M. Alain Richard, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. En effet ! C'est aussi le cas à Montargis, près de Château-Landon…
M. Jean-Jacques Hyest. Je crois aussi qu’il fallait régler le problème pour les fusions ; en attendant, ouvrir le choix me paraît judicieux.
Il est en revanche un sujet que l'on ne traite pas, c'est celui des conseillers départementaux, en dépit des lacunes que présente, à leur égard, la loi du 17 mai 2013. Que fait-on pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel concernant le binôme ? Puisque l'on révise la loi du 17 mai 2013, c'était l'occasion de corriger ce que nous avons mal fait… Pourquoi ne pas s'en saisir ? Je m'interroge…
M. Jean-Pierre Sueur. On le fera dans une nouvelle proposition de loi !
M. Bruno Sido. En session extraordinaire, au mois de septembre…
M. Jean-Jacques Hyest. Mais combien de fois nous faudra-t-il refaire la loi du 17 mai 2013 ? (Exclamations.)
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi n’avez-vous pas déposé d’amendements ?
M. Jean-Jacques Hyest. Non, monsieur Sueur, je vous laisse le soin de régler les difficultés qui surviendront un jour !
Chers collègues, j’ai pour ma part pris le parti, et depuis toujours, de ne jamais critiquer une décision du Conseil constitutionnel. Jamais !
M. Bruno Sido. C'est sage !
M. Jean-Jacques Hyest. La raison en est simple : en tant que parlementaire je suis supérieur au Conseil constitutionnel ! En effet, si le Parlement n’est pas content de ces décisions, une voie simple s'offre à lui, celle de devenir constituant… (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Aidez-nous à réunir les trois cinquièmes !
M. Jean-Jacques Hyest. Cela dépend du sujet : je disais cela en prévision du débat de demain ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. André Vairetto.
M. André Vairetto. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il semble assez exceptionnel que le Sénat poursuive la discussion d'un projet de loi qui a été promulgué il y a quelques semaines seulement afin de lui apporter les divers ajustements qui s’imposent…
Cette originalité de la procédure parlementaire résulte du dynamisme et de la détermination de notre collègue Jean-Pierre Sueur, par ailleurs président de la commission des lois, qui a présenté la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. C'est, en quelque sorte, un texte de finalisation – le rapporteur a parlé d’un « texte de rattrapage » – de la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
Je crois qu’il faut se féliciter de l’obstination de notre collègue au regard du contenu de cette proposition de loi. La promptitude de son dépôt sur le bureau du Sénat, une semaine après l’adoption définitive de la loi précitée par l’Assemblée nationale, le 17 avril 2013, et avant que le Conseil constitutionnel n’en soit saisi, le jour suivant, était totalement justifiée.
Tout d’abord, il était nécessaire d’anticiper le respect du délai minimal de six semaines entre le dépôt d’un texte et sa discussion en séance afin de permettre l’inscription et la discussion de la proposition de loi dans les meilleurs délais.
Ensuite, il convenait de tirer les conséquences sur le processus parlementaire du rejet du texte initial par le Sénat, qui a empêché que les ultimes modifications sénatoriales, adoptées en nouvelle lecture, figurent dans le texte définitif.
Comme on l’a rappelé, conformément à l’article 45 de la Constitution, l’Assemblée nationale, lorsque le Gouvernement décide de lui donner le dernier mot, ne peut que reprendre le dernier texte voté par elle, modifié par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat. Or, du fait du rejet du texte par le Sénat, les amendements adoptés par la Haute assemblée en nouvelle lecture ne pouvaient être repris par l’Assemblée nationale.
Cette situation s’est révélée fort regrettable, car plusieurs dispositions de simplification et de cohérence, adoptées lors du dernier examen du projet de loi par le Sénat, n’ont pu être intégrées dans la version définitive. Ces dispositions sont bien connues, puisque le Sénat les a déjà analysées et s’est déjà prononcé sur leur sort en les adoptant toutes, après un avis de sagesse ou un avis favorable du Gouvernement.
C’est pourquoi il nous paraît judicieux de les reprendre aujourd’hui. De nature différente, ces dispositions intéressent d'abord l’incompatibilité entre l’exercice du mandat municipal et l’emploi salarié au sein du centre communal d'action sociale de la commune d’élection, d’une part, et entre la fonction de conseiller communautaire et l’emploi salarié au sein de l’EPCI ou du centre intercommunal d'action sociale, d’autre part.
L’Assemblée nationale avait élargi l’incompatibilité du mandat de conseiller communautaire à l’exercice d’un emploi salarié au sein des communes membres de l’intercommunalité, même si la commission des lois du Sénat s’y était opposée en deuxième lecture, dans la perspective d’un examen d’ensemble du régime des incompatibilités.
Si la prévention des conflits d’intérêts commande l'interdiction d’être à la fois salarié et élu dans la même institution, l’incompatibilité introduite par l’Assemblée nationale pouvait être effectivement perçue comme excessive,…
M. Michel Mercier. Mais non ! Elle ne l'est pas du tout !
M. André Vairetto. … mais il convient de rester prudent dans ce domaine.
Autre aspect, l’abrogation de la réduction de deux unités de l’effectif des conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants : je pense honnêtement que le rétablissement de neuf conseillers municipaux était très attendu par les communes concernées. En effet, dans ces collectivités, le nombre de conseillers est important, car les élus municipaux, qui perpétuent une tradition de service, pallient ainsi l’absence de services municipaux. Ils s’astreignent souvent à une multiplicité de tâches qui constituent autant d’économies pour les communes.
M. André Reichardt. Il ne fallait pas les supprimer…
M. André Vairetto. Ces élus ne coûtent rien à la Nation ; au contraire, ils lui apportent beaucoup.
Par ailleurs, les aléas de la vie moderne font que les conseils municipaux terminent rarement leur mandat avec des effectifs complets. Dès lors, certains s’interrogent sur la possibilité de trouver assez de candidats pour siéger au conseil municipal dans ces petites communes. En l'occurrence, je crois honnêtement que le problème de la pérennité des communes concernées se poserait.
En Savoie, nous avons des communes de quarante ou soixante habitants, situées dans des territoires de montagne plutôt enclavés, où la vie sociale est très intense, si bien que le problème des candidatures ne se pose pas. Mais, s’il devait se poser, c’est la question même du maintien de ces entités qui serait posée.
M. Bruno Sido. C'est vrai !
M. André Vairetto. J’en viens à la clarification du calendrier et des modalités applicables aux opérations d’anticipation du processus de fusion d’EPCI au 1er janvier 2014.
Au moment où les décisions sont prises dans les départements par les commissions départementales de la coopération intercommunale, dans le cadre de l’élaboration des schémas, il importe que ces dispositions permettent de clarifier les modalités de constitution de l’organe délibérant du nouvel établissement résultant de la fusion au 1er janvier 2014 d’EPCI à fiscalité propre. Cette clarification permet aux communes qui choisiraient les nouvelles règles de répartition des sièges résultant de la loi du 16 décembre 2010 modifiée par la loi du 29 février 2012 et celle du 31 décembre 2012 d’anticiper la mise en place du nouveau système.
Concernant la vacance du siège de conseiller communautaire dans les communes de moins de 1 000 habitants, en cas de renoncement exprès d’un délégué à sa fonction, son remplaçant serait élu par le conseil municipal. Cette disposition, comme l’a dit le rapporteur, permet de valoriser l’esprit d’équipe et de mieux répartir les fonctions municipales et communautaires. Elle laisse surtout plus d’initiative au conseil municipal.
La proposition de loi a été utilement complétée par la commission. Je tiens d’ailleurs à saluer la sagacité et la perspicacité de notre rapporteur, qui a poursuivi avec rigueur le travail de simplification et de clarification engagé par le président de la commission des lois.
En premier lieu, les modifications contenues dans les articles de la proposition de loi devant se rapporter au texte même de la loi du 17 mai 2013, le rapporteur a déposé une série d’amendements de nature rédactionnelle et, par voie de conséquence, a souhaité préciser l’intitulé de la proposition de loi.
Ensuite, poursuivant jusqu’à son terme la logique engagée par l’Assemblée nationale, le sectionnement électoral dans les communes de 1 000 à 30 000 habitants a été supprimé, entraînant la suppression de l’article 4 de la proposition de loi relatif à la représentation dans le collège électoral sénatorial des communes associées devenues communes déléguées.
Cette disposition, votée par la commission, diffère de celle qui figurait initialement, mais elle me paraît pleinement justifiée. En effet, de nombreux élus expriment la difficulté d'assurer la cohérence d’une équipe municipale dès lors que subsistent des sections électorales où les enjeux sont appréhendés par les candidats non pas à l’échelle de la commune, mais par le prisme des différentes entités. Le maintien des sections avait une justification au moment de la fusion mais, après plusieurs années, l’argument apparaît moins probant.
Par ailleurs, il a été proposé d’enrichir le texte de plusieurs précisions utiles. Je pense aux modalités de l’élection du maire et des adjoints qui suit le renouvellement général du conseil municipal lorsque ce dernier est incomplet.
Il convient de citer également les modalités de désignation du conseiller communautaire suppléant, ainsi que les précisions apportées à la règle de calcul pour la composition de la liste des candidats au conseil communautaire. Nous entrons là dans des dispositions techniques, ainsi que l’illustre l’amendement que présentera le Gouvernement en complément de la proposition du rapporteur, dont nous discuterons le moment venu.
L'ensemble de la proposition de loi constitue un texte qui nous paraît cohérent, précis et complet à la suite du travail de la commission des lois, et qui peut faire l'objet d'un large consensus.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur de la proposition de loi a préalablement indiqué qu’elle avait deux objectifs : faciliter et préciser.
Je crois, monsieur le rapporteur, que l'objectif est plus large. Il s'agit également d'assouplir et de corriger le texte tel qu’il a été voté par l’Assemblée nationale.
Nous touchons ici, selon moi, à l'un des problèmes qu’entraîne l'absence de majorité, ici et à l’Assemblée nationale, sur des textes aussi majeurs. Si le projet avait pu être examiné dans des conditions normales, nous aurions pu trouver un accord dans le cadre de la commission mixte paritaire. Cela n’a pas été possible, si bien que le texte voté définitivement a été amputé de dispositions auxquelles nous étions très attachés.
Mais je salue l'effort qui a été fait. M. Richard porte depuis une trentaine d'années la plupart des textes qui touchent aux collectivités territoriales et à la décentralisation,…
Mme Nathalie Goulet. Cela ne nous rajeunit pas !
M. Jean-Claude Lenoir. … et je dois le féliciter pour le travail qui a été accompli. Je lui donne raison – y compris lorsque, à l'évidence, il y a un différend avec le Gouvernement ! – sur un certain nombre de points majeurs.
Le premier point concerne le nombre des conseillers municipaux dans les communes de moins de 100 habitants. Autant j’étais favorable à une diminution du nombre de conseillers municipaux à partir d’un seuil de 500 habitants, autant cette même diminution constitue une mesure vexatoire à l'égard des petites communes de moins de 100 habitants, dès lors qu’elles sont les seules dont l'effectif des conseillers municipaux est amputé.
On me dira qu’il est peut-être difficile, dans les petites communes, d'avoir suffisamment de candidats pour composer un conseil municipal.
Je connais dans mon département une petite commune de dix-huit habitants, Bresolettes : deux listes de neuf candidats se sont formées aux dernières élections municipales. (Sourires.) En réalité, avec les résidences secondaires, et pour les raisons que vous savez, les électeurs sont au nombre de vingt-trois. Bref, on ne peut pas dire que la commune a été déchirée, et le conseil municipal compte, aujourd'hui, neuf conseillers.
En ce qui concerne la possibilité pour un employé communal de siéger au conseil de communauté, pour ma part, je considère que les compétences d’une commune n’étant pas celles de la communauté de communes, un conseiller municipal peut très bien siéger dans un conseil de communauté puisque les compétences qu’il aura à exercer ne sont pas celles pour lesquelles il est salarié au sein de la commune. Je suis donc plutôt favorable, là aussi, à un assouplissement.
Le point le plus important, qui a fait débat dans mon département comme dans beaucoup d’autres, je suppose, concerne la façon dont est désigné le délégué communautaire si le maire renonce, par accord avec un membre de sa liste, à siéger au conseil de communauté.
Le système que vous proposez me paraît excellent. Il permet une plus grande liberté. Franchement, madame la ministre, dans les communes de moins de 1 000 habitants, laissons jouer la démocratie locale ! Les femmes et les hommes qui siègent au conseil municipal font preuve de cette intelligence pragmatique, terrienne, qui leur permettra de trouver une solution sans grande difficulté. C'est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable à la solution préconisée ici par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
Organisation des travaux
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons quarante-deux amendements à examiner : je vous propose de poursuivre en séance de nuit afin de terminer l’examen de ce texte. Nous devrions y parvenir, si vous êtes raisonnables, naturellement.
M. André Reichardt. À qui cela s’adresse-t-il, monsieur le président ? (Sourires.)
M. le président. À nous tous ! (Nouveaux sourires.)
Il n’y a pas d’observation ?...
Il en est ainsi décidé.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’avant-dernier alinéa de l’article 15 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« À défaut, il est procédé à une élection partielle dans le délai de trois mois à compter de la vacance du siège ; cette élection partielle a alors lieu au scrutin uninominal à deux tours. Dans ce cas, la déclaration de candidature de chaque candidat mentionne la personne appelée à le remplacer comme conseiller départemental, le candidat et son remplaçant étant de sexe différent. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Vous le savez, la décision du Conseil constitutionnel a créé une sorte de vide juridique dans le cas où un siège devient vacant et qu’il n’y a plus de suppléant.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous élaborons une nouvelle loi pour compléter la première. Quitte à faire, ne négligeons rien afin de ne pas être obligés de voter un troisième texte dans quelque temps ! Ce vide juridique doit absolument être comblé : c'est la raison pour laquelle j’ai présenté cet amendement relatif au remplacement des sièges vacants de conseillers départementaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, le sujet n’ayant été abordé ni dans la proposition de loi ni dans les réflexions du Gouvernement.
La position prise par le Conseil constitutionnel limite tout de même les possibilités de traiter le problème de la vacance de siège de conseiller départemental en l’absence de suppléant disponible. En effet, l’élection ouverte au candidat d’un seul sexe se trouverait confrontée à un obstacle constitutionnel. L’autre option, qui reviendrait à interrompre le mandat de l’autre conseiller départemental du binôme, soulèverait également une difficulté.
Il convient donc de prendre le temps de la réflexion. La solution serait vraisemblablement d’organiser une élection partielle pour un seul siège. Simplement – et je réponds ce faisant à M. Hyest, qui se demandait pourquoi nous ne comblions pas ce manque dès maintenant –, s'agissant de l’élection des conseillers départementaux, le texte actuel ne prévoit plus que des élections pour un binôme, et non pas pour un seul conseiller. Il faut donc réécrire l’ensemble du dispositif pour l’éventualité de cette élection partielle, qui est d'ailleurs rarissime, au regard des statistiques relatives aux vacances de postes de conseillers depuis que des suppléants existent.
Le Gouvernement dispose d’un délai pour pallier cette carence. Il n’a pas paru judicieux à la commission d’improviser sur ce sujet à ce stade de la discussion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le Gouvernement est du même avis que la commission, pour les raisons qui ont été exposées par M. le rapporteur.
Aujourd'hui, le texte ne permet pas de retenir cette possibilité dans des conditions satisfaisantes. Nous souhaitons que la solution soit différée. Il aurait effectivement fallu régler la question du sexe du remplaçant en cas de scrutin uninominal et prévoir les modalités d’organisation d’une élection si, dans les trois mois, le second membre du binôme ne peut être remplacé.
Pour toutes ces raisons, il a semblé sage au Gouvernement d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je voudrais répondre à l’argument selon lequel cet amendement n’entrerait pas dans le cadre de nos débats.
Autant que je sache, et j’en veux pour preuve le décret de convocation, le Président de la République a inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement la présente proposition de loi « portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales » : si la disposition que je propose ne concerne pas les collectivités locales, je n’y comprends plus rien ! Par conséquent, cet amendement s’insère parfaitement dans le débat, comme tous les amendements qui concernent les collectivités locales.
Je ne peux pas plus accepter l’autre argument selon lequel on ne saurait pas comment réaliser le scrutin, mon amendement précisant justement que l’élection a lieu au scrutin uninominal à deux tours, comme c’était le cas jusqu’à présent dans les cantons pour l’élection des conseillers généraux.
Telles sont les raisons pour lesquelles je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 46 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation au b du III, pour les départements du Val-de-Marne, des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis, le territoire d’un canton peut être discontinu par un bois appartenant à une commune tierce d’un département limitrophe. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Lors de nos débats sur ce qui allait devenir la loi portant réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, le Sénat avait adopté un amendement de nos collègues UMP Mme Procaccia et M. Cambon, visant à permettre que le territoire d’une intercommunalité puisse ne pas être continu, réservant cette dérogation aux départements de la petite couronne de Paris.
En effet, cet amendement prévoyait que deux communes non contiguës, parce qu’elles sont séparées par un bois appartenant à une commune tierce, pouvaient constituer entre elles, éventuellement avec d’autres communes, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cette proposition permettait de prendre en compte des réalités territoriales en lien avec l’existence des bois de Boulogne et de Vincennes, en particulier, qui font partie du territoire de la commune de Paris.
Cette rupture territoriale n’empêche pas des destins communs, des unités de projets fondés sur des réalités partagées en raison même de la proximité de ces communes avec la capitale, partageant de fait la même frontière avec cette dernière. Cette proximité avec Paris est une réalité, de par son importance en termes économique, social, démographique. Compte tenu de leurs relations avec la capitale, ces communes forment finalement un territoire de grande cohérence sans pour autant s’inscrire dans un territoire strictement continu.
Ce sont ces mêmes raisons qui sous-tendent notre amendement. En effet, en vous proposant de modifier l’article 46 de la loi du 17 mai 2013, nous vous soumettons cette même dérogation pour le territoire d’une circonscription cantonale. Ce faisant, de façon tout à fait exceptionnelle, le territoire d’un canton pourrait être discontinu, si et seulement si ce qui sépare son périmètre est un bois appartenant à un département tiers.
Cette possible configuration ne se retrouve nulle part ailleurs, nous semble-t-il, sur le territoire national. Elle n’existe qu’en petite couronne de la région d’Île-de-France. Face à cette situation exceptionnelle, nous vous proposons de répondre par une dérogation de même nature en nous appuyant en quelque sorte sur le principe du parallélisme des formes, c'est-à-dire en permettant que ce qui est possible pour une intercommunalité le soit aussi pour une circonscription cantonale.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission a donné un avis favorable à cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, j’ai bien entendu les arguments que vous avez développés pour défendre cet amendement, auquel la commission a donné un avis favorable. Ce n’est pas le point de vue du Gouvernement.
Vous souhaitez créer une exception au critère de continuité territoriale. À cet égard, je rappellerai simplement les termes du IV de l’article L.3113-2 du code général des collectivités territoriales : « Il n’est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ou par d’autres impératifs d’intérêt général. »
Or il ne semble pas que le fait de rattacher deux communes séparées par un bois constitue un motif d’intérêt général suffisant. Par ailleurs, cela ne constitue pas non plus une considération géographique suffisante telle que l’entend le Conseil constitutionnel, c’est-à-dire qui se rattache au principe d’insularité, au relief, à l’enclavement, à la superficie. La situation que vous évoquez n’est donc pas concernée.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je trouve l’amendement de M. Favier tout à fait curieux, et je vais m’en expliquer.
Après la guerre de 1914-1918, des communes ont été indemnisées par l’État parce qu’elles avaient été rasées ou endommagées, et certaines d’entre elles ont acheté des forêts en Haute-Marne, département libre et vide… Pour autant, madame la ministre, ce n’est pas parce qu’une commune du Nord ou du Grand Est a acheté un bois en Haute-Marne que ce bois n’est pas en Haute-Marne.
Même si une commune a acheté un bois, monsieur Favier, celui-ci n’en reste pas moins situé sur une commune donnée ; il n’y a pas de discontinuité.
Je considère par conséquent, mes chers collègues, que cet amendement est sans objet et que M. Favier devrait le retirer.
M. Jean-Jacques Hyest. Il vise pourtant une situation très précise.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Je n’entrerai pas dans des considérations sur les bois de la Marne. (Sourires.) Mon amendement porte sur la situation très spécifique de la petite couronne, où les bois de Boulogne et de Vincennes sont respectivement enclavés dans les départements voisins des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne.
Dans cette zone, certaines communes géographiquement extrêmement proches, bien que séparées par le bois, ont aujourd’hui la possibilité d’être membres de la même intercommunalité. Pourquoi celles-ci ne feraient-elles pas partie de la même circonscription cantonale, puisque nous avons accepté qu’elles appartiennent à une même intercommunalité ?
C’est en ces termes que la question est posée. Bien que cette situation soit tout à fait spécifique, elle a son importance au moment où nous travaillons à une redéfinition de la carte électorale sur la base de cantons élargis, qui se heurtent à cet obstacle.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je comprends bien ce que veut dire M. Favier, mais le bois de Vincennes et le bois de Boulogne relèvent, que je sache, du territoire de la commune de Paris. La propriété domaniale privée ne peut pas avoir pour conséquence de créer une discontinuité territoriale. C’est le territoire de la commune de Paris tel qu’il est dessiné qui provoque cette discontinuité.
En l’état, cet amendement ne peut pas être voté, parce qu’il n’a pas de sens.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. S’agissant de découpage, si chacun vient avec un cas particulier, on n’en sortira plus : qui aura un étang, qui une petite île au milieu de cet étang…
Mme Jacqueline Gourault. Et des canards ! (Sourires.)
M. Jean Louis Masson. Nous pourrions tous exposer des cas particuliers ou chercher à régler une question locale, mais ce ne serait ni raisonnable ni pertinent : on sait où cela commence, pas où cela s’arrête !