Article 9
Au premier alinéa de l’article 72 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, la référence : « et 22 » est remplacée par les références : « , 22 à 38, les II et III de l’article 39 et les articles 40 ». – (Adopté.)
Mme la présidente. La parole à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour prolonger mon propos précédent, je souhaite rappeler que le projet de loi de règlement pour 2012 sur lequel nous allons nous prononcer prend en compte la gestion de la droite pour une partie de l’année et de l’actuel gouvernement pour l’autre partie de l’année. Dans sa sagesse, la commission des finances propose d’adopter ce texte. Il serait en effet raisonnable de pouvoir accorder quitus à la gestion opérée alternativement par deux équipes gouvernementales.
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 294 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 169 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La République s’arrête !
M. Francis Delattre. Le Sénat n’a pas été convaincu par la transparence !
7
Orientation des finances publiques
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’orientation des finances publiques.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver ce soir pour ce débat d’orientation des finances publiques, qui est, pour nous tous, un moment important.
Nous avons eu dans cette enceinte, il y a un peu plus de deux mois, une discussion sur le programme de stabilité et le programme national de réforme de la France. Ces échanges sont, je n’en doute pas, encore frais dans vos mémoires, et vous venez d’évoquer nos orientations futures dans le cadre du débat sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012.
Lors du débat sur le programme de stabilité, nous avons pris acte collectivement – je dis bien « collectivement » – d’une réalité qui nous marque, qui marque l’ensemble des économies européennes et qui marque la France : la dégradation rapide et généralisée du contexte économique dans la zone euro.
La zone euro connaîtra en 2013 une nouvelle année de récession, dont la France subit bien sûr les conséquences. Chacun sait en effet ici, quelle que soit son appartenance politique, que notre pays n’est pas un isolat : nos principaux clients et fournisseurs se trouvent dans la zone euro. Notre économie en dépend donc étroitement. Cela m’avait conduit à réviser à la baisse la prévision de croissance à 0,1 % et la prévision de déficit public à 3,7 % pour l’année 2013. Je le dis à tous ceux qui pourraient être un peu amnésiques à ce sujet – je partage à cet égard les propos de Bernard Cazeneuve –, comme si nous n’avions pas évolué depuis le vote du projet de loi de finances ! J’aurai d’ailleurs l’occasion d’y revenir et de préciser les aléas qui entourent ces prévisions, et ce en toute transparence.
Au cours de la séance consacrée au programme de stabilité, nous avons eu une discussion franche, animée même, au-delà des questions de chiffres et de décimales, sur les conséquences à tirer de ces évolutions conjoncturelles pour la conduite de la politique budgétaire. Je voudrais rappeler aujourd’hui que l’opposition avait alors pris position en faveur de l’adoption de mesures de redressement supplémentaires pour tenir, coûte que coûte, l’objectif de 3 % de déficit du PIB en 2013. Chacun conviendra que ces observations, relatives à un débat passé, sont factuelles.
Le Gouvernement, soutenu par la majorité, avait jugé que, dans le contexte économique actuel de récession, la voie du plan de rigueur ou du plan d’austérité – appelons les choses par leur nom ! – aurait supposé d’adopter dès cette année des mesures, soit de hausse d’impôts, soit de coupe dans les dépenses de près de 15 milliards d’euros. En clair, cette voie aurait conduit à enfoncer notre économie dans la récession, à aggraver le chômage et, in fine, à ne réduire que très marginalement le déficit. En effet, ce que nous aurions gagné par ce plan de rigueur ou d’austérité supplémentaire, nous l’aurions perdu, en grande partie, par l’effet induit de ces décisions sur les rentrées fiscales, dans une logique fondamentalement récessive.
Le Gouvernement a donc fait le choix de refuser cette logique, qui, je le crois, est vouée à l’échec et que j’appellerai le « nominalisme », pour privilégier à la place un pilotage structurel des comptes publics.
Nous avons choisi le sérieux, ce qui suppose de faire des ajustements structurels et de conduire les réformes nécessaires. Nous refusons donc l’austérité – je le dis avec force en me tournant vers la majorité –, qui aggraverait encore la situation économique et précipiterait notre économie dans la récession. C’est pourquoi je répète à l’opposition qu’elle se trompe en réclamant un collectif budgétaire au nom de la vérité.
La vérité, qui est la même pour tous, nous la disons sur les comptes publics au fur et à mesure qu’elle se dévoile, compte tenu de la situation dans la zone euro et dans notre pays. Ce qui nous sépare, ce n’est donc pas le prétendu rapport à la vérité. C’est un désaccord profond, qui n’est pas illogique, sur la politique économique qu’il convient de mener dans cette circonstance.
Vous privilégiez, selon moi de manière erronée, les cibles nominales à la croissance. Nous voulons, quant à nous, que l’économie française se redresse et crée des emplois. C’est pourquoi nous acceptons, et nous le revendiquons, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques dans la conjoncture dégradée que nous connaissons. L’une des leçons que nous pouvons tirer des années écoulées – chacun devrait le faire ! – est que la multiplication des collectifs budgétaires ne garantit en rien le redressement des comptes publics. L’opposition reste sourde à cette leçon, peut-être pour avoir usé, voire abusé de cette mauvaise méthode.
Avec Bernard Cazeneuve, nous avons donc plutôt défendu une gouvernance rénovée, qui s’appuie sur deux principes.
Le premier, c’est une gestion sérieuse et scrupuleuse des dépenses publiques. Je regrette à cet égard, à la place qui est la mienne, le vote qui vient d’intervenir sur le projet de loi de règlement du budget. Nous sommes ou avons été, pour la plupart d’entre nous, élus locaux et, parfois, responsables d’exécutifs de collectivités locales. Pour ma part, je n’ai jamais voté, même lorsque j’étais dans l’opposition, contre un compte administratif, ce qui est la transposition au plan local, toutes choses étant égales par ailleurs, de la loi de règlement. Le rejet du projet de loi de règlement est donc l’expression d’une démarche politique que je ne saurais approuver.
Le second principe est que nous voulons laisser les recettes fiscales s’ajuster en fonction de l’évolution de la conjoncture et ne pas prendre de mesures d’austérité quand l’économie est en difficulté. C’est pourquoi nous n’avons pas accédé à la demande de ceux qui réclamaient un collectif budgétaire.
Je voudrais profiter de ce propos liminaire pour prendre un peu de recul et vous rappeler d’où nous venons. Je serai bref, car Bernard Cazeneuve a dit l’essentiel lors du débat précédent.
Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, en mai 2012, l’enjeu était de parer à l’urgence, c’est-à-dire de répondre aux risques les plus pressants, qui étaient, pour l’essentiel, d’ordre financier, à la fois au niveau européen et au niveau national.
Au niveau européen, la priorité absolue qui s’est immédiatement, presque « physiquement », imposée à nous, c’était d’assurer la survie de l’euro. Je me souviens des premières réunions, européennes ou internationales, auxquelles j’ai participé, comme le G20 de Los Cabos. Nos partenaires étaient inquiets et nous demandaient si l’euro allait survivre encore six mois ou un an. Cette question était légitime : il y avait des raisons de douter.
Pour assurer la survie de l’euro, il fallait prévenir l’instabilité des pays en difficulté financière et éviter la propagation des chocs ainsi que le décrochage d’une partie des membres de la zone euro, ce qui fut fait.
J’ai consacré beaucoup de mon temps et de mon énergie – il m’en reste ! – à chercher, dans le cadre du Conseil Ecofin, des solutions pour la Grèce, pour Chypre, pour les banques espagnoles, et à faire avancer l’union bancaire. Cette volonté de sauvetage de la zone euro n’est pas éloignée des préoccupations des Français. J’ai en effet une conviction profonde : il n’y aura pas de sortie de crise pour la France si nous ne trouvons pas en Europe, et d’abord dans la zone euro, une issue convaincante. Ces deux agendas sont liés.
Au niveau national, les risques les plus immédiats étaient aussi financiers. Il fallait desserrer l’étau qui nous menaçait, éviter une hausse des taux d’intérêt à long terme, c’est-à-dire un scénario à l’italienne ou à l’espagnole, qui n’était pas une vue de l’esprit, tant les comptes publics étaient dégradés. C’est pourquoi nous avons adopté, en 2012, cette trajectoire exigeante et demandé aux Français les efforts rudes qui ont permis la réduction des déficits. Bernard Cazeneuve l’a dit, si nous n’avions pas agi, le déficit aurait été nettement supérieur à 5,3 % ; il aurait peut-être atteint 5,5 %.
Nous avons dû faire face à cette crise et conduire cet effort de grande ampleur dans un contexte de dégradation des perspectives de croissance.
Pour l’année 2012, le consensus sur la croissance de la zone euro était de 1 % en janvier 2012. La zone euro a finalement connu une récession de 0,6 %.
Pour l’année 2013, les conjoncturistes prévoyaient en juin 2012 une croissance de 0,7 % dans la zone euro. Aujourd’hui, les mêmes anticipent une récession de 0,6 % pour 2013, et, pour la France, quelque part entre – 0,1 % et + 0,1 %.
Ce contexte européen défavorable a pesé assurément sur les perspectives de la France. De même, les hausses d’impôts votées depuis 2011 pèsent sur l’activité et sur le pouvoir d’achat des ménages. Je dis bien depuis 2011, et j’y insiste ! Je ne demande pas à l’opposition d’adhérer à nos choix, mais n’oublions pas qu’aux responsabilités elle n’a pas hésité à recourir à des hausses d’impôts massives. Sur les deux dernières années, 2011 et 2012, la précédente majorité a en effet voté 35 milliards d’euros de hausse des prélèvements obligatoires. Ce sont les mêmes qui nous reprochent aujourd’hui le matraquage fiscal !
Nous n’avons d’ailleurs pas procédé de la même façon puisque nous avons fait en sorte, pour notre part, d’orienter les efforts vers les catégories ayant la propension à consommer le moins, autrement dit de préserver les couches populaires et moyennes.
La baisse du pouvoir d’achat est d’abord la conséquence de la poussée du chômage, à laquelle nous résistons. Le Gouvernement mobilise sur ce sujet à la fois les ressources de la politique économique et celles de la politique de l’emploi.
Dégradation de la situation européenne, déficit de compétitivité, poussée du chômage : c’est bien cette situation que nous avons trouvée.
L’économie française reste une grande économie. Je le rappelle à tous ceux qui se complaisent dans le french bashing, qui pensent que tout va mal en France et qui se font parfois les faux prophètes de notre déclassement. Jouer contre son camp et dénigrer son pays n’est jamais de bonne politique !
Mme Michèle André. Bravo !
M. Pierre Moscovici, ministre. Il est vrai que notre économie s’est affaiblie, qu’elle a perdu en compétitivité, qu’elle s’est endettée au cours des dix années écoulées.
Oui, il y a des problèmes, et il faut les traiter ! Non, l’économie française n’est pas en situation de dépôt de bilan, ni même de faillite, comme le disait un ancien Premier ministre, cinq ans avant d’ajouter 600 milliards d’euros de dettes !
Nous sommes confrontés à un double défi : redresser le pays et ses comptes publics ; redresser son tissu productif. Notre réponse est à la hauteur de ces défis.
Nous voulons d’abord réorienter la construction européenne en faveur de la croissance. Une réalité doit en effet nous frapper, quelles que soient nos sensibilités politiques : par rapport aux autres grands pôles économiques de la planète – États-Unis, Japon, Chine –, l’Europe prise dans son ensemble cumule à la fois la croissance la plus faible, le chômage le plus élevé, les déficits les plus bas, et même un excédent commercial. Le policy mix de la zone euro, c’est-à-dire la combinaison de politiques monétaires et de politiques budgétaires, est donc trop restrictif.
La France n’a cessé, depuis mai 2012, de demander une réorientation des politiques macroéconomiques.
Les lignes ont commencé à bouger au sein de la Commission européenne, sous l’impulsion du Président de la République, notamment grâce au dialogue nourri que j’ai conduit avec le commissaire chargé des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn. La Commission européenne a en effet décidé de donner plus de temps à plusieurs pays européens, dont la France, pour ramener leur déficit en deçà de 3 %, et a mis l’accent sur la réduction des déficits structurels. Par ailleurs, nous avons obtenu un pacte pour la croissance et l’emploi, dont la mise en œuvre a été confirmée, notamment en direction du chômage des jeunes, lors du dernier Conseil européen qui s’est tenu voilà quelques jours.
Il faut à présent conforter cette avancée auprès de la Commission européenne. Tel est l’objet de ce pacte pour la croissance et l’emploi, mais aussi de l’union bancaire européenne, tout à fait essentielle pour lutter contre la fragmentation financière.
Il me paraît légitime que la Commission demande à un pays de faire des réformes. Mais il revient au Gouvernement et à la représentation nationale de les accomplir.
On nous demande de réformer le marché du travail ? Cela tombe bien : nous l’avons fait, comme aucun autre gouvernement avant le nôtre depuis quarante ans.
On nous demande d’agir pour la compétitivité ? Là encore, cela tombe bien : nous l’avons fait, grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
On nous demande de réformer les retraites ? Les négociations sont en train de s’ouvrir !
On nous demande de faire des réformes dans le domaine de l’écologie ? Une fois de plus, cela tombe bien, puisque nous menons un processus de transition énergétique.
Demander des réformes, c’est légitime. Demander de réduire les déficits structurels, c’est normal. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est d’adopter une approche trop prescriptive, trop intrusive, et de tenir la main des États.
S’agissant des retraites, par exemple, ce qui compte, c’est de résorber le déficit et de résoudre le problème de financement qui nous a été légué par le précédent gouvernement, après une réforme Fillon prétendument définitive. Nous n’avons pas à recevoir de recommandations sur la manière de procéder ou sur le recours à un unique moyen d’y parvenir, qui ne pourrait être que l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite.
Nous devons poursuivre avec la Commission ce dialogue ferme, qui n’est pas exempt de rapports de force, dans le respect de l’institution et avec la volonté d’engager un processus de réformes.
Apporter une réponse à la hauteur des défis, c’est aussi prendre à bras-le-corps notre problème de compétitivité. Nous faisons ainsi un effort de 20 milliards d’euros pour la compétitivité avec le CICE, qui, contrairement à ce que laisse entendre l’actuelle campagne de dénigrement de la politique gouvernementale, est en train de « prendre ». J’ai pu constater, au cours de mes déplacements sur le terrain, que 800 millions d’euros de préfinancement ont d’ores et déjà été accordés à des PME et que la Banque publique d’investissement, qui est à l’offensive dans ce domaine, se tient aux côtés des acteurs concernés pour les aider à résoudre leurs problèmes de trésorerie.
Par ailleurs, nous avons pris de nombreuses décisions pour améliorer le financement de l’économie : la création de la Banque publique d’investissement, le plan de renforcement de la trésorerie – 250 millions d'euros –, la réforme bancaire que vous avez votée par deux fois et dans des conditions très satisfaisantes – c'est un texte véritablement réformateur – ou encore la mobilisation des assureurs.
Je veux aussi parler de l’enveloppe de 20 milliards d’euros sur fonds d’épargne pour le soutien au financement à long et très long terme des collectivités locales, qui, rappelons-le dans cette assemblée qui est celle des collectivités, réalisent 70 % de l’investissement public.
M. Philippe Dallier. Ça va baisser !
M. Pierre Moscovici, ministre. C'est en route, puisque la Caisse des dépôts et consignations a validé des dossiers qui représentent déjà 1,1 milliard d’euros d’investissement, dont 500 millions d’euros financés sur fonds d’épargne. C’est un guichet pour les collectivités qui fonctionnent !
Voilà donc le cadre dans lequel s'inscrit ce débat.
Nous l'expliquions ce matin au nouveau président du MEDEF : Bernard Cazeneuve et moi, lorsque nous bâtissons un budget, c'est avec la croissance, l'emploi, l'investissement comme finalité économique. Il ne s’agit pas de je ne sais quelle politique d'austérité. Le sérieux n'est pas une fin en soi : il est un impératif, mais, surtout, un moyen. Notre objectif est toujours de tirer l’économie de son marasme ou de ses difficultés et de lui permettre de se redresser.
Dans ce contexte, nos orientations visent à confirmer les premiers signaux positifs sur la politique économique. Tout laisse à penser que la zone euro, lentement – trop lentement sans doute –, est en train de sortir de la récession. Le second semestre de cette année devrait voir le retour de la croissance, là encore trop lent, que nous devrons conforter par notre politique de compétitivité ; nous le faisons d’ailleurs déjà. En effet, le Gouvernement maintient complètement l'objectif de l'inversion de la courbe du chômage d'ici à la fin de 2013, avec la mobilisation des objectifs de la politique de l'emploi que vous connaissez.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre. À cet égard, je souhaite revenir sur les aléas qui entourent la trajectoire que nous traçons pour 2013 et 2014, trajectoire qui est l’objet du débat de ce jour.
La Cour des comptes a publié la semaine dernière son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques. Elle a souligné ces aléas que nous n’ignorons pas : nous avançons les yeux ouverts. On peut discuter de l’appréciation que nous portons sur ces aléas, mais je veux dire ici dans ce débat que certaines critiques sont profondément injustes.
À mon tour, je veux m'en prendre à ce fameux rapport qui critique notre trajectoire et notre politique budgétaire, ce que nous ne pouvons pas accepter.
Si la France se distingue, c’est plutôt en ce qu’elle a mieux résisté que ses partenaires directs. Certes, notre croissance a été de - 0,2 % au dernier trimestre de 2012, puis de - 0,2 % au premier trimestre de 2013. Pour la même période, elle a été de - 0,7 % et de + 0,1 % en Allemagne ; de - 0,9 % et de - 0,8 % en Italie ; de - 0,6 % et de - 0,4 % aux Pays-Bas, qu’on nous présente souvent comme le parangon de toutes les vertus. Et je ne donne pas les chiffres de l'Espagne !
Prétendre que nous nous accrochons à une prévision de 3 % de déficit public pour 2013, alors que nous avons débattu voilà deux mois, ici même, d’un programme de stabilité reposant sur une prévision de déficit de l’ordre de 3,7 %, je ne peux l’accepter. À mon tour, j'affirme que l’exécutif a parfaitement rempli son devoir d’information vis-à-vis du Parlement.
Prétendre que les dépenses de l’État dérapent et déraperont, je ne peux, nous ne pouvons l’accepter. Nous avons tenu la dépense en 2012, le ministre du budget l'a montré avec beaucoup de précision. Nous tiendrons la dépense en 2013 : des mesures permettant de sécuriser nos objectifs ont déjà été prises. Si l’on ajoute la réserve de précaution de 2 milliards d’euros de crédit, le « surgel », nous pouvons faire face à des dépenses imprévues.
En bref, nous savons tous bien qu’il existe des risques sur la croissance, sur les recettes fiscales en 2013, donc sur le déficit public. Néanmoins, je le répète, la dépense est tenue, et c’est là l’essentiel. L’important, c’est de tenir le cap de l’effort structurel et des réformes structurelles.
J’ai donc la conviction que les choix que nous avons faits sont les bons. En faire moins aurait eu pour conséquence de mettre en doute notre résolution à redresser nos comptes publics ; en faire plus aurait fait prendre un risque inutile à la croissance et à l’emploi, alors que nous connaissons déjà un niveau de chômage qui n’est pas tolérable et contre lequel nous luttons de toutes nos forces.
Voilà pour l’année 2013.
Pour l’année 2014, nous nous tiendrons à l’effort structurel prévu dans le programme de stabilité. Si la croissance n’est pas au rendez-vous, nous ne sur-ajusterons pas pour tenir coûte que coûte l’objectif de 3 %, grâce au délai obtenu au niveau européen, qui nous offre cette souplesse, cette marge de manœuvre, pour soutenir la croissance et exploiter au maximum le potentiel de croissance disponible pour la France.
Ainsi, l’année 2014 sera une année de tournant et de basculement dans la répartition de nos efforts entre recettes et dépenses. Notre effort structurel reposera principalement sur des économies de dépenses publiques. Notre objectif est en effet de limiter, autant qu’il est possible, la hausse du taux des prélèvements obligatoires. Nous prévoyons en 2014 une légère augmentation du taux de prélèvements obligatoires, de l’ordre de 0,2 point à 0,3 point de PIB ; cela figure, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le document qui vous a été transmis.
Il s’agira de compenser l’effet des mesures fiscales adoptées en loi de finances initiale. Au-delà, nous concentrerons les efforts sur les réductions des niches fiscales, sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, à laquelle je le sais, le président de la commission des finances est particulièrement attaché.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Merci, monsieur le ministre !
M. Pierre Moscovici, ministre. Il n'est pas le seul : le Gouvernement y est également très attentif. Nous préciserons d’ailleurs ces mesures à l’automne, au moment du projet de loi de finances pour 2014.
En matière de maîtrise de la dépense, avec Bernard Cazeneuve, nous construisons un budget de l’État particulièrement ambitieux pour l’année 2014. En effet, celui-ci permet 9 milliards d’euros d’économies par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses de l’État, et ce grâce à la baisse des dépenses, hors dette et pensions, de 1,5 milliard d’euros. Je souligne que c’est la première fois qu’un budget est construit sur une base aussi ambitieuse.
De la même façon, les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales participeront à l’effort de redressement.
Au total, ce sont donc 14 milliards d’euros d’économies que nous dégagerons en 2014.
La montée en puissance du processus de modernisation de l’action publique, la MAP, jouera un rôle clé à l’avenir pour dégager dans cette optique des économies pérennes. La MAP permettra d’évaluer, d’ici à 2017, l’intégralité des politiques publiques menées par les administrations, en associant étroitement les usagers, les agents, les acteurs de ces politiques au diagnostic porté sur l’efficacité de la politique concernée. À ce stade, 20 % de la dépense publique est couverte par ces évaluations.
J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un exercice punitif : réduire le poids des dépenses publiques n’est pas une fin en soi. C'est autre chose : c’est une condition de notre croissance et de notre compétitivité future. Dans le même temps, ce doit être un exercice efficace, pertinent économiquement, avec du rendement budgétaire. C’est la condition pour ramener, comme nous en avons l'ambition et comme nous nous y sommes engagés, les comptes publics à l’équilibre structurel d’ici à la fin de la législature.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est le contexte macroéconomique dans lequel s’ouvre ce débat sur l’orientation des finances publiques. Cette année, ce débat se déroule dans un contexte de transparence accrue, et nous voulons travailler dans cet esprit. Ce sera le cas pour le Haut Conseil des finances publiques, nouvelle institution que nous avons voulue et qui vient éclairer le débat parlementaire, mais notre devoir est avant tout d’informer le Parlement et de lui rendre compte de notre situation économique et de la stratégie mise en œuvre pour répondre aux difficultés que nous traversons.
Nous voulons aussi montrer la cohérence de notre approche, sa robustesse, sa crédibilité, la volonté qui est la nôtre de conduire les réformes structurelles nécessaires pour redresser à la fois nos comptes publics et l’économie réelle. Tel était le sens de mes propos. Tel est le sens de mon action, le sens de l'action du ministre du budget qui se trouve à mes côtés, le sens de l'action du Gouvernement tout entier !
Voilà les observations que je souhaitais formuler pour introduire ce débat dont j’attends beaucoup, comme à chaque fois que je suis dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.