsi permis de consentir !
En 2012, quand la gauche est arrivée au gouvernement, c'était dans le contexte d’un ralentissement généralisé de l’activité mondiale, d’un ralentissement de la zone euro, de l’accentuation des hétérogénéités au sein de cette zone, même si aucun pays n’a vraiment été épargné par la dégradation de la conjoncture, et aussi d’un ralentissement de l’économie française.
Aussitôt constitué, le Gouvernement a pris courageusement la situation en main. Il a ainsi procédé à un ajustement structurel significatif de la situation de nos finances publiques.
Alors que, depuis 2002, le déficit structurel avait été systématiquement supérieur à 3 %, son niveau moyen s’élevant à 4,5 %, et que jamais, depuis cinquante ans, la France n’avait connu une période aussi prolongée de déficit structurel si élevé, depuis juin 2012, le Gouvernement a entrepris de rétablir l’équilibre structurel des finances publiques.
Cet effort, qualifié de « très significatif » par la Cour des comptes elle-même, n’avait jamais été réalisé depuis le milieu des années 1990, lors de la qualification de la France pour l’euro. Il a permis au déficit structurel de repasser sous la barre des 4 % du PIB, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 2007. Et les dépenses de l’État ont connu une baisse historique de 300 millions d’euros en 2012 par rapport à 2011 ; nous l'avons évoqué dans le débat précédent.
En 2013, la gestion des finances publiques françaises, marquée par la volonté du Gouvernement de confirmer et de consolider la stratégie de rétablissement des finances publiques, s’inscrit dans le cadre de la poursuite de la réforme de la gouvernance budgétaire de la zone euro, avec l’entrée en vigueur du traité de stabilité et d’un nouveau paquet législatif.
Il est intéressant de noter que le programme de stabilité prévoit une reprise graduelle de l’activité en France tout au long de l’année 2013. Notre rapporteur général l'a fait remarquer, apportant ainsi dans un débat qui, ce soir, prend une tournure difficile, un élément d'optimisme bienvenu. Je pense, comme lui, que la confiance est un privilège…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Merci, et bravo !