M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 46 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Lorsqu’au cours de la troisième année suivant un renouvellement général des conseils départementaux, la population d’un canton est supérieure ou inférieure de plus de 30 % à la population moyenne des cantons du département, il est procédé dans un délai maximum d’un an, à une modification des limites cantonales dans les conditions définies par le présent article et sans changement du nombre des cantons du département. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. La population des cantons actuels présente des écarts considérables au sein de certains départements, ce qui est incompatible avec les principes démocratiques de base. Cette situation résulte du manque d’automaticité des ajustements pour tenir compte des évolutions démographiques.
Pour éviter de retomber dans les erreurs du passé, un mécanisme obligatoire de redécoupage des cantons est nécessaire dès qu’un recensement fait apparaître un écart de population trop important, supérieur, par exemple, à 30 % entre un canton et la moyenne départementale.
Les dispositions du présent amendement prévoient de plus que le redécoupage devra réduire l’écart de population sans pour autant modifier le nombre total des cantons du département, afin d’éviter toute inflation.
J’avais présenté un amendement semblable lors de la discussion de la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Le rapporteur avait alors indiqué : « Ce n’est pas toujours le cas, mais je trouve que l’interrogation de M. Masson est justifiée. Que va-t-il se passer dans l’avenir ? Cela mérite que le Gouvernement y réfléchisse, voire qu’il prenne position. »
Le ministre de l’intérieur, quant à lui, avait déclaré : « Monsieur Masson, vous soulevez effectivement un vrai problème […] Il est évident qu’il faudra revenir sur cette question ».
Dès lors, s’il faut revenir sur cette question, profitons de ce texte pour lisser toutes les aspérités qui subsistent sans attendre une troisième ou une quatrième loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission n’a pas suivi de M. Masson, tout en en reconnaissant les mérites de sa proposition.
Notre collègue enjoint au Parlement de se garder de trop improviser. Je reprends son objurgation pour lui répondre.
La proposition de loi présentée par Jean-Pierre Sueur et dont nous avons débattu s’est limitée aux scrutins communal et intercommunal. Nous ne sommes pas du tout revenus sur le scrutin départemental. Nous le ferons peut-être lorsque se posera la question des élections complémentaires en cas de vacance d’un siège de conseiller départemental. Nous disposerons alors d’un support pour régler cette question.
Quoi qu’il en soit, la commission a estimé que la réflexion n’était pas mûre aujourd’hui et a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, qui n’entre pas dans le champ précis de cette proposition de loi.
Le dernier amendement déposé par le rapporteur - l’amendement n° 40 - tend à limiter la portée du texte en précisant son intitulé. Vous me reprocherez d’aller trop vite, mais je crois devoir saluer, au risque d’anticiper un peu, ce souci de clarification tout à fait louable.
Reconnaissant que la disposition que vous proposez mériterait d’être réexaminée, mais dans un cadre différent, je veux citer ici les termes d’une décision du Conseil d’État du 10 juillet 2009 : « Le Premier ministre, saisi, sur le fondement du principe d’égalité des citoyens devant le suffrage, d’une demande de remodelage de circonscriptions cantonales d’un département, est tenu d’y faire droit si une transformation profonde de la répartition de la population de ce département a conduit à des écarts de population manifestement excessifs entre ces cantons ».
Si l’intention de l’auteur de l’amendement peut tout à fait s’entendre, la formalité en question n’a jamais été inscrite dans la loi. La jurisprudence est suffisante.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Une fois n’est pas coutume, je trouve l’amendement de M. Masson tout à fait pertinent !
Lors de la discussion de la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, on nous a expliqué qu’il y avait deux points essentiels : la parité et le fait de ramener les populations des cantons à certaines limites.
On nous a cité le cas du Gard, où l’écart selon les cantons était, de mémoire, de 1 à 37, c’est-à-dire de 1000 à 37 000 habitants ! Il est d’ailleurs assez curieux que l’on ait pu en arriver là : en Haute-Marne, quatre cantons ont été créés, il y a dix ou vingt ans, pour empêcher de telles distorsions, il est vrai tout à fait intolérables.
M. Masson prévoit un seuil – il a choisi 30 %, mais cela pourrait aussi bien être 20 % ou 15 % - à partir duquel la création d’un nouveau canton serait automatique et obligatoire. En plus d’être pertinent, ce dispositif s’inscrit dans le prolongement de ce qui a été longuement débattu, avant d’être voté, il y a quelques semaines.
À titre personnel, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Le rapporteur et Mme la ministre me reprochent d’avoir déposé un amendement « hors sujet ». Je leur réponds – et l’argument vaudra pour chacun de mes amendements – qu’il s’agit d’une proposition de loi portant « diverses dispositions concernant les collectivités locales » et qu’il ne leur appartient pas de changer la règle du jeu en cours de partie !
Il fallait y réfléchir avant, au moment du dépôt de cette proposition de loi !
Madame la ministre, vous qui avez une ligne directe avec l’Élysée, prévenez le Président de la République qu’il devra également modifier son décret de convocation du Parlement en session extraordinaire !
Les intitulés du texte et du décret étant ce qu’ils sont, il ne vous appartient pas de décider du contraire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Nous ignorons encore ce que sera le découpage. Certains doivent le connaître, mais nous n’avons pas cette chance... Il faudra attendre la décision du ministère de l’intérieur, ainsi que la publication du décret en Conseil d’État.
Nous avons attendu presque deux cents ans avant de redessiner la carte complète des cantons. Quelques-uns furent néanmoins créés : selon le Conseil d’État, il fallait découper quand un canton comptait plus du double de la population moyenne départementale. Or on a cessé d’appliquer cette vieille règle. Certains départements ont connu des expansions démographiques considérables et d’autres pas. Nous nous sommes ainsi retrouvés avec des cantons de 300 ou 400 habitants !
M. Jean-Jacques Hyest. Une fois le découpage effectué, je pense que nous disposerons d’une marge de quelques dizaines d’années avant d’assister à une évolution démographique telle que la population de certains cantons dépasse celle des autres de plus de 30 %. Cet amendement peut sans doute attendre encore un peu…
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 46 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Avant de désigner les nouveaux chefs-lieux de canton, le Gouvernement consulte les communes concernées. À défaut d’accord entre elles, le nouveau chef-lieu de canton est le chef-lieu de canton existant s’il n’y en a qu’un dans l’étendue du nouveau canton. Dans le cas contraire, il est choisi à l’intérieur du nouveau canton parmi les chefs-lieux de canton existants ou la commune la plus peuplée. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement concerne le choix des chefs-lieux de cantons.
Quand, dans un canton nouvellement créé, tout le monde est d’accord sur le choix du chef-lieu, il serait peut-être pertinent de tenir compte des réalités locales ou des souhaits de la population.
Cet amendement vise à éviter tout risque d’arbitraire lorsque la carte sera définie.
La fonction de chef-lieu de canton n’est pas fondamentale, mais les gens y sont très attachés. Les forces vives d’un canton nouvellement créé pourraient ainsi contribuer, sans empiéter sur les attributions du Gouvernement, à la définition du choix du chef-lieu, surtout lorsque tout le monde est d’accord.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission s’est souvenue que toutes ces dispositions relevaient du domaine réglementaire.
Il revient en effet au Gouvernement, sur proposition du préfet de département, de fixer les chefs-lieux de canton. Cela figure d’ailleurs dans le décret en Conseil d’État qui énonce les limites cantonales.
Nous ne pouvons instaurer formellement toute une procédure consultative dans la loi, alors qu’il s’agit d’une décision de nature réglementaire. Les préfets, qui ont sûrement des instructions précises du Gouvernement, savent écouter et recueillir les avis, ce qu’ils feront avant de fixer la liste des chefs-lieux de canton. Les conseils généraux seront consultés et pourront en débattre.
Cet amendement ne nous a pas paru indispensable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Même avis : ces dispositions relèvent du domaine réglementaire.
M. le président. Monsieur Masson, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Jean Louis Masson. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Article 1er
(Non modifié)
Le code électoral est ainsi modifié :
I. – L’article L. 237-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 237-1. – Le mandat de conseiller municipal est incompatible avec l’emploi salarié du centre communal d’action sociale de la commune dans laquelle il est élu. »
II. – L’article L. 273-4-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 273-4-1. – Le mandat de conseiller communautaire est incompatible avec l’exercice d’un emploi salarié au sein de l’établissement public de coopération intercommunale dans lequel il est élu ou au sein du centre intercommunal d’action sociale créé par l’établissement. »
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, est ainsi modifiée :
1° Les deuxième à dernier alinéas de l'article 23 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
II. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Après le douzième alinéa de l'article 33, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Il manquait quelques petites précisions dans la loi du 17 mai 2013, dont certaines dispositions ne s’appliquent qu’à partir des prochaines élections municipales, ce que certains ont pu oublier. Cet amendement rédactionnel a pour seule fonction de compléter le texte des renvois de dates manquants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur, si l’amendement n’avait qu’un effet rédactionnel, le Gouvernement dirait « oui » de suite.
Or cet amendement a en outre une incidence sur la problématique des salariés, largement évoqués ce soir. Je vous ai indiqué quelle était la position du Gouvernement et du ministre de l’intérieur sur ce point. La suppression de l’incompatibilité avec l’exercice d’une fonction salariée au sein d’une commune membre d’un EPCI à fiscalité propre posera, à n’en pas douter, un problème de conflit d’intérêt.
Dans ces conditions, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Ma présentation était incomplète et je vous prie de m’en excuser.
Je voudrais essayer de convaincre la ministre. N’oublions pas que, du fait des règles d’incompatibilité déjà en vigueur, le salarié en question ne peut être délégué de la commune – ou de l’une des communes - où il travaille.
Par conséquent, il va être éventuellement élu municipal d’une commune tierce, qui n’est pas celle où il est employé. Lorsqu’il s’exprimera au nom de cette commune, il le fera en toute liberté, sans être soumis à des instructions ou à des pressions de la part des élus de cette commune dont il est l’employé, qui peut d’ailleurs être fort éloignée.
N’oublions pas non plus que, du fait des dispositions que nous avons adoptées ensemble, des fusions de communautés de communes vont s’opérer dont certaines regrouperont quarante, cinquante communes, peut-être plus.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Alain Richard, rapporteur. Une telle incompatibilité sur l’ensemble du territoire communautaire ressemblerait à un véritable interdit professionnel pour les personnes concernées. Si ces dernières sont conduites à trouver un emploi dans une communauté se trouvant au-delà des limites de celle où elles sont élues, cela peut représenter des contraintes professionnelles tout à fait importantes.
Dans la mesure où l’agent municipal en question ne peut être délégué de la commune où il travaille, il nous semble que les risques de conflit d’intérêt sont des plus mineurs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Nous avons beaucoup travaillé sur cette notion de conflit d’intérêt, monsieur le rapporteur, et nous continuons de le faire.
J’ai tout de même en tête la jurisprudence très lourde qui témoigne de la difficulté à appréhender l’ensemble de ces situations et à rendre justiciables les personnes concernées.
Je pense que nous devons être très prudents, très réservés. J’entends bien votre observation sur l’élargissement de nos communautés de communes, qui peuvent, demain, regrouper cinquante communes ou plus. Cela risque de rendre difficile le maintien d’une activité professionnelle quand la personne exerce la fonction de délégué au sein de la communauté de communes, mais en dehors de la commune où elle est salariée.
Pour autant, le Gouvernement en reste à son avis défavorable. Tant que la question du conflit d’intérêt n’est pas résolue, elle demeure une difficulté majeure.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’avoue ne pas bien comprendre ces réticences.
Il est logique que le salarié d’une collectivité ne puisse pas la représenter. Ainsi, le salarié d’une commune ne peut pas en être élu. Il en va de même pour le salarié d’une intercommunalité.
En revanche, qu’est-ce qui s’oppose à ce qu’un salarié d’une entité relevant de l’intercommunalité soit élu d’une commune membre de celle-ci ? C’est bien cela, la logique du dispositif ! Sur le plan pratique, certaines collectivités rurales où les bonnes volontés manquent pour participer à la gestion locale seront confrontées à d’énormes problèmes. Et tout cela pour quel gain ? Franchement, je ne comprends pas ! Cela dit, il y a tant de choses que je ne comprends pas…
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Le raisonnement suivi est un peu rigoureux. Pour ma part, je connais un certain nombre de salariés de communes qui travaillent à plusieurs dizaines de kilomètres de la communauté de communes. Dans de tels cas, je ne vois pas du tout où peut être le conflit d’intérêts. Il faut donc, à mon sens, faire preuve d’ouverture, en rendant possible la désignation, pour siéger au conseil de l’intercommunalité, d’un conseiller municipal salarié par une autre commune que celle qu’il représente.
Mme Jacqueline Gourault. Ce n’est pas interdit !
Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas le sujet !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre III du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2113-23 ainsi rétabli :
« Art. L. 2113-23. – Le maire délégué des communes associées est élu par le conseil municipal parmi les conseillers élus dans la section correspondante. Il ne peut être choisi parmi les autres conseillers municipaux que lorsqu’aucun conseiller élu dans la section n’accepte d’exercer la fonction de maire délégué. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement vise la situation des communes associées, auxquelles je suis très attaché, et anticipe en quelque sorte le rétablissement des sections électorales, dans une partie d’entre elles au moins, grâce à l’adoption de l’article 2 du présent texte.
Dans cet esprit, l’amendement tend à prévoir de manière explicite que le maire délégué d’une commune associée soit élu par le conseil municipal parmi les conseillers élus dans la section correspondante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Aux yeux de la commission, ces dispositions ne sont pas utiles. En effet, là où il subsiste une commune associée, c’est-à-dire qui désigne ses propres conseillers municipaux au sein du conseil municipal de la commune issue de la fusion, aux termes de l’article L. 2113-22 du code général des collectivités territoriales, « le maire délégué est choisi par le conseil municipal parmi les conseillers élus dans la section correspondante ou, à défaut, parmi les autres membres du conseil ». Les dispositions que M. Masson nous propose d’adopter sont donc déjà en vigueur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Masson, l’amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. Jean Louis Masson. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 22 est retiré.
Article 2
Les deux derniers alinéas de l’article L. 261 du code électoral sontsupprimés.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.
M. André Reichardt. Le texte établi par la commission prévoit la suppression des sections électorales dans les communes relevant du scrutin proportionnel, c’est-à-dire celles de 1 000 habitants et plus, en maintenant donc les communes associées pour les seules communes de moins de 1 000 habitants.
Ce faisant, ce texte va plus loin que la loi du 17 mai 2013, car il supprime également les sections électorales dans les communes de 20 000 à 30 000 habitants. En outre, il limite la portée de celle-ci aux seules communes de 1 000 habitants et plus.
Étant élu d’un département comportant cinquante-deux communes associées, que j’ai réunies vendredi dernier, je voudrais vous faire part du sentiment de celles-ci face aux modifications électorales dont elles font l’objet. Elles éprouvent un désenchantement global – c’est un euphémisme – à l’égard de la loi du 17 mai 2013, adoptée sans les voix des membres du groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir.
En premier lieu, les communes associées sont mécontentes de la suppression des sections électorales parce qu’elles ne seront plus représentées automatiquement, en tant que telles, au sein du conseil municipal. En effet, pour être élus, les représentants de ces communes devront bien entendu figurer en bonne place sur les listes électorales de la commune dite consolidée, ce qui n’aura rien d’une obligation.
Associée à la réduction à 1 000 habitants du seuil de passage du scrutin majoritaire au scrutin proportionnel, cette mesure sera totalement incomprise des électeurs des communes associées et risque d’éloigner encore plus nos concitoyens des urnes. En tout état de cause, il conviendrait, me disent ces communes, de mener une réelle et importante campagne d’explication sur les nouveautés intervenues auprès des populations concernées.
En second lieu, dès lors que toute représentation spécifique des communes associées au sein du conseil communautaire de leur intercommunalité sera supprimée et que la répartition des sièges s’y fera sur une base essentiellement démographique, nombreux pourront être les cas où, à défaut d’accord à la majorité qualifiée dans la communauté de communes ou dans la communauté d’agglomération, ces communes associées n’auront plus aucun représentant au sein de l’intercommunalité. Cette situation ne leur paraît pas acceptable, compte tenu du développement du rôle des intercommunalités auquel on assiste actuellement.
Je dois le dire, ces communes vivent ces modifications comme une véritable rupture du pacte républicain qu’elles avaient conclu lors de leur entrée dans le processus de fusion-association, au lendemain de la loi Marcellin de 1971.
Dans ce contexte, le rétablissement des sections électorales dans les communes de moins de 1 000 habitants paraît, à tout le moins, une atténuation intéressante de la règle, qu’il faut saluer, ce que je fais sans difficulté.
Pour les communes de 1 000 habitants et plus, un amendement de M. le rapporteur prévoit de transformer les communes associées correspondant à une section électorale supprimée en communes déléguées soumises au régime rénové des fusions de communes de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Je voterai cet amendement, même s’il s’agit, pour les communes concernées, d’une bien maigre consolation, pour ne pas dire d’un pis-aller.
Enfin, madame la ministre, dès l’annonce du report de l’examen de la présente proposition de loi, j’avais interrogé M. le ministre de l’intérieur sur la possibilité de décaler d’un mois ou deux, au moins, la date limite, fixée au 31 août par l’article 34 de la loi du 17 mai 2013, pour la conclusion de l’accord global sur le nombre et la répartition des sièges au conseil de l’intercommunalité entre les communes membres de l’EPCI. Compte tenu de la complexité du dossier et des incidences de la nouvelle législation sur les communes associées, il me semble utile de leur permettre de discuter à nouveau, après la trêve estivale, de leur représentation intercommunale et de délibérer sereinement sur ce point.
Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir m’informer de ce que vous entreprendrez à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.
M. Jean Louis Masson. Nous abordons là l’un des points de cette proposition de loi qui me tiennent le plus à cœur.
C’est moi qui avais soulevé, lors de l’élaboration de la loi du 17 mai 2013, le problème des sections de communes, que le Gouvernement avait complètement oublié, se bornant à proposer de tout supprimer, ce qui ne me semble pas être une solution très pertinente !
Certaines sections de communes sont purement des sections électorales. Les supprimer ne pose pas de problème particulier.
Par ailleurs, des sections électorales sont liées à l’existence de communes associées. La situation est alors fondamentalement différente. En effet, si on les supprime, les communes associées qui leur correspondent ne seront plus représentées et n’auront plus de raison d’être. Quant à les transformer en « communes déléguées », cela ne règlera rien ! En effet, le maire délégué pourra très bien être un élu de la commune-centre, dépourvu de toute représentativité aux yeux de la population de la commune associée.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Jean Louis Masson. Le système proposé relève donc d’une gigantesque hypocrisie ! Si l’on veut supprimer les communes associées, il faut avoir le courage de le dire, et ne pas le faire à la sauvette !
Je le dis très clairement, il n’est ni pensable ni loyal de supprimer le sectionnement électoral dans le cas des communes associées. En effet, à l’époque où il leur a proposé de fusionner, l’État a passé avec elles une sorte de contrat moral : elles pourraient garder une certaine individualité. Aujourd’hui, il s’agit en somme de revenir sur cet engagement. C’est une véritable entourloupe, il n’y a plus qu’à appeler M. Tapie !
M. André Reichardt. Ah non !
M. Jean Louis Masson. L’État doit respecter sa parole !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l’article.
M. Bruno Sido. La question des communes associées me tient à cœur, ne serait-ce que parce que j’ai été maire délégué. À l’époque, ayant eu la curiosité de consulter le registre des délibérations du conseil municipal, qui était relégué dans une armoire depuis une dizaine d’années, j’ai pu constater qu’il ne contenait pas la moindre trace du processus de fusion. Tout s’est fait rapidement : j’imagine que certains préfets ou sous-préfets étaient payés aux pièces ! Il faut savoir que la Haute-Marne détient le record des fusions-associations, puisque notre département compte aujourd’hui plus de 100 communes associées. Il y en avait à l’origine environ 200, mais la moitié d’entre elles ont défusionné au bout d’un an ou deux.
À propos de cette époque, M. Masson a parlé de contrat moral ; pour ma part, j’évoquerai plutôt un contrat de fiançailles en vue de mariage, à ceci près que des fiançailles peuvent être rompues, alors que les concepteurs de la loi Marcellin ont commis l’erreur de ne pas prévoir la possibilité d’un retour en arrière.
Toujours est-il que, lors de la fusion, il avait été promis que l’ancienne commune conserverait, grâce au sectionnement, son identité, manifestée par son monument aux morts, son église, son maire délégué… Il s’agissait en quelque sorte de la préfiguration d’une intercommunalité, avec un coefficient d’intégration fiscale de 100 % !
Or il apparaît que, de fil en aiguille, on revient sur ce contrat moral. Selon certains, si telle est la volonté de l’État, soit, pourvu qu’il le dise. Eh bien non, je ne suis pas d’accord ! Si l’État veut revenir sur le contrat moral passé avec les communes associées, il faut demander à celles-ci quel parti elles veulent prendre, et leur laisser la possibilité de défusionner. Une « fenêtre de tir » a d’ailleurs été ouverte à cet égard, sur l’initiative, notamment, de M. Guené, mais les conditions prévues étaient tout à fait draconiennes. Quelques communes de la Haute-Marne ont néanmoins réussi à défusionner.
Quoi qu’il en soit, le Parlement ne peut agir à sa guise en cette matière, sans tenir compte du contrat moral que j’évoquais. Que celui-ci ait été passé voilà quarante-deux ans ne change rien à l’affaire : on ne peut disposer ainsi de la volonté des gens. Vouloir supprimer le sectionnement, c’est jouer les apprentis sorciers.
Votre amendement n° 39 est intéressant, monsieur le rapporteur, mais il aurait été beaucoup plus simple de prévoir, pour les communes de plus de 1 000 habitants, que la proportionnelle ne s’appliquerait pas aux petites sections électorales.