M. Francis Delattre. Du reste, le plan de relance du gouvernement d’alors avait été salué par tous les commentateurs internationaux pour son équilibre et son efficacité. Il a même permis à la France de mieux résister aux conséquences de la crise que l’Allemagne.
Monsieur le ministre, la crédibilité d’un gouvernement repose sur le respect des objectifs qu’il s’est fixé. Il y a deux jours, lors de l’examen à l’Assemblée nationale de ce même texte, Pierre Moscovici a dit que la crédibilité devait « rester la boussole des orientations de nos finances publiques ». Pardonnez-moi cette boutade, mais lui-même n’est pas crédible : c’est raté pour 2012 et 2013 !
En un an, vous n’avez respecté aucun de vos objectifs. Pour notre part, nous avions atteint et même dépassé les nôtres, les années précédentes.
Là encore, les chiffres sont implacables. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 fixait un objectif d’endettement public de 82,9 % du PIB en 2010 ; nous avons fait 82,4 %. Pour 2011, l’objectif était de 86,2 %, et nous avons réalisé 85,8 %. Pour 2012, l’objectif en matière d’endettement public était fixé à 87,4 % du PIB ; à votre arrivée au pouvoir, vous l’avez révisé à 89,9 % dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. Au final, vous atteignez le chiffre de 90,2 % !
Pour en finir avec les comparaisons, je rappellerai que, après l’explosion du déficit public en 2009, imputable à la crise de 2008, tous les objectifs de réduction du déficit transmis à Bruxelles ont été atteints, et même nettement dépassés. Ainsi, le déficit public s’est élevé à 7,1 % en 2010, au lieu des 7,7 % prévus dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Il fut de 5,3 % en 2011, au lieu des 6 % prévus.
Il y a un an, dans sa déclaration de politique générale, M. Ayrault annonçait le redressement dans la justice. Aujourd’hui, à l’heure d’un premier bilan, le redressement amorcé par vos prédécesseurs est brisé. Ce sont les plus démunis d’entre nous, les 320 000 chômeurs supplémentaires que compte notre pays, qui souffrent le plus de vos impérities graves et multiples.
M. Michel Berson. C’est tout en nuances, vraiment !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Autant que l’intervention du ministre !
M. Francis Delattre. Pour le redressement de vos comptes et de notre économie, si vous ne souhaitez pas entendre ce que vous disent le FMI, la Commission européenne et votre opposition, écoutez au moins ce que préconise la Cour des comptes de notre pays, présidée par M. Migaud. Au-delà du caractère ésotérique d’une loi de règlement du budget, les chiffres ne mentent pas. Ils marquent un cap tragique, vers une paupérisation rampante du peuple de France. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
C’est donc au regard du non-respect de vos engagements, de votre inaptitude à réformer pour le bien de tous, de votre crédibilité évanouie que le groupe UMP votera contre ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en mai 2012, les Françaises et les Français, dans leur diversité, ont signifié leur rejet de la politique menée par la droite, qui était au pouvoir depuis dix ans.
Le vote de mai, confirmé lors des élections législatives de juin, a conduit à confier à François Hollande et à une partie de la gauche la responsabilité de mener une politique nouvelle, s’écartant des choix jusqu’alors opérés.
Les membres du groupe CRC ont, dès le début de la nouvelle législature, défendu leur vision des profonds changements dont notre pays a besoin.
Nous prenons chaque texte pour ce qu’il est, pour ce qu’il comporte de mesures que nous pouvons juger positives.
Les positions que nous avons prises au cours de l’exercice budgétaire de 2012 ont d’ailleurs été l’illustration de cette attitude. Nous avons approuvé le projet de loi de finances rectificative de juillet, qui contenait notamment des mesures de justice fiscale que nous avions toujours demandées. Il n’en fut pas de même pour le collectif de fin d’année, celui-ci comportant, entre autres dispositions, une hausse de la TVA et la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, un dispositif d’allégement des cotisations sociales des entreprises qui ne nous semble pas être l’outil adéquat pour redresser notre économie, mais dont pourraient bénéficier certaines grandes entreprises.
Au cours des six derniers mois de l’année 2012, nous avons assisté à une sorte de raccourci des orientations politiques du Gouvernement, d’abord ouvert à la justice sociale et fiscale, taxant les plus hauts revenus et patrimoines, puis beaucoup moins enclin à poursuivre dans cette voie, comme l’a illustré sa capitulation face au mouvement des patrons « pigeons » refusant de verser les impôts dus sur les plus-values de cession d’entreprise, qui a entraîné une perte de recettes de 750 millions d’euros.
Les salariés qui créent la richesse de l’entreprise payent, eux, leurs impôts. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à le faire, à la suite du gel du barème décidé en 2011, sur lequel vous n’avez pas voulu revenir.
Quant aux prélèvements supplémentaires, ils n’ont pas contribué à l’amélioration des services publics.
Le Gouvernement entend réduire le déficit, mais l’effet récessif de la hausse des prélèvements n’est contrebalancé par aucun effet positif sur la dépense publique.
L’exécution de la loi de finances pour 2012, marquée par un déficit supérieur à 87 milliards d'euros, atteste d’une prévision initiale trop optimiste, notamment en termes de croissance. En effet, la progression du PIB a été nulle en 2012, alors que le cadrage de la loi de finances reposait sur une hypothèse de croissance de 1 %.
Le PIB stagne depuis la fin de 2007, et cinq années de sarkozysme n’ont conduit qu’à une dispendieuse distribution d’argent public, sans résultat concret en termes d’innovation, de croissance et d’emploi. M. Delattre s’est bien gardé de le relever !
La baisse du taux de marge des entreprises, sans réduction des dividendes versés – ils représentent 40 milliards d'euros pour les entreprises du CAC 40 –, la moindre productivité du travail ne sont pas dues à une soudaine « paresse » qui gagnerait les salariés. Ce sont les choix fiscaux et sociaux qui favorisent le développement de l’emploi sous-qualifié au détriment de l’emploi qualifié, l’externalisation croissante de certaines activités de logistique ou d’entretien, le développement des emplois précaires dans le champ de l’action sociale.
L’augmentation du crédit d’impôt recherche dissimule mal les opérations d’optimisation des dépenses d’innovation, l’externalisation des coûts vers des sociétés plus précaires et plus fragiles. Il faut éliminer ces gaspillages de fonds publics sans portée économique réelle.
Dire que le déficit public constaté en 2012 témoigne d’un médiocre état de santé de l’économie constitue évidemment une lapalissade. Avec une croissance nulle, un PIB en stagnation depuis 2007, nous ne pouvons pas présenter des comptes publics améliorés, malgré les hausses d’impôts. Cela confirme qu’il est grand temps de changer notre fusil d’épaule si nous voulons parvenir à la fois à réduire les déficits publics, à relancer l’activité économique et à créer les conditions d’une réduction du chômage. Quel que soit le point de vue retenu, ce dernier constitue la clé de voûte de nos difficultés.
Le débat sur l’orientation des finances publiques de tout à l’heure sera probablement l’occasion, pour certains, de justifier encore et toujours la logique d’austérité qui guide les politiques publiques en Europe. Toujours plus d’impôts, toujours moins de dépenses publiques, loi de programmation des finances publiques et traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance : tel est le contrat social version Commission européenne !
Or ce type de projet politique ne peut que susciter des tensions sociales et l’incompréhension de la plupart de nos compatriotes. Il est donc temps que nous envisagions les choses autrement, à la lumière des faits.
Le déficit public est de 87 milliards d'euros. Soit ! Mais notre législation fiscale comporte des dispositions dérogatoires qui soulignent la nécessité d’engager une vraie réforme fiscale.
Aux multiples niches fiscales s’ajoutent le remboursement de la TVA dite « déductible », à hauteur de 52,4 milliards d’euros, le report en arrière des déficits, dont le coût, jamais évalué précisément, peut être estimé, bon an mal an, entre 10 milliards et 12 milliards d’euros. Cet ensemble de dépenses fiscales et assimilées représente plus de 200 milliards d’euros…
Où se situe la vérité, quand le rapport Queyranne, pour sa part, évoque 110 milliards d'euros d’aides aux entreprises, incluant aussi celles qui sont versées par les collectivités territoriales – 6,5 milliards d'euros –, les allégements généraux de cotisations sociales – 21 milliards d'euros –, les aides budgétaires – 23 milliards d'euros –, qu’elles soient directes, par le biais de subventions, ou indirectes, sous forme de bonifications de prêts ou de ressources fiscales affectées.
C’est bel et bien cette politique de réduction continue de la recette publique, qu’il s’agisse de nos impôts ou des cotisations sociales, qui est aujourd’hui clairement sur la sellette, et non un prétendu excès de la dépense publique, comme voudraient nous le faire croire les économistes bien-pensants.
Il est vrai que, pour imposer le recours à l’assurance maladie individualisée et à la retraite par capitalisation, il faut passer par la phase critique de destruction des solidarités que la dépense publique soutient et favorise.
Pour notre part, nous estimons nécessaire d’inverser la tendance et de rendre à l’action publique tout son sens. Comme la grande majorité des élus, nous sommes évidemment opposés à la remise en question des concours budgétaires de l’État aux collectivités locales, concours qui ne sont que la compensation d’évolutions fiscales et contribuent à maintenir une activité économique sur tout le territoire national, tout en apportant un soutien aux populations.
Nous sommes partisans d’une profonde réforme fiscale, accompagnée d’un effort d’investissement public peut-être sans précédent dans les domaines des grandes infrastructures, du logement, de la protection de l’environnement, ce dernier étant créateur d’emplois, de nouveaux métiers et porteur d’un projet pour la jeunesse de ce pays.
L’argent existe : n’oublions pas que 300 milliards d’euros de recettes fiscales alimentent les comptes de l’État et que les pertes engendrées par l’évasion fiscale atteignent au moins 80 milliards d'euros.
Par ailleurs, en raison de la position de la France en Europe, il est évident que nous devons obtenir des concours de l’Union pour la réalisation d’infrastructures utiles à notre pays comme à nombre de nos voisins.
Mais nous avons aussi d’autres outils : des dizaines de milliards d’euros déposés sur les livrets A et les livrets de développement durable ont été laissés à la libre disposition des banques. Cette situation doit cesser et la centralisation des fonds déposés doit être renforcée en vue de faire un usage intelligent des sommes disponibles. De même, la Banque publique d’investissement doit être un véritable établissement de crédit. Est-il impossible de concevoir des formes de prêt à taux zéro pour certaines entreprises, voire de mettre en place un différé d’amortissement pour certaines opérations ?
Agir sur les deux leviers que sont la réforme fiscale et l’outil bancaire est, sans nul doute, le plus sûr moyen de réduire le déficit public. Il l’est bien plus, en tout cas, que la mise en œuvre des logiques de réduction de la dépense publique, dont ne résulte, in fine, qu’une longue série d’atteintes au pouvoir d’achat des plus modestes et à la solidarité nationale.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC s’abstiendront sur le présent projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, vous êtes dans votre rôle quand vous relevez les points positifs du présent projet de loi du règlement.
Vous avez tout d’abord insisté sur la certification des comptes publics par la Cour des comptes, démarche que la France est quasiment le seul pays au monde à pratiquer. À cet égard, on peut noter avec satisfaction une réduction du nombre des réserves substantielles sur les comptes qui avaient été formulées en 2011. Dont acte !
Vous avez ensuite mis en valeur une légère amélioration de la situation financière de notre pays. Il est vrai que celle-ci est un peu moins catastrophique qu’elle ne l’était en 2011… On enregistre ainsi une réduction de 3,6 milliards d'euros du déficit, lequel s’établissait à 14 milliards d'euros en 2011. Dans une conjoncture difficile, avec une croissance presque nulle, ce résultat peut être considéré comme honorable.
Vous voyez donc le verre à moitié plein ; pour ma part, je vais expliquer pourquoi il me semble surtout à moitié vide.
Selon moi, le présent projet de loi comporte quatre signaux d’alerte.
Premièrement, le déficit s’établit à 87,2 milliards d'euros, soit trois mois de dépenses de l’État, financés à crédit. La France fait partie des mauvais élèves de l’Union européenne, plutôt des cancres que des premiers de la classe. Or quand on prétend donner des leçons à l’Europe, il faut rapidement mettre de l’ordre dans ses comptes !
Deuxièmement, la dette publique atteint aujourd’hui 1 834 milliards d'euros, soit 70 000 euros par ménage. On en a peu parlé jusqu’à présent, alors que l’on a abondamment reproché au précédent gouvernement de l’avoir portée à 1 600 milliards d'euros.
En 2012, nous avons eu la chance de bénéficier de taux d’intérêt très bas, ce qui nous a permis d’économiser 2,5 milliards d'euros. Cela explique pour partie la baisse du déficit. Cependant, je ne suis pas sûr que cette situation favorable perdure. Nous observons d’ores et déjà les prémices de tensions sur les marchés obligataires. Personne ne l’a souligné, mais une épée de Damoclès plane au-dessus de nos comptes. Le jour où les taux remonteront, certains, cherchant comme à l’habitude un bouc émissaire, insulteront les marchés, les accuseront de nous étrangler. Aujourd'hui, on ne les remercie d’ailleurs guère de nous faire bénéficier de taux bas… Quoi qu’il en soit, si demain nos charges d’intérêts explosent, il ne faudra pas leur en imputer la responsabilité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Vincent Delahaye. Troisièmement, le taux de prélèvements obligatoires, qui s’établit désormais à 45 %, n’a jamais été aussi élevé. L’augmentation des impôts a un effet récessif beaucoup plus important que la baisse des dépenses publiques. Pour ma part, je considère qu’alourdir sans cesse les impôts constitue une erreur économique majeure. Si l’on veut sortir notre pays du marasme économique dans lequel il se trouve, il faut plutôt consacrer ses efforts à la réduction des dépenses.
J’appelle moi aussi de mes vœux une grande réforme fiscale, mais, contrairement à Mme Beaufils, je souhaite qu’elle consiste avant tout en un choc de simplification, en vue de retrouver une fiscalité économiquement efficace et socialement juste. Lors du débat budgétaire de l’automne, nous aurons l’occasion de faire des propositions sur ce sujet d’une importance majeure pour l’évolution économique de notre pays.
Quatrièmement, les engagements hors bilan, évalués aujourd’hui à 3 000 milliards d’euros, ont triplé en moins de dix ans, puisque, dans son rapport de 2005, M. Pébereau les estimait à 1 000 milliards d’euros.
Au sein de ces engagements hors bilan, on trouve un peu de tout, mais on n’identifie rien !
Par exemple, fort opportunément, Jean Arthuis a mis en évidence qu’EDF a constitué dans ses comptes pour 2012 une créance de 4,9 milliards d’euros à l’égard de l’État. Or nous ne constatons pas cette dette dans les comptes de l’État. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, qu’elle figurait dans les engagements hors bilan, mais on ne l’y retrouve pas. Cela nous inquiète au regard de la sincérité des comptes de l’État.
Par ailleurs, la dette de l’UNEDIC, qui s’établissait à 14 milliards d’euros à la fin de l’année dernière et devrait atteindre quelque 20 milliards d’euros au terme du présent exercice, est garantie par l’État. Quelles limites fixe-t-on aux partenaires sociaux qui gèrent cette association afin qu’ils cessent d’alourdir la dette de l’État ?
Toujours dans le même esprit, la dette de l’entreprise publique RFF s’élevait à 31,5 milliards d’euros à la fin de l’année 2012, mais on ne trouve nulle part trace de cette dette dans les comptes de l’État !
Nous nous interrogeons donc sur l’exhaustivité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État. Ces qualités, qui caractérisent la comptabilité des entreprises, je ne les retrouve malheureusement pas totalement dans la comptabilité publique nationale.
Je voudrais en outre insister sur deux notions apparues récemment, qui me surprennent beaucoup : celles de « nouvelles économies » et de « déficit structurel ».
S’il existait un livre intitulé Les Finances publiques pour les nuls, ses auteurs auraient du mal à expliquer en quoi consistent les nouvelles économies. Si je comprends bien, pour le Gouvernement, faire des économies, c’est ne pas dépenser plus qu’avant, parce que les dépenses publiques sont censées suivre l’évolution de l’inflation. Certes, mais les ménages et les entreprises qui ont du mal à boucler leurs fins de mois et se serrent la ceinture n’entendront jamais un tel discours : pour eux comme pour moi, faire des économies, c’est diminuer les dépenses. Je pense qu’il est possible de le faire. Notre groupe serait prêt à vous suivre dans cette voie, monsieur le ministre, même si elle est difficile. Il faut du courage et de l’audace pour l’emprunter, mais nous pensons que la situation l’exige.
La distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel m’étonne également. J’ai fini par comprendre que, dans l’esprit du Gouvernement, il est vertueux de réduire le déficit structurel, mais que l’on peut laisser filer le déficit conjoncturel. De fait, aujourd'hui, le déficit structurel baisse, tandis que le déficit conjoncturel augmente.
M. Vincent Delahaye. C’est ce qu’observe la Cour des comptes dans son rapport, monsieur le ministre. En tout cas, le déficit conjoncturel ne baisse pas comme le déficit structurel, qui a diminué de 1,2 %, ainsi que vous l’avez indiqué tout à l'heure.
En poussant le raisonnement jusqu’à l’absurde, on pourrait imaginer retrouver bientôt un excédent structurel tout en gardant un déficit conjoncturel. Monsieur le ministre, vous nous expliquerez sur quelles bases est déterminé le déficit conjoncturel. Je pense pour ma part que la croissance nulle que nous connaissons aujourd’hui n’est pas si conjoncturelle que cela… Si nous ne réalisons pas dans les mois à venir les réformes de structures majeures qui auraient déjà dû être entreprises par le Gouvernement, notre taux de croissance restera très faible et le déficit structurel augmentera fortement.
En conclusion, je dirai que nous sommes assez inquiets. Le déficit dérape, la dette atteint des sommets et les impôts n’ont jamais été aussi élevés. Nous avons des doutes sur la sincérité, l’exhaustivité et la fidélité d’une partie du budget. Dans ces conditions, et en l’absence de vision claire des programmes d’économies que vous allez nous proposer, nous voterons contre ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement porte sur un exercice budgétaire particulier, celui de l’année 2012. L’examen des projets de loi de règlement ne relève pas du simple exercice formel ; c’est particulièrement flagrant dans le cas du présent texte, qui nous permet – enfin, ai-je envie de dire – d’en finir avec la confrontation de nos intentions au bilan de dix années de gestion du pays par la droite, qui pouvait être agaçante, j’en conviens, pour nos collègues de l’opposition.
Le projet de loi de règlement du budget de 2012 nous offre un comparatif « sur pièces » entre ce qui a été fait, ou pas, par les uns et par les autres : exécution budgétaire contre exécution budgétaire, en toute transparence. L’état des lieux de l’exécution du budget de 2012 constituera également une mise en jambes indispensable avant les débats que nous aurons dans la soirée sur les perspectives pour 2014 et les exercices suivants.
Au risque d’être fastidieuse – mais je tiens à être précise –, je reprendrai les principaux axes de l’exécution budgétaire de l’année 2012, et je me permettrai de répondre, non par des déclarations d’intentions, mais bien par des résultats, aux critiques parfois caricaturales qui nous ont été adressées l’été dernier, lors de notre arrivée aux responsabilités.
S'agissant du déficit public, que n’avons-nous entendu il y a exactement un an, mes chers collègues ! Tenu d’une main de fer par les gouvernements de droite successifs, il aurait dû allègrement dériver une fois la gauche arrivée au pouvoir. Mais il n’en a rien été : le déficit budgétaire a été réduit en 2012.
Voilà un an, la Cour des comptes craignait non pas qu’une affaire aussi sérieuse que le pilotage du budget tombe aux mains de la gauche, mais que les erreurs de budgétisation commises par la droite lors de la préparation du budget de 2012 soient à l’origine d’un dérapage du déficit. En effet, les prévisions de croissance avaient été largement surestimées par le gouvernement précédent : celle-ci a été non pas de 1 %, comme espéré, mais nulle.
Si nous n’avions pas pris des mesures d’urgence à l’été 2012, le déficit aurait risqué de déraper de près de 2 milliards d’euros et d’approcher 5,5 % du PIB en fin d’année. Vous le voyez, il ne faut donc pas avoir peur : nous faisons de la bonne gestion ! Alors que vous nous accusiez de défaire pour le plaisir de défaire, nos mesures budgétaires et fiscales visaient simplement à remédier à votre défaut d’anticipation.
Il faut également souligner l’effort structurel massif réalisé en 2012, le déficit structurel étant passé de 5,1 % à 3,9 %. C’est l’effort le plus important consenti depuis quinze ans. Pour éclairer le mauvais chemin parcouru ces dix dernières années, j’oserai une dernière mise en perspective, ou en abyme, en rappelant que le déficit public, qui atteignait près de 91 milliards d’euros en 2011, s’élevait – cela fait rêver aujourd'hui – à 32 milliards d’euros en 2001…
Cette discussion, si elle est difficile pour certains, n’en reste pas moins nécessaire pour que l’on puisse aborder en parfaite connaissance de cause le débat d’orientation qui suivra.
Pour rappel, aucune mesure d’économie substantielle n’avait été envisagée par le précédent gouvernement lors de la préparation du budget de 2012, alors qu’il était évident, dès le débat d’orientation sur les finances publiques du printemps de 2011, que l’objectif de ramener le déficit à 4,5 % en 2011 ne pourrait être atteint.
Je souhaite maintenant évoquer la dépense publique, qui bien sûr aurait également dû, une fois sa gestion placée sous notre responsabilité, filer de dérapage en dérapage. Cela n’a pas été le cas : la Cour des comptes a souligné « l’effort de maîtrise de la dépense significatif » réalisé en 2012.
Qui plus est, cet effort a été réalisé avec des normes de dépenses plus contraignantes que par le passé : dans le périmètre de la norme « zéro valeur », qui inclut les dépenses de l’État hors pensions et charge de la dette, une baisse des dépenses d’environ 2 milliards d’euros a été obtenue ; dans le périmètre de la norme « zéro volume », qui comprend les pensions et la charge de la dette, les dépenses ont été réduites de 100 millions d’euros.
Cette baisse des dépenses relevant du périmètre de la norme « zéro volume » constitue une première historique. La Cour des comptes a salué des « économies significatives ». Permettez-moi de mettre en avant la réactivité dont nous avons su faire preuve durant l’été 2012, en procédant à un « surgel » de crédits pour un montant de près de 1,5 milliard d’euros, ce qui a permis d’absorber l’essentiel des dérapages auxquels nous destinaient les anticipations erronées sur lesquelles avait été bâti le budget de 2012.
Nous nous sommes fixé un objectif ambitieux dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017 : ne pas augmenter la dépense publique de plus de 0,5 % par an sur le quinquennat. Les bases sur lesquelles nous sommes partis lors de ce premier acte nous permettent d’être optimistes quant à l’atteinte de cet objectif. À ceux qui voudraient minimiser sa portée, je rappellerai que, au cours des dix dernières années, la dépense publique a progressé de 2 % par an en moyenne.
Mon analyse de la dépense publique serait incomplète si je n’évoquais une autre tare congénitale que vous nous attribuez : notre incapacité supposée à maîtriser les dépenses de personnel, la gestion de la masse salariale. Soyez sans crainte, en 2012, les dépenses de personnel ont été contenues dans une mesure plus importante que prévu. Un mouvement progressif de décélération de la masse salariale a été engagé ; celle-ci a été quasiment stabilisée en 2012, puisqu’elle n’a progressé que de 0,1 %, c'est-à-dire de 340 millions d’euros, contre une hausse de 800 millions d’euros en 2009, de 968 millions d’euros en 2010 et de 400 millions d’euros en 2011.
Je ne résiste pas à l’envie d’ajouter un mot sur la RGPP, dont on nous dit monts et merveilles et que nous aurions abandonnée en dépit de ses glorieux résultats. Comparons, chers collègues : la RGPP a permis d’économiser 2 milliards d’euros par an sur la durée du dernier quinquennat, tandis que nous avons économisé 10 milliards d’euros sur le seul exercice 2013. Nous avons même pour objectif d’atteindre le seuil des 14 milliards d’euros en 2014 ; ce sera l’un des sujets du débat de ce soir.
Nous avons déjà expliqué pourquoi l’effort n’a pas été concentré sur les dépenses dès les premiers mois de notre action, mais les résultats de l’année 2012 donnent plus de portée à nos propos : pendant ces premiers mois, l’effort a d’abord porté – nous l’assumons – sur les recettes publiques, car cette approche a moins d’effet récessif qu’un ajustement abrupt des dépenses.
En parallèle, nous avons engagé un large processus de modernisation de l’action publique, dont nous reparlerons plus en détail ce soir. Ce processus ne se déroulera pas en un jour ; soyez sûrs que nous serons attentifs aux mesures qui seront progressivement mises en place. J’ai trop eu à déplorer, en tant que rapporteur du budget de l’administration générale et territoriale de l’État, des coupes aveugles réalisées sans concertation par le précédent gouvernement, dont nos territoires, notamment ruraux, souffrent particulièrement aujourd’hui.
En ce qui concerne la politique fiscale que nous menons, dont nous avons posé les premières bases lors de l’exercice 2012, je souhaiterais répondre au sempiternel procès en « matraquage fiscal » qui nous est fait par les membres de l’opposition. Cette caricature ne résiste pas une seconde à la réalité des chiffres de l’année 2012.
M. Philippe Dallier. C’est sûr, les impôts n’ont pas augmenté !
M. Francis Delattre. Ils ont même baissé !
Mme Michèle André. Un effort fiscal important a certes été demandé aux Français, mais un tiers seulement des 14 milliards d’euros de hausses d’impôts résultant de mesures nouvelles est dû aux dispositions que nous avons votées, les deux autres tiers découlant de celles que vous aviez adoptées. J’espère que ces chiffres simples, parlants, incontestables, faciliteront la tâche de l’opposition, en lui permettant de se défaire d’un cliché qui a la vie dure, comme on peut le constater lors de nos échanges sur les questions financières.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Occupez-vous de votre propre formation politique, l’opposition se débrouille bien toute seule !